compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

Mme Marie Mercier.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer, au cours de nos échanges, l’une des valeurs essentielles de notre institution : le respect, celui des uns et des autres, celui du temps de parole et celui des gestes barrières, au sujet desquels les questeurs et moi-même vous avons adressé un courrier voilà quelques jours.

gestion de la crise sanitaire (i)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Harribey. Oui, la situation sanitaire est grave. Oui, des dispositions contraignantes devaient être prises, comme dans tous les pays européens. Oui, il faut freiner la circulation du virus pour permettre aux soignants de tenir. Oui, nous devons faire preuve de responsabilité, comme nous l’avons fait en votant la déclaration du Gouvernement.

Toutefois, encore faut-il que les décisions soient logiques et équitables ! Comment justifier la fermeture des petits commerces, qui appliquent les protocoles sanitaires, au prétexte qu’ils ne seraient pas « essentiels » ? Comment justifier qu’acheter un fer à repasser dans une grande enseigne soit plus « essentiel » qu’acheter un livre en librairie ? Comment justifier que monter dans un bus pour aller travailler soit plus sûr que faire une balade en forêt à plus d’un kilomètre de chez soi ?

Aussi, ma question est simple : où est la logique ? Quelle en est l’efficacité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. (Vives exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le Premier ministre est pourtant là !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord excuser Bruno Le Maire et Alain Griset, qui mènent actuellement une réunion avec l’ensemble des organisations syndicales et des fédérations de commerçants, en cette période difficile.

Vous évoquez, madame la sénatrice, la situation sanitaire. Et, à juste titre, vous cherchez à déceler la logique des prises de décisions du Gouvernement.

En ce qui concerne la situation sanitaire,…

Mme Laurence Harribey. Ce n’est pas ma question !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. … je rappelle que nous devons faire en sorte de réduire le taux de reproduction du virus, le fameux « R0 », de 1,6 à 0,8. Il faut donc diviser par deux les interactions sociales des Français.

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas la question !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. C’est pourquoi nous avons dû prendre des décisions extrêmement difficiles pour réduire ces interactions sociales par le confinement. Nous avons pris également la décision difficile de garder les écoles ouvertes…

M. David Assouline. On veut savoir la logique de tout cela !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. … et de laisser le travail possible, dès lors qu’il ne pouvait y avoir de télétravail. En effet, la solution inverse aurait été pire que le mal.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Où est la logique ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Si nous avions accédé à la demande que vous formulez aujourd’hui, madame la sénatrice, et laissé l’ensemble des commerces ouverts, le confinement serait alors revenu exactement à fermer les seuls bars et restaurants.

C’est avec une extrême difficulté, mais aussi un grand sens de la responsabilité, que nous avons pris cette décision consistant à limiter les déplacements des Français, qui voient et côtoient d’autres personnes dans les commerces. Rouvrir ces derniers signifierait mécaniquement que le confinement équivaudrait à fermer uniquement les bars et les restaurants. (M. François Patriat applaudit.)

M. David Assouline. Allez voir dans le métro s’il y a un confinement !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez l’art de déformer les propos. Et le fait que ce soit vous qui répondiez est tout à fait significatif de votre respect du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, UC et Les Républicains.)

L’important n’est pas de comprendre les frustrations des uns et des autres ; c’est que les décisions soient acceptées. Or, pour qu’elles soient acceptables, il faut qu’elles soient compréhensibles.

Et si cette acceptabilité passait par un changement de méthode ? Voici quelques propositions : changer la logique en privilégiant les protocoles sanitaires, plutôt qu’en raisonnant par « produits essentiels » ou par type de commerce ; faire contribuer ceux qui tirent parti de la crise, comme les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), à un fonds de soutien au commerce de proximité ; faire confiance aux élus locaux, car les innovations viennent des territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Très bien !

Mme Laurence Harribey. Enfin, parce qu’il est impossible d’aller d’état d’urgence en état d’urgence sans concertation, modifiez la gouvernance de cette crise en vous appuyant sur le Parlement, plutôt qu’en lui donnant la leçon, comme hier soir, à l’Assemblée nationale. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, UC et Les Républicains.)

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Laurence Harribey. Pour que la responsabilité soit partagée, encore faut-il que la décision le soit aussi. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

commerces de proximité

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le ministre de l’économie, la deuxième vague de l’épidémie de covid-19 frappe notre pays de plein fouet. Le nombre des personnes infectées dépasse les chiffres du mois de mars dernier, et les indicateurs sont au rouge.

