M. Didier Marie. Des noms ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard, rapporteur. Tout est inscrit dans les rapports que nous avons publiés, mon cher collègue.

M. Philippe Bonnecarrère. Nous les avons lus !

M. Jacques Mézard, rapporteur. Il a donc fallu beaucoup de détermination pour aller jusqu’au bout, et toute notre énergie – c’est le cas de le dire… (Nouveaux sourires.) – ne nous a pas suffi pour y arriver en ce qui concerne le médiateur dont je viens de parler…

L’Assemblée nationale a accepté, en deuxième lecture, plusieurs apports sénatoriaux. Un accord s’est noué sur les règles de fonctionnement et d’organisation de ces autorités, ainsi que sur les garanties d’indépendance de leurs membres. La deuxième lecture a parachevé, sur ce point, le rapprochement engagé en première lecture.

Chaque membre disposera d’un mandat irrévocable d’une durée comprise entre trois et six ans et les conditions de sa cessation seront strictement encadrées. Un membre ne pourra exercer plus d’un mandat concomitamment au sein de ces autorités, sauf pour représenter l’autorité dont il est membre au sein d’une autre autorité indépendante.

Sur ce point, je rappelle ce que nous avons constaté : pratiquement les deux tiers des autorités administratives indépendantes étaient présidés par des membres du Conseil d’État, dont la plupart continuaient d’y siéger, voire d’y exercer des responsabilités importantes.

M. Alain Bertrand. Voilà un vrai cumul…

M. Jacques Mézard, rapporteur. Il était donc temps de disposer d’un statut général. Des conseillers d’État ou des conseillers à la Cour des comptes peuvent certes siéger dans les autorités administratives indépendantes, dans la mesure où la loi en décide ainsi, mais ce n’est pas la peine d’en ajouter systématiquement.

En matière déontologique, nous sommes parvenus à fixer des règles strictes, qui étaient nécessaires. Contre l’avis du Gouvernement, mais avec l’accord du président Jean-Louis Nadal, nous avons prévu l’établissement et la publication d’une déclaration de patrimoine pour les membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Qui résistait à cette mesure ? Ce n’était pas le président de la Haute Autorité, mais bien le Gouvernement ! (Exclamations.)

M. Yves Détraigne. Ce n’est pas bien !

M. Jacques Mézard, rapporteur. Pas bien du tout, en effet.

Cette évolution est tout à fait indispensable, puisqu’elle permet à ces autorités de voir leur indépendance reconnue.

Dans le même temps, nous avons renforcé le contrôle du Parlement, en prévoyant l’obligation de déposer, d’une part, un rapport annuel, d’autre part, un document budgétaire en annexe du projet de loi de finances. Ces documents permettront au Parlement d’avoir une vue précise de l’évolution du financement et du coût de ces autorités administratives indépendantes.

Enfin, le consensus auquel nous avons abouti avec l’Assemblée nationale englobe aussi la question de l’application de l’article 13 de la Constitution. Le champ des nominations soumises, dans ce cadre, au contrôle du Parlement a été étendu à plusieurs présidences d’autorités, dont celle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques – ce progrès qui devrait être relevé par notre Haute Assemblée… –, ainsi que de celle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui n’y tenait pas du tout.

Mes chers collègues, je conclurai en remerciant tous ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’adoption de ces propositions de loi, mais en émettant aussi un regret, celui de la profonde difficulté à faire aboutir de tels textes, pourtant indispensables. Cela a été possible sans procédure accélérée, mais grâce à la collaboration entre les groupes politiques – je tiens d’ailleurs à remercier le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale d’avoir inscrit ce texte dans son ordre du jour réservé.

L’adoption de ces deux propositions de loi constitue une avancée démocratique, ce qui est très important dans les temps que nous vivons ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains et du groupe UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux textes que nous examinons aujourd’hui en troisième lecture traitent d’une question, à notre sens majeure, mais trop longtemps évacuée sous le tapis de l’organisation contemporaine de notre démocratie : les contours et modes de fonctionnement des fameuses autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, qui n’ont cessé de se multiplier en France au cours des quatre dernières décennies.

Je tiens tout d’abord à saluer le climat transpartisan et très constructif dans lequel les débats entourant l’élaboration de ces deux textes ont pu se dérouler depuis leur dépôt, le 7 décembre 2015. Le président Mézard a rappelé les difficultés qu’il a rencontrées, mais les délais ont tout de même été relativement courts entre le dépôt de ces textes et aujourd’hui.

