M. François Bonhomme. On attend toujours Sivens !

Mme Élisabeth Borne, ministre. C’est donc dans cette démarche que le Gouvernement se place pour avancer sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Selon l’Agence parisienne du climat et Météo France, la Ville de Paris va être particulièrement impactée par le dérèglement climatique. Du fait de son tissu urbain très dense, la ville génère un microclimat urbain dit « îlot de chaleur urbain » – mon collègue Roger Karoutchi en a parlé. Les augmentations de températures de 2 à 4 degrés prévues d’ici à 2050 et les canicules de plus en plus fréquentes seront donc encore plus difficiles à vivre pour les Parisiens.

En outre, d’après une étude de septembre 2019 de Se Loger, Paris est la ville française où l’isolation et la consommation énergétique des logements laissent le plus à désirer, avec une consommation annuelle moyenne d’énergie de 242 kilowattheures au mètre carré, soit une étiquette énergie E. En période de canicule, comme en période de vague de froid, la majorité des Parisiens peinent déjà à maintenir leur logement à une température décente, et je parle en connaissance de cause !

Les contraintes administratives, notamment dans le cadre de la rénovation énergétique de copropriété, n’améliorent pas cette situation. En effet, seuls des travaux de rénovation énergétique pourront garantir aux Parisiens un confort d’été et d’hiver. Il est donc indispensable que l’État maintienne et intensifie les outils d’incitations.

Je m’étonne donc de l’inscription dans le projet de loi de finances de la transformation du CITE en une prime attribuée en fonction des revenus des ménages. Ce nouveau dispositif ne va pas dans le sens de la lutte contre les passoires énergétiques et de l’objectif fixé par le Gouvernement, qui prévoit 500 000 rénovations énergétiques de logements par an. L’exclusion de cette prime des ménages des deux derniers déciles de revenus – soit des foyers propriétaires plus enclins à réaliser les travaux que les locataires – et l’absence totale d’aide à la rénovation globale, pourtant la plus efficace, détourne cette réforme de son objectif initial.

Madame la ministre, ma question est donc la suivante : comment le Gouvernement entend-il inciter les Français à adapter leur logement aux changements climatiques sans leur fournir des outils efficaces pour rénover énergétiquement leur habitation ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. À 10 000 euros le mètre carré, les propriétaires parisiens peuvent payer !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. La rénovation thermique des logements est au cœur de notre politique d’atténuation et d’adaptation, tout comme la lutte contre les îlots de chaleur dans nos grandes métropoles. Je peux donc vous assurer de la détermination du Gouvernement à avancer. Certains outils ont d’ailleurs été prévus dans la loi Énergie-climat, notamment la sortie des passoires thermiques à l’horizon de 2028.

Les évolutions des dispositifs d’aides que vous mentionnez visent à renforcer l’efficacité et à accélérer la rénovation énergétique de nos logements. Aujourd’hui, j’en conviens, mener ces projets de rénovation énergétique relève un petit peu du parcours du combattant pour les citoyens.

M. Stéphane Piednoir. C’est sûr !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Pour avoir été préfète de région, je sais la difficulté de traiter un dossier pour lequel il faut conjuguer des aides de l’ANAH, le C2E, les aides des collectivités, le préfinancement du CITE… Tout cela manque de fluidité.

La réforme portée par le Gouvernement vise donc à simplifier les aides et à les rendre plus lisibles. Le contribuable n’aura plus à faire l’avance en attendant le versement, l’année suivante, du crédit d’impôt, car il sera transformé en prime.

Soucieux de porter ces politiques au plus près des territoires, l’État a annoncé que les services de conseil et d’accompagnement seraient dotés de moyens et que 200 millions d’euros de C2E vont être mis à disposition des plateformes de rénovation énergétique.

Je le répète, la détermination du Gouvernement est totale. Nous avons besoin d’un système plus simple, plus juste et plus efficace vers lequel les dispositions contenues dans le projet de loi de finances permettront de tendre.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal.

M. Rachid Temal. Je tiens moi aussi à saluer la qualité du rapport de nos collègues. Grâce à eux, nous pouvons dire que le plus dur reste à faire.

