compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

Secrétaires :

M. Bruno Gilles,

M. Serge Larcher.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias
Demande de réserve

Liberté, indépendance et pluralisme des médias

Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias (proposition n° 446, texte de la commission n° 519, rapport n° 518, avis n° 505), en examen conjoint avec la proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions, présentée par MM. David Assouline, Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain (proposition n° 416, rapport n° 518).

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avions commencé l’examen de ces deux propositions de loi le 6 avril dernier.

Demande de réserve

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias
Article 1er

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, rapporteur. La commission demande la réserve jusqu’à cet après-midi, seize heures quinze, de l’article 1er ter et de l’amendement n° 11 rectifié portant article additionnel après l’article 1er ter, afin de permettre à M. Portelli, rapporteur pour avis de la commission des lois à laquelle nous avons délégué au fond l’examen de cet article et de cet amendement, de pouvoir nous rejoindre.

M. le président. Je suis saisi par la commission de la culture d’une demande de réserve, jusqu’à la reprise de la séance, à seize heures quinze, de l’article 1er ter et de l’amendement n° 11 rectifié portant article additionnel après l’article 1er ter.

Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande formulée par la commission ?

Mme Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la communication. Avis favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Demande de réserve
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er (suite)

Après l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 2 bis ainsi rédigé :

« Art. 2 bis. – Tout journaliste, au sens du 1° du I de l’article 2, a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d’émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à la charte déontologique de son entreprise ou de sa société éditrice.

« Toute convention ou tout contrat de travail signé entre un journaliste professionnel et une entreprise ou une société éditrice de presse ou de communication audiovisuelle entraîne l’adhésion à la charte déontologique de l’entreprise ou de la société éditrice.

« Les entreprises ou sociétés éditrices de presse ou audiovisuelles qui en sont dénuées se dotent d’une charte déontologique avant le 1er juillet 2017. Pour les entreprises ou sociétés éditrices audiovisuelles, le comité institué à l’article 30-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est consulté dans le cadre de l’élaboration de la charte. »

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

charte déontologique de l’entreprise ou de la société éditrice

par les mots :

charte des droits et devoirs des journalistes de Munich et à la charte d’éthique professionnelle des journalistes

II. – Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Nous craignons que les discussions qui présideront à la rédaction des chartes déontologiques que l’on qualifie de « maison » ne soient pas toujours favorables aux journalistes. Un encadrement international nous paraît donc préférable.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer le mot :

dénuées

par le mot :

dépourvues

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Barbier, Collombat et Guérini, Mme Laborde et M. Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

déontologique

insérer les mots :

rédigée conjointement par la direction et les représentants des journalistes

La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. La charte déontologique dont doivent se doter les entreprises de presse ou audiovisuelles avant le 1er juillet 2017 est un texte en vertu duquel le journaliste ne peut être contraint à accepter un acte qui y serait contraire.

Le contenu de la charte déontologique est de première importance pour les journalistes, car il fonde en partie leur droit d’opposition. C’est pourquoi cet amendement a pour objet de rétablir la disposition prévoyant que la charte déontologique est élaborée conjointement par la direction et les représentants des journalistes.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner, Manable, D. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

déontologique

insérer les mots :

élaborée par les journalistes et l’équipe dirigeante

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Qu’est-ce qui fonde le droit d’opposition du journaliste ? Lors de la rédaction de notre proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions, nous, sénateurs socialistes, avions répondu son « intime conviction dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle ». Cette formule nous avait semblé plus précise, plus explicite que celle néanmoins très proche d’« intime conviction professionnelle » retenue dans la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias issue de l’Assemblée nationale.

Cette dernière rédaction reprend mot pour mot le dispositif prévu au paragraphe VI de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986, qui s’applique aux journalistes de l’audiovisuel public. Ce dispositif a d’ailleurs été introduit dans la loi de 1986, en 2009, par le biais d’un amendement que j’avais proposé au nom des sénateurs socialistes. Toutefois, on peut comprendre que ce qui s’applique dans le cas d’un service de télévision publique ne puisse être généralisé à l’ensemble des journalistes de l’audiovisuel ou de la presse. La ligne éditoriale d’un titre d’un groupe privé requiert en effet une adéquation totale des journalistes à celle-ci et, donc, une marge d’exercice du droit d’opposition davantage encadrée que dans une grande chaîne généraliste du service public.