Je veux, au nom du groupe écologiste, féliciter nos collègues Marie-Hélène Des Esgaulx et Jacques Mézard de la richesse, la finesse et la grande pertinence des travaux qu’ils ont conduits au sein de la commission d’enquête à l’origine de ces deux propositions de loi, qu’ils ont déposées avec Jean-Léonce Dupont.

Avec beaucoup de justesse, leur rapport parlementaire avait mis en lumière les nombreuses dérives qui pouvaient entourer la prolifération des autorités indépendantes depuis la création de la toute première d’entre elles, en 1978 : la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Il est vrai que les dérives n’ont pas manqué depuis cette date : d’abord, dans le caractère parfois anarchique de leur prolifération ; ensuite, au niveau du contrôle démocratique et parlementaire souvent faible, en dépit des prérogatives très significatives qui leur étaient déléguées ; enfin, en ce qui concerne leur recrutement, excessivement endogamique, et le déficit de stricte déontologie, qui frôle parfois la ligne rouge du conflit d’intérêts.

Il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que, en tant que législateur, nous avons souvent contribué à la multiplication, parfois désordonnée, de ces autorités et à la construction de ce que nos deux collègues ont qualifié, de manière certes un peu provocatrice, de sorte d’État dans l’État.

Nous l’avons parfois fait, parce que cela nous apparaissait comme une solution de repli face à un problème difficile que nous n’arrivions pas à résoudre autrement, mais sans que cela soit toujours aussi efficace que nous l’aurions souhaité, ni véritablement légitime d’un strict point de vue politique.

Sur le fond, le groupe écologiste soutient la présente démarche, qui vise à circonscrire plus efficacement les défauts entourant ce type de dispositifs et ainsi à gagner en cohérence, en transparence et en éthique démocratique.

C’est la voie à prendre pour répondre à la défiance croissante de nos concitoyens à l’endroit de nos institutions, comme à l’égard de notre administration, et renforcer les missions fondamentales principalement assignées à ces autorités, à savoir la protection des libertés publiques et la régulation de secteurs économiques ouverts à la concurrence.

Dès lors, nous saluons la compétence exclusive donnée au législateur de créer toute autorité administrative ou publique indépendante, tout comme l’élaboration – enfin ! – d’un statut commun pour ces autorités, avec un corpus déontologique et des principes fondamentaux communs encadrant leur fonctionnement et leur organisation.

Ainsi, une meilleure transparence est à présent exigée, notamment à travers un contrôle renforcé des obligations déclaratives de leurs membres auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. C’était d’autant plus nécessaire que, comme l’a souligné le rapport de la commission d’enquête du Sénat, pas moins de 102 des 571 membres devant déposer des déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale n’avaient toujours pas satisfait à leurs obligations au 1er octobre 2015, malgré une information des présidents de leur autorité et une double relance.

Par ailleurs, le groupe écologiste se félicite de voir exaucé son souhait de maintenir le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, la Commission nationale du débat public et le Médiateur national de l’énergie dans la liste exhaustive et réduite des autorités administratives ou publiques indépendantes. C’est une bonne chose, eu égard au rôle essentiel que ces autorités assument dans le fonctionnement de notre société.

Toutefois, nous regrettons que le régime de non-renouvellement et de non-cumul des mandats des membres de ces autorités ait été atténué par rapport à la proposition sénatoriale initiale.

De même, l’ambition de soumettre toutes les nominations de présidence de ces autorités à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution a été revue à la baisse, et c’est bien dommage ! Ce mécanisme aurait eu l’avantage de permettre plus de transparence et un véritable contrôle parlementaire sur lesdites nominations.

Nous déplorons également que le régime des incompatibilités de ces mandats avec les fonctions de magistrat professionnel ou de membre du Conseil d’État ait dû être affaibli au profit d’un consensus.

