M. Loïc Hervé. C’est déjà le cas !

M. Éric Kerrouche. Actuellement, cette mesure dépend uniquement de la bonne volonté du président du Sénat.

Par souci d’équité également, nous proposons que les irrecevabilités soient justifiées ainsi qu’un horodatage des amendements pour que le rapporteur, comme cela a été précisé dans le groupe de travail, respecte le délai limite de dépôt des amendements en commission.

Pour terminer, je voudrais évoquer les reculs.

La rénovation du droit de pétition est timide, voire moins-disante par rapport à l’existant en rehaussant de fait le seuil de signatures. La trop grande latitude donnée à la conférence des présidents et le recul de la délibération et de la transparence des décisions ne vont pas dans le sens d’une démocratisation. C’est d’autant plus curieux que, en 2019, un autre groupe de travail présidé par Gérard Larcher avait formulé des propositions ambitieuses pour revivifier le droit de pétition lorsqu’Emmanuel Macron tentait de relancer sa révision institutionnelle, qui n’aboutira finalement jamais. Nous avons repris certaines dispositions, qui n’ont pas été acceptées.

Nous proposons au moins d’abaisser le seuil de signatures et de rendre responsables les commissions compétentes. Nous proposons, encore et toujours, que les travaux en commission, de manière générale, soient publics et retransmis. Cela nous semble un minimum démocratique.

La parité nous semble être la cerise sur le mauvais gâteau. En l’occurrence, c’est de l’affichage et peu de contraintes, avec le risque que le groupe majoritaire « externalise » la parité vers les autres groupes. Ce n’est pas parce qu’il y a une multiplication des listes locales des forces de droite qui affaiblissent la parité en amont qu’il ne convient pas d’y remédier en aval au Sénat. Nous proposerons ainsi que les présidences de commission soient complètement paritaires, ce qui nous semble assez facile à mettre en œuvre.

Vous l’aurez compris, notre perspective est démocratique. Si des correctifs sont utiles, nous nous opposons à des mesures qui abaissent le Parlement et font le jeu du pouvoir exécutif. Nous avons proposé des droits renforcés pour l’opposition, des pétitions citoyennes mieux considérées et une parité effective dans les instances du sénat. Dans la mesure où ces propositions n’ont pas été acceptées, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, mes chers collègues, le texte que nous examinons constitue l’un des trois instruments d’une réforme qui vise à modifier nos méthodes de travail.

Pendant plusieurs mois, un groupe de travail dédié a mené une concertation. Il a arrêté trente-neuf propositions, dont quatorze nécessitaient une modification de notre règlement. Ce sont ces dernières qui font l’objet de cette proposition de résolution : consensuelles pour la plupart, elles visent à rendre plus efficace le travail de notre assemblée.

L’amélioration du suivi des ordonnances renforce les pouvoirs de contrôle du Parlement. Même si leur nombre a tendance à augmenter significativement au fil des ans, il s’agit de véhicules législatifs qui n’ont pas vocation à être banalisés. Notre chambre se dote ainsi des moyens d’information qui lui permettront d’exercer sa vigilance à leur égard.

Par ailleurs, nous sommes favorables à ce que la commission saisie au fond puisse déclarer irrecevables les amendements parlementaires qui habiliteraient le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance. Nous devons en effet veiller à exercer pleinement notre compétence de législateur.

Pour renforcer encore les pouvoirs de contrôle du Sénat, le texte prévoit notamment de faciliter la transformation des questions écrites restées sans réponse en questions orales. Cette disposition est tout à fait pertinente à nos yeux : de trop nombreuses questions restent sans réponse, et il est important de contraindre le Gouvernement à remédier à cette situation.

Afin de rapprocher nos travaux des préoccupations de la population, la proposition de résolution a également pour objet d’entériner le système des pétitions : celles qui dépasseront un seuil de signatures seront systématiquement examinées par la conférence des présidents. Nous sommes favorables à ce que le Sénat conserve la pleine maîtrise des suites à donner à ces pétitions, mais aussi à ce qu’il puisse évoquer celles qui n’ont pas atteint ce seuil, sans se laisser enfermer, de part et d’autre, dans une quelconque automaticité qui serait inopportune.

