6

Élection de juges à la Cour de justice de la République

Mme la présidente. Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République :

Nombre de votants : 258

Suffrages exprimés : 244

Majorité absolue des suffrages exprimés : 123

Bulletins blancs : 11

Bulletins nuls : 3

Ont obtenu :

Mme Catherine Di Folco, titulaire, 244 voix ; (Applaudissements.)

Mme Muriel Jourda, suppléante, 244 voix ; (Applaudissements.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, suppléante au poste de juge titulaire que vous m’aviez fait l’honneur de me confier, 244 voix. (Applaudissements.)

M. François Grosdidier. Et la parité ?

Mme la présidente. Ces candidates ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, elles sont proclamées juges à la Cour de justice de la République. (Applaudissements.)

7

Prestation de serment de juges à la Cour de justice de la République

Mme la présidente. Mme la juge titulaire et Mmes les juges suppléantes à la Cour de justice de la République vont être appelées à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Je vais donner lecture de la formule du serment. Je prierai Mme la juge titulaire, puis Mmes les juges suppléantes, de bien vouloir se lever à l’appel de leur nom et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure. »

Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

(Successivement, Mme Catherine Di Folco, juge titulaire, et Mmes Muriel Jourda et Jacqueline Eustache-Brinio, juges suppléantes, disent, en levant la main droite : « Je le jure. »)

Mme la présidente. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui. (Applaudissements.)

8

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la Polynésie française
Article 1er

Polynésie française

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la Polynésie française.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la polynésie française

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la Polynésie française
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

Pour l’application en Polynésie française du 1° de l’article 831-2 du code civil, l’attribution préférentielle peut également être admise si le demandeur démontre qu’il réside sur la propriété de manière continue, paisible et publique depuis plus de dix ans au moment de l’introduction de la demande de partage en justice.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la Polynésie française
Article 3

Article 2

(Non modifié)

Pour l’application en Polynésie française de l’article 757-3 du code civil, lorsque des biens immobiliers sont en indivision avec les collatéraux ou ascendants du défunt, ils sont dévolus en totalité à ses frères et sœurs ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l’origine de la transmission. Le conjoint survivant qui occupait effectivement le bien à l’époque du décès à titre d’habitation principale bénéficie toutefois d’un droit d’usufruit viager sur la quote-part indivise du bien incluse dans la succession. – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

(Non modifié)

En Polynésie française, par dérogation au premier alinéa de l’article 887-1 du code civil, lorsque l’omission d’un héritier résulte de la simple ignorance ou de l’erreur, si le partage judiciaire a déjà été soumis à la formalité de la publicité foncière ou exécuté par l’entrée en possession des lots, l’héritier omis ne peut solliciter qu’à recevoir sa part soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage. En cas de désaccord entre les parties, le tribunal tranche. – (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

(Non modifié)

I. – En Polynésie française, pour toute succession ouverte depuis plus de dix ans, le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers en pleine propriété des droits indivis peuvent procéder, devant le notaire de leur choix, au partage des biens immobiliers indivis situés sur le territoire de la Polynésie française, selon les modalités prévues au présent article.

II. – Nul acte de partage ne peut être dressé suivant la procédure prévue au I du présent article :

1° En ce qui concerne le local d’habitation dans lequel réside le conjoint survivant ;

2° Si l’un des indivisaires est mineur, sauf autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille ;

3° Si l’un des indivisaires est un majeur protégé, sauf autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille ;

4° Si l’un des indivisaires est présumé absent, sauf autorisation du juge des tutelles dans les conditions prévues à l’article 116 du code civil.

III. – Le notaire choisi pour établir l’acte de partage dans les conditions prévues aux I et II du présent article en notifie le projet par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires et procède à sa publication dans un journal d’annonces légales au lieu de situation du bien ainsi que par voie d’affichage et sur un site internet.

La notification fait état de l’identité du ou des indivisaires à l’initiative du partage, de leur quote-part d’indivision, de l’identité et des quotes-parts des indivisaires non représentés à l’opération, des coordonnées du notaire choisi, de la désignation du bien et de l’indication de la valeur de ce bien au moyen du recueil de l’avis d’au moins deux professionnels qualifiés ainsi que des allotissements prévus entre chacun des indivisaires. Elle fait également état du délai mentionné au IV du présent article.

