M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 5 février 2020, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, l’article 27 de la Constitution dispose : « […] Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »

Or non seulement le système de vote électronique qui vient d’être instauré est organisé pour permettre à un seul sénateur de voter pour plus de cent personnes de son groupe, mais en plus il ne permet pas de donner procuration au sénateur de son choix. En clair, dans chaque groupe, une personne est désignée pour recevoir procuration pour l’ensemble du groupe.

Une telle pratique est totalement contraire à la Constitution. À titre personnel, je la trouve scandaleuse, mais pour nous autres, sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, cela pose un problème extrêmement grave, le propre des sénateurs non inscrits étant de ne pas avoir tous obligatoirement les mêmes positions.

Il y a environ deux mois, ma collègue Christine Herzog m’avait donné une procuration de vote, conformément aux dispositions de la Constitution et de la loi organique. Je n’ai pas pu utiliser cette procuration !

Au cours des derniers jours, je me suis rendu compte qu’en raison d’un bug informatique on avait voté pour moi alors que je ne l’avais pas demandé ! Ce système est invraisemblable. Je n’ai pas voulu faire une mise au point au sujet d’un vote, car il s’agit non d’une erreur, mais d’un dysfonctionnement du système informatique ! Les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe sont les premières victimes de ce système totalement antidémocratique et contraire aux principes de la Constitution.

La Constitution dispose que nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. Il est donc scandaleux qu’un sénateur vote ici régulièrement pour cent personnes dont il a reçu mandat !

Mme Cécile Cukierman. Ça a toujours existé ! Avec les cartes, c’était déjà la même chose !

M. Jean Louis Masson. Je tiens donc à protester et à dire clairement que les votes émis en mon nom au cours de ces derniers jours ne m’engagent aucunement !

Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

4

Mises au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Lors des scrutins publics nos 82 et 86, ma collègue Josiane Costes souhaitait voter pour.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis.

Mme Annie Delmont-Koropoulis. Je souhaite faire une mise au point concernant le scrutin public n° 86 : Brigitte Lherbier et Antoine Lefèvre souhaitaient s’abstenir ; Philippe Dominati, Alain Houpert, Catherine Procaccia et moi-même souhaitions voter contre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Lors du scrutin public n° 82 du 28 janvier 2020 portant sur l’amendement n° 214 rectifié tendant à la suppression de l’article 17 du projet de loi relatif à la bioéthique, je souhaitais voter pour.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 81, mon collègue Alain Fouché souhaitait voter pour. Lors du scrutin public n° 85, Alain Fouché souhaitait voter contre et le président Claude Malhuret souhaitait s’abstenir.

Mme la présidente. Acte vous est donné de ces quatre mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.

5

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – trente et une voix pour, trois voix contre – au renouvellement de M. Philippe Wahl à la présidence du conseil d’administration de La Poste.

6

Candidatures à une commission d’enquête

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

7

Article 19 ter (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 19 quater (nouveau)

Bioéthique

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (projet n° 63, texte de la commission spéciale n° 238, rapport n° 237).

Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre V, à l’article 19 quater.

TITRE V (suite)

POURSUIVRE L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ ET DE LA SÉCURITÉ DES PRATIQUES DU DOMAINE BIOÉTHIQUE

Chapitre Ier (suite)

Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 20

Article 19 quater (nouveau)

Après le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre Ier ter ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER TER

« Actions de prévention et de soins concernant le nouveau-né

« Art. L. 2131-7. – Par dérogation à l’article 16-10 du code civil et à l’article L. 1131-1 du présent code, peut être proposée aux titulaires de l’autorité parentale, dans le cadre du dépistage néonatal, la recherche en première intention d’anomalies génétiques pouvant être responsables d’une affection grave justifiant de mesures de prévention ou de soins. Une liste des anomalies génétiques susceptibles d’être recherchées dans le cadre d’un examen des caractéristiques génétiques réalisé en première intention chez le nouveau-né est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l’Agence de la biomédecine et de la Haute Autorité de santé.

