Mme Sophie Primas et M. Fabien Gay. Et Hercule ?

M. le président. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution invitant le gouvernement à étudier la possibilité d’une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu le chapitre XVI du Règlement du Sénat,

Vu la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et notamment ses articles 1er et 2,

Vu la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, et notamment son article 1er,

Vu la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, et notamment son article 73,

Vu le code de l’énergie, et notamment son titre préliminaire,

Vu le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) du 6 octobre 2018 intitulé « Réchauffement planétaire de 1,5°C », qui inclut l’énergie nucléaire dans les scénarios permettant d’atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris du 12 décembre 2015,

Considérant l’objectif fixé à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 ;

Considérant que l’article 1er de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 précitée a permis de reporter, de 2025 à 2035, cet objectif, institué par l’article 1er de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 précitée ;

Déplorant que le Gouvernement ait commandé un scenario « 100 % renouvelables » d’ici à 2050 à Réseau de transport d’électricité (RTE) et à l’Agence internationale de l’énergie (AIE), alors que c’est au Parlement de définir, à compter du 1er juillet 2023, l’évolution de notre mix énergétique, dans le cadre de la « loi quinquennale », mentionnée à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, institué par l’article 2 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 précitée ;

Déplorant que le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ne contienne qu’une dizaine de dispositions relatives à l’énergie, et aucune afférente à l’énergie nucléaire, malgré sa place centrale dans la lutte contre le réchauffement climatique ;

Considérant que l’atteinte de l’objectif, largement partagé, de cesser de recourir aux énergies fossiles pour les besoins de notre pays, nécessitera un recours accru à l’électricité, qui devra être abondante et décarbonée ;

Considérant l’objectif de 20 % à 40 % d’hydrogène bas-carbone et renouvelable d’ici à 2030, mentionné à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, institué par l’article 1er de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 précitée ;

Considérant que la production d’hydrogène, qui répond aux impératifs de la transition écologique en décarbonant l’industrie et en développant les mobilités propres, ne peut être collectivement acceptée que si elle est issue de procédés utilisant une électricité décarbonée ;

Considérant que la nouvelle réglementation thermique des bâtiments (Réglementation environnementale 2020 – « RE2020 ») conduira, si elle est adoptée en l’état, à proscrire de facto l’usage du gaz pour le chauffage des logements individuels et collectifs neufs, et donc à renforcer les besoins de la France en électricité décarbonée ;

Considérant l’objectif de décarbonation des transports terrestres d’ici à 2050, mentionné à l’article 73 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 précitée ;

Constatant les risques de tensions, déjà tangibles, que font peser la mise à l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires sur notre sécurité d’approvisionnement électrique ;

Constatant que ces risques ne pourront que s’accroître à l’avenir si la mise à l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires n’est remplacée que par des énergies renouvelables intermittentes et non pilotables, comme le rappelle France Stratégie dans son rapport intitulé « Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030 ? » publié le 15 janvier 2021 ;

Estimant nécessaire de préserver l’atout industriel et technologique que représente la filière nucléaire, forte d’une chaîne de production de près de 2 600 entreprises réparties dans les territoires et employant plus de 220 000 salariés ;

Estimant à ce titre nécessaire de ne pas fragiliser davantage l’opérateur historique de production d’électricité et ses salariés, déjà pénalisés par la fermeture de la centrale de Fessenheim et par l’abandon du projet de démonstrateur « Astrid » ;

Estimant nécessaire de garantir, pour l’ensemble des ménages français, une électricité comparativement peu onéreuse, celle-ci étant en France, taxes et prélèvements compris, de 0,1765 € / kilowattheure (KWh) contre 0,2147 €/KWh au sein de l’Union européenne et de 0,3088 €/KWh en Allemagne ;

Estimant que le nucléaire confère à la France un avantage comparatif inestimable en termes d’indépendance énergétique par rapport à ses voisins européens ;

Redoutant que la France ne doive importer des énergies carbonées pour satisfaire ses besoins énergétiques pour compenser la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique ;

Invite le Gouvernement à étudier la possibilité d’une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques en cherchant à préserver la prédominance du nucléaire au sein de notre mix énergétique.

