Mme Laurence Cohen. Je suis satisfaite du vote du Sénat, ce qui ne vous étonnera pas, car il correspond à ma prise de position !

Finalement, nos débats ont été d’une bonne tenue. Il est important d’avoir, une nouvelle fois, une pensée pour toutes ces jeunes femmes en couple avec une autre femme qui ne vont plus être obligées de contourner la loi en allant quasi clandestinement en Espagne ou en Belgique pour avoir le droit d’être parents et d’élever un enfant.

Avec le mariage pour toutes et tous, on nous promettait un certain écroulement de la société. On a bien vu que tel n’avait pas été le cas, et nous constaterons que le vote auquel nous venons de procéder ne fera pas non plus trembler la société…

Nous avons maintenu l’article 1er, mais je veux exprimer mon désaccord sur la limitation considérable qui lui a été apportée, puisque notre rapporteure, Muriel Jourda, a conditionné le remboursement de la PMA à un critère pathologique.

Nous tombons là dans un autre travers : il s’agit en quelque sorte de punir les femmes de condition modeste, qui seront obligées de payer la PMA. Je voudrais citer l’une des phrases emblématiques de ce projet de loi :

« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs. » Je tiens à souligner que, avec les amendements votés par la commission spéciale, en tout cas par sa majorité, cette phrase et le principe qu’elle exprime sont balayés d’un revers de main.

Encore une fois, il faut relever cette atteinte à une égalité pleine et entière. Certains de nos collègues n’arrivent pas à l’envisager et ont besoin de fixer des critères. D’un côté, on ouvre un droit ; de l’autre, on le réduit…

Notre amendement a pour objet de revenir à la rédaction issue de l’Assemblée nationale, qui ne souffrait, elle, aucune différenciation entre les couples pour une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission spéciale sur cet amendement est bien évidemment défavorable, puisqu’il s’agit de revenir, sur deux points, sur le texte que nous avons adopté.

D’une part, nous sommes partis du principe suivi, me semble-t-il, dans ce projet de loi : il s’agit d’ajouter des cas d’application de l’AMP – pour les femmes seules et pour les couples de femmes –, et non de modifier ceux qui existent déjà. Ce qui existe déjà, c’est la possibilité, pour les couples hétérosexuels infertiles, d’avoir recours à cette technique médicale qu’est l’AMP.

Nous avons maintenu cette situation – autoriser le recours à l’AMP pour les couples hétérosexuels infertiles –, plutôt que d’ouvrir ce recours, comme c’était le cas dans le texte du Gouvernement et comme cet amendement tend à le faire, aux couples hétérosexuels fertiles, dont on se demande d’ailleurs quel usage ils feraient de cette technique.

La commission spéciale ayant conservé la situation existante – la possibilité du recours à l’AMP pour les couples hétérosexuels infertiles –, je maintiens, bien évidemment, ce qu’elle a décidé.

D’autre part, il est question de la prise en charge, pour tous, de l’AMP par la sécurité sociale. Cette pratique est déjà prise en charge par l’assurance maladie pour les couples hétérosexuels infertiles ; pourquoi ne pas la prendre en charge pour les femmes seules et pour les couples de femmes ?

Encore une fois, ce n’est pas une question d’égalité, car celle-ci consiste à traiter de la même façon des situations identiques, et nous ne sommes pas face à des situations identiques. En effet, si, dans le cas des couples hétérosexuels infertiles, on remédie à une pathologie, il ne s’agit nullement, dans l’autre cas, d’un acte de médecine ; il s’agit d’un acte médical, pour reprendre la distinction faite en commission spéciale par le président Milon. Une technique médicale peut effectivement ne pas constituer un acte de médecine.

Or nous avons des textes portant sur la sécurité sociale et sur les cas dans lesquels la solidarité nationale peut être mise en jeu. Celle-ci peut être mise en jeu lorsque l’on s’occupe du risque de la maladie et de ses conséquences, non dans les autres cas.

Dans la mesure où l’AMP pour les femmes seules et pour les couples de femmes n’est pas liée aux risques ou aux conséquences de la maladie, il n’y a aucune raison de la faire prendre en charge par la solidarité nationale. C’est une application assez logique du droit ; nous ne sommes pas des militants, nous sommes des législateurs et nous devons, je crois, nous conformer à ce qu’est le droit de la sécurité sociale, pour savoir si, oui ou non, cette pratique peut être prise en charge.

La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. L’amendement de Mme la sénatrice Cohen vise à revenir au texte adopté, en première lecture, à l’Assemblée nationale, en levant la condition d’infertilité pour tous les publics et en reprenant le principe de non-discrimination dans l’accès à l’assistance médicale à la procréation.

