compte rendu intégral

Présidence de Mme Hélène Conway-Mouret

vice-présidente

Secrétaires :

M. Yves Daudigny,

M. Joël Guerriau.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'énergie et au climat
Discussion générale (suite)

Énergie et climat

Discussion des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’énergie et au climat (texte de la commission n° 700, rapport n° 699).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'énergie et au climat
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, le 25 juillet dernier, la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’énergie et au climat est parvenue à un accord. Je me félicite que le Sénat et l’Assemblée nationale soient convenus d’un texte de compromis sur un sujet aussi essentiel, un texte qui concourra à atteindre l’objectif de neutralité carbone issu de l’accord de Paris de 2015.

Je tiens à remercier le président ainsi que le rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Roland Lescure et Anthony Cellier, de l’esprit constructif qui a présidé à nos travaux. Je salue également ma collègue Pascale Bories, rapporteure pour avis de la commission du développement durable, pour la qualité du dialogue entre nos commissions.

Au terme de son examen, le texte, qualifié de « petite loi énergie » au sortir du conseil des ministres, comporte soixante-neuf articles, contre douze initialement. Notre assemblée y a imprimé sa marque : à l’issue de la commission mixte paritaire, trente et un articles ont été adoptés dans leur rédaction résultant des travaux du Sénat, vingt-huit dans une rédaction élaborée par la commission mixte paritaire et deux dans la rédaction de l’Assemblée nationale ; huit articles avaient auparavant été votés dans les mêmes termes.

Au-delà de ce bilan quantitatif, je soulignerai d’emblée que le texte adopté par la commission mixte paritaire ne prétend pas à la perfection.

J’avais déploré, en première lecture, la modestie des objectifs et des moyens inscrits par le Gouvernement dans le texte initial. Face à l’urgence climatique, je crois que le Sénat a pleinement joué son rôle pour rehausser sensiblement ce niveau d’ambition.

Pour autant, le Gouvernement aurait pu faire davantage en matière de soutien aux entreprises, notamment les plus consommatrices d’énergie, de production d’énergie renouvelable, s’agissant par exemple de la filière biogaz, et de rénovation thermique, en particulier sur le plan de la précarité énergétique. En ma qualité de rapporteur des crédits de la mission « Énergie » pour la commission des affaires économiques, je veillerai avec une exigence particulière, madame la ministre, à ce qu’il offre des réponses à la hauteur des enjeux dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

En dépit de ces réserves, je constate avec satisfaction que le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire comprend des apports sénatoriaux très substantiels. La commission des affaires économiques, dont je remercie la présidente, Sophie Primas, et tous les autres membres, a donc su faire progresser sa vision singulière des conditions de réussite de la transition énergétique.

Nous en sommes convaincus : cette transition ne pourra aboutir que soutenue par des objectifs ambitieux et crédibles de diversification de notre mix, qui doivent être déterminés par le Parlement et non par un cénacle d’experts ; elle requiert des normes aussi simples que possible, qui privilégient la confiance plutôt que la contrainte, l’incitation économique plutôt que l’alourdissement fiscal, le droit souple plutôt que l’étouffement normatif ; elle repose avant tout sur des actions décentralisées, mises en œuvre par nos entreprises et nos collectivités territoriales, mais aussi par les citoyens, autour d’un État facilitateur, garant de la cohésion sociale et de la solidarité entre les territoires ; enfin, elle suppose comme horizon partagé la promotion de nouveaux modes de production et de consommation plutôt que le renoncement à la croissance économique et, in fine, au progrès social.

C’est dans cet esprit que nous nous sommes efforcés d’infléchir et d’enrichir le texte, en agissant dans quatre directions.

