Mme le président. Il faut conclure, cher collègue !

M. Alain Richard. … et n’engager aucune initiative visant à perturber l’équilibre fragile qui prévaut dans cette région soumise à des tensions graves.

Mme le président. Il faut vraiment conclure !

M. Alain Richard. Je conclus, madame la présidente.

En cohérence avec la conduite constante de la France sur cette question, nous ne pouvons que recommander la retenue et la recherche de solutions pacifiques et négociées.

La proposition de résolution soumise à votre approbation, mes chers collègues, s’inscrit sans équivoque dans cette ligne. Nous vous la soumettons par conséquent avec confiance. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, INDEP, UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de résolution.

M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous présentons est conforme aux engagements de notre pays, qui consistent à défendre le bon fonctionnement de la santé pour tous dans le cadre de l’Organisation mondiale de la santé, à lutter contre la criminalité transnationale via Interpol, à assurer la sécurité aérienne civile internationale sous l’égide de l’Organisation de l’aviation civile internationale et, enfin, à trouver des solutions viables pour le changement climatique grâce à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Tous ces sujets impliquent nécessairement des efforts concertés de la part de toutes les nations et la participation de tous les citoyens du monde vivant sur notre planète. Les différences d’opinions politiques doivent être mises de côté, car ces questions essentielles dépassent les frontières.

S’agissant de la santé, cet état d’esprit est d’ailleurs bien retranscrit dans la Constitution de l’OMS : « La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale. » Pourtant, Taïwan ne peut pas participer aux travaux de l’OMS ni à ceux des autres instances internationales spécialisées, ce qui ne se justifie pas.

La superficie de Taïwan est proche de celle des Pays-Bas et sa population équivalente à celle de l’Australie. L’île a un PNB légèrement supérieur à celui de la Suède ou de la Turquie.

Taïwan importe plus que la Russie, l’Australie ou le Brésil et exporte davantage que l’Espagne ou l’Inde. Les relations commerciales de Taïwan atteignent un niveau proche de celles de la Norvège, et, si l’on considère le volume d’échanges avec la France, ce pays est un partenaire plus important pour nous que la Thaïlande, le Nigéria, la Malaisie, l’Indonésie ou l’Australie.

La France a des intérêts dans cette partie du monde. Taïwan produit 84 % des semi-conducteurs les plus sophistiqués utilisés sur la planète. Comme vous le savez, mes chers collègues, notre industrie automobile en dépend.

En raison de l’importance des échanges internationaux que ces activités économiques engendrent, il est anormal que Taïwan, qui dispose de deux compagnies aériennes réputées mondialement, ne puisse pas participer aux débats concernant la sûreté aérienne, les services de navigation, la protection de l’environnement et les questions économiques.

De même, avec l’augmentation constante des passagers qui transitent par Taïwan, il est regrettable que ce pays soit exclu d’Interpol, alors que nous souhaitons accentuer nos efforts pour lutter contre le terrorisme, le trafic de drogue et toutes les formes de criminalité.

S’appuyant sur des valeurs démocratiques profondément ancrées, Taïwan a été largement saluée à travers le monde pour son excellente gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19. À ce jour, on dénombre un petit millier de personnes infectées et on déplore seulement une dizaine de décès. Il convient de souligner que Taïwan a offert 54 millions de masques chirurgicaux et des fournitures destinées à contrer la pandémie à plus de 80 pays.

En effet, ce pays partage avec la France un attachement fondamental à la démocratie et aux valeurs universelles. Les principes démocratiques qui prévalent à Taïwan sont une source d’inspiration. À Taïwan, toute personne peut librement s’exprimer, et les journalistes ne connaissent pas la censure. Taïwan est considérée comme le pays le plus libre d’Asie, au même niveau que la France.

Les femmes ont un statut égal à celui des hommes. Non seulement c’est une femme qui a été élue à la présidence et qui dirige le pays depuis cinq ans, mais 42 % des sièges à l’Assemblée nationale taïwanaise sont occupés par des femmes.

Taïwan est tout à fait à même d’apporter une contribution efficace dans les domaines que j’ai évoqués. Encore faut-il laisser ce pays occuper la place qui lui revient dans les instances internationales.

Malgré la prospérité et la stabilité de cet État, le célèbre hebdomadaire britannique The Economist vient d’illustrer sa couverture du 1er mai 2021 en soulignant que Taïwan était l’endroit le plus dangereux de la planète en raison de la menace militaire de la Chine qui pèse sur l’île !

