M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je voudrais remercier mon collègue Alain Joyandet pour son rappel de l’intérêt de transférer de la fiscalité de la production vers la consommation. Le coût du travail est en partie responsable du chômage dans notre pays.

Mme Éliane Assassi et M. Jean-Pierre Bosino. C’est le travail qui crée la richesse !

M. Olivier Cadic. Je remercie également notre rapporteur d’avoir rappelé l’action de Jean Arthuis dans ce domaine, notamment à travers son rapport de 1993. Les frontières de l’Union européenne venaient d’être ouvertes, et il expliquait que le monde avait changé, qu’il ne fallait pas que nos entreprises produisant en France soient en difficulté parce que les charges y étaient plus lourdes, et qu’il fallait donc transférer la fiscalité de la production vers la consommation.

C’était il y a vingt ans, et je m’en rappelle très bien parce que mon entreprise d’électronique était l’une des premières confrontées à cette vague, et que j’ai dû partir pour faire en sorte qu’elle résiste. Évoquer cela revient toutefois à retourner le couteau dans la plaie, puisque, en 2007, un certain Jean-Louis Borloo, ministre des finances éphémère du premier gouvernement de Nicolas Sarkozy, avait justement défendu cette approche, mais cela avait été reporté avant d’être finalement voté hélas, et je vous remercie de l’avoir dit, monsieur Joyandet, sans doute un peu trop tard.

Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, chaque jour nous rapproche de ce mouvement. Je suis également d’accord avec vous pour dire que cet amendement relève de la loi de finances. Soyons patients, le coût du travail est responsable, mais il n’est pas le seul responsable de notre chômage, la complexité de notre droit l’est aussi et c’est pour cela et à cela que nous travaillons maintenant.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. Je ne dirai que quelques mots pour soutenir l’amendement d’Alain Joyandet. Nous sommes dans cet hémicycle non pas pour dire quel est le gouvernement qui aurait le plus fauté en matière de chômage, mais, sachant que personne ici ne détient « la » vérité ni ne prétend trouver « la » solution, pour essayer de trouver des leviers permettant d’enrayer le mal qui frappe notre pays.

La TVA sociale qui a été expérimentée dans d’autres pays est un levier efficace. Il n’est pas parfait, mais il s’inscrit dans une logique permettant de faire en sorte que les produits importés payent une petite partie de nos charges sociales, tandis que les prix des produits fabriqués dans notre pays n’augmenteront pas puisque l’on diminuera d’autant le coût de production par la réduction des charges sociales.

C’est un système logique, qui a fait ses preuves dans d’autres pays et que je soutiens donc très fortement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bosino. M. Raison est logique dans sa logique,…

M. Jean-Claude Lenoir. Il a raison !

M. Jean-Pierre Bosino. … qui est aussi celle de MM. Cadic et Joyandet. Comme l’a dit Annie David, ce sont toujours les mêmes recettes qui sont préconisées. Vous souhaitez baisser le coût du travail, car vous considérez que le travail est d’abord un coût.

M. Michel Raison. Je n’ai pas dit ça !

M. Jean-Pierre Bosino. Nous, nous considérons que le travail est d’abord une richesse, et qu’il est créateur de richesse. Là est toute la différence.

Le CICE n’est déjà pas une bonne mesure. Il coûte cher pour des résultats quasi nuls en termes d’emploi. Mais vous voulez transférer encore davantage de charges vers les consommateurs avec ce que vous appelez « la TVA sociale ».

C’est quand même fort en termes d’abus des mots ! Vous parlez de coût du travail plutôt que de richesse, de plan de sauvegarde de l’emploi plutôt que de licenciements, et maintenant la TVA devient « sociale » alors que c’est l’impôt le plus injuste qui puisse exister, puisqu’il frappe les gens quels que soient leurs revenus. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.)

Les dispositions que vous proposez vont toujours dans le même sens, parfaitement injuste. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. J’ai entendu les arguments du rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne : sans débattre sur le fond du dispositif que veut promouvoir notre collègue Alain Joyandet, ce n’est peut-être pas le lieu de voter la TVA compétitivité ou TVA sociale.

