COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac,

M. Jackie Pierre.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les règles applicables aux exportations et aux importations de bois et de produits fabriqués en bois, en particulier en matières phytosanitaires.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires économiques et à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

3

Candidatures à une mission d'information

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des membres de la mission d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles, créée sur l’initiative du groupe écologiste en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

4

Candidatures à un groupe de travail

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté.

La liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

5

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 22 juin 2016, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État lui avait adressé une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (suppression de la clause de compétence générale des départements ; 2016 565 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

6

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après le tollé provoqué par l’interdiction de manifester à Paris, demain, annoncée ce matin par la préfecture de police, le Gouvernement a enfin entendu raison. Un accord a été trouvé en fin de matinée entre les organisations syndicales et le ministre de l’intérieur, pour permettre à une manifestation de se dérouler dans un périmètre défini.

Nous nous félicitons de cet accord et nous saluons la responsabilité dont a fait preuve l’intersyndicale, face à la fuite en avant autoritaire observée ce matin.

Cela étant, la question de fond demeure : peut-on poursuivre dans ces conditions la discussion du projet de loi Travail ? Dans la population, le rejet de ce texte est massif. Il atteint même 80 % parmi les jeunes.

Malgré une vaste campagne de dénigrement, la mobilisation elle-même bénéficie d’un soutien nettement majoritaire. Il faut rappeler que ce projet de loi n’a pas été discuté sérieusement avant sa présentation en conseil des ministres et qu’il n’a pas obtenu de majorité à l’Assemblée nationale, le 49.3 ayant conclu ce premier épisode.

Le débat en cours au Sénat est hors sol. Derrière le simulacre d’opposition, un accord profond se fait jour entre la majorité gouvernementale et la majorité sénatoriale quant à « la philosophie même du texte » – je reprends l’expression du rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne.

Or cet accord a pour toile de fond le rejet massif qu’expriment nos concitoyens. La crise qu’a fait éclater ce matin l’interdiction de manifester prouve bien qu’il est grand temps de suspendre ce débat parlementaire, pour permettre l’ouverture de réelles négociations avec l’ensemble des organisations syndicales. C’est là le seul moyen d’examiner toutes les propositions formulées. Il semble que le Gouvernement n’a pas encore répondu à certaines d’entre elles…

Mon intervention s’adresse au Sénat, bien sûr, mais aussi au Gouvernement : aujourd’hui, la raison devrait l’emporter. Madame la ministre, demandez à M. Valls de suspendre immédiatement ce débat !

Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame Assassi, je vous laisse l’entière responsabilité des termes que vous venez d’employer. Permettez-moi de ne pas m’inscrire à mon tour dans un registre que j’estime inutilement polémique.

Mme Éliane Assassi. Je ne vois pas ce que j’ai dit de polémique !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour ma part, je ne m’exprimerai que sur le fond.

Les débordements et les violences constatés ces derniers mois,…

Mme Éliane Assassi. C’est reparti !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … lors des différentes manifestations qui se sont déroulées dans le pays, se sont révélés nombreux. À chaque fois, le Gouvernement a mobilisé pleinement les forces de l’ordre, dans des conditions souvent très difficiles, précisément afin de garantir la liberté de manifestation de nos concitoyens.

Toutefois, il faut le rappeler, ce droit va nécessairement de pair avec l’impérieuse nécessité de garantir la sécurité des personnes et des biens, a fortiori dans un contexte dominé par la menace terroriste.

Dès lors que les conditions de cet impératif n’étaient pas réunies, dès lors que les organisateurs n’avaient pas accepté les propositions qui leur étaient soumises, le préfet de police de Paris a indiqué que, en l’état, il n’était pas possible d’autoriser un nouveau mouvement.

Soyez-en certaine : en tant que ministre chargée du dialogue social, je suis profondément attachée à la liberté syndicale, au droit de grève et à la liberté de manifester.