IV. – Tout indivisaire peut, dans le délai de trois mois qui suit cette notification, faire connaître son opposition au partage. Lorsque le projet de partage porte sur un bien immobilier dont les quotes-parts sont détenues par au moins dix indivisaires ou lorsqu’au moins un indivisaire a établi son domicile à l’étranger, ce délai est porté à quatre mois.

V. – À défaut d’opposition, le partage est opposable aux indivisaires qui ne sont pas à l’initiative du projet.

VI. – Si un ou plusieurs indivisaires s’opposent au partage du bien indivis dans le délai imparti au IV, le notaire le constate par procès-verbal.

En cas de procès-verbal constatant une opposition, le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis saisissent le tribunal foncier de la Polynésie française afin d’être autorisés à passer l’acte de partage. Le tribunal autorise ce partage si l’acte ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.

Le partage effectué dans les conditions fixées par l’autorisation du tribunal est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l’intention de partager le bien du ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis ne lui avait pas été notifiée selon les modalités prévues au III.

VII. – Le présent article s’applique aux projets de partage notifiés dans les conditions prévues au III avant le 31 décembre 2028. – (Adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

(Non modifié)

Pour l’application en Polynésie française de l’article 827 du code civil, le partage judiciaire peut également se faire par souche dès lors que la masse partageable comprend des biens immobiliers dépendant de plusieurs successions et lorsque ces biens :

1° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués en nature compte tenu du nombre important d’indivisaires ;

2° Ne peuvent être facilement partagés ou attribués par tête compte tenu de la complexité manifeste à identifier, localiser ou mettre en cause l’ensemble des indivisaires dans un délai et à un coût raisonnables.

Dans le cas mentionné au 2° du présent article, la demande de partage par souche doit faire l’objet d’une publicité collective ainsi que d’une information individuelle s’agissant des indivisaires identifiés et localisés dans le temps de la procédure. Toute personne intéressée dispose d’un délai d’un an à compter de l’accomplissement de la dernière des mesures de publicité ou d’information pour intervenir volontairement à l’instance. À l’expiration de ce délai, les interventions volontaires restent possibles si l’intervenant justifie d’un motif légitime, apprécié par le juge, l’ayant empêché d’agir. Le partage par souche pourra avoir lieu si au moins un indivisaire par souche ou, à défaut, le curateur aux biens et successions vacants est partie à l’instance. Tous les membres d’une même souche sont considérés comme représentés dans la cause par ceux qui auront été partie à l’instance, sauf s’il est établi que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission volontaire du requérant. Les modalités et conditions d’application du présent alinéa sont fixées par le code de procédure civile de la Polynésie française.

Le présent article s’applique aux demandes en partage introduites avant le 31 décembre 2028 et postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi pour le cas mentionné au 1° ou postérieurement à l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires nécessaires à l’application du cas mentionné au 2°. – (Adopté.)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi relative à la Polynésie française
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 6

(Non modifié)

I. – Pour assurer l’exécution du contrat de concession portant sur le développement, le renouvellement, l’entretien et l’exploitation d’un aérodrome relevant de la compétence de l’État en Polynésie française, l’État peut, à la demande de la Polynésie française, imposer à l’opérateur économique, qu’il sélectionne dans les conditions définies par le code de la commande publique, de créer une société à laquelle la Polynésie française est associée dans les conditions définies aux II et III du présent article.

II. – La société est constituée, pour une durée limitée, à titre exclusif en vue de la conclusion et de l’exécution du contrat de concession. Cet objet unique ne peut être modifié pendant toute la durée du contrat de concession.

III. – Les statuts de la société fixent le nombre de sièges d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance attribués à des représentants de la Polynésie française. L’opérateur économique détient dans la société une part majoritaire du capital et des droits de vote. La direction générale de la société est assurée par l’opérateur économique ou son représentant. Les statuts garantissent la capacité de l’opérateur économique à mettre en œuvre son offre. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi relative à la Polynésie française
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi relative à la Polynésie française.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la Polynésie française
 

9

 
Dossier législatif : projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace
Discussion générale (suite)

Collectivité européenne d’Alsace

Discussion des conclusions d’une commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (texte de la commission n° 668, rapport n° 667).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)

Discussion générale (début)
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Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a débouché, le 11 juillet dernier, sur un accord avec l’Assemblée nationale pour donner vie à la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace.

Cette nouvelle collectivité est le fruit d’une volonté forte des élus locaux, au premier rang desquels les présidents des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, ainsi que celui de la région Grand Est, de redonner naissance à l’Alsace, dissoute lors du découpage des nouvelles grandes régions.

