PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 1er bis.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement
Article 2

Article 1er bis

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 106 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier, telle qu’elle résulte de l’article 1er de la présente loi, est complétée par un article L. 111-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-10. – La durée des concessions attribuées en application de l’article L. 132-6 ne peut permettre de dépasser l’échéance du 1er janvier 2040, sauf lorsque le titulaire du permis exclusif de recherches démontre à l’autorité administrative qu’une telle limitation ne permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d’exploitation en vue d’atteindre l’équilibre économique par l’exploitation du gisement découvert à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci. Dans ce dernier cas, l’autorité administrative fixe les modalités de prise en compte des coûts de recherche et d’exploitation dans le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 132-2. »

Monsieur le ministre d’État, pouvons-nous considérer que cet amendement est devenu sans objet à la suite du rejet de l’amendement n° 105 à l’article 1er ?

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Oui, monsieur le président, je le confirme.

M. le président. En conséquence, l’article 1er bis demeure supprimé.

Article 1er bis (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement
Articles additionnels après l'article 2

Article 2

La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier s’applique, quelle que soit la technique utilisée, à toute demande, déposée auprès de l’autorité compétente après le 6 juillet 2017, d’octroi initial ou de prolongation d’un permis exclusif de recherches ou d’une autorisation de prospections préalables, ou d’octroi initial ou de prolongation d’une concession portant sur une ou des substances mentionnées à l’article L. 111-6 du même code.

Par exception à l’alinéa précédent, l’article L. 111-10 s’applique à toute demande déposée auprès de l’autorité compétente postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi ainsi qu’aux demandes en cours d’instruction à cette même date.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’article 2 traite des conditions dans lesquelles la loi s’appliquera aux demandes de titre en cours d’instruction. Je rappelle que, en raison de l’inaction de l’administration depuis de nombreuses années, ce stock de demandes est substantiel, les plus anciennes remontant à 2009.

Le Gouvernement souhaite que la loi s’applique rétroactivement à l’ensemble de ces demandes, sauf décisions de justice définitives contraires – en pratique, le cas ne s’est pas présenté à ce jour. Cette rétroactivité aurait pour effet de faire tomber l’ensemble des demandes d’octroi initial de permis de recherches, soit quarante-deux demandes, ainsi que les trois demandes d’octroi initial de concession qui ne relèvent pas du droit de suite.

Le Gouvernement nous demande d’adopter une disposition rétroactive, ce qui est contestable sur le plan des droits acquis et de la sécurité juridique, au surplus sans que nous en connaissions véritablement le champ d’application effectif ni les conséquences financières pour l’État.

Monsieur le ministre d’État, nous avions compris des échanges avec votre cabinet que de telles demandes étaient sur votre bureau pour signature. Toutefois, devant la commission des affaires économiques du Sénat, vous avez démenti vouloir signer de « nouveaux permis ». Qu’en sera-t-il exactement ? La prolongation récente du permis « Guyane maritime » serait-elle la seule exception et, si oui, sur quels critères vous êtes-vous fondé pour établir cette unique exception et pour exclure l’octroi d’autres permis ? Je pense en particulier aux deux permis de recherches concernant les deux autres zones situées au large de la Guyane.

Sur ce point, nous n’avons pas non plus d’évaluation, même approximative, des indemnisations que l’État devra verser. Or celles-ci sont certaines, puisque la loi reviendra sur les effets légitimement attendus de ces demandes, pour lesquelles le Gouvernement lui-même nous a rappelé que le droit en vigueur ne lui permettait pas de motiver des décisions expresses de rejet : il y a donc bien un droit qu’une loi rétroactive viendrait remettre en cause, ouvrant ainsi un droit à indemnisation.

Pourrait-on au moins savoir si ces indemnisations potentielles seront de l’ordre de la dizaine de millions d’euros, de la centaine de millions d’euros, voire davantage ? Je précise que l’État a déjà été condamné à verser plusieurs millions d’euros d’astreintes, non exécutées à ce jour, uniquement pour avoir tardé à répondre, et qu’il s’agirait là d’indemnisations non plus sur la forme, mais sur le fond, donc potentiellement plus importantes.

Monsieur le ministre d’État, sur ces sujets, quels éléments précis d’information pouvez-vous nous apporter ?

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos 21 rectifié, 46 rectifié et 108 sont identiques.

L'amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat.