La paix et la prospérité de cette région sont importantes pour l’ensemble du monde. Nous devons travailler ensemble à les préserver. La question du bien-être de l’humanité est au cœur de nos préoccupations. C’est tout le sens de notre démarche aujourd’hui.

En 1965, André Malraux a dit à propos de l’établissement des relations diplomatiques avec la Chine populaire : « Marchons ensemble, mais sans mélanger nos drapeaux ! » Alors, oui, marchons, travaillons, coopérons avec la Chine, mais sans nous écarter de nos valeurs essentielles et en respectant chaque drapeau. Il convient de tous les inclure, celui de Taïwan compris, car il s’agit d’une question majeure qui concerne notre avenir commun. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, SER, UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier nos collègues Alain Richard et Joël Guerriau de nous permettre de débattre de la situation de Taïwan.

Depuis que les forces communistes chinoises ont remporté la guerre civile et pris le contrôle du continent en 1949, ce pays essaie de préserver son autonomie.

Le développement économique de ce territoire a été et reste particulièrement remarquable. Avec un PIB comparable à celui de la Suisse ou de la Suède, Taïwan fait partie des premières puissances économiques asiatiques.

Taipei est en outre un acteur incontournable de la production mondiale des semi-conducteurs les plus avancés. Ces puces sont nécessaires aussi bien à l’industrie automobile qu’à celle du numérique ou à celle de l’armement. Ses entreprises conservent, dans ce domaine, une avance de près d’une décennie sur leurs concurrents.

Le miracle taïwanais a fait de l’île l’un des quatre dragons asiatiques et a permis à la population de bénéficier d’un niveau de vie équivalent à celui de la population de l’Union européenne.

Dans le domaine de la santé, l’île a démontré des compétences indéniables. Elle a fait face avec succès à plusieurs épidémies, dont celle de la covid-19. Alors que Taïwan compte plus de 23 millions d’habitants, le pays a su limiter les contaminations tout en préservant son économie : elle ne déplore ainsi qu’une dizaine de décès liés au coronavirus.

La communauté internationale aurait beaucoup à gagner à davantage coopérer avec ce territoire riche de savoir-faire.

La proposition de résolution que nous vous proposons de voter a pour objet d’inciter le Gouvernement à poursuivre ses efforts tendant à renforcer l’intégration du pays au sein de différentes instances internationales. Cette initiative a été saluée par la Présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, qui a souligné la pertinence de telles coopérations. Le gouvernement français, par la voix du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, a déjà eu l’occasion de témoigner de son soutien à ce texte.

Nous pensons qu’il est important que Taïwan puisse faire bénéficier la communauté internationale de ses compétences dans des matières aussi diverses que la santé, la coopération policière, le dérèglement climatique ou encore l’aviation civile.

Cette proposition de résolution est également l’occasion de réaffirmer notre attachement aux principes du multilatéralisme, du dialogue et de la coopération au sein de la communauté internationale. Ces principes sont au fondement d’une paix et d’une stabilité durables. Taïwan est en effet l’objet de vives tensions géopolitiques impliquant la Chine et les États-Unis. La région assiste depuis quelque temps à une importante montée en puissance des forces armées, et singulièrement des forces navales.

Ce climat de course aux armements laisse craindre l’éclatement d’un conflit ouvert dans les prochaines années. Un tel conflit serait bien entendu tragique pour les acteurs de la région. En outre, les effets néfastes de celui-ci s’étendraient certainement à l’ensemble de la communauté internationale.

Nous sommes convaincus que la paix et la coopération ont fortement contribué à la prospérité des pays de la zone. Il nous semble qu’il est donc dans l’intérêt de tous de veiller à les préserver.

Cette voie constitue également la suite logique des relations pacifiques qui prédominent jusqu’à présent et qu’il importe de perpétuer. Dans la mesure où cette proposition de résolution ne comporte aucune reconnaissance de l’indépendance de Taïwan, elle ne constitue pas une remise en cause de la position française.

Par ailleurs, ce texte nous semble tout à fait compatible avec la situation de Taïwan : les organisations internationales concernées acceptent en effet la participation d’entités n’ayant pas le statut d’État.

Renforcer l’intégration de Taïwan dans les instances internationales permettra de faire profiter de précieuses synergies. C’est aussi l’occasion d’éloigner un peu plus la perspective d’un conflit qui ne profiterait à personne.

