M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, certes, le contexte que nous connaissons cette année et dans lequel nous allons devoir examiner ce projet de loi de finances, est radicalement différent de celui que nous avons connu l’an passé, au moment de l’examen du budget de l’année qui s’achève.

À vrai dire, le contraste est même saisissant.

D’un côté, nous avons des Français profondément déçus – parfois jusqu’à l’exaspération –, déçus au point de manifester bruyamment cette exaspération ou, comme c’est plus souvent le cas, d’ailleurs, de s’exprimer de façon très silencieuse, sondage après sondage.

De l’autre, nous avons un gouvernement qui ne change jamais de discours. Invariablement, il apporte la même réponse compassionnelle. J’ai entendu le Président de la République la semaine dernière ; j’ai entendu le Premier ministre : chaque fois, c’est pareil, monsieur le secrétaire d’État ! Vous entendez la souffrance des Français, vous la comprenez, mais, chaque fois, vous maintenez que vous conduisez la meilleure des politiques.

Il nous faut éclairer ce paradoxe – le débat sur le PLF nous en donnera l’occasion –, qui met en jeu un gouvernement satisfait de lui-même, de sa politique, et des Français qui ne le sont pas.

Sont-ils insatisfaits par tempérament ? Les Gaulois seraient-ils donc réfractaires ? S’ils se plaignaient moins, la France irait-elle mieux ? Se tiendrait-elle mieux ? Ou ces Français ont-ils de vraies raisons d’être insatisfaits ?

Je pense, pour ma part, qu’ils ont plusieurs vraies raisons de l’être.

Premier motif d’insatisfaction, ils voient bien, au fil des mois, que votre politique, quand bien même vous la présentez comme étant la meilleure, ne produit pas de résultats : le chômage, dont la baisse est toute relative, se maintient à un niveau extrêmement élevé ; l’inflation repart ; la croissance faiblit.

Vous allez nous objecter qu’il vous faut du temps. Peut-être. Essayons alors d’élargir le raisonnement et de prendre de la hauteur. Allons voir, par exemple, ce qu’il se passe chez nos voisins.

Vous connaissez l’adage de Talleyrand, monsieur le secrétaire d’État : « Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console. » Le problème, avec votre politique, c’est que le constat est inverse ! Quand on se compare, on a plutôt tendance à se désoler ! (M. le rapporteur général de la commission des finances approuve.)

La France ne va pas mieux. En réalité, la France décroche.

Pour le chômage, nous sommes passés du vingt-deuxième au vingt-quatrième rang européen, sur vingt-huit pays. Nos performances sont plutôt des contre-performances, nos records de tristes records ! Nous détenons le record en matière de dépense publique : vingt-huitième et dernier rang de l’Union européenne. Nous détenons le record dans le classement de l’OCDE relatif aux prélèvements obligatoires. Nous détenons le record dans un autre classement de l’OCDE, paru le 23 octobre et concernant trente-cinq pays, portant sur la compétitivité fiscale : nous sommes au dernier rang ; au dernier rang !

Cette situation illustre bien le grand problème français des « déficits jumeaux », c’est-à-dire la coexistence d’un déficit budgétaire et d’un déficit du commerce extérieur, qui est en train de se creuser. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire.

Ce budget, comme le rapporteur général l’a très bien expliqué, est un budget de divergence au regard de l’Europe.

Par comparaison avec l’Allemagne, ce sont 31 milliards d’euros de plus que la France paiera sur les intérêts de sa dette. Qu’en sera-t-il de la légitimité de notre pays, dans quelques jours, dans quelques semaines, dans quelques mois ? Serez-vous en mesure de morigéner l’Italie, quand nos propres comptes seront en piteux état ? Comment le Président de la République peut-il se présenter comme le héraut de la construction européenne et faire la leçon à tous les pays européens, alors qu’il est lui-même incapable de mettre un peu d’ordre dans ses comptes ?

M. Jackie Pierre. Exactement !

M. Bruno Retailleau. C’est un problème si la France entend assumer un véritable leadership au niveau européen, c’est-à-dire un leadership reconnu par les « vrais » Européens, pas seulement ceux des discours et des incantations !

