Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 600.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 332 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l’adoption 20
Contre 311

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 414 et 632.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 9.

Articles additionnels après l'article 9
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Article 10 A (nouveau)

Articles additionnels après l'article 9 (suite)

M. le président. L’amendement n° 382 rectifié bis, présenté par MM. Marie, Néri, Labazée et Cabanel, Mme Lienemann, MM. Gorce, Vincent, Durain et Anziani, Mme Tocqueville et M. Masseret, n’est pas soutenu.

L’amendement n° 633, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin du premier alinéa du II de l’article L. 225-27-1 du code de commerce, les mots : « est au moins égal à deux dans les sociétés dont le nombre d’administrateurs mentionnés aux articles L. 225-17 et L. 225-18 est supérieur à douze et au moins à un s’il est égal ou inférieur à douze » sont remplacés par les mots : « ne peut être inférieur à deux, sauf dans l’hypothèse où le nombre des administrateurs mentionnés aux articles L. 225-17 et L. 225-18 est de trois ».

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à poser les premiers jalons d’un modèle de gouvernance et d’actionnariat permettant d’associer davantage les salariés aux décisions fondamentales des entreprises.

La représentation des salariés au sein des conseils d’administration est, en France, très insuffisante, car limitée aux très grandes entreprises. Or la crise actuelle confirme que le mode de gouvernance des entreprises qui s’est imposé depuis vingt ans est tout à fait inadéquat ; le pouvoir y appartient quasi exclusivement aux actionnaires et aux manageurs, mais, quand les affaires tournent mal, ce sont au premier chef les salariés qui paient le prix fort. En effet, les logiques financières de rentabilité et de retour immédiat sur investissement priment sur l’emploi et le développement industriel.

Au-delà des conséquences sociales des décisions purement financières, c’est bien la compétitivité de notre pays qui est en jeu. L’absence de discussion en amont sur les choix stratégiques et économiques, au sein du conseil d’administration, entraîne un blocage du dialogue social en aval, en raison à la fois du manque d’information des salariés et d’une logique de pouvoir à l’avantage exclusif des actionnaires.

En comparaison, en Allemagne, les salariés représentent un tiers du conseil d’administration des entreprises de 500 à 2 000 salariés et la moitié du conseil d’administration des très grandes entreprises. Nous proposons donc ici de nous inspirer du fameux « modèle allemand », en garantissant aux salariés un tiers des sièges au conseil d’administration des entreprises. En d’autres termes, le plafond actuellement applicable deviendrait un seuil plancher.

La présence d’administrateurs salariés permettrait de résister à la pression trop forte de certains actionnaires uniquement préoccupés de rentabilité à court terme. Lors d’arbitrages complexes relatifs aux investissements, aux dividendes, aux cessions d’actifs ou encore à la croissance externe, cette présence obligerait à toujours examiner plusieurs scénarios en tenant compte de l’intérêt de toutes les parties prenantes de l’entreprise.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous avons amorcé ce matin le débat sur la présence des représentants des salariés dans les conseils d’administration.

Pour ma part, par conviction philosophique, j’ai tendance à associer le capital et le travail ; indéniablement, cette mesure ferait partie des moyens d’associer les salariés à la conduite de l’entreprise, et il est important de les impliquer également dans la stratégie.

Néanmoins, la loi Rebsamen a déjà modifié ce dispositif ; peut-être faudrait-il le laisser vivre, l’évaluer et envisager éventuellement ensuite d’abaisser son seuil d’application. En attendant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement a également émis un avis défavorable, en cohérence avec ce que j’ai dit ce matin : je ne souhaite pas revenir sur l’équilibre trouvé dans la loi Rebsamen.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 633.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 661, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2242-20 du code du travail est abrogé.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. La loi Rebsamen a réorganisé en trois ensembles les thèmes relevant du champ de la négociation obligatoire dans l’entreprise et elle a modifié la périodicité de cette négociation. Ces dispositions amoindrissent, selon nous, le dialogue social au lieu de l’enrichir.

