M. Gérard Longuet. À propos d’une demande budgétaire, le Premier ministre François Fillon avait répondu, dans un mouvement d’exaspération : « Monsieur, je suis à la tête d’un État en faillite ».

Je veux simplement indiquer que cette vérité est toujours d’actualité, avec un budget largement déficitaire. La dépense que vous nous proposez aujourd'hui en faveur des jeunes, madame la ministre, devra précisément être payée par eux. C’est en effet l’endettement de l’État qui pèse sur leurs épaules. Avant même qu’ils n’aient commencé à travailler, cher Jean Desessard, ils auront la certitude de devoir s’acquitter de cette facture, qu’ils auront sinon à rembourser, du moins à honorer au titre des frais financiers.

Dans ce contexte, il faut se demander quelle est la meilleure façon de dépenser l’argent public pour favoriser l’emploi.

Rapporteur spécial pour l’enseignement scolaire, je puis vous dire, après un rapide calcul, que le RSA généralisé sur la base de 6 000 euros par an…

Mme Nicole Bricq. On ne parle pas du RSA !

M. Gérard Longuet. … représente en gros la moitié de la dépense que l’éducation nationale consent chaque année pour chaque élève du primaire. Or nous savons que l’école primaire est insuffisamment dotée en France, ce qui explique le décrochage prématuré des jeunes enfants, qui ne parviennent pas à maîtriser la lecture, l’écriture et le calcul, et prépare leur échec.

Madame la ministre, les moyens de l’État ne sont pas illimités. Nous sommes dans une phase expérimentale, et je ne suis même pas certain de la pertinence de l’extension de cette expérimentation.

Toutefois, puisque votre gouvernement a proposé de la prolonger, comme l’a rappelé à juste raison Jean-Marie Vanlerenberghe, faisons-le et, surtout, comparons le coût et le rendement de tous les investissements que l’on peut faire pour les jeunes, depuis l’école primaire jusqu’aux revenus de complément, pour voir ce qui rapporte.

Concernant la garantie jeunes, on parle de 6 000 euros par an, mais c’est le double de ce que dépense l’État en moyenne pour un apprenti. Dans ces conditions, ne vaut-il pas mieux soutenir l’apprentissage ? C’est la moitié de ce que l’éducation nationale dépense en moyenne pour les élèves du primaire et c’est le tiers de ce qui est dépensé pour le secondaire.

Madame la ministre, je propose que nous adoptions l’amendement de la commission, afin de savoir quelle mesure est la plus susceptible de donner des chances de succès aux jeunes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Si la version soutenue par M. Desessard était adoptée, cela signifierait que l’on donnerait la garantie jeunes à tout le monde. Pourtant, j’avais compris que cette mesure devait être uniquement fondée sur l’insertion, en lien avec la mission locale, pour conduire le jeune vers l’emploi.

Mme Annie David. Si vous donniez un emploi aux jeunes, ils n’en auraient pas besoin !

M. Daniel Chasseing. C’est un point absolument capital. Si l’on donne un revenu aux jeunes, ce sera catastrophique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Alain Néri. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

M. Daniel Chasseing. À entendre certains, nous ne connaîtrions pas les jeunes, nous ne les rencontrerions pas dans nos circonscriptions ! Mais bien sûr que si ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Et il faut faire une autre politique pour l’emploi : il faut baisser les charges, pour que les entreprises puissent absorber peu à peu un plus grand nombre de jeunes.

Pour ma part, j’étais favorable à cette expérimentation et je suis favorable à la philosophie qui sous-tend la garantie jeunes pour amener les jeunes en grande difficulté vers l’emploi, mais je suis défavorable à l’universalisation de cette mesure, comme le propose M. Desessard.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Pour ce qui me concerne, je ne suis pas hostile par principe à l’extension de la garantie jeunes ; c’est même plutôt une bonne idée. Toutefois, j’ai besoin de comprendre un nombre de choses avant de voter ; je veux voir si l’expérimentation est satisfaisante.

