compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Valérie Létard,

Mme Catherine Tasca.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du 21 décembre 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Éloge funèbre de Michel Houel, sénateur de Seine-et-Marne

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mesdames, messieurs, Michel Houel nous a quittés le 30 novembre dernier. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification, se lèvent.) Le 10 décembre, nous étions rassemblés en la collégiale Notre-Dame de l’Assomption pour une cérémonie émouvante devant une assistance nombreuse. Le temps était gris comme nos cœurs.

Michel Houel était un sénateur chaleureux et estimé de chacune et chacun d’entre nous ; de même, il avait été, durant des décennies, un maire et un élu local apprécié et toujours réélu par ses concitoyens.

Au milieu de ses proches et de ceux qui lui étaient chers, j’ai alors exprimé, en votre nom à tous, notre profonde et commune tristesse. Plusieurs d’entre vous étaient présents : le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, nos collègues et anciens collègues sénateurs de Seine-et-Marne, mais aussi des sénateurs d’autres départements, ainsi que Pierre Cuypers, à qui revient désormais la charge de succéder à Michel Houel dans notre hémicycle.

Il m’appartient aujourd’hui de prolonger cet adieu au Palais du Luxembourg, dans notre salle des séances, en présence de sa famille et de ses amis.

Michel Houel était né le 8 novembre 1942, dans le village de Condé-Sainte-Libiaire, dont il fut le premier magistrat de 1977 à 2001. Il connut une enfance heureuse dans ce bourg où il venait en aide à ses parents, qui tenaient le restaurant du village. Il aimait à rappeler, quelques années plus tard, ses débuts professionnels dans de grands restaurants parisiens, où il servit de nombreuses célébrités avant de reprendre le restaurant familial, en 1981, puis de créer son entreprise à Paris.

Cette belle carrière professionnelle n’allait toutefois pas tarder à aller de pair avec un engagement public et politique. À qui l’interrogeait sur ceux qui l’avaient guidé en politique, Michel Houel citait en réponse le général de Gaulle, mais aussi sa mère. Marie-Louise Houel, en effet, avait été élue conseillère municipale dès que les femmes avaient obtenu le droit de vote et d’éligibilité. C’est donc presque naturellement que, suivant ses traces, Michel devint à son tour conseiller municipal de Condé-Sainte-Libiaire en 1971, avant d’en être élu maire six ans plus tard.

Quant au général de Gaulle, Michel Houel était très lié aux gaullistes sociaux et plaidait inlassablement pour l’idée forte de la participation, à laquelle il était très attaché.

Michel Houel, dont l’ambition véritable était d’aider ses concitoyens, était d’abord un élu de proximité. Selon lui, le mandat de maire était celui « qui permet de rester ancré dans la réalité et de toucher du doigt les difficultés rencontrées par les gens ».

Il fut ainsi, pendant vingt-quatre ans, maire de son village natal, avant de devenir, pour quatorze ans, de 2001 à 2015, maire de la belle ville médiévale de Crécy-la-Chapelle, où lui a été rendu hommage, voici un mois, au milieu des siens. Maire passionné, efficace et pragmatique, Michel Houel ne mésestimait pas les difficultés de la tâche.

En tant que président de l’union départementale des maires de Seine-et-Marne, fonction qu’il occupa de 2001 à 2014, il exprimait ainsi ce qui constituait à ses yeux les grandeurs et les servitudes de la fonction de maire : « La difficulté de la fonction est d’être l’homme à tout faire de la République. Les maires doivent être à la fois gestionnaires, bâtisseurs, imaginatifs, sociaux et éducateurs. Mais ce qui est gratifiant et ce que j’apprécie personnellement, c'est de pouvoir redonner de l’espoir à certains. Comme pour les parlementaires, un des rôles du maire est d’être la relation de celui qui n’en a pas. »

Cette proximité essentielle que nos compatriotes attendent, Michel Houel considérait qu’elle était l’essence même du mandat de maire. Il fut un élu local complet, puisqu’il fut aussi membre du conseil général de Seine-et-Marne, dès 1992, où il représentait le canton de Crécy-la-Chapelle ; il fut en outre vice-président de l’assemblée départementale entre 1994 et 2004. Il fut également, de 1993 à 1995, membre du Conseil économique et social, où il siégea avec beaucoup d’intérêt et de compétence à la section des relations économiques extérieures.