L’objet de notre amendement cible plus précisément la question de la périodicité, que modifie ce projet de loi. Ce texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission, permettra de modifier par le biais d’un accord d’entreprise la périodicité des négociations obligatoires annuelles et triennales en les rendant respectivement triennales et quinquennales. La négociation annuelle porte, je le rappelle, sur les rémunérations, le temps de travail, le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise et la qualité de vie au travail ; la négociation triennale porte, quant à elle, sur la gestion des emplois et les parcours professionnels.

Il nous semble, au contraire, très important de réintroduire une fréquence plus grande dans ces rendez-vous qui permettent d’informer et de mobiliser les salariés sur ces thèmes essentiels. Ces négociations représentent un moment nécessaire d’information, d’expression et d’implication des salariés. Or, pour ce qui concerne l’égalité professionnelle, par exemple, bien des choses restent à discuter, d’où l’intérêt de maintenir une forme de pression ou d’exigence, ce que permet l’annualité du rendez-vous.

L’extension de la périodicité de ces négociations et la possibilité d’un système à la carte nous semblent constituer un très mauvais signal, surtout dans une période de crise économique marquée par une dégradation des conditions de travail, par une tension sur les embauches et par des salaires de plus en plus individualisés, alors même que les inégalités professionnelles entre hommes et femmes perdurent.

Enfin, l’adoption de l’article 2 de ce projet de loi plaide doublement en faveur d’un renforcement de la négociation obligatoire et, donc, d’un retour à une périodicité annuelle et triennale des négociations obligatoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Toujours pour laisser vivre les dispositions de la loi Rebsamen, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

J’ajoute qu’il faut un accord majoritaire pour moduler la fréquence de ces négociations. Qui dit accord majoritaire dit consentement des parties et, donc, équilibre trouvé au sein de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je l’ai indiqué précédemment, notre démarche, dont procède aussi l’article 2, que vous mentionnez, consiste à faire confiance aux acteurs du dialogue social pour définir leurs méthodes et les priorités de leurs négociations.

Je rappelle en outre que la négociation sur les salaires reste annuelle, sauf si les partenaires sociaux en décident autrement.

Par ailleurs, la loi du 17 août 2015 est aussi le fruit des concertations menées avec l’ensemble des partenaires sociaux, et je ne souhaite pas qu’on modifie cet équilibre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 661.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Chapitre II

Renforcement de la légitimité des accords collectifs

Articles additionnels après l'article 9 (suite)
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Articles additionnels après l'article 10 A

Article 10 A (nouveau)

Le chapitre II du titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Après la sous-section 2 de la section 3, est insérée une sous-section 2 bis ainsi rédigée :

« Sous-section 2 bis

« Modalités de négociation dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical

« Art. L. 2232-20-1. – Dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégués syndicaux, ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, l’employeur peut conclure un accord collectif de travail avec les délégués du personnel.

« L’accord peut également être conclu avec les représentants élus du personnel au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou à l’instance mentionnée à l’article L. 2391-1.

« Art. L. 2232-20-2. – La validité de l’accord mentionné à l’article L. 2232-20-1 est subordonnée à sa signature par un ou plusieurs représentants élus titulaires ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.

« Art. L. 2232-20-3. – Dans les entreprises mentionnées à l’article L. 2232-20-1 dans lesquelles un procès-verbal de carence a établi l’absence de représentants élus du personnel, l’employeur peut soumettre un projet d’accord pour ratification à la majorité des deux tiers du personnel.

« Art. L. 2232-20-4. – L’accord mentionné aux articles L. 2232-20-1 et L. 2232-20-3 peut porter sur toutes les mesures qui peuvent être négociées par accord d’entreprise ou d’établissement sur le fondement du présent code.

« Il peut également être négocié et conclu avec un ou plusieurs salariés mandatés dans les conditions prévues aux articles L. 2232-24 à L. 2232-27-1.

« L’employeur communique l’accord à l’autorité administrative compétente. Elle contrôle qu’il n’enfreint pas les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles applicables. À défaut de réponse dans un délai de deux mois suivant sa transmission, l’accord est réputé validé. » ;

2° La sous-section 3 de la section 3 est ainsi modifiée :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Modalités de négociation dans les entreprises de cinquante salariés et plus dépourvues de délégué syndical » ;

b) À la première phrase de l’article L. 2232-21, les mots : « , ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés, » sont remplacés par les mots : « employant cinquante salariés et plus » ;

c) Au dernier alinéa de l’article L. 2232-24, les mots : « ainsi que dans les entreprises de moins de onze salariés » sont supprimés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 48 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 965 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 48.

