compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

M. Christian Cambon,

M. Claude Haut.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d’un document

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le tableau de programmation des mesures d’application de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Acte est donné du dépôt de ce document.

Il a été transmis à la commission des lois.

3

Article 33 (supprimé) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Articles additionnels après l’article 33

Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).

Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre IV, à l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 33.

Titre IV (suite)

Favoriser l’emploi

Chapitre II (suite)

Développer l’apprentissage comme voie de réussite et renforcer la formation professionnelle

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 33 bis

Articles additionnels après l’article 33

Mme la présidente. L’amendement n° 770 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 33

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 6322-6 du code du travail, après le mot : « avis », est inséré le mot : « conforme ».

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à modifier l’article L. 6322-6 du code du travail, qui dispose que le congé individuel de formation, ou CIF, est de droit et que seules des « conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l’entreprise » peuvent justifier un refus de l’employeur, après un avis simple du comité d’entreprise.

Notre amendement tend à transformer cet avis simple en avis conforme, pour deux raisons.

En premier lieu, le droit à la formation est fondamental puisqu’il permet à un salarié d’évoluer dans sa carrière. En effet, à l’heure où il est de plus en plus rare de rester toute sa vie professionnelle au même poste ou dans la même entreprise, exercer ce droit est devenu une nécessité pour les salariés. S’il n’est pas le garant d’une carrière stable, le droit à la formation constitue une protection non négligeable contre le risque de chômage et permet d’améliorer les qualifications des salariés, devant déboucher in fine sur des gains de rémunération et une reconnaissance de leur travail.

En second lieu, le droit à la formation constitue un »plus » pour les entreprises. En effet, la sous-formation et la sous-qualification ont une incidence sur la productivité des salariés. Ainsi, l’INSEE a démontré que, plus le niveau de qualification est élevé, plus la productivité est importante. Une autre étude de cet organisme confirme la réalité de ces gains de productivité sont liés à la formation ; ainsi, à une dépense de formation de 150 euros par salarié correspondrait un gain de productivité de l’ordre de 0,5 % par tête. Notons que l’augmentation de salaire accordée à la suite de la formation représenterait moins de la moitié du gain de productivité.

Enfin, au travers de cet amendement, nous entendons rappeler l’importance du dialogue social. La rédaction actuelle de l’article L. 6322-6 du code du travail donne une trop grande marge de manœuvre aux employeurs en matière de congés de formation et il n’est pas rare que, dans un contexte d’effectifs restreints, des salariés soient empêchés de jouir de leur droit à la formation. Un avis conforme du comité d’entreprise permettrait de sécuriser l’exercice de ce droit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement remet en cause les règles de fonctionnement du CIF. S’agissant d’un mécanisme de formation de longue durée, le départ simultané de plusieurs salariés en CIF peut avoir des conséquences négatives sur le fonctionnement de l’entreprise. C’est pourquoi, dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur doit pouvoir réguler les départs en CIF et, le cas échéant, en différer certains.

Il faut néanmoins savoir qu’un CIF ne peut être différé par l’employeur que de neuf mois au maximum. Ainsi, dans tous les cas, l’employeur doit garantir le départ en formation dans l’année en cours.

Autant l’État est responsable de l’ordre républicain, autant l’employeur est responsable de la gestion de son entreprise, étant entendu que la formation est naturellement une nécessité, comme vous l’avez bien souligné, mon cher collègue.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. M. le rapporteur l’a dit, l’employeur ne peut pas refuser l’autorisation d’absence au titre du CIF ; il peut simplement reporter le départ en formation, de neuf mois au maximum. L’état actuel du droit me paraît donc protéger de manière équilibrée le projet professionnel du salarié et l’activité économique de l’entreprise.

