M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Vous avez raison, monsieur le sénateur Alain Richard, il est essentiel de porter une attention et une confiance particulières au dialogue social. Cela a été une constante, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre Édouard Philippe, depuis un an. Et si la forme a évolué, avec le choix d’une réunion multilatérale, cette rencontre s’inscrit dans la continuité des échanges entre le Président de la République et les partenaires sociaux.

Par ailleurs, vous le savez, sous l’autorité de Mme la ministre du travail, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence – elle est actuellement à l’Assemblée nationale pour l’examen d’un texte sur lequel vous avez travaillé et sur lequel vous travaillerez de nouveau –, les rencontres avec les partenaires sociaux ont été constantes. Là encore, le dialogue existe, même si, à un moment donné, on peut constater des désaccords et si chacun, dans le cadre de ses responsabilités, doit décider.

Lors de cette rencontre avec le Président de la République, la matinée a été consacrée à des échanges constructifs autour des réformes qui seront engagées dans les prochains mois sur le champ du travail.

Avec les partenaires sociaux, il a été convenu de travailler : premièrement, sur la modernisation de l’action publique et la rénovation du paritarisme dans le cadre d’une République contractuelle ; deuxièmement, sur l’inclusion et la lutte contre les discriminations ; troisièmement, sur les relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants.

Cette volonté de travail s’étend aussi à l’agenda international. La France accueillera et présidera le G7. Le centenaire de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, est également un rendez-vous important, pour lequel nous devons tous nous mobiliser.

En termes de calendrier, vous avez raison d’insister, le Président de la République a confié au Premier ministre et à la ministre du travail son souhait que soient engagés très vite, dès la rentrée, les échanges avec les partenaires sociaux.

Il est important que, sur la question de l’assurance chômage, comme le Président l’a annoncé lors du Congrès, la discussion puisse avancer suffisamment vite pour que nous soyons opérationnels au printemps prochain. Une phase de négociation est nécessaire, une phase de discussion s’ensuivra.

Il est évident aussi que nous devons, au-delà de ce seul sujet, travailler sur l’articulation entre les prestations d’assurance et la solidarité dans le champ de l’indemnisation chômage. Plusieurs organisations ont fait part de leur volonté de se saisir de cette négociation après une phase de négociation partagée.

M. le président. Il faut conclure.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat. Bien évidemment, le Gouvernement sera attentif à ce travail et à cette discussion partagée. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

affaire benalla (vi)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Troendlé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous propose de revenir au sujet qui intéresse pour l’heure l’ensemble de nos concitoyens : l’affaire Benalla. (Exclamations sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Didier Guillaume sexclame également.)

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, mais je n’aurai pas droit à sa réponse. Monsieur le secrétaire d’État Benjamin Griveaux, vous répondrez à sa place.

Tous les éléments qui ressortent des investigations menées par la presse dans l’affaire Benalla et toutes les auditions, mes chers collègues, qui ont eu lieu hier à l’Assemblée nationale ont un point commun : c’est vers l’Élysée que les regards se tournent, vers son premier locataire.

Il y a quelques mois, pendant la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron déclarait devant les Français lors d’une grande émission : « Dès qu’il y a une bavure, il doit y avoir une réponse et une sanction… Mais elle est hiérarchique… Je crois, moi, à une République de la responsabilité. » (M. Michel Savin sourit.) Propos plein de sagesse du candidat, que le Président semble avoir oublié !

Depuis plusieurs jours, le Président de la République, d’ordinaire si bavard, devient taiseux.

Je me pose cette question. On voit se dessiner une stratégie, la stratégie silencieuse du Président de la République : échapper à sa responsabilité et trouver parmi ceux qui sont sous son autorité directe des boucs émissaires.