Mme Annie David. Cet article pose un sérieux problème du point de vue de la conception du dialogue qui devrait animer le travail sur ce projet de loi.

La commission des affaires sociales nous appelle en quelque sorte à donner une forme de représentativité aux élus du personnel sans étiquette syndicale affichée, notamment à ce qu’on appelle « les syndicats indépendants ».

D’une certaine manière, cette reconnaissance des délégués sans étiquette serait une validation a posteriori de cette forme de non-respect de la loi que constitue, comme nous l’avons souvent vu, l’opposition forcenée de certains chefs d’entreprise à la présence de la moindre structure syndicale dans leur propre entreprise. Il s’agit là d’une situation parfaitement regrettable qui pose la question de la conception de l’entreprise qui anime fondamentalement la ligne directrice des amendements de la commission des affaires sociales.

D’ailleurs, il existe en matière de scrutins sociaux d’autres élections où l’on pourrait souligner le problème de la représentativité des élus. Quand les membres d’une chambre consulaire sont élus avec une participation située entre 15 % et 25 % des électeurs inscrits, voire sous le seuil de 10 %, se pose-t-on cette question ?

Le problème des élus dits indépendants est qu’ils souffrent d’un déficit de représentativité, celle-ci ne dépassant pas les portes de l’entreprise où ils sont élus. Il convient donc de ne pas modifier les règles en la matière. En effet, ne serait-ce qu’en donnant une place aux élus indépendants, on risque de donner quelque sens aux tentatives patronales plus ou moins ouvertes de mise en cause des garanties sociales existantes.

Tel est le sens de cet amendement de suppression de l’article 10 A.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 965.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement propose de supprimer cet article, situé aux antipodes de la philosophie du projet de loi, qui vise à donner plus de place à la négociation avec les syndicats, acteurs les plus légitimes pour défendre les intérêts des salariés. Cet article vise, en un sens, à contourner les organisations syndicales, alors que nous souhaitons précisément les renforcer.

J’ai bien conscience de la difficulté qui se pose dans les petites entreprises, mais, justement, au travers du mandatement, sur lequel une bataille culturelle doit être menée, ou des accords types pour les TPE négociés au niveau des branches, le projet de loi permettra que des souplesses soient négociées dans les petites entreprises. Ce sont ces réponses-là, pour traiter cette forme d’angle mort, que nous devons privilégier.

Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’idée qui nous anime n’est pas idéologique ; il s’agit de donner un canal de négociation, de discussion, à des entreprises qui en sont en partie dépourvues. Je dis « en partie », parce que, on le sait bien, la règle du mandatement existe, mais elle a ses limites.

En effet, un certain nombre d’employeurs sont réticents à y recourir. Pourquoi ? Parce qu’ils sont instruits par l’expérience de leurs voisins. Ainsi, il est régulièrement arrivé qu’un salarié soit mandaté par une organisation syndicale, que la négociation ait lieu, qu’un accord soit trouvé, mais, comme il faut un nouveau mandatement pour signer, que l’organisation syndicale ne l’accorde pas parce que l’accord ne lui convient pas. Ce fonctionnement rend ce mode de discussion difficile.

D’ailleurs, j’observe que, au cours de nos débats, le groupe CRC a régulièrement pointé au travers d’amendements les limites du mandatement, d’un autre point de vue. Il craignait qu’un employeur ne choisisse un salarié, ne lui demande de chercher une affiliation auprès d’une organisation syndicale et ne lui propose ensuite de négocier à deux. Il existe donc bien de part et d’autre des craintes relatives à ce dispositif.

Cela étant, nous ne le supprimons pas, nous ouvrons une faculté supplémentaire : celle de discuter avec des salariés élus par leurs pairs. Cela nous semble reposer sur un principe démocratique simple, sain et qui rend effective la possibilité de négocier dans les plus petites entreprises.

Tel était l’état d’esprit de la commission lorsqu’elle a examiné ces amendements identiques, sur lesquels elle a émis un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, n’essayez pas de vous cacher derrière une prétendue entente entre nous sur le mandatement !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je n’ai pas parlé d’entente !