Je souhaite intervenir sur un thème qui vient d’être abordé par ma collègue, celui des passoires énergétiques.

Faute d’avoir les moyens de s’adapter, les premières victimes de cette fracture énergétique restent les plus précaires. Le dérèglement climatique accentue l’inégalité sociale. Je le dis après avoir pris connaissance de plusieurs études selon lesquelles certains de nos compatriotes s’interrogent sur le point de savoir si la priorité revient à la question sociale ou à l’aspect climatique. Les deux sujets étant liés, il faut répondre aux deux !

J’ai choisi cet exemple à dessein : lors de la campagne présidentielle, le programme du candidat Macron annonçait que 7,4 millions de logements seraient interdits à la location à partir de 2025, le but étant de mettre fin aux passoires énergétiques. Or le dispositif mis en œuvre par la loi Énergie-climat a repoussé cette obligation à 2028, tout en évoquant l’éventualité de prendre certaines sanctions, qui restent aujourd’hui floues et ne sont donc pas clairement inscrites dans le marbre.

Quant au financement prévu, madame la ministre, vous avez évoqué l’amélioration du dispositif, qui deviendrait plus lisible. Pour autant, le montant n’est pas au rendez-vous. Les 14 milliards d’euros annoncés sur cinq ans sont loin de l’investissement nécessaire, estimé à 7 milliards d’euros par an par Institute for climate.

Outre ce que vous avez déjà annoncé à propos du projet de loi de finances, ma question est simple : au-delà des mots et de la volonté de simplifier, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre dorénavant pour permettre aux Français de mettre fin à leur passoire énergétique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Je vous rassure, monsieur le sénateur, il y aura un débat sur la loi de finances.

La rénovation thermique des logements est très importante dans notre politique d’adaptation au changement climatique, à la fois pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre et pour assurer un meilleur confort à nos concitoyens. Avec le dérèglement climatique, il faut avoir en tête que ce problème de confort se pose l’hiver, ce à quoi nos réglementations thermiques répondaient jusqu’à présent, mais aussi l’été. Tel est bien le sens de la future réglementation environnementale sur laquelle nous travaillons, qui devra également prendre en compte le confort thermique l’été.

Des dispositions ont été adoptées par le Parlement afin de sortir des passoires thermiques à l’horizon de 2028 et de prendre en compte la réalité de la nécessaire adaptation des propriétaires. Dans la loi Énergie-climat, un dispositif progressif permettra d’atteindre cet objectif sans mettre en difficulté des millions de ménages. Cette politique doit être accompagnée par des outils simples, justes et efficaces, que vous retrouverez dans le projet de loi de finances, dont nous aurons à débattre prochainement avec vous.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.

M. Rachid Temal. Madame la ministre, vous nous dites qu’on ne peut pas parler du projet de loi de finances, mais il est publié, et il constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le débat que nous avons.

J’entends, encore une fois, votre ambition, mais, je vous le redis, vous n’y mettez pas les moyens. C’est le seul point que je voulais aborder.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Le rapport d’information, très précieux et de qualité, met en lumière la baisse du débit moyen annuel des cours d’eau, avec des débits estivaux réduits de 30 % à 60 %. En outre, le nombre de sources qui se sont taries cette année dans les campagnes françaises, c’est du jamais vu !

Je souhaite donc connaître, madame la ministre, les mesures que le Gouvernement entend prendre pour développer les PTGE, les fameux projets de territoire pour la gestion de l’eau, notamment en lien avec l’objectif quantitatif qui a été fixé lors des Assises de l’eau. En effet, vous n’ignorez pas les recours actuellement conduits contre ces PTGE. J’aimerais également savoir quels moyens administratifs et budgétaires le Gouvernement souhaite y consacrer. Un certain nombre de collègues ont évoqué l’importance d’une meilleure sécurisation du dispositif.

Je vous invite à entendre ce que j’appellerai la supplique des territoires, de leurs élus, au nom de la cause agricole. Dans un temps d’agri-bashing, la période est trop grave pour balayer notre supplique d’un revers de main ou céder aux expressions les plus violentes. Il faut remettre de la raison dans le débat, et il est vraiment important que vous et vos collègues adoptiez, pour aborder les enjeux climatiques, notamment autour de l’eau, une vision beaucoup plus panoramique, avec un grand-angle à 360 degrés.

