Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

M. André Reichardt. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi initial, cet article 1er n’avait, selon moi, que peu d’intérêt en soi.

D’une part, il se limitait à ériger la désormais disparue Collectivité européenne d’Alsace en chef de file de la coopération transfrontalière sur son territoire, en maintenant les pouvoirs de l’État et de toutes les autres collectivités.

D’autre part, en matière de langue et de culture régionales, il se contentait de faire référence à la convention quadripartite d’ores et déjà signée, pour la quatrième fois, entre l’État, la région et les deux départements du Rhin.

Fort heureusement, toutefois, la commission des lois a commencé à lui donner un peu de contenu en adoptant des amendements portant sur la formation des enseignants en langue et culture régionales, sur l’ouverture de classes bilingues et sur la promotion de la langue régionale.

Il convient désormais, mes chers collègues, d’aller plus loin et d’inscrire dans ce texte que la collectivité territoriale dont il est question est une collectivité à statut particulier au titre de l’article 72 de la Constitution. Il faut également faire droit aux divers amendements qui visent à lui donner des compétences additionnelles.

À cet égard, je veux dire très officiellement que je ne comprends pas que trois amendements que j’ai déposés en ce sens aient été frappés d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.

Je considère en particulier inacceptable que l’amendement n° 100, qui tendait à ce que la collectivité à statut particulier dispose des compétences des régions, ne puisse pas être discuté, sous le prétexte qu’il serait irrecevable au titre de l’article 40. Je suis d’autant plus surpris que j’avais déposé le même amendement à l’occasion de l’examen en commission du projet de loi et qu’à ce stade il avait été jugé recevable par la commission des finances. Il serait donc recevable pour l’examen en commission, mais pas pour la discussion en séance publique ? C’était pourtant le même amendement !

Cette remarque vaut également pour deux autres amendements, qui visaient à conférer des compétences à la Collectivité d’Alsace en matière de coopération scolaire transfrontalière, ainsi que de gestion des fonds européens.

Ces trois amendements avaient clairement leur place dans la problématique globale de ce projet de loi. Nous ne pourrons pourtant pas en discuter aujourd’hui et je déclare expressément qu’il s’agit, à mon sens, d’une limitation inacceptable du droit d’initiative parlementaire.

Je souhaite donc que la jurisprudence de la commission des finances relative à l’article 40 soit revue.

Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi, sur l’article.

M. René Danesi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quand on élabore une législation spécifique à une région, il est préférable de rappeler rapidement son histoire. Dans le cas de l’Alsace, cela permet de comprendre son particularisme et son attachement à l’Europe.

La plupart des régions frontalières de notre pays ont une histoire douloureuse, mais cela est particulièrement vrai pour l’Alsace depuis la désastreuse guerre de 1870. Malgré la « protestation solennelle de Bordeaux » élevée par ses députés, l’Alsace-Moselle a été cédée au nouvel empire allemand. De la protestation, l’Alsace est passée à la résignation puis à l’autonomisme, en réaction à la politique de germanisation.

Lors de la Première Guerre mondiale, des membres d’une même famille se sont trouvés dans les deux armées ennemies. Après le retour à la France, l’Alsace a connu le clivage entre les autonomistes et les nationalistes, entre la défense du particularisme et la résistance au jacobinisme parisien.

L’étrange défaite de 1940 a permis à l’Allemagne d’annexer de nouveau l’Alsace et la Moselle. Les nazis y menèrent propagande et répression, imposant l’obligation de germaniser les noms et les prénoms. C’est surtout la tragédie de l’incorporation de force dans l’armée allemande qui a marqué durablement la psychologie alsacienne, avec 42 000 morts ou disparus sous l’uniforme allemand.

Résumer cette histoire à grands traits et sans aucun esprit polémique explique pourquoi l’Alsace adhère à l’idée européenne : cela lui permet d’éviter de nouvelles tragédies.

Pierre Pflimlin a été le chantre inlassable de l’Europe et de la vocation européenne de Strasbourg, symbole de la réconciliation et de l’amitié entre la France et l’Allemagne. C’est ainsi que Strasbourg est devenue le siège du Conseil de l’Europe, de la Cour européenne des droits de l’homme, du Parlement européen et de la chaîne Arte. Cet ancrage de l’Alsace dans l’Europe lui a permis de sauver le référendum de François Mitterrand sur le traité de Maastricht en 1992.