Dans le même objectif de modernisation, la proposition de résolution vise à renforcer la parité au sein du bureau du Sénat. Nous soutenons cette disposition, laquelle implique toutefois que nous comptions davantage de femmes dans nos rangs.

Enfin, la proposition de résolution entend raccourcir la durée des interventions des sénateurs de deux minutes trente à deux minutes. Au fil des ans, l’activité parlementaire n’a cessé de croître. Afin de suivre ce rythme, la proposition de résolution vise à accélérer nos débats en réduisant notre temps de parole.

Nous convenons du fait que la quantité de textes que nous avons à examiner rend le travail législatif de plus en plus difficile. Toutefois, nous nous interrogeons sur le moyen de résoudre ce problème.

Le temps du débat nous permet d’alimenter les réflexions et souvent de trouver des accords. Sa réduction fait courir un risque à la qualité de nos travaux. En outre, il nous apparaît qu’une telle disposition va à l’encontre de l’essence même de notre fonction de parlementaire, à savoir faire entendre la parole de ceux qui nous ont élus. Nous sommes donc très réservés sur cette disposition, qui nous semble mettre en danger l’équilibre existant sans pour autant produire l’effet attendu d’accélération significative de nos débats.

Un autre équilibre doit impérativement être préservé, celui qui détermine actuellement l’ordre des prises de parole. Aujourd’hui, afin de ne pas hiérarchiser la valeur de la parole des sénateurs, l’ordre de passage des orateurs dans le cadre de la discussion générale est fixé par tirage au sort. Or le texte de la proposition de résolution nous propose de ne plus renvoyer en fin de tourniquet l’orateur appartenant au même groupe que le rapporteur. Cette disposition s’inscrit dans une tendance plus large visant à favoriser, dans les prises de parole, les orateurs issus des deux groupes dont émanent quasiment tous les présidents de commission et les rapporteurs.

Six groupes politiques – dont celui des Indépendants – sur huit ont manifesté leur hostilité à cette proposition. Nous considérons que l’ordre des prises de parole ne doit pas favoriser les groupes les plus nombreux, qui bénéficient déjà d’un temps proportionnel à leur taille. Dans la lignée des traditions du Sénat, nous devons veiller au respect de la parole de tous les sénateurs. Nous vous proposerons donc de voter un amendement de suppression de la modification de la règle du tourniquet.

Chers collègues, souvenons-nous de ces mots de Camus : « La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, mes chers collègues, il est bon que notre assemblée se penche régulièrement sur son mode de fonctionnement et ses méthodes de travail et qu’elle y apporte les aménagements nécessaires pour mieux exercer ses missions. Le président Gérard Larcher y a toujours été très attentif. C’est le sens de la démarche qu’il a une nouvelle fois engagée avec la mise en place, en fin d’année dernière, d’un groupe de travail pluraliste dont j’ai eu le grand honneur d’être le rapporteur.

Je peux témoigner de la richesse des échanges intervenus en son sein. Ils ont abouti à près d’une quarantaine de propositions, dont certaines peuvent être mises en œuvre sur simple décision du bureau ou de la conférence des présidents. D’autres, que nous examinons aujourd’hui au travers de cette proposition de résolution, nécessitent une modification du règlement.

J’insisterai sur quelques points qui me paraissent particulièrement significatifs.

Le premier concerne les ordonnances. Le recours à ces instruments s’est notablement accru ces dernières années. Il a pris une ampleur inédite au cours de cette législature, et cela ne tient pas exclusivement à la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences. Il y a là une tendance de fond, qui n’est pas particulièrement reliée à des considérations de technicité ou d’urgence des sujets. On observe en effet que les délais entre une demande d’habilitation et la parution de l’ordonnance sont en moyenne très supérieurs à ceux constatés pour l’adoption d’un projet de loi.

On a plutôt le sentiment que l’exécutif, face au manque de maturité de certaines réformes, cède trop souvent à la facilité d’une habilitation législative qui lui laisse du temps pour arrêter ses choix tout en le dispensant du débat parlementaire. Une procédure qui devrait rester exceptionnelle se banalise ainsi sans véritable justification. Cette dérive est d’autant moins acceptable que le Parlement n’est plus autorisé à légiférer sur la matière législative déléguée durant toute la durée d’une habilitation.