L'amendement n° 46 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gold, Guérini, Menonville et Vall.

L'amendement n° 108 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier s’applique, quelle que soit la technique utilisée, à toute demande, déposée auprès de l’autorité compétente postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi, d’octroi initial ou de prolongation d’un permis exclusif de recherches ou d’une autorisation de prospections préalables, d’octroi initial ou de prolongation d’une concession portant sur une ou des substances mentionnées à l’article L. 111-6 du même code ainsi qu’aux demandes en cours d’instruction à cette même date, sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée enjoignant à l’administration de procéder à la délivrance ou d’autoriser la prolongation de l’un de ces titres.

La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.

M. Fabien Gay. Il est défendu, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 46 rectifié.

M. Joël Labbé. Une fois encore, il s’agit de rétablir la rédaction d’un article qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale.

La commission des affaires économiques du Sénat a restreint l’application de l’article 1er prévoyant l’arrêt progressif de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures aux demandes de titre déposées au 6 juillet 2017, en excluant les demandes en cours d’instruction.

Afin de préserver l’esprit et l’efficacité du projet de loi, il convient d’appliquer ces dispositions aux demandes en cours d’instruction, eu égard à leur nombre – soixante-treize demandes de titre d’exploration et quatorze demandes de titre d’exploitation au 1er septembre 2017. En effet, une telle dérogation viderait le projet de loi de sa substance.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, pour présenter l’amendement n° 108.

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. L’article 2, dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, ne faisait pas de distinction entre les demandes de titre, sauf celles pour lesquelles une décision de justice est passée en force de chose jugée, enjoignant ainsi à l’administration de délivrer le titre ou d’autoriser sa prolongation. Il avait pour objet de solder le stock de demandes en cours dans les délais les plus brefs possible après l’entrée en vigueur du projet de loi.

L’article 2, tel qu’il a été adopté par la commission des affaires économiques du Sénat, vise à ce que soient instruites à nouveau les demandes implicitement rejetées ou pour lesquelles l’avis rendu avant le 6 juillet 2017 par le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le CGEIET, est favorable. Sont concernées en particulier les quarante-deux demandes d’octroi de permis exclusif de recherches qui sont en cours d’instruction. De notre point de vue, laisser la possibilité de délivrer ces permis reviendrait à vider de sa portée, une fois de plus, le projet de loi : cela ralentirait substantiellement l’arrêt progressif de l’activité que souhaite amorcer de manière irréversible le Gouvernement dès la publication de ce texte.

Cet amendement vise donc à revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

M. le président. L'amendement n° 65 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau, Bérit-Débat et Cabanel, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier s’applique, quelle que soit la technique utilisée, à toute demande, déposée auprès de l’autorité compétente postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi, d’octroi initial ou de prolongation d’un permis exclusif de recherches ou d’une autorisation de prospections préalables, d’octroi initial ou de prolongation d’une concession portant sur une ou des substances mentionnées à l’article L. 111-6 du même code ainsi qu’aux demandes en cours d’instruction par l’administration à cette même date, sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée enjoignant à celle-ci de procéder à la délivrance ou d’autoriser la prolongation de l’un de ces titres.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Sans revenir sur les arguments qui viennent d’être développés, je soulignerai qu’il s’agit également d’apporter une précision rédactionnelle, tendant à éviter que les mots « demandes en cours d’instruction » ne soient interprétés comme se référant aussi à la phase d’instruction des requêtes et appels devant la juridiction administrative et n’ajoutent ainsi implicitement, à l’exception de décision de justice passée en force de chose jugée prévue par le présent projet de loi, une exception de chose en l’état d’être jugée. Pour éviter toute confusion, il convient donc de mentionner qu’il s’agit des « demandes en cours d’instruction par l’administration ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Instaurer la rétroactivité pour les demandes et les titres en cours d’instruction signifierait, d’une part, revenir sur les effets légitimement attendus des demandes déposées – le Gouvernement lui-même reconnaît que le droit antérieur ne lui permettait pas de les rejeter –, et, d’autre part, sanctionner les demandeurs en raison de l’inaction de l’État au cours des dernières années – je rappelle que les demandes les plus anciennes remontent à 2009 –, ce dernier ayant préféré garder le silence plutôt que de prononcer des décisions explicites de rejet qu’il aurait été bien en peine de motiver…

Là aussi, nous avons recherché un point d’équilibre entre l’exigence de sécurité juridique et l’objectif affiché du Gouvernement d’un arrêt de ces activités à l’horizon 2040. Seules les demandes déposées au plus tard le 6 juillet 2017, soit la date d’adoption par le Gouvernement de son plan Climat comportant l’annonce de « la sortie progressive de la production d’hydrocarbures sur le territoire français à l’horizon 2040 », seront concernées, ce qui évitera tout effet d’aubaine pour les demandeurs.