J’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 770 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 771, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 33

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 1 du chapitre II du titre II du livre III de la sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° Le troisième alinéa de l’article L. 6322-17 est remplacé par un alinéa ainsi rédigé : « Les conditions de rémunération sont celles prévues à l’article L. 6422-8. » ;

2° L’article L. 6322-34 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « agréé », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « dans les conditions de rémunération prévues à l’article L. 6422-8. » ;

b) Le second alinéa est supprimé.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Le Gouvernement propose que les salariés qui font valoir leur droit à un congé pour validation des acquis de l’expérience bénéficient d’une rémunération égale à celle qu’ils auraient perçue en restant à leur poste de travail. Nous saluons cette mesure, mais souhaitons en étendre le principe aux bénéficiaires d’un congé individuel de formation. En effet, l’autorisation d’absence donnée par l’employeur au titre de ce congé n’entraîne pas automatiquement le maintien de la rémunération ni la prise en charge des frais afférents à la formation. La rémunération dépend du salaire mensuel brut du salarié. Ainsi, dans certains cas, le salarié peut perdre jusqu’à 20 % de son salaire s’il est à temps plein, et jusqu’à 40 % s’il est à temps partiel. Nous avons tous rencontré des salariés déclarant hésiter, pour cette raison, à recourir au CIF, alors que celui permet d’accéder à un niveau supérieur de qualification ou de changer d’activité ou de profession.

En outre, dans ce cadre, le salarié est associé à l’identification de ses besoins de formation. Nous serons sans doute tous d’accord sur le point que la formation est un instrument non seulement de lutte contre le chômage, mais encore de promotion de l’individu au sein de l’entreprise et de la société. C’est pourquoi nous souhaitons en favoriser l’accès au travers de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Il est normal que le salarié en CIF bénéficie d’une indemnité. Toutefois, comme il s’agit d’une formation décidée sur son initiative et qu’il n’est plus dans l’entreprise, cette indemnité est logiquement remboursée à l’employeur par l’organisme chargé de son financement, l’organisme paritaire collecteur agréé au titre du congé individuel de formation, ou OPACIF. Le versement d’une indemnité équivalente à la rémunération du salarié aurait des incidences financières importantes sur la capacité des OPACIF à financer les formations des salariés.

Observons toutefois que, en l’état actuel du droit, seuls les salariés dont la rémunération est supérieure à deux fois le SMIC ne bénéficient pas d’une indemnité équivalente à leur salaire antérieur. Au-dessus de ce seuil, l’indemnité représente 80 % du salaire lorsque la formation dure moins d’un an et 60 % lorsqu’elle dure plus longtemps.

Ces règles ont été établies par les partenaires sociaux. Il leur appartient de les changer le cas échéant et de débloquer les ressources financières nécessaires à une telle réforme. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le coût de la mise en œuvre d’un tel dispositif serait en effet considérable pour les fonds de gestion des congés individuels de formation, les FONGECIF, parce que la durée d’un congé de validation des acquis de l’expérience est de 24 heures, quand celle d’un CIF est en moyenne de 700 heures. Dans le contexte actuel, l’adoption d’une telle disposition risquerait de restreindre considérablement le nombre de personnes pouvant bénéficier d’un CIF, les moyens existants ne permettant déjà pas de répondre à l’ensemble des demandes.

Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Nous avons été sollicités sur ce sujet par des salariés de tous horizons.

J’ai été attentive aux arguments de la commission et du Gouvernement, mais nous maintenons cet amendement d’appel. C’est un vrai problème, sur lequel il faut approfondir la réflexion.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 771.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 159 rectifié quater, présenté par MM. A. Marc, Laménie, Dallier et Laufoaulu, Mmes Primas et Lopez, M. Dufaut, Mme Deromedi et M. Mandelli, est ainsi libellé :

Après l’article 33

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 2° de l’article L. 6332-21 du code du travail est complété par les mots : « ; ces versements ne peuvent être inférieurs à 6 000 euros par contrat ».

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Les contrats de professionnalisation conclus par les entreprises sont financés par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, et, en cas d’insuffisance de trésorerie, par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP.

Les contrats de professionnalisation sont en grande majorité conclus entre les mois de septembre et de novembre et s’étalent au minimum sur deux années civiles. Pour pouvoir s’engager, les employeurs doivent avoir, au moment de la conclusion du contrat, une certitude sur son financement sur toute sa durée.

Or le montant de l’intervention du FPSPP est fixé annuellement par les partenaires sociaux et est donc susceptible d’évolution. Cette situation engendre une incertitude sur le financement.

Cet amendement vise donc à sécuriser le financement des contrats de professionnalisation en inscrivant dans la loi le montant minimal d’intervention du FPSPP au titre de la péréquation, les partenaires sociaux restant libres de fixer, au travers de leur négociation annuelle, un montant plus favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Si je comprends bien la finalité de cet amendement, on se trouve confronté à un problème juridique. En effet, le FPSPP est une instance paritaire de financement de la politique de formation professionnelle des salariés et des demandeurs d’emploi, qui a notamment pour mission d’assurer la péréquation entre les différents organismes collecteurs. Ce sont les partenaires sociaux qui le financent et le gèrent, en lien avec l’État, à travers une convention-cadre triennale.

