Mme Noëlle Rauscent. De nouvelles mesures significatives sont mises en œuvre pour la protection des troupeaux face aux attaques et pour mieux aider les éleveurs à se défendre.

Je citerai ainsi un meilleur financement des bergers pour le gardiennage,…

M. Alain Marc. Gardiennage de quoi ? des loups ou des brebis ?

Mme Noëlle Rauscent. … la mise en place d’un réseau structuré de chiens de protection pour sécuriser leur utilisation et renforcer leur efficacité, un encadrement plus efficace des modalités de gestion des tirs d’effarouchement, de défense et de prélèvement.

De la même manière, le plan prévoit de soutenir l’élevage et le pastoralisme dans les zones de présence du loup par une meilleure aide à l’emploi, un soutien important aux filières de produits agricoles de qualité et par de réelles mesures d’amélioration des conditions de vie des bergers.

Ce plan national d’actions adopte le principe d’une gestion adaptée aux impacts sur l’élevage et aux réalités du territoire. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît, un peu de calme !

Mme Noëlle Rauscent. Les effets des mesures mises en œuvre seront pris en compte afin de réaliser des actions pertinentes sur le terrain.

Par ailleurs, certains d’entre vous ont manifesté leur inquiétude concernant la tournure des négociations en cours de la politique agricole commune. Mes chers collègues, faisons confiance au ministre de l’agriculture (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) pour défendre les intérêts de nos éleveurs !

Au regard des solutions apportées par le plan Loup de l’année dernière, dont l’évaluation à mi-parcours conditionnera la mise en place de la deuxième phase, le groupe La République En Marche votera contre cette proposition de résolution. (M. Arnaud de Belenet applaudit. – Des sénateurs du groupe Les Républicains imitent le hurlement du loup.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente du groupe de travail, la proposition de résolution que nous examinons est une initiative bienvenue tant les difficultés auxquelles le pastoralisme doit faire face sont grandissantes.

Ce mode d’élevage respectueux des animaux prévient des risques naturels, protège les écosystèmes et accompagne les autres activités humaines. Il est tout simplement indispensable à la vie de nos montagnes, et nous devons tout faire pour le préserver.

Malheureusement, sa situation se dégrade de manière structurelle, et cela pour plusieurs raisons : la rudesse du métier, une crise des vocations, les difficultés économiques du monde agricole et, comme cela a été rappelé, la concurrence déloyale à travers les traités de libre-échange, la raréfaction du foncier, une forte dépendance aux fragiles subventions européennes, le réchauffement climatique et la sécheresse.

Le retour des grands prédateurs, particulièrement du loup, est venu noircir ce tableau déjà alarmant. La détresse et le sentiment d’impuissance des éleveurs grandissent, et il nous faut y répondre impérativement. Mais, comme tentent de le faire cette proposition de résolution et le plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage, c’est de manière globale qu’il faut appréhender le problème.

Aussi, nous partageons les constats, les considérants et la plupart des invitations au Gouvernement que formule cette proposition de résolution, en particulier la nécessité de sanctuariser les zones de pâturage de type garrigue ou maquis dans le périmètre des aides de la PAC et la nécessité d’améliorer la connaissance scientifique de l’éthologie du loup pour proposer des modes de protection des troupeaux mieux adaptés.

Monsieur le ministre, le plan Loup porte les germes d’une véritable politique pastorale que nous appelons de nos vœux. Le Gouvernement doit maintenant s’engager sur des moyens financiers suffisants pour développer les brigades loup, recruter des aides-bergers, accompagner le dressage des chiens de protection, indemniser promptement et justement les éleveurs, les accompagner après le traumatisme d’une attaque et conduire les recherches nécessaires sur le prédateur. À ce jour, les moyens annoncés nous semblent insuffisants.

Je m’inscris d’ailleurs en faux contre le discours trop souvent entendu – notamment sur les travées de la majorité sénatoriale – bien qu’il soit absent de ce texte, selon lequel le loup coûterait trop cher. C’est trop vite oublier qu’entre la moitié et les trois quarts des 26 millions d’euros du plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage sont directement attribués aux activités d’élevage comme l’embauche, notamment d’aides-bergers.

