Mme la présidente. L’amendement n° 246, présenté par Mme Assassi, M. P. Laurent, Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Même si cela ne relève pas d’un choix maîtrisé, comme l’a dit Marie-Pierre de La Gontrie, l’article 4 pose un acte politique dans le cadre d’une loi de sécurité globale qui entretient une confusion préjudiciable entre les missions de police municipale et les missions de sécurité publique de la police nationale.

Les sujets que mes collègues de droite parisiens ont mentionnés en parlant d’insécurité relèvent de la police nationale, et cela dans n’importe quelle commune de France. Plutôt que de créer une police municipale à Paris, il faudrait en vérité créer plus de police nationale à Paris. C’est ainsi qu’il convient d’aborder le sujet.

En effet, il faut des moyens de police supplémentaires à Paris pour assurer la sécurité publique du quotidien. Monsieur Bascher, Paris compte effectivement un grand nombre de policiers, mais je vous invite à visiter le vingtième arrondissement, lieu qui m’est cher et dans lequel je vis depuis toujours. Vous constaterez que les policiers « en statique » ne sont pas si nombreux ! Ce n’est pas comme dans le septième arrondissement, et pourtant dans le vingtième, les habitants sont beaucoup plus nombreux.

Dans les arrondissements populaires les plus peuplés de Paris, la présence de la police nationale fait défaut. Moins d’un quart des policiers présents à Paris travaillent dans les commissariats d’arrondissement. Le problème est réel.

Par conséquent, le risque est grand que la création de la police municipale serve de prétexte à entretenir ce désengagement. Les propos que j’entends sur les missions qui devraient être celles de la police municipale parisienne, et sur la possibilité de son armement, contrairement à la définition et au périmètre d’action auxquels se tient la maire de Paris, m’inquiètent, car il y a là une dérive qui s’affirme.

L’adoption de cet article laisserait place à deux interprétations radicalement différentes des missions de cette police municipale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 246.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 313 rectifié, présenté par MM. Richard, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Nous sommes évidemment favorables à l’instauration de la police municipale de Paris. Le débat est ancien et le sujet a été discuté à l’occasion d’autres épisodes législatifs. Cette fois-ci, nous considérons que l’affaire est mûre et nous approuverons donc pleinement cette instauration.

Nous sommes globalement d’accord avec l’idée d’un conseil de concertation entre les élus parisiens et le préfet de police.

Cependant, nous avons été surpris de la tonalité impérative de l’article relatif à ce conseil de concertation. Il nous semble que l’obligation qui est faite de soumettre à ce conseil l’ensemble des documents qui encadrent l’activité de la sécurité à Paris est trop rigide.

Puisque cette formulation nous déplaît, nous avons choisi d’en proposer la suppression, ce qui est sans doute une sanction un peu abrupte. Je vais donc retirer cet amendement au profit de celui du Gouvernement, qui se borne à recadrer les missions de ce conseil en les allégeant.

Mme la présidente. L’amendement n° 313 rectifié est retiré.

L’amendement n° 355, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 16

1° Première phrase

Supprimer les mots :

, et le préfet de police de Paris

2° Deuxième phrase

Après le mot :

publiques

insérer les mots :

relevant de la compétence du maire de Paris

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Pour éviter que nous nous engagions dans un mauvais débat, je répondrai à Mme de La Gontrie, puisqu’elle m’a interpellé, que le préfet de police, non seulement siège au Conseil de Paris, mais devra aussi participer aux travaux que mèneront le maire de Paris et les membres du conseil parisien de sécurité sur la police municipale parisienne, tout comme le fait un commissaire divisionnaire ou un directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) dans son département ou sa circonscription.

Pour éviter toute exagération en la matière, je dis également qu’il ne faut pas passer de rien à tout, autrement dit d’une situation où la Ville de Paris a moins de moyens que les autres communes à une situation où elle en aurait davantage : il n’existe aucun autre conseil de sécurité dans aucune autre ville de France ou aucun autre territoire de la République. Comme chacun le sait, il n’y a que des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) – il y en a d’ailleurs un à Paris – au sein desquels le préfet de police ou son représentant doit évidemment être présent.

Il ne faudrait pas que le nouveau conseil parisien de sécurité, tel qu’il est conçu, laisse penser que la Ville de Paris, qui n’a pas eu de police municipale pendant longtemps, réglera désormais elle-même toutes les questions relatives à la sécurité, alors que celles-ci relèvent bien sûr, puisqu’elles vont bien au-delà de la seule sécurité publique, de l’État. Sinon, la police parisienne deviendrait en quelque sorte un État dans l’État, pour reprendre l’expression employée par M. Dominati.