Les négociations avec le Gouvernement ont abouti à l’adoption d’une déclaration commune, signée à Matignon le 29 octobre dernier, qui a servi de base à l’élaboration du projet de loi soumis au Parlement.

Ainsi, la réunification des deux départements donne naissance à la Collectivité européenne d’Alsace, la CEA, qui est avant tout un département. Afin d’en faire plus qu’un simple département, mais moins qu’une collectivité à part entière et autonome, comme certains le revendiquaient, le projet de loi introduit certaines compétences nouvelles spécifiquement liées aux particularismes alsaciens, comme la coopération transfrontalière, le bilinguisme et la gestion du trafic routier.

Lors de la première lecture, le Sénat, après des débats houleux, avait souhaité aller beaucoup plus loin afin de donner à l’Alsace les véritables moyens de sa différenciation et d’offrir aux autres départements frontaliers la possibilité d’expérimenter.

L’Assemblée nationale a préféré revenir à une version plus proche de l’accord signé à Matignon, tout en préservant des avancées significatives introduites par le Sénat.

Ainsi, le texte issu de la CMP reprend les apports du Sénat concernant la coopération transfrontalière et le bilinguisme : introduction d’un volet sanitaire au sein du schéma alsacien de coopération transfrontalière, mise en cohérence du schéma de coopération transfrontalière de l’eurométropole de Strasbourg avec celui de la CEA, possibilité pour les EPCI de déléguer certaines de leurs compétences à la nouvelle collectivité pour la mise en œuvre du schéma transfrontalier, possibilité de recruter des enseignants pour assurer l’enseignement des langue et culture régionales.

La sécurisation des compensations du transfert des routes et autoroutes non concédées est un autre domaine où certaines avancées introduites par le Sénat ont été maintenues dans le texte. Je pense notamment au transfert de personnel, à la répartition claire des pouvoirs de police entre le président du département et le préfet. C’est vrai aussi, en partie, pour la compensation financière. En effet, si l’accord ne retient pas toutes les garanties introduites par le Sénat, notamment l’introduction dans la base de calcul des dépenses d’entretien courantes inscrites au contrat de plan État-région, l’Assemblée nationale a accepté que l’éventuelle écotaxe ne vienne pas en déduction des compensations financières. C’est tout de même une avancée significative. Je pense surtout à la neutralisation des conséquences, pour la Collectivité européenne d’Alsace, des engagements pris par l’État à l’égard de la société concessionnaire de l’autoroute de contournement ouest de Strasbourg. En effet, la CEA ne disposera plus des pouvoirs nécessaires pour réguler le trafic vers l’A35 : non seulement le préfet gardera le pouvoir de police, mais surtout les voies de circulation sur lesquelles les poids lourds doivent être interdits seront directement transférées à l’eurométropole de Strasbourg.

Les dispositions relatives aux élections sénatoriales introduites dans le corps du texte et non renvoyées à des ordonnances, dispositions auxquelles nous sommes très attachés, ont également été validées.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a maintenu diverses autres dispositions ajoutées par le Sénat, comme la possibilité pour l’État de déléguer la gestion des actions relevant du Fonds social européen, la création d’un conseil de développement, cher à notre collègue Guy-Dominique Kennel, et la possibilité de créer des chaînes de télévision locale, souhaitée par notre collègue Catherine Troendlé.

Enfin, l’Assemblée nationale a inséré des dispositions nouvelles, telles que la dénomination des conseillers d’Alsace, l’ajout des liaisons fluviales dans le volet consacré aux transports du schéma transfrontalier et la possibilité pour les ordres professionnels, ainsi que les fédérations sportives et culturelles, de s’organiser sur le territoire de la CEA. Elle a en outre renvoyé aux ordonnances l’adoption de l’écotaxe.

En définitive, ce texte ressemble à une bouteille à moitié vide ou à moitié pleine, selon le point de vue que l’on adopte. Étant de nature plutôt optimiste, j’ai tendance à considérer que, si ce texte ne s’apparente pas à une bouteille pleine, il n’est pas pour autant vide de contenu !

Les travaux du Sénat, amplifiés par ceux de l’Assemblée nationale, ont permis d’aboutir à un accord tout à fait acceptable qui donne plus de contenu à la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace qu’initialement prévu.