Au sein du groupe de travail, beaucoup de nos collègues ont souhaité un encadrement plus strict du recours aux ordonnances dans la Constitution. En 2018, en vue de la révision constitutionnelle annoncée, un précédent groupe de travail du Sénat avait d’ailleurs proposé d’inscrire dans l’article 38 des délais stricts pour la durée de l’habilitation et celle de la ratification.

En attendant de pouvoir aborder cette question dans un texte constitutionnel, il est important que le Sénat marque sa volonté de reprendre la main en opérant un contrôle plus étroit de la législation déléguée. D’ores et déjà, conformément aux propositions du groupe de travail, un tableau de bord des habilitations accordées, des délais fixés par la loi, des ordonnances publiées et des ratifications a été mis en ligne sur le site du Sénat, et une première synthèse à vocation trimestrielle, retraçant l’actualité des ordonnances, a été adressée à tous les sénateurs.

Ces éléments, désormais facilement accessibles aux sénateurs, aux groupes politiques et au public, constituent une bonne base pour mieux assurer l’indispensable suivi des habilitations accordées. C’est une mission qu’exercent déjà les commissions permanentes. Leur responsabilité en la matière doit figurer explicitement dans le règlement, avec un rôle spécifique pour les rapporteurs des textes législatifs, comme cela est déjà prévu pour l’application des lois.

Concrètement, le groupe de travail a suggéré que les commissions identifient, dès le débat d’habilitation, les ordonnances dont le suivi exige une vigilance particulière et que le Sénat puisse prendre l’initiative de soumettre leur ratification à l’examen parlementaire, avec le dépôt et l’inscription de propositions de loi. Un débat en séance, de même type que celui sur l’application des lois, pourrait également être organisé chaque année afin que le Gouvernement soit tenu de rendre compte régulièrement de l’usage fait des habilitations demandées.

L’obligation faite au Gouvernement de présenter à la conférence des présidents, au début de chaque session ordinaire, un programme prévisionnel de publication des ordonnances et d’inscription à l’ordre du jour des projets de loi de ratification, prévue par l’article 2 de la proposition de résolution, complète le dispositif. Le choix de la commission de passer au semestre me semble bienvenu.

Aux yeux de notre groupe, les modifications apportées au règlement et les autres mesures préconisées par le groupe de travail permettront des avancées importantes, de nature à assurer un meilleur contrôle et, il faut l’espérer, un meilleur usage du recours aux ordonnances.

Le deuxième volet important de cette réforme du règlement concerne les pétitions.

Le droit de pétition auprès du Parlement s’inscrit dans une tradition ancienne. Il avait cependant perdu sa traduction concrète. Et les dispositions le concernant, dans notre règlement, paraissaient largement obsolètes.

On pouvait s’interroger sur l’intérêt de maintenir une telle procédure : les citoyens, les associations, les organisations et groupements d’intérêts disposent aujourd’hui de bien d’autres moyens de saisir directement les parlementaires et de donner écho à leur démarche dans les médias, sur internet ou sur les réseaux sociaux. Pourtant, le droit de pétition auprès du Parlement fonctionne dans un certain nombre de démocraties. J’en ai fait moi-même l’expérience en siégeant durant plusieurs années au sein de la commission des pétitions du Parlement européen. J’ai participé à l’instruction de questions soulevées par les pétitions qui lui étaient adressées.

Je me félicite que le Sénat s’engage dans une rénovation du droit de pétition. L’article 4 de la proposition de résolution en pose les bases et en fixe les grands principes. Il reviendra au bureau de définir ses modalités d’exercice, notamment les conditions de recevabilité des pétitions et les suites qui pourront leur être données par les instances du Sénat. Ce partage entre règlement et instruction générale du bureau apporte la souplesse nécessaire dans le cas où des ajustements mériteraient d’être apportés au dispositif.

À cet égard, des positions très diverses se sont exprimées au sein du groupe de travail. Le groupe Les Républicains considère que les options retenues sont équilibrées. La séparation claire entre bureau et conférence des présidents, proposée par la commission, est également bienvenue.

