Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi a déjà une longue histoire. Elle s’inspire, en effet, d’un texte déposé en 2010 par notre ancien collègue Jacques Muller, que je salue.

C’est en tenant compte des critiques qui lui avaient été faites et des évolutions importantes qui ont modifié notre paysage audiovisuel depuis que j’ai déposé, en 2013, cette nouvelle mouture, plus affinée dans ses objectifs.

Après une première lecture l’an passé, la voici de retour dans cet hémicycle, pour, espérons-le, une adoption définitive.

Les effets de la publicité sur les comportements et le développement de nos enfants sont aujourd’hui indéniables. Les études récentes mettent en évidence une dégradation de leurs pratiques alimentaires, un dérèglement de leur mode de vie et une confusion accrue dans leur hiérarchie des valeurs. Tout cela affecte profondément leur manière d’être en famille, à l’école et en société.

Je ne développerai pas davantage cet inquiétant constat qu’ont déjà exposé les intervenants précédents. Je rappellerai simplement que ce texte répond à un objectif d’intérêt général, la protection de nos enfants.

Ainsi, loin de relever d’une initiative minoritaire, partisane ou isolée, cette proposition de loi transcende les clivages politiques et sociaux. Elle recueille l’approbation massive de nos concitoyens – pas seulement au travers des enquêtes d’opinion, monsieur Assouline –, l’appui des principales associations familiales et de parents d’élèves, ainsi que le soutien de différentes institutions et personnalités du monde de la santé et de l’éducation.

Elle participe, à l’échelle européenne, d’une dynamique plus globale qui conduit un nombre croissant de pays à légiférer : en Allemagne, par exemple, un cadre très contraignant s’applique en matière d’autorisation de diffusion de messages commerciaux pour enfants ; aux Pays-Bas, une interdiction cible la promotion des produits alimentaires non diététiques ; en Grèce, la publicité pour les jeux et jouets jugés préjudiciables aux enfants est prohibée ; en Espagne, au Royaume-Uni et en Belgique, toute publicité visant les enfants est interdite sur les chaînes publiques ; enfin, dans trois pays d’Europe du Nord, elle est désormais proscrite sur l’ensemble des chaînes de télévision.

Notre pays se situe aujourd’hui en queue du peloton de l’Union européenne en matière de régulation. Adopter ce soir cette proposition de loi nous replacera en bien meilleure position.

Je voudrais maintenant tenter de répondre à certaines objections parfois opposées à ce texte.

Il faut s’en féliciter, personne ne remet en cause, sur le fond, le bien-fondé de notre initiative en faveur de la protection de l’enfance. Les réticences exprimées par certains sont essentiellement d’ordre économique, la principale d’entre elles tenant aux conséquences financières qu’entraînerait l’adoption d’une telle mesure pour France Télévisions.

À ce propos, je dois saluer le sens de l’anticipation dont a fait preuve la direction du groupe en intégrant d’ores et déjà, dans son dernier plan d’affaires, la baisse de recettes publicitaires qui résulterait de la mise en œuvre du dispositif. Toutefois, son chiffrage de cette baisse – 20 millions d’euros par an –, plus de deux fois supérieur au nôtre, est un peu surprenant. Il conviendrait d’y regarder de plus près, d’autant qu’il est peu documenté…

En tout état de cause, quels que soient les chiffres retenus, le montant de la perte de recettes n’excède pas 0,3 % à 0,7 % du budget global du groupe. C’est peu, d’autant que France Télévisions bénéficiera prochainement – outre les compensations et garanties apportées par l’État – de nouvelles recettes publicitaires : un décret en préparation, visant à assouplir les conditions du partenariat télévisuel, devrait en effet, selon France Télévisions, permettre une augmentation des recettes du groupe de 5 millions à 10 millions d’euros par an.

Par ailleurs, la régie du groupe vient de remporter le contrat de commercialisation publicitaire des trois chaînes pour enfants du groupe privé Turner. Elle va aussi jouir aussi des retombées financières d’accords récents passés avec la chaîne YouTube Kids France. Au final, l’ensemble de ces nouvelles recettes compensera largement le manque à gagner que j’évoquais.

Certains producteurs de films d’animation se sont émus, craignant que France Télévisions investisse moins dans ce type de programmes en cas de suppression de la publicité durant ses émissions pour enfants.