Le Sénat a pleinement rempli son rôle de chambre des territoires en écoutant le « désir d’Alsace » relayé par nos collègues sénateurs alsaciens, que je souhaite sincèrement remercier pour leurs éclairages, leurs conseils et leurs encouragements. Le pragmatisme du Sénat a surtout permis de sécuriser les effets du transfert de ces nouvelles compétences et d’alerter sur les difficultés à venir dans leur mise en œuvre !

L’examen de ce texte nous a donné un avant-goût des futurs débats sur le droit à la différenciation, montrant que l’attachement de chaque élu à son territoire justifie à ses yeux des particularités législatives.

Enfin, comme le dit un bon proverbe alsacien, « la moitié d’un œuf vaut mieux qu’une coquille entière ». (Sourires.) Je vous invite à faire vôtre ce sage dicton et à adopter le compromis obtenu en commission mixte paritaire, dont le contenu est attendu par les élus de la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.

En effet, ce texte est emblématique de la relation nouvelle que le Gouvernement souhaite promouvoir entre l’État et les collectivités territoriales, fondée sur les principes de confiance et de responsabilité.

La contribution constructive des deux chambres à l’élaboration du projet de loi est par conséquent essentielle. Elle est le gage de la pleine participation du Parlement à la mise en œuvre de la nouvelle méthode que nous avons l’ambition de fonder. Selon cette approche, l’action sur les territoires doit être le fruit d’une coproduction entre l’ensemble des acteurs. L’État assume, dans ce cadre, un double rôle de garant de la cohésion des territoires et de catalyseur du développement local.

En ce sens, l’État assume la mission de faciliter l’expression des atouts de chaque territoire, en reconnaissant ses spécificités. C’est ce que nous avons pu démontrer, avec vous, depuis l’engagement des travaux de concertation, en janvier 2018, pour répondre au « désir d’Alsace » que vient d’évoquer Mme la rapporteur. Dans un délai finalement très bref, nous avons su dessiner, à droit constant, un schéma institutionnel inédit, concerté et approuvé par les collectivités territoriales,…

M. François Grosdidier. Pas par la Moselle !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … sans contrevenir aux principes constitutionnels qui nous régissent et en préservant l’unité de la République.

Pour illustrer mon propos, je reviendrai très succinctement sur les conditions d’émergence de ce projet de loi.

Il importe d’abord de rappeler que ce dernier est attendu par les acteurs locaux depuis l’échec du référendum de 2013 sur la collectivité territoriale unique d’Alsace et la création, en 2015, de la région Grand Est.

C’est la raison pour laquelle le préfet de région s’est vu confier une mission de concertation. M. Jean-Luc Marx l’a remplie avec beaucoup d’intelligence et d’équilibre. Je voulais, à cette tribune, l’en remercier.

Au terme de nombreux échanges avec les acteurs locaux et avec mes collègues du Gouvernement Élisabeth Borne et Jean-Michel Blanquer, une déclaration commune engageant le Gouvernement, les deux conseils départementaux ainsi que la région Grand Est a été signée le 29 octobre 2018. Elle prévoit une réponse appropriée pour l’Alsace et trouve une partie de sa traduction dans le projet de loi que vous examinez.

Ainsi, la création de la Collectivité européenne d’Alsace se matérialise par plusieurs étapes.

Les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin seront regroupés en un seul au 1er janvier 2021, après que le décret du 27 février dernier a formellement procédé à ce regroupement.

La deuxième étape sera l’ajout, par la loi, de compétences particulières en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, de tourisme et de transports.

Enfin viendra le développement des politiques culturelles, économiques ou sportives dont les orientations étaient fixées dans la déclaration commune. Ces politiques font l’objet d’un travail approfondi avec les services déconcentrés de l’État et les autres niveaux de collectivités concernées ; elles se traduiront, pour la plupart, par des actes réglementaires. Je pense par exemple à la constitution d’un pôle d’excellence en matière de plurilinguisme et, plus prosaïquement, à la perspective de plaques minéralogiques alsaciennes. (M. André Reichardt sexclame.)

Le présent projet de loi est donc une composante centrale du dispositif que nous avons envisagé pour l’Alsace. Il s’attache à donner à l’Alsace des compétences suffisamment justifiées par des spécificités alsaciennes pour que le cadre constitutionnel actuel permette de les attribuer de façon pérenne et, bien sûr, circonscrite à ce territoire.

Ainsi, au 1er janvier 2021, la Collectivité européenne d’Alsace exercera le socle classique des compétences départementales, auquel s’ajouteront quatre principales compétences.