Tout d’abord, je constate – le projet de loi de règlement arrivera en discussion dans quelques jours – que 132 millions d’euros avaient été inscrits dans la loi de finances initiale de 2015, alors que l’on n’aura dépensé que 94 millions d’euros.

M. Michel Bouvard. Par conséquent, soit on fait de la cavalerie, soit il y a eu moins de demandes que prévu. Dans ce dernier cas, avec un écart de cette importance, il convient de s’interroger.

Et comment allons-nous financer la garantie jeunes ? Aujourd'hui, le dispositif – cela fait d’ailleurs partie des expérimentations – fonctionne, y compris, comme vous le savez, avec les missions locales, avec des systèmes d’avance ; c’est l’État qui supporte les avances et le risque financier. Néanmoins, à partir du 1er janvier 2017, l’initiative européenne en faveur de l’emploi des jeunes cessera. Or une partie des financements est apportée dans le cadre de l’initiative pour l’emploi des jeunes, l’IEJ.

On s’apprête donc à étendre ce dispositif alors même qu’une partie des ressources européennes mobilisées pour l’expérimentation va disparaître. Aussi, j’aimerais savoir de quelle manière on envisage de financer l’extension de ce dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Permettez-moi de verser deux éléments à notre débat, qui est un beau débat, d’ailleurs. (Mme Nicole Bricq acquiesce.) On mélange un peu tout. Aussi, il convient de réaffirmer ce qui fait l’objet de notre discussion.

Je rappelle que, pour bénéficier du dispositif, un jeune doit remplir quatre conditions : vivre hors du foyer de ses parents ou au sein de celui-ci sans recevoir de soutien financier de leur part ; ne pas être étudiant, occuper un emploi ou suivre une formation ; avoir un niveau de ressources inférieur à un niveau fixé par décret ; s’engager à respecter les engagements réciproques inclus. Ce n’est donc pas le revenu universel qui est en discussion dans l’hémicycle en cet instant.

Par ailleurs, vous avez raison, monsieur le rapporteur, de nous inviter à consulter votre volumineux rapport. On peut y lire notamment la position de la Cour des comptes, dont personne ne peut soupçonner ici la complaisance à l’égard de dispositifs sociaux : « La Cour des comptes indique que ce dispositif pourrait ″devenir un dispositif de droit commun pertinent, en mesure de répondre aux besoins des jeunes en difficulté d’insertion″. » (MM. Éric Jeansannetas et Christian Manable applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.

M. Yannick Vaugrenard. Il me semble que nos débats et le sujet sur lequel ils portent sont suffisamment importants pour que l’on ne donne pas dans la caricature. L’un des orateurs précédents s’est demandé si nous rencontrions les jeunes. Bien sûr que nous les rencontrons, comme nous tous !

La question qui nous occupe est, d’une certaine manière, une question de solidarité intergénérationnelle. En effet, alors que jamais les jeunes n’ont été autant en difficulté qu’aujourd’hui, nous savons pertinemment que nous ne trouverons pas du jour au lendemain un emploi pour chacun d’eux, vu qu’on est beaucoup plus exigeant aujourd’hui qu’hier sur les niveaux de diplôme qu’ils doivent atteindre. Il y a là, mes chers collègues, une injustice terrible, qu’aucun d’entre nous n’a connue !

Si donc la question est bien entendu financière, comme toujours, il s’agit avant tout d’une question de droit humanitaire vis-à-vis d’une génération qui risque, demain, d’être en désespérance, parce qu’un quart des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage.

Même si la question que Jean Desessard a posée il y a quelques instants, et que d’autres aussi ont soulevée, n’est pas l’objet du débat de cet après-midi, elle me conduit à ouvrir une parenthèse. À dix-huit ans, on obtient le droit politique, pas le droit social : on a le droit de voter, mais pas celui d’être aidé. Il y a là un problème de fond, sur lequel nous devrons nous pencher le moment venu. De ce constat découle le débat sur le revenu de base minimal, qui est, certes, un autre débat.