Deuxième motif d’insatisfaction, Emmanuel Macron n’est pas au rendez-vous de ses promesses.

Souvenez-vous, mes chers collègues, la transformation était une des grandes promesses du « nouveau monde ». Y a-t-il transformation ? Ce budget est-il un budget de transformation ?

Je me souviens très bien qu’au moment de sa première déclaration de politique générale le Premier ministre avait évoqué – c’était les mots qu’il avait eus – une addiction française à la dépense publique.

M. Laurent Duplomb. Oui, 100 milliards !

M. Bruno Retailleau. Qu’en faites-vous, monsieur le secrétaire d’État ? La dépense publique continue de galoper ! Pour la première fois depuis dix ans, le déficit public repart à la hausse, ce qui, malheureusement, est assez exceptionnel à l’échelle de l’Europe. Quand François Hollande – vous le connaissez bien, pour l’avoir soutenu – a cumulé 37 milliards d’euros de dépenses publiques pendant ses deux premières années de mandat, Emmanuel Macron en totalise 51 milliards au même moment !

Osez-vous, encore, nous donner des leçons ? Franchement !

Ce déficit est désormais celui de l’État. Alors que les collectivités territoriales sont au vert, alors que la sécurité sociale est au vert, seul l’État ne fournit pas les efforts qui s’imposent.

De plus, ce budget ne porte aucune réforme structurelle. L’effort structurel français est, précisément, deux fois moindre que ce qu’il devrait être au regard des exigences européennes.

La réalité est là : aucune réforme de structure, aucune réforme du périmètre de l’État. Comme sous le quinquennat précédent, vous remettez à demain les efforts qui devraient déjà être faits sur la fonction publique. C’est dramatique !

En revanche, on reprend les vieilles recettes : décalage d’un certain nombre de mesures dans le temps, rabotage sur les familles ou sur les retraités.

Troisième motif d’insatisfaction, alors qu’une autre grande promesse faite par Emmanuel Macron était de réconcilier les Français, votre politique, plutôt que de les réconcilier, les oppose les uns aux autres.

M. Laurent Duplomb. Exactement !

M. Bruno Retailleau. Je n’ai pas le temps de le montrer sur le plan politique, mais, sur le plan économique, on peut dire que la politique que vous menez est profondément injuste.

Elle est injuste par la concentration des gains massifs de pouvoir d’achat sur 2 %, à peine, des Français. La commission des finances a livré, sur ce sujet, une excellente étude.

Elle est injuste à l’égard des retraités, qui subissent une triple peine : six mois d’attente supplémentaire pour la revalorisation des retraites, augmentation de la CSG et fin de l’indexation des retraites sur l’inflation.

Elle est injuste à l’égard des familles. Alors que François Hollande avait commencé à casser la politique familiale, vous lui emboîtez le pas.

Elle est injuste, enfin, pour tous ces Français des classes intermédiaires, ces Français de la ruralité et de la rurbanité, qui ont besoin de leurs véhicules diesel – souvent deux par famille – pour aller au travail ou qui n’ont d’autres solutions que de se chauffer au fioul domestique.

M. Daniel Gremillet. Absolument !

M. Bruno Retailleau. À ce propos, je tiens à féliciter la commission des finances pour avoir, en cohérence avec la position que nous avions adoptée l’an dernier, solennellement demandé au Gouvernement d’annuler les hausses prévues sur la TICPE.

C’est fondamental ! D’ailleurs, j’observe que, dans certains grands quotidiens du matin, des grands leaders de votre famille politique – en tout cas qui vous soutiennent – font aujourd’hui part de leurs doutes et vous demandent solennellement de renoncer à cette trajectoire funeste.

Vous êtes un homme de budget, monsieur le secrétaire d’État. Si la règle de l’annualité budgétaire peut être vue sous son aspect comptable, technique, elle a aussi un sens politique. Quel est-il ? Cette règle inscrit, en fait, le consentement à l’impôt dans un cadre annuel. On ne peut pas demander aux Français de donner leur consentement sur une trajectoire de cinq ans. Telle est la dimension proprement politique de la règle de l’annualité budgétaire, et vous l’avez totalement oubliée !