On ne peut pas, dans le même temps, dénoncer des moyens insuffisants et reprocher à l’État de trop dépenser. À titre de comparaison, on rappellera que les seules indemnisations des agriculteurs victimes des sangliers s’élèvent à environ 50 millions d’euros par an. L’heure est pourtant grave et appelle une mobilisation générale pour la préservation du pastoralisme et de la biodiversité.

Pour cette raison, nous voterons en faveur de cette proposition de résolution que nous avons pu amender quelque peu. Nous émettons toutefois une réserve importante. Si une réflexion à l’échelle européenne est indispensable, l’invitation à réviser le niveau de protection des grands prédateurs à l’échelle européenne et internationale n’est pas acceptable et ne peut représenter une solution viable.

Entendons-nous bien : nous comprenons tout à fait la nécessité d’abattre un animal pour protéger un troupeau et prenons la pleine mesure de la nécessaire régulation à mettre en place, mais ce n’est pas faire justice au pastoralisme que de considérer, comme le font certains, que son salut passera par l’extermination des prédateurs. C’est un miroir aux alouettes, un message facile que l’on propose aux éleveurs. Un tel combat international mobiliserait une énergie et un temps considérables sans aucune garantie de réussite. C’est autant de temps et d’énergie qu’on ne consacrera pas à travailler à l’inévitable et nécessaire cohabitation entre prédateurs et troupeaux.

Même dans le cas, improbable, où la chose serait autorisée, exterminer les prédateurs sur notre sol ne serait pas une mince affaire. Durant des siècles, nous avons tenté de chasser le loup. Nous avons pour ce faire mobilisé des milliers d’hommes – y compris l’armée sous l’Empire –, et nous avons brûlé des milliers d’hectares de forêt. Aujourd’hui encore, il est très difficile d’abattre un loup, et encore plus d’exterminer une meute. Le directeur de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, me confiait récemment qu’aux 37 prédateurs prélevés en 2017 correspondaient 1 240 autorisations de tir délivrées par le préfet.

De la même manière, nous le savons, il n’est pas beaucoup plus simple de contenir la surpopulation de sangliers, espèce pourtant non protégée qui ravage nos cultures. Comme nos voisins européens, accompagnons la cohabitation. L’enjeu consiste à la fois à mieux protéger les troupeaux et à mieux accompagner les éleveurs avant et après les attaques.

Il est également indispensable de développer des modes de protection alternatifs et de tester de nouvelles techniques d’effarouchement, telles que les tirs non létaux ou le piégeage. Dans les territoires en recherche de réponses concrètes des initiatives se mettent en place.

Je pense, par exemple, au projet d’expérimentation du parc naturel régional du Vercors, que je vous invite d’ailleurs à soutenir, monsieur le ministre. Après plusieurs mois de concertation avec tous les acteurs concernés, éleveurs, associations environnementales, élus, services de l’État, le parc a adopté à l’unanimité, le 19 septembre dernier, un plan d’action visant à mieux protéger les troupeaux, à soutenir l’activité pastorale et touristique et à permettre une cohabitation la plus raisonnable possible avec le loup.

C’est le projet le plus équilibré, le plus efficace et le plus honnête à proposer à nos éleveurs. C’est le moyen le plus sûr pour sortir des postures en agissant sans attendre pour préserver le pastoralisme.

Cette résolution formulant de nombreuses propositions dans ce sens, nous la voterons en dépit de nos réserves. Il est important de sortir de l’affrontement stérile sur le loup ou l’ours et de parler d’une seule voix pour défendre le pastoralisme et la biodiversité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. Marc Daunis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Duran. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Alain Duran. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord vous faire part de ma grande satisfaction de constater que les travaux de la session ordinaire 2018-2019 s’ouvrent sur le thème du pastoralisme, donnant ainsi la parole aux territoires ruraux et de montagne. Notre Haute Assemblée assure ainsi pleinement la mission de représentation des territoires de la République que lui confère la Constitution.