Enfin, quels financements sont-ils prévus, promis et, je l’espère, consacrés aux agences de l’eau, dont l’État a trop longtemps fait les poches ? Il faut vraiment que cela cesse !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Je partage tout à fait votre volonté de remettre de la raison dans le débat sur les ressources en eau comme sur l’incendie qui a récemment frappé l’une de nos grandes métropoles. Oui, il faut ramener de la raison dans le débat et se fonder sur les faits scientifiques !

La France a connu pendant plusieurs mois un épisode de sécheresse sans précédent. Quatre-vingt-huit départements ont été soumis, au moins sur une partie de leur superficie, à des mesures de limitation ou de suspension des usages de l’eau. Quarante-deux départements ont pris des arrêtés de crise, imposant l’arrêt des prélèvements d’eau afin de préserver des usages prioritaires.

L’adaptation au changement climatique nous demande de repenser les différentes composantes, de la prévention des sécheresses à la gestion de crise. Nous devons donc revoir, dans sa globalité, la gestion quantitative de l’eau afin de donner une place privilégiée aux solutions naturelles. Nous devons notamment désartificialiser des sols pour augmenter leur capacité d’infiltration et limiter le ruissellement. Nous devons préserver les milieux humides pour profiter de leur capacité de stockage. Nous devons restaurer des capacités de ralentissement des écoulements par des cours d’eau pour permettre aux espèces aquatiques de résister aux périodes de stress hydrique. Nous devons nous mettre en ordre de marche pour revenir à l’équilibre dans les bassins en déficit structurel d’eau.

Tel est bien le sens de l’instruction du 7 mai 2019, prise conjointement par le ministère de l’agriculture et celui dont j’ai la charge. Elle institue une nouvelle démarche collective en vue de rééquilibrer les besoins en eau à l’étiage et la disponibilité de la ressource en eau. Elle invite aussi à réaliser des projets territoriaux pour la gestion de l’eau fondés sur des approches destinées à identifier et limiter les usages de l’eau en faisant preuve de sobriété, en mettant en œuvre des pratiques moins dépendantes de l’eau et des actions de restauration, et en se servant de l’innovation technique. Elle prévoit également la possibilité de réaliser des réserves de substitution. Ainsi, il est prévu, sur la période 2019-2024, que les agences de l’eau apportent 5,1 milliards d’euros pour favoriser l’adaptation au changement climatique, préserver les milieux et réduire les pollutions.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Madame la ministre, vous verrez que le Gouvernement n’échappera pas à une évolution de sa posture. Il devra s’engager dans de nouvelles directions, en déployant au bénéfice des territoires des moyens financiers, structurels, solides et inscrits dans la durée.

Vous l’avez dit, la vision transversale comporte quantité d’enjeux : la santé publique, l’environnement, l’aménagement du territoire, la protection de la biodiversité, l’agriculture, sans oublier nos concitoyens.

Je terminerai en disant que j’ai compris votre allusion à l’épisode de pollution provoqué par l’incendie à Rouen. Qu’on soit bien clair, je ne mets en cause personne. Je pense simplement que, quand on attend cinq jours et qu’on a cinq expressions différentes, il y a des doutes. Vous allez voir que les analyses de l’air vont démontrer, contrairement au communiqué,…

M. le président. Merci, monsieur Husson !

M. Jean-François Husson. … qui est aujourd’hui inexact, qu’il y a un danger pour la population.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Je veux remercier à mon tour nos collègues pour l’excellence de ce rapport.

Nous connaissons les conséquences du dérèglement climatique en France, qui sont désastreuses, notamment pour la santé.

Je voudrais aborder un sujet en particulier, celui de la pollution de l’air et des risques qu’elle entraîne sur la santé de nos concitoyens.