En revanche, l’encadrement du droit de suite, en vertu duquel la durée d’une concession ne pourra dépasser le 1er janvier 2040, sauf si la rentabilité de l’opération exige d’aller au-delà, sera applicable y compris aux demandes en cours d’instruction.

L’horizon 2040 visé par le Gouvernement est ainsi maintenu, y compris pour les demandes en cours, tout en préservant les effets légitimement attendus de ces demandes.

La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Si je vous suis, madame le rapporteur, je crains d’avoir ensuite des difficultés à faire la démonstration de l’efficacité d’un texte que je vois s’assécher peu à peu…

Si j’ai signé le permis d’exploitation pour le projet « Guyane maritime », c’est que, comme je l’ai déjà expliqué, il relevait des droits acquis et qu’il était impossible de revenir en arrière. C’est un principe qui a prévalu pour toute l’élaboration de ce projet de loi.

Quant aux demandes qui ont été déposées mais qui ne créaient pas de droit, ce sera éventuellement en contentieux qu’elles seront jugées, selon le droit en vigueur, qui sera alors celui de la future loi.

Dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 2 n’établissait pas de distinction entre les demandes de titre, hormis celles pour lesquelles une décision de justice était passée en force de chose jugée, enjoignant à l’administration de délivrer le titre ou d’en autoriser la prolongation. Il avait pour objet de solder le stock des demandes en cours dans les délais les plus brefs après l’entrée en vigueur de ce projet de loi.

Pour dire les choses très sincèrement, je ne pense pas que l’importance du stock de demandes de permis en attente d’instruction tenait simplement à la mauvaise volonté de l’administration : les décisions intervenaient peut-être plus haut… Si l’on accordait quarante-deux permis supplémentaires, je pourrais comprendre la position de ceux qui estiment que ce texte ne sert plus à grand-chose.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié, 46 rectifié et 108.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l'amendement n° 65 rectifié bis.

M. Roland Courteau. La disposition adoptée en commission constitue une nouvelle dérogation. Elle réduit davantage encore la portée du texte et rompt son équilibre. Selon nous, cela va bien trop loin et à l’encontre des objectifs du texte. À ce rythme, que va-t-il rester de votre démarche, monsieur le ministre ?

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Je me pose la même question…

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Nous sommes en train de détricoter le texte.

M. Roland Courteau. Bien sûr !

M. Claude Bérit-Débat. Tout ce qui en faisait la substantifique moelle est en train de disparaître. Comme nous l’avons dit et répété lors de la discussion générale, ce projet de loi, tel qu’il avait été initialement conçu, nous agréait parfaitement, mais, si cela continue, nous finirons par changer d’avis et nous prononcer contre ce que nous proposera la majorité sénatoriale !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je conteste le terme de « détricotage ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) En réalité, nous avons essayé de trouver un équilibre.

Une quarantaine de demandes de permis sont en souffrance, les plus anciennes remontant à 2009. Je ne sais si cette situation tient à la volonté de l’administration ou si la décision, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, émane de plus haut.

Selon les statistiques, une concession sur dix environ est accordée à la suite de l’octroi d’un permis de recherches. Cela signifie que l’instruction de la quarantaine de demandes de permis en attente, en admettant qu’il y ait ensuite une possibilité d’exploitation, débouchera sur l’octroi de quatre à cinq concessions. Pourquoi ne pas les accepter, sachant que nous les encadrons, en prévoyant qu’il n’y aura pas de possibilité de dérogation et que la date limite de 2040 sera maintenue ? Est-ce réellement détricoter le texte que de proposer d’accepter quatre ou cinq concessions, ce qui permettra d’éviter des contentieux et de légitimes demandes d’indemnisation ? Il ne s’agit pas de détricotage, nous essayons simplement d’aboutir à un texte propre.