En premier lieu, le Sénat a notablement relevé les objectifs de la politique énergétique nationale, afin d’adresser un signal fort en direction de la structuration des filières de l’économie verte. C’est sur son initiative qu’ont été inscrites dans le code de l’énergie des orientations visant notamment à encourager la petite hydroélectricité, à porter le rythme d’attribution des appels d’offres pour l’éolien en mer à 1 gigawatt par an d’ici à 2024, à atteindre 20 à 40 % d’hydrogène vert dans la consommation totale d’hydrogène en 2030 et à valoriser la biomasse à des fins de production d’énergie, en maintenant la priorité donnée à la production alimentaire. Ces objectifs offriront aux acteurs économiques la visibilité qu’ils sont en droit d’attendre.

En deuxième lieu, le Sénat a substantiellement renforcé la loi quinquennale qui déterminera, dès 2023, notre politique énergétique.

En particulier, il a étendu le périmètre de ce texte à la rénovation énergétique des bâtiments – songez que le bâtiment représente 45 % de notre consommation d’énergie – et à l’autonomie énergétique des outre-mer, sujet très important, mais qui avait été oublié – les énergies renouvelables sont sur ces territoires inégalement développées, leur part dans la production d’énergie variant de 10 à 60 %.

Dans le même ordre d’idées, le Sénat a prévu la fixation par cette loi des volumes maximal et minimal des certificats d’économies d’énergie, les CEE. Il s’agit d’une avancée majeure pour le Parlement, mais aussi pour les consommateurs, puisque ces certificats concentrent un volume financier de plus de 3 milliards d’euros, soit 3 à 4 % de la facture d’énergie.

Convaincu de la nécessité d’inverser la hiérarchie des normes en matière énergétique, le Sénat a établi la primauté de la loi quinquennale sur les autres documents de planification, à commencer par la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, et la stratégie nationale bas-carbone. Face aux changements climatiques, qui posent aussi un défi démocratique, il a ainsi voulu affirmer la préséance du législateur sur le pouvoir réglementaire, de la politique sur la technique.

Notre dernier apport notable à la loi quinquennale consiste en l’évaluation dont elle fera l’objet lors de chaque projet de loi de finances initiale. En complétant ainsi l’information budgétaire des parlementaires, notre assemblée a souhaité que les orientations fixées par la loi, qui ne sauraient rester déclamatoires, puissent être déclinées concrètement.

En troisième lieu, loin de se cantonner aux objectifs et aux outils de pilotage, le Sénat a conforté également l’action des pouvoirs publics en faveur des projets d’énergie renouvelable.

Ainsi, il a prévu la prise en compte systématique du bilan carbone dans les appels d’offres, qui contribuera à lutter contre le dumping environnemental auquel peuvent être confrontés les industriels. Puisse une véritable stratégie industrielle en matière d’énergies renouvelables voir le jour dans notre pays !

Outre ce principe, le Sénat a introduit des dispositifs de soutien pour l’hydrogène vert et le biogaz et étendu ceux qu’a adoptés l’Assemblée nationale pour l’hydroélectricité et le photovoltaïque. Dans le même esprit, il a assoupli les conditions de mise en œuvre des projets d’autoconsommation par les organismes d’HLM.

En dernier lieu, notre assemblée a veillé à accompagner l’ensemble des parties prenantes, des entreprises aux collectivités territoriales, une préoccupation qui l’a d’abord conduite à adopter des mesures d’accompagnement pour les salariés touchés par la fermeture des centrales à charbon.

Le Sénat a aussi cherché à consolider les ressources d’EDF, tout en préservant un coût compétitif pour les consommateurs, en prévoyant que le prix de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique, l’Arenh, pourra être révisé en fonction de l’inflation. Il appartiendra au Gouvernement de fixer par voie réglementaire un prix et un niveau d’Arenh adéquats, dans le respect de trois exigences : une juste rémunération du parc nucléaire et la possibilité de disposer d’offres alternatives, mais, avant tout, un prix bon marché pour les consommateurs.

