M. Roger Karoutchi. Madame Benbassa, je ne vous interromps pas, et, pourtant, vous parlez beaucoup !

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les actes de solidarité s’exprimaient contre les régimes dictatoriaux de Vichy et des nazis, pas face à des démocraties.

Mme Esther Benbassa. C’est le Parlement qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain !

M. Roger Karoutchi. Taisez-vous, madame Benbassa, quand je parle !

Mme Esther Benbassa. Vous n’êtes pas mon instituteur !

M. Roger Karoutchi. Je ne vous interromps pas, ne m’interrompez pas ! Ça suffit maintenant !

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Parce que je suis horrifié par certaines comparaisons, comme celle d’hier, où on a sous-entendu que M. le ministre d’État n’était pas digne de sa ville, la ville des Justes. Il y a des moments où il faut raison garder et éviter certaines comparaisons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Abdallah Hassani et Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)

Les choses sont claires : nous sommes dans un État de droit ! Je comprends très bien les actes de générosité pour aider des gens. Ce que je ne peux pas accepter, c’est que, dès lors que l’État de droit a caractérisé un délit, on commette ce délit au nom d’une pseudo-solidarité. Si vous heurtez l’État de droit, alors, vous heurtez la République et la démocratie. Ça veut dire que vous ne respectez pas le suffrage universel, que vous ne respectez pas le Parlement, que vous ne respectez pas l’État de droit. À partir de là, il n’y a plus de limites. Si vous voulez changer la loi, faites-le, mais lorsqu’elle est votée, démocratiquement, on la respecte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. J’avoue que je ne comprends pas l’argumentation de Roger Karoutchi sur ce point.

D’abord, il ne s’agit pas de faire une comparaison qui n’aurait pas lieu d’être. Pour notre part, ni explicitement ni implicitement, nous ne l’avons fait.

Ensuite, je reprendrai les propos de Roger Karoutchi lui-même : notre pays est une démocratie, et nous sommes au Parlement. Nous estimons que la discussion parlementaire d’aujourd’hui est l’occasion de proposer et, espérons-le, d’adopter la suppression du délit de solidarité. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Esther Benbassa. Un peu de mémoire, monsieur Karoutchi !

M. Roger Karoutchi. Moi, j’en ai !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Je veux préciser à M. Arnell qu’il y a deux amendements, celui du groupe La République En Marche et le vôtre, qui sont les mêmes que celui du Gouvernement. Évidemment, j’y suis totalement favorable.

À l’Assemblée nationale, j’ai tenu personnellement à circonscrire ce qui pouvait être un acte de solidarité. Je ne confonds bien évidemment pas cela avec l’aide au franchissement irrégulier des frontières, lequel se fait d’ailleurs dans des conditions parfois extrêmement dangereuses. Par exemple, du côté de Bardonnèche, des migrants se lancent dans la montagne, parce qu’ils croient avoir des numéros de téléphone de personnes bénévoles. Quand le téléphone ne passe pas, ils sont en grand danger.

Nous ne voulons pas d’un tel système organisé. Nous l’avons dit de manière claire : l’idéologie des No Border est contraire aux lois de la République. Demain, une autre majorité pourra décider de changer la loi, mais, aujourd’hui, celle qui est en vigueur doit être appliquée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je partage très largement l’analyse que vient de faire M. le ministre d’État. Je partage également la sainte colère de notre collègue Roger Karoutchi,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … s’il accepte ce qualificatif. (Sourires.)

M. Jérôme Bascher. Sainte colère laïque !

Mme Esther Benbassa. Il est sexiste !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame Benbassa, nous ne sommes pas là pour émettre des messages forts ou des signaux faibles, mais pour faire la loi. Pardon de le rappeler, mais la commission des lois propose au Sénat de définir des normes, pas de délivrer des messages. Les messages, vous pouvez les envoyer par Twitter ou en faisant des communiqués de presse. La loi, c’est autre chose.