Vote sur l’ensemble

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à étudier la possibilité d'une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 96 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 261
Pour l’adoption 227
Contre 34

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-huit, est reprise à seize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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Quelle politique d’aménagement du territoire ?

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : « Quelle politique d’aménagement du territoire ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie mon groupe, Les Républicains, d’avoir inscrit à l’ordre du jour ce nouveau débat sur l’aménagement du territoire.

Je dis « nouveau », parce que le 18 novembre 2020, déjà, nous débattions sur l’initiative de nos collègues du groupe RDSE sur le thème de l’« Agence nationale de la cohésion des territoires, un an après sa création », et que le 3 mars dernier s’est tenu un autre débat, à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective, sur les conclusions de son rapport Mobilités dans les espaces peu denses à lhorizon 2040 : un défi à relever dès aujourdhui.

Sous une forme ou une autre, il ne se passe pas une semaine de contrôle passée sans que l’aménagement du territoire figure à l’ordre du jour.

Aussi, pourquoi parler de nouveau d’aménagement du territoire ?

Dans le cas présent, j’ai la faiblesse de penser que la constance avec laquelle le Sénat traite de cette question n’est pas uniquement le fait de ses attributions constitutionnelles. J’ai même la conviction que l’aménagement du territoire, évoqué avec d’autant plus de vigueur que sa réalité, comme politique publique, nous fait profondément défaut.

Vous l’aurez compris, la fonction de ce débat est non pas de produire une analyse critique de la politique publique d’aménagement du territoire du Gouvernement, mais bien davantage de lui demander quelle est cette politique.

L’aménagement du territoire est bel et bien une spécificité française. De l’ouvrage de Jean-François Gravier, Paris et le désert français, publié en 1947, à la création de la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar) en 1963, en passant par la nomination d’Eugène Claudius-Petit au ministère de la reconstruction et de l’urbanisme de 1948 à 1953, notre pays a appuyé toutes ses politiques sectorielles sur l’aménagement du territoire.

Comme le précisait Michel Debré : « Il faut répondre à ce devoir d’État qui, en termes administratifs, se nomme aménagement du territoire. »

Comme chacun ici a pu le constater, cette politique publique s’est lentement érodée avec le temps.

Nous avons cru d’abord que la décentralisation était un palliatif suffisant à cet abandon : c’était se tromper.

Nous avons cru ensuite que le Fonds européen de développement régional (Feder) allait lui aussi se substituer à ce renoncement : c’était, là encore, se tromper.

Nous avons cru enfin que les métropoles nous conduiraient dans une nouvelle ère, rendant le concept même d’aménagement du territoire inopérant : c’était, une fois de plus, se tromper !

Manifestement, plusieurs raisons peuvent être avancées pour justifier la disparition de cette politique publique : pour les libéraux, l’aménagement du territoire, c’est la planification, l’amorce du socialisme ; pour les Girondins, c’est une création jacobine ; pour les autres, c’est une discipline placée sous le sceau de l’arbitraire, du clientélisme. Pour ma part, je rejette ces trois assertions.

La hausse de la dépense publique nous a conduits à sacrifier nos dépenses d’investissement, nous privant ainsi des moyens indispensables à cette politique.

À ce stade, j’ose formuler une question : savons-nous encore faire de l’aménagement du territoire, en termes d’ingénierie, bien sûr, mais surtout en termes de réflexion, de vision ?

Certes, nous avons multiplié les différents plans et schémas : des Sraddet (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) aux PLU (plans locaux d’urbanisme) et PLUi (plans locaux d’urbanisme intercommunaux), en passant par les SCoT (schémas de cohérence territoriale), sans parler des PDU (plans de déplacements urbains), des PLH (programmes locaux de l’habitat), des SRCE (schémas régionaux de cohésion écologique), des contrats territoriaux, des plans de relance, des programmes « Petites villes de demain » et « Action cœur de ville » – et j’en oublie !

Là encore, je me demande naïvement si cette avalanche de plans n’est pas un palliatif…

Toutes les actions engagées depuis trente ans n’ont pas permis de faire disparaître le sentiment d’éloignement ou de délaissement, à la ville comme dans nos campagnes. C’est même l’effet inverse qui s’est produit !