Cependant, je comprends bien la préoccupation de M. Charon et des élus parisiens concernant les maires d’arrondissement.

Ces derniers, un peu plus qu’ailleurs, plus encore qu’à Lyon ou à Marseille – si les élus de ces villes me permettent de citer cet exemple –, puisque les maires de secteur ne sont pas des maires d’arrondissement – je sais qu’il existe un débat très ancien autour de l’intérêt qu’il y aurait à maintenir les dispositions de la loi PLM, mais les maires d’arrondissement ont à l’évidence une légitimité incontestable, un vrai pouvoir politique, malgré un pouvoir réduit sur le plan administratif –, ne doivent effectivement pas être négligés par la mairie centrale. À ce titre, le texte mérite sans doute une adaptation.

Si la volonté du Sénat est de faire en sorte que le préfet de police de Paris ou son représentant participe à des réunions au cours desquelles sont évoquées des questions de sécurité relevant de la compétence du maire de Paris, j’y suis favorable. En revanche, je suis défavorable à l’idée de créer un conseil de sécurité spécifique lors duquel le préfet de police viendrait prendre ses ordres de la mairie de Paris et des maires d’arrondissement.

Si j’ai déposé cet amendement, madame la sénatrice, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est parce que je souhaitais que l’on ait ce débat. Je vais le maintenir, même si j’imagine bien qu’il ne sera pas adopté. Je vous laisserai le soin d’évoquer ces questions avec vos homologues de l’Assemblée nationale lors de la réunion de la commission mixte paritaire.

En tout cas, la volonté du Gouvernement est claire : nous voulons donner une police municipale à Paris, et non donner à la police municipale de Paris davantage de pouvoirs que ceux dont bénéficient les autres polices municipales de France.

Comme je l’ai dit à sa maire, la Ville de Paris pourra d’ailleurs candidater, si elle le souhaite, à l’expérimentation prévue à l’article 1er, puisque vous venez de le voter. Comme elle y aura certainement accès, elle pourra rapidement envisager que sa police municipale assure un certain nombre de missions, y compris dans l’hypothèse où celle-ci ne serait pas armée.

En résumé, si ce conseil parisien de sécurité, qui est sui generis, un peu comme l’est la Ville de Paris, a pour objet d’associer les maires d’arrondissement à la politique de prévention et de sécurité – au sens du CLSPD – en présence du préfet de police, j’y suis favorable ; en revanche, si l’objectif est de faire en sorte que la ville fixe la politique en matière de sécurité à Paris et donne des ordres au préfet, j’y suis défavorable.

Je maintiens mon amendement pour l’instant, et ce dans l’esprit que je viens d’exposer, celui d’un travail collaboratif avec la Ville de Paris.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je ne peux évidemment pas être favorable à l’amendement de M. Richard, dont le dispositif est, en effet, un peu raide.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur le ministre, comme vous l’avez dit, la Ville de Paris est organisée comme aucune autre commune française : elle est divisée en arrondissements, et le maire de Paris est élu selon une élection au second degré, qui tient compte des résultats de l’élection municipale dans les arrondissements. C’est différent à Lille, à Tourcoing, et même à Marseille, ville qui est découpée en secteurs, ce qui n’est pas tout à fait pareil.

Voici la rédaction que nous proposons, après avoir intégralement réécrit l’article et y avoir intégré le dispositif de l’amendement de M. Charon et de Mme Dumas : « Un Conseil parisien de sécurité réunit le maire de Paris ou son représentant, les maires de chaque arrondissement ou leurs représentants, et le préfet de police de Paris. Il est consulté sur les politiques municipales en matière de sécurité et de tranquillité publiques ainsi que sur la doctrine d’emploi de la police municipale. »

Ce conseil n’est donc consulté que sur des questions municipales.

M. Gérald Darmanin, ministre. Qu’il en soit ainsi !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Pour être parfaitement clair, je vous indique, monsieur le ministre, puisque vous préférez maintenir votre amendement, que j’y suis favorable.

Le rôle du préfet de police de Paris est effectivement de siéger au conseil et de discuter avec le maire de Paris dans le cadre d’une relation bilatérale. Pour autant, la rédaction que nous avons retenue me semble assez claire : tout ce qui est discuté au sein de ce conseil relève exclusivement des compétences du maire.