Le remboursement repose sur une infertilité observée – douze mois d’échec dans un couple –, sans qu’il y ait besoin de prouver une pathologie sous-jacente.

D’ailleurs, 15 % des couples infertiles n’ont pas de maladie ni de cause médicale avérée ; beaucoup d’entre nous connaissons des couples ayant un premier enfant par PMA et n’ayant pas eu, ensuite, de difficulté à avoir des enfants de façon normale. Cela prouve bien que c’est parfois un problème, sinon psychologique, du moins d’une autre nature, qui empêche la procréation naturelle.

Nous souhaitons donc supprimer totalement cette notion de stérilité ou d’infertilité de la loi, de façon à mettre tous les couples à égalité.

Par conséquent, j’émets évidemment un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la bioéthique. Je ne suis pas intervenu jusqu’à présent, respectant, ce faisant, ma promesse, mais je puis maintenant parler et je le fais très volontiers.

Je ne voterai pas cet amendement. Je suis favorable à la PMA et je suis même le seul dans cet hémicycle, à présent que Michèle André n’y siège plus, à avoir déposé une proposition de loi relative à la gestation pour autrui. Ainsi, à titre personnel – cela n’engage personne d’autre que moi –, je suis favorable aux deux techniques.

Cela dit, le texte, tel qu’il a été rédigé par la commission spéciale, me semble bon. La sécurité sociale a été créée pour financer la prise en charge des maladies et pour faire en sorte que les patients qui en ont besoin soient soignés le mieux possible lorsqu’ils sont malades. La grossesse a été prise en charge par la sécurité sociale, bien que ce ne soit pas une maladie, pour prévenir, Philippe Bas l’a dit, les maladies qui pourraient se déclarer ; c’est donc une prise en charge de prévention.

En revanche, on ne peut pas prendre en charge ce qui n’est pas une maladie. Mme la ministre a parlé d’infertilité. Certes, on n’a pas la preuve de l’infertilité jusqu’au bout – on considère que celle-ci existe à partir d’un an –, mais il n’en demeure pas moins vrai qu’il s’agit d’une situation pathologique, qui doit être prise en charge par les médecins. Elle est donc, à ce titre, prise en charge et remboursée par la sécurité sociale.

Il est normal, à mes yeux, que la PMA pour les couples infertiles soit prise en charge par la sécurité sociale. La PMA pour les couples homosexuels ou pour les femmes seules ne relève pas d’un problème pathologique ; on l’a dit précédemment, et cela ne me dérange pas de le répéter. C’est un autre problème, c’est une autre façon de voir la vie et, personnellement, je suis d’accord pour autoriser cette technique jusqu’au bout.

Ainsi, la PMA dans ces circonstances ne peut être prise en charge par la sécurité sociale. En revanche, qu’elle soit prise en charge par les organismes complémentaires d’assurance maladie – en gros, les mutuelles –, pourquoi pas ?

Je voterai donc contre cet amendement, car je suis favorable à ce qui a été mis en place, voilà huit jours, par la commission spéciale.

Par ailleurs – je le précise dès maintenant pour ne pas avoir à le dire plus tard –, je suis favorable, en ce qui concerne la filiation, à l’amendement présenté par Sophie Primas.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je l’ai déjà dit, je suis tout à fait favorable à la PMA, mais j’avais déposé un amendement similaire à celui de Mme le rapporteur.

Je ne voterai pas pour l’amendement de notre collègue Mme Cohen, pour les raisons évoquées par le président de la commission spéciale.

C’est vrai, on peut, dans l’absolu, dire que l’on n’a pas complètement l’égalité, mais, avec ce texte, on permet à beaucoup de femmes seules ou de femmes en couple, en France, de bénéficier de la PMA. En effet, je le rappelle, près de 5 000 femmes vont aujourd’hui à l’étranger pour en bénéficier, et il s’agit de personnes ayant des revenus importants, parce que cela coûte très cher.

La PMA en France me convient personnellement tout à fait, mais ce n’est pas à la sécurité sociale de la prendre en charge. La sécurité sociale doit prendre en charge la PMA des couples infertiles, les problèmes de pathologie ; en revanche, il revient aux personnes qui n’ont pas de problème pathologique de financer cette technique, non à la sécurité sociale, laquelle a déjà des problèmes qu’il ne faudrait pas alourdir.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je voudrais simplement poser une question à M. le président de la commission spéciale. En effet, je suis toujours très intéressé par ses réflexions et ses raisonnements, mais, là, je suis pris d’un doute.