Mme Éliane Assassi. Dès lors, pourquoi ces menaces d’interdiction ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce sont là des conquêtes essentielles de notre histoire sociale. Je ne pouvais donc pas accueillir avec enthousiasme la perspective d’une interdiction, même si chacun peut comprendre que nous faisons face à un motif incontournable – j’y insiste – de sécurité.

En conséquence, nous pouvons tous nous réjouir de l’issue trouvée à la faveur d’un dialogue direct avec les organisations syndicales concernées. La réunion qui s’est tenue place Beauvau, ce matin, au cours de laquelle le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a reçu les représentants syndicaux, a permis d’aboutir à un compromis honorable, sur la base d’un parcours de substitution proposé par le Gouvernement.

Ainsi, le respect de la liberté de manifester est parfaitement garanti, et le cheminement proposé est plus propice à une sécurisation adaptée.

Vous le savez, au cours des dernières semaines, j’ai moi-même reçu au ministère du travail l’ensemble des représentants syndicaux. Nos discussions ont été animées d’une véritable volonté d’échange. Dans tous les cas, le dialogue a été franc, loyal et constructif.

À l’instar de l’accord conclu aujourd’hui, cette démarche confirme, loin des caricatures, l’attachement du Gouvernement à une expression démocratique féconde.

Cela étant, n’oublions jamais que la démocratie suppose également le respect de l’ordre et de la sécurité pour tous. Le Gouvernement a veillé au rappel de ces principes. J’espère que chacun assumera ses responsabilités et que les manifestations, annoncées pour demain et pour le 28 juin prochain, se dérouleront dans le calme, de manière maîtrisée et conforme à nos valeurs républicaines.

Enfin, j’invite la Haute Assemblée à poursuivre le débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

7

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, au titre du scrutin public n° 331, Mme Chantal Jouanno a été comptabilisée comme votant contre, alors qu’elle souhaitait voter pour.

Mme la présidente. Ma chère collègue, acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

8

Article 23 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 23 (début)

Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

 
 
 

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).

TITRE III (SUITE)

Sécuriser les parcours et construire les bases d’un nouveau modèle social à l’ère du numérique

Chapitre Ier (SUITE)

Mise en place du compte personnel d’activité

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre III, l’examen de l’article 23.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 23 (interruption de la discussion)

Article 23 (suite)

I. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’intitulé de la section 3 est ainsi rédigé : « Accompagnement des jeunes vers l’autonomie par l’emploi » ;

2° La division et l’intitulé des sous-sections 1 et 2 de la même section 3 sont supprimés ;

3° (Supprimé)

4° L’article L. 5131-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5131-4. – L’accompagnement mentionné à l’article L. 5131-3 peut prendre la forme d’un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi conclu avec l’État et mis en œuvre par les organismes mentionnés aux articles L. 5314-1 à L. 5314-4 du code du travail, élaboré avec le jeune et adapté à ses besoins identifiés lors d’un diagnostic. Le contrat d’engagements est signé préalablement à l’entrée dans le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi. » ;

5° L’article L. 5131-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5131-5. – Afin de favoriser son insertion professionnelle, le jeune qui s’engage dans un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi peut bénéficier d’une allocation versée par l’État et modulable en fonction de la situation de l’intéressé.

« Cette allocation est incessible et insaisissable.

« Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat. » ;

6° (Supprimé)

7° L’article L. 5131-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5131-7. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre, en particulier :

« 1° Les modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi, ainsi que la nature des engagements de chaque partie au contrat ;

« 2° Les modalités de fixation de la durée et de renouvellement du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie ;

« 3° Les modalités d’orientation vers les différentes modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi, ainsi que leurs caractéristiques respectives ;

« 4° Les modalités d’attribution, de modulation, de suppression et de versement de l’allocation prévue à l’article L. 5131-5. » ;

 L’article L. 5131-8 est abrogé.

bis. – Au deuxième alinéa de l’article L. 5134-54 du même code, les mots : « titulaires du contrat d’insertion dans la vie sociale » sont remplacés par les mots : « ayant conclu un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi ».

ter. – Au 2° du I de l’article 244 quater G du code général des impôts, après le mot : « décret », sont insérés les mots : « en Conseil d’État ».

II. – Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2017. Les contrats d’insertion dans la vie sociale conclus antérieurement continuent à produire leurs effets dans les conditions applicables avant cette date, jusqu’à leur terme.

Mme la présidente. L'amendement n° 973, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

Accompagnement des jeunes vers l’autonomie

par les mots :

Droit à l’accompagnement des jeunes vers l’emploi et l’autonomie

II. – Alinéa 4

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° À l’article L. 5131-3, après le mot : « accompagnement », sont insérés les mots : « vers l’emploi et l’autonomie » et les mots : « , ayant pour but l’accès à la vie professionnelle » sont supprimés ;

III. – Alinéas 6, 8, 14, 16 et 19

Remplacer les mots :

vers l’autonomie par l’emploi

par les mots :

vers l’emploi et l’autonomie

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Le présent amendement tend à réinscrire dans ce projet de loi l’objectif d’un accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, que la commission a remplacé par un objectif d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi.

L’accès à l’autonomie est une notion plus large que le simple accès à l’emploi. On le constate concrètement avec le développement de la garantie jeunes : l’établissement du dossier permettant de bénéficier de ce dispositif soulève la question de l’accès au logement et, plus largement, appelle notre attention sur tous les freins périphériques entravant l’accès à l’emploi.

Ces différents facteurs doivent être pris en compte concomitamment. C’est là un enjeu essentiel. La maîtrise des codes d’un entretien d’embauche, l’obtention du permis de conduire sont autant d’étapes dans le parcours conduisant les jeunes vers la vie active.

Dès lors, l’efficience des dispositifs qui leur sont offerts ne peut être évaluée en mesurant le seul accès à l’emploi : ce facteur dépend en partie du contexte du marché du travail, des diverses étapes franchies et des compétences sociales et professionnelles acquises qui les rapprochent du marché du travail.

À cet égard, dans la garantie jeunes, les six semaines de coaching collectif que deux conseillers des missions locales consacrent à des groupes de quinze jeunes sont tout particulièrement intéressantes. Elles permettent de prendre en compte chacune des situations individuelles et d’œuvrer à une meilleure orientation professionnelle. Il s’agit là d’un temps précieux.

Aussi, je souhaite que la notion d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie soit de nouveau inscrite dans le présent texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ce point à la fois rédactionnel et philosophique ne change en rien le dispositif élaboré.

Aussi, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, pour explication de vote.

Mme Stéphanie Riocreux. Madame la ministre, vous l’avez souligné : au travers de son article 23, ce projet de loi réaffirme le droit à l’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans qui éprouvent des difficultés et se trouvent confrontés à un risque d’exclusion professionnelle. Ce droit peut être mis en œuvre dans le cadre d’un parcours contractualisé conclu avec l’État.

Reprenant un amendement présenté par nos soins, la commission a inscrit dans le présent texte le principe selon lequel ce travail serait confié aux missions locales.

Créées en 1982, ces structures exercent une mission de service public de proximité. Le but ici est essentiel : accompagner les jeunes dans leur parcours d’insertion professionnelle et sociale.

Chacun reconnaît le rôle joué par les missions locales dans le déploiement de nombreux dispositifs comme les emplois d’avenir ou le droit à l’accompagnement renforcé. Ainsi, en affirmant que la mise en œuvre de ce parcours d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie est assurée par les missions locales, nous garantissons l’application effective et cohérente de ce droit sur le territoire national tout entier.

À l’heure où un grand nombre de collectivités manifestent la volonté de poursuivre leur engagement via des contrats pluriannuels signés avec la mission locale intervenant sur leur territoire, il est cohérent de reconnaître cette exclusivité au réseau des missions locales.

À ce titre, je fais miens les propos de notre collègue député Jean-Patrick Gille, président de l’union des missions locales : sur l’ensemble du territoire, la mission locale offre une égalité d’accès à un réseau à des jeunes qui, justement, sont privés de réseaux.

