M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Face aux dérèglements climatiques, il nous faut traduire l’urgence dont parlent les scientifiques de façon objective. Ayons aussi à l’esprit que le climat est un sujet extrêmement complexe, qui appelle de nous des actes concrets, mais aussi beaucoup d’humilité.

Le très bon rapport d’information de la délégation sénatoriale à la prospective aborde un sujet au cœur des tensions territoriales, déjà largement évoqué ce matin, l’adaptation des politiques de l’eau, sujet d’actualité après les deux canicules de l’été 2019 et la sécheresse qui a entraîné des mesures importantes de restriction d’eau dans nombre de nos territoires.

Les politiques de l’eau doivent donner la priorité à des usages plus économes de la ressource et à la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature pour optimiser la recharge des nappes phréatiques et développer des équipements hydro-économes.

Quatre options permettent de mieux exploiter l’eau excédentaire des saisons pluvieuses : barrages-réservoirs, ouvrages en lit mineur, de type moulins, étangs ou plans d’eau, retenues collinaires, qui stockent le ruissellement, restauration de zones humides naturelles.

Pourtant, aujourd’hui, en vertu d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau, l’administration de l’eau a détruit plus de 150 petits barrages sur nos rivières depuis dix ans. Les conséquences d’une telle décision sont nombreuses : assèchement de rivières, disparition ou réduction d’une grande partie de la faune piscicole, fragilisation de bâtis, baisse de la nappe alluviale et disparition de certaines zones humides, avec des modifications d’écosystèmes et de biodiversité dans les vallées ayant un impact sur l’agriculture et le tourisme.

Madame la ministre, pour adapter la France aux dérèglements climatiques, nous devons nous appuyer sur le local, mais aussi sur ce patrimoine hydraulique. Quelle nouvelle politique de protection et de valorisation des ouvrages hydrauliques envisagez-vous ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous avez raison de souligner le caractère crucial de la gestion de la ressource en eau.

Il faut indiquer que l’eau qui n’est pas retenue, par le biais de barrages de stockage ou de retenues collinaires, a un rôle très important pour alimenter nos nappes phréatiques, soutenir en aval les débits des cours d’eau et alimenter également les zones humides, c’est-à-dire in fine être au service de notre biodiversité.

C’est bien le sens de ma réponse à l’un de vos collègues tout à l’heure. L’alerte forte qui a soumis 88 départements à des mesures de limitation et de suspension et amené 42 départements à prendre des arrêtés de crise doit renforcer la nécessité d’avoir une vision globale des enjeux relatifs au cycle de l’eau et de tout faire pour améliorer les capacités d’infiltration, limiter le ruissellement, préserver nos milieux humides et restaurer les capacités d’écoulement de nos cours d’eau.

Monsieur le sénateur, vous évoquez les politiques de continuité écologique des cours d’eau et la contradiction qu’il peut y avoir avec les enjeux de stockage d’eau. Nous avons fixé des objectifs importants de restauration des continuités hydrauliques et des cours d’eau. Il faut les appréhender de façon pragmatique, en ayant en tête que la restauration de la continuité piscicole ne doit pas se faire au détriment du soutien d’étiage, qui est également un enjeu essentiel en matière de biodiversité.

C’est sous cette double approche – soutien d’étiage et continuité piscicole – que les sujets doivent être examinés. C’est tout le sens de l’action de mes services, et je m’assurerai que c’est bien le cas.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.

M. Guillaume Chevrollier. La situation critique de l’eau dans notre pays appelle à un objectif zéro perte nette en eau et à une exigence de protection de nos ouvrages hydrauliques qui stockent l’eau afin de recharger les sols et les nappes en eau, de recréer des milieux aquatiques et des zones humides qui contribuent à la production de biodiversité. En effet, la reconquête de la biodiversité terrestre et marine permet de lutter contre le dérèglement climatique.

Conclusion du débat

M. le président. Pour clore ce débat, la parole est à M. Jean-Yves Roux, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective.

M. Jean-Yves Roux, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Les territoires de montagne sont extrêmement vulnérables au réchauffement climatique, qui menace directement les activités au cœur de l’économie montagnarde que sont le pastoralisme et le tourisme.