Au-delà de cette mesure ponctuelle, la commission des affaires économiques sera très attentive au projet de réorganisation d’EDF, opportunément dénommé « Hercule », étant donné l’ampleur de l’objectif visé, mais aussi de l’inquiétude suscitée.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Plus largement, notre commission fera preuve d’une grande vigilance sur l’évolution de la filière nucléaire, à l’heure où l’abandon du projet de réacteur de quatrième génération, Astrid, fait augurer une baisse regrettable de notre ambition scientifique dans ce domaine.

Mais l’effort d’accompagnement voulu par le Sénat va bien au-delà des salariés et des opérateurs du secteur de l’énergie. En effet, notre assemblée a été soucieuse de ne pas faire peser sur les entreprises des contraintes administratives irréalistes : nous avons recherché une transposition a minima de celles qui découlent du droit européen.

S’agissant des collectivités territoriales, le texte offre aux élus locaux, notamment aux maires, une boîte à outils qui leur sera très utile pour faire de la transition énergétique un levier de développement local au cœur de nos territoires. Par exemple, les communes pourront financer leurs travaux de rénovation avec des CEE, contribuer plus aisément à des investissements participatifs et recevoir gratuitement des dispositifs de garantie d’origine.

Tels sont, en substance, les principaux apports du Sénat à ce projet de loi.

Madame la présidente, mes chers collègues, je forme le vœu que la loi qui résultera de nos travaux soit la dernière du genre, car, face à la crise climatique, il n’est plus possible que le Parlement légifère dans l’urgence, sur la base d’évolutions décidées à l’avance dans les projets de programmation pluriannuelle de l’énergie et de stratégie bas-carbone.

C’est donc opportunément que la loi quinquennale apportera à notre politique énergétique la clarté dont elle a besoin : un calendrier prévisible, un champ exhaustif et une portée précisément définie. Je souhaite qu’elle contribue puissamment à inscrire le Parlement au cœur des enjeux énergétiques et climatiques. Il y va du devenir de notre modèle socio-économique, mais aussi, je le crois, de celui de nos institutions démocratiques !

Dans cette perspective, mes chers collègues, la commission des affaires économiques vous invite à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, ainsi que les six amendements, de nature purement technique, qui lui sont joints. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques et M. Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui nous réunit ce matin sera un texte important pour notre politique climatique et énergétique. Il constitue un nouveau pilier de nos objectifs énergétiques et climatiques. Il inscrit pour la première fois la neutralité carbone au niveau législatif.

Plus important encore, il nous donne de nouveaux leviers pour atteindre ces objectifs : réduire nos émissions de gaz à effet de serre, diminuer nos consommations, développer les énergies renouvelables et lutter contre les passoires thermiques.

On avait reproché à ce projet de loi sa brièveté ; les débats ont permis de l’enrichir. Je salue le travail des parlementaires pour le renforcer et le compléter. Je remercie également la commission mixte paritaire du remarquable travail qu’elle a mené, afin d’aboutir au texte qui vous est soumis ce matin, adopté par l’Assemblée nationale le 11 septembre dernier.

L’engagement pour relever le défi climatique, mesdames, messieurs les sénateurs, nous le partageons. C’est bien pourquoi le Président de la République a placé l’écologie au cœur de l’acte II du quinquennat. Comme il l’a rappelé à l’Assemblée générale des Nations unies ces derniers jours, nous devons mettre l’impératif climatique au cœur de toutes nos stratégies et politiques. C’est pourquoi aussi, comme le Premier ministre vous l’a annoncé en juin dernier, les mois à venir seront ceux de l’accélération écologique.

Cette accélération, vous pouvez compter sur moi pour la mettre en œuvre, et pour le faire avec vous. Forts de la prise de conscience de tous sur les sujets écologiques, nous devons être déterminés. Je le suis, pour trouver des réponses concrètes et réaliser les transformations nécessaires. Ces réponses, nous devons les construire collectivement, parce que la transition écologique et solidaire est l’affaire de tous.