Lors des travaux de la commission, notre rapporteur a indiqué que le caractère intime de la conviction professionnelle lui posait problème. Elle a ainsi souhaité que le droit d’opposition d’un journaliste ne puisse s’exercer que par référence à la charte déontologique de son entreprise.

À travers cet amendement, je souhaite proposer une voie médiane entre la rédaction issue des travaux de notre commission et celle de l’Assemblée nationale. Il me semble que l’exercice du droit d’opposition repose tout de même sur la conviction de celui qui l’exerce. En revanche, il est évident que cette conviction doit se former au regard de la charte déontologique de son entreprise. Je demande donc qu’aucun journaliste ne puisse être contraint à accepter un acte qui serait contraire à sa conviction formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer le mot :

juillet

par le mot :

janvier

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement a pour objet d’avancer la date de mise en place des chartes déontologiques au 1er janvier 2017, soit environ six mois après l’entrée en vigueur du texte de loi dont nous débattons.

La date du 1er juillet 2017 nous semble en effet très lointaine et déraisonnable au regard des échéances qui nous attendent d’ici à ce terme. Fixer un tel délai reviendrait à enterrer la réforme.

Je suis bien conscient que, dans le secteur de l’audiovisuel, un délai très bref pourrait s’avérer problématique puisqu’il faudra adapter toutes les conventions. C’est pourquoi notre amendement n° 40 tend à créer un garde-fou au cas où surviendrait un litige : les déclarations et les usages professionnels relatifs à la profession de journaliste pourront être invoqués.

Je le répète, il me semble préférable de fixer la date au début de l’année 2017. Cela enverra un signal fort tout en laissant six mois aux entreprises qui n’ont pas de charte à l’heure actuelle pour s’atteler au travail de rédaction d’un tel texte.

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

À défaut de conclusion d’une charte avant le 1er janvier 2017 et jusqu’à l’adoption de celle-ci, les déclarations et les usages professionnels relatifs à la profession de journaliste peuvent être invoqués en cas de litige.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement a pour objet de préciser les modalités de règlement de litiges internes à la profession en l’absence de charte après le 1er janvier 2017. Il prévoit ainsi une possibilité d’invocation des déclarations et des usages relatifs à la profession de journaliste au cas où surviendrait un litige.

Les dispositions que cet amendement tend à introduire constituent la contrepartie des dispositions précédemment évoquées visant à anticiper de six mois la date d’élaboration de la charte.

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La charte déontologique de l’entreprise ou de la société éditrice ne peut minorer les engagements de la charte des droits et devoirs des journalistes signée à Munich le 24 novembre 1971 et de la charte d’éthique professionnelle des journalistes.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Notre collègue Abate a parlé de charte « maison ». Si nous concevons que les spécificités de telle ou telle publication justifient des déclinaisons spécifiques dans la rédaction des chartes déontologiques, nous pensons toutefois nécessaire que soit respectée une forme de hiérarchie des normes. C’est pourquoi nous voulons préciser que la charte déontologique de l’entreprise ou de la société éditrice ne peut minorer les engagements de la charte des droits et devoirs des journalistes signée à Munich le 24 novembre 1971 et de la charte d’éthique professionnelle des journalistes.

Ce seuil d’exigence me semble très utile compte tenu des affaires qui défraient actuellement la chronique en France. Près de chez moi, en Belgique, le licenciement d’une journaliste, dont j’apprécie beaucoup la clarté d’expression, suscite l’émotion. Correspondante au Caire, cette journaliste couvrait la disparition de l’avion de la compagnie Egyptair. Elle a reçu l’ordre de son éditeur d’insister sur la tristesse des familles et de remettre en cause la sécurité de la compagnie égyptienne. Or elle n’avait rencontré aucune famille à l’aéroport, ces dernières ne souhaitant pas parler aux médias, et la cause de l’accident n’étant pas connue au moment des faits, elle ne pouvait savoir si l’accident était effectivement dû à une déficience technique ou à un acte de terrorisme. Elle a donc refusé d’écrire ce que son éditeur exigeait et a été remerciée au motif qu’elle n’était pas « opérationnelle ».