Les risques liés à la pollution de l’air sont nombreux. Ils le sont en particulier pour les enfants en raison de l’immaturité de leur organisme et de la fréquence de leur respiration, plus élevée que chez l’adulte. C’est le cas de Timon, neuf ans, qui souffre depuis 2011 de bronchites et de toux liées à la pollution atmosphérique dans l’agglomération lyonnaise, fortement touchée par les concentrations en particules fines. Statuant sur une demande de réparation des parents de l’enfant, le tribunal administratif avait ainsi qualifié l’État de « fautif ».

L’Unicef, qui rappelle que la principale source de pollution atmosphérique dans nos villes est le trafic automobile, fait état d’un chiffre plus qu’alarmant : trois enfants sur quatre respireraient un air pollué en France.

Deux autres études montrent également que la pollution de l’air accroît le risque de mortalité infantile et réduit la fonction pulmonaire.

Les enfants sont exposés à cette pollution au sein même des écoles de la République. En effet, la majorité des lieux d’accueil pour enfants se trouvant à proximité d’axes routiers, leur exposition à un air pollué est donc accentuée. Pourtant, des solutions existent : elles consistent à soutenir les collectivités pour développer des réseaux de mobilités plus propres, à généraliser les zones à faibles émissions dans les villes ou encore à diminuer le trafic routier à proximité immédiate des établissements scolaires.

Madame la ministre, face à l’urgence sanitaire, l’État a la responsabilité d’agir pour protéger les Français, les plus vulnérables en particulier. Aussi, pouvez-vous ici nous indiquer quelles mesures concrètes le Gouvernement mettra en œuvre durant le quinquennat pour prévenir les risques sanitaires majeurs et sensibiliser la population ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Votre question nous éloigne un tout petit peu de l’adaptation au changement climatique. Cela étant, vous auriez pu évoquer la pollution à l’ozone, qui, pour le coup, est liée aux épisodes d’ensoleillement très importants, notamment aux canicules. Les épisodes de canicule que notre pays a connus se sont, en plus, accompagnés de pics de pollution à l’ozone.

Pour vous répondre sur la question de la qualité de l’air, qui me tient évidemment à cœur, je rappelle que notre pays était en retard dans le déploiement d’un outil qui a pourtant prouvé son efficacité chez nos voisins, les zones à faibles émissions. La loi Mobilités, dont je suis heureuse de reparler, prévoit précisément la mise en place de zones à faibles émissions.

Lorsque je suis entrée au Gouvernement, la France comptait deux zones à circulation restreinte. Quinze métropoles ont répondu à l’appel que nous avons lancé à l’été 2018. Nous accompagnons désormais vingt-trois territoires sur lesquels vivent 17 millions de Français dans la mise en place de zones à faibles émissions. Cet outil est consolidé par la loi Mobilités, dont vous aurez à reparler prochainement ici en nouvelle lecture. En outre, il est prévu de déployer des moyens de vidéoverbalisation, puis de contrôle-sanction automatiques, qui devraient se mettre en œuvre respectivement à l’été 2020 et à l’été 2021.

Je partage tout à fait votre préoccupation, qui est importante, même si elle n’est pas directement liée à l’adaptation au changement climatique. Nous devons agir en mettant en place ces zones à faibles émissions. Il faut mettre en œuvre une politique visant résolument à proposer des alternatives à l’usage de la voiture individuelle, dans nos métropoles, mais aussi sur le reste de notre territoire, là où nos concitoyens peuvent souffrir d’être dépendants de la voiture individuelle.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour la réplique.

M. Xavier Iacovelli. Je pense, au contraire, que tout est lié. L’utilisation de la voiture, qui augmente la pollution, est aussi l’une des causes du dérèglement climatique. Ma question avait donc toute sa place dans ce débat.

Je voudrais juste préciser qu’une autre étude, américaine cette fois, démontre que la pollution de l’air, néfaste pour l’organisme, pourrait, de plus, engendrer des troubles psychiatriques chez les enfants.

Bien sûr, la question de la pollution de l’air, qui est globale et nécessite une politique publique à long terme, ne se réglera pas en un quinquennat. Mais nous devons agir tous ensemble – collectivités, État – pour faire en sorte d’offrir un air pur à nos enfants, ainsi qu’aux moins jeunes.

M. Jean-François Husson. Lisez notre rapport !

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël.