Aujourd’hui, près de deux tiers des présidents d’autorités administratives indépendantes sont des conseillers d’État ou des magistrats de la Cour des comptes, comme s’il n’existait pas, dans notre pays, d’autres compétences que celles qui sont présentes dans ces deux grands corps de l’État… Cela nous amène à nous interroger sur l’institution progressive de ce regrettable « entre soi »…

Malgré ces quelques reculs qui résultent de divergences de vues entre nos deux assemblées ou avec le Gouvernement, ces deux textes constituent une grande avancée. Par conséquent, le groupe écologiste votera en faveur de ces deux propositions de loi. (MM. Jean-Claude Requier et Yves Détraigne applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec cette troisième lecture, nous arrivons au terme d’un long processus parlementaire engagé en avril 2015 par la création de la commission d’enquête sollicitée par le groupe du RDSE, qui a abouti au rapport de notre collègue Jacques Mézard en novembre de la même année.

Au nom du groupe socialiste et républicain, je veux saluer le rapporteur pour la qualité de son travail et l’écoute dont il a fait preuve à l’égard des contributions venues de toute part, notamment celles qui ont été portées par Alain Richard au nom du groupe socialiste et républicain. Je veux aussi saluer son volontarisme – certains diront son obstination… – pour mener cette entreprise de réforme jusqu’à son terme contre les réticences initiales, il faut bien l’admettre, tant de l’Assemblée nationale que du Gouvernement.

Alors que le Sénat s’apprête à adopter définitivement les propositions de loi ordinaire et organique relatives aux autorités administratives indépendantes, notre groupe considère que les objectifs initiaux de clarification, de mise en cohérence et donc de stabilisation de ces autorités sont globalement atteints. De quarante-deux, le nombre des autorités administratives indépendantes est ramené à vingt-six, mais, ce qui est plus important que le nombre lui-même, ces textes réservent au législateur la compétence en matière de création d’autorités nouvelles.

Ces textes fixent, par ailleurs, un corpus de règles communes, qu’il s’agisse de l’organisation et du fonctionnement de ces autorités ou des règles déontologiques s’imposant à leurs membres : harmonisation des règles de nomination et de révocation, incompatibilités, limitation du cumul des mandats, extension des obligations déclaratives afin de lutter contre les conflits d’intérêts, etc. Je n’insiste pas, le rapporteur en ayant dressé la liste.

Reste que ces deux textes sont des compromis, ce qui nous amène à formuler deux regrets.

Le premier concerne la liste des autorités administratives indépendantes. L’Assemblée nationale, sans doute plus sensible au lobbying de certaines autorités, a souhaité conserver à quelques-unes d’entre elles une telle qualification, alors même qu’elles ne constituent pas une autorité, au sens où elles ne prennent pas formellement de décisions.

Insistons une dernière fois sur un aspect que le débat au cours de la navette a déjà permis de faire avancer : ne pas reconnaître la qualité d’autorité administrative indépendante à une institution ne revient pas à lui dénier son utilité ou sa légitimité ; cela ne veut pas non plus dire que l’on ne lui reconnaît pas d’indépendance.

Soucieux des inquiétudes formulées par quelques-unes d’entre elles, nous avons collectivement souhaité garantir dans la loi la nécessaire indépendance de certaines de ces institutions non reconnues comme autorités administratives indépendantes, telles que le Comité national consultatif d’éthique, la Commission des sondages ou la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Si le temps démontre que d’autres consolidations de ce type se révèlent utiles, le législateur, évidemment, s’y emploiera.

Notre second regret concerne la dérogation au principe de non-renouvellement des membres. L’un des attributs élémentaires de l’indépendance, c’est de ne pas être candidat à quelque chose. Par définition, solliciter le renouvellement d’une nomination, que celle-ci procède du Gouvernement ou d’une assemblée politique, c’est sérieusement atténuer son indépendance, laquelle consiste à prendre ses décisions sans recueillir d’instruction ou d’approbation de la part des autorités de nomination.

Des arguments plaidaient en faveur de la continuité de la mission et du fait que toutes les autorités indépendantes ne sont pas de même importance, mais le résultat auquel nous sommes parvenus nous semble, sur ce point, imparfait. Certes, il existe heureusement des dispositions visant au constat collégial des manquements déontologiques, mais qu’il soit toujours possible de faire la tournée des autorités chargées de la nomination pour être renouvelé dans ses fonctions pose question. C’est sans doute, sur ce sujet, une occasion manquée.

Ces deux regrets ne sauraient néanmoins entamer le caractère positif du travail accompli. Notre groupe adoptera donc ces textes, qui sont des modèles de travail parlementaire et font honneur à notre fonction de législateur et donc à l’ensemble du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis en séance publique pour examiner la proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes et la proposition de loi portant statut général de ces autorités.