En préparant ma question, je me souvenais de la définition qu’Antoine de Saint-Exupéry donna du chef : « Le chef est celui qui prend tout en charge. Il dit : “J’ai été battu”. Il ne dit pas : “Mes soldats ont été battus”. »

Monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État Benjamin Griveaux, un chef doit assumer ! Pouvez-vous nous dire où est passé le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Troendlé, aux dernières nouvelles, le Président de la République est à l’Élysée. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Je vais m’autoriser une réponse un peu plus longue à l’interrogation qui est la vôtre.

Je sais que le Sénat, la chambre haute, est connu, à la fois, pour la qualité de ses débats…

M. Loïc Hervé. C’est vrai !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. … et pour la sérénité des débats qui s’y tiennent.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Ici, on s’attache aux faits.

Quels sont les faits, à ce jour, établis ? Car, certes, il y a la parole, mais il y a aussi l’action.

L’Élysée a agi rapidement : dès le 3 mai dernier (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), des sanctions ont été prises à l’endroit de M. Benalla.

M. François Grosdidier. C’est bidon !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Une procédure de licenciement a été engagée le 20 juillet à son endroit. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Rachid Temal sexclame également.)

Le Président de la République a confié au secrétaire général de l’Élysée l’analyse des dysfonctionnements, afin de pouvoir y remédier et de faire des propositions de réorganisation, pour que des dérives comportementales individuelles ne puissent plus se produire à l’avenir.

Depuis lors, quatre enquêtes ont été ouvertes : une enquête administrative, une enquête judiciaire et deux enquêtes parlementaires, dont l’une va s’ouvrir prochainement dans cet hémicycle.

M. Roger Karoutchi. Non, pas dans l’hémicycle !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Vous m’interrogez sur la parole du Président de la République.

Loin de moi l’idée de parler au nom du Président ou à sa place. Mais permettez-moi de partager une observation avec vous, madame la sénatrice.

Il me semble que, depuis une semaine, le Président de la République a préféré être le garant impartial de nos institutions (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), plutôt que de céder aux artifices de la communication. (Même mouvement.)

Qu’aurions-nous pensé, collectivement, d’un Président de la République qui serait intervenu dans le débat public ? Nous aurions dit – et nous aurions eu raison de le faire ! – qu’il interférait et qu’en cela il n’était pas le garant de nos institutions et de la séparation des pouvoirs (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), auxquelles, je le sais, vous êtes attachée, madame la sénatrice, comme y sont attachés l’ensemble des sénateurs sur ces travées. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. Bruno Retailleau. Et l’article 18 ?

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour la réplique.

Mme Catherine Troendlé. Monsieur le secrétaire d’État, M. le Président de la République aime à rappeler qu’il est le chef.

J’aimerais également que nous nous souvenions tous de ce qui s’était passé avec le général de Villiers (Protestations sur les travées du groupe La République En Marche.), qui n’avait fait que son devoir en répondant aux questions des députés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Quand on est chef, on ne se défile pas ! Quand on est chef, et c’est sa marque de fabrique, on ne cherche pas à faire payer ses collaborateurs. On affronte ses erreurs et on prend ses responsabilités ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Angèle Préville et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.)

droit aux vacances pour les jeunes

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Marie-Pierre Monier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Je ne vais pas parler de l’affaire Benalla, mais des 22 millions de nos concitoyens, dont 3 millions d’enfants, qui ne partent pas en vacances, soit 36 % de la population.

Cette situation est celle de la France en 2018, et c’est inacceptable. Ainsi, un tiers des 15–24 ans, une personne handicapée sur trois ou encore un enfant issu d’une famille d’ouvriers sur deux n’ont pas accès aux vacances.

Précarisation croissante des ménages les plus modestes, chômage des jeunes, baisse des aides : on assiste depuis plusieurs années à un recul de la réalisation du droit aux vacances, un droit pourtant inscrit dans plusieurs textes, notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

Ce droit est fondamental, notamment pour la jeunesse. Il est facteur d’inclusion sociale et d’épanouissement, mais c’est aussi un enjeu de santé publique et un apport économique indispensable. Les vacances font partie du cursus éducatif. C’est déjà l’apprentissage de l’autonomie et du vivre ensemble.