Toutefois, j’ai la conviction que le dispositif décrit et soutenu par notre collègue sera positif pour la France. (M. Jean-Claude Lenoir opine.) Mes chers collègues, nous pouvons au moins nous en tenir à observer la situation existant au Danemark ou en Allemagne : dès lors que les systèmes sociaux sont en compétitivité, si vous êtes contre le dumping social, vous pouvez défendre l’idée de « déporter » les recettes dont a besoin la sécurité sociale, pas uniquement celles qui portent sur le travail intégré dans les produits français vendus en France et ailleurs, mais surtout en France, mais aussi celles qui concernent les produits étrangers vendus en France, afin que ceux-ci puissent contribuer à l’équilibre de nos comptes sociaux.

Je ne vois pas quel parlementaire pourrait s’opposer à l’idée d’une compétitivité au moins sociale. Si, demain, la sécurité sociale n’a pour assiette que le travail, alors, vous le verrez, elle sera confrontée à de graves difficultés. (M. Jean-Claude Lenoir opine de nouveau.)

M. Jean-Pierre Bosino. Il faut faire contribuer davantage le capital !

M. Bruno Retailleau. Le Sénat avait commis un rapport il y a quelques années sur ce sujet. L’un de nos collègues nous a alertés sur le fait que la TVA compétitivité allait accroître le prix des produits français. C’est faux !

Dans un monde dans lequel sévit une extrême concurrence, on n’a pas observé d’inflation, ni d’augmentation des prix dans les pays ayant baissé les cotisations sociales, mais, en revanche, le chômage a baissé…

M. Jean-Pierre Caffet. C’est magique !

M. Bruno Retailleau. … et la balance commerciale a augmenté positivement, ce qui a eu des effets sur l’emploi. Pour la sécurité sociale, pour l’emploi, pour la balance commerciale, la TVA sociale est une mesure positive. On y reviendra. Je me rallierai évidemment à l’avis du rapporteur, mais Alain Joyandet a eu raison d’engager le débat ici au Sénat.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je veux rappeler quelques points essentiels qui ont été soulevés.

Madame la ministre, on peut dresser aujourd'hui le bilan du CICE.

Mme Nicole Bricq. Non, nous avons les chiffres de 2013 !

M. René-Paul Savary. On voit bien que le calcul est particulièrement compliqué : c’est au fil des années que cette mesure a pu être productive. Elle a créé un effet d’aubaine pour un certain nombre d’entreprises – tout le monde sait lesquelles sont ici visées ! Le CICE a donc ses limites.

D’ailleurs, des mesures avaient été prises pour combler les distorsions qui sont apparues. Le CICE posait un certain nombre d’autres problèmes, notamment des distorsions de concurrence, pour l’économie sociale et solidaire.

Même s’il a permis aux entreprises de récupérer sous forme de crédit d’impôt 27 milliards d’euros, ce n’est là que leur rendre leur argent ! Depuis quelques années, elles ont été ponctionnées bien plus largement que cela ! Cette mesure a été prise en catastrophe…

M. René-Paul Savary. … quand on s’est rendu compte que les entreprises n’étaient plus compétitives tant elles étaient ponctionnées.

Pour conclure, je veux dire qu’une telle mesure doit être prise en début de mandat et non pas en fin de mandat.

Mme Nicole Bricq. C’est ce que l’on a fait avec le CICE !

M. René-Paul Savary. On le voit bien, madame la ministre, les mesures prises en fin de mandat, telles que celles que vous défendez dans ce projet de loi, sont de nature à créer des difficultés. Dans le cas contraire, vous n’en récolterez même pas les fruits.

Tout cela mérite donc d’être discuté dans le cadre d’une stratégie et d’un projet novateur. (M. Olivier Cadic applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, je serai bref, car tout a été dit.

Le CICE présente un avantage, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un crédit d’impôt perçu après le bilan. Pour créer des emplois ou soumissionner pour des marchés, les petites entreprises notamment tiennent compte de leurs frais, dont leurs charges actuelles : elles ne projettent pas de bénéficier du CICE un an et demi plus tard.

La TVA sociale défendue par M. Alain Joyandet est une bonne décision : elle permet de faire baisser immédiatement les charges, en particulier pour les petites entreprises qui n’ont pas beaucoup de trésorerie, et pourront alors créer tout de suite des emplois, sans attendre de percevoir le CICE un an et demi après.

Je ne reviendrai pas sur les effets engendrés sur les produits importés, M. Raison les a évoqués. L’augmentation de la TVA sur les produits importés peut être une bonne mesure, notamment pour l’agriculture.