Madame la ministre, vous avez évoqué dans votre introduction les risques naturels en montagne. Il s’agit d’un sujet important : ces risques vont s’accroître du fait du réchauffement climatique et il faut adapter les outils de prévention.

L’impact du réchauffement climatique va bien au-delà du risque naturel. J’appelle l’attention sur le fait que le plan national d’adaptation au changement climatique doit créer les outils qui permettront d’accompagner l’adaptation de l’économie montagnarde, notamment la diversification du tourisme vers un « tourisme de montagne en quatre saisons » et le maintien du tourisme de neige.

Pour terminer, je tiens à remercier le président Karoutchi de son soutien et Mme la ministre de ses réponses directes et franches. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective.

M. Ronan Dantec, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Je remercie moi aussi le président de la délégation sénatoriale à la prospective, Roger Karoutchi, d’avoir apporté son soutien à ce rapport d’information.

Mes chers collègues, nous allons continuer à travailler sur ces questions. Vous pouvez d’ailleurs déjà noter sur vos agendas le programme de travail de la délégation du 31 octobre prochain : le matin, nous reviendrons sur les questions précises qui ont été au cœur de vos interventions, sur le bâti, le coût pour les collectivités territoriales de l’intégration du confort d’été, notamment dans les écoles ; l’après-midi sera consacré à un colloque avec plusieurs think tanks importants comme l’I4CE ou l’Iddri. Ce sera l’occasion de poursuivre notre dialogue et nos échanges, madame la ministre.

Mes chers collègues, les questions que vous avez posées appellent quelques remarques.

Je ne suis pas sûr qu’on mesure encore ce que sera la France en 2050 – c’était le cœur de ce rapport d’information. Aujourd’hui, beaucoup de questions se posent sur les difficultés auxquelles nous obligent à faire face le dérèglement climatique et une augmentation de la température de 1 degré par rapport à la période préindustrielle. En 2050 – c’est inéluctable au regard des inerties de nos systèmes sociétaux et du CO2 dans l’atmosphère –, cette augmentation sera plutôt aux alentours de 2 degrés.

Notre premier travail – c’était le sens de ce rapport d’information – consiste à appréhender véritablement le monde de 2050 et les problématiques qui seront au cœur de l’adaptation au changement climatique. Cela veut dire – vos questions le montrent très clairement – que nous sommes aujourd’hui face à des injonctions contradictoires, la question de l’eau l’illustre parfaitement. À ce titre, la question de notre collègue Chevrollier me semble tout à fait pertinente : comment trouver des équilibres entre biodiversité et maintien de l’agriculture ? Il en est de même de la question du président Karoutchi : notre vision de la densité urbaine est-elle en ligne avec la lutte contre les îlots de chaleur ? Ces questions sont sur la table.

Pour dépasser ces injonctions contradictoires et approfondir ces sujets, nous avons besoin de temps de débats extrêmement importants. De ce point de vue, madame la ministre, les nombreuses annonces que vous avez formulées sont capitales. Comme vous l’avez souligné, il va falloir retravailler beaucoup avec les collectivités territoriales. J’entends ce mandat donné à l’Onerc pour que nous ayons un temps de travail avec les réseaux de collectivités territoriales sur les questions d’adaptation. Le président de la commission spécialisée du CNTE que je suis est évidemment à votre disposition pour travailler dans ce sens.

Le Sénat en est conscient depuis longtemps : il faudra également réfléchir aux coûts pour les collectivités territoriales. Sur ce point, madame la ministre, je vous rejoins : investir une partie des C2E vers les collectivités pour qu’elles aient des capacités d’animation et de soutien, notamment sur toutes les questions relatives à la rénovation thermique des bâtiments devant intégrer le confort d’été, est un enjeu extrêmement important.

Nous avons donc devant nous des points de réflexion extrêmement précis. S’y ajoutent les questions relatives aux territoires ultramarins, mais aussi – c’était le travail de l’Onerc cette année – les solutions liées à la nature qui, au-delà du slogan, doivent être transformées en politiques publiques structurantes.