Face à la gravité de la situation, le Gouvernement a décidé par décret, le 29 octobre dernier, et selon des critères bien flous, de fermer les commerces dits « non essentiels », parmi lesquels nombre de petits commerces de proximité.

Cette décision soulève une incompréhension doublée d’un sentiment d’injustice pour des professionnels qui avaient mis en place des mesures garantissant la sécurité sanitaire de leurs salariés et de leurs clients : flacons de gel hydroalcoolique, port du masque obligatoire, nombre limité de clients dans les locaux…

Je redoute que cette fermeture ne représente le coup de grâce pour l’économie locale. Alors que les mastodontes du commerce en ligne et de la grande distribution restent ouverts, cette différence de traitement introduit une discrimination. Or faire ses courses dans un hypermarché comporte plus de risques de promiscuité qu’acheter un livre dans une librairie limitant la présence des clients en boutique.

Dans la commune de Peret, de 1 000 habitants, dont j’ai été longtemps maire, il y a un seul salon de coiffure. Il lui serait possible d’accueillir un client à la fois en appliquant des règles sanitaires strictes, sans pour autant contribuer à propager le virus.

Ailleurs, des maires ont pris, en toute illégalité, des arrêtés pour rouvrir ces commerces, tandis que l’Association des maires de France demande, dans un communiqué, le réexamen de la notion de commerce de première nécessité. Pour répondre à la grogne, vous avez annoncé dimanche un fonds de 100 millions d’euros d’aides pour accélérer la digitalisation et mettre en place un service de click and collect, accompagné d’incitations financières.

Afin de leur donner une chance de survivre à ce nouveau confinement, et parce qu’ils assurent un service indispensable à la vie sociale et économique de nos communes et de nos territoires, le groupe RDSE et moi-même vous demandons, monsieur le ministre, d’autoriser l’ouverture des petits commerces de proximité par dérogation accordée par le préfet, à la demande des maires.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Christian Bilhac. La mise en place de ce système dérogatoire remettra au cœur du dispositif le couple maire-préfet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. (Exclamations sur les travées des groupes RDSE, SER, UC et Les Républicains.)

Mme Elsa Schalck. Y a-t-il un Premier ministre ?…

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à rappeler à la Haute Assemblée que la Constitution, dont nous nous réclamons tous, dispose que n’importe quel ministre du Gouvernement…

M. Philippe Bas. C’est bien le cas !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. … est habilité à représenter l’ensemble de celui-ci et à répondre à sa place. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Bruno Le Maire et Alain Griset devant en ce moment même mener la concertation sur ces mesures, comme vous nous invitez à le faire, il se trouve que c’est moi qui vous réponds.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Concentrez-vous plutôt sur StopCovid ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Cela me permet, monsieur le sénateur, de revenir sur l’engagement exceptionnel du Gouvernement en soutien des petits commerces pris dans cette situation difficile.

Grâce à l’extension du fonds de solidarité, tout d’abord, un commerce réalisant aujourd’hui moins de 10 000 euros de chiffre d’affaires – c’est probablement le cas de la majorité des petits commerces –, qui, en novembre 2019, faisait 6 000 euros ou 7000 euros de chiffre d’affaires, verra son chiffre d’affaires intégralement compensé jusqu’à 10 000 euros.

Mieux, le fait même que le click and collect ne soit pas intégré au chiffre d’affaires signifie qu’un commerce n’ayant pas atteint ce seuil en novembre 2019 pourrait, en novembre 2020, réaliser un chiffre d’affaires plus important qu’en 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Rémy Pointereau. C’est faux !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Vérifiez, mesdames, messieurs les sénateurs : c’est la réalité vécue par nos petits commerces.

Une partie d’entre eux a d’ailleurs préféré la fermeture à une réouverture assortie de protocoles sanitaires beaucoup trop contraignants, car la réalité économique fait qu’il n’y a pas d’intérêt à rouvrir pour accueillir un client par salon de coiffure.

Il y a un engagement très fort de l’État sur le fonds de solidarité – 15 milliards d’euros par mois –, sur les cotisations sociales et sur le prêt garanti par l’État, qui a été prolongé jusqu’au 30 juin 2021. La situation est difficile, mais l’État est aux côtés des petits commerces. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

amazon et commerce en ligne

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Daniel Salmon. Le confinement est devenu indispensable pour la sécurité sanitaire, mais les petits commerçants payent un lourd tribut. Pour la seconde fois, ils sont obligés de fermer boutique et vivent une situation dramatique.

De plus, les mesures mises en place introduisent une inégalité de traitement avec les grandes et moyennes surfaces, d’une part, et avec les géants du numérique, d’autre part. C’est une inégalité insoutenable. Comment accepter cette situation invraisemblable : nos petits commerces sont obligés de fermer, et, en parallèle, des entrepôts d’Amazon s’implantent un peu partout sur notre territoire ?