Avec cette troisième lecture, qui débouchera, je l’espère, sur un vote conforme de ces deux textes, conformément à la position de la commission des lois, nous achevons un processus législatif qui honore le Parlement.

Je rappelle, en effet, que ces deux propositions de loi traduisent les onze propositions du rapport de la commission d’enquête adopté à la fin d’octobre 2015. Elles ont été déposées en décembre 2015 et adoptées par le Sénat, en première lecture et sans opposition, en février 2016, puis par l’Assemblée nationale en avril de la même année. La deuxième lecture s’est faite en juin au Sénat, puis en décembre 2016 à l’Assemblée nationale.

Il n’aura donc fallu qu’un peu plus d’un an pour traduire en termes législatifs les recommandations d’une commission d’enquête parlementaire. Cette trajectoire quasi parfaite a été permise par la volonté de parlementaires appartenant à tous les groupes politiques : ils se sont impliqués dans cette commission d’enquête pour mener un travail de contrôle approfondi et en tirer les conséquences sur le plan politique, alors même que le Gouvernement – disons-le, monsieur le secrétaire d’État ! – avait, au départ, exprimé une réserve certaine…

Ce résultat doit beaucoup, et je l’en remercie une fois encore, au président Jacques Mézard, rapporteur de la commission d’enquête que je présidais, puis désigné par la commission des lois comme rapporteur des deux propositions de loi. Il est la cheville ouvrière de ce travail. Il a su préserver l’essentiel du dispositif que nous proposions et trouver avec la majorité de l’Assemblée nationale des compromis intelligents, qui ne dénaturent pas le contenu de notre texte.

Merci, donc, monsieur Mézard. Ce fut un bonheur de travailler à vos côtés ! (Exclamations amusées.)

M. Philippe Dallier. Quelle déclaration !

M. Georges Labazée. C’est une déclaration d’amour !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut parfois le dire, mes chers collègues !

Je tiens également à saluer la volonté de rapprochement de notre collègue député, Jean-Luc Warsmann, rapporteur de l’Assemblée nationale, qui a grandement contribué à ce résultat final. Nous avons ainsi démontré que les deux chambres du Parlement pouvaient travailler ensemble de manière exemplaire.

Sur le fond, le rapporteur nous a présenté le dispositif, très équilibré, auquel nous sommes parvenus, mais j’insisterai sur trois points, qui m’ont tenu particulièrement à cœur tout au long de ce parcours législatif.

Tout d’abord, l’Assemblée nationale a adopté sans modification, dès la première lecture, l’article 1er de la proposition de loi organique, qui prévoit que la création d’une autorité administrative ou publique indépendante relève de la compétence exclusive du législateur. C’est un point essentiel. Le Parlement devra donc expressément consentir à la création d’une telle structure, et cela ne pourra plus être fait par assimilation successive ou « à l’insu de son plein gré »…

S’agissant du sort à réserver aux quarante-deux autorités existantes, les débats successifs aboutissent, finalement, à vingt-six – notre proposition de loi initiale n’en retenait que vingt –, en se fondant sur des critères d’indépendance bien identifiés, à savoir l’existence d’un pouvoir normatif, de régulation ou de sanction qui soit effectif.

Bien sûr, j’ai personnellement quelques interrogations sur les adjonctions opérées en séance publique, car les critères d’indépendance ne paraissent pas totalement remplis par certaines autorités. Je suis en total accord avec Jacques Mézard : je regrette qu’un critère de « visibilité », sans véritable contenu juridique, ait pu justifier la reconnaissance du Médiateur national de l’énergie – ce n’est pas raisonnable – ou le maintien de la Commission nationale du débat public.

N’oublions pas que la prolifération de ces « objets juridiques non identifiés », comme les qualifiait excellemment le doyen Gélard dans son rapport d’information publié en juin 2014, entraîne un délitement de l’État et nuit à la lisibilité de l’action publique.

J'en viens au deuxième point que je souhaite aborder. L’accord, auquel les deux assemblées sont parvenues sur les dispositions du statut général des autorités administratives ou publiques indépendantes, assure un corpus de règles garantissant l’indépendance de leurs membres et favorisant une diversification bienvenue de leur profil. Il conforte également les règles déontologiques, qui sont dorénavant exigeantes, notamment en ce qui concerne le contrôle renforcé sur les obligations déclaratives des membres et les limitations de leurs activités professionnelles, y compris après la cessation de leur mandat.