Je me permets de vous signaler, et j’espère ne pas vous mettre en colère, que le délit de solidarité n’existe pas dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Mme Esther Benbassa. Effectivement !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suppose que, s’il avait existé, la loi du 31 décembre 2012 proposée par le gouvernement de M. Ayrault l’aurait immédiatement supprimé. Il ne l’a pas fait, et vous ne vous en êtes pas plainte à cette époque, me semble-t-il, mais peut-être corrigerez-vous cette appréciation si elle se révèle inexacte.

En revanche, il existe bien un délit d’aide à l’entrée, la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger. La raison d’être de ce délit a été abondamment rappelée. Je pense que vous partagez vous-même l’objectif : lutter contre une nouvelle forme de traite que constitue le trafic des passeurs, qui font entrer clandestinement, en France et dans d’autres pays d’Europe, des étrangers généralement démunis et vulnérables. C’est donc une assistance aux étrangers eux-mêmes que la répression pénale de notre code apporte avec l’existence de ce délit.

Il est vrai que, dans l’interprétation que les juges font de la réalité de ce délit, il ne faudrait pas qu’il y ait de glissement qui entraînât la mise en cause de Français agissant soit en raison de liens familiaux, soit par pur désintéressement et sens de la fraternité. De ce point de vue, on peut partager votre motivation, à condition qu’elle s’appuie sur la réalité du droit. Or j’ai tenté d’expliquer que le droit n’est pas tel que vous l’avez décrit.

La loi du 31 décembre 2012 a été très précise et elle a posé des garde-fous. Le législateur a considéré que, s’il y a contrepartie apportée par l’étranger en situation irrégulière à la personne qui lui vient en aide, alors, cette personne peut être poursuivie pour un délit. C’est bien naturel, parce que cette contrepartie atteste qu’il ne s’agit pas d’un acte de fraternité. Mais, s’il n’y a pas de contrepartie, les poursuites n’ont pas lieu d’être. Si, par erreur, il y avait quand même des poursuites, le tribunal ne pourrait pas condamner, sinon cette condamnation serait naturellement annulée en appel.

Je trouve que la loi n’est pas si mal faite. Elle prend en considération les préoccupations que vous exprimez. Je pense, par conséquent, qu’il faut la maintenir dans ses grandes lignes, sans lui donner de coups de boutoir, ce qui reviendrait à inciter les passeurs à développer leur coupable commerce au détriment de malheureux qui franchissent les océans au péril de leur vie pour rejoindre l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, je veux intervenir.

M. Roger Karoutchi. Sur quel amendement ?

Mme Esther Benbassa. Je demande que M. Karoutchi, malgré toute l’amitié que je lui porte, me présente ses excuses…

M. Roger Karoutchi. Sûrement pas !

Mme Esther Benbassa. … pour l’attitude sexiste et méprisante qu’il a eue à mon égard. Il m’a crié dessus comme s’il était mon instituteur. C’est scandaleux ! Il n’aurait jamais parlé ainsi à un homme !

Mme Sophie Primas. Nous ne sommes pas des petites choses fragiles, quand même !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Vous n’êtes pas solidaire !

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie !

Je mets aux voix l’amendement n° 22.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 169 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l’adoption 92
Contre 237

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 292 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 95.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 504.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 539 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 19 ter demeure supprimé.

Article 19 ter (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article 19 quater (nouveau)

Article additionnel après l’article 19 ter

Mme la présidente. L’amendement n° 366 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 19 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le chapitre II du titre II du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est ajouté un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre …

« Entrave à l’exercice du droit d’asile et à l’entrée ou au séjour des étrangers

« Art. L. 622-11. – Toute personne qui aura intentionnellement entravé ou tenté d’entraver l’exercice du droit d’asile, l’entrée, ou le séjour d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros.

« Ce délit n’est pas constitué si ces faits sont réalisés, dans le cadre de leurs fonctions, par des agents relevant d’un service de la police nationale ou des douanes, ou d’un service de gendarmerie.

« Art. L. 622-12. – Les personnes physiques coupables de l’un des délits prévus à l’article L. 622-11 encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire. Cette durée peut être doublée en cas de récidive ;

« 2° Le retrait temporaire ou définitif de l’autorisation administrative d’exploiter soit des services occasionnels à la place ou collectifs, soit un service régulier, ou un service de navettes de transports internationaux ;

« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, notamment tout moyen de transport ou équipement terrestre, fluvial, maritime ou aérien, ou de la chose qui en est le produit. Les frais résultant des mesures nécessaires à l’exécution de la confiscation seront à la charge du condamné. Ils seront recouvrés comme frais de justice.