Monsieur le président de la commission spéciale, si vous subordonnez le remboursement de la sécurité sociale à une condition de prévention ou de maladie, justifiant ainsi, si j’ai bien compris, le non-remboursement de la PMA dans les cas qui nous occupent, quelle est votre position sur l’avortement ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Certains pensent que l’avortement ne doit pas être remboursé par la sécurité sociale ; quel est donc votre point de vue là-dessus, puisque l’avortement n’est pas une maladie ?

M. Philippe Bas. Ce n’est pas le débat !

M. David Assouline. Laissez-moi seul juge, monsieur le président Bas, vous que je respecte beaucoup, des éclaircissements que je souhaite obtenir dans le cadre de ce débat, même si vous pouvez considérer que cela n’entre pas dans notre discussion parce que cela vous dérange. (Mêmes mouvements.)

S’il vous plaît, chers collègues ! Tout le monde l’a bien compris, si l’on explique, dans cet hémicycle, que la sécurité sociale doit rembourser les maladies, par quel mécanisme, puisque la sécurité sociale rembourse l’avortement, M. le président de la commission spéciale justifie-t-il sa position ?

M. Jérôme Bascher. C’est hors sujet !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Pour ce qui nous concerne, nous voterons l’amendement présenté par Mme Cohen et ses collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Il s’agit de reprendre, en un seul amendement, toute une série de dispositions réparties, par la suite, en plusieurs amendements isolés ; si celles-ci peuvent passer en un seul vote, tant mieux !

Le sujet, ici, est le remboursement, par la sécurité sociale, de toutes les AMP, y compris celles des femmes seules ou des couples de femmes.

Je ressens, pour ma part, la décision de priver ces femmes de remboursement comme une mesure punitive : « On vous concède ce droit, mais vous ne bénéficierez pas du remboursement de la sécurité sociale, vous vous débrouillerez pour payer. » C’est mesquin, mes chers collègues. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

La santé sexuelle et reproductive des femmes est un sujet incontestablement beaucoup plus large que la définition, donnée tout à l’heure, de ce que la sécurité sociale doit prendre en charge. Elle inclut la contraception, l’avortement, la fertilité et l’ensemble des activités sexuelles et reproductives.

De ce point de vue, le remboursement de l’AMP pour l’ensemble des couples ou des femmes qui y postulent me paraît cohérent avec notre approche traditionnelle. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR, CRCE et LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Les explications de Mme la ministre sont très claires et confortent notre amendement.

Dès lors que l’on accorde un droit, que l’on élargit une pratique à toutes les femmes, qu’elles soient en couple avec une autre femme ou seules, il faut leur permettre d’être soumises au même régime que les couples hétérosexuels. Il n’est pas logique de ne pas le faire sous prétexte que ce n’est pas une maladie. La grossesse, l’interruption volontaire de grossesse et la contraception ne sont pas des maladies. Elles sont pourtant prises en charge par la sécurité sociale, à l’issue, dans le cas de l’IVG, d’une longue bataille.

Ces exemples montrent bien que cela ne constitue pas un argument valable pouvant être convoqué dans notre débat pour militer contre ce remboursement.

En outre, que risque-t-il de se passer ? En tant que législateur, vous allez encourager les femmes qui le souhaitent à aller à l’étranger. On en reviendra donc à des pratiques qui peuvent être dangereuses ou ne pas convenir à l’ensemble des femmes, alors que l’on veut ouvrir ce droit à toutes.

J’en appelle donc simplement à la logique et à la justice.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Je l’ai dit lors de la discussion générale, j’ai également déposé un amendement tendant à rétablir le remboursement de cet acte pour l’ensemble des patients qui souhaitent bénéficier d’une PMA.

Pour moi, l’absence de prise en charge crée une injustice entre les femmes qui seraient remboursées parce qu’elles seraient, en quelque sorte, vertueuses, car elles suivraient un parcours déterminé, et les femmes seules ou les femmes en couple homosexuel, qui, elles, seraient soumises à leur volonté de se faire plaisir, si j’ose dire. Cela me semble réellement très injuste.

En outre, Mme la ministre vient de le rappeler, cela toucherait non seulement les femmes seules ou en couple de femmes qui souhaitent recourir à la PMA, mais encore certains couples hétérosexuels, car on n’est pas toujours en mesure de définir l’infertilité. Ces couples-là n’auraient donc pas de remboursement.

En tout état de cause, je pense, à titre personnel, que cet amendement vise à rétablir une forme de justice ; il est conforme au texte issu de l’Assemblée nationale. Selon moi, l’accès à l’AMP ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je veux répondre à notre collègue David Assouline.