Avec ce texte, la direction est claire : atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle. Pour y parvenir, il nous faut dès à présent redoubler d’efforts.

Il s’agit, d’abord, de réduire notre dépendance aux énergies fossiles en accélérant la diminution de leur consommation : ce texte prévoit une réduction plus rapide, de 40 %, et non plus de 30 %, d’ici à 2030. La transition écologique n’est pas compatible avec ces énergies fossiles. C’est pourquoi, grâce à ce texte, nous fermerons les quatre dernières centrales à charbon de métropole, ce qui évitera le rejet de 10 millions de tonnes de CO2 chaque année. Mais le texte ne se contente pas d’assurer l’arrêt des centrales : il nous donne les moyens d’accompagner les territoires et les salariés – chose indispensable, car la transition écologique ne sera possible que si elle est solidaire.

M. Roland Courteau. C’est certain !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Pour atteindre la neutralité carbone et les 33 % d’énergie renouvelable dans notre mix énergétique en 2030, il nous faut accélérer. Telle est l’ambition de ce projet de loi, qui, d’une part, précise et élargit les obligations d’installation de panneaux photovoltaïques en toiture et, d’autre part, permet leur installation sur les délaissés autoroutiers.

La France s’engage pleinement dans le développement à grande échelle des énergies renouvelables. Ainsi, nous allons accélérer le déploiement de l’éolien en mer. Après avoir attribué 600 mégawatts en juin dernier, nous visons de porter à 1 gigawatt la capacité d’éolien en mer attribuée chaque année d’ici à 2024. La filière industrielle a maintenant toutes les cartes en main pour démontrer que la transition écologique est bonne aussi pour les territoires et pour les emplois.

La chaleur constitue également un vecteur important de diversification de notre mix énergétique. À compter de 2022, les réseaux de chaleur seront automatiquement classés, afin de systématiser le recours à ces derniers quand ils existent.

Toutes ces ambitions ne se réaliseront pas sans une révision de la gouvernance et de l’évaluation de notre politique climatique.

C’est pourquoi le présent texte crée le Haut Conseil pour le climat, instance d’expertise scientifique indépendante capable d’analyser l’ensemble des politiques publiques et qui pourra se prononcer sur leur conformité à nos objectifs. C’est un gage de transparence pour l’État et un outil pour nourrir le débat public.

Je me réjouis également du rôle accru qu’exercera le Parlement en la matière : à partir de 2023, il établira tous les cinq ans les principaux objectifs de notre politique énergétique. Si la transition écologique est l’affaire de tous, elle est, évidemment, l’affaire de la représentation nationale.

Évaluer l’impact écologique de nos politiques, c’est aussi évaluer l’incidence environnementale de nos lois de finances, en particulier leur compatibilité avec les engagements de la France – je pense singulièrement à l’accord de Paris. Le « budget vert » était un engagement pris lors du premier Conseil de défense écologique ; il est maintenant inscrit dans la loi.

Il s’agit là d’une démarche inédite. Le rapport rendu hier par l’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’environnement et du développement durable apporte une première contribution méthodologique à cette démarche, qu’il convient maintenant d’affiner. La finalité est claire : nous assurer que notre budget nous permet de respecter nos engagements, notamment l’accord de Paris. Mes collègues et moi-même nous sommes donné pour objectif de parvenir à une présentation verte du budget d’ici au projet de loi de finances pour 2021, de concert avec le Haut Conseil pour le climat.

Après avoir parlé d’objectifs et de gouvernance, je souhaite insister sur un élément très concret de ce texte : la lutte contre les passoires thermiques, parfaite illustration de l’ambition d’une écologie qui apporte des réponses concrètes pour améliorer le quotidien.

Le logement représente plus du quart de notre consommation énergétique. Nous ne pourrons donc pas réussir la transition énergétique sans nous attaquer à la rénovation énergétique du secteur résidentiel.

