M. le président. Votre question, s’il vous plaît !

Mme Catherine Conconne. Une hausse des faits d’usage de stupéfiants recensés est considérée comme un indicateur de la performance des services : ne pourrait-il en être de même pour les violences au sein du couple ? Un tel changement ne pourrait avoir que des vertus. Aussi j’attends une réponse positive de votre part ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Ronan Dantec applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, vous venez de rappeler un événement dramatique survenu ce week-end en Martinique. Naturellement, la lutte contre les violences faites aux femmes sur l’ensemble de notre territoire est une priorité absolue du Gouvernement.

Vous avez rappelé à juste titre que l’amélioration des connaissances est un enjeu très important pour ce qui concerne les violences faites aux femmes. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a engagé, dans les départements d’outre-mer, une grande enquête, intitulée violences et rapports de genre, ou VIRAGE DOM, consacrée à ces violences. Au total, 10 000 personnes, femmes et hommes, sont interrogées. Les premiers résultats sont attendus pour la fin de l’année 2018. Je tenais à apporter ces précisions, car une fine connaissance de cette problématique est nécessaire.

Par ailleurs, dans son discours du 25 novembre dernier, le Président de la République a rappelé que les politiques publiques menées dans ce domaine devaient être adaptées aux besoins des victimes, afin que l’on puisse apporter les réponses les plus efficaces possible.

C’est pourquoi nous réfléchissons aujourd’hui à l’opportunité de créer un observatoire de l’égalité en Martinique. Cette mesure a d’ailleurs été préconisée par le Conseil économique social et environnemental dans un rapport récent.

Bien sûr, de nombreux partenaires associatifs agissent également. Le ministère de la justice a mis en place l’opération « Téléphone grave danger ». Ce dispositif est également déployé en Martinique.

La présence d’équipes territoriales des droits des femmes dans chacun des territoires est également une nécessité.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Enfin, madame la sénatrice, je vous invite à relayer cette parole sur les violences faites aux femmes dans le cadre des ateliers du tour de France de l’égalité et des Assises de l’outre-mer. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour faire tout ce qui est en son pouvoir dans tous les territoires, y compris, bien entendu, les territoires ultramarins, dont la Martinique. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

réhabilitation d’une ligne ferrée existante permettant le désenclavement du centre var

M. le président. La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Mme Claudine Kauffmann. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Le Gouvernement adopte actuellement, à l’encontre des automobilistes, des mesures drastiques visant à réduire la circulation des véhicules particuliers et son incidence sur l’environnement. Certaines zones de notre territoire se voient infliger cette dissuasion sans qu’on leur propose pour autant des solutions de substitution en termes de transports.

À cet égard, l’arrière-pays varois est un exemple révélateur. Sa population, qui a crû de 30 % en vingt ans, n’a d’autre choix que d’utiliser des véhicules automobiles pour se déplacer. En effet, le centre Var est dépourvu de toute ligne ferroviaire, le train ne desservant que le littoral.

Est-il nécessaire de préciser qu’il s’agit là d’une forte entrave au développement économique, à la création d’emplois, à la formation de nos jeunes et à la préservation de l’environnement ?

Pourtant, une ligne ferrée existe. Reliant Carnoules, Brignoles et Gardanne, elle offre des possibilités de connexions vers Marseille et Nice. Cependant, elle est demeurée inutilisée durant des décennies, à la satisfaction de certains lobbies locaux, mais au plus grand détriment de nos concitoyens.

Alors que les investissements dans notre réseau ferré ont concerné essentiellement les lignes à grande vitesse, pouvons-nous espérer du Gouvernement qu’il considère enfin que la priorité doit être désormais donnée aux transports locaux ?

Monsieur le ministre d’État, puis-je espérer que vous portiez une attention nouvelle à la réhabilitation de la ligne de chemin de fer que j’ai évoquée ? Cela permettrait l’indispensable désenclavement du centre Var. (Mme Christine Herzog applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser Élisabeth Borne, qui ne pouvait être présente au Sénat cette après-midi.