Si la charte de Munich constituait un seuil d’exigence commun à toutes les rédactions, cette journaliste serait toujours correspondante du journal en question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Après avoir consacré le droit d’opposition du journaliste lors de notre débat au mois d’avril, nous abordons maintenant la charte déontologique. Je rappelle que le principe de cette charte a été introduit à l’Assemblée nationale par le groupe Les Républicains. Ces amendements en discussion commune ont pour objet d’en préciser le contenu, les modalités et le délai imparti à son élaboration.

L’amendement n° 1 tend à imposer la charte de Munich et celle de 1918 à l’ensemble des entreprises de presse ou audiovisuelles. Permettez-moi de rappeler que beaucoup d’entreprises se sont déjà dotées d’une charte et qu’une première tentative d’imposer une charte unique à l’issue des états généraux de la presse de 2009 avait déjà échoué.

Si je rejoins votre souci, monsieur Abate, qu’un référentiel commun permette de guider la rédaction des chartes, nous avons pu constater lors de nos auditions que la plupart des nombreuses chartes existantes découlent de fait d’un même référentiel. Imposer a posteriori une charte identique ne me semble respectueux ni de l’histoire ni de la culture des entreprises qui ont pris soin, avant même que cela ne leur soit imposé par la loi, de faire ce travail. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 38 vise à remplacer le mot « dénuées » par le mot « dépourvues ». Ces deux mots ont exactement le même sens dans le dictionnaire, mais si ce changement peut vous faire plaisir, monsieur Assouline, je n’y vois pas d’inconvénient.

Les amendements nos 33 rectifié et 39, bien que différents dans leur rédaction, visent tous deux à ce que la charte soit établie par les journalistes et l’équipe dirigeante.

La commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements, mais, personnellement, je n’y suis pas très favorable. Si une majorité d’entreprises, notamment celles qui comptent des sociétés de journalistes, se sont déjà dotées d’une charte, je ne vois pas très bien comment ce travail de coélaboration pourrait être mené dans une entreprise où les journalistes, qui peuvent être des centaines, ne seraient pas organisés en société de journalistes. En outre, l’ensemble des représentants des entreprises que nous avons auditionnés ne sont pas favorables à une telle disposition, demandant à ce que l’on fasse confiance au dialogue au sein de leur rédaction.

L’amendement n° 41 vise à avancer la date à laquelle doit être rédigée la charte. Notre commission a émis un avis favorable, mais, personnellement, j’y suis défavorable, parce que je pense qu’il faut laisser aux entreprises le temps de s’organiser pour s’acquitter de cette obligation nouvelle.

Monsieur Assouline, je le répète, les chartes déontologiques ont été introduites dans le texte sur l’initiative du groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale. Le sujet ne sera donc pas enterré. Par respect pour les entreprises de presse qui, je le rappelle, n’étaient pas demandeuses d’un texte législatif sur ce sujet, laissons du temps au temps.

L’amendement n° 40 tend à introduire une précision tout à fait utile. J’émets donc un avis favorable. Toutefois, par cohérence, il conviendra de rectifier la date du 1er janvier 2017 dans le cas où le vote de notre assemblée rejoindrait mon avis personnel sur l’amendement précédent.