Ce n’est donc pas à la loi de fixer un niveau minimal de participation de cet organisme au financement des contrats de professionnalisation, sachant que le montant de ces ressources peut varier, tout comme leur utilisation prioritaire. Une telle mesure ne serait applicable qu’au détriment d’autres politiques et d’autres publics. En outre, le principe de la gestion paritaire ne peut être remis en cause.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, ma chère collègue, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. M. le rapporteur l’a dit, il faut faire confiance aux partenaires sociaux. Il importe que les règles soient suffisamment stables et que les engagements financiers pris par les OPCA ne soient pas remis en cause.

Par conséquent, j’émets également un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Deromedi, l’amendement n° 159 rectifié quater est-il maintenu ?

Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 159 rectifié quater est retiré.

Articles additionnels après l’article 33
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 33 ter

Article 33 bis

Le titre Ier du livre III de la sixième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 6313-1, après les mots : « la participation », sont insérés les mots : « d’un salarié, d’un travailleur non salarié ou d’un retraité » ;

2° L’article L. 6313-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les retraités, le remboursement des frais de transport, d’hébergement et de restauration pour la participation à un jury d’examen ou de validation des acquis de l’expérience mentionné au dernier alinéa de l’article L. 6313-1 peut être pris en charge par les organismes collecteurs paritaires agréés mentionnés à l’article L. 6332-14, selon les modalités fixées par accord de branche. » – (Adopté.)

Article 33 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 33 quater (Texte non modifié par la commission)

Article 33 ter

À titre expérimental, dans deux régions volontaires, il est dérogé aux règles de répartition des fonds non affectés par les entreprises de la fraction « quota » de la taxe d’apprentissage et de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, définies à l’article L. 6241-3 du code du travail, selon les modalités suivantes. Les organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage mentionnés aux articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du même code transmettent à chaque région expérimentatrice une proposition de répartition sur son territoire des fonds non affectés par les entreprises. Cette proposition fait l’objet, au sein du bureau mentionné à l’article L. 6123-3 dudit code, d’une concertation au terme de laquelle le président du conseil régional notifie aux organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage sa décision de répartition. Les organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage procèdent au versement des sommes aux centres de formation d’apprentis et aux sections d’apprentissage conformément à la décision de répartition notifiée par la région, dans les délais mentionnés à l’article L. 6241-3 du même code.

Cette expérimentation est mise en place du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019.

Le bilan de l’expérimentation est réalisé par le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles.

Le Gouvernement remet au Parlement, au cours du premier semestre 2020, un rapport portant sur les expérimentations mises en œuvre au titre du présent article afin de préciser les conditions éventuelles de leur généralisation.

Mme la présidente. L’amendement n° 774, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. L’article 33 ter vise à régionaliser la répartition des fonds non affectés par les entreprises de la fraction « quota » de la taxe d’apprentissage et de la contribution supplémentaire à l’apprentissage.

Selon nous, cette mesure affaiblira encore plus le service public de l’éducation nationale. C’est l’égalité républicaine qui est ici en jeu, car l’emploi de ces fonds sera directement lié à la vision politique de l’apprentissage des régions concernées. En effet, nous constatons déjà aujourd’hui une divergence des politiques régionales en matière de formation, certains conseils régionaux semblant plus soucieux de développer des dispositifs de formation courte tournés vers un accès rapide à l’emploi que de maintenir des formations plus lourdes s’inscrivant dans une démarche de promotion sociale.

Cette ligne politique, nous la défendions déjà lors de l’examen de la loi Darcos relative à l’apprentissage : nous sommes attachés à l’égalité républicaine.

Que constatons-nous dans le paysage redessiné autour de treize grandes régions ? Une région réclame le retour à l’apprentissage dès 14 ans, d’autres décident de fermer une section sur le fondement d’une évaluation des besoins d’emplois que les professionnels eux-mêmes contestent, et quasiment toutes ont la tentation de borner leur action à des prés carrés définis au regard de bassins d’emploi très limités et déterminés à un instant « t ». Qu’en est-il, dès lors, d’une offre de formation équilibrée sur tout le territoire et de la mobilité, sachant que l’on nous dit que les salariés doivent « bouger » ?