M. Ronan Dantec. Mais un peu chargé en CO2 !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il y va aussi de la parole de l’État. Certaines demandes de permis attendent sur des bureaux depuis douze ans… C’est une question de correction ! L’image de l’État est mise à mal par ce genre de comportement. Je ne crois pas que vous vouliez plus que nous un État dilettante, monsieur le ministre d’État. Il faut un État fort, qui prend des décisions, y compris pour dire non ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Vous essayez de justifier ce qui est devenu une posture. Madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, la tradition du Sénat est d’enrichir les textes. Nous le faisons très fréquemment, mais, aujourd'hui, on est en train de vider complètement de sa substance un texte majeur, même s’il est symbolique ! Ce serait pourtant une fierté pour le Sénat de travailler collectivement afin d’aboutir à un texte amélioré.

Je suis contrarié par la tournure que prennent les débats. C’est assez désolant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Mme Primas a parlé avec justesse de la parole de l’État. Or la parole de l’État, c’est la COP21 ! L’État français a pris ses responsabilités afin que la planète puisse entrer dans un cycle vertueux et répondre aux défis majeurs du XXIe siècle. Cela pose des problèmes de mise en œuvre, c’est vrai ; nous sommes ici pour en discuter, sans posture.

Il est évident que l’Assemblée nationale rétablira son texte. Comme l’a indiqué Claude Bérit-Débat, nous nous acheminons vers un vote contre afin de montrer que c’est la seule droite conservatrice qui ne veut pas faire d’efforts sur la question du climat, tout en ayant du mal à assumer sa position ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Assumez vos amendements, mes chers collègues !

Nous comprendrions que vous nous disiez qu’il faut se mettre autour d’une table pour discuter d’un certain nombre de sujets délicats, car nous sommes conscients que tout n’est pas simple. Mais ce n’est pas du tout ce que vous faites : vous videz systématiquement les dispositions du texte de leur substance. Si le projet de loi était adopté en l’état par le Parlement, la France ne serait plus en mesure d’être leader sur la question du changement climatique. Le texte tel que proposé par le Gouvernement visait à ce que la France conserve ce rôle. Il montrait que l’État tient sa parole et tire les conséquences de la COP21 pour ses propres politiques publiques, y compris quand c’est compliqué dans les territoires. Vous, à l’inverse, vous avez été nombreux à dire : « On bougera quand les autres bougeront. » Avec de tels raisonnements, personne ne bouge et le climat se réchauffe ! Assumez donc ce que vous faites, et ne prétendez pas être des champions de la lutte contre le changement climatique ! Nous voterons contre pour marquer notre désaccord avec votre vision.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. « Il faut que tout change pour que rien ne change », mais il y a le feu à la maison !

Le changement climatique pose des problèmes inédits à l’Humanité. J’ai en mémoire l’intervention de M. Magras en commission. Il nous a expliqué qu’un tel cyclone, d’une violence inouïe, c’était du jamais vu, jamais connu auparavant. La cause, c’est le changement climatique !

Les îles Fidji sont directement menacées. Si nous ne faisons rien, si nous ne bougeons pas, il y aura demain des millions de réfugiés climatiques ! Allons-nous continuer à faire comme M. Trump, qui nie la réalité de tout cela, ou allons-nous prendre le problème à bras-le-corps, aborder enfin les vrais sujets et faire en sorte de réduire les émissions de CO2 ? C’est de cela qu’il s’agit ! Si nous persistons à ne pas prendre nos responsabilités, l’irréparable se produira. L’Humanité est mortelle, on le sait maintenant, du fait de l’existence non seulement des armes nucléaires, mais également du réchauffement climatique.

À force d’exceptions, on met en pièces le projet de loi : dès lors, nous ne pouvons plus le voter, car il est dénaturé.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Mme Primas a invoqué le respect de la parole de l’État s’agissant de dossiers en souffrance depuis douze ans. On ne peut pas aborder ces dossiers en faisant comme si le monde n’avait pas changé en douze ans, comme si nous n’étions pas confrontés à une urgence nouvelle. Compte tenu de l’enjeu et des responsabilités qui sont les nôtres, nous ne pouvons pas accepter que l’on accorde dix, quinze ou trente permis supplémentaires au motif que cela ne débouchera en définitive que sur l’octroi de deux ou trois concessions. Ce n’est pas possible !

D’exception en exception, de dérogation en dérogation, on perd de vue l’objectif ambitieux qui était affiché. M. le ministre l’a dit, on devrait aborder ces sujets sans a priori politiques, sans postures politiciennes.