Alors que 4 millions de ménages modestes vivent dans des passoires thermiques et que près de 15 % des Français ont froid l’hiver dans leur logement, il s’agit d’un enjeu majeur pour la transition énergétique, mais aussi pour la qualité de vie des Français et pour leur pouvoir d’achat.

Nous avons un objectif clair : la fin des passoires thermiques en 2028. Le texte prévoit un déploiement progressif des obligations de rénovation pour permettre aux propriétaires de s’adapter. Il ne s’agit pas de mettre en difficulté des millions de foyers. Il nous faut accompagner les ménages, mieux les informer et leur donner confiance dans la rénovation énergétique. Les audits seront obligatoires dès 2022 pour les passoires thermiques, afin de connaître les travaux à réaliser pour améliorer la performance énergétique de ces logements.

Sur ce pilier majeur de la transition, nous ne pouvons pas laisser des pratiques douteuses et de mauvaises rénovations instiller le doute chez nos concitoyens. C’est pourquoi ce texte renforce également la lutte contre la fraude aux certificats d’économies d’énergie, pour que chaque rénovation soit réellement utile pour les occupants des logements et pour le climat.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis plusieurs mois, les marches pour le climat s’intensifient. Vendredi dernier, à Paris et dans le monde entier, notre jeunesse nous a de nouveau exhortés à agir. La mobilisation de l’ensemble de la société pour l’urgence climatique est de plus en plus visible. Comme un symbole, ce texte a été examiné à l’Assemblée nationale pendant la période de canicule de la fin du mois de juin, et la commission mixte paritaire s’est réunie alors que les températures atteignaient 45 degrés.

Aujourd’hui, avec ce texte, la représentation nationale et le Gouvernement décrètent l’urgence écologique et climatique et y apportent des réponses concrètes. Pour être au rendez-vous du défi de la transition écologique, nous avons la responsabilité d’agir sur tous les leviers, du plus petit au plus grand, de l’individuel au collectif, de l’isolation thermique des logements à la fermeture des centrales à charbon. Telle est notre ambition !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’actualité ne pourrait davantage nous rappeler à cet impératif qui irrigue notre société civile et nos politiques publiques : l’urgence climatique.

À cet égard, un effort de pédagogie sur la politique énergétique permettrait de contrebalancer le désintéressement présumé des responsables politiques vis-à-vis des questions environnementales, énergétiques et climatiques.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Jean-François Longeot. Car ce projet de loi entend bien, dans la continuité du plan climat présenté par le Gouvernement en 2017, concrétiser l’ambition française de la transition écologique, au moment où, dans ce même hémicycle, nous travaillons en parallèle à un changement de modèle économique du linéaire vers le circulaire.

Sur la forme, je salue le travail de concertation entre l’Assemblée nationale et le Sénat et me félicite que cette concertation ait permis d’aboutir à une commission mixte paritaire conclusive. À l’heure où nos concitoyens attendent des réponses rapides et des engagements ambitieux, il aurait été inadmissible de se perdre dans une procédure sans fin qui, au bout du compte, aurait lassé nos concitoyens. J’espère que la mise en place d’une loi quinquennale fixant les grands objectifs de la politique énergétique fera perdurer cet esprit de coconstruction parlementaire et de bicamérisme éclairé.

Je tiens également, madame Primas, à féliciter la commission des affaires économiques pour son travail exemplaire, ainsi que vous-même, monsieur le rapporteur, pour vos travaux scrupuleux.

Sur le fond, le groupe Union Centriste est satisfait des avancées contenues dans ce projet de loi, qui entérine la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, développe de nouveaux outils de pilotage de la politique climatique et renforce la maîtrise du prix de l’énergie.

Le rapporteur l’a très bien expliqué : ce texte replace le rôle du Parlement sur la politique stratégique en matière d’énergie et de climat, en actualisant les objectifs de la politique énergétique de la France, notamment en prévoyant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2020, de baisser de 40 %, et non plus seulement de 30 %, la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030, et de fermer les dernières centrales à charbon.