Il s’agira, en premier lieu, de compétences en matière transfrontalière : la collectivité aura la capacité d’organiser l’action collective, à travers un schéma de coopération transfrontalière. En parfaite cohérence avec la stratégie régionale, ce schéma pourra décliner un volet opérationnel sur les projets structurants. La CEA pourra ainsi se voir déléguer des compétences par l’État, la région ou des EPCI.

La nouvelle collectivité recevra, en deuxième lieu, des compétences en matière de bilinguisme afin de renforcer ce vecteur culturel et ce facteur de mobilité professionnelle que constitue la langue régionale, entendue ici, conformément aux conventions en usage, comme la langue allemande.

Plusieurs leviers ont été identifiés : l’amélioration de l’attractivité des conditions d’embauche des enseignants d’allemand recrutés par le ministère de l’éducation nationale ; la possibilité, pour la Collectivité européenne d’Alsace, de recruter des intervenants afin de permettre l’enseignement de la langue au-delà des heures réglementaires, en complémentarité avec les programmes nationaux ; enfin, la constitution par la CEA d’un vivier d’enseignants pour que l’éducation nationale puisse accélérer les recrutements.

En troisième lieu, la nouvelle collectivité recevra des compétences en matière touristique. Sur son territoire, la CEA animera et coordonnera l’action des collectivités et des autres acteurs concernés, en cohérence avec le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs.

Enfin, la CEA recevra des compétences en matière d’infrastructures routières. Le projet de loi acte le transfert de la gestion et de l’exploitation des routes nationales et des autoroutes non concédées situées en Alsace. Si elle le souhaite, la Collectivité européenne d’Alsace pourra lever sur ces voies des ressources spécifiques contribuant à maîtriser le trafic routier de marchandises.

M. François Grosdidier. En le reportant sur la Lorraine !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’ensemble des composantes que je viens de présenter permettra de donner à la Collectivité européenne d’Alsace une véritable substance institutionnelle, tout en préservant le nécessaire équilibre avec les autres collectivités locales.

J’évoquerai à présent les contributions que le Parlement a apportées au texte. Au terme de l’examen du projet de loi, celui-ci a bien entendu évolué.

S’agissant des apports du Sénat, plusieurs dispositions significatives ont été conservées ;…

M. André Reichardt. Et d’autres radiées !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … je m’en réjouis. La compétence sanitaire a été intégrée au schéma de coopération transfrontalière. Les modalités de droit commun ont été rétablies pour le transfert des agents intervenant sur les routes, de manière à éviter de pénaliser la Collectivité européenne d’Alsace en cas de mouvements de personnel à la veille du transfert. Le principe de délégation des intercommunalités à la CEA a été maintenu. La création d’un conseil de développement a été retenue. Enfin, la référence faite au FSE est restée en l’état : j’ai pu dire au banc qu’elle doit être considérée comme une invitation à poursuivre le travail engagé sur le guichet unique d’accompagnement des porteurs de projet.

Vous l’aurez compris, le texte qui est soumis à votre approbation aujourd’hui est clairement le résultat d’un travail législatif constructif sur le fond, tout en demeurant dans l’esprit de la déclaration de Matignon, c’est-à-dire dans le cadre des orientations dessinées par le Gouvernement et les collectivités territoriales.

Avant de conclure, je souhaite dire, une fois encore, que ce texte est une démonstration de bon augure de ce que le Gouvernement, le Parlement et les collectivités territoriales peuvent, chacun dans son rôle, répondre aux attentes de nos concitoyens et servir l’intérêt général.

Je voudrais en ce sens remercier les acteurs territoriaux qui ont su œuvrer pour que les conditions soient réunies pour la réussite de ce texte, au premier rang desquels figurent Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin, Brigitte Klinkert, présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, et Jean Rottner, président de la région Grand Est.

Je voudrais enfin saluer le travail de la commission des lois du Sénat, de son président, Philippe Bas, et de la rapporteur, Agnès Canayer, qui ont joué un rôle essentiel dans la réussite de ce processus législatif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui est soumis à votre approbation a été enrichi par le Parlement tout en restant équilibré. Il vient répondre favorablement à une volonté et à une ambition pour l’Alsace. C’est un jalon important de la politique menée pour les territoires par le Gouvernement, que nous voulons ambitieuse en ce qu’elle reconnaît leur diversité et développe leurs forces, tout en préservant le cadre républicain qui est le nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)