Les Assises de la mobilité, conduites par Élisabeth Borne, ont bien défini comme priorité la mobilité du quotidien, qui permet à nos concitoyens d’aller travailler, de vivre, d’avoir des loisirs au cœur de leur territoire.

Je ne peux que le constater avec vous, la desserte ferroviaire du Var est aujourd’hui difficile, et le mot est faible. En effet, depuis la modernisation de la ligne avec l’arrivée du TGV dans les années quatre-vingt, très peu d’investissements ont été réalisés.

Élisabeth Borne et moi-même savons que la situation du réseau ferroviaire est difficile dans ce territoire, qu’elle provoque désagréments, retards, difficultés pour les usagers, en particulier dans les déplacements du quotidien.

Vous proposez la réhabilitation d’une ligne ancienne. Cette dernière, pour des raisons évidentes de sécurité, n’est actuellement pas en mesure de recevoir des trains. Un tel projet est envisageable, mais sa réalisation et son financement doivent être étudiés avec le conseil régional dans le cadre d’un contrat de plan État-région.

Vous le savez, le budget reste contraint et, sur cette ligne en particulier, les travaux nécessaires sont excessivement importants. C’est précisément pour identifier les priorités qu’Élisabeth Borne a mis en place le Conseil d’orientation des infrastructures. Deux priorités principales ont été fixées : l’entretien et la modernisation des réseaux existants, d’une part, les transports du quotidien, d’autre part. Le Parlement a d’ailleurs été pleinement associé aux réflexions pour établir ces priorités et pour examiner les enjeux financiers. Pour moderniser les réseaux, il faut en effet des ressources.

Un rapport sera remis, sur la base duquel le Gouvernement engagera une démarche de concertation et de travail, afin de pouvoir inscrire dans un texte de programmation, au printemps prochain, les engagements retenus sur le fondement des priorités que je viens d’évoquer.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour la réplique.

Mme Claudine Kauffmann. Je vous remercie, monsieur le ministre d’État. Je suivrai ce dossier avec le plus grand intérêt !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le jeudi 1er février 2018, à quinze heures.

6

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le grand plaisir de saluer, au nom du Sénat, la présence dans notre tribune officielle d’une délégation de sénateurs du Kenya, conduite par M. Kenneth Makelo Lusaka, président du Sénat kényan, créé en 2013. (Mmes et MM. les sénateurs, M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres se lèvent.)

La délégation effectue actuellement un séjour d’étude au Sénat sur les thèmes du bicamérisme, de la procédure législative, de l’évaluation des politiques publiques : c’est là d’ailleurs, pour nous-mêmes, tout un programme pour les temps qui viennent ! (Sourires.)

Après plusieurs entretiens sur ces sujets, la délégation a été reçue par nos collègues du groupe interparlementaire d’amitié France-Madagascar et pays de l’océan Indien, que préside Mme Nassimah Dindar.

La délégation vient de s’entretenir avec nos collègues Charles Guené, vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Le vice-président Philippe Dallier la recevra dans quelques instants.

Nous sommes sensibles à l’intérêt que la délégation porte à notre institution. Au nom du Sénat de la République, je forme des vœux pour que son séjour lui soit profitable ! (Applaudissements prolongés.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de M. David Assouline.)

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 18

Renforcement du dialogue social

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 19

Articles additionnels avant l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est abrogée.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Permettre qu’un accord d’entreprise puisse fixer des règles moins favorables que celles qui sont prévues par un accord collectif, voire par la loi, est une vieille revendication du MEDEF, qui a gagné du terrain petit à petit.

L’inversion de la hiérarchie des normes sociales et la remise en cause du principe de faveur ne sont malheureusement pas des nouveautés. Elles s’inscrivent dans la continuité des lois Fillon de 2004, Bertrand de 2008, Macron de 2015, Rebsamen de 2016 et El Khomri de 2017, qui ont élargi le champ du possible en la matière.