Ainsi donc, la seule question que j’ai à vous poser en achevant cette brève intervention est la suivante : puisque vous estimez que votre politique est la meilleure possible et ne voulez pas en changer, pourrez-vous nous expliquer pourquoi elle ne produit pas de résultats ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je voudrais d’abord souligner un paradoxe qui m’est apparu, à l’écoute de certains reproches selon lesquels ce PLF ne comporterait pas de mesures fiscales nouvelles.

On ne peut pas se plaindre, sans cesse, de l’instabilité fiscale, des changements de pied permanents, et critiquer le fait qu’un projet de budget soit en cohérence avec le précédent et conforme à la trajectoire décidée, en matière de dépenses comme en matière de recettes. Je citerai, à cet égard, la baisse de la taxe d’habitation, soutenue par 70 % des Français, selon un sondage paru dans le grand quotidien du soir, et la réduction de l’impôt sur les sociétés, qui se cumulent à une baisse des cotisations.

Rien de pire que l’imprévisibilité fiscale pour les acteurs !

S’il faut parler de trajectoire, parlons aussi de celle de la taxe carbone.

Il est vrai que, lors du dernier débat budgétaire, des groupes ont alerté sur les conséquences de futures hausses du prix des carburants. Je le sais pour y avoir participé.

Il est vrai aussi, et je tiens à le rappeler, que cette trajectoire de la taxe carbone figurait dans tous les programmes des candidats à l’élection présidentielle, parfois accompagnée d’une hausse de TVA de deux points qui aurait également pesé sur le prix des carburants. Le décalage entre les propos tenus au cours des campagnes électorales et ceux qui sont tenus ultérieurement participe aussi du désamour des Français envers la politique !

D’ailleurs, la forte crise que nous traversons aujourd’hui a précédé l’élection du Président de la République. Elle est, non pas la conséquence des politiques du Gouvernement, mais l’une des causes de l’élection d’Emmanuel Macron, en dehors des grands partis. (Exclamations sur de nombreuses travées.)

M. Claude Raynal. Ouvrez les yeux !

M. Julien Bargeton. C’est une réalité, mes chers collègues !

La fiscalité écologique est effectivement l’une des composantes de la transition énergétique. D’ailleurs, elle figurait dans le Grenelle de l’environnement : si tel était le cas, c’est bien qu’elle avait un lien avec la transition énergétique !

Mais celle-ci doit être accompagnée, je partage cette position, et j’attends du débat que l’on fasse ressortir un certain nombre de propositions en ce sens.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Article 40 !

M. Julien Bargeton. Autant il me paraît irresponsable de revenir sur la trajectoire actuelle, autant, donc, on peut attendre un certain nombre de propositions.

Heureusement, d’ailleurs, que le chèque carburant proposé par le groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale n’a pas été repris ici. Le coût du dispositif atteignait 15 milliards d’euros. Peut-être la sagesse des sénateurs l’a-t-elle emporté.

M. Bruno Retailleau. N’est-ce pas ?

M. Julien Bargeton. Quoi qu’il en soit, je me félicite de ce que nous ayons évité ce débat !

Je voudrais également mentionner l’Union européenne, car c’est tout de même à cette échelle, aussi, que la question de la transition énergétique doit être réglée. Il est toujours bon de supprimer un impôt – cela rend populaire –, mais il faut pouvoir expliquer comment on procède concrètement et par quoi on le remplace.

Pour ma part, j’ai plutôt souvenir des hausses d’impôts qui ont été décidées dans un passé récent : 30 milliards d’euros entre 2010 et 2012, sous le gouvernement de François Fillon, puis 30 milliards d’euros entre 2012 et 2014, soit 60 milliards d’euros supplémentaires. Mais c’est vrai que, en matière budgétaire, les conseilleurs ne sont généralement pas les payeurs !

J’ai également souvenir, monsieur Retailleau, d’un ancien Premier ministre qui se disait à la tête d’un État en faillite. Je ne crois pas qu’il ait trouvé les solutions pour remédier à cette prétendue faillite !