Sur ce dernier point, j’attire l’attention du Gouvernement sur la responsabilité qui lui incombe de prodiguer un accompagnement spécifique aux salariés qui verront leur emploi supprimé et de prendre en compte dans les mesures de reclassement les différents statuts – salariés des exploitants affectés aux installations et salariés des sous-traitants.

Le groupe Union Centriste se félicite également des apports du Sénat à ce projet de loi, en particulier pour encourager le développement de sources d’énergie alternatives dans le mix énergétique national, qu’il s’agisse de l’hydroélectricité, du biogaz, de l’éolien ou du recours facilité à un plus grand nombre d’installations photovoltaïques.

Le Sénat a aussi fait des propositions visant à encourager la montée en puissance des acteurs locaux, en facilitant les projets d’autoconsommation collective, en renforçant la cohérence entre les schémas directeurs des réseaux de chaleur ou de froid et les plans locaux d’urbanisme et en mettant en œuvre des programmes de rénovation des bâtiments au bénéfice des collectivités territoriales.

Sur cette question de la rénovation thermique des logements, permettez-moi d’exprimer une certaine déception. Car si notre gouvernement affiche l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050, cela implique à la fois d’optimiser la consommation d’énergie et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Or le secteur du bâtiment représente à lui seul 43 % de la consommation d’énergie finale en France. Aucune politique de développement durable ne s’accomplira donc sans une amélioration notable de l’efficacité énergétique des bâtiments, par conséquent sans un ambitieux effort de rénovation.

De même, la question de ce que nous avons coutume d’appeler les passoires thermiques souligne la résonance entre précarité énergétique et inégalités sociales : la transition écologique peut et doit être au service des plus défavorisés, pour améliorer leurs conditions de vie et réduire les inégalités.

M. Roland Courteau. Très juste !

M. Jean-François Longeot. Si le dispositif retenu au terme de nos débats, en trois phases – incitation, obligation, sanction –, et l’intégration de critères de performance énergétique dans la définition d’un logement décent constituent de premières avancées, celles-ci restent bien éloignées des promesses du candidat Macron.

M. Jean-François Longeot. L’examen prochain du projet de loi de finances sera l’occasion pour le Gouvernement de manifester et de traduire dans les faits son ambition en matière d’action contre les passoires thermiques.

Plusieurs enseignements sont à tirer de ce projet de loi et, plus globalement, de la stratégie nationale bas-carbone, de la programmation pluriannuelle de l’énergie et des politiques publiques qui en découlent.

Tout d’abord, le financement de ces politiques repose essentiellement sur le consommateur final, ce qui rend l’effort supplémentaire pour le financement de la transition écologique moins acceptable par nos concitoyens et explique l’impératif de pédagogie que j’ai évoqué au début de mon intervention. La remise en cause de l’augmentation de la taxe carbone en est un exemple criant.

Par la suite, de telles politiques publiques devront s’accompagner d’un pendant industriel permettant l’émergence de technologies et de filières nationales stratégiques et favorisant le développement de programmes d’alliances industrielles sur le modèle de l’« Airbus des batteries ».

Enfin, les mesures contenues dans le présent projet de loi, fortement axées sur l’offre, pourraient être complétées par un volet consacré aux économies d’énergie, puisque l’énergie la moins carbonée reste celle qui n’est pas produite…

Madame la présidente, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera ce texte qui va dans la bonne direction et réaffirme l’ambition de notre politique énergétique. Mais ne nous voilons pas la face : les enjeux et défis sont si transversaux qu’il importe d’agir avec la même ambition et la même exigence dans d’autres domaines, qu’il s’agisse des mobilités, de l’économie circulaire, du verdissement de notre budget, ou encore d’une politique européenne ambitieuse dans ce domaine. À cet égard, je me réjouis que la nouvelle commission européenne ait promis la première loi européenne pour le climat, afin de faire de l’Union européenne le premier continent neutre en carbone dès 2050 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur et Mme Noëlle Rauscent applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce matin entend répondre à l’urgence climatique par la redéfinition de la politique énergétique de la France.