Le dialogue et la coopération fourniront des réponses durables aux nombreuses tensions qui pèsent sur cette région.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants espère que ce texte recevra un large soutien de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, SER, UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 1964, la France a rompu ses relations diplomatiques avec Taïwan en reconnaissant la République populaire de Chine. Depuis, elle ne conteste plus le principe d’une seule Chine imposé par Pékin, principe au cœur d’une politique qui a mené à l’isolement de Taïwan au sein de la communauté internationale.

En 1971, l’île perdait son siège à l’ONU. En 1980, elle était exclue du FMI. Depuis 2016, elle ne dispose plus de sa place d’observateur à l’Assemblée mondiale de la santé, en conséquence de quoi elle ne peut plus être associée aux réunions de l’Organisation mondiale de la santé.

Rien ne peut légitimer la mise à l’écart d’un système politique dont nous connaissons tous ici les mérites, tant en termes de vie démocratique que de politique sociale et éducative et de protection de l’environnement.

Le contexte pandémique actuel jette toutefois une nouvelle lumière sur l’exclusion de Taïwan des différentes instances de la communauté internationale. La gestion de la crise sanitaire par Taïwan est en effet un modèle pour bon nombre de gouvernements à l’échelon mondial. La densité de la population y est exceptionnellement élevée. Aussi peuplée que l’Australie, le risque d’une forte circulation du virus y était d’autant plus important.

Taïwan a toutefois tiré les leçons des épidémies liées au SRAS en 2003 et à la grippe H1N1 en 2009. Son gouvernement a géré cette pandémie de façon exemplaire, en exerçant un contrôle fondé sur l’anticipation et la réactivité. À cette date, seuls douze décès ont ainsi été enregistrés sur l’île.

Par ailleurs, la gestion taïwanaise de la pandémie a permis de démontrer, une fois de plus, l’inclination du pays à coopérer activement au niveau international, ce que rappellent les auteurs de cette proposition de résolution. Le pays avait ainsi alerté l’OMS dès décembre 2019 sur les risques d’une transmission humaine du virus. Début 2020, elle faisait un don de 5 millions de masques chirurgicaux à l’Europe, soit l’équivalent de la moitié des dons réalisés à l’échelon mondial, et ce à un moment crucial, c’est-à-dire quand nous en avions le plus besoin.

Nous considérons que cette attitude coopérative et pacifique, tournée vers le monde, est représentative de la volonté constante de Taïwan de participer aux organisations internationales en matière de santé, mais aussi à l’Organisation de l’aviation civile internationale, à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et à Interpol. Il nous semble évident que cette participation, qui est autorisée pour certaines entités non étatiques, serait éminemment profitable aux différentes organisations. Nous nous prononçons donc en faveur de la présente proposition de résolution.

Nous comprenons que cette perception est aussi celle qui sous-tend la position française à l’égard de Taïwan, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Nous sommes donc confiants dans l’accueil qui sera réservé à cette proposition de résolution et dans les démarches que la France poursuivra en ce sens, en amont de la soixante-quatorzième réunion de l’Assemblée mondiale de la santé qui se déroulera à partir du 24 mai. Nous resterons bien entendu vigilants sur ce point.

Toutefois, nous sommes tous conscients ici que ce sujet ne peut être débattu sans que nous abordions la question de l’attitude française vis-à-vis de la Chine et sans que nous nous interrogions sur la manière dont nous souhaitons la voir évoluer.

Le soutien français à l’association de Taïwan aux instances internationales, bien qu’il n’ait pas pour objectif de reconnaître un statut d’État à ce pays ou de remettre en cause le principe d’une seule Chine, ne sera pas sans conséquences sur nos relations avec Pékin, comme l’atteste la récente réaction de l’ambassade de Chine à un projet de voyage de sénateurs français à Taïwan.

Aujourd’hui, pourtant, l’objectif de préserver à tout prix une entente avec un régime qui, selon les termes employés par notre ministre des affaires étrangères fin février, exerce un « système de répression institutionnalisé » sur le peuple ouïghour, ne peut plus être défendu.

Alors, pour sauvegarder l’approche multilatérale et les valeurs démocratiques et humaines qui sont au fondement de notre politique étrangère, quel poids devons-nous accorder aux exigences de Pékin ?