« Art. L. 622-13. – Les infractions prévues à l’article L. 622-11 sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende :

« 1° Lorsqu’elles sont commises en bande organisée ;

« 2° Lorsqu’elles sont commises dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

« 3° Lorsqu’elles ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie ou de transport incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;

« 4° Lorsqu’elles sont commises au moyen d’une habilitation ou d’un titre de circulation en zone réservée d’un aérodrome ou d’un port ;

« 5° Lorsqu’elles ont comme effet, pour des mineurs étrangers, de les éloigner de leur milieu familial ou de leur environnement habituel.

« Art. L. 622-14. – Outre les peines complémentaires prévues à l’article L. 622-12, les personnes physiques condamnées au titre des infractions visées à l’article L. 622-13 encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.

« Art. L. 622-15. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies aux articles L. 622-11 et L. 622-13 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues par les 1° à 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.

« L’interdiction visée au 2° de l’article 131-39 du code pénal porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

« Art. L. 622-16. – En cas de condamnation pour les infractions prévues à l’article L. 622-13, le tribunal pourra prononcer la confiscation de tout ou partie des biens des personnes morales condamnées, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. En l’état du droit actuel, seule l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers est pénalisée dans le CESEDA. En dépit des modifications successives apportées par le législateur, un certain nombre de citoyens qui font preuve de solidarité sont poursuivis.

Dans le même temps, nous constatons que d’autres personnes, souvent animées par des idéologies racistes et xénophobes, participent, en toute impunité, à des actions scandaleuses destinées à entraver l’exercice du droit d’asile. Il apparaît particulièrement inadmissible que de telles actions, parfois d’une extrême violence psychologique ou physique, puissent perdurer sans que leurs auteurs soient inquiétés.

Malheureusement, des exemples récents démontrent que les étrangers sont fréquemment victimes de tels actes malveillants. Ainsi, des personnes physiques ou des groupuscules extrémistes constitués en association montent des opérations visant à empêcher des personnes étrangères d’entrer en France et d’y solliciter l’asile, postant des kilomètres de barrières à la frontière franco-italienne à renfort d’hélicoptères. D’autres leur communiquent de fausses informations ou les empêchent de se rendre auprès des autorités compétentes en vue de déposer une demande d’asile. Ils font tout cela sans être poursuivis et se vantent pourtant de leurs odieux actes sur les réseaux sociaux.

Ces situations ne peuvent rester impunies. Le présent amendement vise donc à créer un délit d’entrave à l’exercice du droit d’asile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement vise à créer un délit d’entrave à l’exercice du droit d’asile et à l’entrée ou au séjour des étrangers, ce qui ne paraît pas nécessaire, loin s’en faut, à la commission des lois. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Même avis que le rapporteur.

Comme je l’ai dit précédemment, nous ferons toujours respecter l’ordre républicain, quelle que soit l’idéologie au nom de laquelle on veut le remettre en cause. Je le dis solennellement au Sénat.

Un certain nombre de gens commettent des actes répréhensibles, d’un côté ou d’un autre, au nom d’idéologies souvent opposées. Nous n’accepterons pas que cela se perpétue, et toutes les personnes qui commettront des actions violentes seront poursuivies. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Je veux m’expliquer sur cet amendement, qui est important.

Nous ne sommes pas d’accord avec M. le ministre d’État quand il dit « quelle que soit l’idéologie ». On ne peut pas renvoyer dos à dos, comme si elles étaient équivalentes, des actions d’extrémistes diffusant des idées racistes et le délit de solidarité commis par des personnes qui, pour des motifs politiques qui peuvent être nobles, sont solidaires des migrants franchissant nos frontières.

Nous regrettons que pour justifier un avis défavorable on mette sur un pied d’égalité des choses qui n’ont rien à voir. L’entrave à l’exercice du droit d’asile est gravissime dans ses conséquences comme dans ses motivations.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Je ne veux pas que, sur cette question, il y ait de malentendu.