Nous n’avons certes pas de temps à perdre. Cependant, nous regrettons que le Sénat ait été contraint d’examiner ce projet de loi relatif à l’énergie et au climat dans un temps si restreint. À ce titre, je tiens à saluer le travail remarquable de notre rapporteur, cher Daniel Gremillet.

Malgré ces difficultés, nous nous sommes attachés à enrichir ce texte. La première lecture en a d’ailleurs considérablement augmenté le nombre d’articles. La commission mixte paritaire a réalisé un travail remarquable en parvenant à un accord qui, a priori, n’allait pas forcément de soi.

Un élément fondamental a cependant fait consensus dans les deux assemblées, il convient de s’en féliciter : l’Assemblée nationale et le Sénat ont rappelé qu’il appartient dorénavant au Parlement de déterminer la stratégie. Ce sera désormais le cas, puisqu’à partir de 2023 nous fixerons tous les cinq ans les objectifs de la politique énergétique de la France.

Le projet de loi comporte des dispositions qui vont, selon nous, dans le bon sens. Parmi celles-ci, l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 nous paraît extrêmement important, de même que celui de réduction à 40 % de la part des énergies fossiles.

Nous soutenons également la composition d’un bouquet énergétique provenant de différentes sources permettant d’assurer une complémentarité, mais aussi une fiabilité de l’approvisionnement énergétique. Ce bouquet doit comprendre une part croissante d’énergies renouvelables, afin de lier les exigences environnementales et énergétiques. À cet égard, nous avons exprimé notre attachement à la production hydroélectrique et à celle de biogaz.

Ces énergies doivent faire l’objet d’une régulation. Nous nous réjouissons ainsi que la garantie d’origine pour les biogaz soit mise en place, et que des panneaux solaires ne puissent pas être installés sur les sites dégradés des zones littorales, nos littoraux devant être préservés.

Nous croyons aussi que le développement des énergies renouvelables doit se faire au côté de l’énergie nucléaire. La France dispose en effet d’un atout majeur dans la production d’électricité décarbonée. En 2016, la production française d’électricité générait ainsi cinq fois moins de CO2 que la moyenne de l’Union européenne ; il faut savoir le rappeler.

L’énergie nucléaire doit cependant être elle aussi strictement encadrée : il ne faudrait pas que le prolongement de l’exploitation des centrales se fasse au détriment de la sécurité.

Enfin, le renforcement des contrôles contre la fraude aux certificats d’économies d’énergie nous paraît nécessaire. Il faudra cependant veiller à assurer une visibilité et une stabilité du dispositif pour les acteurs vertueux de ce système qui fonctionne.

Pour s’accorder sur une version commune, il a fallu parvenir à des compromis. Il demeure ainsi des points qui auraient pu être améliorés. Au sujet notamment des certificats d’économies d’énergie, il nous semblait légitime que le Parlement, et non l’exécutif, décide du volume. De même, nous aurions souhaité que la possibilité pour les parlementaires de saisir le Haut Conseil pour le climat soit conservée. Nous regrettons aussi qu’il ne soit plus prévu qu’un membre du Haut Conseil soit saisi en fonction de ses connaissances sur les impacts du dérèglement climatique dans les territoires ultramarins, territoires particulièrement exposés.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte issu des travaux la commission mixte paritaire parce qu’il contient des mesures utiles à la protection de l’environnement. Nous sommes néanmoins conscients qu’il reste encore beaucoup à faire en la matière, notamment dans le cadre de la rénovation énergétique des bâtiments et des logements, pour lutter contre les passoires thermiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et au banc des commissions.)