Je tiens à rappeler que je suis l’auteur de plusieurs textes et amendements visant à renforcer les crédits d’impôt pour les secteurs des jeux vidéo et de l’image animée. Je suis même allé défendre mes propositions à Bruxelles. Dès lors, il est quelque peu « gonflé » de prétendre que je voudrais assassiner l’animation française ! Les représentants de ce secteur d’activité, que j’ai rencontrés à plusieurs reprises, ne m’ont d’ailleurs fait aucun reproche en ce sens.

Il n’y a de toute façon aucun risque en la matière : la production de programmes jeunesse de qualité fait partie des obligations assignées par l’État à France Télévisions. De plus, elle progresse au sein des chaînes privées, la parité avec les chaînes publiques étant quasi atteinte.

En ce qui concerne les annonceurs, certains professionnels du secteur des jeux et des jouets se sont manifestés. Pourtant, ce marché très dynamique en France, qui a connu une progression de près de 10 % sur les trois dernières années, n’a pas grand-chose à redouter. Dans les faits, seules les grandes marques étrangères – qui représentent l’essentiel du marché – disposent des moyens d’investir dans des publicités télévisées. Or, selon les données fournies par Kantar Media, qui est la référence en matière d’investissements publicitaires, France Télévisions ne drainait, en 2015, que 6,5 % des investissements télévisuels de ce secteur : pas de quoi déstabiliser ces entreprises, dont nous pouvons juger de la force de frappe en cette période précédant les fêtes…

Si l’incidence économique de ce texte est, à l’évidence, assez dérisoire, sa portée est loin de n’être que symbolique en termes de régulation publicitaire. Il offrira enfin à nos enfants la possibilité de profiter, quelques heures par jour, d’un espace télévisuel dédié et libre de ces incitations commerciales qui, malheureusement, envahissent presque tout leur environnement quotidien, parfois jusqu’à l’intérieur de leurs écoles. Ce faisant, il permettra aussi au service public audiovisuel de se distinguer par la nature de son offre.

Pour ces raisons, je vous invite vivement, mes chers collègues, à franchir ce qui n’est qu’un petit pas pour le législateur, mais qui constitue une avancée de géant pour la protection et le devenir de nos enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique

TITRE IER

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Chapitre Ier

Protection des enfants et des adolescents

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique
Intitulé de la proposition de loi

Article 1er

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Il adresse chaque année au Parlement un rapport évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque et formulant des recommandations pour améliorer l’autorégulation du secteur de la publicité. Les messages publicitaires diffusés par les services de télévision dans les programmes destinés à la jeunesse sont réglementés par un décret en Conseil d’État. »

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 80-… ainsi rédigé :

« Art. 80-… – Les programmes des services de communication audiovisuelle ne relevant pas du titre III destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans ne comportent pas de messages publicitaires autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général. Cette restriction s’applique durant la diffusion de ces programmes ainsi que pendant un délai de quinze minutes avant et après cette diffusion. Elle s’applique également à tous les messages diffusés sur les sites internet de ces mêmes services nationaux de télévision qui proposent des programmes prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans.

« Est considérée comme un programme des services de télévision destiné aux enfants et adolescents de moins de douze ans la fiction, l’émission ou toute œuvre audiovisuelle répondant à un ou plusieurs des critères suivants :

« - La conception du programme pour les enfants ou les adolescents.

« Peuvent notamment être pris en compte la présence de personnages jeunes, les thématiques touchant les enfants et les adolescents, le langage, les codes et la musique employés, le cadre de l’action ;

« - La diffusion du programme à des horaires appropriés à ces publics ;

« - L’habillage spécifique du programme, qui l’identifie comme s’adressant à ces publics ;

« - L’élaboration ou le suivi du programme par l’unité en charge de la jeunesse au sein du service ;

« - La promotion du programme par le service comme s’adressant à ces publics, dont les sites internet, la communication dans la presse, la communication professionnelle, la présentation des programmes par la régie publicitaire. »

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Il s’agit d’élargir l’interdiction de la publicité dans les programmes jeunesse à l’ensemble des chaînes, au lieu d’en limiter le champ au seul service public de l’audiovisuel.