À l’histoire s’ajoutent deux réalités quotidiennes : chaque jour, 25 500 frontaliers vont travailler en Allemagne, et 33 200 en Suisse alémanique ; notre langue régionale s’exprime par écrit en allemand standard et oralement par des dialectes. Il en résulte une coopération transfrontalière ancienne et intense.

Le vocable « européen », sur lequel nous aurons à nous prononcer tout à l’heure, est donc pour l’Alsace non pas une incantation, mais une réalité vécue, voire une nécessité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l’article.

Mme Fabienne Keller. Madame la présidente, madame la ministre, à mon tour, je veux dire quelques mots au sujet de cette Collectivité européenne d’Alsace.

Tout d’abord, je tiens à vous remercier sincèrement, mes chers collègues, de votre présence et de votre participation à ce débat, qui, après tout, ne concerne qu’une région particulière.

Je vous remercie aussi, madame la ministre, d’avoir consacré du temps à ce travail,…

M. Pascal Savoldelli. Est-ce la sénatrice ou la candidate qui s’exprime ?

Mme Fabienne Keller. … aux longues visites de terrain durant lesquelles vous avez écouté les acteurs locaux, notamment les élus, et je veux aussi saluer le travail de construction puis de finalisation du projet de collectivité européenne porté par les deux présidents des départements, Frédéric Bierry et Brigitte Klinkert.

Je rappelle un peu solennellement que tout cela a abouti, le 29 octobre dernier, à un accord à Matignon entre les deux départements, le président de la région Grand Est et vous-même, madame la ministre, ainsi que les ministres chargés de l’éducation et des transports, directement concernés, en présence de l’ensemble des parlementaires des deux départements. C’est un projet « cousu main », avez-vous alors indiqué, madame la ministre.

Je veux saluer le travail d’Agnès Canayer, rapporteur (M. Didier Mandelli applaudit.), qui, venue du Havre, s’est passionnée pour l’Alsace et s’engage, car nous tenterons de consolider les compétences de la future collectivité sur le bilinguisme, le transfrontalier, les routes et le tourisme au travers d’un certain nombre d’amendements.

Ce texte est pour nous un socle qui pourra être conforté ultérieurement, je veux le dire à ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui considèrent qu’il ne va pas assez loin. C’est aussi un exemple de ce que pourrait être, demain, l’application de la différenciation. Le Sénat, chambre des territoires, se doit d’être un moteur et un facilitateur de ce premier pas, de ce premier exemple, qui se trouve être alsacien.

Il lui revient désormais de donner un signal indiquant qu’il accepte de permettre aux collectivités de choisir leur avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.

M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, j’ai été élu jeune sénateur quasiment au moment où le texte relatif aux grandes régions arrivait en discussion. La discussion a commencé en 2014, pour un vote en 2015.

De mémoire, et je prends à témoin tous mes collègues, il ressortait de nos débats que ce qui était soumis au vote n’était pas le fruit d’une demande des populations de Champagne-Ardenne, de Lorraine et d’Alsace, mais avait été imposé dans un autre dessein que celui qu’auraient pu souhaiter ces populations.

Un collègue l’a rappelé, c’est allé tellement loin que la région Grand Est est la seule dont la désignation de la capitale a été confisquée aux élus régionaux pour être confiée au Parlement !

M. Daniel Gremillet. Il ne faudrait pas résumer nos discussions à un débat sur l’Alsace, car le dossier que nous sommes en train d’examiner concerne la France, la République une et indivisible.

M. Daniel Gremillet. Au-delà de cela, nous sommes maintenant en 2019, les élus des trois régions rassemblées, y compris les Alsaciens, ont travaillé. Trois années se sont écoulées après la mise en œuvre de ce nouveau découpage et des nouvelles compétences des régions.

Je veux le dire avec un peu de solennité : faisons très attention, car la marge de manœuvre est très étroite, et je crains que les Alsaciens ne soient très déçus. Je comprends leur soif d’Alsace, mais ils doivent comprendre que la question ne concerne pas seulement l’Alsace : les huit autres départements de la région aussi ont soif de leur propre territoire et ont droit au respect de leur désir.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. « Les vérités sont malades, les mensonges le sont aussi. » Le grand débat s’est tenu durant plusieurs semaines et a pris fin le 15 mars ; nous sommes le 2 avril et nous n’avons encore reçu aucune réponse.