Le vœu pieux de l’article 1er de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, aux termes duquel « La politique nationale d’aménagement et de développement durable du territoire concourt à l’unité de la nation, aux solidarités entre citoyens et à l’intégration des populations », semble lui aussi bien lointain.

De fait, nous nous sommes accrochés trop longtemps au fait métropolitain et à sa théorie du ruissellement, comme nous avons cru que le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication allait redonner à tous les territoires une nouvelle vocation économique. C’est vrai, mais seulement en partie : plus l’économie se digitalise, plus elle se concentre géographiquement.

Plusieurs explications méritent d’être nuancées. D’une part, la moitié des étudiants de France se concentre dans les quinze métropoles que comptait le pays au 1er janvier 2017, alors que celles-ci n’accueillent que 27 % de la population française. D’autre part, la fracture numérique est loin d’être comblée puisque, dans les unités urbaines de moins de 100 000 habitants et dans les communes rurales, seuls 60 % des habitants disent profiter des possibilités ouvertes par les nouvelles technologies, contre plus de 80 % dans l’agglomération parisienne.

Face à ces difficultés, maintes fois énoncées par le Sénat, les gouvernements ont répondu, non par l’aménagement du territoire, mais avec des politiques éparses de soutien aux territoires en difficulté, qui ressemblent davantage à des soins curatifs, sans garantie de guérison.

Pire encore, lorsque l’on voit ce qu’il est advenu des pôles d’excellence rurale, des zones de revitalisation rurale, si chères à Rémy Pointereau, de la prime d’aménagement du territoire, du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac), ou du fonds national d’aménagement et de développement du territoire, on devine que la tendance n’est pas à la hausse des moyens.

En définitive, que devient l’aménagement du territoire ?

Il repose sur le volontarisme des collectivités locales, qui, malgré l’instabilité institutionnelle dans laquelle elles évoluent, se substituent désormais à un État omniprésent et omnipotent. Pour cette raison, nous voulons enfin parler de différenciation, pour que chaque territoire puisse se développer comme il l’entend, fort de son histoire, de sa culture, de son patrimoine et de la volonté des femmes et des hommes qui le font vivre.

Constatant le déclin de cette politique d’aménagement du territoire, votre gouvernement a tenté de renouer avec une vieille tradition française : création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), nomination d’un haut-commissaire au plan, que nous avons auditionné plus de trois heures pour presque rien, et la possible loi 4D – pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification –, sans bien sûr oublier votre nomination, monsieur le secrétaire d’État. Ce sont des signaux positifs, qui n’expriment cependant pas une vision stratégique.

L’enjeu, aujourd’hui, est de donner une perspective à nos concitoyens, sans opposer l’urbain et le rural – nous devrions d’ailleurs utiliser le couple ville-campagne pour dessiner notre avenir.

D’éminents chercheurs, universitaires, géographes et sociologues se sont penchés sur ces évolutions, tels que Christophe Guilluy, Laurent Davezies ou Olivier Bouba-Olga. Valérie Jousseaume, que nous avons auditionnée, a écrit Plouc Pride. Un nouveau récit pour les campagnes, livre très éclairant que je vous invite à vous procurer.

La matière ne manque pas pour alimenter les réflexions de l’exécutif. Faut-il être aveugle et sourd pour ne pas comprendre l’aspiration profonde de nos concitoyens, exacerbée par la crise des gilets jaunes, qui a débouché sur un grand débat national, non suivi d’effets ?

Faut-il être enfermé à l’Élysée pour ne pas mesurer les effets durables de la pandémie, qui accentuent la migration vers les campagnes : l’exode urbain, après l’exode rural ?

Suffit-il d’évoquer l’objectif de zéro artificialisation dans le projet de loi Climat, qui stigmatise les territoires en développement pour régler la question climatique ?

Aucune métropole, y compris Paris, ne s’est construite in situ. Le sujet du développement durable concerne tous les territoires. Ces derniers sont la solution aux questions posées par le projet de loi Climat sur le travail, les déplacements, la production et la consommation.

En réalité, la véritable question devrait être formulée comme suit : quel aménagement et quelle place donner à nos territoires pour répondre aux enjeux climatiques ?