Je souhaite saluer l’engagement des associations d’éducation populaire, et notamment du Secours populaire, qui font un travail remarquable et permettent à de nombreux enfants issus de familles modestes de partir en vacances une fois dans l’année. Dans la Drôme, par exemple, la Fédération des œuvres laïques permet à 1 200 enfants de partir en colonie de vacances.

Mais cette année, avec la diminution drastique des contrats aidés et la mise en place trop tardive des parcours emploi compétences, ces associations voient leur budget mis à mal. Pourtant, sans elles, beaucoup de ces enfants n’auraient même pas droit à un souvenir de vacances.

Monsieur le ministre, êtes-vous favorable, comme le proposent conjointement La Jeunesse au plein air, l’Union nationale des associations de tourisme, l’UNAT, et Solidarité laïque, à la création d’un fonds pour financer le départ des 3 millions d’enfants totalement exclus du droit aux vacances ?

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour lutter contre ces exclusions et intégrer davantage le droit aux vacances dans les politiques familiales, sociales et de jeunesse ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale. Madame la sénatrice Marie-Pierre Monier, je vous remercie pour cette question très importante qui est à la fois d’actualité, puisque nous sommes dans la période des vacances, et structurelle.

Je suis d’accord avec l’essentiel des termes de votre question. Il y a en effet un problème social concernant le départ des enfants en vacances.

Ce problème n’est pas nouveau. Vous l’avez rappelé, si l’on regarde l’évolution depuis le début de la décennie, il y a beaucoup moins d’enfants qui partent en colonie de vacances chaque année. Il faut donc s’interroger sur ce phénomène au plan tant quantitatif que qualitatif.

Environ 1,5 million d’enfants partent en colonie chaque année. Ils étaient 300 000 de plus au début de la décennie. Ce que nous voyons aussi, en regardant les chiffres et les données, c’est qu’il y a de moins en moins de mixité sociale. En effet, l’offre de vacances pour les enfants est souvent payante, et n’est parfois pas attractive du point de vue de certaines familles.

Nous avons donc lancé des enquêtes afin de mieux comprendre l’attitude des familles en la matière, et ce qui empêche certains enfants de partir. C’est pourquoi, aussi, nous avons lancé une campagne de promotion pour les colonies de vacances au cours des derniers mois.

Pour ces raisons, je suis favorable aux propositions faites par les associations que vous avez citées, et avec lesquelles nous devons poursuivre le travail réalisé, de façon à inverser la tendance au cours des prochaines années. Pour y réussir, il faut un diagnostic juste ; c’est ce que nous sommes en train de faire. Il faut aussi que nous regroupions davantage les moyens publics et privés, ceux des collectivités locales et de l’État, afin de pouvoir mener une action sociale vis-à-vis des enfants.

Cela commencera l’année prochaine, avec le plan Mercredi, qui traduit un nouvel élan du périscolaire. Nous mettrons plus de moyens, avec les caisses d’allocations familiales en particulier, pour les activités périscolaires des enfants le mercredi. Cela continuera avec les activités extrascolaires et les vacances. Je m’y engage. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. le président. Merci, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres.

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Article additionnel après l'article 54 bis AC - Amendement n° 257 rectifié bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique
Article 54 bis A (Texte non modifié par la commission)

Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

Dans le texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre IV, à l’article 54 bis A.

TITRE IV (suite)

AMÉLIORER LE CADRE DE VIE

Chapitre Ier (suite)

Revitalisation des centres-villes

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique
Article 54 bis B

Article 54 bis A

(Non modifié)

Au quatrième alinéa de l’article L. 581-19 du code de l’environnement, après le mot : « locales », sont insérés les mots : « et l’ensemble des restaurants ».