Ce modèle économique n’est pas durable. Il est à l’origine de dizaines de milliers de destructions d’emplois dans les commerces traditionnels. Il participe à la dévitalisation de nos centres-villes, il bétonne nos terres agricoles et il a un bilan carbone catastrophique.

J’en appelle à la responsabilité de toutes et tous ici, notamment à celle de mes collègues assis à droite de cet hémicycle. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Demander la relocalisation de nos productions et appeler à plus de souveraineté, c’est bien. Mais il ne faut pas pleurer la mort des petits commerces de proximité et, en parallèle, autoriser des implantations et des extensions de grandes surfaces et accepter la construction de vingt nouveaux entrepôts géants d’Amazon un peu partout en France !

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Très bien !

M. Daniel Salmon. En effet, il relève bien de la responsabilité des élus locaux d’accepter, ou non, l’implantation de ces sites sur leur commune.

C’est le cas à Belin-Béliet, en Gironde, où le géant chinois Alibaba va implanter 71 000 mètres carrés d’entrepôts logistiques en plein parc naturel régional, mais aussi à Ensisheim, dans le Haut-Rhin, ou encore à Montbert, en Loire Atlantique. La liste est longue !

Je pourrais également parler des conditions sanitaires des salariés dans la vente en ligne. Monsieur le ministre, pour enfin trouver le chemin d’un modèle économique juste et résilient, soyons efficaces sans attendre. À quand un gel des implantations d’entrepôts de vente en ligne, comme le demande la Convention citoyenne pour le climat, et un moratoire sur leurs ouvertures ?

M. David Assouline. Oui, à quand ?

M. Daniel Salmon. À quand une contribution exceptionnelle d’Amazon et des grandes surfaces en faveur des commerçants et artisans obligés de fermer ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Salmon, je vous remercie de votre question, qui me permet de remettre en perspective la réalité de ce que représente Amazon dans notre pays.

Oui, il s’agit évidemment d’accompagner les petits commerces – nous avons eu l’occasion d’en parler, et nous en parlerons sûrement de nouveau dans la suite de la discussion.

Je souhaite toutefois rappeler les chiffres du e-commerce. En effet, il existe aujourd’hui autour d’Amazon une psychose française qui n’a pas beaucoup de sens. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Le e-commerce représente 10 % du commerce en France, et Amazon 20 % de ce e-commerce.

M. Fabien Gay. Mais pour combien de milliards d’euros ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Il n’y a pas un pays européen où la part d’Amazon soit plus basse qu’en France.

M. Pascal Savoldelli. Vous avez l’air de le regretter !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Lorsque les Français augmentent leurs achats de e-commerce, 60 % de ce surcroît revient aux e-commerçants français, aux entrepreneurs français, aux salariés français, aux entrepôts français.

Chez la sénatrice Harribey, Cdiscount représente 2 000 emplois (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains.)

M. Jean-Claude Tissot. Vous dites n’importe quoi !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Grâce au confinement et au click and collect, cela représente plus d’emplois, plus d’entrepôts et plus de salariés en France.

M. Éric Bocquet. Et moins d’impôts en France !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. La psychose française sur Amazon n’a donc absolument aucun sens. (Mêmes mouvements.) Si Amazon doublait sa part de marché, cette entreprise serait à 4 %.

M. David Assouline. Êtes-vous responsable de la communication d’Amazon ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Le sujet de fond sur lequel nous travaillons, d’ailleurs en lien avec les collectivités territoriales – pour chaque commune, la Banque des territoires finance des places de marché local à hauteur de 20 000 euros –, c’est la numérisation des petits commerces. Seuls 30 % des petits commerces sont numérisés en France, contre 72 % en Allemagne. C’est là qu’est le fond du problème !

Je rappelle que 60 % du e-commerce sont captés par des entreprises françaises comme la Fnac, Cdiscount ou ManoMano. Si nous ne sommes capables ni d’amener les petits commerces à se numériser, ni de doubler le nombre de TPE-PME numérisées, comme en Italie, alors, inexorablement, les petits commerces connaîtront des difficultés dans la durée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

petits commerces pendant la crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Il n’y a pas des élus qui sont responsables et d’autres qui ne le sont pas.

Dans cet hémicycle, nous savons que gouverner dans la période actuelle n’est pas facile. Et nous réaffirmons que, aujourd’hui, la santé publique, celle des Français, est une priorité absolue.