Au préalable, je tiens à le rappeler, le code de la sécurité sociale dispose bien que la sécurité sociale prend en charge les actes médicaux en cas de maladie. C’est le code de la sécurité sociale qui le dit, ce n’est pas moi, et il ne m’appartient pas de le modifier.

Ensuite, madame Doineau, on ne parle de non-remboursement que pour les femmes homosexuelles et les femmes seules, non pour les couples hétérosexuels, qui bénéficient de la PMA pour une raison médicale, l’infertilité, même si – la ministre l’a dit –, celle-ci n’est pas toujours prouvée ; cette infertilité existe, et les médecins la reconnaissent.

Enfin, en ce qui concerne l’IVG, je suis évidemment favorable au remboursement de cet acte ; Mme la ministre l’a indiqué, il s’agissait, à l’époque, d’un problème de santé publique.

M. David Assouline. Elle a aussi dit que la PMA était un problème de santé publique ! C’est pour cela qu’elle a évoqué le cas de l’IVG.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour explication de vote.

Mme Catherine Fournier. Je suis quelque peu surprise. Je m’adresse donc au président Milon et à Mme la ministre pour obtenir des éclaircissements.

On souhaite permettre aux femmes seules ou en couple de recourir à l’AMP. C’est une bonne chose : cela a été voté, il nous faut donc l’accepter et travailler sur cette base. Cette décision a également été prise pour éviter les trafics et la souffrance des femmes qui se rendent à l’étranger.

Je ne comprends donc pas bien ; si l’on n’accepte pas que cet acte soit remboursé, comment le contrôlerons-nous et comment en contrôlerons-nous la tarification ? N’y aura-t-il pas un nouveau commerce, chaque structure appliquant un tarif conventionné, non conventionné ou libre ? Cela me choquerait profondément. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et CRCE.)

M. Jérôme Bascher. Mais, quand il y a un désir, il y a un marché !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Mme la sénatrice Laurence Rossignol l’a dit, aujourd’hui, le remboursement par l’assurance maladie ne concerne pas que des traitements. Nombre d’actes de prévention sont, fort heureusement, pris en charge par la sécurité sociale ; en ce qui concerne la santé des femmes, l’interruption volontaire de grossesse est évidemment remboursée.

Par ailleurs, le président Milon ayant suggéré que l’acte soit remboursé par les mutuelles, je rappelle que, eu égard au mode de fonctionnement actuel des mutuelles, ces organismes ne prennent en charge le complément d’un acte que quand celui-ci est remboursé par l’assurance maladie. Si un acte ou un médicament n’est pas remboursé par l’assurance maladie, même à 15 %, ils ne peuvent être remboursés par une mutuelle.

M. Jean-François Husson. Mais si ! C’est inexact !

Mme Agnès Buzyn, ministre. En outre, le Conseil d’État a indiqué, dans son avis relatif à la loi de juin 2018, qu’il était exclu, pour des raisons juridiques, d’établir un régime différent de prise en charge au regard d’une orientation sexuelle. Il a donc émis un avis très clair sur la question.

Aussi, je vous invite à suivre le Gouvernement au sujet du remboursement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Il va y avoir débat entre Mme la ministre et moi-même, ce que je regrette…

Madame la ministre, je vous indique que les actes d’ostéopathie ou de sophrologie ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, mais sont remboursés par les mutuelles. (Marques dassentiment sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Absolument ! Et il existe d’autres cas similaires.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 62.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix-huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 283, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 2141-2. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.

« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs.

« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons.

« Lorsqu’il s’agit d’un couple, font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons :

II. – Alinéa 11

Remplacer les mots :

premier alinéa du présent II

par les mots :

deuxième alinéa du présent article

III. – Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Une étude de suivi peut être proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit.

« Les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître. »

IV. – Alinéas 13 et 14

Supprimer ces alinéas

V. – Alinéas 30 à 32

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Cet amendement vise à rétablir le texte dans sa version initiale.

Au travers de cet amendement, je souhaite supprimer la condition d’infertilité pour tous les publics, reprendre le principe de non-discrimination dans l’accès à l’assistance médicale à la procréation et renvoyer au décret la détermination des conditions d’âge pour l’accès à l’AMP.

Je reviens sur les raisons qui m’ont amenée à déposer cet amendement.

La commission spéciale a souhaité créer deux régimes juridiques distincts : l’un pour les couples hétérosexuels, qui reprend le cadre actuel – l’existence d’un problème médical –, et l’autre pour les couples de femmes et les femmes non mariées. Vous pénalisez ainsi tant les couples hétérosexuels que les couples de femmes et les femmes non mariées.