Dans cette discussion, madame Gourault, vous n’honorez pas le Parlement ! On nous parle de « désir d’Alsace », de problème d’identité, de particularismes. Très bien ! On nous explique même qu’il s’agit de retrouver sa région, comme s’il s’agissait de gens perdus…

On nous rappelle que la fusion a déjà été négociée à Matignon. Il est donc inutile que le Parlement passe des heures et des heures à en débattre : c’est réglé !

Madame la ministre, je suis confronté à un problème de sincérité. Vous dénaturez le Parlement, vous nous conduisez à nous opposer, nous allons y passer des heures, pendant que vous assistez tranquillement aux débats. Or, dans le communiqué du conseil des ministres, concernant l’Alsace et le sujet qui nous occupe, vous déclarez : « ces nouvelles attributions préfigurent […] le principe de différenciation des compétences des collectivités territoriales qui a été proposé par le Gouvernement dans le cadre de la révision constitutionnelle. »

Mes chers collègues, Mme Gourault nous emmène sur un tout autre terrain que la question du « désir d’Alsace » : il s’agit de la révision constitutionnelle !

M. Pascal Savoldelli. Madame Gourault, cela signifie que vous prenez la responsabilité de paralyser le Parlement, alors que l’Assemblée nationale discute pendant deux jours des conclusions du grand débat, avant que nous-mêmes nous nous penchions sur la méthode et sur les réponses à apporter !

Je reconnais que nous avons des désaccords, mais nous avons l’habitude ici de nous respecter tout en conflictualisant nos analyses. Avec cette affaire de fusion de l’Alsace, cependant, vous êtes en train de nous manipuler !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Elle n’a rien dit !

M. Pascal Savoldelli. Vous êtes en pleine recomposition. Que s’est-il passé à Matignon ? On prépare les municipales, madame Gourault ? On est ailleurs ? On est en train de négocier des places et des villes ?

M. Pascal Savoldelli. Et l’on prétend encore avoir le souci du débat citoyen et du rôle du Parlement ! Nous allons débattre pendant des heures et exprimer le même vote, parfois, malgré des analyses différentes, mais vous nous trompez sur la sincérité de ce projet, madame.

Vous devez assumer de nous imposer la révision de la Constitution avant que le Parlement n’en parle et avant que les citoyens n’aient connaissance des résultats du grand débat. Je le dis avec fermeté, et je mesure mes mots : vous êtes dans le mensonge !

La vérité est malade dans notre société française et vos mensonges le sont aussi ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

M. Olivier Jacquin. Madame la présidente, madame la rapporteure, madame la ministre, l’article 1er traite de coopération transfrontalière. Je remercie nos amis alsaciens d’avoir attiré l’attention du Gouvernement sur les spécificités transfrontalières et sur le fort développement de ces relations. En effet, avec des mobilités en augmentation et des frontières plus perméables, les échanges s’intensifient partout en France, et pas seulement aux frontières suisse et allemande.

J’entendais mes collègues du Pays basque évoquer leur propre spécificité. Pour ma part, je vais vous parler de la Lorraine, frontalière de la Belgique, de l’Allemagne et du Luxembourg. Madame la ministre, pourquoi, dès lors, ne pas faire un schéma lorrain de coopération transfrontalière, ou mieux, un schéma Grand Est de coopération transfrontalière ?

J’ai en particulier à l’esprit les relations avec le Luxembourg, car la Meurthe-et-Moselle a la spécificité de l’avoir pour voisin, avec ses amis meusiens et mosellans. Ce voisinage est une chance, mais il pose également des difficultés significatives, lesquelles ont été reconnues il y a un peu plus de deux ans par le précédent gouvernement, qui avait alors évoqué la mise en place d’une zone franche fiscale. Ce n’est peut-être pas l’outil le mieux adapté, mais c’était un moyen de reconnaître une situation particulière.

Madame la ministre, depuis bientôt deux ans, on nous demande d’attendre, invoquant une réflexion sur le codéveloppement. Nous en sommes tous d’accord, mais cela patine beaucoup !

La décentralisation est une exigence, et je ferai des propositions pour que les facultés de coopération transfrontalière soient élargies et qu’à ce « désir d’Alsace » s’ajoute notre désir à tous de plus de décentralisation !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l’article.