C’est donc naturellement que l’élu local dynamique et enthousiaste qu’était Michel Houel se tourna bientôt vers le Parlement. Il en fit une première approche dans le sillage de Guy Drut, député de Seine-et-Marne, dont il fut le suppléant de 1997 à 2002.

C’est le 26 septembre 2004 qu’il nous rejoignit au Palais du Luxembourg. Il fut élu, puis réélu en 2011, sénateur de Seine-et-Marne, aux côtés de Colette Mélot, sur la liste alors conduite par notre ancien collègue Jean Jacques Hyest, auquel Anne Chain-Larché a succédé lors de son entrée au Conseil constitutionnel.

L’élu local pragmatique et réaliste chercha aussitôt à se transformer en un sénateur ayant le sens du concret chevillé au corps. Michel Houel, il l’avouait, connut un certain temps d’adaptation lors de son arrivée au Sénat. Voici comment il décrivait ce qui lui arriva ensuite : « Je me suis aperçu qu’on pouvait faire des lois pour aider les gens. J’ai créé un groupe “artisanat et services” avec quarante sénateurs et je suis retombé dans le concret. J’ai ainsi pu aider les photographes, les taxis, etc. »

Oui, le concret, l’efficace, le vrai : voilà la marque de ce qu’était la manière d’agir de Michel Houel.

Il fut durant plus de douze ans – chacun d’entre nous s’en souvient – un collègue particulièrement actif et estimé. Participant à de nombreux groupes d’études, il fut un membre fidèle et assidu de notre commission des affaires économiques, à laquelle – je puis en porter témoignage – il offrait sa connaissance du terrain, son sens du concret et son pragmatisme.

Ses avis budgétaires annuels sur la recherche et l’enseignement supérieur étaient attendus et appréciés, comme le furent plusieurs de ses travaux de contrôle. Il écrivit ainsi, en 2009, avec notre collègue Marc Daunis, un rapport d’information sur les pôles de compétitivité, dessinant des perspectives qui sont toujours d’actualité pour mettre ces pôles au service d’une politique industrielle qui définisse des secteurs stratégiques pour notre pays.

Il rédigea, plus récemment, un document d’information sur la TVA à taux réduit dans la restauration – domaine qu’il connaissait parfaitement –, pour démontrer que cette disposition n’avait pas été vaine et constituait une avancée significative dans ce secteur professionnel.

Michel Houel fut, cette année encore, le rapporteur convaincu et efficace du projet de loi destiné à rationaliser le maillage territorial des chambres de commerce et d’industrie, ainsi que des chambres des métiers et de l’artisanat.

Ce sens de l’action concrète, qui ne quittait jamais son esprit et qui donnait à sa perception des choses une vision juste des problèmes du pays, était avant tout, j’y insiste, celui d’un humaniste.

Michel Houel, qui souhaitait œuvrer chaque jour au service de ses concitoyens, a consacré à ses mandats d’élu local et de parlementaire l’essentiel de sa vie. Pour cet homme de terrain, l’action politique ne pouvait se concevoir qu’à partir d’un enracinement dans cette « Venise briarde » à laquelle il était tant attaché.

Michel Houel était un élu de référence et une personnalité attachante. Je souhaite redire ici notre émotion au groupe Les Républicains du Sénat, une nouvelle fois endeuillé, ainsi qu’à ses collègues de la commission des affaires économiques.

En cet instant de mémoire, j’exprime aussi à son épouse, à son fils, qui a partagé, lors de la cérémonie du 10 décembre, un remarquable témoignage sur son père, à toute la famille de Michel Houel, ainsi qu’à leurs proches, l’émotion et les condoléances attristées du Sénat de la République, ainsi que ma profonde tristesse personnelle.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames, messieurs, c’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris, le 30 novembre dernier, que Michel Houel nous avait brutalement quittés, à l’âge de 74 ans.