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 294 est présenté par Mme S. Robert et M. Iacovelli.

L’amendement n° 520 est présenté par M. Gontard, Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 652 rectifié est présenté par Mmes de la Provôté et Morin-Desailly, MM. Janssens et Henno, Mmes Vullien et Billon, MM. Bonnecarrère, Longeot, Delahaye et Lafon, Mme Kauffmann, MM. Cigolotti, Médevielle, L. Hervé et Delcros et Mmes Gatel et Létard.

L’amendement n° 752 rectifié bis est présenté par MM. Todeschini et Jacquin.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 294.

Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à supprimer l’article 54 bis A, qui constitue une régression par rapport au droit actuel.

Pour rappel, la législation applicable aux préenseignes installées le long des routes et aux abords des communes a été récemment réformée, en 2010, afin de préserver la qualité des paysages, le cadre de vie et l’environnement. D’ailleurs, la commission de la culture de notre assemblée a été particulièrement en pointe sur ce dossier.

Ainsi, ce dispositif a été interdit aux activités susceptibles d’intéresser les personnes en déplacement, l’hôtellerie et la restauration en particulier. Or les députés ont introduit par voie d’amendement une dérogation pour les restaurants, qui pourraient par conséquent de nouveau installer des préenseignes, aux entrées de ville notamment.

Ce retour en arrière n’est pas souhaitable pour plusieurs raisons.

Premièrement, la multiplication de ces préenseignes, disposées souvent de manière anarchique, crée une forme de pollution visuelle qui nuit à l’attractivité des territoires, que ce soit en milieu urbain ou rural. Nous avons tous en tête l’image de ces panneaux, parfois plantés en plein milieu des champs ou dans d’autres espaces improbables.

Deuxièmement, de nombreux efforts, y compris financiers, ont été effectués par les élus locaux afin de substituer à ces préenseignes d’autres dispositifs d’information des usagers, beaucoup plus respectables du patrimoine naturel, voire du cadre de vie urbain. Rétablir une dérogation au droit actuel serait finalement faire fi de cet engagement, ainsi que du travail réalisé.

Enfin, une telle disposition peut s’avérer contraire à un objectif unanimement poursuivi sur les travées de cette assemblée, en l’occurrence – nous en avons parlé précédemment –, la revitalisation des centres-bourgs et des centres-villes, concrétisée dernièrement par l’adoption de la proposition de loi de nos collègues Martial Bourquin et Rémy Pointereau.

En effet, étant précisé que beaucoup de ces préenseignes de restauration concernent des établissements situés à la périphérie des centres-villes ou des bourgs, favoriser une dérogation en la matière reviendrait à porter un préjudice à leur attractivité. Ainsi, après avoir œuvré à leur redynamisation, il serait particulièrement dommage de voter un article allant à l’encontre de cette finalité.

Mes chers collègues, si les enseignes et autres panneaux peuvent, on le sait, avoir parfois de véritables vertus, je pense qu’en l’espèce il conviendrait d’être prudents et plutôt raisonnables en maintenant en l’état le droit actuel.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 520.

M. Guillaume Gontard. J’irai dans le même sens que Sylvie Robert.

À la suite de nombreuses inquiétudes exprimées, notamment, par les parcs régionaux, qui travaillent sur la qualité de notre environnement, nous proposons cet amendement qui vise à supprimer l’autorisation, introduite à l’Assemblée nationale, donnée aux restaurants de poser des préenseignes.

Les communes et les départements ont mis en place d’ambitieux plans de signalisation d’information locale, la SIL, pour interdire les préenseignes sur les routes et les abords des communes, afin de préserver l’esthétique de nos paysages et nos communes ruraux. L’article 54 bis A est un retour en arrière par rapport à ce travail, mené et accepté majoritairement par nos collectivités, pour éviter la publicité anarchique.