On le voit, les chantiers sont nombreux. Il nous faut les prendre les uns après les autres pour ne pas en rester aux déclarations, mais les traduire par des politiques publiques structurantes et applicables, ce qui correspond, je crois, tout à fait à votre culture, madame la ministre.

Enfin – et c’était l’une des grandes conclusions de ce rapport d’information –, nous devons nous demander si nous voulons créer un nouveau contrat collectif autour de l’adaptation. Une loi-cadre sera alors sans doute nécessaire. En effet, d’après les derniers chiffres du GIEC sur la montée des eaux – 1,1 mètre –, associée peut-être à des effets de submersion plus importants avec les tempêtes ou les dépressions, il faut s’attendre à une modification en profondeur de notre littoral dans la seconde moitié du XXIe siècle. Nous devons prendre le temps d’en parler encore, même si nous avons déjà eu l’occasion d’ouvrir ce débat ce matin.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions du rapport d’information Adapter la France aux dérèglements climatiques à lhorizon 2050 : urgence déclarée.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité

Débat organisé à la demande de la mission commune d’information sur la répression des infractions sexuelles sur mineurs

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la mission commune d’information sur la répression des infractions sexuelles sur mineurs, sur les conclusions du rapport d’information Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis que le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme la présidente de la mission commune d’information, auteure de la demande. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la mission commune dinformation sur la répression des infractions sexuelles sur mineurs. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les violences sexuelles sur mineurs constituent une réalité insupportable, voire difficilement concevable pour beaucoup d’entre nous : comment imaginer que les êtres les plus vulnérables et les plus innocents dans notre société puissent être victimes de telles agressions ? Celles-ci sont pourtant beaucoup plus fréquentes qu’on ne l’imagine. Si elles se produisent majoritairement dans le cadre familial, elles peuvent aussi être commises par les adultes qui prennent en charge les mineurs dans un cadre professionnel ou associatif. C’est à cette seconde catégorie de violences sexuelles sur mineurs que la mission commune d’information que j’ai eu l’honneur de présider a consacré ses travaux. Ils ont abouti à l’adoption d’un rapport d’information le 28 mai dernier.

Ce sont d’abord les abus sexuels révélés au sein de l’Église catholique qui ont conduit le Sénat à s’intéresser à ce sujet. Nos collègues du groupe socialiste et républicain, que je remercie de leur initiative, avaient demandé la constitution d’une commission d’enquête qui aurait travaillé spécifiquement sur ce sujet. Le bureau du Sénat a jugé préférable de retenir un champ d’investigation plus large, afin d’examiner comment la prévention, la détection, le signalement et la répression des infractions sexuelles sur mineurs sont organisés dans les différentes structures qui accueillent des enfants et des adolescents, qu’il s’agisse de l’éducation nationale, des associations sportives, des services de l’aide sociale à l’enfance, des services de garde d’enfants, des associations sportives, des établissements d’enseignement culturel et artistique, des colonies de vacances et des centres aérés.

Pour dresser ce panorama, la mission a procédé à une cinquantaine d’auditions, complétées par trois déplacements. Ce travail n’aurait pas été possible sans l’investissement et la disponibilité de nos trois rapporteures, que je salue : Marie Mercier, qui a déjà eu l’occasion de travailler sur le droit pénal applicable aux infractions sexuelles sur mineurs, Michelle Meunier, qui connaît très bien les politiques de protection de l’enfance, et Dominique Vérien, qui a notamment approfondi la question de la prise en charge des auteurs de violences sexuelles sur mineurs. Le rapport d’information formule trente-huit propositions, que nous aurons l’occasion d’évoquer au cours de ce débat.

Nous avons bien sûr travaillé en ayant toujours en tête l’intérêt des victimes. Comment favoriser la libération de la parole, indispensable pour que les faits soient connus et sanctionnés ? Comment les aider à surmonter le traumatisme de l’agression ? Surtout, comment éviter d’avoir à déplorer de nouvelles victimes, ce qui pose la question de la prévention de la récidive et de la prévention du premier passage à l’acte ?