Je ne fais pas de parallèle avec ce qui se passe dans les Alpes. Simplement, il y a des gens qui, au nom d’idéologies diverses, appellent à commettre un certain nombre d’actes violents. J’ai personnellement été victime, dans l’exercice de mes anciennes fonctions, des actions des uns et des autres. Je dis que le respect de la loi républicaine est fondamental, et je ferai en sorte de m’y atteler.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Une fois n’est pas coutume, même si je comprends bien qu’on ne peut pas inscrire dans la loi le délit d’entrave à l’exercice du droit d’asile, je suis assez d’accord avec le texte de l’amendement.

J’ai moi-même assisté à des scènes assez extravagantes visant à empêcher des gens de déposer leur dossier, provoquées par ce que j’appellerai, pour ne citer personne, des « extrémistes ». Autant, précédemment, je n’étais pas sur la ligne du délit de solidarité, autant, sur ce sujet, je trouve que la loi, c’est la loi. Si elle vaut pour les uns, elle vaut forcément pour les autres. Ça implique de sanctionner ceux qui essaient d’empêcher le dépôt des dossiers ou qui font en sorte de bloquer le fonctionnement même du droit d’asile.

Peut-être ne faut-il pas l’écrire dans la loi – je n’en sais rien –, mais, en tout état de cause, il faut que vos services, monsieur le ministre d’État, soient beaucoup plus sévères à l’encontre de ceux qui empêchent le déroulement normal des procédures.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Il se trouve que Génération identitaire est née de Bastion social à Lyon. Je suis donc bien placé pour savoir les actes de violence que peuvent commettre ces personnes. Je le dis une fois encore solennellement : nous ne les tolérerons pas et, chaque fois que de tels actes sont commis, j’appelle à l’engagement de poursuites.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. J’adopterai le point de vue de Roger Karoutchi.

Je voudrais simplement souligner que le fait de pouvoir donner des instructions aux procureurs généraux, naturellement non personnelles mais collectives, d’engager des poursuites est une nécessité absolue. Nous rencontrons là les limites de ceux qui veulent l’autonomie du parquet.

Nous avons besoin d’un gouvernement qui exprime un projet, lequel doit se traduire par une action publique, notamment en engageant des poursuites contre des actes particulièrement insupportables. Je profite donc de cette occasion pour défendre une conviction républicaine : le parquet doit rester à la disposition du Gouvernement au nom de l’action publique.

M. Alain Richard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je remercie M. le ministre de son engagement, mais il reste nécessaire de créer un délit pour pouvoir qualifier pénalement les faits à la hauteur de leur gravité. C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.

Comme l’a dit mon collègue Rémi Féraud, il me semble quand même un peu difficile de faire un parallèle avec le délit de solidarité. Les exemptions au délit d’aide à l’entrée sur le territoire, communément appelé délit de solidarité, correspondent à l’exercice d’un principe constitutionnel de fraternité. On ne peut donc pas les mettre sur le même plan.

Je le répète : pour pouvoir qualifier les faits constatés, qui ont heureusement été condamnés ici sur toutes les travées, il y a besoin de créer un délit. C’est ce que nous proposons de faire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 366 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 19 ter - Amendement n° 366 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article additionnel après l'article 19 quater - Amendement n° 293 rectifié ter

Article 19 quater (nouveau)

Le chapitre VI du titre II du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 626-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 626-2. – Par dérogation à l’article 441-6 du code pénal, le fait d’utiliser une fausse attestation, notamment sur son identité ou son lieu de résidence, en vue d’obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

« Le fait d’établir une fausse attestation permettant à un étranger de communiquer des renseignements inexacts, notamment sur son identité ou son lieu de résidence, en vue de lui faire obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou de faire obstruction à son éloignement, peut faire l’objet des poursuites pénales prévues à l’article L. 622-1. » – (Adopté.)