Le dispositif, tel qu’il a été adopté, permet le recrutement de membres hautement qualifiés – praticiens ou experts des secteurs économiques qu’ils doivent réguler –, tout en prévenant d’éventuels conflits d’intérêts.

Troisième point, le texte qui est soumis aujourd’hui à notre vote permet un contrôle parlementaire renforcé des autorités administratives ou publiques indépendantes.

En soumettant les nominations aux fonctions de président à la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, ce contrôle pourra s’effectuer de manière plus intense. En effet, le Sénat, après avoir souhaité que l’ensemble des autorités relève de cette procédure, s’est rallié à la position de l’Assemblée nationale, qui privilégie une stricte interprétation de cet article 13, qui n’évoque que les fonctions revêtant « une importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».

Finalement, sur les vingt-six autorités administratives ou publiques indépendantes qui sont qualifiées comme telles par la loi, seules les nominations à la présidence de six autorités ne sont pas soumises à la procédure de l’article 13 de la Constitution. C’est une avancée considérable.

En revanche, je me félicite que l’Assemblée nationale, en deuxième lecture, se soit ralliée à la position du Sénat pour confier au Président de la République, et, concomitamment, soumettre au contrôle parlementaire la nomination des présidents de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Cela illustre parfaitement la volonté du Parlement de mieux suivre et contrôler l’action de ces autorités, qui exercent une influence significative sur l’exercice des droits et libertés par nos concitoyens ou sur le fonctionnement de la vie économique et sociale de notre pays.

En conclusion, je souhaite insister sur l’importance de ces deux textes qui souhaitent simplifier et rationaliser l’action publique, en mettant fin au dysfonctionnement institutionnel induit par la prolifération des autorités administratives ou publiques indépendantes. Jacques Mézard et moi-même évoquions un État dans l’État ; nous avions raison, et il était vraiment nécessaire d’intervenir.

Pour moi, il s’agit d’une première étape, qui met en place un cadre et des moyens d’action permettant d’exercer un véritable contrôle démocratique. C’est à nous, mes chers collègues, qu’il revient maintenant de faire vivre ce contrôle, en utilisant la boîte à outils que ces deux textes mettent à notre disposition. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Joseph Castelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme nous l’avions précisé lors des deux précédentes lectures, nous partageons les préoccupations des auteurs de ces textes et leurs propositions visant à ramener le nombre des autorités administratives indépendantes de quarante-deux actuellement à vingt-six et à mettre en place des règles communes de fonctionnement et de contrôle.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, au-delà de leur coût – près de 600 millions d’euros de budget par an, en hausse de 11 % depuis 2010, des effectifs en progression de 5,3 % et des rémunérations pouvant aller jusqu’à 300 000 euros annuels –, la multiplication des autorités administratives indépendantes, le manque de contrôle ou encore les statuts divers de leurs membres posent la question de l’unicité de l’État. Le contrôle qui doit être exercé sur ce type d’institutions est une nécessité dans une démocratie.

En effet, comme le souligne très justement l’auteur de la proposition de loi, l’intensité du contrôle du Parlement s’est réduite, à mesure que les gouvernements qui se sont succédé abandonnaient aux différentes autorités administratives indépendantes leurs compétences. La mise en œuvre de leur responsabilité devant le Parlement est à ce jour très insatisfaisante, quand elle n’est pas inexistante. Ainsi, dans le domaine économique, ces autorités déterminent de véritables politiques publiques, sans concertation avec le Parlement, donc sans contrôle ni légitimité démocratiques.

De plus, leur mode de mise en place, les problèmes de déontologie, les conflits d’intérêts ont été largement soulignés au cours des précédentes lectures. Trop nombreuses, les autorités administratives indépendantes accentuent un « entre soi » qui freine tout changement possible. À cet égard, les différents messages reçus, les relances parfois insistantes, pour ne pas dire plus, subis par les parlementaires de tous bords sont assez révélateurs, ainsi que la difficulté de trouver un compromis entre les deux assemblées sur la définition, pour ainsi dire la « labellisation », de ce que doit être, ou ne pas être, une autorité administrative indépendante.

Encore une fois, nous l’avons dit lors de chaque lecture, nous ne sommes pas hostiles par principe aux autorités administratives indépendantes et nous reconnaissons l’utilité de certaines d’entre elles, qui jouent un rôle de vigilance, de conseil, d’alerte et de protection des plus faibles.