Je le redis, j’émets un avis favorable sur votre amendement, monsieur le ministre, mais je pense qu’en commission mixte paritaire nous pourrons simplifier la rédaction de cet article, dans la mesure où il me semble que les intentions sont claires de part et d’autre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. S’agissant de l’amendement du Gouvernement, je me suis exprimée très rapidement tout à l’heure. Je vais tâcher désormais de convaincre le ministre, ainsi que le rapporteur, du reste, puisque je n’avais pas compris qu’il y était favorable.

L’idée de ce conseil parisien de sécurité émane de l’opposition municipale. Je n’ai donc absolument aucun parti pris en ce qui concerne sa genèse. Je ne sais pas s’il doit se réunir tous les trimestres ou non, par exemple, mais ce que je sais, et je pense que vous en serez d’accord, c’est que l’exercice consistant à parler de sécurité exclusivement entre élus parisiens, entre maires d’arrondissement en l’occurrence, sans le préfet de police donc, est un peu surréaliste.

M. Gérald Darmanin, ministre. Nous sommes d’accord !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas l’amendement du Gouvernement. On ne parle pas d’une discussion entre gens de bonne compagnie, mais d’un dialogue entre les acteurs de la sécurité à Paris, y compris le préfet de police donc.

Par ailleurs, vous précisez dans votre amendement que le Conseil de sécurité sera consulté sur les politiques de sécurité « relevant de la compétence du maire de Paris ». Je comprends bien l’intention, mais comme il est précisé un peu plus tôt qu’il s’agit de politiques municipales, je pense que cet ajout est un peu redondant.

Pour ces raisons, vous l’aurez compris, nous ne sommes pas favorables à l’amendement du Gouvernement. Je ne sais pas si la commission mixte paritaire est vraiment l’instance où on l’on peut débattre de ce type de sujet, mais, en tous cas, nous défendons une position qui me semble très pragmatique : oui à un conseil parisien de sécurité, mais avec tous les acteurs de la sécurité.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Je reconnais que j’ai moi aussi du mal à comprendre la position de la commission.

Comme l’a souligné Mme de La Gontrie, le Conseil de Paris est en fait une survivance de l’histoire. Je ne sais pas si c’est toujours le cas, mais il a été pendant de nombreuses années, des siècles même, sous la tutelle du préfet de police, qui assistait à la plupart des débats.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il n’est plus sous cette tutelle !

M. Philippe Dominati. Je fais simplement référence à l’histoire, au nécessaire pouvoir régalien et jacobin qu’incarne bien le ministre de l’intérieur actuel, et tous les ministres de l’intérieur qui l’ont précédé d’ailleurs, au nom de la sécurité du Gouvernement et de la capitale.

Par le passé, avant les lois de décentralisation, les conseils départementaux ou généraux siégeaient aussi sous la tutelle des préfets. La seule survivance de cette époque est le Conseil de Paris, au sein duquel siège le préfet de police, qui ne dit d’ailleurs plus grand-chose, à en juger par ce que me disent les conseillers de Paris lorsque je les interroge sur le sujet.

Si l’on se reporte à l’histoire parisienne, le préfet de police était auparavant une personnalité qui connaissait les problèmes de la cité, ceux de la police municipale en particulier, et les questions que posent la drogue et l’insécurité. Ce n’est plus le cas, et ce n’est pas l’homme ou l’institution qui est en cause.

Aujourd’hui, ce ne sont pas les agents, mais les missions de l’État qui ont changé : elles sont telles que l’on ne s’occupe plus des Parisiens. On ne donne plus la possibilité à la préfecture de police de veiller aux Parisiens.

Si l’on adoptait l’amendement du Gouvernement, il faudrait en tirer les conséquences et faire en sorte que le préfet de police n’assiste plus aux débats du Conseil de Paris. Je ne comprendrais pas pourquoi celui-ci ne siégerait pas au Conseil de sécurité – dans cette situation particulière donc –, mais continuerait à siéger à côté du maire au Conseil de Paris, d’autant qu’il s’agit de la seule collectivité territoriale dans ce cas de figure.

Monsieur le ministre, soit vous décidez de faire perdurer, au nom de l’histoire, un mode d’organisation qui appartient au passé, la survivance d’une politique très jacobine, soit vous réformez le système une fois pour toutes.