Article 19 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article additionnel après l'article 19 quater - Amendement n° 108 rectifié

Articles additionnels après l’article 19 quater

Mme la présidente. Les amendements nos 473, 474 et 475, présentés par M. Ravier, ne sont pas soutenus, de même que l’amendement n° 80, présenté par M. Grand.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 293 rectifié ter, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 19 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les trois derniers alinéas de l’article 388 du code civil sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires, ni d’un examen radiologique osseux. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à écarter tout examen de tests osseux aux fins de détermination de l’âge des jeunes, dont la fiabilité est largement critiquée par la communauté scientifique.

Dans son avis relatif à l’évaluation de la minorité d’un jeune étranger isolé, rendu le 23 janvier 2014, le Haut Conseil de la santé publique a notamment indiqué qu’avec la méthode couramment employée, reposant sur une radiographie de la main et du poignet gauche du jeune, laquelle est comparée avec des clichés de référence, il est tout simplement impossible de déterminer avec fiabilité l’âge sur l’intervalle qui nous intéresse : moins de dix-huit ans ou dix-huit ans plus epsilon. C’est la raison pour laquelle, compte tenu des argumentations également développées en 2007 par l’Académie nationale de médecine et les décisions et les propositions du Défenseur des droits, nous proposons une interdiction complète des tests osseux.

Article additionnel après l'article 19 quater - Amendement n° 293 rectifié ter
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Article additionnel avant l'article 20 -  Amendement n° 367 rectifié bis

Mme la présidente. L’amendement n° 108 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli, Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 19 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 388 du code civil est ainsi modifié :

1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;

2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

- après le mot : « âge », il est inséré le mot : « ni » ;

- sont ajoutés les mots : « , ni à partir d’examens radiologiques de maturité osseuse ou dentaire ».

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Je ne vais pas reprendre l’argumentaire qui vient d’être exposé, je le partage complètement.

Ce que demande la loi, c’est une date exacte, au jour près. Autrement dit, vingt-quatre heures avant d’avoir dix-huit ans, on n’est pas majeur. En tout état de cause, même avec une évolution prochaine et improbable des sciences, les os ne pourront pas indiquer une date aussi précise.

Vous me permettrez de faire rapidement état de mon expérience d’archéologue. Pour avoir manipulé énormément d’os, je peux vous assurer qu’on aurait bien aimé, de temps en temps, avoir cette précision, même à trois ou quatre ans près, mais on en est très loin. Mon collègue Leconte vous l’a dit, aujourd’hui, les processus physiologiques font que certains grandissent mieux et plus vite que d’autres. J’en suis un peu le témoignage vivant. (Sourires.)

Ce qui est important, c’est de fonder des décisions de droit sur des éléments absolument exacts. On ne peut pas laisser dans la loi une telle imprécision. Il faut donc absolument sortir du droit français ces analyses qui ne sont pas fiables.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ce sujet, nous en sommes tous d’accord, est délicat, car la déclaration de minorité emporte des droits et des protections spécifiques. Il faut donc pouvoir repérer les enfants mineurs de façon quasi certaine, tout en évitant l’instrumentalisation des dispositifs.

La commission des lois souhaite s’appuyer fortement sur la loi de 2016 relative à la protection de l’enfance, qui semble être parvenue à un équilibre satisfaisant, auquel il convient de se tenir.

Je rappelle que la confirmation de la minorité juridique par les documents d’état civil constitue le premier moyen de vérification. Les examens radiologiques osseux visant à déterminer l’âge ne peuvent être réalisés qu’en second lieu. Ils sont entourés, évidemment, de plusieurs garanties : ils ne sont réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire, après recueil de l’accord de l’intéressé ; les conclusions de ces examens doivent préciser la marge d’erreur et ne peuvent, à eux seuls, permettre de déterminer si l’intéressé est mineur, et le doute lui profite toujours.

Les membres de la commission qui se sont déplacés sur le terrain avant l’examen de ce texte – ils se sont rendus dans les Hautes-Alpes, mais également ailleurs, dans le Rhône, par exemple – ont pu constater que les services départementaux chargés de ce travail prennent beaucoup de précautions et font preuve d’un grand professionnalisme. Une évolution des bonnes pratiques en la matière a eu lieu ces dernières années. Sincèrement, leur responsabilité est importante. Ils agissent avec beaucoup de méticulosité et méritent d’être salués.

L’avis est donc défavorable sur ces deux amendements.