À cet instant, il s’agit, je le répète, de solidarité intergénérationnelle. N’oublions pas que les jeunes en état de désespérance sont parfois sensibles aux discours de ceux qui disent tout et n’importe quoi et qui peuvent les pousser à des comportements extrêmes ; aussi bien, il ne faut pas considérer seulement les aspects sociaux de la question, mais aussi ses aspects sociétaux.

J’ajoute que le dispositif prévoit un acte volontaire, ce qui est important.

Adopter maintenant l’amendement que la commission a repoussé est une nécessité. Certains disent : il est urgent d’attendre. Non, mes chers collègues : dans la situation actuelle, il est urgent d’agir pour notre jeunesse ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Patrick Abate applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Ce sujet est, en effet, extrêmement important.

Moi non plus je ne suis pas hostile à un accompagnement des jeunes dépourvus de ressources. Simplement, on s’est mis d’accord pour qu’une expérimentation soit menée, et elle l’est depuis 2013. Dès lors, il me paraît important que, avant d’envisager la généralisation du dispositif, la représentation nationale dispose de données complètes sur les résultats de cette expérimentation. Il serait insensé de prendre une décision sans être en mesure d’analyser la situation !

De toute évidence, on cherche des solutions à court terme, alors que, comme Gérard Longuet l’a fort justement fait observer, d’autres solutions sont possibles. Ainsi, dans mon département, le Finistère, quatre cents places sont disponibles au sein du CFA du bâtiment, un secteur qui se redresse et où l’on risque d’être à court de main-d’œuvre, et trois cents autres au sein du CFA polyvalent, notamment dans le domaine de l’alimentaire. Or ces filières offrent aux jeunes la possibilité d’accéder à des situations professionnelles durables. (M. Gérard Longuet opine.)

Hier soir, à la chambre de métiers et de l’artisanat, où je participais à la remise des prix de maître d’apprentissage, l’intérêt de la formation en alternance et de l’apprentissage pour l’insertion professionnelle des jeunes a été bien souligné. (M. Alain Néri s’exclame.) Par ailleurs, samedi dernier, j’ai lu dans mon quotidien préféré que, alors que cinquante emplois sont à pourvoir dans le secteur du Cap Sizun, l’animatrice économique n’a reçu aucun CV !

Devant cette réalité, mes chers collègues, nous devons nous interroger sur l’adéquation entre les offres des employeurs et les candidatures qui peuvent leur être proposées. Faute d’une telle réflexion, des employeurs sont hors d’état de faire tourner leur entreprise, tandis que, hélas, des jeunes et des moins jeunes se trouvent gravement démunis, faute d’emploi.

Plus largement, pour résoudre réellement la question de l’emploi dans notre pays, il nous faudra aller beaucoup plus loin : redonner confiance aux employeurs (M. Christian Manable s’exclame.) en rendant le cadre du code du travail beaucoup moins strict et réduire fortement les charges sociales pour être compétitifs au plan international. Il faudra y arriver ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. Jean Desessard s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.

M. Michel Forissier, rapporteur. Je tiens à rappeler le motif de notre divergence. Tout ce que j’ai entendu converge plutôt, tant il est vrai que nous sommes tous favorables au dispositif.

Mme Nicole Bricq. Nous, nous y sommes favorables pour tout de suite !

M. Michel Forissier, rapporteur. Ma chère collègue, veuillez me laisser poursuivre ; si vous me répondez avant que j’aie terminé, vous me faites un procès d’intention. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Michel Canevet applaudissent également.)