Cette extension, bien qu’incomplète dans la mesure où les enfants ne regardent pas uniquement les programmes destinés à la jeunesse, marquerait du moins une véritable avancée en exonérant ces programmes de toute publicité sans creuser le fossé entre secteur public et secteur privé. Ce serait là, cher André Gattolin, un vrai pas de géant !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Bouchoux, rapporteur. Nous l’avons dit, cette proposition de loi est un texte d’équilibre, qui a vocation à ne s’appliquer qu’au service public, dans les conditions que nous avons définies.

La proposition de nos collègues du groupe CRC, d’une grande radicalité, ne s’inscrit clairement pas dans cette logique.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. L’adoption de cet amendement pourrait remettre en cause la viabilité des chaînes pour enfants, voire celle des cases « jeunesse » des chaînes privées.

L’avis du Gouvernement est défavorable.

J’indique que la France défend avec force à Bruxelles, dans le cadre de la révision de la directive européenne Services de médias audiovisuels, l’idée de soumettre à régulation les plateformes de vidéos sur internet, plutôt que d’opérer un nivellement par le bas.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. On ne peut pas déstabiliser ainsi le modèle économique équilibré des chaînes privées, qui ont aussi leurs difficultés. Le présent texte ne vise que l’audiovisuel public.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Ce qui nous occupe ici, c’est la protection des enfants, et non celle du modèle économique des chaînes privées… Cela étant, je savais bien que les bonnes intentions de Mme la rapporteur et de M. Gattolin ne coïncidaient pas forcément avec les objectifs de nos collègues siégeant du côté droit de l’hémicycle !

De la même manière, lors du débat sur la réforme de l’audiovisuel public, la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques avait pu être défendue par la gauche comme un moyen de protéger le service public contre l’emprise du commerce et la dictature de l’audimat, comme on disait alors. Je ne tenais pas pour autant Nicolas Sarkozy pour le plus grand défenseur du service public de l’audiovisuel ! Je savais que beaucoup plaidaient pour cette suppression afin que la manne publicitaire, qui assurait la moitié du financement de l’audiovisuel public, revienne au privé. Certains n’hésitaient pas à l’admettre, et c’est d’ailleurs ce qui s’est en partie produit. On peut donc habiller de très belles intentions des projets guère avouables…

J’entends Mme la rapporteur, qui prône une politique de petits pas, mais j’entends aussi ceux de nos collègues qui veulent avant tout protéger le modèle économique des chaînes privées.

En tout état de cause, moi qui défends le pluralisme du secteur de l’audiovisuel, je sais que ce n’est pas au détour de la discussion d’un amendement que nous pourrons régler la question. Pour rendre le secteur privé aussi vertueux que le service public, il nous faudra élaborer un texte d’ensemble, traitant de la prévention, de l’éducation, et ne prévoyant pas simplement des interdictions.

Nous nous abstiendrons sur cet amendement, qui a en tout cas le mérite d’éclairer une partie du champ du débat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je voudrais dire à nos collègues du groupe CRC que leur amendement recueille d’autant plus notre sympathie que le texte déposé par Jacques Muller et Évelyne Didier, que j’avais cosigné avec Jean-Pierre Bel et Jean-Pierre Sueur, couvrait lui aussi un large spectre. Malheureusement, il ne s’était pas trouvé de majorité pour le voter, tout comme il ne s’est pas trouvé de majorité, à l’Assemblée nationale, pour augmenter la redevance…

Comme je l’ai dit en commission, mieux vaut gravir une petite marche que de rester au pied d’un grand escalier romantique que l’on contemple, mais qui ne nous élève pas. Nous voterons contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Chapitre II

Dispositions applicables au service public audiovisuel

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TITRE II

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Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse

Cet amendement n'a plus d'objet.

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Intitulé de la proposition de loi
Dossier législatif : proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je veux rappeler à ceux qui défendent avec fougue le modèle actuel de financement de l’audiovisuel public que notre commission est également compétente en matière d’éducation et de jeunesse. Les nombreuses associations – très pluralistes et représentatives – d’éducateurs, de parents et de familles dont nous avons auditionné à ce titre les représentants soutiennent résolument ce texte, au-delà des sondages que vous remettez en cause, monsieur Assouline.

Pour notre part, nous défendons avec tout autant de fougue le modèle de l’audiovisuel public, mais selon une perspective cohérente. J’ai demandé à nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin d’effectuer un travail de fond sur ce sujet. Le dispositif de cette proposition de loi ne serait applicable qu’à compter de 2018. Il clarifie les missions respectives de l’audiovisuel public et du secteur privé. On est en droit d’avoir certaines exigences spécifiques à l’égard du service public.