M. Jean-Marc Todeschini. J’ai bien compris que le présent projet de loi ne satisfaisait personne, ni les Alsaciens, qui sont d’ailleurs divisés, ni les représentants des autres départements qui composent la région Grand Est. Je ne vais pas tout reprendre, mon collègue vosgien est intervenu et je partage ses propos.

Nous avons tous à l’esprit que, pour le moment, l’Alsace fait partie d’une région dont le territoire est plus grand que le sien et qu’à ce titre les autres collectivités ne peuvent pas être négligées ni méprisées.

Ce ne sont pas ceux qui crient le plus fort qui doivent être écoutés, même si je comprends le « désir d’Alsace ». Par ce biais, on veut nous conduire vers une région purement alsacienne, tout en maintenant dès le départ à Strasbourg la capitale de la région Grand Est comme la capitale européenne.

Je comprends les Alsaciens qui font valoir des souhaits, mais votre projet de loi, madame la ministre, c’est de la poudre de perlimpinpin : il ne correspond pas à ce qu’ils veulent.

Je ne suis cependant pas d’accord pour faire éclater cette région Grand Est, qui vit, pour le moment, sous la présidence d’un Alsacien, qui a succédé à un autre Alsacien. Les autres départements qui la constituent participent également aux travaux qui s’y tiennent.

Ce qui me gêne le plus, madame la ministre, c’est que, au sein de cette région Grand Est, d’autres départements frontaliers rencontrent les mêmes soucis. En matière de bilinguisme ou de coopération transfrontalière, par exemple, la Moselle est exactement dans la même situation. Il me semble donc qu’ils devraient tous être traités de la même manière.

Enfin, ce projet de loi va vous autoriser à prendre par ordonnance des dispositions qui permettront de créer une taxe sur le transport routier de marchandises. Madame la ministre, mes collègues qui sont intervenus sur les différentes motions l’ont déjà dit et ils ont raison : ce serait une catastrophe pour les quatre départements lorrains !

Vous connaissez la situation actuelle : le préfet du Grand Est, M. Marx, est chargé de travailler sur le projet d’autoroute A31 bis, mais la Lorraine est complètement bloquée. Le matin et le soir, on ne peut plus circuler entre Nancy, Metz et Luxembourg. Si vous créez cette taxe, le trafic va basculer vers les départements lorrains et l’A31 sera complètement saturée.

Madame la ministre, je ne suis pas favorable au transfert des routes et des autoroutes aux départements, mais je vous invite à modifier votre texte, afin d’élargir cette habilitation, de manière à offrir la même possibilité aux quatre départements lorrains.

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, sur l’article.

M. Mathieu Darnaud. Plus que sur le fond, je souhaite intervenir sur la forme, car la démarche adoptée me gêne profondément. Nous nous sommes tous accordés pour dire qu’il fallait, à l’avenir, éviter de tomber de nouveau dans les travers qui avaient présidé à notre appréhension du projet de loi NOTRe et du projet de loi relatif à la délimitation des régions.

J’en veux pour preuve que, depuis quatre ans, entre rétropédalage sur certains aspects et désaccord sur d’autres, nous avons adopté des ajustements sur la question de l’eau et de l’assainissement, notamment, à l’unanimité. Nous savons tous que nous devons nous interroger sur l’architecture institutionnelle française avec un peu de bon sens.

J’entends bien que l’on exprime un « désir d’Alsace », que l’on ait envie d’avoir une collectivité à statut particulier, ou non, et que l’on fasse valoir, les uns et les autres, des positions différentes.

En revanche, la méthode est contestable. Si, ce soir, nous envisagions de faire de l’Alsace une collectivité à statut particulier, d’autres demandes du même type seraient légitimes et mes collègues Brisson et Espagnac le feraient valoir à bon droit s’agissant du Pays basque. Il me semble donc que ce thème relève d’un débat global sur nos institutions.

Il est particulièrement dangereux d’aborder ainsi les sujets les uns après les autres, parce qu’il s’agit avant tout de la France et de l’avenir de nos institutions. Des questions aussi importantes auraient mérité que nous leur consacrions plus de temps, une approche globale.

Nous prenons le risque de nourrir, à terme, les mêmes regrets que pour la fusion des régions, que pour la loi NOTRe.