Toutefois, nous ne pouvons pas nier que les autorités administratives indépendantes manquent de légitimité démocratique – je n’y reviens pas. Ce déficit ne peut être comblé par l’expertise réelle, ou parfois supposée, de ces autorités.

Si nous regrettons, comme cela a pu être souligné en commission, la dérogation au principe de non-renouvellement du mandat des membres d’une autorité administrative indépendante, ce dernier étant un gage d’indépendance, nous voterons encore une fois pour cette proposition de loi. Elle constitue en effet un premier pas vers la reconnaissance d’un constat que nous dressons depuis plusieurs années et qui est partagé : une perte de repères et de compétences des administrations centrales, la dilution du pouvoir de décision et donc de la responsabilité, une distorsion de l’État, la perte de son pouvoir politique sur les marchés et, enfin, la confiscation de la définition de l’intérêt général par une élite déconnectée des réalités. (M. Patrick Abate applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui à Jacques Mézard un texte qui fait honneur au travail du Parlement.

Je voudrais surtout faire l’éloge de la méthode qui a été suivie : une commission d’enquête, suivie du dépôt de deux propositions de loi très bien articulées et légitimes, compte tenu des résultats des travaux de la commission d’enquête, et une vraie navette où l’on prend le temps de travailler les textes sur une base solide. Il s’agit d’un cas exceptionnel dans le contexte des années qui viennent de s’écouler ! Il faut ajouter que la réforme constitutionnelle de 2008 a permis que des textes d’origine parlementaire aboutissent, avec un ordre du jour généralement rempli par le Gouvernement. Toutes ces bonnes fées se sont donc liguées autour du berceau de ce texte.

D’une femme, on aurait dit qu’elle était entêtée ; de Jacques Mézard, on dit qu’il est persévérant. Il a eu raison, car c’est un vrai sujet, qui est loin d’être anodin. Le travail ainsi réalisé a comblé un vide législatif, il était donc vraiment nécessaire.

De la même façon, lorsque l’on demande un rapport sur le rôle de l’État actionnaire, on nous oppose toujours l’argument que la Cour des comptes ou la commission des finances y travaillent. De nombreux rapports ont d’ailleurs été rendus, mais au terme de navettes soumises à un véritable travail d’entrisme, il ne se passe rien !

Il a donc fallu à cette commission d’enquête beaucoup de persévérance et la volonté d’assurer un suivi. Marie-Hélène Des Esgaulx l’a très bien dit : il appartiendra au Parlement de donner vie au travail accompli, notamment en matière budgétaire, car nous n’avons jamais le temps d’examiner vraiment les « jaunes » budgétaires. Si je poursuis le parallèle avec le rôle de l’État actionnaire, le budget de la mission est examiné en cinq minutes un vendredi soir – lorsqu’il est examiné ! –, alors qu’il s’agit d’un budget fondamental. Le Parlement devrait donc faire preuve de la même persévérance en abordant ce dernier sujet, car nous voyons qu’il est possible d’obtenir des résultats.

Multiplier les autorités administratives indépendantes revient à multiplier les délégations de décisions, cela a été dit. Déontologie, obligations liées au cumul des mandats, transparence : tout cela va dans le sens de ce que veulent les citoyens. En ce qui concerne le non-renouvellement des mandats, peut-être recevrons-nous un jour en boomerang les observations d’une autorité administrative indépendante qui nous suggérera d’en faire autant ?

Il faudra, enfin, assurer un vrai suivi de ces questions, et c’est là que commenceront les problèmes. Il faudra non seulement se pencher sur l’application de la loi, mais aussi être vigilant lors de l’examen du budget, comme l’a dit Jacques Mézard. Quoi qu’il en soit, c’est le seul exemple d’une initiative parlementaire qui arrive à son terme, après six mois de commission d’enquête et un an de navette, ce qui représente finalement un délai assez court. Je suis sûre que le rapporteur n’éprouvera pas de baby blues en sortant de cette séance et qu’il trouvera un autre sujet sur lequel il pourra travailler !

Le groupe UDI-UC votera évidemment ces textes, fruits d’une excellente initiative menée de main de maître. Nous en félicitons l’auteur, ainsi que la commission et l’ensemble de nos collègues qui ont travaillé sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – MM. Alain Bertrand et Marc Laménie applaudissent également.)