Né à Condé-Sainte-Libiaire, petite ville de Seine-et-Marne dont il fut le maire pendant plus de vingt ans, Michel Houel eut un parcours riche et diversifié. Formé aux métiers du tourisme, il commença sa carrière en reprenant et en développant le restaurant familial des bords de Marne, dont il fit un établissement réputé et chaleureux. Cette activité professionnelle exigeante ne l’empêcha pas de s’engager activement pour le développement économique de son territoire, en devenant, dès 1967, membre du conseil d’administration de la Fédération hôtelière de la Brie et en cofondant la chambre économique du nord de la Seine-et-Marne.

Devenu conseiller municipal, puis maire de Condé-Sainte-Libiaire et, par la suite, de Crécy-la-Chapelle, il fut un précurseur des politiques locales d’aménagement du territoire. Ainsi, il élabora l’un des tout premiers plans d’occupation des sols du département et il présida le comité départemental d’habitat et d’aménagement rural, la commission de l’environnement du conseil général, ainsi que le conseil d’administration du centre de ressources, d’expertise et de performances sportives d’Île-de-France.

Cet engagement dans la vie locale lui valut d’être élu, en 1992, conseiller général du canton de Crécy-la-Chapelle. Il devint par la suite vice-président du conseil général de Seine-et-Marne, en charge de l’aménagement du territoire et de l’action économique, puis membre du Conseil économique et social. Michel Houel a ainsi beaucoup œuvré pour l’attractivité de son territoire, par une politique active d’accompagnement et d’incitation à l’implantation et au développement des entreprises.

Élu sénateur de Seine-et-Marne en 2004, il poursuivit dans le cadre de ce mandat national son action au service du développement et du maintien de l’activité économique sur tous les territoires, en particulier celle des artisans et commerçants ; il a notamment beaucoup soutenu les professions de photographe ou de chauffeur de taxi.

Fervent défenseur de l’apprentissage, dont il connaissait par expérience toutes les vertus, Michel Houel a également toujours porté un grand intérêt à l’artisanat d’art, allant jusqu’à lui consacrer un salon permanent dans sa commune de Crécy-la-Chapelle. Grand amateur d’art, il a aussi fait de cette commune un lieu d’ouverture culturelle, par l’organisation de nombreuses manifestations réputées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le parcours de Michel Houel démontre une force d’engagement et une personnalité qu’il faut aujourd’hui saluer. Humaniste – vous l’avez souligné, monsieur le président –, toujours à la recherche du meilleur consensus, Michel Houel était unanimement apprécié, tout d’abord par ses concitoyens, qui le décrivent tous comme un homme chaleureux, simple, accessible et à l’écoute, mais également par tous ses collègues élus : il a été, pendant près de quinze ans, président de l’union des maires de Seine-et-Marne, qui regroupait la quasi-totalité des maires de ce grand département francilien – plus de 500 élus au total.

Cette personnalité appréciée de tous, d’une grande expérience et d’une vive ouverture d’esprit, a ainsi profondément marqué son territoire, son département et le Sénat. Il a admirablement servi notre pays comme son département.

À son épouse, à son fils, à ses amis, à ses collaborateurs, à l’ensemble de ses concitoyens, j’adresse, au nom du Gouvernement, mes condoléances les plus attristées.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mesdames, messieurs, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de Michel Houel. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d'État, observent une minute de silence.)

Conformément à notre tradition, en signe d’hommage à Michel Houel, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Démission et remplacement d'un sénateur

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu une lettre de M. Jacques Gautier par laquelle celui-ci se démet de son mandat de sénateur des Hauts-de-Seine, à compter du samedi 31 décembre à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par Mme Marie France de Rose, dont le mandat de sénateur des Hauts-de-Seine a commencé le dimanche 1er janvier 2017, à zéro heure.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.

4

Demande d’avis sur un projet de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 161-42 du code de la sécurité sociale, M. le Premier ministre, par lettre en date du 23 décembre 2016, a demandé à M. le Président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de santé publique sur le projet de renouvellement du mandat de Mme Agnès Buzin aux fonctions de présidente de la Haute Autorité de santé.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires sociales.

5

Ordre du jour

M. le président. Par lettres en date du 20 décembre 2016, M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, et M. Jacques Mézard, président du groupe du RDSE, ont fait connaître les sujets qu’ils souhaitaient voir inscrits à l’ordre du jour réservé à leurs groupes du mercredi 1er février 2017.