Département rural s’il en est, mon département de l’Ariège est aussi un département pastoral. L’estive qui est pratiquée dans plus de 50 % des exploitations n’a pas seulement une vocation productiviste, loin de là, mais remplit surtout une mission d’entretien de la montagne par les troupeaux.

Le pastoralisme ariégeois qui s’étend sur 115 000 hectares, soit 25 % du territoire du département, a pour spécificité principale de s’exercer sur des terres ouvertes à tous. En effet, cette activité s’exerce à 90 % sur des espaces qui appartiennent soit à l’État, soit aux communes. C’est en quelque sorte l’essence même du pastoralisme, qui se matérialise par des modes d’appropriation et de gestion collectifs au sein d’espaces semi-naturels spécifiques extensifs, où règne une biodiversité incomparable.

À l’heure où la mode est au « produire local », où les Français sont prêts à consentir un effort financier parfois important pour certains foyers afin de se nourrir avec une alimentation de qualité issue de circuits courts, une production « de la fourche à la fourchette », notre devoir est d’encourager le développement de ces modes de production totalement naturels pour lesquels la traçabilité est garantie au consommateur.

Après avoir connu une démographie en baisse durant près d’un siècle, la courbe aurait tendance à s’inverser et nos territoires, entretenus par l’activité de l’homme, qu’elle soit à vocation pastorale, agricole, forestière ou touristique, redeviennent des milieux ouverts et accessibles.

Nous le savons, sans cette présence humaine, ce sont des sentiers qui se ferment, des paysages qui s’ensauvagent alors qu’ils sont si riches quand ils sont sillonnés par les troupeaux.

Aujourd’hui les bergers pyrénéens sont exaspérés et abattus, car ils sont confrontés à une augmentation sans précédent des dommages causés par des prédateurs, et plus précisément par les ours. Dans mon département, les chiffres parlent malheureusement d’eux-mêmes : en 2016, on dénombrait 96 attaques et 228 victimes ; en 2017, on est passé à 166 attaques et près de 500 victimes. Au 31 août de cette année, on dénombrait 232 attaques, soit 30 % de plus par rapport à l’année précédente, et déjà 372 victimes, alors que tous les troupeaux ne sont pas encore redescendus dans les vallées.

Pourtant une nouvelle réintroduction d’ours slovènes est annoncée pour les semaines à venir sans qu’aucune concertation ait été organisée. Un travail commun et préalable avec l’État est fondamental, monsieur le ministre, pour prévoir, d’une part, une étude d’impact approfondie et, d’autre part, des mesures efficaces de protection contre les prédations incessantes, ne serait-ce que dans un souci de respect des dispositions du code rural et de la pêche maritime, qui, dans son article L. 113-1, dispose que les autorités doivent « assurer la pérennité des exploitations agricoles et le maintien du pastoralisme, en particulier en protégeant les troupeaux des attaques du loup et de l’ours dans les territoires exposés à ce risque ».

Nous le savons, les mesures de protection traditionnelles avec les chiens de protection ou la création de parcs de nuit ne suffisent plus, car l’ours a appris à les déjouer. Il faut trouver d’autres mesures d’accompagnement afin de mieux protéger les biens des éleveurs, leurs troupeaux, mais aussi les maires qui pourraient voir leur responsabilité pénale engagée en cas d’attaque mortelle dans leur commune.

La présence humaine n’est plus un problème pour l’ours. Il est urgent de travailler sur d’autres hypothèses qui ont été envisagées, mais qui n’ont pas encore été exploitées. L’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, ont réfléchi au concept de la réciprocité avec le loup, mais pas encore avec l’ours. Il s’agit de faire comprendre à un animal qui attaque un troupeau que son comportement lui fait courir un risque.

Aujourd’hui, la pratique de l’estive est menacée dans les Pyrénées du fait de l’augmentation continue de la population ursine, de l’évolution du comportement de l’ours et de la concentration, devenue insupportable, de cette population sur certaines estives. Si nous ne réagissons pas, nous prenons le risque de voir une profession entièrement découragée et de mettre à mal, non pas l’agriculture industrielle, mais l’agriculture de qualité, cette agriculture paysanne qui se nourrit du pastoralisme dont j’ai essayé de rappeler tous les précieux services économiques, environnementaux et culturels qu’il nous rend.