Nous avons largement parlé de la problématique des entrées de ville au début de l’examen de ce texte. Il est primordial pour le tourisme et notre qualité de vie de préserver avec exigence la qualité de nos paysages.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour présenter l’amendement n° 652 rectifié.

Mme Sonia de la Provôté. La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été à l’origine de la réforme de la législation applicable aux préenseignes, opérée par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, qui a conduit à restreindre le champ des activités susceptibles de faire l’objet de préenseignes, et en particulier à interdire ce dispositif pour signaler, entre autres, les lieux de restauration.

Plusieurs arguments ont été à l’origine de cette évolution : les fortes nuisances causées par la multiplication et l’installation anarchique des préenseignes le long des axes routiers, au niveau des entrées de ville et au milieu des champs, et leur impact sur les paysages, particulièrement sensible en milieu rural ; le difficile contrôle des préenseignes par les maires, en raison de leur positionnement fréquent à la lisière des territoires des différentes communes.

Une proposition avait été faite et offerte en 2008 au travers d’un arrêté pour mettre en place des équipements d’enseigne à proximité de la voirie, sans dénaturer les paysages, regroupant sur un même panneau de dimensions réduites les différentes mentions concernées.

Ces arguments, qui n’ont pas évolué depuis 2010, plaident en faveur de la suppression de l’article 54 bis A, qui prévoit une dérogation pour la restauration.

Lors du débat à l’Assemblée nationale, vous avez dit, monsieur Denormandie : « Il ne faudrait pas, en essayant de résoudre le problème, ouvrir la vanne à d’aucuns qui se saisiraient de l’occasion pour faire encore plus de pub pour leur enseigne de malbouffe. »

Pourquoi cet article ? Notre collègue député Thibault Bazin, lors de ce débat, convenant des difficultés liées à cet article, a dit préférer que cette décision soit adoptée, même non juridiquement « calée », et faire confiance à la sagesse des sénateurs pour corriger et affiner la rédaction.

M. Philippe Dallier. Sagesse bien connue !

Mme Sonia de la Provôté. Il y a là un sujet pour la restauration en secteur rural, nous en convenons tous. Mais cette mesure a de nombreux effets pervers, notamment pour la qualité de nos paysages. Elle favorise aussi une concurrence qui est nuisible à ces fameux restaurants que nous voulons défendre et aider.

Monsieur le ministre Mézard, lors de ce même débat, vous avez dit : « Il n’est pas non plus dans l’intérêt des propriétaires de ces restaurants de saccager le patrimoine et les paysages ruraux. »

Il me semble que, faute de s’être donné le temps d’évaluer cette mesure, de conclure à une taille de commune pour laquelle la dérogation pourrait être acceptée, de traiter de chartes paysagères et de leur contenu, faute d’avoir travaillé ces questions dans de nombreux EPCI autour d’un règlement local de publicité et de normes éventuelles, bref, faute d’avoir pris le temps d’un travail sérieux, la sagesse serait justement de supprimer cet article.

Cela nous donnera le temps, tout en protégeant nos paysages, de régler la question de la restauration dans les territoires ruraux.

Mme la présidente. L’amendement n° 752 rectifié bis, présenté par MM. Todeschini et Jacquin, n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. La commission demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, son avis sera défavorable. La commission n’a pas souhaité remettre en cause le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, dont le dispositif n’opérait qu’une extension très limitée du champ des préenseignes aux activités en relation avec la fabrication ou la vente de produits du terroir, tant par les entreprises locales que par les restaurants.

C’est une façon, comme nous l’ont fait savoir un certain nombre de collègues, de mieux faire connaître et de dynamiser ces établissements. En revanche – vous le constaterez par la suite, mes chers collègues –, la commission n’a surtout pas voulu élargir le champ d’application de ce mécanisme. Je le répète, elle en est restée au dispositif très encadré et limité venant de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le débat sur ce sujet a été assez long, charpenté si j’ose dire, à l’Assemblée nationale ; il s’est terminé par un vote majoritaire, mais regroupant des députés de diverses sensibilités, qui a abouti au texte qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs.