Il est proposé de maintenir à 100 000 signatures le seuil au-delà duquel une pétition est obligatoirement évoquée en conférence des présidents. Nous avons constaté, avec la proposition de loi sur l’allocation aux adultes handicapés, que ce seuil peut être atteint si l’intérêt et le soutien sont réels.

En tout état de cause, l’article 4 de la proposition de résolution prévoit que la conférence des présidents pourra se saisir de certaines pétitions, quand bien même ce seuil ne serait pas atteint, au vu de leur intérêt ou du nombre de signatures.

Le groupe de travail a également souhaité mieux identifier, parmi les procédures relevant de l’initiative législative ou du contrôle, les suites pouvant être réservées aux pétitions, ce qui est important pour donner à ce droit un prolongement concret dans nos travaux. Pour autant, en dernier ressort, le nécessaire pouvoir d’appréciation des instances du Sénat sera préservé en excluant toute automaticité liée à un seuil de signatures.

La refonte du droit de pétition prévue par la proposition de résolution permet au Sénat de se doter d’un outil de dialogue avec les citoyens à la fois moderne, simple et facilement accessible, dans le prolongement de l’expérimentation menée depuis l’an dernier.

Le groupe Les Républicains soutient bien évidemment les autres dispositions de cette réforme du règlement, qui améliorent les conditions d’exercice du contrôle et apportent des ajustements destinés à mieux utiliser le temps de séance publique.

À ce propos, je ne vois pas dans la modification des temps de parole une mesure de contrainte, mais plutôt un moyen de mieux organiser nos discussions, dont nous savons qu’elles sont souvent comprimées en fin de discussion des textes. En outre, une présentation concise est bien souvent plus efficace que la lecture d’un texte rédigé. L’intérêt des débats tient aussi à leur vivacité.

Je terminerai en soutenant l’article 14 de la proposition de résolution, qui fixe un objectif de parité dans la composition du bureau du Sénat pour chacune des fonctions de vice-président, de questeur et de secrétaire.

Nous avons constaté, en octobre 2020, que les groupes se sont organisés pour tendre à cette parité. Elle demeure cependant imparfaite puisque, à ce jour, aucune femme n’a accédé à la fonction de questeur du Sénat – contrairement à l’Assemblée nationale, qui désigne une femme à ce poste depuis 2007, sans discontinuer. Je souhaite que la formulation précise – bien qu’incitative – retenue par l’article 14 permette à notre assemblée de franchir cette étape lors du prochain renouvellement.

Le groupe Les Républicains considère que cette réforme du règlement comporte des avancées importantes, notamment sur le contrôle des ordonnances et sur les pétitions et qu’elle apporte des améliorations utiles au fonctionnement et à l’organisation du travail de notre assemblée. C’est la raison pour laquelle il votera en faveur de cette proposition de résolution, dans le texte adopté par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, mes chers collègues, depuis quatorze ans que je siège dans cette maison j’ai régulièrement constaté l’atrophie du débat en séance publique. L’examen du projet de loi de finances tourne même à la caricature : trois minutes pour les rapporteurs, deux minutes par-ci, deux minutes par-là… Ce débat, absolument ridicule, ne rime à rien au regard du travail réalisé par nos rapporteurs au sein de la commission des finances et de ce qu’il en reste en séance publique. Nous n’arrivons pas à le rationaliser ni à le rendre efficace.

En ce qui concerne la question des deux minutes trente, il ne faut pas confondre le débat en commission et celui en séance publique. Le public n’est pas le même, monsieur le président de la commission des lois : la séance publique s’adresse à ceux de nos collègues qui n’appartiennent pas à la commission saisie au fond et qui ont envie de s’exprimer sur le texte concerné. La réduction de leur temps de parole n’est donc pas compensée par celui des membres de la commission saisie au fond. Cette légère inflexion de la réflexion ne me semble pas très logique.