Tout cela s’inscrit dans une démarche de réforme du financement de l’audiovisuel public. Nous aurons d’autres occasions d’en discuter.

Je ne comprends pas le fatalisme de certains, qui se demandent à quoi bon supprimer la publicité sur les chaînes publiques quand les enfants sont abreuvés d’images par leurs tablettes et leurs smartphones. Si l’on suit cette logique, pourquoi ne pas autoriser la diffusion sur les chaînes de télévision du pire de ce qui circule sur internet, puisque les enfants peuvent de toute façon y avoir accès ?

Nous estimons pour notre part qu’il revient aux parents et à l’éducation nationale de former les enfants à l’usage des médias dès leur plus jeune âge. Il ne peut y avoir de place pour le fatalisme sur ces questions ; renoncer serait coupable.

Je voterai cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. L’esprit et l’objectif de cette proposition de loi, qui vise à protéger les enfants d’une publicité intrusive, parfois dangereuse pour leur santé, sont unanimement approuvés par la Haute Assemblée.

Nous avons d’autant plus volontiers accompagné l’élaboration de ce texte que, en commission, Mme la rapporteur – que je félicite pour son travail – et M. Gattolin ont accepté des modifications qui ont permis au Sénat de l’adopter en première lecture.

Par ailleurs, ce texte va dans le sens des propositions que nous avons faites en appelant à une évolution du modèle économique de France Télévisions, fondée sur une réforme de la contribution à l’audiovisuel public et sur un meilleur retour sur investissement dans la production, l’objectif étant d’arriver, à terme, à une suppression totale de la publicité sur le service public de l’audiovisuel. (M. David Assouline s’exclame.)

Oui, monsieur Assouline, il faut réinventer le modèle économique du secteur public et préserver celui du secteur privé, dont l’unique source de recettes est la publicité ! Il s’agit de deux modèles totalement différents. Veillons à préserver la diversité du paysage audiovisuel.

Par ailleurs, je suis sensible à certains des arguments que vous avez développés. Ce texte a ses limites, dans la mesure où la publicité se répand sur des écrans autres que celui de la télévision.

Néanmoins, cette proposition de loi constitue à mes yeux un pas dans la bonne direction et surtout un signal envoyé aux familles : il importe de protéger les enfants. Je la voterai, tout comme l’ensemble des membres du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Jacques Bigot et moi-même voterons ce texte. Notre ancien collègue Jacques Muller, qui était un fervent partisan de l’interdiction projetée, a eu raison d’engager ce débat sur l’exposition des enfants à des publicités néfastes pour eux, face à laquelle leurs parents sont démunis.

J’ajouterai qu’il faudrait aussi se pencher sur la publicité destinée aux adultes, pour les serviettes hygiéniques ou les colles dentaires, par exemple, qui donne souvent une mauvaise image des femmes, voire des hommes. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

M. Patrick Abate. Ce texte ne nous satisfait pas plus en deuxième lecture qu’en première.

Cela étant, nous prenons acte de la sincérité de l’engagement en faveur de la protection des enfants de Mme la rapporteur, dont nous saluons le travail, et de l’auteur de la proposition de loi. Nous partageons totalement leur objectif.

Cependant, je me permets d’insister, monsieur Gattolin, sur le fait qu’il ne s’agit que d’un tout petit pas. Si nous n’en sommes pas suffisamment conscients, nous ne parviendrons jamais à faire vraiment le nécessaire pour protéger efficacement les enfants.

Bien que ce texte soit à nos yeux largement insuffisant, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Je veux remercier l’ensemble de mes collègues pour la qualité de nos débats, supérieure à celle des discussions auxquelles j’ai assisté à l’Assemblée nationale… (Exclamations amusées.)

Pour ma part, monsieur Abate, je crois aux petits matins de gaîté, et non aux grands soirs de désespoir… (Nouvelles exclamations amusées.) Ce ne sont pas des slogans, mes chers collègues, c’est de la poésie !