Acte est donné de ces demandes.

En conséquence, l’ordre du jour du mercredi 1er février 2017 s’établit comme suit :

Mercredi 1er février

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain :

- Proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques ;

- Nouvelle lecture de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

De 18 heures 30 à 20 heures et de 21 heures 30 à minuit :

Ordre du jour réservé au groupe du RDSE :

- Proposition de loi visant à mettre en place une stratégie nationale d’utilisation du transport sanitaire héliporté ;

- Débat sur le thème : « Faut-il supprimer l’École nationale d’administration ? »

M. le président. Nous sommes ici un certain nombre à n'y être jamais entrés… (Sourires.)

Conformément au droit commun, le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale est fixé à une heure.

Le délai limite de dépôt d’amendements de séance sur les propositions de loi est fixé au lundi 30 janvier, à midi.

6

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d'une proposition de loi et d’un projet de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour :

- d’une part, l’examen de la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2016 ;

- d’autre part, l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 4 janvier 2017.

7

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

8

Dépôt de documents

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport portant sur l’évaluation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ;

- le rapport de contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet d’augmentation de puissance du supercalculateur de Météo-France, accompagné de l’avis du commissariat général à l’investissement ;

- l’avenant n° 5 à la convention du 29 juillet 2010 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche, relative au programme d’investissements d’avenir, action « Valorisation – Instituts Carnot » ;

- le rapport d’évaluation de la contribution au titre des médicaments destinés au traitement de l’hépatite C (dispositif W) ;

- le rapport relatif à l’application de la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations du secteur public ;

- le rapport recensant au 31 décembre de l’année précédente le volume des emprunts structurés souscrits par les collectivités territoriales et les organismes publics ;

- l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de Radio-France pour la période 2015-2019 ;

- le tableau de programmation des mesures d’application de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;

- le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2017-2019 de l’Institut français.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils ont été transmis aux commissions permanentes compétentes.

9

Candidatures à des commissions

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement des M. Jacques Gautier, dont le mandat a cessé ;

- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Pascal Allizard, démissionnaire.

Ces candidatures ont été publiées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

10

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il avait été saisi le 27 décembre 2016, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs et par plus de soixante députés, de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

11

Communications du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date des 22 et 29 décembre 2016, les textes de décisions statuant sur la conformité à la Constitution :

- de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ;

- de la loi de finances rectificative pour 2016 ;

- et de la loi de finances pour 2017.

Acte est donné de ces communications.

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, les lundi 26 et vendredi 29 décembre 2016, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État lui avait adressé cinq décisions de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité portant :

- sur l’article 1736 du code général des impôts (amende en cas de non-respect des obligations de déclaration des constitutions, modifications ou extinctions de trusts ; 2016-618 QPC) ;

- sur l’article L. 6362-7-1 du code du travail (procédure applicable aux employeurs ne pouvant justifier de la réalité d’actions de formation ; 2016-619 QPC) ;

- sur les termes « ou aux régisseurs de messages publicitaires » figurant au II de l’article 302 bis KG du code général des impôts (inclusion dans l’assiette de la taxe due par les éditeurs de services de télévision des sommes reçues par leurs régisseurs de messages publicitaires ; 2016-620 QPC) ;

- sur l’article L. 8253-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 (cumul de la contribution spéciale et de sanctions pénales en cas d’emploi d’étrangers non autorisés à travailler ; 2016-621 QPC) ;

- et portant sur le I de l’article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales (remboursement du versement transport ; 2016-622 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de ces communications.

12

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la composition de la cour d'assises de l'article 698-6 du code de procédure pénale
Discussion générale (suite)

Composition de la cour d'assises spéciale

Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la composition de la cour d'assises de l'article 698-6 du code de procédure pénale
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains et de la commission des lois, de la proposition de loi relative à la composition de la cour d’assises de l’article 698-6 du code de procédure pénale, présentée par M. Philippe Bas et plusieurs de ses collègues (proposition n° 86, texte de la commission n° 253, rapport n° 252).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi.

M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pourquoi avons-nous déposé cette proposition de loi ?