C’est l’importance des domaines concernés par la généralisation de l’inversion des normes qui apparaît comme la véritable innovation de ce texte. En effet, à l’exception de ceux du salaire et des normes d’hygiène et de sécurité, l’accord d’entreprise pourra déroger à presque tout le code du travail. Cette généralisation n’aurait pas été possible sans la loi El Khomri, contre laquelle des millions de personnes se sont mobilisées.

En effet, si le gouvernement précédent n’avait pas ouvert la boîte de Pandore de la libéralisation du droit du travail en inversant la hiérarchie des normes, en instaurant un barème indicatif des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, en donnant une définition variable du licenciement économique selon la taille des entreprises et en remplaçant la visite médicale d’embauche par une visite de prévention tous les cinq ans, son successeur n’aurait pas eu les coudées aussi franches pour proposer un tel recul des protections collectives.

Pour notre groupe, la modernité consiste, au contraire, à combattre les inégalités et les injustices. Aussi demandons-nous, par cet amendement, l’abrogation des mesures contenues dans la loi El Khomri afin de revenir aux règles de droit antérieures, qui, si elles n’étaient pas parfaites, entérinaient néanmoins un certain équilibre, fondé sur des décennies de luttes sociales.

Il ne s’agit pas ici de prôner une forme de conservatisme, nous demandons au contraire l’abrogation de mesures régressives et passéistes, dans l’intérêt des salariés, de l’emploi et de l’économie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.

La loi Travail a eu, selon nous, le mérite d’accélérer la transformation de notre droit du travail, en donnant plus de place à l’accord d’entreprise. Comme je l’ai dit en commission et lors de la discussion générale, cette tendance est ancienne. Elle suscite des craintes, mais je suis convaincu que nous devons accompagner cette réforme pour moderniser le code du travail et répondre aux attentes des partenaires sociaux dans les branches et dans les entreprises.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il est bien sûr défavorable. Ce texte a été bâti sur la confiance dans le dialogue social, il constitue la première étape de la transformation de notre modèle social ; nous l’assumons pleinement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 50 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 266
Pour l’adoption 15
Contre 251

Le Sénat n’a pas adopté.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 18
Dossier législatif : projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

L’amendement n° 19, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° À la première phrase de l’article L. 2251-1, les mots : « peut comporter » sont remplacés par les mots : « ne peut comporter que » ;

2° L’article L. 2252-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « interprofessionnel », est inséré le mot : « ne » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

3° Le dernier alinéa de l’article L. 2253-1 est ainsi rédigé :

« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés. » ;

4° Les articles L. 2253-4 et L. 3122-6 sont abrogés.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Au travers de cet amendement de repli par rapport au précédent, nous souhaitons insister sur la question du temps de travail.

La généralisation de l’inversion de la hiérarchie des normes à l’ensemble du droit du travail a été engagée par la loi El Khomri, contre laquelle des millions de personnes s’étaient mobilisées. Nous déplorons que le gouvernement précédent ait ouvert la boîte de Pandore de la libéralisation du droit du travail en promouvant cette évolution et en supprimant le principe de faveur. Il n’est pas surprenant qu’aujourd’hui vous proposiez une régression des protections collectives. Les salariés s’étaient fortement mobilisés contre la loi El Khomri car ils avaient bien perçu les dangers que faisait peser sur eux au quotidien cette flexibilisation du droit du travail.

Madame la ministre, vous dites assumer ces ordonnances et ce projet de loi, mais vous n’avancez pas d’arguments pour nous démontrer que ces textes protègent les salariés, à l’encontre de ce que donnent à penser les exemples assez terrifiants que nous observons dans les entreprises.

Cet amendement vise à abroger l’article 2 de la loi El Khomri, qui permet la négociation à l’échelle de l’entreprise de l’essentiel des dispositions relatives au temps de travail. On peut penser, par exemple, que la loi sur les 35 heures pourrait, par ce biais, être largement remise en cause.

Hormis l’emblématique 1er mai, auquel aucun gouvernement n’a encore tenté de s’attaquer, l’ensemble des congés payés pourra être supprimé par accord d’entreprise.