« La réalisation de cet examen est subordonnée au recueil du consentement des titulaires de l’autorité parentale dans les conditions prévues aux I et II de l’article 16-10 du code civil.

« Les examens des caractéristiques génétiques réalisés en première intention en application du présent article ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie. Leur coût est à la charge des titulaires de l’autorité parentale. Ces examens peuvent, le cas échéant, faire l’objet d’une prise en charge, totale ou partielle, par l’organisme complémentaire d’assurance maladie des titulaires de l’autorité parentale. »

Mme la présidente. L’amendement n° 289, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Cet amendement vise à supprimer l’article 19 quater adopté en commission, qui introduit la pratique de tests génétiques en première intention dans le cadre du dépistage néonatal.

Cet article vise à préciser, en outre, que la prise en charge financière de ces tests serait alors à la charge des titulaires de l’autorité parentale et, éventuellement, des mutuelles complémentaires.

Le seul fait qu’un test soit disponible et réalisable ne justifie ni sa prescription ni sa réalisation. La pratique de tests génétiques en première intention dans le cadre du dépistage néonatal doit continuer à répondre aux critères de pertinence des programmes nationaux de dépistage en population générale. Il revient à la Haute Autorité de santé (HAS), en liaison avec l’Agence de la biomédecine, de travailler sur ces sujets pour étudier les perspectives, notamment thérapeutiques, qui peuvent exister une fois que ces tests ont été réalisés, pour examiner la pertinence de ces tests et pour ouvrir les débats sur des questions qui, à ce stade, ne sont pas expertisées.

Le dépistage néonatal a pour objet la prévention secondaire des maladies à forte morbidité ou à forte mortalité dont les manifestations peuvent être prévenues complètement ou partiellement par un traitement engagé très tôt après la naissance. Ce qui justifie ces tests, c’est l’existence d’un traitement qui peut être commencé immédiatement.

Ce dépistage est en France d’excellente qualité, il répond à des besoins précis en santé, sur un public parfaitement identifié, avec des tests validés et performants, et surtout un gain indéniable en raison d’une prise en charge thérapeutique efficace. Ces tests sont totalement pris en charge par la solidarité nationale.

Le programme national de dépistage néonatal évolue donc en fonction des avancées scientifiques et des possibilités thérapeutiques. Les examens réalisés dans le cadre de ce dépistage sont fixés par arrêté, en application d’une disposition de principe du code de la santé publique.

Par ailleurs, l’article introduit en commission vise à écarter la prise en charge de ces tests génétiques par l’assurance maladie en lui préférant un éventuel remboursement par des complémentaires santé. Cela ne correspond aucunement à notre conception du dépistage néonatal. Une fois de plus, je le précise, ce dépistage doit pouvoir conduire à un traitement ou à la proposition d’une thérapie.

Un tel article serait source d’inégalités, ce qui n’est pas acceptable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose d’adopter cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la bioéthique. Certaines maladies génétiques d’une particulière gravité font aujourd’hui l’objet de thérapies géniques prometteuses qui représentent un véritable gain de chances pour les personnes concernées, notamment lorsque ces thérapies sont administrées à un stade précoce chez le jeune enfant, idéalement avant l’apparition des premiers symptômes. C’est le cas en particulier pour certaines formes de l’amyotrophie spinale infantile.

Le dépistage de ces maladies nécessite un examen ciblé de génétique moléculaire qui permet d’identifier la présence d’une mutation génétique bien précise. Ce test, peu coûteux, permettrait de faire bénéficier les nouveau-nés concernés par cette mutation de traitements qui amélioreraient significativement leur espérance et leur qualité de vie.

À titre d’exemple, il existe un traitement pour une forme de l’amyotrophie spinale infantile qui, s’il est administré très tôt au nouveau-né, permet de prévenir l’apparition de séquelles très lourdes. Toutefois, pour pouvoir procéder à l’injection avant l’apparition des premiers symptômes, il faut savoir si l’enfant présente la mutation génétique en cause.