On s’est beaucoup référé à la conclusion de la Cour des comptes que j’ai reproduite dans mon rapport, selon laquelle le dispositif dont nous parlons pourrait – au conditionnel – être étendu et même généralisé. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Si j’ai cité cette position, c’est que j’y souscris ; au demeurant, nous y souscrivons tous.

Par ailleurs, il n’est pas question de généraliser le RSA. Il est question d’un dispositif spécifique voulu par le Gouvernement, un dispositif dont je répète qu’il est bon. Qu’on ne prétende donc pas que certains seraient contre : nous sommes tous pour !

Ce qui est en question, c’est l’opportunité de s’en tenir au domaine réglementaire ou de graver le dispositif dans la loi. Tel est le point exact où nous divergeons. (Mme la ministre opine.)

Je rappelle qu’un premier décret, paru en octobre 2013, couvrait dix départements. Deux ans plus tard, le dispositif a été prolongé et élargi à soixante-deux départements. Du temps a donc été nécessaire, ce dont je ne fais nullement grief au Gouvernement. Dix-neuf nouveaux départements ont rejoint le dispositif au début de cette année. Il en résulte, madame la ministre, que le dispositif dans sa forme actuelle n’est déployé que depuis six mois.

Le décret en vigueur devant s’appliquer jusqu’à la fin de 2017, je maintiens qu’il n’y a pas urgence à graver le dispositif dans la loi. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas urgence à parfaire celui-ci. Or un dispositif de nature réglementaire peut être transformé ou adapté par le Gouvernement d’un trait de plume, alors que, s’il est gravé dans la loi, toute modification devra être examinée par les deux assemblées.

M. Alain Néri. C’est tout de même une garantie !

M. Michel Forissier, rapporteur. Mon cher collègue, je n’ai pas dit un mot pendant le débat qui vient d’avoir lieu ; ayez donc à votre tour la courtoisie de ne pas m’interrompre. (MM. Jackie Pierre et Jacques Genest applaudissent.)

Notre divergence de vues tient donc simplement au caractère réglementaire ou législatif qui doit s’attacher au dispositif.

Chers collègues de l’opposition sénatoriale, j’ai succédé, dans le cadre d’une alternance démocratique, à un homme politique que vous avez bien connu : Jean Poperen. Celui-ci me disait : monsieur Forissier, pour être bien compris, il faut souvent se répéter. Sans doute parlait-il des gens de gauche… (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Je me répéterai donc : il n’est pas question pour la droite – car j’ai bien le droit de me revendiquer de droite, comme vous de gauche ! – d’adopter une attitude asociale. Nous voulons simplement établir un dispositif gérable au mieux des deniers publics, acceptable et qui fonctionne aussi bien que possible. De ce point de vue, je pense que le décret est la bonne solution ; la loi viendra plus tard, il n’y a pas d’urgence. Je maintiens donc les avis que j’ai émis sur les amendements. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Alain Néri. Quelqu’un se noie et vous attendez pour lui lancer la bouée ! (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme la présidente. Monsieur Néri, vous n’avez pas la parole !

La parole est à Mme la ministre, et à elle seule.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Si nous voulons inscrire la garantie jeunes dans la loi, c’est parce que nous voulons affirmer qu’elle est un droit pour tous les jeunes qui sont en situation de précarité, qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, et pour qu’elle soit mise en œuvre sur l’ensemble du territoire.

Les interventions que j’ai entendues ont porté sur les modalités pratiques de la garantie jeunes, mais le projet de loi défendu par le Gouvernement ne traite pas de ces modalités.

En ce qui concerne le bilan de l’expérimentation, je tiens à souligner qu’un reporting est mené. D’ailleurs, un orateur de la majorité sénatoriale a lui-même reconnu que les missions locales pour l’emploi sont chargées d’un travail particulièrement lourd de communication de données.

M. Gérard Longuet. C’est de l’affichage !

Mme Myriam El Khomri, ministre. De fait, depuis trois ans que le dispositif existe, nous disposons de nombreuses données à son sujet.