Le Président de la République a annoncé la semaine dernière un reconfinement, que nous pouvons qualifier de partiel. Les écoles, les collèges et les lycées sont ouverts ; certains commerces, les grandes surfaces, les GAFA et les grands groupes qui livrent les foyers travaillent, tandis que d’autres sont fermés.

Nous le constatons, cela crée, dans le pays, de nombreuses incompréhensions, qui sont légitimes. Voici donc mon conseil : sortez de cette notion de « produits de première nécessité ». Si vous mettez le doigt là-dedans, vous n’en sortirez jamais ! Tous les jours apparaîtront de nouveaux produits de première nécessité, forts d’arguments tenant la route.

La boussole, ce doit être la sécurité sanitaire. On peut rouvrir si la sécurité sanitaire est respectée. On ne le peut pas si elle est impossible. On rouvre partiellement dans d’autres cas de figure. Certains commerces rouvriront, d’autres fonctionneront seulement à la marge, d’autres encore feront des livraisons.

Vous avez le devoir d’apporter à ces commerçants et indépendants la visibilité, le soutien, la confiance et l’accompagnement qu’ils méritent et que nous leur devons. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Marques de satisfaction sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Verzelen, je souhaite intervenir à ce stade de la séance pour préciser de nouveau la stratégie du Gouvernement, bien que je l’aie déjà fait, ici même, jeudi dernier. Et je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous nous écoutions les uns les autres – la situation, par sa gravité, le mérite.

Je me suis rendu hier soir, avec le ministre de la santé (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), au Centre hospitalier sud francilien, à Corbeil-Essonnes, que beaucoup d’entre vous connaissent.

Mme Laurence Rossignol. Nous y allons aussi !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je vous assure que ce que j’y ai vu et entendu de la bouche des soignants témoigne de la gravité de la situation sanitaire.

Mme Laurence Rossignol. Cela fait trois semaines qu’ils vous le disent !

M. Jean Castex, Premier ministre. La prise en compte de cette situation est le préalable à toutes les décisions et à tous les débats que ces dernières suscitent légitimement.

Hier encore, plus de 430 personnes sont mortes en France. Cette maladie touche toutes les tranches d’âge, et personne n’est à l’abri.

Mme Laurence Rossignol. Nous savons tout cela !

M. Jean Castex, Premier ministre. J’ai vu, hier, en réanimation, deux patients âgés l’un de 27 ans et l’autre de 33 ans. (M. Laurent Duplomb sexclame.)

Je l’ai expliqué et réexpliqué, on doit naviguer à vue dans tous les pays, et partout le déconfinement a conduit à des mesures de freinage très lourdes, voire à des reconfinements.

Au-delà des polémiques politiciennes, la vérité est que la deuxième vague de l’épidémie est là et qu’elle est arrivée beaucoup plus vite et beaucoup plus fortement que ce quiconque pouvait imaginer. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est ce constat qui nous conduit à amplifier les mesures que nous avons prises en instaurant un reconfinement.

Je vous en rappelle la logique. Au contraire du déconfinement, qui signifie que l’on est libre de sortir, tous les lieux où l’on peut se rendre étant entourés de protocoles sanitaires, le confinement vise à maintenir le maximum de gens chez eux, pour éviter les flux et interactions propices à la propagation épidémique.

Oui, il s’agit, comme vous l’avez dit, d’un reconfinement adapté. Nous vous avons écouté ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous avons tiré les conséquences du premier confinement.

Je vous rappelle que, lors du premier confinement, l’on pouvait déjà aller travailler et prendre les transports en commun pour cela ; il n’y a rien de nouveau ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Nous avions alors fermé tous les établissements scolaires.

Or cette décision a emporté des conséquences extrêmement préjudiciables, notamment pour nos enfants. Des études scientifiques, à commencer par celle de la très sérieuse Société française de pédiatrie, nous ont conseillé de ne surtout pas reconfiner les enfants, et nous les avons suivies. Nous avons donc moins confiné que lors de la première étape.

Une autre exception au précédent confinement était la possibilité de sortir le soir pour se procurer des produits de première nécessité et pour manger. Nous l’avons maintenue, car l’on nous a dit que cette question avait peu émergé lors de la première phase. Toutes les grandes surfaces et tous leurs rayons étaient alors restés ouverts. C’était déjà inégalitaire ! (Mme Cécile Cukierman sexclame.)

M. Laurent Duplomb. C’est sûr !

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous en avons tiré des conséquences adaptées et cohérentes, car, en fermant des rayons dans les grandes surfaces, nous allons limiter les flux et les occasions de sortie. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le répète : le confinement consiste à rester chez soi le plus possible.