Monsieur le secrétaire d’État, la France s’est construite dans la diversité de ses territoires et de leurs richesses. Vous avez l’ardente obligation de préserver, de protéger ce bien commun, que l’on vive dans une petite commune à la campagne ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Joël Giraud, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je remercie le Sénat, chambre des territoires, d’avoir organisé ce débat sur l’aménagement du territoire. C’est le troisième débat auquel j’assiste ; je suis très heureux d’y représenter le Gouvernement.

Ce débat a été intitulé : « Quelle politique d’aménagement du territoire ? » Le pluriel aurait tout aussi bien pu être choisi, vos questions en témoigneront sans doute. En effet, la politique d’aménagement du territoire touche à une diversité de politiques publiques : les transports, le logement et l’urbanisme, mais aussi la santé, le numérique, la jeunesse et l’accès aux services publics. Il y a donc non pas « une » mais « des » politiques d’aménagement du territoire.

Pour autant – et c’est ce qui justifie d’ailleurs l’emploi du singulier –, toutes ces politiques ont un même objectif : tenir la promesse républicaine d’égalité, compenser les handicaps territoriaux pour permettre à chacune et à chacun de s’épanouir dans sa vie personnelle, familiale ou professionnelle, quel que soit son lieu de résidence. Nous devons veiller à ce que chaque territoire dispose des moyens de surmonter ses fragilités et de développer son potentiel en fonction de ses spécificités.

Pour ce faire, notre politique d’aménagement doit être équilibrée et n’oublier aucun territoire.

Mon portefeuille ministériel l’illustre bien : de nombreux acteurs souhaitaient que la ruralité dispose, tout comme la ville, d’un représentant au Gouvernement – c’est chose faite ! Désormais, et pour la première fois, il existe un secrétariat d’État dédié à la ruralité, auprès de la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault.

Mon rôle est d’assurer le suivi et la mise en œuvre de l’« agenda rural », ce grand plan national en faveur de la ruralité, qui comprend 181 mesures. Les choses avancent bien : à ce jour, 60 % des mesures ont été réalisées et 25 % sont en cours de réalisation. L’agenda ayant été lancé il y a seulement dix-huit mois, il nous reste encore une année pour achever sa mise en œuvre – soyez assurés que j’y veillerai personnellement !

À titre d’exemple, je peux souligner le formidable succès du déploiement des espaces France Services : 1 123 ont d’ores et déjà été labellisés ; il y en aura plus de 2 000 l’année prochaine. L’objectif est de permettre à chacun de nos citoyens d’accéder aux services publics du quotidien, à moins de trente minutes de leur domicile.

Je peux aussi citer la fracture numérique, pour laquelle œuvre Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique. La généralisation de la 4G, la résorption progressive des zones blanches et l’accélération du déploiement de la fibre sont des grands succès de notre politique d’aménagement du territoire.

Pour mettre en œuvre ces politiques, nous disposons d’un opérateur nouvellement créé, qui a déjà fait l’objet d’un débat au Sénat : l’ANCT. Cette dernière s’est imposée comme le nouvel acteur apprécié et incontournable sur les territoires, au travers de ses nombreux programmes nationaux d’appui. Je pense en particulier au programme « Petites villes de demain », qui suscite beaucoup d’enthousiasme sur le terrain. Je trouve votre appréciation un peu modeste, monsieur le sénateur Mandelli : chaque fois que je me rends dans un territoire pour signer une convention relative à ce programme, je constate que les acteurs locaux sont très heureux de disposer d’une telle ingénierie !

L’ANCT va proposer des prestations d’ingénierie gratuite pour les petites communes rurales – celles de moins de 3 500 habitants –, afin qu’elles puissent monter et valoriser leurs projets ; elle joue pleinement le rôle que le législateur lui a confié, celui d’être le bras armé d’une politique de cohésion des territoires.

L’aménagement du territoire, c’est aussi la politique de la ville, dont est chargée ma collègue Nadia Hai. Nous œuvrons en faveur des quartiers défavorisés via une politique de réhabilitation et d’amélioration de l’habitat. La politique de renouvellement urbain, quant à elle, est élaborée conjointement avec la ministre de la transition écologique, pour tenir compte des impératifs environnementaux.