Cessons d’avoir une approche romantique de l’ours pour nous tourner vers une approche pragmatique ! Nos montagnes doivent rester le théâtre d’une biodiversité que nous appelons tous de nos vœux, des montagnes vivantes, avec des hommes et des femmes qui y habitent et y travaillent au quotidien, des montagnes également profitables à ceux qui y séjournent quelques jours par an et qui m’ont inondé de SMS avant que je ne monte à cette tribune.

Pour toutes ces raisons, mon groupe soutient dans sa grande majorité cette proposition de résolution sur le pastoralisme pour éviter que, demain, monsieur le ministre, nous ne soyons obligés de réintroduire des bergers dans nos montagnes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier M. le président du Sénat ainsi que les membres du groupe de travail sur le pastoralisme et notre collègue Patricia Morhet-Richaud d’avoir aujourd’hui voulu mettre en lumière le pastoralisme, au travers de cette proposition de résolution.

Cette dernière aborde la problématique de cette pratique ancestrale avec réalisme, respect des hommes, des cultures et des modes de vie. Elle met l’accent sur les difficultés des éleveurs aux pratiques vertueuses qui, au-delà d’une économie favorisant l’excellence, protègent une vie touristique, garantissent le maintien des populations montagnardes, la lutte contre la fermeture des milieux et la préservation d’un environnement souvent soumis à des aléas climatiques violents.

Monsieur le ministre, je sais que vous connaissez bien le département des Hautes-Pyrénées. Lors de leur congrès en juin dernier, les jeunes agriculteurs vous ont expliqué les difficultés et les particularités de la pratique du pastoralisme. Vous avez entendu leur cri d’alarme.

Alors que nous travaillions sur cette proposition de résolution, l’actualité nous a rattrapés avec l’annonce, par le ministre de la transition écologique et solidaire, de la réintroduction de deux ours en Béarn et de la réactivation du plan Ours.

Comment comprendre une telle décision qui fragilise toute une profession déjà affaiblie ? Comment peut-on sacrifier toute une économie à un choix idéologique ? Quel sera l’avenir de nos montagnes ? Deviendront-elles un espace réservé aux prédateurs dont on aura chassé toute présence humaine ? Ce n’est pas notre choix.

Comment peut-on imposer aujourd’hui à des éleveurs déjà harassés de travail de monter à plus de 2 000 mètres d’altitude tous les soirs pour garder leurs troupeaux ? Comment peut-on aujourd’hui leur rajouter des contraintes et de la peur ?

Depuis les premières réintroductions d’ours dans les Pyrénées, force est de constater qu’aucune des mesures d’accompagnement mises en place n’a fonctionné. Il y a aujourd’hui une réelle incompatibilité entre la présence de grands prédateurs et celle des troupeaux.

Va-t-on persister dans ces erreurs ? Va-t-on enfin écouter la voix unanime des parlementaires de ces territoires ? Allez-vous aujourd’hui entendre cette proposition de résolution de la Haute Assemblée qui se dresse pour préserver les territoires ?

J’ai eu l’occasion de dire au ministre François de Rugy que, par ces mesures, il expose le pastoralisme à une mort certaine. Face à cette situation, nous ne pouvons nous résigner. Cette proposition de résolution est un cri d’alarme, une alerte de nombreux élus de montagne qui s’inquiètent face au désarroi de leurs éleveurs. Elle vise à replacer cette économie, son savoir-faire et ses bienfaits au centre de nos préoccupations.

Monsieur le ministre, je sais que vous n’êtes pas responsable de ces réintroductions, mais vous avez le devoir de prendre en compte cette détresse et de défendre cette profession. Vous avez le devoir de prendre en considération les demandes légitimes d’études d’impact et de concertation avec les populations concernées.

Je ne peux que vous encourager à relayer cette proposition de résolution en faveur de laquelle – vous l’aurez compris – le groupe du RDSE votera dans sa grande majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant qu’élue des Pyrénées-Atlantiques où la réintroduction de l’ours est plus que jamais un sujet de préoccupation pour nos éleveurs pastoraux, j’accueille avec enthousiasme cette proposition de résolution.