Ces sujets sont importants, nous y avons travaillé, nous avons produit plusieurs rapports, nous sommes allés dans les territoires, nous avons écouté les élus. Ceux-ci nous demandent de ne légiférer sur les institutions que de manière utile et avec bon sens, en prenant en compte ce qu’ils disent. Je regrette que, une fois encore, nous passions à côté de cet exercice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Josiane Costes applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, sur l’article.

Mme Frédérique Espagnac. Je ne vais pas vous étonner, mes chers collègues, en reprenant exactement les mots de Max Brisson. Il a évoqué la situation du Pays basque que nous avons connue. Celle-ci avait nécessité dans le passé, pour des raisons politiques, une négociation qui nous avait amenés à faire valoir la revendication d’une collectivité à statut particulier, que d’autres territoires ont aujourd’hui reprise à leur compte.

Cette négociation menée dans l’urgence a abouti à une intercommunalité devenue la communauté d’agglomération Pays basque. On en voit aujourd’hui le résultat, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Je me retrouve dans les propos que mon collègue vient de tenir : le présent débat concerne l’évolution institutionnelle globale de notre territoire et le désir de décentralisation des uns et des autres. Au-delà du mouvement des « gilets jaunes », la mobilisation actuelle prouve que ce besoin est plus que réel et qu’il est indispensable de trouver les réponses à cette aspiration. On trouvera ces réponses dans le débat que nous devons avoir avec le Gouvernement et j’ai toute confiance en vous, madame la ministre, pour conduire ce débat.

Cela étant, chaque territoire a ses particularités. Le Pays basque a une spécificité transfrontalière. Or, comme l’a dit mon collègue Jacques Bigot, la vie de nos concitoyens ne s’arrête pas aux frontières. Si une personne est malade et s’il est plus rapide pour elle de se rendre dans un hôpital en Espagne plutôt qu’en France, je trouve assez logique qu’elle choisisse de se faire soigner du côté espagnol, dans le cadre du partenariat avec l’ARS. Cela fait partie des problématiques propres aux départements transfrontaliers sur lesquelles les élus doivent travailler.

D’autres évolutions sont possibles. Si, comme je le crois, nous sommes tous ici les garants de la richesse des territoires et des cultures de la France, mais aussi de son unité, donnons toute leur place à ces traditions et à ces histoires ! Je prendrai l’exemple des langues régionales. Pour beaucoup, cela semblera anodin, mais je constate que les expérimentations mises en œuvre pour les enfants de trois ans scolarisés à l’école publique, pourtant longuement négociées, sont remises en cause au Pays basque, en Corse aussi j’imagine, et peut-être même en Bretagne. Si on ne lance pas ces expérimentations à l’école publique, où doit-on le faire ?

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Frédérique Espagnac. J’en termine, madame la présidente.

Nous devons débattre de ces sujets, et je veux croire que nous pouvons le faire pour l’ensemble du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, sur l’article.

M. Jacques Bigot. J’ai entre les mains la déclaration de Matignon dont vous avez parlé, madame la ministre.

Cette déclaration commune en faveur de la création d’une Collectivité européenne d’Alsace est signée par le Premier ministre, les présidents des départements, le président du conseil régional, lequel a défendu jusqu’au bout le pouvoir de la grande région – je rappelle qu’il s’agit d’un Alsacien, ancien maire de Mulhouse et actuel premier adjoint de cette ville –, la ministre chargée des transports, le ministre de l’éducation nationale et vous-même, madame la ministre. Mais elle n’a pas été signée par la ministre des affaires européennes de l’époque, qui mène pourtant actuellement campagne pour les élections européennes, au nom du Président de la République !

C’est un vrai sujet : le Gouvernement, lorsqu’il signe un document traitant des compétences en matière de coopération transfrontalière, est-il capable de nous expliquer ce qu’il accepte d’attribuer aux territoires transfrontaliers ? Cette question est d’autant plus importante que nous sommes confrontés à des difficultés, comme cette agence régionale de santé qui interprète de manière restrictive l’accord de coopération entre la France et l’Allemagne en matière de santé, lequel remonte à 2007 ou 2008, sans tenir compte des besoins spécifiques de nos concitoyens. Qu’en sera-t-il de la coopération transfrontalière dans le domaine du travail ? Comment travailler ensemble entre Länder et régions ? Ce sont ces sujets que nous devons aborder ensemble.