Le comité interministériel des villes qui s’est tenu au mois de janvier dernier a permis de mobiliser 3,3 milliards d’euros supplémentaires au bénéfice des quartiers prioritaires, dont plus de 1 milliard d’euros au titre du plan de relance. En outre, il a été décidé une hausse de 2 milliards d’euros des moyens dont dispose l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, portant ainsi son budget à 12 milliards d’euros pour le nouveau programme national de rénovation urbaine.

Au travers de toutes ces politiques, l’État est présent pour garantir la cohésion des territoires, loin de l’image que certains se plaisent à véhiculer d’une France qui serait déchirée entre la ville, la banlieue et la campagne, d’une « France archipel », éclatée dans des espaces concurrents.

Il nous faut aussi lutter contre cette vision erronée d’un État qui privilégierait les grandes métropoles, seules bénéficiaires des fruits de la croissance, au détriment d’une France périphérique qui serait oubliée – rien n’est plus faux ! Récemment, l’économiste Laurent Davezies a publié un ouvrage qui démontre que les inégalités territoriales n’ont pas explosé et que, sans l’État, certains territoires se seraient vidés. Il a montré, chiffres à l’appui, que l’emploi public a continué de progresser dans les départements dans lesquels l’emploi privé a reculé.

Mais la présence des pouvoirs publics n’a pas toujours suffi à compenser des évolutions économiques profondes, comme la désindustrialisation. L’aménagement du territoire doit reposer aussi sur une économie prospère. Cela excède sans doute les termes du débat de ce jour, mais je tiens à le rappeler : avant la crise du covid-19, nous avions recommencé à créer de l’emploi industriel dans notre pays.

Le plan France Relance nous permettra, dès cette année, de retrouver le chemin de la croissance, car il bénéficie en grande partie aux territoires. Ses crédits sont très largement territorialisés et seront déployés au travers des contrats de relance et de transition écologique. Le Premier ministre a souhaité que chaque territoire soit accompagné pour décliner un projet de relance sur les domaines correspondant à ses besoins et ses objectifs.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, voilà ce que je tenais à dire en prélude à ce débat. En tant qu’ancien élu local – j’ai été maire d’une commune rurale et de montagne durant près de trente ans –, je sais qu’une politique d’aménagement du territoire ne peut se concevoir sans un dialogue constant avec les acteurs de terrain. C’est la raison pour laquelle le débat que nous allons avoir est non seulement utile, mais indispensable.

Nous savons, en France, contrairement à bon nombre de pays de l’Union européenne, aménager le territoire. Je pense que ce débat saura vous en convaincre ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Monsieur le secrétaire d’État, La Poste assure une mission d’aménagement du territoire en veillant à garantir un bon maillage territorial.

À cet égard, les bureaux de poste jouent un rôle essentiel pour créer le lien entre La Poste, les habitants et les services dispensés. Force est de constater que La Poste est actuellement confrontée à une baisse de volume du courrier, estimée à 19 % pour l’année 2020. En effet, le service universel postal est devenu brutalement déficitaire de 1,5 milliard d’euros, alors qu’il était positif jusqu’en 2017.

Cette chute brutale de courrier a été accélérée durant la crise sanitaire. La perte importante ainsi encourue n’a été compensée ni par la forte croissance des transactions de colis, ayant tout de même rapporté à La Poste 300 millions d’euros cette année, ni par l’augmentation du prix du timbre.

Faute de compensation financière par l’État, les missions de service public de La Poste risquent d’être mises à mal. Sont ainsi concernés non seulement le service universel postal, qui oblige La Poste à distribuer le courrier six jours sur sept, sur l’ensemble de notre territoire, mais également l’obligation de maintenir au moins 17 000 points de contact partout en France, ce malgré la fréquentation en baisse de 20 % des bureaux de poste en 2020.

Dans cette perspective, La Poste entreprend sa modernisation : elle favorise la digitalisation, tisse des partenariats et assure la restructuration des bureaux de poste en fonction des besoins locaux. Il faut le souligner, les bureaux de poste sont bien différents en fonction des territoires, ce qui provoque de nombreuses inquiétudes, notamment dans nos territoires ruraux.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser les mesures que le Gouvernement entend prendre pour accompagner La Poste, afin de retrouver un équilibre budgétaire sans porter atteinte au maillage territorial ? Il est absolument nécessaire de garantir une présence sur l’ensemble de nos territoires, en particulier dans les territoires ruraux. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)