De plus, l’expérimentation de la garantie jeunes est d’ores et déjà confiée aux missions locales. Faut-il prévoir des dérogations au principe d’exclusivité, au motif que l’une des 450 missions locales existantes éprouverait des difficultés à intervenir ? Ne vaut-il pas mieux tout mettre en œuvre pour renforcer ces structures, au nom du principe d’égalité qu’elles défendent ?

Madame la ministre, je sais toute l’attention que vous accordez aux besoins exprimés par le réseau des missions locales, et qui verra sa traduction dans le prochain projet de loi de finances.

Bien entendu, nous voterons cet amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Hier, à une heure tardive, j’ai exposé l’analyse que les élus du groupe CRC font du présent article.

Bien sûr, je ne retranche rien à mes propos. Toutefois, mes collègues et moi-même jugeons tout à fait positives les dispositions du présent amendement.

Au reste, contrairement à ce qu’a déclaré M. le rapporteur, il ne s’agit pas d’un simple amendement rédactionnel. La terminologie ici proposée traduit une autre conception, voire une philosophie différente. Nous sommes donc bien face à une question de fond ! (Mme Stéphanie Riocreux acquiesce.)

L’objectif d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie est plus large que le but énoncé par la commission, et nous soutenons donc tout à fait cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.

Mme Agnès Canayer. Hier soir, j’ai moi aussi pris la parole pour exposer notre opposition philosophique à ces dispositions, qui, je le souligne à mon tour, ne sauraient se limiter à une correction rédactionnelle.

Si elle est ouverte sans condition, la garantie jeunes conduira à une forme d’assistanat.

Mme Agnès Canayer. Elle se résumera à une allocation versée systématiquement.

Or un tel choix reviendrait à dévoyer le rôle des missions locales. Ces dernières sont avant tout chargées de l’accompagnement vers l’emploi. Elles doivent donner aux jeunes tous les moyens possibles pour entrer sur le marché du travail.

En distinguant, parmi les jeunes, d’une part, ceux qui peuvent et doivent être insérés dans l’emploi, et, de l’autre, ceux dont une allocation garantira l’autonomie, on aboutira à un résultat foncièrement opposé à notre conception de la garantie jeunes.

Je le répète : de même que les missions locales, ce dispositif a pour but premier l’insertion dans l’emploi !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pour ma part, je préside une mission locale, et je suis de surcroît un groupe de garantie jeunes.

Je l’ai déjà dit : je suis intimement persuadé du caractère bénéfique de ce dispositif. Néanmoins, des améliorations sont encore nécessaires, notamment en matière d’accompagnement. (Mme la ministre le concède.) En particulier, la qualité des animateurs est essentielle.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la ministre, vous avez insisté avec raison sur l’importance du travail collectif. S’y ajoute, bien entendu, l’enjeu de la démarche vers l’entreprise.

Si je formule ce rappel, c’est pour que tout le monde saisisse bien la portée de la garantie jeunes : ce dispositif est assez innovant, en ce sens que les jeunes eux-mêmes sont appelés à rechercher les stages d’immersion répartis tout au long de leur parcours.

Il s’agit là d’une formidable chance ! Mais si cette démarche n’est pas accompagnée, si elle ne permet pas cette expérience de l’autonomie, au-delà des 460 euros mensuels alloués, on ne pourra pas aboutir au résultat que nous attendons tous, à savoir que ces jeunes, à l’origine très éloignés du monde du travail, trouvent enfin un emploi.

Aussi, gardons-nous de toute confusion en parlant de « généralisation » : tous les jeunes désireux de trouver un emploi ne sont pas appelés à bénéficier de ce dispositif. Ce dernier est, au contraire, réservé à ceux qui sont le plus loin du marché du travail, à ceux que l’on nomme familièrement les « décrocheurs ». Tel est le public ciblé.

Mes chers collègues, nous ne nous battons pas sur les chiffres : Mme la ministre les a déjà cités. L’enjeu est désormais de pouvoir évaluer précisément la garantie jeunes. C’est la raison pour laquelle la commission, suivant ses rapporteurs, a prévu de lui consacrer un bilan d’étape en 2017, avant sa généralisation.