Concernant les créations d’emploi, cela a été dit précédemment, elles ont peut-être été au rendez-vous, je n’en connais pas exactement le nombre. Mais, il faut le dire, grâce au CICE, certaines entreprises ont pu maintenir leur trésorerie, et ainsi conserver des emplois : elles avaient tout de même été massacrées au cours des deux premières années du quinquennat.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler. Je suivrai l’avis du rapporteur, tout en affirmant de nouveau que la TVA sociale est une bonne décision.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je soutiens sans réserve la proposition de notre collègue Alain Joyandet.

Permettez-moi d’insister sur un point. Nous le savons, notre pays souffre d’une absence d’attractivité, et ce à deux niveaux.

Une attractivité pour les jeunes, pour ceux qui veulent créer.

Nous avons entendu précédemment un témoignage extrêmement intéressant de notre collègue Olivier Cadic, qui a rappelé qu’il avait choisi d’aller à l’étranger pour développer son activité.

Une attractivité pour les investissements étrangers en France.

Voilà trois semaines, le quotidien Les Échos a publié une étude extrêmement intéressante et très significative. Alors que les trois ou quatre pays majeurs qui nous entourent – il n’est pas nécessaire de les désigner ! – ont vu leur taux d’investissements étrangers progresser de 14 % au cours des cinq dernières années, le taux d’investissements étrangers en France s’est maintenu au même niveau pendant quatre ans, …

M. Jean-Pierre Caffet. Quel rapport avec la TVA sociale ?

M. Jean-Claude Lenoir. … et a connu un fléchissement de 2 % en 2015.

Il y a un décalage extraordinaire, malheureusement pour nous, entre les investissements réalisés en France et ceux qui sont réalisés dans les pays qui nous entourent. Pourquoi cette situation ? Les dirigeants des entreprises qui ont à choisir entre plusieurs pays le disent, cela est dû à la lourdeur du code du travail, au coût du travail, avec des effets très pénalisants.

Jean-Pierre Bosino nous a expliqué que le travail était non pas une charge, mais une richesse.

M. Jean-Claude Lenoir. Soit ! Mais la richesse est partagée par beaucoup de pays. Les gisements d’emplois sont à la fois plus nombreux et se sont étendus au cours des dernières années. On ne peut pas faire abstraction de l’attractivité exercée par des pays voisins, qui offrent une main-d’œuvre qualifiée et des conditions de travail satisfaisantes, avec, dans le même temps, des charges financières et administratives moins lourdes.

Pour ma part, je plaide pour une plus grande attractivité si l’on veut créer des emplois en France.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Je serai bref. Je suis très favorable à la TVA sociale pour financer notre protection sociale. (M. Patrick Abate s’exclame.)

Je veux m’adresser à nos collègues communistes qui nous objectent que les classes sociales les moins fortunées paieront. Un ménage avec un revenu de 1 500 euros par mois s’acquittera sans doute d’une TVA à 7 % et à 10 %. Mais un ménage gagnant 6 000 euros par mois et au-delà paiera quatre fois plus de TVA…

Mme Éliane Assassi. Forcément ! Il gagne quatre fois plus !

M. Gérard Bailly. …, sauf s’il place beaucoup d’argent. Mais, à mon avis, il dépensera ! Et, chers amis, il sera assujetti non pas à une TVA à 7 %, mais à une TVA beaucoup plus élevée, à 10 % et à 20 %.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas comme ça que cela se passe !

M. Gérard Bailly. Ce sont donc ceux qui auront les plus gros salaires qui paieront trois ou quatre fois plus pour la protection sociale.

M. Alain Néri. Quel rapport avec le chômage ?

M. Gérard Bailly. Essayez de me prouver le contraire ! Je ne pense pas que vous puissiez…

Enfin, s’agissant des produits importés, on voit bien la provenance de tous les produits que l’on trouve dans les grandes surfaces. Aujourd'hui, il faut bien aussi faire payer la protection sociale à ceux qui nous envahissent de produits.

Personnellement, je suis vraiment favorable à la TVA sociale. Que l’on me démontre que les classes sociales les moins aisées paieront davantage ! Ce n’est pas vrai. Elles paieront au maximum une TVA à 7 % ; alors que les autres paieront quatre fois plus. Et tant mieux si c’est ainsi !

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Je suis un peu surpris par le débat. Je me demande si nous discutons encore du code du travail.

Mme Éliane Assassi. On a changé de texte !