Ce test est envisageable pour un enfant déjà né, il n’y a donc aucune dérive eugénique. Il s’agit, au contraire, de lui permettre d’avoir accès le plus tôt possible aux traitements disponibles.

Quant à la non-prise en charge, madame la ministre, que vous évoquiez, la commission spéciale a été contrainte par l’article 40 de la Constitution.

Mme la ministre des solidarités et de la santé a affirmé hier, lors de l’examen de l’article 10 ter, qu’il existait des traitements permettant de traiter certaines formes d’amyotrophie spinale infantile. Or l’AFM-Téléthon nous a indiqué que l’intérêt de ce traitement est qu’il soit administré le plus tôt possible avant l’apparition des premiers symptômes. Les associations de malades demandent donc de pouvoir procéder au test génétique ciblé pour savoir si l’enfant présente la mutation justifiant l’administration du médicament avant l’apparition des premiers symptômes.

Cette disposition s’inscrit dans la philosophie du dépistage néonatal grâce au fameux test de Guthrie dans les soixante-douze heures après la naissance. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je suivrai l’avis de la commission spéciale. L’objectif des lois de bioéthique est évidemment de s’appliquer pendant plusieurs années. Mme la rapporteure nous a cité l’exemple d’une maladie. Il faut espérer – je crois en la science et au progrès – que, dans les années à venir, d’autres maladies pourront également être dépistées. Ainsi, des enfants seront soignés et sauvés de graves dysfonctionnements, parfois même de la mort. Pourquoi nous opposer à aider et à sauver des enfants déjà nés ?

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. L’article 19 quater vise à permettre de réaliser en première intention des examens génétiques chez le nouveau-né dans le cadre d’un dépistage néonatal pour la recherche d’anomalies génétiques susceptibles de mesures de prévention.

Mme la rapporteure vient de le souligner, des maladies génétiques très graves peuvent déjà faire l’objet de thérapies géniques prometteuses. Elle a cité l’amyotrophie spinale pour laquelle le traitement doit être commencé tôt. D’autres maladies peuvent être recherchées, comme la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie, la mucoviscidose ou la drépanocytose. Cet article introduit par la commission me paraît donc aller dans le bon sens.

Madame la ministre, selon vous, cet article serait inutile, car le ministère s’adapte. Certes, mais pourquoi ne pas le maintenir ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous partageons évidemment tous l’idée d’une mise à jour permanente du dépistage néonatal lorsqu’il existe un traitement. Il importe que ce traitement puisse nettement améliorer les conditions de vie des nouveau-nés, voire éventuellement leur sauver la vie.

Bien sûr, j’entends vos arguments, notamment ceux qui sont relatifs aux pistes très prometteuses de traitements thérapeutiques. Néanmoins, nous parlons d’essais cliniques. Nous ne pouvons pas envisager de faire de la thérapie génique sur l’ensemble des enfants qui naîtraient atteints d’une pathologie avant d’avoir démontré, par des essais très encadrés, la pertinence du traitement proposé !

Le souhait du Gouvernement n’est pas d’interdire le dépistage prénatal des pathologies pour lesquelles nous avons un système fiable thérapeutique à proposer, mais il est de conserver au dispositif son degré de souplesse. Notre ambition n’est pas d’inscrire dans la loi cinq pathologies – pourquoi pas quatre, dix ou douze ? – ni de les graduer entre elles, mais bien de les préciser au fur et à mesure que des traitements seront mis en place.

Il est effectivement très important, chaque fois qu’un test de dépistage est proposé, de pouvoir offrir une solution thérapeutique aux parents. Nous ne pouvons pas simplement leur dire qu’une grave anomalie a été détectée chez leur enfant, mais que l’on est incapable de la traiter, et les laisser ainsi dans le désarroi.