Mme Annie David. Que les choses soient claires : le mandatement est parfois compliqué pour le salarié mandaté, non parce que nous ne lui ferions pas confiance, mais parce qu’il se retrouve dans la position d’un élu du personnel sans bénéficier, à la différence de ce dernier, d’une formation syndicale donnant les outils pour mener une négociation face à son patron. Il est donc dans une situation plus délicate. C’est la seule réserve que le groupe CRC a vis-à-vis du mandatement.

Nous n’allons pas jusqu’à dire que cela entraîne un dysfonctionnement au sein des organisations syndicales, qui diraient aux salariés mandatés qu’ils ne sont pas habilités à signer un accord négocié. Sans doute, cela a pu arriver puisqu’un salarié mandaté ne peut pas forcément déjouer les pièges inclus dans un accord et l’organisation syndicale mandante peut appeler son attention sur tel ou tel souci posé par l’accord et lui recommander de ne pas le signer, en tout cas en son nom.

L’article que vous avez inséré dans le projet de loi donne une place aux syndicats « maison ». Certes, vous dites que vous ne touchez pas au mandatement, mais vous introduisez ces types de syndicats. Cela permettra à un patron qui ne souhaite pas passer par le mandatement, pour ne pas voir débouler dans son entreprise une organisation syndicale quelle qu’elle soit – je n’en cite aucune, il y en a cinq qui sont représentatives, et il peut y en avoir d’autres –, de signer un accord avec un ou deux de ses salariés. Le patron pourra dire à ceux-ci qu’il organise des élections et que, puisqu’il n’y aura pas d’organisation syndicale candidate, ils sont sûrs d’être élus et constitueront un syndicat « maison » avec lequel il pourra négocier.

Voilà, monsieur le rapporteur, le dispositif que, sous prétexte qu’il n’y a pas beaucoup de participation lors des élections professionnelles, vous introduisez. Pourtant, il y a d’autres élections où c’est le cas ; j’en ai cité quelques-unes, mais il y en a encore d’autres et, tous ici, nous sommes confrontés à cette situation dans notre vie politique. Ainsi, faut-il valider certaines élections partielles ou nommer directement quelqu’un ?

Nous sommes donc défavorables aux syndicats « maison », mais non au mandatement s’il a lieu dans de bonnes conditions.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Nous sommes pleinement en accord avec ces amendements de suppression de l’article 10 A, qui vise à instaurer un dialogue direct entre le chef d’entreprise et ses salariés.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ses salariés élus !

M. Yves Daudigny. C’est une tentative de contournement du droit syndical !

M. Yves Daudigny. Nous, nous défendons la primauté de l’accord d’entreprise, mais, pour que celui-ci ait un sens, encore faut-il que les deux partenaires aient une parfaite légitimité. D’un côté, il y a celle du chef d’entreprise, de l’employeur, mais, de l’autre, la nature de la légitimité ne peut être que syndicale, sous des formes d’ailleurs différentes selon la taille de l’entreprise, y compris, pour les petites entreprises, celle du mandatement.

Le mandatement a fonctionné, notamment avec la loi Aubry en 1998 relative aux 35 heures. Nous savons que ce dispositif est fortement contesté, mais il s’agit bien du moyen d’instaurer dans la négociation une légitimité qui soit syndicale. C’est pourquoi des mesures permettent, à différents endroits du texte, une activité syndicale plus facile, mieux documentée et donc, bien sûr, plus efficace pour les salariés.

Nous soutenons donc très fortement ces amendements, qui tendent à supprimer un article totalement contraire à l’esprit de la loi tel que nous le défendons depuis une semaine.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, cet article que vous avez introduit en commission et que nous voulons supprimer montre bien que vous n’avez pas compris…

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ah !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Mince !

Mme Nicole Bricq. … la philosophie du projet de loi, ou que vous ne voulez pas la comprendre. Il y a donc, à droite, ce qu’on peut appeler un véritable obstacle culturel.