À la veille des élections européennes, l’Alsace doit davantage exprimer un désir d’Europe – comme le dit le président Macron – qu’un désir d’Alsace ! Et c’est vrai d’autres régions frontalières, je pense aux Hauts-de-France, au Pays basque ou aux régions frontalières de l’Italie. Si nos concitoyens veulent vivre en Europe, il faut leur en donner l’occasion, et ce n’est pas en laissant faire une oligarchie technocratique centralisée que l’on y parviendra !

Nous devons avoir ce débat sur les compétences en matière de coopération transfrontalière. Simplement, madame la ministre, il faudrait qu’on entende le Gouvernement sur le sujet, parce qu’il est quand même très absent dans cette fameuse déclaration de Matignon ! (MM. Jean-Pierre Sueur et Olivier Jacquin applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.

M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, contrairement à ce qui vient d’être dit, nous discutons non pas d’un problème local ce soir, mais d’une question nationale !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat. La question est en effet de savoir comment concilier République unitaire et réalité des territoires.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est un travail que nos ancêtres ont fait pour les départements, un travail massacré par des charcutiers, les artisans des grandes régions !

Mmes Catherine Troendlé et Brigitte Micouleau. Eh oui !

M. Pierre-Yves Collombat. Tout le monde le sait, il n’est pas nécessaire d’écouter les « gilets jaunes » !

Un jour, il faudra être cohérent, c’est-à-dire accepter de revenir sur ces découpages qui ne riment strictement à rien,…

M. André Reichardt. Tout à fait !

M. Pierre-Yves Collombat. … passer outre ces soins palliatifs que l’on nous propose. Avec ou sans référendum, le problème est le même : il faut revoir tout cela ! Il faut revoir ces restructurations qui nous accablent depuis dix ans, avec des transferts obligatoires de compétences, des rapports imposés entre départements et régions. Le système fonctionnait très bien, il ne marche plus : il faudrait peut-être se demander pourquoi !

La cohérence voudrait que l’on ne se contente pas de ces fausses solutions. Elles sont systématiquement présentées comme un début ou un moindre mal, si bien que la plupart des collègues présents dans cet hémicycle ont finalement voté toutes les lois imbéciles successives qu’on leur a proposées !

M. Loïc Hervé. Pas moi !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous avez raison, tout le monde ne les a pas votées. Cela étant, seuls quarante-neuf sénateurs ont voté contre la loi NOTRe. Beaucoup ont accepté de voter ce texte, parce qu’ils estimaient ne pas pouvoir faire autrement.

En gros, c’est la position de fond que nous défendons et c’est le sens de nos amendements de suppression. En détail, on ne veut pas de ces soins palliatifs qui vont aboutir à un monstre de complexité. Il faudra bien que l’on parvienne à remettre en cause ce découpage qui ne crée que des problèmes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, sur l’article.

M. Jean-François Husson. Je suis d’accord avec un certain nombre de mes collègues. Je voudrais d’ailleurs inscrire mon propos dans l’analyse faite par Mathieu Darnaud.

J’estime que l’on n’est vraiment pas au rendez-vous ni au niveau. Finalement, le Gouvernement avance à tâtons et n’a aucune vision. Il propose la création d’une Collectivité européenne d’Alsace. Je n’ai rien contre, mais il existe beaucoup d’autres territoires européens : faut-il vraiment différencier l’Alsace à ce point ?

Surtout, le Gouvernement prend, d’une certaine manière, la responsabilité de démembrer une région que le précédent gouvernement avait créée, sur un coin de table, sans véritable préparation, à mon avis.

Au cours des quinze derniers jours, la ministre chargée des transports n’a eu de cesse de répondre à tous les collègues réclamant des avancées que le Gouvernement ne pouvait rien faire à cause du grand débat national.

Mettons de côté le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui : des colères s’expriment depuis le 15 novembre ; cela fait plus longtemps encore que la question de l’organisation territoriale et des conséquences de la loi NOTRe remonte de tous les territoires. Il faudrait que l’on puisse poser le cadre du débat, stabiliser la situation et discuter : or on ne discute de rien ! On nous propose de nouveau d’aborder un petit bout du sujet, parce que le Gouvernement a été saisi d’une demande par les Alsaciens. Et pourquoi pas ailleurs ?