Nous restons convaincus qu’il s’agit là d’un bon dispositif, à condition que l’encadrement soit au rendez-vous et que les missions locales soient à même de cibler les populations réellement visées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je tiens à réagir aux propos de Mme Canayer. Je serai brève, car M. Vanlerenberghe leur a déjà opposé un démenti.

Il suffit de lire l’objet de cet amendement pour constater que le parcours d’accompagnement proposé est assorti de droits et de devoirs. Cette précision est clairement apportée !

De surcroît, lundi dernier, l’INSEE a publié une étude consacrée aux jeunes de 18 à 24 ans et à leur réussite, selon qu’ils sont, ou non, aidés par leurs parents. Les conclusions de cette enquête sont extrêmement intéressantes. Elles valent pour l’ensemble de l’article 23, notamment pour la garantie jeunes.

Le public visé par l’ensemble de ces dispositifs est précisément formé de ceux qui ne bénéficient pas d’un soutien familial : en la matière, une profonde inégalité frappe de nombreux jeunes dès leur majorité. Tel est le constat dressé par cette enquête.

Dès lors, monsieur le rapporteur, cette disposition est peut-être philosophique, mais elle est surtout éminemment politique.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

Mme Nicole Bricq. Aussi, je vous félicite d’avoir émis un avis de sagesse. Vous avez compris l’importance de cet amendement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ah ! Un bon point pour M. Forissier ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Bricq. L’enjeu est bien le suivant : tourner vers l’activité ces jeunes qui n’ont rien, que la vie a souvent mal servis et que leur famille elle-même n’aide pas.

A contrario, beaucoup de parents aident leurs enfants, en particulier ceux qui jouissent d’une certaine aisance financière. Cette situation entraîne de grandes inégalités ! J’insiste sur cette réalité, qui me paraît essentielle. Nous devons collectivement réussir à surmonter ce handicap, qui est à la fois social et économique. (M. Michel Bouvard applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr, dans l’absolu, chaque homme, chaque femme a droit à l’autonomie, chaque homme, chaque femme a droit à un travail. Toutefois, en l’occurrence, nous débattons non des droits de l’homme mais du code du travail, en vertu duquel seul un emploi permet d’acquérir l’autonomie ! Si l’on réfute ce postulat, on peut renoncer à élaborer tout code du travail… Voilà pourquoi je souscris pleinement aux propos de Mme Canayer.

À la suite de l’avis de sagesse émis par M. Forissier, je demande aux uns et aux autres de bien réfléchir à leur vote : les jeunes doivent acquérir l’autonomie par l’emploi, dans le cadre du code du travail ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’insiste sur le fait que ce dispositif innovant permet d’atteindre des publics qui, auparavant, demeuraient à l’écart : en tout, 80 % des jeunes concernés ne sont en situation ni d’emploi, ni d’études, ni de formation.

Mme Myriam El Khomri, ministre. En outre, 22 % de ces publics sont issus des quartiers ciblés par la politique de la ville. Dans ces secteurs, le taux de chômage des jeunes dépasse les 40 %. Cet indicateur s’établit même à 70 % dans le quartier de la Castellane, à Marseille.

Au surplus, avant d’obtenir la garantie jeunes, quelque 18 % des bénéficiaires n’étaient pas connus des missions locales. Ils ont été dirigés vers ce dispositif par l’aide sociale à l’enfance ou encore par la protection judiciaire de la jeunesse.

Dès lors, pourquoi parlons-nous de généralisation ? La garantie jeunes n’est pas une simple allocation. Elle relève de la solidarité, non de l’assistanat. Elle assure un accompagnement : si les jeunes rompent le contrat qu’ils ont conclu avec la mission locale, ils perdent le bénéfice de leurs prestations.

Parallèlement, le premier pas vers l’accès à l’emploi consiste à acquérir des compétences en matière d’autonomie.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mais c’est un enjeu d’éducation !