Doit-on accompagner tous ces secteurs que nous fermons, qui n’y peuvent rien et qui ne demandent qu’à travailler ? Oui ! C’est un crève-cœur, et nous devons les indemniser.

M. Laurent Duplomb. Avec quelle dette ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous l’avez d’ailleurs reconnu : y a-t-il un pays, en Europe, qui soutient mieux son économie que la France ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Y a-t-il un pays qui accompagne mieux les secteurs qui sont fermés par nécessité sanitaire ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Ce matin, le conseil des ministres a adopté un quatrième projet de loi de finances rectificative, qui comportera toutes les mesures de soutien que Cédric O a décrites. J’espère que vous le voterez.

Nous recevons ces commerçants et nous préparons l’échéance du 12 novembre, mais celle-ci ne pourra être tenue que si la situation sanitaire est meilleure. Vous le savez, cette décision est prise non pas contre eux, mais pour la santé des Français. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. « Dites à mes enfants que je les aime » : tels sont les derniers mots prononcés par Simone, lâchement assassinée, comme Nadine et Vincent, en plein cœur de la basilique Notre-Dame de Nice par ce terroriste immigré tunisien, islamiste radical.

La France veut aujourd’hui déclarer la guerre à l’islamisme politique, qui entend détruire nos valeurs, nos libertés et notre civilisation. Mais la France se donne-t-elle vraiment les moyens de mener cette guerre ?

L’immigration n’est pas la cause première du terrorisme, mais les trois derniers attentats que nous venons de vivre nous confirment qu’elle en est l’une des conditions. Il est temps de mettre un terme au désordre migratoire.

M. Philippe Pemezec. Tout à fait !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Chaque année, 300 000 personnes, essentiellement issues des pays musulmans, entrent légalement en France, auxquelles il faut ajouter 150 000 demandeurs d’asile.

Aussi, je vous le demande solennellement, monsieur le Premier ministre : êtes-vous prêt à revoir les critères d’obtention du droit d’asile, si souvent détourné ?

Êtes-vous prêt à réduire au maximum le regroupement familial, que votre gouvernement a souhaité étendre aux mineurs étrangers isolés ?

M. Philippe Pemezec. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Êtes-vous prêt à remettre à plat, totalement, le droit des étrangers, pour que nous nous donnions vraiment les moyens d’expulser ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Madame la sénatrice, je choisis, là encore, de vous répondre,…

Mme Laurence Harribey. Nous voyons cela !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il ne répond qu’à la droite !

M. Jean Castex, Premier ministre. … compte tenu de la gravité du sujet et de votre terre d’élection, où je me rendrai samedi prochain.

J’ai, avec vous tous, une pensée pour les victimes odieusement et lâchement assassinées à Nice. Ces trois victimes, hélas, font suite à d’autres, trop nombreuses !

Vous m’interrogez légitimement sur la politique que le Gouvernement conduit face à cet ennemi qui, permettez-moi de vous rectifier, nous a déclarés la guerre, à nous. Je le répète devant la Haute Assemblée, il faut clairement identifier cet ennemi. C’est la première condition pour gagner une guerre, ce que nous ferons.

Cet ennemi a un nom. Il s’agit non pas de tous les étrangers, comme vous l’avez vous-même reconnu, ni de tous les musulmans, mais des tenants de l’islamisme radical, qui ont des connexions à l’étranger et des relais en France, y compris parmi des citoyens de nationalité française. Nous devons traquer ces personnes, quelles qu’elles soient.

J’entends, d’ailleurs depuis de nombreuses années, qu’il faut pour cela modifier la loi, voire davantage. Je ne ferai pas l’injure au Sénat, ou au Parlement en général, de dénombrer le nombre de textes législatifs qui sont intervenus en la matière, toutes majorités politiques confondues.

Notre rôle, madame la sénatrice, est de veiller à l’effectivité et à l’application des lois existantes ; et je puis vous dire que c’est ce que nous faisons. Bien sûr, le corpus législatif mérite d’être adapté, notamment s’agissant des réseaux sociaux, ce support dont se servent les ennemis de la République pour la frapper.

En la matière, vous avez tout à fait raison, il faut revoir la réglementation. Mais il faudra surtout l’appliquer. Il faudra renforcer les moyens de suivi des réseaux sociaux et ceux du renseignement, ce que nous avons très largement fait et que nous allons continuer à faire.

Vous le savez, d’ailleurs, bien avant l’odieux attentat de Conflans-Sainte-Honorine, le Président de la République avait annoncé un projet de loi qui, vous le verrez, sera très ambitieux pour renforcer nos outils de lutte contre cet ennemi.