Mme Sylviane Noël. Permettez-moi, tout d’abord, de féliciter mes collègues pour la qualité de leur rapport. Celui-ci traite à plusieurs reprises des conséquences graves et rapides du changement climatique en zone de montagne.

J’aimerais, à cet instant, revenir sur un enjeu majeur, qui aura un impact dépassant largement les zones de montagne. Il s’agit des débits d’eau.

Il y a tout juste une semaine, le GIEC dévoilait son rapport spécial sur les océans et la cryosphère. Pour les glaciers, les prévisions sont alarmistes : 80 % de la surface des glaciers aura disparu en 2100 si les émissions continuent sur cette tendance. Or « tous les grands fleuves européens prennent leur source en montage ». Les Alpes assurent ainsi 34 % du débit moyen du Rhin, 40 % de celui du Rhône et 53 % de celui du Pô.

D’ici à 2100, le réchauffement climatique devrait faire grossir les débits de ces fleuves de 20 % en hiver, les réduire de 17 % au printemps et jusqu’à 50 % en été. En d’autres termes, les populations vivant dans les plaines seront soumises à des risques accrus d’inondation en hiver et de sécheresse en été.

Cela me conduit, madame la ministre, à vous alerter sur deux sujets d’actualité.

Tout d’abord, la perspective d’ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques nous fait redouter les conséquences sur la bonne maîtrise de gestion des crues et de soutien d’étiage.

Ensuite, face à la multiplication des phénomènes violents et extrêmes, en montagne certainement plus qu’ailleurs, je vous rappelle l’impérieuse nécessité de préserver les stations locales de Météo France, comme celles de Chamonix, de Bourg-Saint-Maurice ou de Briançon,…

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Sylviane Noël. … encore menacées à ce jour. Au-delà de leur fonction de prévision météo, ces antennes locales sont incarnées par des agents qui disposent de la connaissance indispensable du territoire, de ses zones à risque, ainsi que de l’évolution des conditions nivologiques en période de crise. Elles fournissent, depuis des décennies et de manière irremplaçable, une prévision météo déterminante pour prévenir la survenance d’événements climatiques pouvant affecter la sécurité des populations.

Dans ces circonstances, la délocalisation de ces trois antennes locales vers un centre grenoblois serait un non-sens qui affecterait gravement le niveau de prévision et, donc, l’adaptation des mesures pour parer à ces événements climatiques. Je souhaiterais donc connaître votre position sur ces sujets. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous avez raison de souligner que la gestion des concessions hydroélectriques doit prendre en compte de multiples enjeux : la gestion proprement dite de la production d’électricité, mais aussi des rôles d’aménagement du territoire et de gestion hydraulique. C’est bien la complexité de ces différentes fonctions que nous mettons en avant dans nos échanges en cours avec la Commission européenne sur le devenir de nos concessions hydroélectriques. C’est également ce que nous avions mis en avant dans les discussions qui ont été conduites sur la prolongation de la concession de la CNR.

Je partage donc tout à fait votre avis sur l’importance de ces concessions d’hydroélectricité, dont le rôle va très au-delà de la simple production d’électricité, qui ne peut pas être appréhendée sous ce seul prisme.

S’agissant de Météo France, l’entreprise a travaillé sur un projet stratégique qui vise à une amélioration des techniques et des modélisations en réfléchissant notamment à la mise en place d’un nouveau calculateur. Nous allons accompagner l’établissement dans ses investissements. Ces nouveaux outils technologiques au service d’une meilleure prévision météo pour l’ensemble de nos concitoyens ont forcément des conséquences sur l’organisation de Météo France, en particulier sur son implantation territoriale.

J’ai bien en tête la présence d’agents à Bourg-Saint-Maurice, à Chamonix ou à Briançon. Les réflexions sur la réorganisation de Météo France, fondée sur des nouveaux outils, peuvent conduire à remettre en cause des implantations locales, mais le sujet des Alpes est pris très au sérieux. Des échanges se tiendront dans les prochains jours avec la nouvelle présidente-directrice générale de Météo France et les élus afin de voir quelles solutions peuvent être trouvées pour les agents actuellement présents dans ces communes.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Parmi les recommandations de l’excellent rapport de nos collègues, plusieurs d’entre elles convergent vers une nécessaire optimisation de la politique de rénovation thermique des logements et, plus globalement, des bâtiments. Je ne vais pas revenir sur le mauvais signal envoyé avec la réduction du crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui a été évoqué par notre collègue Céline Boulay-Espéronnier.