Sur un certain nombre de ces pathologies, notamment en thérapie génique, nous en sommes au stade de mise en place des premiers essais cliniques. Nous ne pouvons donc pas considérer que ces traitements sont d’ores et déjà fiables pour l’ensemble des enfants atteints.

Le Gouvernement demande donc la suppression de cet article de manière à conserver de la souplesse au dispositif. Il importe de pouvoir compléter la liste des pathologies concernées par le dépistage prénatal au fur et à mesure de la mise au point des traitements préventifs ou curatifs.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Depuis mars 2019, un médicament bénéficie d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) pour des essais cliniques, mais aussi pour des traitements. On voit bien qu’on est à l’aube d’une ère nouvelle.

Ma collègue Catherine Procaccia l’a souligné, pourquoi perdre encore cinq, six ou sept ans en n’inscrivant pas ce principe dans la loi ? (Mme la ministre fait un geste de dénégation.)

Le débat est intéressant. Il serait dommage de priver des enfants de dépistage et de soins, car il s’agit de maladies graves, parfois mortelles, en tout cas très handicapantes. Nous ne pouvons l’ignorer.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 289.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19 quater.

(Larticle 19 quater est adopté.)

Article 19 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 21

Article 20

L’article L. 2213-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 2213-1. – I. – L’interruption volontaire d’une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d’une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

« Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Le médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et le médecin qualifié dans le traitement de l’affection dont la femme est atteinte doivent exercer leur activité dans un établissement de santé.

« Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation.

« II. – Lorsqu’elle permet de réduire les risques d’une grossesse dont le caractère multiple met en péril la santé de la femme ou le devenir des embryons ou des fœtus, l’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple peut être pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse si deux médecins, membres d’une équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme, attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, que les conditions médicales, notamment obstétricales et psychologiques, sont réunies. L’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal ayant requis, si besoin, l’avis d’un médecin qualifié en psychiatrie ou, à défaut, d’un psychologue. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation. Aucun critère relatif aux caractéristiques du ou des enfants à naître, y compris leur sexe, ne peut être pris en compte pour l’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple.

« III. – Dans les cas prévus aux I et II, préalablement à la réunion de l’équipe pluridisciplinaire compétente, la femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par tout ou partie des membres de ladite équipe. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne, Delahaye, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog, M. Masson et Mme Perrot, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse.

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.

M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement de portée modérée a néanmoins son importance. Il vise à maintenir, hormis les cas d’urgence médicale, le délai de réflexion d’une semaine avant la pratique d’une interruption médicale de grossesse (IMG).

Mme la présidente. L’amendement n° 91 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche, MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Retailleau, Mayet, Vial, Cambon, Bignon, Rapin et Reichardt, Mme Morhet-Richaud et MM. Meurant, H. Leroy, Chaize, Mandelli, Segouin et Hugonet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« . – Dans les cas prévus aux I et II, la femme concernée se voit proposer un délai de réflexion de sept jours avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse et reçoit une information complète pour permettre son choix libre et éclairé. »

La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 20 concerne l’interruption médicale de grossesse et vise à supprimer le délai de réflexion instauré en 2011.

L’IMG est proposée lorsque la poursuite de la grossesse fait courir un risque grave à la mère ou lorsque le fœtus présente un grave handicap physique ou mental, rendant son existence difficile ou sa survie impossible. Il s’agit d’une opération douloureuse.

Lorsque les futurs parents sont confrontés à une suspicion de handicap de leur enfant, la réaction la plus naturelle est l’effet de panique. Sous le choc de l’annonce du diagnostic, ils ne sont pas forcément en mesure de l’assimiler.

C’est pourquoi le délai de sept jours, qui est théoriquement prévu, est réellement important. C’est un temps de réflexion, de questionnement, de compréhension de la situation, ainsi que d’accompagnement. Ce délai de sept jours humanise tout simplement la démarche que s’apprête à faire le couple.