En effet, vous faites peser sur les premiers une condition, le maintien d’un critère médical, qui n’existera pas pour les secondes. Vous aboutissez donc à une inégalité que nous avons choisi d’éviter, d’autant que celle-ci aboutira forcément à des contentieux, qui obligeront à revenir à un régime identique pour tous.

Je l’ai déjà indiqué, dans 15 % des cas, les AMP de couples hétérosexuels ne reposent pas sur une stérilité médicalement déterminée, car aucune cause médicale ne peut être identifiée. La réintroduction d’un critère médical met en danger les réponses aujourd’hui apportées à ces couples.

Pour ce qui concerne les couples de femmes et les femmes non mariées, l’instauration de deux régimes juridiques pourrait avoir pour conséquence de ne pas rendre effectif le droit ouvert à ces nouveaux publics. En effet, ce double régime risquerait d’induire une priorité de prise en charge en faveur des couples hétérosexuels. Or nous voulons l’égalité d’accès à ce droit pour tous les publics éligibles à l’AMP.

C’est la raison pour laquelle il n’est pas inutile de reprendre, comme tend à le faire le présent amendement, une disposition introduite par les députés dans le texte : « Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs. »

L’adoption du présent amendement permettrait également de revenir au texte du Gouvernement pour ce qui concerne les limites d’âge pour la procréation, afin de prévoir que ces limites soient fixées par décret en Conseil d’État, après avis de l’Agence de la biomédecine.

Il existe aujourd’hui des arguments incontestables pour limiter l’âge du recours à l’assistance médicale à la procréation, en raison notamment des risques médicaux, tant pour les paternités que pour les maternités tardives, ainsi que des risques, pour l’enfant à naître, liés au trop grand écart d’âge avec ses parents. Ces risques sont documentés ; je vous renvoie à l’étude d’impact du projet de loi.

Le critère qui figure dans la loi aujourd’hui – « être […] en âge de procréer » – ne peut être maintenu : il est large, imprécis, sujet à interprétation ; il pose en pratique des difficultés aux équipes médicales ; il est source d’inégalités et il fait l’objet de contentieux contre l’Agence de la biomédecine.

Notre devoir est donc de poser des limites claires et de prévoir des bornes d’âge incontestables pour les équipes. Or la formulation retenue à l’issue des débats de la commission spéciale – « des conditions d’âge encadrées par une recommandation de bonnes pratiques fixée par arrêté du ministre en charge de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine » – ne me paraît pas de nature à répondre à ces exigences.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite revenir au texte du Gouvernement : lever la condition d’infertilité pour tous les publics, reprendre le principe de non-discrimination dans l’accès à l’AMP et fixer des conditions d’âge d’accès à cette technique par décret.

M. le président. L’amendement n° 258 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 2141-2. – I. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.

« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs.

« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons.

II – Alinéas 13 et 14

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. L’une des forces du projet de loi initial était d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées dans les mêmes conditions que pour les couples hétérosexuels. Il s’agissait ainsi de ne pas faire de distinction selon l’orientation sexuelle ni le statut matrimonial des demandeurs.

Or la commission spéciale est revenue sur cette extension harmonieuse, en conservant le critère pathologique pour l’accès des couples hétérosexuels à l’AMP.

Mes chers collègues, au-delà des divergences que connaît notre assemblée sur ce sujet, force est de constater que, en pratique, cette position médiane soulève des questions.

En premier lieu, sur le plan de la logique juridique – j’aurai l’occasion d’y revenir plus tard, à propos d’un amendement que nous avons déposé –, le texte de la commission spéciale subordonne aux critères pathologiques la prise en charge de l’AMP par l’assurance maladie. Dès lors, comment justifier le maintien de ce critère pour les seuls couples hétérosexuels, alors qu’une femme seule ou en couple avec une autre femme peut présenter des problèmes d’infertilité entrant dans le même champ ?

En second lieu, le maintien de ce critère en lui-même, quels que soient les demandeurs concernés, ne semble pas aujourd’hui pertinent. Acceptons de regarder les faits : dans 15 % des cas, la mise en œuvre de l’AMP ne s’inscrit pas dans un contexte pathologique. Comment justifier, en droit, le maintien d’un critère qui n’est déjà pas toujours appliqué dans la pratique ?

Pour ces différentes raisons, guidés par un souci de cohérence, nous proposons de supprimer le critère pathologique pour l’accès à l’AMP des couples hétérosexuels.