Je suis tout à fait ouvert au débat, et je respecte l’esprit de liberté et d’indépendance de notre collègue David Assouline, dont je salue la compétence. Cela étant, nous ne sommes pas naïfs ! Certes, l’accès du plus grand nombre aux tablettes, dont la ministre de l’éducation nationale veut d’ailleurs développer l’utilisation dans les écoles, impose que l’on trouve les moyens de contrôler les contenus numériques diffusés sur internet. Aujourd'hui, il est très difficile de le faire, parce que cette diffusion s’effectue sans régulation et de façon transnationale. Or on est précisément en train d’élaborer, à l’échelon européen, une directive Services de médias audiovisuels qui vise, pour la première fois, à réguler non seulement la télévision linéaire, mais aussi YouTube et les services de médias audiovisuels à la demande, ainsi peut-être que certains réseaux sociaux. Cela permettra aussi de faire respecter les quotas de production française et européenne.

La commission des affaires européennes a rédigé une proposition de résolution européenne sur ce sujet. Elle a été soumise à la commission de la culture. Je passe en moyenne au moins une journée par semaine à Bruxelles pour promouvoir nos positions auprès de la Commission européenne, des membres du Parlement européen et des représentants des différents organismes du Bureau européen des unions de consommateurs, monsieur Assouline.

Les règles contraignantes que comporte cette directive fixeront le cadre dans lequel pourra demain s’exercer une régulation satisfaisante des messages publicitaires, des programmes et des contenus diffusés sur internet. Quand ce cadre aura été établi, nous pourrons légiférer.

Sur le fond, je pense qu’il n’y a pas de divergence entre nous.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Bockel. Il se trouve que Jacques Muller, qui est présent dans les tribunes, est devenu sénateur en 2007, lorsque je suis entré au gouvernement, et qu’il a quitté le Sénat en 2010, lorsque j’y suis revenu. Le jour de son départ, il a déposé la proposition de loi qui a inspiré celle dont nous débattons aujourd’hui, selon lui meilleure…

À l’époque, j’avais déjà un certain nombre de divergences avec Jacques Muller, qui n’ont pas disparu. Toutefois, nous nous retrouvons sur certains points.

M. Jean Desessard. Il est alsacien ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Bockel. Certes, mais ce n’est pas à cela que je pensais !

Alors que nous nous interrogeons sur l’avenir de nos enfants, sur le cadre dans lequel ils pourront se construire, sur les valeurs à leur transmettre, des marqueurs sont à mon sens nécessaires pour signaler les progrès à réaliser. Ce texte en est un, et c’est avec une profonde conviction que je le voterai, et non par simple solidarité alsacienne… (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je veux moi aussi souligner la qualité de nos débats, qui se sont étendus à la réforme du financement de l’audiovisuel public, enjeu majeur pour l’avenir.

Toutefois, je regrette que de tels débats ne réunissent que des sénateurs et sénatrices spécialistes des questions culturelles et audiovisuelles (On le conteste sur les travées du groupe écologiste.) et ne suscitent pas un plus large intérêt au sein de notre assemblée. C’est d’ailleurs en général à une heure tardive que l’on aborde ces sujets…

Ma position a été interprétée par Mme la présidente de la commission comme relevant d’une forme de fatalisme, qui conduirait à renoncer à agir. Il n’en est rien : je conteste simplement qu’une sanctuarisation soit possible. L’argumentation des partisans de la sanctuarisation se fonde sur l’illusion que les enfants ne regarderaient que les programmes qui leur sont destinés, et de surcroît exclusivement ceux du service public. Or les chiffres montrent que, à l’évidence, cette vision ne correspond pas à la réalité.

Nous devrions nous attacher à mettre en place un contrôle, une moralisation des contenus publicitaires ciblant les enfants diffusés sur les chaînes privées ou sur internet, comme nous l’avons déjà fait pour l’audiovisuel public. Cela seulement permettra de réellement protéger les enfants des messages incitant à la violence ou à des comportements alimentaires néfastes.

M. André Gattolin. Attendons la directive européenne, et nous pourrons légiférer !

M. David Assouline. Je dis simplement, sans aucun fatalisme, que l’application de cette proposition de loi pourrait avoir des effets pervers. Il me semble donc difficile de considérer que le présent texte constitue un premier pas, sauf à approfondir la réflexion, en s’appuyant par exemple sur mon rapport de 2007 sur la jeunesse et les nouveaux médias, qui anticipait nombre des évolutions auxquelles nous assistons actuellement. Sur le plan législatif, on n’a pas beaucoup avancé depuis pour ce qui concerne le contrôle d’internet au regard de la protection de l’enfance, à laquelle nous sommes tous attachés.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)