Au croisement des politiques d’atténuation et d’adaptation, qu’il ne faut plus opposer, une véritable impulsion me semble nécessaire pour atteindre l’un des objectifs souvent cité en la matière : un rythme de 500 000 rénovations de logements par an. Pour cela, il faut clarifier le rôle des différentes structures et des différents acteurs dans le domaine et les accompagner. Or, aujourd’hui, les initiatives sont multiples et, en définitive, souvent illisibles, voire suspectes aux yeux du grand public. Vous l’avez vous-même évoqué, madame la ministre, c’est un véritable parcours du combattant.

Comme vos collègues Emmanuelle Wargon et Julien Denormandie, que j’ai eu l’occasion d’interpeller à ce sujet lors d’un congrès à Angers, vous citez les régions et les intercommunalités pour assumer ce rôle de pilote sur des programmes d’actions concrètes, que l’on ne trouve pas toujours, tant s’en faut, dans les Sraddet, les PCAET ou d’autres documents régulièrement produits mais qui peinent véritablement à être traduits de manière opérationnelle. L’idéal serait sans doute de couvrir l’ensemble du territoire de structures portées par les collectivités, à l’instar des ALEC, les agences locales de l’énergie et du climat, et, surtout, dotées de moyens humains et financiers pérennes, qui ne seraient pas soumis aux fluctuations de financements de l’Ademe, avec la fixation d’objectifs réalistes. De manière complémentaire, cette ambition me semble devoir être partagée avec les professionnels de la construction, perdus, eux aussi, parmi les labels et autres normes qu’on leur propose ou impose trop souvent.

Madame la ministre, quelle est votre vision territoriale de la décentralisation des politiques publiques dans le domaine de la rénovation thermique ?

M. le président. Merci de conclure, cher collègue !

M. Stéphane Piednoir. Qu’en est-il du plan, annoncé par vos collègues, de rénovation des établissements scolaires, qui sont souvent de véritables passoires thermiques ? (M. Jean-François Husson applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous avez raison de souligner que la rénovation énergétique des bâtiments en général est un enjeu majeur dans notre politique d’atténuation. Je le rappelle, le bâtiment représente 45 % de notre consommation énergétique et 27 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Cela montre à quel point ce secteur joue un rôle crucial pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les bâtiments publics doivent être exemplaires. Un certain nombre de dispositifs ont été prévus pour accompagner les collectivités, notamment des prêts de la Caisse des dépôts et consignations et des soutiens au travers de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL.

Je fais le constat que, dans certains départements, les actions de rénovation énergétique des écoles ont été largement engagées. Tel n’est pas le cas sur l’ensemble du territoire. Je pense qu’on peut s’interroger sur la façon de donner une plus forte dynamique à ces actions de rénovation énergétique de nos bâtiments publics.

En matière de logements, la politique doit être la plus efficace et la plus lisible possible. Cela passe par une simplification des dispositifs d’aide. Je continue à penser que devoir conjuguer des aides de l’ANAH, un crédit d’impôt, des certificats d’économie d’énergie, des éco-PTZ peut dissuader un certain nombre de nos concitoyens. En revanche, l’accompagnement et le conseil de proximité constituent un enjeu majeur. C’est bien le sens des concertations engagées par Emmanuelle Wargon et Julien Denormandie, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur.

Comme dans le domaine de la mobilité, il faut un chef de file et de coordination des outils communs – ce rôle pourrait être joué par les régions –, ainsi que, sans doute, une action de proximité, qui pourrait être prise en charge par la maille communale et intercommunale.

À l’appui de ces concertations, je rappelle que nous avons donné de la visibilité aux plateformes de rénovation thermique pour les quatre prochaines années : 200 millions d’euros ont été mis en place par l’État. J’espère que l’action des collectivités permettra d’en doubler le montant.