Un problème récurrent se pose dans notre pays en matière d’évaluation : nous procédons rarement à des suivis de cohortes,…

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … par exemple dans le domaine de la délinquance, mais aussi dans de nombreux autres. C’est pourquoi le comité scientifique d’évaluation a été chargé de mener une enquête statistique sur le profil et le devenir des jeunes éligibles à la garantie jeunes ; il s’agit d’analyser ce qu’ils sont devenus après six mois, après douze mois, en comparant leurs parcours avec ceux de jeunes dans une situation identique, mais n’ayant pas bénéficié du dispositif. Comme je l’ai expliqué précédemment, nous disposerons des résultats de ce travail important en septembre ; nous pourrons alors modifier les modalités pratiques du dispositif.

Il y a bien une distinction entre le droit à la garantie jeunes et ses modalités de mise en œuvre !

Monsieur Bouvard, vous m’avez demandé pourquoi le budget réalisé en 2015 a été inférieur à celui prévu dans le projet de loi de finances. C’est une excellente question.

Mme Myriam El Khomri, ministre. La raison de cet écart est tout simplement que certaines personnes entrent dans le dispositif en cours d’année.

Mme Nicole Bricq. C’est évident !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il faut deux conseillers de mission locale pour quinze jeunes. Après les six semaines d’accompagnement collectif, les jeunes partent en entreprise ou en formation. Un nouveau groupe entre alors dans la garantie jeunes. Tous les jeunes concernés n’entrent donc pas dans le dispositif au 1er janvier de l’année. De là la différence qui a été signalée.

Pour 2016, ce sont bel et bien 300 millions d’euros qui ont été prévus par l’État pour la mise en œuvre de la garantie jeunes.

Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, vous affirmez que seule la FAGE soutient la garantie jeunes. Je regrette, mais cela est faux. Pour avoir mené des concertations avec les organisations de jeunesse, je puis vous assurer que le Mouvement rural de jeunesse chrétienne, le MRJC, qui représente les jeunes en milieu rural, soutient le dispositif, de même que la Jeunesse ouvrière chrétienne, la JOC.

Vous faites valoir aussi que le dispositif ne concerne pas les jeunes diplômés. Précisément ! Notre réussite est d’avoir bien ciblé le public qui avait le plus besoin d’aide, c’est-à-dire les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, ceux qui sont sortis du système scolaire ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Roland Courteau. Très juste !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Non, la garantie jeunes n’est pas destinée aux jeunes diplômés ; d’autres aides sont conçues pour eux.

Je le répète : nous avons ciblé les jeunes sortis du système scolaire. Si nous avons coutume de dire qu’ils en sortent à l’âge de seize ans, nous savons bien que, en pratique, certains en sortent dès quatorze ans ; je connais bien ce problème pour avoir été secrétaire d’État à la politique de la ville. Or nous avons réussi à réduire le nombre des jeunes qui sortent du système scolaire sans aucune formation, puisque de 150 000 il est passé à 110 000, ce qui certes est encore beaucoup trop.

Par ailleurs, je ne vois absolument pas d’opposition entre l’apprentissage et la garantie jeunes. Je puis, pour vous convaincre, avancer des données très concrètes : au bout de deux mois, 60 % des bénéficiaires de la garantie jeunes ont eu une mise en situation professionnelle ; au bout de quatre mois, ils sont 80 % dans ce cas. En vérité, ce dispositif est un pas vers l’apprentissage : un jeune qui souhaite devenir mécanicien est envoyé une semaine dans un garage en vue d’entrer ensuite au CFA. La garantie jeunes est un formidable levier pour orienter vers l’apprentissage, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où 5 % à peine des jeunes sont en apprentissage ! Il s’agit d’une forme de sas, dans lequel la relation à l’entreprise, la préparation à l’entreprise et à la formation sont placées au cœur de l’accompagnement.