M. Philippe Dallier. Et la crise des années 2008-2010 ?

M. Julien Bargeton. Certes, j’ai bien pris note de certaines propositions. S’agissant des agents de l’État, par exemple, on évoque le rétablissement des jours de carence. Mais on ne va pas combler 80 milliards d’euros de déficit avec cette mesure, ou encore avec le traitement des redondances entre l’État et les collectivités locales. Ce sont des idées anciennes qui circulent : en dépit de leur importance, sous l’angle de la transformation de l’action publique, notamment, de telles solutions ne sont pas à la hauteur des enjeux budgétaires.

Autre constat, donc, il est toujours plus facile d’affirmer qu’il faut baisser la dépense publique, en général, et plus compliqué de s’attaquer aux dépenses publiques, en particulier.

Il faut aussi regarder, mes chers collègues, en quoi un budget prépare l’avenir et les réformes structurelles. Celles-ci peuvent figurer dans le budget, mais pas seulement : on les retrouve dans d’autres actions menées – et qui ont donné lieu à contestations – sur le code du travail, la SNCF, la formation professionnelle. Citons, à ce titre, la prochaine réforme des retraites.

Quand les réformes sont justes, qu’elles paraissent efficaces, les Français s’y associent.

C’est le défi qu’il nous reste à relever sur la transition énergétique. C’est bien la direction qu’il faut prendre, mais, comme cette réforme affecte le pouvoir d’achat, nous devons, de la même façon que nous l’avons fait pour les autres réformes mentionnées, démontrer qu’elle est, à la fois, juste et efficace.

C’est tout l’enjeu de ce débat budgétaire. Ça l’est, aussi, parce que la jeunesse l’exige et je tâcherai, pour ma part, d’évoquer d’autres sujets, notamment l’éducation et la somme de 1,5 milliard d’euros consacrée au plan d’investissement pour l’enseignement supérieur. Car, oui, mes chers collègues, ce budget est un budget qui prépare l’avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, voilà déjà une vingtaine d’années que nous mettons en place une fiscalité énergétique, face aux enjeux climatiques et aux enjeux liés à la qualité de l’air.

Pourtant, la trajectoire décidée par le Gouvernement plonge actuellement le pays dans une grave crise.

Je ne crois pas que cette crise soit due exclusivement, ni même principalement, à la fiscalité écologique. Celle-ci, certes mal calée, est victime de l’ensemble de la politique gouvernementale, de son injustice fiscale, manifeste depuis dix-huit mois, comme des promesses non tenues en matière de pouvoir d’achat.

La fiscalité écologique permet d’orienter les comportements vers une plus grande sobriété énergétique et, ainsi, de faire évoluer notre économie vers des pratiques plus sobres et décarbonées.

M. Julien Bargeton. Merci de le reconnaître !

M. Rémi Féraud. Mais quelle erreur de l’avoir à ce point dissociée de son impact social !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Rémi Féraud. C’est l’élu parisien qui vous le demande, monsieur le secrétaire d’État : comment accepter l’idée que cette fiscalité frappe essentiellement ceux qui vivent en milieu rural, avec de longues distances à parcourir et, surtout, sans moyens de transport alternatifs plus écologiques sur lesquels se reporter ? En l’absence de véritable mesure compensatoire à l’égard des ménages modestes les plus dépendants aux énergies fossiles, les mesures prises pénalisent de manière particulièrement dure et injuste leur pouvoir d’achat.

Le Gouvernement le sait d’ailleurs très bien, puisque, depuis quelques jours, il répète sans cesse qu’il comprend les Français qui protestent. Pour autant, jusqu’à présent, il a décidé de ne rien changer !

C’est une attitude dangereuse, car elle renforce les frustrations – nous le voyons bien ces jours-ci – et, par conséquent, elle risque de mettre en danger la notion même de fiscalité écologique.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Rémi Féraud. C’est d’autant plus aberrant que de nombreuses pistes peuvent être ouvertes pour répondre au mécontentement qui s’exprime.

Nous proposerons ainsi un amendement visant à revoir la trajectoire, pour revenir à celle qui avait été définie dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

M. Julien Bargeton. Qu’en pense Benoît Hamon ?

M. Rémi Féraud. Contrairement à un gel complet ou à un moratoire durable, cela ne remettrait pas en cause la volonté d’aller vers un bilan carbone neutre de notre pays en 2050, mais permettrait de prendre en compte la hausse actuelle du prix du pétrole, de se donner le temps, dans les années à venir, de mieux répartir les efforts et de repenser les mesures d’accompagnement en faveur des ménages particulièrement pénalisés.