Enfin, sur l’amendement n° 39 du groupe écologiste, pour les raisons précédemment évoquées concernant l’amendement n° 1, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Madame la rapporteur, la commission a émis un avis favorable sur les amendements nos 33 rectifié et 39, auxquels vous êtes personnellement défavorable. Les deux amendements n’étant toutefois pas identiques, pourriez-vous préciser la position de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Vous avez raison, monsieur le président, ces deux amendements ont le même objet, mais leur rédaction diffère. La commission a une préférence pour l’amendement n° 39.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. À travers l’amendement n° 1, M. Abate soulève la question de la valeur normative qu’il convient de conférer à la charte de Munich et à la charte d’éthique professionnelle des journalistes établie en 1918 et révisée en 2011. Dans la mesure où il existe déjà des chartes déontologiques, ces références doivent rester d’ordre doctrinal et non être consacrées par la loi. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable. Toutefois, en l’absence de charte – ce point important est visé dans l’amendement n° 40 de M. Assouline –, les journalistes doivent pouvoir se référer à ces textes en cas de litige.

Concernant l’amendement n° 38, qui est rédactionnel, le Gouvernement y est favorable.

Je partage la préoccupation des auteurs de l’amendement n° 33 rectifié, qui tend à prévoir une concertation entre la direction de l’entreprise et les représentants des journalistes pour l’établissement de la charte. Il me semble néanmoins que la rédaction proposée à l’amendement n° 39, qui fait référence non pas aux représentants des journalistes mais aux journalistes eux-mêmes, est plus équilibrée en termes de concertation. Le Gouvernement sollicite donc le retrait de l’amendement n° 33 rectifié au profit de l’amendement n° 39.

L’amendement n° 41 vise à modifier la date à partir de laquelle les entreprises doivent être dotées d’une charte déontologique. Je comprends la volonté d’assurer une mise en œuvre rapide de la mesure, mais, comme cela a été dit, adopter une charte déontologique prendra du temps, d’autant que nous demandons à ce que celle-ci soit rédigée en concertation avec les journalistes. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat pour déterminer si la date doit être fixée le 1er janvier ou le 1er juillet.

L’amendement n° 40 tend à permettre aux journalistes, à défaut de conclusion d’une charte, d’invoquer les déclarations et les usages professionnels en vigueur en cas de litige. Cette précision me semble utile, et j’y suis tout à fait favorable. Toutefois, compte tenu de la référence à la date du 1er janvier 2017, le Gouvernement s’en remet, comme pour l’amendement précédent, à la sagesse du Sénat.

Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 59, qui tend à conférer une valeur normative à la charte des droits et devoirs des journalistes de Munich et à la charte d’éthique professionnelle des journalistes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. Comme l’a dit Mme la rapporteur, il est préférable de ne pas imposer de charte unique, comme le prévoit l’amendement n° 1. Chaque structure doit en effet pouvoir rédiger sa propre charte en référence à son histoire, tout en respectant éventuellement un référentiel commun.

Je partage l’avis donné à titre personnel par Mme la rapporteur sur les amendements nos 33 rectifié et 39, dont il a été précisé qu’il divergeait du vote émis par la commission lors de sa dernière réunion.

Je partage également la position de notre rapporteur sur l’amendement n° 41, qui vise à raccourcir le délai pour se doter d’une charte déontologique, car il faut laisser aux entreprises le temps de la rédiger et d’y réfléchir en profondeur.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. La nuit dernière, notre assemblée a adopté le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Le premier mot de son titre était déjà « liberté ». À la fin de la discussion générale, Mme la ministre a indiqué dans sa réponse aux orateurs que toute liberté devait être régulée. Je partage totalement ce point de vue, mais, entre régulation et encadrement, il peut y avoir des niveaux de contrainte différents. Or je ne suis pas loin de penser que, à l’usage, on s’apercevra que le niveau de contrainte est relativement élevé.

Si je fais référence à ce texte, c’est parce que nous retrouvons exactement la même problématique avec la proposition de loi dont nous reprenons l’examen ce matin. Le premier mot de son titre est également « liberté » et, dans le cadre de cette notion de liberté, une charte déontologique est proposée. Certes, une telle charte va bien dans le sens de la liberté de la presse. Mais, par pitié, ne cherchez pas à préciser ce qu’elle doit contenir, ce qu’est la déontologie, qui doit négocier et dans quel délai, sinon vous allez rajouter des éléments normatifs qui vont à l’encontre du principe de liberté que vous souhaitez défendre.