On m’a très justement interrogée sur l’initiative européenne pour la jeunesse, dans le cadre de laquelle nous avons reçu 60 millions d’euros pour nous aider à mettre en œuvre la garantie jeunes. J’ai rencontré la commissaire Thyssen et nous sommes plusieurs ministres de l’emploi de l’Union européenne à demander la reconduction de ce programme. Je pense que nous serons fixés à ce sujet au moment du projet de loi de finances pour 2017, lorsque nous connaîtrons aussi les conclusions du comité scientifique d’évaluation, non seulement sur le suivi de cohortes, mais aussi sur les enjeux institutionnels et organisationnels de la garantie jeunes, c’est-à-dire sur les contacts avec le monde de l’entreprise et les CFA.

À cet égard, les réactions du monde de l’entreprise sur la garantie jeunes sont excellentes. Je vous assure que l’on travaille beaucoup mieux dans le cadre de ce dispositif.

La question des offres d’emploi non pourvues, soulevée par M. Canevet, est au cœur du sujet. D’ailleurs, dans le cadre du plan « 500 000 formations », nous sommes partis des besoins des employeurs bassin d’emploi par bassin d’emploi. Ce travail fin accompli avec les présidents de région sur les offres d’emploi non pourvues à l’échelle des régions nous permet ensuite de construire avec Pôle emploi et les missions locales pour l’emploi des parcours d’orientation adaptés.

Il y a des jeunes qui n’ont strictement aucune idée de ce qu’ils veulent faire. Quand la mission locale pour l’emploi analyse les besoins du bassin d’emploi, il est possible de les orienter vers des formations ou des mises en situation professionnelles – une semaine dans une crèche ou une usine – pour qu’ils sachent si le métier leur plaît, avant d’enchaîner avec la formation correspondante.

La garantie jeunes repose sur ce principe : l’emploi d’abord ; mais, surtout, les jeunes ne sont pas lâchés tant qu’ils ne tiennent pas quelque chose. Ils sont très entourés, fortement encadrés et intégrés à un collectif, ce qui est le meilleur des accompagnements.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais vous fournir, grâce au reporting qui est mené, une multitude de chiffres sur les 65 000 jeunes qui ont bénéficié du dispositif. Le comité scientifique d’évaluation mène un travail différent, touchant aux relations institutionnelles et aux relations avec les entreprises, ainsi qu’au suivi de cohortes. Ce travail beaucoup plus fin nécessite de revenir sur l’année qui a précédé la garantie jeunes et de disposer d’un recul suffisant sur le dispositif ; les résultats, je le répète, nous en seront prochainement communiqués.

J’invite le Sénat à adopter l’amendement du Gouvernement, plus complet que les amendements nos 320 et 893 rectifié, qui, d’autre part, font référence à un décret en Conseil d’État, alors qu’un décret simple suffirait pour fixer les modalités pratiques de la garantie jeunes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Si je comprends bien, madame la ministre, vous sollicitez le retrait des amendements nos 320 et 893 rectifié au profit de l’amendement du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Parfaitement, madame la présidente, car l’amendement du Gouvernement est plus précis.

Mme la présidente. Monsieur Arnell, l’amendement n° 893 rectifié est-il maintenu ?

M. Guillaume Arnell. Non, madame la présidente, je le retire au profit de l’amendement du Gouvernement.

Mme Dominique Gillot. Je fais de même avec l’amendement n° 320, madame la présidente !

Mme la présidente. Les amendements nos 320 et 893 rectifié sont retirés.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 437 et 971.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 368 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l’adoption 134
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 1030, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Après le mot :

impôts,

insérer les mots :

les mots : « de l’accompagnement personnalisé et renforcé » sont remplacés par les mots : « du parcours contractualisé d’accompagnement » et,

La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.

M. Michel Forissier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1030.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'article 23.)

Article 23 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Discussion générale