M. Martial Bourquin. L’ordre du jour est suffisamment copieux pour que nous ne nous perdions pas dans un débat comme celui-ci, qui viendra en son temps. Je note que les chantres de la diminution des impôts proposent un impôt supplémentaire (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.),…

M. Alain Néri. Très bien !

M. Martial Bourquin. … qui sera payé par tout le monde. Dont acte !

M. François Grosdidier. Nous voulons diminuer les charges, ce que vous n’avez pas fait !

M. Martial Bourquin. Vous le savez très bien, avec la TVA sociale,…

M. François Grosdidier. Vous avez augmenté la TVA sans diminuer les charges !

M. Martial Bourquin. … la réduction des prix est hypothétique. Elle entraînera des dépenses supplémentaires pour celles et ceux qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts.

Dans une interview – je n’ai pas pour habitude de lire ses écrits ! (Sourires.) –, Alain Madelin s’étonne de voir la purge libérale qui se prépare (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) : « C’est du Robin des Bois à l’envers où l’on va prendre de l’argent aux pauvres pour le donner aux riches. » (Bravo ! sur les travées du groupe CRC.)

M. François Grosdidier. Quel rapport avec le code du travail ?

M. Martial Bourquin. J’aimerais bien que l’on en revienne à notre ordre du jour. Le débat sur la TVA sociale viendra en son temps ; nous avons aussi des arguments sur ce point. Pour l’heure, revenons-en à notre débat ! (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Je serai assez bref, mais je veux répondre aux interpellations : à raisonnement idiot, raisonnement idiot et demi…

Si le travail est vraiment un coût, pourquoi voulez-vous augmenter sa durée ?

M. Dominique Watrin. Voilà qui n’est pas très logique.

Sur le fond, il faut le savoir, quand une entreprise française verse un euro de cotisations sociales, elle verse en moyenne deux euros de dividendes aux actionnaires et d’intérêts aux sociétés financières. (M. Patrick Abate et Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudissent.)

Mme Annie David. Et voilà !

M. Dominique Watrin. On voit qu’une forme de consensus se dégage sur le CICE. Sans refaire le débat, notre collègue Annie David a montré que cette mesure coûtait cher. Est-ce là le meilleur moyen de relancer l’économie ? Avec 130 000 euros par emploi, on peut mieux utiliser l’argent public, l’argent des contribuables.

Un autre point me paraît important. L’idée qui semble sous-jacente à toutes ces propositions, quelles qu’elles soient, c’est que notre système de protection sociale serait devenu en quelque sorte financièrement insupportable.

Je l’avais dit dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et je le redis ici, le déficit de la sécurité sociale représente un découvert de quelques dizaines d’euros pour un salarié qui gagne 1 500 euros par mois. Ce n’est donc pas catastrophique.

Vous êtes tous des élus locaux, ou vous l’avez été. Aussi, avec la suppression de la taxe professionnelle, vous avez pu constater les dégâts provoqués par la déconnexion entre les impôts et les lieux de création de la richesse. On voit bien aujourd'hui la diminution des dotations de l’État. Il faut qu’il y ait un lien très serré entre les ressources de l’État, en l’occurrence celles de la sécurité sociale, et le lieu de création des richesses.

Dans le cadre du financement de la sécurité sociale, le problème réside dans les exonérations massives accordées aux entreprises. Je vous le rappelle, dans le budget de la branche famille de la sécurité sociale, les exonérations massives de cotisations sociales jusqu’à 1,8 SMIC, la suppression de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, et bien d’autres encore.

Pour en revenir au code du travail, et j’en terminerai par là, on observe actuellement une évolution du statut des actifs : de moins en moins de salariés (MM. Jean-Noël Cardoux et Rémy Pointereau ainsi que Mme Marie-Annick Duchêne frappent sur leur pupitre en signe d’impatience.), avec les ubérisés et les faux indépendants. Redonner à la sécurité sociale toutes ses ressources fait partie du débat relatif au code du travail. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je serai bref, car je ne suis pas du tout un technicien des finances.

M. Martial Bourquin. Cet amendement est un cavalier législatif !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Que je sache, le CICE est un crédit d’impôt ; il ne s’agit donc pas d’un impôt supplémentaire. Il est prélevé directement sur le budget de l’État. C’est plutôt l’État qui fait des crédits d’impôt aux entreprises.