Aujourd’hui, le refus de transiger sur nos propres exigences n’est plus une proposition idéaliste, mais une nécessité reconnue comme telle par l’Union européenne qui, après de premières sanctions, a annoncé avant-hier la suspension de la ratification de l’accord d’investissement avec la Chine.

C’est aussi un devoir pour la France, aux côtés d’une administration Biden qui fait preuve de fermeté à l’égard de la Chine et de la Russie, de replacer les droits humains et les valeurs démocratiques au cœur de son action diplomatique.

Après une présidence Trump tendue et conflictuelle, la responsabilité de notre pays est de s’associer à cette entreprise de reconstruction d’une culture démocratique internationale.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiendra cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI, INDEP et UC.)

Mme le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier chaleureusement les présidents des différents groupes politiques du Sénat d’avoir facilité l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée dans des délais très brefs. Ils témoignent ainsi de tout l’intérêt porté de longue date par notre assemblée à ce lointain territoire insulaire.

Située à quelque cent trente kilomètres des côtes chinoises, l’île de Taïwan est un carrefour stratégique qui entretient, depuis plusieurs siècles, des liens d’importance avec l’Europe et la France. C’est au nom de ces liens étroits que notre assemblée a, au milieu des années 1980, autorisé la création d’un groupe d’échanges et d’études entre le Sénat et Taïwan, groupe qui n’a cessé depuis d’être particulièrement actif. C’est d’ailleurs sur l’initiative de ce groupe que la proposition de résolution à l’étude aujourd’hui a été déposée par vingt-deux de nos collègues, issus de la plupart des familles politiques.

Au printemps de l’an passé, lors du confinement strict qu’a connu notre pays, nous étions déjà cinquante et un sénateurs à signer un appel international demandant à l’Organisation mondiale de la santé de collaborer pleinement avec Taïwan, une manière de reconnaître l’exceptionnelle maîtrise dont ce territoire a fait preuve face à la pandémie de covid-19. En un an et demi, cette île peuplée de plus de 23 millions d’habitants n’a en effet enregistré qu’une dizaine de décès liés à ce terrible virus, un exploit obtenu grâce à des mesures sanitaires rigoureuses et une expertise hors pair. Durement affectée par la crise du SRAS en 2003, Taïwan était certainement le pays le mieux préparé pour affronter cette nouvelle pandémie.

C’est en des termes parfaitement respectueux des équilibres diplomatiques que cette proposition de résolution vise à accorder à Taïwan un statut d’observateur au sein de l’Assemblée mondiale de la santé qui se tiendra prochainement. En effet, il n’y a là rien qui déroge au règlement de l’OMS, puisque Taïwan jouissait déjà d’un tel statut avant 2016.

Nous sommes persuadés que la communauté internationale ne peut que tirer avantage d’une telle efficience, car l’excellence sanitaire de Taïwan ne concerne pas seulement la lutte contre le covid-19, tant s’en faut. Pour la troisième année consécutive, Taïwan occupe le premier rang mondial selon l’indice des soins de santé publié par le site numbeo.com.

De nombreux pays, dont la France, ainsi que 1 700 parlementaires de plus de 80 pays se sont déjà exprimés en faveur d’une telle coopération avec les autorités de Taïwan.

C’est avec le même respect des cadres institutionnels internationaux que les auteurs de la proposition de résolution appellent à la participation de Taïwan aux travaux de l’Assemblée mondiale de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), instance placée sous l’égide des Nations unies. Taïwan en a été l’un des membres fondateurs de 1944 à 1971.

Là encore, il est possible de lui accorder un statut d’invité spécial puisque, en 2013, Taïwan a été autorisée à participer à la trente-huitième Assemblée de l’OACI. Ce n’est pas accessoire, car l’aéroport de Taoyuan à Taïwan se place au dixième rang mondial pour le trafic de passagers et au sixième rang pour le fret.

Pourtant, Taïwan demeure exclu des débats sur les questions de sûreté aérienne, de protection de l’environnement et les questions économiques. Or, parce qu’on lui refuse tout accès en temps réel aux informations globales et aux actualisations régulières de l’OACI, Taïwan met plus de temps que les autres pour se conformer aux standards et aux recommandations de l’Organisation.

Toujours dans le but de renforcer la coopération internationale, les auteurs de la proposition de résolution suggèrent de donner à Taïwan un statut observateur au sein d’Interpol, organisation qui compte 194 pays membres, soit la quasi-totalité des États de la planète, et qui vise à prévenir et à combattre la criminalité grâce à une coopération policière renforcée.