Bien qu’elle n’ait pas d’effet contraignant, elle permet d’acter la prise en compte par le Sénat de la désespérance du monde pastoral et permettra, je l’espère, de donner de l’écho à son message.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire au précédent ministre de la transition écologique et solidaire, dans cet hémicycle, et au nouveau ministre, sur le terrain en période de concertation, la cohabitation entre les grands prédateurs et le pastoralisme suscite des inquiétudes légitimes pour les acteurs économiques de nos montagnes.

Il est vrai que les consultations menées donnent le sentiment que la concertation n’était qu’un déroulé en bonne et due forme et obligatoire de la procédure administrative, mais qu’au fond, la décision était déjà prise. Tout cela ne peut qu’engendrer de la défiance.

Entre sentiment d’incompréhension et d’abandon, le monde pastoral vit cette période comme un ajout supplémentaire de difficultés à un métier déjà difficile et exposé à une avalanche de contraintes : impacts du changement climatique, compétition internationale, crise des vocations, poids des normes, recrudescence des actes de prédation… La liste est longue et incomplète.

Nos débats passés sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ou les récentes discussions à Vienne sur la PAC ont mis en évidence l’impérieuse nécessité de s’acheminer vers une agriculture plus qualitative que quantitative.

Les éleveurs qui perpétuent cette tradition culturelle, élaborent des produits de haute qualité artisanaux et permettent des externalités positives n’ont-ils pas toute leur place dans cette vision de l’agriculture ?

Je partage bien entendu tous les constats et les objectifs de cette proposition de résolution, mais je voudrais insister sur un point particulier. Il me semble qu’il faut aller encore plus loin que la refonte du système d’indemnisation des éleveurs, qui ne constitue qu’un seul des volets du traitement de cette problématique.

Développer l’attractivité du métier d’éleveur me semble un moyen de redonner du sens et de la dimension. Nous ne voulons pas de territoire sanctuarisé, mais des territoires vivants dans lesquels l’homme a toute sa place. Pour cela l’économie de montagne doit être préservée et encouragée.

L’État doit savoir accompagner de manière spécifique les territoires dans lesquels il a décidé de réintroduire l’ours ou le loup. Je pense par exemple au suivi de ces grands prédateurs par GPS. L’État doit être performant et partager cette technologie avec les éleveurs afin de permettre la localisation de ces animaux et de prévenir les attaques des troupeaux.

Les conditions de vie des éleveurs doivent également être repensées tout en tenant compte des aspirations et des exigences de notre temps. Cela peut se traduire par des moyens de transport, comme le quad, leur permettant de rejoindre plus facilement les estives depuis la vallée.

En conclusion, mes chers collègues, au gré des réintroductions d’ours et de loups dans nos territoires, j’encourage le Gouvernement à préserver le pastoralisme et à apporter des réponses pragmatiques et respectueuses des hommes et des femmes qui vivent et qui travaillent dans les zones impactées. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui est un signal fort pour les territoires pastoraux et pour l’ensemble des éleveurs alors que la cohabitation entre le loup, l’homme et les activités d’élevage se dégrade considérablement.

Comme un berger me l’a dit récemment, l’histoire du loup a changé son métier. Dans les Alpes-Maritimes où l’élevage ovin est réalisé en estive presque toute l’année, c’est la survie du pastoralisme qui est engagée, sachant que mon département détient le record du nombre d’attaques – près de 3 000 en 2016.

Alors que les troupeaux comptaient jusqu’à 100 000 bêtes il y a vingt-cinq ans, l’effectif actuel est tombé à 30 000 avec, en parallèle, l’expansion continue du prédateur dans tout l’arc alpin depuis 1992.

Mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même pensons, comme les bergers, que le chiffre officiel de 430 loups sur le territoire national s’avère très en deçà de la réalité, a fortiori lorsque l’on compare le nombre d’ovins attaqués en 2017 – 12 000 – et en 2007 – seulement 2 500 – et que l’on sait à quel point il est difficile de procéder à un recensement.