Aux membres de la majorité sénatoriale, je rappellerai cette phrase du président Chirac : « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs. » Aujourd’hui, alors que l’urgence est là, de recul en recul, d’exception en exception, nous laissons notre maison brûler et continuons à regarder ailleurs… (M. Ronan Dantec applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Ce projet de loi n’est pas si symbolique que cela ; sinon, on ne s’échinerait pas à le vider de sa substance. En réalité, il pose une question de fond : sommes-nous capables de sortir des énergies fossiles d’ici à une vingtaine d’années ? C’est une nécessité vitale si l’on ne veut pas mettre en péril la planète, son écosystème, l’Humanité !

Nous sommes face au mur et, comme je l’ai déjà dit en commission, si nous ne posons pas maintenant un acte politique fort, dans vingt ans, le politique, quel qu’il soit, ne pourra plus prendre de décision, car il sera déjà trop tard.

Cela a été dit : d’exception en exception, de dérogation en dérogation, on est en train de vider le texte de sa substance. On entre maintenant dans le vif et le dur du sujet. Si cet article est adopté en l’état, nous enverrons le signal que nous n’avons pas pris conscience de l’urgence climatique

Pour notre part, nous voterons l’amendement. S’il n’est pas adopté, nous voterons contre l’article.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Je dois avouer que j’éprouve ce soir une certaine lassitude…

M. Roland Courteau. Nous l’avions deviné !

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Depuis 1992, nous en savons suffisamment sur ce sujet pour agir. Or il a fallu pratiquement un quart de siècle pour faire partager le constat. Ces réserves, ces réticences, ces atermoiements, cette tendance à s’accorder sur le plus petit dénominateur commun, je les constate également à l’échelle européenne. Il nous faudra donc peut-être encore vingt-cinq ans pour nous mettre à niveau.

M. Roland Courteau. Il sera trop tard !

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Mais alors l’histoire nous jugera et il apparaîtra que, en spectateurs parfaitement informés, nous avons laissé l’irréversible se produire.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Je ne trouve plus les mots. Il y a déjà eu tant d’alertes, tant de rapports. On a évoqué Saint-Martin et Saint-Barthélemy, mais bien avant que ces îles qui nous sont proches soient frappées, j’ai vu au Sahel, aux Philippines, en Océanie les effets du réchauffement climatique. Chaque année, on compte trois fois plus de déplacés climatiques que de réfugiés politiques. J’ai une cruelle conscience de ce que le réchauffement va provoquer dans un monde qui danse sur un volcan en activité.

J’entends bien les arguments des uns et des autres. Si l’on s’en tient au présent, chacun d’entre eux, considéré individuellement, est recevable, mais, si l’on songe à l’avenir, ils sont collectivement irrecevables. Je ne doute pas que vous soyez de bonne foi, mais je pense très sincèrement que vous n’avez pas pris la mesure de ce qui nous attend. On n’en fera jamais trop !

Je ne veux pas employer de mots déplaisants, mais que restera-t-il du texte si l’on continue, petit à petit, à le vider de sa substance : pas de permis, sauf pour les hydrocarbures non énergétiques ; acceptation des demandes de permis déjà déposées ; exclusion de l’outre-mer du champ de la loi…

Si l’on accorde des permis en 2017, comme vous le souhaitez, l’exploitation débutera en 2027, après dix ans d’exploration en moyenne, pour s’achever en 2040 au mieux. Je ne suis même pas sûr que ce soit très pertinent d’un point de vue économique.

Je voulais simplement vous livrer mon sentiment, sans faire d’effets de manches. Je crois que vous n’avez pas encore pris la mesure de ce qui nous attend. Ne vous inquiétez pas pour la planète, elle s’en sortira parfaitement. Comme d’habitude, ce sont les populations les plus démunies, y compris chez nous, qui trinqueront les premières, mais nous en prendrons tous pour notre grade, à un moment ou à un autre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche. – MM. Ronan Dantec et Joël Labbé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Je souhaiterais appeler chacun à un peu plus d’esprit de responsabilité. L’enjeu nous dépasse largement, nous devons être à la hauteur. Si nous ne faisons rien, la température sur la planète augmentera de deux degrés peut-être plus vite que prévu. Inondations, ouragans, disparition des espèces – y compris, à terme, la nôtre : nous sommes au pied du mur. C’était un beau projet de loi, emblématique. Il aurait été bien que l’on fasse ce petit pas.