Si je l’exprimais autrement, je dirais que la société française a perpétuellement un manque de confiance en elle-même qui est très étonnant. Pour ma part, je voudrais exprimer ma confiance à l’égard des journalistes et des entreprises de presse. C’est pourquoi je soutiens notre rapporteur, qui plaide pour l’introduction de la charte déontologique mais sans chercher à rajouter encore une couche normative ou administrative pour la définir.

Permettez-moi pour conclure de dire que je trouve quelque peu paradoxal d’avoir cette discussion sur le terrain de la liberté de la presse en ce jour où nous sommes privés de presse… Je ne demande pas à cette occasion qu’une nouvelle réglementation soit édictée mais simplement qu’on fasse confiance aux acteurs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Madame Jouve, l'amendement n° 33 rectifié est-il maintenu ?

Mme Mireille Jouve. Non, je le retire au profit de l’amendement n° 39 de M. Assouline.

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié est retiré.

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 39.

M. David Assouline. J’interviens pour rectifier mon propos, parce que, lorsque cet amendement a été appelé, je me suis certes exprimé sur le sujet, mais pas précisément sur cet amendement.

Nous avons bien compris que l’élaboration d’une charte posait problème à de nombreux acteurs. Certains ne veulent pas avoir à s’asseoir autour de la même table pour s’y atteler. Ici, on nous dit que la rédaction doit accomplir cette mission, mais représente-t-elle l’ensemble des personnes concernées par la charte ? Ailleurs, on pense que seules les organisations représentatives ont compétence pour le faire, mais s’agit-il de défendre des droits sociaux ? Non, ces questions touchent à la déontologie des journalistes ! En outre, certaines équipes dirigeantes ne voudraient pas se mêler de cette élaboration.

Si j’ai proposé cette rédaction, c’est parce que je pense que la proposition de loi ne peut s’exonérer d’une référence précise aux auteurs de la charte déontologique. Certains nous ont d’ailleurs alertés sur les problèmes de blocage qui risquent de se poser si les modalités de rédaction de la charte ne sont pas clairement établies.

Cet amendement tend à prévoir que la rédaction se charge de l’élaboration de la charte conjointement avec l’équipe dirigeante de l’entreprise concernée. Cette formule, « la rédaction », permettra en outre d’octroyer une certaine reconnaissance aux rédactions, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans notre droit. Elle permettra d’ouvrir une concertation sur un sujet qui ne relève pas de la représentation sociale et d’en charger les premiers intéressés par le contenu de la charte.

Ce point peut sembler annexe, mais de nombreuses personnes auditionnées ont indiqué qu’il s’agissait d’un sujet sensible. Aussi, cette formulation permettra aux organisations représentatives ou aux sociétés de journalistes, par exemple, en fonction de l’organisation de l’entreprise, d’être parties prenantes. L’adoption de cet amendement est de nature à débloquer certaines situations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Eu égard au résultat du vote sur l’amendement n° 41, peut-être conviendrait-il de rectifier l’amendement n° 40 ?

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Par cohérence, la date figurant dans l’amendement n° 40 devrait effectivement être modifiée, monsieur le président. Aussi, je me tourne vers l’auteur de l’amendement pour savoir s’il souhaite procéder à cette rectification ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. Ce qui est en train de se passer est un peu surréaliste. Alors que la commission s’est prononcée favorablement sur des amendements, Mme la rapporteur – en l’occurrence, la présidente de la commission – donne du bout des lèvres, en séance publique, l’avis de la commission et exprime immédiatement après son avis personnel, qui est contraire. Elle est ensuite confortée par ses collègues de la majorité sénatoriale. Mais c’est là outrepasser un peu les règles du jeu, et c’est regrettable !

Je ne conteste absolument pas le droit à nos collègues de droite d’être hostiles à de tels amendements. Mais il faut avoir l’esprit sportif, si je puis m’exprimer ainsi : quand on a perdu en commission, il faut être capable de le dire et il faut laisser la démocratie s’exercer.