Si nous en sommes arrivés là, encore une fois, c’est le résultat d’une insatisfaction générale : les jeunes policiers qui sortent de l’école et qui viennent à Paris ne sont pas accueillis dans des logements décents. Ils essaient – au mieux – de rester six ans dans ce purgatoire, mais, en réalité, ils n’ont qu’une envie : retourner dans leur province, dans leur commune.

On le ressent sur tous les plans. Vous qui êtes désormais parisien, monsieur le ministre, comme tous les Parisiens depuis des années, depuis combien de temps n’avez-vous pas vu une police agissant vraiment pour les citoyens ? La police parisienne est obnubilée – et c’est normal – par l’exercice de ses missions de police nationale, notamment la sécurité des manifestations, comme les manifestations contre le Gouvernement par exemple.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Dominati. Cela fait plusieurs décennies que les Parisiens ont perdu l’habitude de voir les policiers s’occuper d’eux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.

Mme Catherine Dumas. Le problème que pose votre amendement, monsieur le ministre, n’est pas celui de la présence du préfet de police aux réunions du Conseil de sécurité. Le véritable enjeu est que les maires d’arrondissement – Paris est une ville qui a la particularité d’être découpée en arrondissements qui équivalent, pour certains, à de très grandes villes françaises – doivent être associés aux discussions en matière de sécurité. C’est pourquoi je ne vois pas en quoi votre amendement réglera quoi que ce soit.

Mme de La Gontrie s’interroge sur la genèse du conseil parisien de sécurité (Mme Marie-Pierre de La Gontrie fait un signe de dénégation.) Cette idée est simplement tirée d’un constat : aujourd’hui, dans le cadre de la gouvernance parisienne, les maires d’arrondissement ne sont pas associés aux débats sur ces sujets. Or nous souhaitons qu’ils le soient.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Je trouve que ce débat est intéressant, parce qu’il illustre parfaitement la confusion que j’évoquais. Parlons-nous de la police municipale et de ses missions, telles qu’elles sont préfigurées par la maire de Paris, ou parlons-nous de la création d’une deuxième police nationale ?

D’une certaine manière, M. Dominati nous dit qu’à côté de la police nationale, tout accaparée qu’elle est par l’ampleur des missions de sécurité publique liée à la taille de Paris et à son statut de capitale, il faudrait une autre police nationale pour s’occuper de la sécurité du quotidien (M. Philippe Dominati fait un signe de dénégation.), qui serait finalement, selon vous, monsieur le ministre, la police municipale. Bref, on nage en pleine confusion !

Je pense, avec toutes les réserves que suscite la voie empruntée, que le plus raisonnable serait de laisser le Conseil de Paris délibérer et définir le type de police municipale qu’il entend créer à Paris – si nous ouvrons cette voie.

Une fois que le débat aura eu lieu et que le Conseil de Paris aura délimité le périmètre des missions qu’il pense devoir être celles d’une police municipale, le temps sera éventuellement venu de proposer la création d’un Conseil de sécurité qui pourrait, à ce moment-là, jouer un rôle plus important que celui dont nous débattons.

M. le rapporteur a beau nous expliquer qu’on ne parlera que de politiques municipales au cours des réunions du Conseil de sécurité, tout le monde le sait bien : si l’on crée un conseil pour aborder les questions de sécurité avec les maires d’arrondissement, il faut que le préfet de police de Paris soit présent autour de la table.

Je le redis, il faut que le Conseil de Paris définisse précisément ce que sera la police municipale parisienne avant de traiter éventuellement cette question.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. D’abord, je voudrais dire à M. Dominati que cela fait un siècle et demi qu’il attend cette mesure et qu’il arrive malgré tout à engueuler le ministre qui la propose ! (Rires.) C’est tout de même assez formidable…

Ensuite, il me semble également un peu osé de nous traiter de jacobins en ressortant l’ancienne édition d’un journal, alors que nous sommes le premier gouvernement à proposer la création d’une police municipale parisienne. On ne va certes jamais assez loin, mais vous pourriez tout de même reconnaître que ce gouvernement prend au contraire Paris au sérieux. Cela donnerait davantage de force à vos arguments.

Au passage, je ne trouve pas que le terme de « jacobin » soit une insulte, mais c’est peut-être dû à la conception que s’en fait l’ancien membre du RPR que je suis et à mes souvenirs militants. (Sourires.) Monsieur Dominati, puisque vous citiez Paris, vous devez connaître la culture politique à laquelle je fais référence même si, je le sais bien, vous n’y adhérez pas.