Le pouvoir de contrôle devrait être l’ADN du Parlement. Je soutiens qu’il faut augmenter le droit de tirage pour les commissions d’enquête et les missions d’information. Il s’agit du cœur de notre métier, et nous le faisons très bien. Las, cet excellent travail est immédiatement enterré une fois les commissions terminées. Et quand le sujet rejaillit quelques années plus tard, tout le monde a oublié que le Sénat avait travaillé sur cette question. Je pense notamment aux deux commissions d’enquête demandées par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste sur la fraude fiscale : nous n’avons jamais pu obtenir de suivi, alors qu’il s’agit d’un vrai sujet. Il a fallu se battre pour la mise en place d’un groupe de travail au sein de la commission des finances, mais l’instauration d’une délégation dédiée permettrait de mettre en valeur la modernité du Sénat autrement qu’un temps de parole réduit. On montrerait alors l’exemple à l’Assemblée nationale sur un sujet éminemment citoyen et éminemment important, surtout en cette période de crise.

Par ailleurs, certaines de nos commissions d’enquête ont été absolument formidables. Je pense notamment à celles sur le Mediator et sur le Vioxx : chaque fois que nous avons un débat sur la sécurité sanitaire, on en revient aux préconisations retenues par ces deux commissions d’enquête.

Il me semble préférable de réfléchir au suivi de nos travaux plutôt que de les enterrer. Cela pourrait sans doute profiter à beaucoup d’autres commissions d’enquête. C’est à la mise en place d’un tel dispositif qu’il faut tendre.

Il faut être deux pour danser le tango : l’ordre du jour partagé, qui ressemblait à une très bonne idée sur le papier en 2008, devient un problème totalement inextricable quand on l’applique de façon rigoureuse. Cet ordre du jour saucissonne nos débats jusqu’à les rendre parfois complètement inintelligibles : des discussions très importantes sont interrompues par des débats de contrôle ou d’initiative parlementaire, faute de souplesse.

La réflexion sur la modernisation de notre travail doit se poursuivre, mais pas au détriment de la séance publique, ni des groupes minoritaires ni des parlementaires minoritaires au sein de leur groupe, lesquels sont alors deux fois minoritaires !

J’attendrai le sort qui sera fait à mes amendements pour me prononcer sur la proposition de résolution. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP, SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, mes chers collègues, je ne vais pas revenir point à point sur les nombreuses modifications apportées à notre règlement par cette proposition de résolution et qui ont déjà été brillamment exposées par Mme le rapporteur du groupe de travail et par M. le président de la commission des lois. Je souhaiterais m’attarder tout particulièrement sur un phénomène inquiétant pour notre démocratie parlementaire et dont le texte que nous examinons aujourd’hui essaye d’en maîtriser les écueils, à savoir le recours parfois abusif aux ordonnances prévues à l’article 38 de notre loi fondamentale.

Force est de reconnaître que le gouvernement par ordonnance est devenu, au fil des dernières années, une marque de fabrique de l’exécutif : nous en sommes à 264 ordonnances en quatre ans. Je crains fort que le record détenu par le Président Hollande de 273 ordonnances ne soit battu dans les prochaines semaines.

M. Stéphane Le Rudulier. Nous en arrivons même à la désagréable impression que la loi n’apparaît plus comme le processus normal de législation. En somme, le caractère exceptionnel que devait revêtir cette procédure dans l’esprit initial de la Ve République s’est quelque peu étiolé. Les ordonnances sont devenues, au cours des décennies, un moyen, une manière de contourner le Parlement, de lui confisquer le pouvoir législatif. Cela est d’autant plus inquiétant que le régime juridique de ces ordonnances a été bouleversé par un revirement récent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. Stéphane Le Rudulier. Dorénavant, les ordonnances dont le projet de ratification a été déposé, mais non examiné par les deux chambres dans les délais d’habilitation impartis, acquièrent force de loi. Voilà, mes chers collègues, qui vient renforcer une nouvelle fois la dépossession du pouvoir parlementaire ! Dès lors, il suffit à l’exécutif de déposer ses projets de ratification sur le bureau de l’Assemblée nationale, laquelle n’aura qu’à les remiser en attendant l’expiration du délai d’habilitation afin d’éviter tout examen par nos deux chambres.