Taïwan accueille chaque année un nombre croissant de voyageurs : le pays est la trente-sixième destination la plus prisée au monde. Il s’agit en outre de la vingt et unième économie de la planète et du dix-huitième exportateur mondial. L’île est donc un maillon indispensable du système de sécurité globale, tant pour le combat contre la criminalité et la fraude internationales que pour la lutte contre les trafics illicites et la cybercriminalité. Pourtant, Taïwan n’a toujours pas accès au réseau mondial permanent de communication policière d’Interpol ni à ses dix-huit bases de données criminelles. C’est là un trou de taille dans la raquette sécuritaire internationale qu’il est urgent de combler.

Enfin, les auteurs du texte suggèrent que Taïwan puisse également participer aux travaux de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Depuis 2015, Taïwan s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Le pays investit beaucoup dans le secteur des technologies vertes et soutient activement les actions en faveur de la transition écologique, en particulier dans les pays en voie de développement. La participation de Taïwan aux prochaines sessions de la Conférence des parties serait, à n’en pas douter, bénéfique à tous.

Mes chers collègues, c’est parce que ses auteurs incitent à élargir le champ actuellement trop restreint des relations entre Taïwan et le reste de la communauté internationale que cette proposition de résolution s’inscrit pleinement dans la continuité d’un renforcement impérieux de la coopération internationale au service du bien-être de toutes les populations. C’est la raison pour laquelle l’intégralité des membres du groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nos collègues auteurs de la proposition de résolution souhaiteraient voir relancées les démarches visant à faire participer Taïwan à de nombreuses organisations internationales. Comment ne pas souscrire à cet objectif ?

Oui, nous avons besoin de Taïwan à l’Assemblée mondiale de la santé de l’OMS, eu égard à sa gestion exemplaire de la pandémie de covid-19.

Oui, nous avons besoin d’intégrer le plus grand nombre possible de pays à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. La lutte contre le réchauffement climatique est un défi mondial qui doit agréger toutes les démarches volontaires. Comme vous le savez, bien que l’île n’ait pas de représentation légale dans le système onusien, elle s’est unilatéralement engagée à respecter les termes du protocole de Kyoto, ainsi que ceux de la COP21, avec une définition d’objectifs très ambitieuse. Il faut le saluer.

Ne faudrait-il pas également associer Taïwan à l’Assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale, au bénéfice général de la sécurité et du fret ? Elle occupe une position clé dans la région de l’Asie-Pacifique et contrôle un trafic important avec plus de 1 750 000 vols répertoriés en 2018, partis de dix-sept aéroports taïwanais.

Enfin, l’Organisation internationale de police criminelle, Interpol, ne doit souffrir d’aucune brèche. Comme souligné dans le texte de nos collègues, associer Taïwan à la lutte contre la criminalité organisée serait profitable à l’ensemble de la communauté internationale, grâce au partage des dix-huit bases de données policières que gère Interpol.

D’une façon générale, il est évident qu’il faut rassembler le plus largement au sein des grands outils de coopération internationale. On connaît les vertus du multilatéralisme : il fait progresser de grandes causes comme celles que je viens de décliner. Mais pas seulement ! Il fédère des pays autour d’objectifs communs : c’est aussi construire un monde de dialogue et d’échanges plus propice à la paix que les postures d’isolement.

Toutefois, soyons clairs, dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, il nous faut trouver un équilibre pour préserver les relations de notre pays avec les deux côtés du détroit de Formose. Nous connaissons l’enjeu géopolitique régissant les relations complexes et passionnelles entre Taïwan et la Chine.

Taïwan a un statut particulier. Elle est cependant un interlocuteur fiable pour l’Occident et un acteur économique de premier plan. Je rappellerai juste que son économie est classée au vingt-deuxième rang mondial. Pour la France, Taïwan a représenté un marché à l’exportation de 1,8 milliard d’euros en 2019. Nous lui vendons des biens d’équipement, mais aussi de l’agroalimentaire, bien que Taipei impose à nos viticulteurs de regrettables et lourdes taxes sur le champagne – je tenais à le signaler !

De l’autre côté, mes chers collègues, il n’est pas besoin de démontrer que la Chine est un partenaire économique incontournable à l’échelle mondiale. Le Gouvernement l’a rappelé ici même en mars dernier.