Cette régionalisation pédagogique ne pourra qu’être aggravée par cette régionalisation budgétaire. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’expérimentation, dans deux régions et pendant trois ans, de l’affectation par le conseil régional des fonds libres du quota de la taxe d’apprentissage.

Il faut au contraire, me semble-t-il, mener cette expérimentation à son terme, car elle permettra de lever les dernières ambiguïtés de la réforme de la taxe d’apprentissage de 2014. La rivalité et la méfiance existant entre les branches et les conseils régionaux sur ce point pourront être tranchées au regard du bilan de l’expérimentation, dont nous avons confié l’établissement au Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CNEFOP. Si les deux régions concernées ne sont pas en mesure de tirer parti de cette ressource financière supplémentaire pour développer l’apprentissage, il n’y aura bien entendu pas lieu de généraliser l’expérimentation.

La commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Rassurez-vous, monsieur Bosino, ce n’est absolument pas la part de la formation technique affectée à l’éducation nationale qui est en jeu dans cette expérimentation. Il s’agit seulement de la répartition des fonds libres de la taxe d’apprentissage ; ce qui échoyait aux centres de formation d’apprentis, les CFA, sera désormais affecté aux régions concernées, mais demeurera consacré à l’apprentissage.

Une convention entre l’État et les régions a été signé le 30 mars dernier. Elle prévoit d’expérimenter la répartition par les régions des fonds de la taxe d’apprentissage non affectés par les entreprises, s’il en existe.

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a confié aux régions une ressource propre et dynamique, qui conforte leur rôle dans le développement de l’apprentissage et leur permet de réguler davantage les moyens à attribuer aux CFA. Nous venons en outre de décider d’ouvrir à la voie de l’apprentissage les titres professionnels du ministère chargé de l’emploi : Najat Vallaud-Belkacem, Clotilde Valter et moi-même avons adressé un courrier en ce sens aux présidents de région.

C’est dans ce cadre qu’aura lieu l’expérimentation et, je le répète, les ressources affectées à l’éducation nationale ne seront pas touchées.

Aujourd’hui, les collecteurs sont tenus de recueillir l’avis de la région avant de répartir les fonds libres et de soumettre leurs propositions aux comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP. Ils décident in fine de l’affectation de la taxe, mais les régions interviennent ensuite au travers du versement aux CFA de subventions d’équilibre.

L’exercice 2015 a mis en lumière des contradictions entre les décisions, qui ont pesé sur l’équilibre financier de ces structures. Dans ce contexte, l’évaluation de cette expérimentation sur trois ans permettra d’apprécier la pertinence du dispositif.

En conclusion, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 774.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 862 rectifié, présenté par MM. Canevet, Guerriau, Cadic et Bonnecarrère, Mmes Loisier et Joissains, M. Kern, Mme Billon et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

I. Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il est remis au Parlement.

II. Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Cet article prévoit que soient expérimentées dans deux régions des modalités différentes d’affectation d’une partie du produit de la taxe d’apprentissage et qu’un bilan en soit tiré par le CNEFOP. Il paraît souhaitable, en effet, que les schémas régionaux de formation et l’affectation des moyens financiers aux CFA soient en parfaite cohérence. Il conviendra d’ailleurs d’envisager les moyens d’assurer, à l’avenir, une plus grande maîtrise par les régions de la politique de la formation professionnelle, en lien étroit avec les structures régionales des organisations professionnelles.

Dans ce contexte, nous proposons que le bilan de cette expérimentation soit également communiqué au Parlement. L’amendement vise par ailleurs à supprimer l’alinéa 4 de l’article, qui prévoit que le Gouvernement remette un rapport ad hoc au Parlement.