La TVA sociale a été mise en place par le président Sarkozy à la fin du quinquennat précédent, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2013. Cette mesure a été abrogée en août 2012. De nombreuses modifications ont été apportées depuis 2012 concernant les cotisations sociales ; la TVA a même augmenté sous la présidence Hollande. On ne sait donc pas très bien quelles seraient les conséquences de la TVA sociale, puisqu’elle a été abrogée.

Comme l’a relevé le rapporteur, l’idée n’est pas mauvaise. J’ai entendu certains d’entre vous dire que cette mesure pourrait être une bonne idée pour financer la protection sociale. Mais la décision n’a pas été prise : la protection sociale peut être financée par les cotisations sociales, ou par la TVA ou par la CSG. Or, à ce stade, personne n’a encore pris de décision sur ce sujet aussi important.

L’idée est bonne. Mais l’amendement ne prévoit pas les modalités d’application de cette mesure et on ne sait pas les effets de celle-ci.

C’est pourquoi le rapporteur a demandé le retrait de cet amendement, dans l’attente d’engager une réflexion plus approfondie sur cette question. Je le répète, on ne sait pas aujourd'hui comment on pourrait appliquer cette mesure. Voilà tout simplement ce qu’a dit le rapporteur, et je vous demande de le suivre.

M. le président. Monsieur Joyandet, l’amendement n° 988 est-il maintenu ?

M. Alain Joyandet. Je tiens tout d’abord à dire que nous sommes au cœur de l’ordre du jour : « nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. », comme le précise l’intitulé du présent projet de loi.

Permettez-moi de formuler quelques observations.

Chacun doit reconnaître la bonne foi de l’autre. Dans cette affaire, point de caricature. Madame la ministre, vous l’avez vu lorsque j’ai présenté mon amendement, tout en rendant hommage au CICE, j’ai regretté qu’il ne s’agisse que d’un crédit d’impôt, car ce n’est pas facile à vivre pour les entreprises. Aussi, j’ai proposé de le remplacer par une baisse de charges structurelles (Mme Nicole Bricq s’exclame.) visible, facile à constater pour les entreprises. C’est un chef d’entreprise qui vous parle. Je vous demande simplement de croire en ma bonne foi. J’estime que cette mesure peut être utile, rapide et créatrice de nombreux emplois.

Je vois aujourd'hui combien les PME galèrent pour récupérer leur crédit d’impôt, et c’est pire encore pour les entreprises plus importantes ; je puis vous soumettre, madame la ministre, des exemples d’entreprises à qui vous refusez par écrit de verser ce crédit d’impôt pour moult raisons – elles sont nombreuses.

Le CICE a créé des emplois, je ne le nie pas. Mais je dis simplement que si nous transformions cette mesure en baisse de charges, celle-ci serait beaucoup plus efficace et durable, et le nombre d’emplois créé serait, selon moi, bien plus important.

À cet égard, j’apporterai plusieurs précisions.

Ne croyez pas, mes chers collègues, que notre position relève d’un libéralisme échevelé. Car oui, bien sûr, quoi que certains en disent, la TVA sociale est sociale !

Prenons un exemple concret – un exemple qui devrait vous être agréable, mon cher collègue qui êtes élu du pays de Montbéliard : si l’on augmente la TVA mais que l’on baisse les charges, le prix d’une Peugeot 508 reste inchangé pour celui qui l’achète ; en revanche, le prix d’une grosse Mercedes achetée par un Français augmente, car, grâce à la TVA sociale, cette voiture contribue au financement de notre modèle social. Preuve que la TVA sociale est bien sociale !

En outre, comme l’a expliqué Gérard Bailly, la TVA est aussi progressive, puisque celui qui achète une Peugeot 206 ne paie pas le même montant de TVA que celui qui achète une grosse Mercedes, surtout si la TVA sociale est instaurée. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Comme j’ai besoin d’une minute supplémentaire pour terminer ma démonstration, je vous propose, monsieur le président, de renoncer à mon temps de parole sur l’amendement n° 989, pour que vous m’autorisiez à poursuivre.

M. le président. Je regrette, mon cher collègue, mais nous examinons présentement l’amendement n° 988.

M. Alain Joyandet. C’est entendu, monsieur le président, mais je suis également l’auteur de l’amendement suivant, l’amendement n° 989. Je vous propose donc de défendre les deux ensemble pour nous faire gagner du temps.