M. Claude Raynal. Exactement !

M. Rémi Féraud. On peut aussi, comme le mentionnait précédemment Claude Raynal, envisager la mise en place d’un mécanisme permettant de préserver le pouvoir d’achat des ménages, par le moyen d’une TICPE flottante.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Rémi Féraud. Ce mécanisme permettrait de rendre aux consommateurs les surplus des recettes de TVA engrangés par l’État du fait de la hausse des cours du pétrole, comme l’avait fait le gouvernement Jospin en 2001.

Nous proposerons un amendement dans ce sens ; on nous répondra que son effet serait minime. Dès lors, pourquoi le refuser par principe ?

Par ailleurs, et c’est le point essentiel, nous considérons que les recettes des taxes sur l’énergie devraient être intégralement redirigées vers des actions en faveur de la transition énergétique. C’est certainement là que le bât blesse le plus. Rien de tel n’est fait, comme le montre encore le reversement de 600 millions d’euros de recettes de TICPE vers le budget général de l’État, marque d’une absence de volontarisme total en matière de transition énergétique.

C’est un mauvais signal envoyé, car tout ce qui contribue à faire de la taxe carbone une taxe de rendement budgétaire lui fait perdre de sa légitimité.

De nombreuses pistes d’amélioration des politiques publiques existent, comme l’aide à la rénovation thermique, à l’isolation des logements, l’augmentation de la prime à la conversion automobile – une aide à laquelle le Gouvernement se convertit lui-même lentement –, sans parler de la nécessité, dans cette période transitoire, d’apporter un soutien financier aux plus modestes pour payer leurs factures de chauffage ou de carburant.

Enfin, je profite de cette intervention pour renouveler notre proposition, très largement partagée, d’une conférence nationale sur le financement de la fiscalité écologique, afin de sortir par le haut, et avec tous les partenaires concernés, de la crise actuelle et de l’impasse dans laquelle s’est mis le Gouvernement. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)

Car la fiscalité écologique n’est pas isolée. Au contraire, elle devrait être une composante de la lutte contre les inégalités. Il n’est plus possible de concevoir séparément politique environnementale et politique sociale.

Pour notre part, au groupe socialiste et républicain, nous pensons que cette transition énergétique est une bataille collective, qu’elle ne peut se gagner que dans le cadre d’un contrat social juste et donc accepté par les Français. Nous avons la conviction que c’est possible si la volonté politique est là. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 s’inscrit encore cette année dans une trajectoire de maintien du déficit public sous la barre des 3 %, conformément à notre engagement européen. Constaté à 2,7 % en 2017, attendu à 2,6 % en 2018 et espéré à 2,8 % pour l’année prochaine, avec un tel taux, tant bien que mal, la France reste dans les clous.

La procédure pour déficit excessif a été levée, mais elle demeure comme une épée de Damoclès si le scénario de croissance le plus défavorable venait à faire basculer notre déficit à 3,2 %.

C’est un scénario qu’on ne peut pas exclure compte tenu du contexte international, qui génère, vous serez d’accord avec moi, quelques incertitudes.

Notre collègue rapporteur de la commission l’a souligné : l’hypothèse de croissance à 1,7 % est bien fragile, sous l’effet notamment de la remontée des prix du pétrole, des menaces de guerre commerciale régulièrement brandies par le dirigeant américain, ou encore du Brexit, dont on ne mesure pas encore l’impact sur l’économie européenne.

En attendant, la crédibilité budgétaire de notre pays doit être consolidée. Le Gouvernement, c’est vrai, s’y emploie, sous la pression de la Commission européenne, mais aussi du Haut Conseil des finances publiques, qui exerce un rôle de vigie bienvenu, pour ne pas dire bienfaiteur.

Pour autant, les résultats, nonobstant cette volonté de rétablissement d’une trajectoire plus saine de nos finances publiques, ne sont pas encore suffisants. Le déficit augmente l’an prochain, mais il est vrai que le reclassement de la dette de la SNCF au sein des administrations publiques pèse lourd, très lourd.