Le Conseil d’État a lui-même considéré que ce délai était un droit important. L’inscrire dans la loi renforce ce droit.

Par ailleurs, supprimer la proposition de ce délai de réflexion d’une semaine conduit à banaliser un acte qui a de lourdes conséquences humaines et psychologiques au détriment des alternatives que constituent l’accueil et la prise en charge des nouveau-nés malades ou handicapés.

J’insiste sur le fait que ce délai de réflexion est une proposition faite aux femmes, aucunement une obligation.

L’objet de cet amendement est d’accorder un droit à la femme, dont elle pourrait disposer si elle le souhaite.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la bioéthique. L’amendement n° 69 rectifié vise à rétablir une obligation pour le praticien de proposer un délai de réflexion de sept jours à une femme qui souhaite procéder à une interruption médicale de grossesse.

Il faut envisager la réalité du problème sous tous ses aspects.

Le processus qui mène à une interruption médicale de grossesse est long. Il nécessite une première phase de réalisation d’examens complémentaires afin d’évaluer le pronostic d’une pathologie particulièrement grave chez un fœtus présentant une anomalie.

Vient ensuite le temps du diagnostic, le temps de l’annonce et des explications qui sont délivrées par l’équipe du centre à la femme ou au couple, puis celui de l’échange entre l’équipe médicale et la patiente afin qu’elle puisse intégrer la nouvelle. Il y a aussi un temps pour la réflexion. En réalité, il s’agit d’un processus long qui ne dure jamais moins de quelques jours.

Faut-il fixer un nombre de jours incompressible ? Qu’est-ce que cela apporterait dans le processus ? À mon sens, ce serait uniquement une rigidité venant contrarier la gestion, à laquelle ces équipes sont habituées, d’une situation psychologique extrêmement difficile pour les femmes et pour les couples.

De fait, une fois actée la décision de la femme, l’organisation de la prise en charge exige un temps de préparation incompressible. C’est à peu près de délai que vous proposez. Mais le systématiser et le figer n’apporterait rien, si ce n’est quelques complications pour les équipes médicales. La commission a donc émis un avis défavorable.

Elle est également défavorable à l’amendement n° 91 rectifié ter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Pour les mêmes raisons que la commission spéciale, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

La décision prise est le point d’aboutissement d’un très long processus qui demande beaucoup de confiance et d’échanges entre l’équipe médicale et le couple ou la femme qui prend cette décision. Rajouter un délai induit souvent un sentiment de culpabilité. Dire à une femme qu’à partir de maintenant – quand fixer le « maintenant » ? – elle a sept jours pour bien réfléchir semble lui signifier que jusque-là elle n’avait peut-être pas suffisamment réfléchi.

Comme l’a souligné M. le rapporteur, il serait dommage d’abîmer la relation de confiance entre la femme et l’équipe médicale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Je ne comprends pas très bien la cohérence des propos de notre rapporteur. Il nous dit : « De toute manière, le délai est très long, nul besoin de prévoir un délai de réflexion de sept jours, le processus dure souvent plus d’une semaine. » En quoi le fait de prévoir un délai de sept jours poserait-il alors problème ? Cela ne changerait rien ! Si, comme la ministre et le rapporteur le disent, un délai relativement long s’écoule déjà, cela n’allongerait pas la procédure !

Nous pouvons aussi discuter pour fixer un délai de six jours au lieu de sept, pourquoi pas ? Quoi qu’il en soit, je relève une contradiction fondamentale dans les explications et les justifications qui nous sont fournies.

On nous dit que cela prend « presque toujours » du temps. Certes, mais il peut exister des cas où la décision est prise à la va-vite, en vingt-quatre heures. Il me semble donc intéressant de prévoir un garde-fou. Vous allez me répondre que la décision n’est jamais prise en vingt-quatre heures. Si tel est le cas, en quoi le fait de l’écrire noir sur blanc poserait-il un problème ?