Je rappelle – vous me pardonnerez de remonter si loin dans le temps – que, lorsque la Cour de sûreté de l’État a été supprimée en 1982, il a fallu créer une juridiction habilitée à juger les crimes contre la sûreté de l’État. À l’époque, le Parlement et le Gouvernement n’ont pas voulu exposer nos concitoyens, membres d’un jury d’assises, aux risques de pressions, lesquelles peuvent être très graves dans certaines affaires.

Une juridiction spéciale a donc été créée, la cour d’assises spéciale, laquelle est exclusivement composée de magistrats prélevés sur les tribunaux de grande instance pendant la durée des assises. Cette cour juge, presque exclusivement d’ailleurs, les crimes terroristes. Son activité s’est concentrée à Paris, les responsabilités du parquet parisien ayant été étendues au fil des années par le législateur à toutes les affaires de terrorisme.

Hélas, les tragiques attentats qui ont endeuillé notre pays ces deux dernières années, ces crimes de masse, ont fait peser de nombreuses contraintes sur la justice. Il nous a fallu, en plein accord avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement, modifier la loi pénale à plusieurs reprises. Les moyens du parquet, comme ceux de l’instruction, ont été augmentés en ce qui concerne l’antiterrorisme. Reste le jugement des affaires.

Il est apparu que les conditions de fonctionnement de la cour d’assises spéciale, dont le président du tribunal de grande instance de Paris s’est fortement inquiété, permettaient très difficilement de juger efficacement et rapidement de nombreux criminels. La question nous est donc aujourd'hui posée, à nous, le législateur, de réformer la composition de la cour d’assises spéciale.

Cette cour collégiale comporte, outre le président, six membres en premier ressort. Ces six membres sont entièrement prélevés parmi les magistrats du siège du tribunal de grande instance. Ainsi des juges aux affaires familiales deviennent-ils l’équivalent de citoyens membres d’un jury d’assises le temps d’un procès pour crimes terroristes. Il se trouve que ces procès durent parfois longtemps, comme ce sera le cas de ceux qui auront lieu l'année prochaine.

Afin à la fois d’éviter l’effet induit par la composition actuelle de la cour d’assises spéciale sur le fonctionnement du tribunal de grande instance de Paris et de pouvoir juger un plus grand nombre d’affaires dès 2017, je propose de réduire le nombre de magistrats membres de ce collège de juges chargés de se prononcer sur les crimes terroristes.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous donner quelques chiffres pour étayer cette proposition. Alors que 342 jours d’audience ont été consacrés aux affaires terroristes dans les procès d’assises en 2015, puis 132 jours en 2016, ce nombre s’élèvera, selon les estimations, à 1 244 en 2017, soit une hausse de plus de 842 % !

Le besoin en équivalents temps plein travaillé de magistrats – pardonnez-moi ce jargon – pour le jugement des crimes terroristes augmentera donc de 950 % entre 2016 et 2017 au sein de la cour d’appel de Paris. Cette situation résulte de l’augmentation de 93 % du nombre d’ouvertures d’informations judiciaires en matière terroriste en 2016, soit un doublement par rapport à 2015. Le nombre d’enquêtes préliminaires a lui augmenté de 70 %. Il existe donc un risque évident de saturation de la cour d’assises de Paris.

Nous pensons que, en réduisant de six à quatre le nombre de membres de cette cour, nous ne diminuerions pas les garanties offertes aux justiciables. Nous serions toujours dans le respect de notre tradition.

Je rappelle, à titre de comparaison, que la loi du 10 août 2011 – M. Mercier s’en souvient – a réduit de neuf à six le nombre de jurés dans les cours d’assises de droit commun, en premier ressort. Si on peut diminuer le nombre de jurés d’assises pour les crimes « ordinaires », si je puis dire, tout en respectant la collégialité, on peut certainement le faire aussi pour la juridiction spéciale, à condition, bien sûr, de ne pas descendre en dessous d’un certain seuil.

La proposition de loi qu’un certain nombre de mes collègues et moi-même vous soumettons aujourd'hui ne contrevient à aucune règle d’indépendance ou d’impartialité de la justice. C’est pourquoi je serais très heureux, mes chers collègues, sous réserve des propos de M. le rapporteur, que vous acceptiez de l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise, que vient de vous présenter son principal auteur, Philippe Bas, président de la commission des lois, a un double objectif.