L’inversion de la hiérarchie des normes ne peut pas être favorable aux salariés, étant donné la réalité des relations sociales dans la plupart des entreprises françaises et les discriminations subies par les représentants des salariés.

En un sens, cette loi a dénaturé la finalité même du code du travail, lequel doit, d’abord, protéger le salarié dans le cadre du rapport de subordination qui le lie à son employeur, et non déterminer le niveau de flexibilité et de précarité de son contrat de travail.

Permettre aux patrons de mettre en place, dans chaque entreprise, des accords instaurant moins de droits pour les salariés que ce que prévoit l’accord de branche ou la loi n’a jamais permis des embauches supplémentaires et ne peut que déboucher sur une réduction des protections dont bénéficient les salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’expression « inversion de la hiérarchie des normes » est source de malentendus. La loi, aux termes de l’article 34 de la Constitution, reste dans notre pays la seule norme propre à distribuer les compétences entre les différents acteurs. C’est la loi qui fixe l’ordre public social, les règles dans les domaines régaliens, les compétences accordées à la négociation de branche ou d’entreprise et, enfin, les règles supplétives en l’absence d’accord.

Par ailleurs, le principe de faveur continue d’exister dans le code du travail à travers la notion d’équivalence de garanties, utilisée pour autoriser un accord d’entreprise à traiter de sujets relevant normalement d’un accord de branche.

L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. M. le rapporteur l’a dit, il n’y a pas d’inversion des normes. Invoquer aussi lourdement cette notion s’apparente presque à de la désinformation.

En matière de protection des salariés, je crois beaucoup plus au dialogue qu’au conflit. La nouveauté, c’est que nous nous inscrivons aujourd’hui dans une logique de dialogue social plutôt que de conflit. Nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Il faut effectivement s’entendre sur les termes. Où est le dialogue social quand on retire toutes garanties aux salariés, notamment en termes de représentation ? On voudrait faire croire que tout le monde est à égalité dans l’entreprise, le grand patron, la direction, les salariés, sans aucune hiérarchie, et que, par conséquent, il ne serait pas nécessaire que des règles protègent ces derniers… En réalité, il importe que le code du travail prévoie des protections en matière de temps de travail, de conditions de travail, etc.

Que l’on ne nous dise pas que rien ne va changer, que tout a été bien pensé : nous disposons d’exemples qui prouvent le contraire ! Si tout est aussi bien que vous le prétendez, alors pourquoi bouleverser le code du travail ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 51 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 267
Pour l’adoption 15
Contre 252

Le Sénat n’a pas adopté.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 19
Dossier législatif : projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

L’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective est ratifiée.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, pour beaucoup d’entre vous, semble-t-il, le débat sur le bien-fondé des ordonnances a eu lieu lors de l’examen du projet de loi d’habilitation et il faut maintenant que ces mesures puissent entrer en application.

Monsieur le président Milon, vous avez affirmé tout à l’heure, en donnant l’avis de la commission sur la motion tendant à opposer la question préalable, qu’il ne s’agit que de textes techniques. Il ne nous resterait plus, en somme, qu’à approuver docilement les modifications du droit du travail proposées. J’y reviendrai, et nous verrons si ces textes sont aussi techniques que vous le dites !

Notre groupe a décidé, au contraire, de débattre du contenu des ordonnances et a déposé à cette fin une cinquantaine d’amendements, par respect pour nos convictions et pour celles et ceux qui nous ont accordé leur confiance et attendent de nous que nous ne laissions pas passer ces textes sans sourciller.

Cet article 1er, en particulier, ne nous a pas laissé sans réaction ! Jusqu’à présent, la loi garantissait à toutes et à tous des droits dans l’entreprise. Il était possible de s’entendre, au sein de la branche ou de l’entreprise, pour établir des règles plus favorables aux salariés, par le dialogue social, précisément, et pas forcément par le conflit. C’est ce que l’on appelait le « principe de faveur ».