Effectivement, nous sommes face à deux objectifs qui peuvent paraître, au moins en partie, contradictoires : d’un côté, la nécessaire préservation du patrimoine naturel et de l’environnement – certains des propos que j’ai moi-même tenus ont d’ailleurs été repris –, de l’autre, la nécessité de prendre en compte la réalité économique d’un certain nombre de restaurants de campagne ou à la ferme ou d’activités qui ont incontestablement subi, du fait des dispositions législatives et réglementaires existantes, une incidence sur leur chiffre d’affaires.

Dire que les touristes et les consommateurs n’ont qu’à rechercher sur internet ou regarder leur GPS pour trouver un restaurant, c’est un peu facile comme réponse ! Il est nécessaire de parvenir à un équilibre entre ces deux objectifs qui sont, je l’ai dit, en partie contradictoires, mais dont on ne peut considérer qu’ils n’existent pas.

L’Assemblée nationale a voté dans le sens que j’ai rappelé, en tenant compte de la réalité des débats dans les territoires. J’avais effectivement exprimé le souhait que le texte qui avait été adopté par le Sénat soit retravaillé et, disons-le, amélioré, pour garantir la prise en considération, à la fois, des enjeux paysagers et des nécessités économiques d’une partie des artisans de la restauration.

Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. J’apprécie les propos pondérés de M. le ministre sur ces amendements identiques. En effet, il faut tout de même rappeler à nos collègues que le texte qui avait supprimé ces préenseignes est relativement récent, qu’il avait donné lieu au Sénat à de longs débats contradictoires et provoqué une levée de boucliers dans les territoires de la part, évidemment, des restaurateurs, mais aussi des élus locaux.

L’évolution de la réglementation à laquelle il est fait allusion n’est qu’un palliatif qui a été mis en place pour essayer de contrebalancer cette décision. Bien sûr, je sais que d’autres professions, comme les artisans et les garagistes, demandaient aussi à être signalées, mais il faut savoir raison garder. Voilà pourquoi l’Assemblée nationale a adopté un amendement de compromis.

On parle de pollution visuelle. Mais qu’est-ce qu’une pollution visuelle ? J’avoue que, quand je me promène en France et que je cherche un restaurant, je suis très content de voir des enseignes – certaines sont d’ailleurs très humoristiques ! – qui annoncent les restaurants. Comparons avec les multiples affiches annonçant des manifestations, apposées sur des plaques de contreplaqué clouées n’importe comment sur des arbres ou des panneaux de signalisation : la pollution visuelle est beaucoup plus importante qu’avec les panneaux indiquant des restaurants.

J’ajoute enfin, pour revenir sur les propos de M. le ministre, qu’il faut combiner deux approches pour ces petits restaurants, ceux qu’on appelle des bistrots ou des routiers, qui sont dans des centres-bourgs, parfois déconnectés des grands axes.

Première approche : ces restaurants sont quelquefois la seule activité qui reste dans un petit village. Si des personnes passant en voiture à 300 ou 400 mètres de là ne sont pas informées de leur existence, ces établissements seront, à terme, condamnés.

Seconde approche, plus culturelle : la gastronomie est un fleuron de la culture française. On ne compte plus les restaurateurs qui, avec beaucoup de courage, ont racheté de vieilles bâtisses, de vieux châteaux, de vieux manoirs situés dans des paysages typiques de nos provinces puis les ont restaurés en prenant des engagements financiers extrêmement élevés. Ces établissements sont aussi déconnectés des grands axes de passage. Si on n’annonce pas aux touristes qu’ils peuvent y accéder, c’est aussi pour eux une condamnation.

Ces panneaux font partie de l’activité touristique et culturelle de la France.