L’effort de maîtrise des dépenses publiques est quelque peu écorné, puisque celles-ci devraient croître de 0,6 % en volume. Par conséquent, le déficit structurel peine à se résorber.

L’embellie budgétaire dépend trop de la dynamique conjoncturelle. Le déficit structurel, en réalité, est notre vraie faiblesse au regard des règlements européens et il déclasse la France par rapport à nos partenaires, au premier rang desquels figure l’Allemagne, bien entendu.

Il faut toutefois reconnaître que l’exercice n’est pas facile, d’autant que l’on ne peut pas ignorer le caractère encore prégnant d’un héritage qui, n’ayons pas peur de le dire, est à mettre au compte de tous les gouvernements qui se sont succédé. En effet, comment, mes chers collègues, faire table rase de quarante-cinq années de budgets déficitaires ? Dans ces conditions, la dette de la France sera de 98,7 % du PIB pour l’année prochaine, un niveau très élevé.

Au sein de la difficile équation entre baisse des dépenses et coup de pouce à l’activité, le Gouvernement a fixé des priorités, dont certaines, c’est le moins qu’on puisse dire, ne sont pas bien comprises.

Je pense bien sûr à la question des impôts et taxes affectant nos concitoyens, qui a conduit plusieurs milliers d’entre eux à exprimer leur ras-le-bol fiscal dans la rue. C’est préoccupant, car le consentement à l’impôt – cela a été dit et répété à cette tribune – est au cœur du pacte républicain. On ne peut pas ignorer les récentes mesures en faveur du pouvoir d’achat, que ce soit la suppression des cotisations chômage ou le dégrèvement de la taxe d’habitation. Mais il existe un décalage entre la mise en œuvre des dispositifs et les effets qu’ils produiront à plus ou moins long terme.

L’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, vient de rappeler que le revenu disponible des ménages avait baissé en moyenne de 440 euros entre 2008 et 2016. Pour le moment, c’est cette réalité que vivent nos concitoyens et il faudra peut-être réorienter certains dispositifs fiscaux touchant au pouvoir d’achat, avec plus de mesure, comme le propose d’ailleurs la commission des finances.

S’agissant du verdissement de la fiscalité, qui alimente une partie des hausses des carburants, si elle doit s’exercer au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, cela ne peut pas être fait avec brutalité, mais aussi sans équité. C’est d’ailleurs ce même souci d’équité, essentiel au principe du consentement à l’impôt, qui pourrait être approfondi au sein du PLF.

Je pense, monsieur le secrétaire d’État, à des mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, par exemple, à celles que plusieurs de mes collègues et moi-même proposons, visant à contrarier les juteuses opérations d’arbitrage de dividendes.

S’agissant d’une autre grande priorité affichée dans ce PLF, celle d’un effort en direction du travail, je dirai quelques mots de la transformation du CICE en baisse de charges.

Pour ma part, j’y souscris, car cela va dans le sens d’un allégement du coût du travail évidemment nécessaire dans ce monde de plus en plus ouvert que nous connaissons. Cependant, je souhaitais souligner l’importance de soutenir plus directement l’industrie, dont le décrochage est alarmant : elle ne représente actuellement plus que 12,4 % du PIB, contre 16,5 % dans les années 2000. Or l’industrie est un puissant vecteur de soutien des bassins d’emploi et de dynamisme des territoires. L’impact de la transformation du CICE sera-t-il à la hauteur pour des secteurs exposés à la concurrence internationale, sachant que le dispositif est centré sur les bas salaires ?

Pour terminer, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais rebondir sur vos propos concernant les chantiers à poursuivre au sein de l’Union européenne. On doit en effet tout mettre en œuvre pour éviter une concurrence intra-européenne qu’alimente un certain dumping social. Aussi, la taxe sur les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – ou l’union des marchés de capitaux sont quelques-uns des outils qui donneront plus de sens à la solidarité européenne : on ne peut pas, d’un côté, imposer des règles budgétaires vertueuses, et, de l’autre, laisser perdurer la non-coordination des politiques fiscales européennes.

Voilà quelques remarques que je souhaitais faire au nom du RDSE sur ce projet de loi de finances, qui, je l’espère, sera enrichi au fil de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)