Le premier est de favoriser une bonne administration de la justice. Il s’agit de faire face à l’augmentation du nombre d’affaires terroristes, cette hausse traduisant concrètement les succès des services de police et des services judiciaires en matière de lutte antiterroriste. Certes, il y a eu plus d’attentats, mais on combat aussi de plus en plus efficacement le terrorisme. Je rappelle qu’une bonne administration de la justice est un objectif de valeur constitutionnelle consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le second objectif est pour moi tout aussi important. Il s’agit de conserver une juridiction de droit commun pour juger les terroristes.

La présente proposition de loi s’inscrit dans ce double cadre, et j’évoquerai tout d’abord le premier objectif.

La très forte augmentation du nombre d’affaires terroristes devant être jugées risque d’entraîner une embolie du tribunal de grande instance de Paris. Comme l’a indiqué Philippe Bas, le nombre de journées d’audience consacrées à de telles affaires devant la cour d’assises de Paris s’élèvera à 1 244 en 2017, soit une augmentation de 842 % par rapport à 2016. Deux très gros procès auront lieu en 2017, dont celui de la cellule terroriste Cannes-Torcy, qui retiendra la cour d’assises spécialement composée durant huit semaines.

La durée même de ces procès impose de prévoir sept assesseurs, et non pas six, afin de faire face au risque de maladie. Si un assesseur venait à manquer, il faudrait en effet recommencer toute la procédure.

Par ailleurs, la nouvelle politique pénale suivie par le parquet de Paris, validée par un arrêt de la chambre criminelle l’année dernière, consistant à retenir la qualification criminelle dans les dossiers de terrorisme, il en résulte une forte augmentation du nombre d’affaires à juger devant la cour d’assises de Paris, compétente en matière de terrorisme.

Environ deux cents magistrats du tribunal de grande instance de Paris peuvent être mobilisés en tant qu’assesseurs à la cour d’assises. Il en faut vingt-quatre à la fois compte tenu du nombre de cours d’assises siégeant en même temps à Paris. Enfin, quatorze conseillers à la cour d’appel de Paris président les cours d’assises du ressort de la cour d’appel de Paris. Si l’on veut respecter le délai d’un an pour juger les affaires, une réforme est donc véritablement nécessaire.

J’évoquerai maintenant le second objectif de cette proposition de loi.

Depuis dix ou quinze ans, tous les partis qui se sont succédé au pouvoir ont construit un droit du terrorisme. Celui-ci déroge au droit commun, de l’enquête préliminaire jusqu’à l’exécution des peines. Un choix très important a été fait, celui de faire appliquer ce droit dérogatoire par une juridiction de droit commun.

Si l’on ne permet pas à la juridiction de droit commun, même spécialement composée, pour des raisons de sécurité, uniquement de magistrats comme assesseurs, de fonctionner normalement, on sera obligé d’aller vers une juridiction d’exception, ce que n’est pas la cour d’assises spécialement composée.

Pour ma part, j’ai la conviction qu’il ne faut pas aller vers une juridiction d’exception. Je pense qu’il faut conserver la juridiction de droit commun en l’aménageant, afin que la République soit correctement armée pour juger les terroristes dans des délais normaux. Réduire le nombre d’assesseurs de six à quatre en premier ressort et de huit à six en appel permettrait d’aller dans ce sens.

Une question se pose : le nombre d’assesseurs sera-t-il suffisant pour permettre la collégialité du jugement ? Je rappelle, comme l’a fait remarquer notre collègue François Pillet en commission des lois, que les associations de terroristes sont pour beaucoup jugées par un tribunal correctionnel composé de trois personnes. La cour d’assises spéciale compterait donc plus d’assesseurs qu’un tribunal correctionnel. Le nombre d’assesseurs, tel qu’il est prévu dans la proposition de loi, respecte donc l’exigence constitutionnelle de collégialité.

Parce que cette proposition de loi permettrait une meilleure administration de la justice, parce qu’elle garantirait à la République d’être correctement armée pour lutter contre le terrorisme et à la justice de remplir pleinement son office, la commission des lois l’a adoptée à l'unanimité. Je vous invite, mes chers collègues, à en faire de même. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)