Nous avons constaté, dès le début de nos travaux, qu’il existait peu de données précises et actualisées concernant le nombre de victimes et le contexte dans lequel surviennent les agressions. Cela nous a conduits à recommander la mise en place d’un observatoire, partant du principe que l’on ne peut combattre efficacement que ce que l’on connaît bien.

Nous avons également constaté que les pratiques et les règles en vigueur variaient beaucoup d’un secteur à l’autre : les contrôles sont par exemple systématiques et automatisés pour tout ce qui concerne les accueils collectifs de mineurs – c’est-à-dire les colonies de vacances et les centres aérés – ; ils paraissent en revanche plus aléatoires dans le monde du sport, alors que nous savons que la relation de proximité qui s’établit entre un entraîneur et un jeune athlète peut favoriser l’apparition de phénomènes d’emprise pouvant déboucher sur des agressions.

Dans ce contexte, il nous paraît souhaitable de généraliser les meilleures pratiques afin de construire autour des jeunes de notre pays un environnement aussi sécurisant que possible. Nous sommes conscients qu’il faudra du temps pour mettre en place les procédures et les actions de formation et de sensibilisation adaptées, mais c’est le cap que nous nous sommes fixé et que nous vous proposons de suivre. À cet égard, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes est un outil qui pourrait sans doute être davantage utilisé, l’objectif étant d’éviter que les personnes condamnées pour ce type d’infraction soient de nouveau placées au contact de mineurs. Je pense que le jeu des questions-réponses nous donnera l’occasion d’y revenir et d’explorer les autres mesures à mettre en œuvre pour atteindre nos objectifs.

Nous avons consacré une part importante de nos travaux aux infractions sexuelles commises au sein de l’Église catholique et au sein des autres cultes, ce qui était légitime compte tenu de l’actualité. Comme nous l’avons plusieurs fois entendu au cours de nos auditions, l’agression sexuelle commise par un religieux est particulièrement dévastatrice pour la victime, car à la violence physique et à la violence psychologique s’ajoute un abus spirituel qui peut être extrêmement déstabilisant.

Nous avons perçu au sein de l’Église une prise de conscience réelle de la gravité du problème et une volonté affirmée de mettre un terme à l’omerta qui a longtemps prévalu. Nous avons tenté d’analyser les raisons de cette culture du secret, qui présente selon nous un caractère systémique, et nous avons rappelé l’absolue nécessité de signaler à la justice les faits délictueux ou criminels, en étant attentif à la parole des victimes, trop longtemps étouffée par peur du scandale. Nous avons pris acte de la volonté de l’Église d’indemniser les victimes, même pour des faits qui ne pourraient être jugés en raison de la prescription, ce qui nous paraît constituer une avancée importante.

Nous devons rester vigilants afin de nous assurer que ces déclarations seront bien suivies d’effets. Nous formons le vœu que la commission Sauvé poursuive le travail visant à mettre au jour les infractions qui ont été commises et propose des mesures complémentaires.

Avant de terminer mon propos, je souhaite appeler l’attention de M. le secrétaire d’État sur une catégorie de mineurs particulièrement vulnérables : les mineurs en situation de handicap. Nous n’avons pas toujours perçu de la part des gestionnaires d’établissements et de services pour mineurs handicapés une prise de conscience de ce problème à la hauteur de la vulnérabilité du public qu’ils accueillent. Il nous semble que les contrôles effectués au moment du recrutement et la sensibilisation des professionnels qui travaillent auprès de ces mineurs pourraient être significativement renforcés.

Les rapporteures et moi-même vous avons remis notre rapport au cours de l’été, monsieur le secrétaire d’État. Nous vous remercions de votre écoute, et je souhaite bien sûr que nos réflexions inspirent l’action du Gouvernement dans les prochains mois et les prochaines années.

Le Gouvernement a récemment installé une commission pour les 1 000 premiers jours de l’enfant, qui devrait intégrer dans sa réflexion la prévention de la maltraitance. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous travaillez également sur le dossier de l’aide sociale à l’enfance et que vous préparez un plan de lutte contre les violences dont sont victimes les mineurs. Il prendra la suite du plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2017-2019 que notre collègue Laurence Rossignol avait mis en place lorsqu’elle était ministre chargée des familles. Peut-être pourrez-vous nous donner aujourd’hui de premières indications sur le contenu de ce plan.

Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez en tout cas être assuré du soutien du Sénat à une politique ambitieuse de protection de l’enfance qui devrait constituer, à mes yeux, une grande cause nationale. Nos concitoyens attendent de notre part des décisions et des actes. Je ne doute pas que, sur un sujet comme celui-ci, un consensus pourra se dégager autour de quelques orientations fortes et d’un ensemble de mesures concrètes de nature à améliorer la protection des enfants et des adolescents dans notre pays. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, madame la présidente de la mission commune d’information, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez choisi au mois d’octobre dernier, bien avant ma nomination, par la création de cette mission commune d’information, de prolonger la réflexion du Sénat sur les violences faites aux enfants, déjà engagée de longue date, par une étude approfondie de la question des violences sexuelles sur les mineurs en institutions. Je l’ai déjà fait, mais je le réitère : je tiens très sincèrement à saluer la qualité de vos travaux.

J’ai bien noté les trente-huit propositions que vous formulez – j’aurai l’occasion d’y revenir – et le parti pris qui a été le vôtre d’aborder cette question difficile sous un angle très large, en questionnant l’efficience de notre arsenal législatif et en abordant la question des victimes, celle de la formation des professionnels, mais également celle de la prise en charge des auteurs – qui constitue souvent un angle mort de ces politiques. S’il ne règle pas à lui seul les insuffisances qu’il soulève, ce rapport d’information formule des propositions dans la recherche et la mise en place de solutions pour mettre fin aux violences en institutions.

L’état des lieux que vous dressez, les comparaisons internationales et les pistes que vous lancez ont retenu ma plus grande attention. Ces dernières rejoignent les réflexions et les travaux que nous menons en parallèle au sein du ministère. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire au cours de nos échanges.

Le sujet de vos travaux, plus largement la question de la lutte contre toutes formes de violences faites aux enfants, est au cœur de mes préoccupations. Le nouveau plan de lutte contre les violences faites aux enfants, que j’annoncerai prochainement, très probablement dans le courant du mois de novembre, à l’occasion du trentième anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant, a pour ambition de poursuivre le précédent plan, voire, je l’espère, d’aller au-delà.

Ce premier plan lancé en 2017 par Laurence Rossignol a permis de dire que les violences sexuelles faites aux enfants étaient encore trop souvent taboues et dissimulées au sein de la cellule familiale. Je souhaite que le nouveau plan d’action que je présenterai s’inscrive dans la continuité de ce premier plan : le chemin est encore long pour permettre la libération de la parole des enfants lorsqu’ils sont victimes dans l’intimité de leur famille. Nous devons donc redoubler d’efforts.

Je souhaite également qu’une nouvelle impulsion soit donnée à la lutte contre les violences faites aux enfants en tous lieux, à tout moment de leur vie d’enfant, afin de leur garantir qu’ils pourront grandir en sécurité, où qu’ils se trouvent.

Ce sujet doit mobiliser la société tout entière. C’est pour cela que j’ai parlé d’un pacte entre l’ensemble des composantes de notre société. La lutte contre les violences, notamment les violences sexuelles, doit évidemment dépasser les clivages.

Si je souligne une fois encore, au nom du Gouvernement, la qualité de vos travaux, je souhaite dans le même mouvement pouvoir vous assurer de ma volonté de mobiliser le Gouvernement tout entier, chacun de ses membres, sur ce sujet.

Mon intervention de ce jour a pour objet non pas de dévoiler les mesures de ce nouveau plan, je vous prie de m’en excuser, madame la présidente de la mission d’information – chaque chose en son temps –, mais de vous assurer qu’un intense travail interministériel est aujourd’hui en cours.

Il nous faut mieux appréhender la réalité, mais les chiffres dont nous disposons d’ores et déjà sont édifiants.