Donner pleine légitimité aux organisations représentatives, notamment syndicales, c’est très important pour nous. Le problème de la représentativité syndicale a été réglé en 2008 et nous réglons, par ce texte, celui de la représentativité patronale. La représentativité n’est pas le sujet, mais, il faut le rappeler, un syndicat, forcément représentatif, peut mandater soit un délégué du personnel, soit un salarié ; nous tenons à ce dispositif. Ce dernier a d’ailleurs bien fonctionné en 1998, quand il s’est agi d’appliquer les 35 heures, même s’il est vrai qu’à l’époque les entreprises ont touché 20 milliards à l’appui de cette négociation… Pour reprendre un argument souvent utilisé contre nous, une fois la loi de finances pour 2017 adoptée, nous aurons permis aux entreprises de toucher à peu près 41 milliards d’euros. Je considère donc que celles-ci doivent tout de même accepter le fait syndical.

La philosophie du projet de loi consiste à donner plus de place à la négociation et, pour pouvoir négocier, il faut avoir du temps et une pleine légitimité, d’où le mandatement syndical. Celui-ci permet de redonner de la vitalité non seulement au dialogue au sein de l’entreprise, mais aussi aux représentants du personnel quand ils sont syndiqués, ce qui est très important. En effet, on ne peut pas se contenter du fait syndical actuel encore trop minoritaire. Tout le monde en a besoin, y compris les patrons.

C’est donc cela qui me désole : culturellement, vous n’avez pas compris le monde dans lequel nous vivons, alors même que des patrons – j’ai évoqué l’accord tout récent de compétitivité de Michelin, datant de 2015-2016 – ont compris l’intérêt d’avoir des organisations fortes avec lesquelles négocier des compromis. C’est bien dommage… Toutefois, on a encore le temps, d’ici à la fin de l’examen de ce texte, pour insister, afin que ça vous rentre dans la tête. (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.) Mais on y arrivera !

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Si je comprends bien, il faut encore un peu de temps pour que tout cela m’arrive au cerveau…

Mme Nicole Bricq. C’est votre cerveau reptilien qui parle !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Oh !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Quelle drôle de conception vous avez de la démocratie !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. On parle là de salariés élus par leurs pairs ; quelle défiance envers l’élection ! Je trouve cela stupéfiant !

Ce que nous souhaitons, sur les travées de la droite et du centre, c’est assurer l’effectivité du dialogue social et proposer, pour cela, plusieurs canaux, plusieurs possibilités. En effet, on ne peut avoir les mêmes processus, les mêmes méthodes, dans une entreprise de huit salariés et dans une entreprise de 25 000 salariés. De ce point de vue, l’article 10 A, introduit par la commission, est très pragmatique. Je rappelle en outre qu’il est applicable aux entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégués syndicaux. Il ne s’agit donc pas de contourner cette institution, mais de prévoir des dispositifs quand il n’y en a pas.

Par ailleurs, cet article prévoit autre chose, dont il n’a pas encore été question : l’instauration de consultations avec une majorité qualifiée des deux tiers. Dans la démocratie sociale comme dans la démocratie politique, nous sommes à un moment où nous devons trouver une articulation – pas un remplacement, une articulation – entre l’expression directe et la démocratie représentative. On sent bien, en effet, une envie de participation des publics, électeurs ou salariés, et on n’y coupera pas !

L’équilibre introduit par l’article 10 A est pragmatique. Expérimentons-le pendant quelques années et, s’il ne fonctionne pas, il sera bien temps d’en tirer les conclusions. Mais il est aussi possible que cela fonctionne.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Jean-Baptiste Lemoyne a parfaitement expliqué la philosophie de cet article et les raisons pour lesquelles la commission l’a écrit sous cette forme.

Je ne sais pas si c’est une question de cerveau qui ne serait pas assez abouti, mais je pense que nous avons tous autant de circonvolutions cérébrales les uns que les autres…

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mais on s’en sert plus ou moins bien… (Sourires.)

Mme Catherine Deroche. … et l’on peut avoir des opinions différentes sans forcément tenir des propos désagréables les uns vis-à-vis des autres.

On a suffisamment répété tout au long du débat que l’on avait fondé notre texte sur deux piliers, celui de la liberté et celui de la confiance. C’est ce dont les entreprises, notamment les petites, ont besoin. On les voit et on les entend dans nos territoires, et la demande est très forte en ce sens.

Nous avons pour notre part une confiance totale envers les employeurs et les salariés. On peut afficher de la confiance, mais, quand on l’assortit de tels carcans, c’est de la défiance !