En effet, eu égard au taux de remise effective des rapports demandés au Gouvernement – à peine un sur deux –, il ne semble pas utile de prévoir un rapport sur le rapport tirant le bilan de l’expérimentation… Le Parlement et le Gouvernement doivent être en mesure de formuler des propositions à l’issue de la phase expérimentale, sans attendre l’hypothétique remise d’un énième rapport gouvernemental.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement a donné lieu à une longue discussion en commission. Nous avons effectivement constaté que les rapports demandés n’arrivent pas toujours… Cela étant, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue, car il est tout de même normal que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport faisant le bilan de l’expérimentation, afin que celui-ci puisse décider en toute connaissance de cause s’il est opportun d’y mettre un terme ou de généraliser le dispositif. Je pense que, sur le fond, Mme la ministre aura bien compris le message…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. J’ai parfaitement compris le message ! Voilà quelques jours, j’ai d’ailleurs demandé à chacune des directions de mon ministère de me communiquer la liste des rapports à remettre au Parlement, pour que je puisse suivre personnellement l’évolution de leur élaboration. Je m’engage à ce que, dans le champ de compétence de mon ministère, les rapports du Gouvernement soient rendus dans les meilleurs délais.

Une expérimentation doit faire l’objet d’une évaluation rigoureuse et d’un rapport en tirant les enseignements. Dans cette perspective, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Madame Billon, l’amendement n° 862 rectifié est-il maintenu ?

Mme Annick Billon. Non, je le retire, madame la présidente, au bénéfice des arguments du rapporteur et de Mme la ministre : nous nous sommes écoutés, nous nous sommes entendus !

Mme la présidente. L’amendement n° 862 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 33 ter.

(L’article 33 ter est adopté.)

Article 33 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 34

Article 33 quater

(Non modifié)

À titre expérimental, dans les régions volontaires, il est dérogé à la limite d’âge de vingt-cinq ans prévue à l’article L. 6222-1 du code du travail. Cette limite d’âge est portée à trente ans.

Cette expérimentation est mise en place du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019.

La région ou la collectivité territoriale de Corse adresse au représentant de l’État dans la région le bilan au 31 décembre 2019 de l’expérimentation qui lui a été, le cas échéant, confiée.

Le Gouvernement remet au Parlement, au cours du premier semestre 2020, un rapport portant sur les expérimentations mises en œuvre au titre du présent article afin de préciser les conditions éventuelles de leur généralisation.

Mme la présidente. L’amendement n° 69, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Ouvrir la possibilité, fût-ce à titre expérimental, d’entrer en apprentissage au-delà de l’âge de 25 ans nous paraît dangereux.

En effet, même si l’apprentissage est un sujet à la mode, au sein tant du Gouvernement que de la droite sénatoriale, il faut prendre le temps d’ausculter en profondeur les réalités qu’il recouvre.

Tout d’abord, les jeunes qui empruntent la voie de l’apprentissage, dispositif parallèle à l’éducation professionnelle, travaillent dans des conditions particulièrement précaires : un jeune de plus de 21 ans en troisième année d’apprentissage ne touche que 78 % du SMIC, aucune embauche ultérieure en CDI n’étant garantie.

Ensuite, s’il existe, dans la filière de l’apprentissage, des formations d’excellence qui sont de véritables passerelles vers un emploi qualifié – par exemple dans les métiers de bouche ou du luxe –, la grande masse des apprentis travaillent en réalité dans des secteurs où la valeur ajoutée créée est beaucoup plus faible, voire quasi nulle. Le recours à l’apprentissage apporte alors avant tout un effet d’aubaine à l’employeur, qui bénéficie ainsi d’une main-d’œuvre bon marché et dont la formation pratique ne représente pas un investissement important. L’extension de l’apprentissage au-delà de 25 ans a donc pour seul intérêt d’augmenter la plus-value dans ces secteurs.

Par ailleurs, soyons clairs : ce report à 30 ans de la limite d’âge pour l’entrée en apprentissage concernera en réalité des jeunes déjà formés mais au chômage, à qui on demandera d’accepter une faible rémunération. Ce dumping social élargi à une nouvelle fraction de la jeunesse aggravera la pression sur l’ensemble des salariés. Ajoutons que les comptes sociaux seraient soumis à une baisse significative des cotisations.

La multiplication des dispositifs tels que les emplois d’avenir ou les contrats aidés a débouché sur un échec ; cette course à la baisse du coût du travail n’a rien donné depuis trente ans, si ce n’est une baisse des salaires réels et une augmentation de la précarité.

Par conséquent, plutôt que de porter à 30 ans l’âge limite pour entrer en apprentissage, il vaudrait mieux s’attaquer au vrai problème que constitue la fréquence des ruptures de contrat, le taux s’élevant jusqu’à 42 % dans certains secteurs d’activité et dans certaines régions