Je voudrais également souligner que Paris a choisi de prendre exemple sur n’importe quelle autre ville de France en recréant l’équivalent d’une police de proximité au travers des agents de surveillance de Paris (ASP), des gardiens de parc, et en somme de tout ce qui, dans une ville « normale », est du ressort d’une police municipale. Par exemple, à Tourcoing, la police de la circulation, du stationnement, de la salubrité publique, des parcs et jardins relève de la police municipale.

À Paris, on dénombre déjà plus de 5 000 agents tout confondu, qui composent ce que l’on n’appelle pas, mais ce qui ressemble à une police municipale, compte tenu des divers services qu’ils rendent. Il faut donc faire attention à ce que l’on dit : certaines choses sont déjà en place à Paris.

En disant cela, je ne cherche pas à m’immiscer dans le débat parisien stricto sensu. Je constate simplement que plusieurs milliers de fonctionnaires de la Ville de Paris font déjà le travail réalisé par les polices municipales de proximité – cette expression ne signifie d’ailleurs pas grand-chose, car une police municipale est par définition de proximité – dans les autres villes.

La question est de savoir si nous souhaitons vraiment confier des pouvoirs de police à la maire de Paris, une police qui serait à ses ordres et pourrait être armée. Il ne me semble pas inutile de débattre du fait que près de 5 000, 6 000 ou 7 000 hommes et femmes – je ne connais pas le chiffre exact –, qui ne seraient pas sous l’autorité de l’État, pourraient demain exercer leurs missions munis d’armes, dans la ville où résident le Président de la République, les membres du Gouvernement, les personnalités les plus éminentes du monde économique, et où siège le Parlement.

Une telle éventualité pose question. On peut tout de même s’interroger sur ce possible conflit de légitimité politique dans un pays qui, il n’y a pas si longtemps, a vu des chars stationner devant l’Assemblée nationale pour empêcher un certain nombre de personnes de contraindre le Parlement à abdiquer son pouvoir.

Comme l’a dit le ministre Richard, nous avons estimé que le fruit était mûr et que nous pouvions avancer dans cette direction, notamment parce qu’une relation de confiance s’est établie avec la Ville de Paris et que nous sommes d’accord sur l’ampleur des moyens à allouer à la capitale, c’est-à-dire ni plus ni moins qu’aux autres villes françaises.

J’en viens maintenant à la question des mairies d’arrondissement. J’ai l’impression que vous faites porter sur le Gouvernement et le préfet de police de Paris le poids d’une responsabilité qui n’est pas la leur, celui d’enjeux liés aux débats démocratiques complexes autour de la légitimité des maires d’arrondissement vis-à-vis de la mairie centrale. Ce n’est ni au préfet de police ni à la police de la République qu’il revient de résoudre ces problèmes : tout cela résulte de la loi PLM, qui est un peu ancienne.

Je précise à l’attention de M. le rapporteur Daubresse, s’il me le permet, que le maire de Paris est élu, à ma connaissance, par le Conseil de Paris, non pas par les mairies d’arrondissement. Il y a certes des votes par arrondissement, qui permettent de répartir les sièges au sein du Conseil, mais ce sont bien les conseillers de Paris, également conseillers départementaux qui, indépendamment de leur vote au niveau de leur arrondissement, élisent le maire de Paris et ses adjoints.

J’en viens à un autre point important, la situation des policiers décrite par M. Dominati.

D’abord, il ne faut pas exagérer : certains policiers parisiens font bel et bien un travail de proximité. M. Laurent a raison de dire qu’une partie de ces 40 000 policiers s’occupent de sécurité publique, tout simplement parce qu’il y a davantage de tâches de police judiciaire à effectuer à Paris qu’ailleurs, davantage d’enquêtes judiciaires et financières, d’enquêtes sur des affaires de mœurs ou de trafic de stupéfiants.

À Paris, la police s’occupe également beaucoup du maintien de l’ordre public. D’ailleurs, les policiers travaillant dans les commissariats sont souvent impliqués dans ces missions. On y trouve aussi la brigade de recherche et d’intervention (BRI), qui traite évidemment de très importantes affaires relevant du terrorisme ou du grand banditisme.

Mais on recense aussi beaucoup de policiers dans les commissariats qui font un travail de proximité. Personne ne peut dire le contraire.