Contrairement à ce qu’a dit notre collègue Guillaume Gontard, nous ne voulons pas l’éradication du loup, mais nous souhaitons arriver à une plus grande régulation de la population.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Dans ce contexte, la déception vis-à-vis du plan Loup fut à la hauteur des espoirs suscités par les propos du Président de la République qui, un mois plus tôt, lors de ses vœux aux agriculteurs, avait annoncé vouloir « remettre l’éleveur au milieu de la montagne », de manière à ce que le plan Loup « soit fait et pensé dans les territoires où on le décline ».

Cette volonté était partagée par l’ensemble des éleveurs, des organisations agricoles et des élus des départements concernés qui pensaient que le Gouvernement avait enfin compris que seules des décisions pragmatiques courageuses et ambitieuses répondraient aux attentes accumulées en vingt-huit ans.

Mais, après cette occasion manquée, les éleveurs ont la sensation que leur voix ne compte pas et que l’État ne saisit pas l’ampleur du préjudice qu’ils subissent. Il s’agit, d’une part, d’un préjudice matériel – si le système d’indemnisation actuel fonctionne, l’idée de le conditionner désormais à certains équipements de protection est vouée à l’échec, alors même que sont refusés des permis de construire pour des bergeries en dur et que les chiens patous sont eux aussi massacrés par les loups – et, d’autre part, d’un préjudice moral qui est loin d’être anecdotique.

Les éleveurs les plus pessimistes pensent qu’il est déjà trop tard pour agir. Pourtant, un moyen simple serait de multiplier le nombre de brigades loup localement, afin d’en faire un véritable outil au service des collectivités qui relèvent les plus forts taux d’attaques.

À ce sujet, les interrogations sur la pérennité de la brigade loup dans le temps et la possibilité pour les collectivités locales de prendre l’initiative d’en créer reste d’actualité. En effet, si vous m’aviez confirmé, monsieur le ministre, la pérennisation des emplois, le précédent ministre de la transition écologique et solidaire avait fait naître un doute en précisant : « Toutefois, cette formation qui représente un engagement financier conséquent, ne pourra être étendue à toutes les régions où le loup est implanté. Les autorités des départements où les éleveurs émettent le souhait de bénéficier des services d’une telle brigade sont invitées à en étudier les modalités de financement et d’organisation, sous contrôle de l’ONCFS. »

À terme, pour que perdurent les activités de pastoralisme, une réflexion devra aussi être menée sur la suspension temporaire du nombre de loups à abattre, car le fameux quota annuel de destruction de loups montre toutes ses limites. D’une part, l’estimation administrative en amont ne répond pas aux besoins – ce fut le cas en 2017, au point que Nicolas Hulot avait dû augmenter en urgence le quota d’abattage, compte tenu de la menace de prédation – et, d’autre part, la méthode des tirs isolés de prélèvement semble fixer une limite à ne pas dépasser sans répondre à un objectif de préservation du pastoralisme.

Plutôt que de proposer de nouvelles mesures accessoires aux départements les plus touchés, à l’image par exemple de l’action « acquérir de meilleures connaissances sur l’éthologie du loup dans le système agropastoral » figurant dans le dernier plan Loup, le Gouvernement doit apporter des réponses concrètes aux situations déjà identifiées dans les départements.

Nous savons que les dommages pastoraux ne se répartissent pas de façon uniforme en France, mais reflètent deux phénomènes distincts : d’un côté, des attaques graves, concentrées notamment dans les villages des Alpes-Maritimes, dont certains n’ont jamais connu de répit depuis 2002, et de l’autre, des attaques sporadiques dans des territoires plus vastes où la présence du loup est récente.

Il faudra donc avoir le courage, pour assurer la survie des activités de pastoralisme, de renverser la pression qui doit viser le prédateur. En 2015, près de 75 % des victimes se concentraient dans le sud de la région PACA, dont 40 % dans les seules Alpes-Maritimes. Les éleveurs veulent simplement exercer leur métier en toute sécurité, mais face à un ensauvagement qui fait courir un risque sérieux au pastoralisme, il est utile de répéter et de rappeler que le loup n’a pas le monopole de la biodiversité, d’abord assurée par les bergers et par leurs troupeaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)