Ce constat invite donc au compromis sans pour autant laisser tout passer. C’est ce que l’Union européenne a fait, le 22 mars dernier, en décidant de sanctions contre la Chine sur le dossier ouïghour, alors même que nous discutons de l’accord d’investissement.

Comme je l’ai dit, la diplomatie est l’art de l’équilibre ; c’est aussi celui de la désescalade. Dans ces conditions, il me semble – autant que faire se peut – que nous devrions trouver un juste milieu en activant les dispositions qui permettent d’associer Taïwan, en tant qu’entité, aux grandes organisations sans pour autant engendrer de provocations.

Mes chers collègues, à ce stade, le groupe du RDSE estime qu’il faut encore laisser du temps à la diplomatie et aux discussions. Un temps nécessairement plus long que celui du Parlement. C’est pourquoi nous ne prendrons pas part au vote.

Mme le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution nous invite à soutenir la décision du Gouvernement d’appuyer le retour de Taïwan au sein de l’Organisation mondiale de la santé, son entrée à l’Organisation de l’aviation civile internationale, ainsi que dans la Convention des Nations unies contre la corruption et Interpol, dans un contexte de pressions internationales importantes de quelques pays.

L’île, qui, pour rappel, a joui du statut de membre observateur de l’OMS de 2009 à 2016, n’a plus été invitée par l’organisation onusienne depuis l’élection à sa tête de l’indépendantiste Tsai Ing-wen. Le problème qui semblerait se poser aujourd’hui est de savoir sous quelle forme se ferait le retour de Taïwan… En tant que région rattachée à la Chine ou en tant que pays souverain ? Sans même s’interroger sur les revendications territoriales de l’île ?

En 1964, la France avait su se distinguer des autres pays occidentaux en reconnaissant diplomatiquement la République populaire de Chine et en entretenant des relations privilégiées avec Pékin. C’était sept ans avant que l’Organisation des Nations unies ne reconnaisse la République populaire de Chine et lui réserve le siège au Conseil de sécurité occupé depuis 1950 par Taïwan. Des relations parfois difficiles, certes, mais tout de même suffisamment suivies pour que Paris fasse office d’interlocuteur exigeant et respecté.

Il convient de rappeler la participation de Taïwan sous la dénomination « Taipei-Chine » à de grands événements internationaux comme les jeux Olympiques et Paralympiques ou à des instances multilatérales comme l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le GATT, ou la Banque asiatique de développement.

Il existe donc un espace politique de dialogue et de discussion avec Pékin, et non contre elle, qui doit être approfondi.

Il est vrai que Taïwan, de fait, existe et dispose d’un organe législatif, exécutif et administratif. De plus, le renouvellement des générations renforce la distance prise avec Pékin. En effet, 85,6 % des Taïwanais sont nés après la séparation de l’île et du continent.

Cependant, je me permets de rappeler que, sur cette île, la Constitution de la République de Chine est toujours applicable et intègre dans son territoire la Chine continentale et des territoires russes, indiens ou encore mongols.

Le contexte de confrontation déclenchée par Donald Trump est stratégique, politique et commercial. Ce contexte n’est d’ailleurs pas étranger au regain des mobilisations sur Taïwan, à l’enjeu de la rivalité stratégique.

Toutefois, nous ne pouvons pas omettre non plus que la situation actuelle laisse craindre une escalade pékinoise qui pourrait aboutir à un conflit. Que gagnera la France à s’impliquer dans cette stratégie de confrontation ? La réponse occidentale doit-elle être de mettre de l’huile sur le feu ou d’apaiser la situation ?

Cette proposition de résolution, malheureusement, s’inscrit par ailleurs dans un alignement inquiétant de la France dans la roue des États-Unis. Son siège au Conseil de sécurité de l’ONU mais aussi son histoire avec Pékin lui donnent pourtant la responsabilité de se placer en conciliatrice. Les exemples du GATT ou du Comité international olympique montrent qu’un espace existe, d’autant plus que l’île et le continent sont particulièrement dépendants.

L’adoption d’une telle proposition de résolution serait-elle de nature à aplanir les tensions ou, au contraire, à les exacerber jusqu’à un point de non-retour ?

Au vu des réactions officielles de Pékin, on peut craindre une rupture franco-chinoise, qui à bien des égards nuirait à Paris.