Dorénavant, madame la ministre, la norme sera fixée à l’échelon de l’entreprise et il sera possible de déroger aux accords de branche pour introduire des mesures moins favorables aux salariés. Vous parlez de « renforcement de la négociation collective ». Qui peut être contre ? Mais, en vérité, il faut entendre « renforcement des dispositions moins favorables pour les salariés, au niveau de l’entreprise ou de la branche, que ce qui figure dans la loi ». Voilà en quoi la hiérarchie des normes est renversée : le principe de faveur devient un principe de défaveur. Une entreprise pourra déroger à un accord de branche : que vaudra ce dernier, s’il ne s’applique pas à toutes les entreprises ?

Vous prétendez qu’il s’agit d’une loi technique : allez donc dire aux salariés que la prime d’ancienneté, le treizième mois, l’épargne salariale sont des sujets techniques !

Plus que le patron, qu’il ne faut pas diaboliser, ce qui fait peur aux salariés, c’est le chômage ! Il prive de la parole ! Qui aura le dernier mot ? Le patron, pas le salarié.

M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure. Vous pourrez reprendre la parole pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Par ailleurs, vous renforcez les mesures dérogatoires au bénéfice des petites entreprises, mais il faut savoir que 33 % des entreprises de 10 à 20 salariés et 54 % des entreprises de 20 à 50 salariés appartiennent en réalité à un groupe. Pour les entreprises dont l’effectif salarié est supérieur, ce taux dépasse même 80 %. Il ne s’agit donc pas d’aider les TPE.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 20 est présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 71 est présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 20.

M. Guillaume Gontard. L’article 1er ratifiant l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective réorganise les rapports entre la loi, les accords de branche et les accords d’entreprise.

Au travers de cette ordonnance, le Gouvernement entend parachever l’inversion de la hiérarchie des normes en matière de droit du travail et la remise en cause du principe de faveur.

Dans la continuité de la loi El Khomri, il s’agit d’élargir le champ de la négociation collective en généralisant la primauté de l’accord d’entreprise, ce qui contribuera à l’affaiblissement des protections légales et conventionnelles.

Sur de nombreux points, le code du travail se trouve modifié dans un sens particulièrement régressif : primauté donnée à l’accord collectif sur le contrat de travail, instauration du référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur, élargissement des possibilités de négociation en l’absence de délégué syndical.

Désormais, ce sont les accords d’entreprise qui fixeront les conditions d’emploi et de travail des salariés en matière de salaires minima, de classifications, de durée du travail, de droit à la formation, de mesures relatives aux CDD, aux CDI et aux nouveaux CDI dits « de chantier », d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, de mise à disposition de salariés temporaires auprès d’une entreprise utilisatrice, de rémunération des salariés portés, etc.

Loin de simplifier le code du travail et de renforcer les droits des salariés, le texte entérine des reculs sociaux sans précédent. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 71.

M. Jean-Louis Tourenne. Nous demandons la suppression de l’article 1er pour les mêmes raisons que les auteurs de l’amendement précédent. Je n’y reviendrai pas, mais j’évoquerai un sujet d’inquiétude, voire d’angoisse. J’avais cru comprendre que l’appréciation de la pénibilité était du ressort de l’accord de branche. Or elle relèvera en fait des accords d’entreprise, sauf « verrouillage » de l’accord de branche. C’est tout de même traiter un peu légèrement ce qui touche à la génération de handicaps, voire de maladies professionnelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cette ordonnance comporte des apports importants sur des sujets aussi divers que l’articulation entre les accords de branche et les accords d’entreprise, l’instauration d’un régime juridique unique pour les accords de flexisécurité ou encore l’assouplissement des règles de mandatement syndical.

Par ailleurs, cette réforme n’entraînera pas une concurrence sociale déloyale entre entreprises d’une même branche, car si un accord d’entreprise empiète sur les domaines relevant des accords de branche, il ne s’appliquera que s’il offre aux salariés des garanties au moins équivalentes à celles qui ont été prévues à l’échelon de la branche.

L’avis de la commission est défavorable.