Vous proposez dans votre rapport de créer un observatoire national des violences sexuelles sur mineurs. Or nous disposons déjà d’un Observatoire national de l’enfance en danger, dont la mission est de nous permettre de mieux connaître les problèmes dans ce domaine, de mieux les prévenir et les traiter. C’est un outil particulièrement utile, précieux, articulé avec les observatoires départementaux de la protection de l’enfance, même s’il est bien sûr encore perfectible, nous nous accordons tous sur ce point. Je pense notamment à sa gouvernance ou encore au croisement des données de chacun des ministères et des liens avec la Drees.

Nous pouvons donc travailler pour que cet observatoire nous permette d’appréhender de manière plus fine, plus précise, les violences sexuelles sur les mineurs, plus particulièrement dans les institutions, mais, à ce stade, et nous en rediscuterons, je ne suis pas sûr qu’il soit opportun de créer un nouvel outil. Appuyons-nous sur ce qui existe déjà.

Concernant les chiffres dont nous disposons à ce jour, l’ONPE, vous le savez, publie chaque année un rapport comprenant, d’une part, des données chiffrées relatives aux mineurs pris en charge et, d’autre part, une analyse qualitative de l’évolution du dispositif de protection de l’enfance. Dans son dernier rapport, l’Observatoire a poursuivi sa collaboration avec le service statistique ministériel de la sécurité intérieure concernant la population des mineurs victimes de violences physiques et sexuelles.

Les chiffres dont nous disposons, je l’ai dit, sont édifiants et nous obligent à faire mieux pour protéger nos enfants. En 2017, les forces de sécurité ont enregistré 22 000 mineurs victimes de violences sexuelles, soit un nombre en hausse de 10 % par rapport à l’année 2016. Des enquêtes dites « de victimisation » montrent également qu’il existe un écart très important entre ce qui est porté à la connaissance des forces de sécurité et la réalité. Le taux de victimisation est à son plus haut niveau pour les mineurs de sexe féminin, puisque, en 2017, 2,5 mineures sur 1 000 ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles.

Face à ce fléau, je ne pense pas que la meilleure piste soit de s’engager dans une nouvelle modification du droit. Comme dans bien des domaines, il faut d’abord et avant tout faire appliquer le droit existant. Si votre demande d’évaluer les conséquences de la loi du 3 août 2018, dite loi Schiappa, est évidemment légitime, n’oublions pas que ce texte a été voté il y a tout juste un an.

Je souligne que cette loi a permis des avancées notables. Elle a aggravé la répression contre les infractions sexuelles commises sur mineurs et précisé la notion de contrainte morale. Elle a porté à dix ans d’emprisonnement la peine encourue pour l’atteinte sexuelle afin de garantir une répression renforcée de ces faits d’une particulière gravité. Elle a également allongé le délai de prescription pour les personnes ayant subi des faits alors qu’elles étaient mineures. Il est important de rappeler ces évolutions.

Vous le savez, le Gouvernement a annoncé son intention de confier à la députée Alexandra Louis, comme Mme la secrétaire d’État s’y était engagée à l’Assemblée nationale, une mission d’évaluation de la loi. Celle-ci est en cours. Conformément à vos préoccupations, un recul suffisant sur cette loi récente est nécessaire pour en évaluer les incidences concrètes sur le terrain et dans les décisions de justice.

Vous avez évoqué le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant une activité habituelle en contact avec les mineurs et le fameux FIJAISV. Sachez que nous travaillons en partenariat étroit avec le ministère de la justice sur ce sujet. La méconnaissance des textes, conjuguée à une absence de lisibilité, conduit actuellement à un contrôle insuffisant par de nombreuses administrations. Il est indispensable d’engager une action forte pour coordonner et soutenir l’action des ministères afin de garantir une consultation plus systématique du FIJAISV, quand cette possibilité est offerte. Certains ministères, comme celui de l’éducation nationale ou celui des sports, ont déployé des moyens techniques et technologiques à la hauteur de cet enjeu pour y parvenir.

Dans le domaine de la santé, nous devons faire en sorte que les établissements bénéficient des soutiens nécessaires pour parvenir à ce contrôle systématique du personnel, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Je vais conclure, car le temps qui m’est imparti est écoulé.