On ne peut pas imaginer sérieusement que les 40 000 fonctionnaires de la Ville de Paris… Pardon, lapsus révélateur ! Comme le disait Lacan, il s’agit d’un véritable acte manqué. (Sourires.) Je voulais dire que l’on ne peut pas soutenir sérieusement que la préfecture de police de Paris n’assume pas du tout ses missions de proximité. Pourrait-elle faire davantage ? Assurément, comme toute la police nationale, et vous avez parfaitement raison de le souligner.

Les jeunes policiers dont vous avez parlé, monsieur Dominati, ne représentent pas la totalité, mais une large part des fonctionnaires que nous affectons dans la capitale ou sur la plaque parisienne. D’ailleurs, les élus des Hauts-de-Seine, et plus encore ceux de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, pourraient légitimement considérer que les élus parisiens sont fort sympathiques, mais qu’il faut sérieusement débattre du périmètre d’action de la police relevant de la préfecture de police. C’est un sujet dont je discute beaucoup avec les élus des départements limitrophes de la Ville de Paris.

À mon sens, il revient tout autant à la Ville de Paris, en tout cas à la métropole, qu’à l’État de bien accueillir ces jeunes fonctionnaires, d’abord en accordant des logements sociaux à ceux qui gagnent 1 500 ou 2 000 euros par mois, ensuite en cherchant à les convaincre de faire venir leur conjoint. Sachant qu’un policier est souvent marié à un ou une fonctionnaire, on peut en effet estimer qu’il y a suffisamment d’emplois publics à Paris pour les attirer.

Il appartient également à la mairie de Paris d’accueillir les enfants de ces policiers dans de bonnes conditions. Je pense à des politiques publiques attractives, notamment en matière de garde – par exemple, lorsqu’ils s’installent à Tourcoing, les fonctionnaires de police voient la moitié de leurs frais de garde en crèche pris en charge par la ville – ou de cantine scolaire. Toutes les grandes métropoles, dont le pouvoir d’attraction est malmené par la hausse des prix de l’immobilier, agissent de la sorte.

Cela étant, je ne sous-estime pas le fait que la perspective de devoir passer une heure, voire une heure et demie dans les transports en commun, ou de devoir se mettre en colocation dans des logements parfois insalubres, amplifie la difficulté d’attirer de jeunes fonctionnaires à Paris.

Vous le savez sans doute, Paris est la seule commune dans laquelle nous forçons les fonctionnaires de police à rester pendant un certain nombre d’années, ce qui est la preuve de son manque d’attractivité. La faute n’incombe pas à Mme Hidalgo, puisque la difficulté à trouver les moyens de maintenir ces fonctionnaires sur place et de les fidéliser est évidemment très ancienne.

Ce constat vaut pour les agents de police, mais il vaut aussi pour la plupart des fonctionnaires affectés à Paris ou dans sa proche banlieue. Il ne s’agit donc pas d’un problème d’organisation des forces de police en tant que tel, mais bien d’un problème d’accompagnement social, dont je suis prêt à discuter avec les élus parisiens.

Pour autant, je comprends les interrogations des élus parisiens.

Mettons les choses au clair, car j’ai cru percevoir dans l’intervention de M. Laurent une légère confusion. Nous sommes bien d’accord que l’alinéa 16, tel qu’il a été récrit par le Sénat, prévoit qu’un conseil parisien de sécurité – dont on conviendra qu’il n’existe nulle part ailleurs – réunit le maire de Paris ou son représentant, les maires de chaque arrondissement ou leurs représentants, et le préfet de police de Paris. Il est également prévu que ce conseil sera consulté sur les politiques municipales en matière de sécurité et de tranquillité publiques, ainsi que sur la doctrine d’emploi de la police municipale, et qu’il se réunira au moins une fois par trimestre.

Ainsi rédigé – c’est mon premier point –, le texte prévoit donc bien que le préfet de police sera présent au sein du conseil parisien de sécurité.

Si vous me le permettez, madame la présidente, par parallélisme des formes, et en guise de compromis, je suis prêt à rectifier mon amendement.

Dans sa rédaction initiale, celui-ci visait à supprimer la présence obligatoire du préfet de police dans l’instance créée par le Parlement. Je souhaite désormais préciser qu’y siégera le préfet « ou son représentant », tout comme on l’a prévu pour le maire de Paris et les maires d’arrondissement.