M. le président. Monsieur Joyandet, nos collègues se sont déjà exprimés sur l’amendement n° 988. Il doit être mis aux voix avant que l’amendement n° 989 ne soit appelé en discussion.

M. Alain Joyandet. Je ne crois pourtant pas avoir abusé de mon temps de parole. Hier, nous avons passé toute la nuit sur cinq amendements ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Voilà trois quarts d’heure que nous débattons de celui-ci !

M. Alain Joyandet. Toutefois, puisque vous êtes aussi formel, monsieur le président, je reprendrai la parole dans quelques instants pour défendre l’amendement n° 989.

Mme Éliane Assassi. C’est le règlement !

M. le président. Monsieur Joyandet, qu’advient-il de l’amendement n° 988 ?

M. Alain Joyandet. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 988 est retiré.

L'amendement n° 989, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 1er de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est abrogé.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Joyandet.

M. Alain Joyandet. Dans ma recherche de législateur, et de législateur qui n’est pas plus libéral que vous, chers collègues de l’opposition sénatoriale, j’essaie simplement de trouver une solution pour créer des emplois et pour réformer la vie interne des entreprises, sans que cela se fasse sur le dos des travailleurs. Or, voyez-vous, je préfère la TVA sociale à l’article 2 de Mme El Khomri !

En effet, moi qui, comme chef d’entreprise, ai des collaborateurs de quarante ans qui se lèvent à deux heures du matin pour faire des heures supplémentaires majorées de 25 %, je n’ai pas envie que, à cause d’une loi, il y ait un risque que j’aille leur expliquer que, peut-être, dans un mois, dans deux ou dans six, leurs heures supplémentaires ne seront plus majorées que de 10 %. Je trouverais cela beaucoup plus antisocial que la TVA sociale ! (M. Michel Le Scouarnec applaudit.)

Les sénateurs de mon groupe le savent bien ; c’est le parti socialiste qui nous propose l’article 2 du projet de loi, monsieur Bourquin ! Hier, nous avons passé toute la nuit, pour ceux qui étaient là, sur cinq amendements qui n’avaient aucune chance d’aboutir, et alors que la réforme du code du travail qu’une commission est censée préparer ne verra jamais le jour. Au passage, mes chers collègues, je me demande à quoi nous servons, nous parlementaires, si nous ne sommes pas capables de réformer nous-mêmes le code du travail… C’est pourquoi j’ai pris, en m’abstenant sur l’article 1er, une position qui n’était pas totalement celle de mon groupe.

Je vais également retirer l’amendement n° 989, parce que j’entends ce que me dit M. le rapporteur ; mais je maintiens que je préfère la TVA sociale, qui soutiendrait la compétitivité des entreprises et faciliterait la création d’emplois sans que cela se fasse sur le dos des travailleurs, à ce que nous propose le Gouvernement, car si la petite loi qu’on nous annonce devait voir le jour, ce qui est hautement improbable, ce serait la première fois que le parti socialiste proposerait une telle régression sociale. Moi, en tant qu’employeur, je ne soutiens pas ce machin-là et je prétends que la TVA sociale est sociale ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Françoise Gatel applaudissent également.)

M. Alain Joyandet. Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 989 est retiré.

Chapitre Ier bis

Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes

Articles additionnels après l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Articles additionnels avant l’article 1er bis

M. le président. L’amendement n° 242 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Supprimer cette division et son intitulé.

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. En vue de simplifier le code du travail, nous vous proposons de supprimer le chapitre Ier bis du projet de loi, intitulé « Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ».

Nous parlons en effet du code du travail. Or le harcèlement est déjà défini par le code pénal, qui s’applique à tous et dans toutes les situations. Plus précisément, l’article L. 222-33-2 de ce code punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Si nous devons modifier l’état du droit en matière de harcèlement, de discriminations ou d’agissements sexistes, il faut le faire dans le code pénal !

Aujourd’hui, notre droit est dupliqué : il faut se référer à la fois au code pénal et au code du travail, dont, de surcroît, les définitions du harcèlement moral ne sont pas identiques, puisque, selon celui que l’on applique, on ne doit pas établir les mêmes preuves pour constituer le délit. Selon moi, le harcèlement et la discrimination au sens large doivent être poursuivis de la même façon partout où il y a des victimes, que ce soit dans la rue, les transports ou les entreprises.

Mes chers collègues, faisons un droit simple, cohérent et, surtout, appliquons-le !