Alors, si personne n’a proposé, au sein des majorités qui se sont succédé depuis la naissance de la Ve République, d’abroger ce fameux article 38 de notre loi fondamentale, c’est qu’il a forcément son utilité, notamment en cas d’urgence. Un argument est souvent avancé : la célérité de la procédure. Le recours aux ordonnances serait donc un outil de gestion du temps normatif. Mais cet argument mérite grandement d’être relativisé : savez-vous que le délai moyen pour prendre l’ordonnance, une fois la loi d’habilitation promulguée, est d’environ 450 jours, contre 177 jours pour la fabrique de la loi.

Pour retrouver une forme d’équilibre des pouvoirs chère à Montesquieu, il était urgent d’agir. C’est ce premier pas qui nous est proposé, avec la mise en place d’un outil de suivi dédié permettant de retracer les habilitations accordées, les délais fixés par la loi, les ordonnances publiées, ainsi que l’état des ratifications, et de renforcer notre rôle de contrôle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de résolution visant à améliorer le suivi des ordonnances, rénover le droit de pétition, renforcer les pouvoirs de contrôle du sénat, mieux utiliser le temps de séance publique et renforcer la parité

TITRE Ier

AMÉLIORER LE SUIVI DES ORDONNANCES PRISES SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 38 DE LA CONSTITUTION

Discussion générale (suite)
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Article 2

Article 1er

Le Règlement est ainsi modifié :

1° Après le mot : « publiques », la fin de la première phrase de l’alinéa 1 de l’article 19 bis A est ainsi rédigée : « , le suivi de l’application des lois et celui des ordonnances. » ;

2° À la première phrase de l’alinéa 1 de l’article 19 bis B, le mot : « ; il » est remplacé par les mots : « , y compris les ordonnances publiées sur son fondement. Il ».

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

L’alinéa 4 de l’article 29 bis du Règlement est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il informe la Conférence des Présidents des projets de loi de ratification d’ordonnances publiées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution dont il prévoit de demander l’inscription à l’ordre du jour du Sénat au cours de la session. Il informe également la Conférence des Présidents des ordonnances qu’il prévoit de publier au cours du semestre. » – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Après l’alinéa 3 de l’article 44 bis du Règlement, il est inséré un alinéa 3 bis ainsi rédigé :

« 3 bis. – Les amendements présentés par les sénateurs ne sont pas recevables s’ils tendent à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, à rétablir ou à étendre une telle autorisation. » – (Adopté.)

TITRE II

RÉNOVER L’EXERCICE DU DROIT DE PÉTITION

Article 3
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Article additionnel avant l'article 5 -  Amendement n° 15

Article 4

Le Règlement est ainsi modifié :

1° Les articles 87 et 88 sont ainsi rédigés :

« Art. 87. – 1. – Les pétitions sont adressées au Sénat sur une plateforme en ligne ou, à défaut, par courrier électronique ou papier.

« 2. – Le Bureau détermine les règles de recevabilité, de caducité et de publicité des pétitions, ainsi que les modalités de signature et d’authentification des auteurs des pétitions et de leurs signataires.

« 3. – Il détermine également les conditions de traitement et d’examen par les organes du Sénat des pétitions jugées recevables.

« Art. 88. – 1. – La Conférence des Présidents examine toute pétition ayant atteint un seuil de signatures dans un délai, fixés par le Bureau, et décide des suites à lui donner.

« 2. – Par dérogation, elle peut également se saisir d’une pétition ne remplissant pas les critères fixés à l’alinéa 1, dans des conditions définies par le Bureau. » ;

2° Les articles 89 et 89 bis sont abrogés.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 5, 6 et 7

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. 88. – 1. – Toute pétition ayant atteint un seuil de 50 000 signatures dans un délai de six mois est présentée à la Conférence des Présidents qui vérifie sa recevabilité.

« 2. – Toute pétition valide est transmise à la commission permanente compétente. Celle-ci désigne un rapporteur chargé d’en présenter le contenu et les enjeux et de proposer les suites à lui donner, sur lesquelles la commission permanente se prononce par un vote.

« 3. – Par dérogation, la Conférence des Présidents ou la commission permanente compétente peuvent décider de se saisir, dans des conditions définies par le Bureau, des pétitions n’ayant pas atteint le seuil défini par le Bureau. » ;

La parole est à M. Éric Kerrouche.