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Candidatures à deux éventuelles commissions mixtes paritaires

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique et au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Article 31 bis (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Demande de priorité

Lutte contre le dérèglement climatique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (projet n° 551, texte de la commission n° 667, rapport n° 666, avis nos 634, 635, 649 et 650).

Demande de priorité

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Article 32 (début)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le président, le Gouvernement demande, en accord avec les commissions concernées, l’examen en priorité des chapitres IV et V du titre IV, ainsi que des titres VI et VII, le vendredi 25 juin, à neuf heures trente.

M. le président. En application de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, le Gouvernement demande que les chapitres IV et V du titre IV, ainsi que les titres VI et VII, c’est-à-dire les articles restant en discussion depuis l’article 56 jusqu’à la fin du texte, soient examinés en priorité vendredi 25 juin, à neuf heures trente.

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Il est favorable, monsieur le président.

Je profite de cette occasion pour vous rappeler, mes chers collègues, qu’il nous reste 696 amendements à examiner. Le débat doit évidemment avoir lieu, mais je vous invite à la concision, étant donné que nous devons terminer l’examen de ce texte mardi prochain.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 2 du chapitre II du titre III, à l’article 32.

TITRE III (suite)

SE DÉPLACER

Chapitre II (suite)

Améliorer le transport routier de marchandises et réduire ses émissions

Section 2 (suite)

Autres dispositions

Demande de priorité
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Article 32 (interruption de la discussion)

Article 32

I. – Dans le cas où le transport routier de marchandises ne parviendrait pas à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de manière significative d’ici 2028, l’État se fixe comme objectif de mettre en place une contribution assise sur le transport routier de marchandises, dont les modalités pourront être expérimentées pour une durée de deux ans, après concertation de toutes les parties prenantes et en concertation avec l’ensemble des régions.

II. – Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente chaque année au Parlement un bilan sur la trajectoire de décarbonation du transport routier de marchandises et les moyens mis en œuvre pour y parvenir, en tenant compte, dans son analyse, des dispositifs en vigueur dans les autres pays de l’Union européenne.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Tabarot, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Nous reprenons l’examen de ce texte à une heure beaucoup plus raisonnable que celle à laquelle, la nuit dernière, nous l’avons interrompu ! (Sourires.) Je tiens à ce propos à remercier ceux de nos collègues qui étaient présents dans notre hémicycle jusqu’à une heure quarante-cinq.

Je veux, en ouverture de l’examen de l’article 32, expliquer la démarche de la commission sur cet article.

L’habilitation à légiférer par ordonnance que le Gouvernement y sollicitait posait un certain nombre de questions, pour ne pas dire de problèmes.

Se posait d’abord un problème d’ordre chronologique, puisque le transfert de la domanialité, sur lequel cette habilitation aurait reposé, n’a pas encore été examiné par le Parlement : comme la commission des lois nous l’a rappelé dans son rapport pour avis, ce débat aura lieu dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit projet de loi 3DS. Il serait donc particulièrement difficile, dans ce contexte, de se prononcer sur le dispositif qui était proposé.

Ensuite, l’habilitation demandée présentait de nombreuses zones d’ombre et plusieurs risques, notamment la création d’une concurrence fiscale entre régions, ou encore des effets de bord.

C’est pourquoi la commission a remplacé cette habilitation par la définition d’un objectif de mise en place d’une écocontribution qui trouverait à s’appliquer si et seulement si le secteur du transport routier de marchandises n’avait pas diminué de manière significative ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2028. D’ailleurs, certains de nos amendements, portant sur les prêts à taux zéro, ou encore le prolongement du suramortissement, visent justement à accompagner ce secteur économique pour lui donner la possibilité de réduire ses émissions.

En 2028, si et seulement si les objectifs ne sont pas atteints, il serait possible d’examiner la mise en place d’une écocontribution dans des formes à déterminer – vignette, ou encore tarification kilométrique – et bien sûr en concertation avec toutes les régions pour éviter les effets de bord.

Je sais que le dispositif prévu dans la rédaction actuelle de l’article 32 ne satisfait pas forcément l’ensemble de nos collègues. Néanmoins, je suis convaincu qu’il s’agit de la moins mauvaise manière de prendre nos responsabilités face à ce sujet épineux et de porter notre vision de la transition écologique, une transition que nous souhaitons planifiée, réaliste et incitative.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l’article.

Mme Françoise Gatel. Avec cet article 32, nous abordons un sujet tout aussi délicat qu’explosif. Il ne s’agit nullement de nier l’enjeu ou les préoccupations légitimes de collègues élus dans certaines régions.

J’aurai tout d’abord trois interrogations sur la forme.

Premièrement, madame la secrétaire d’État, cet article est d’une incongruité législative inégalée, puisque vous voulez nous faire croire qu’une nouvelle taxe volontaire pourrait être générée par ce projet de loi, alors que vous ne pourrez rien faire tant que la loi 3DS ne sera pas adoptée et mise en œuvre.

Deuxièmement, cet article est une performance en matière de flou artistique ! Rien n’est dit sur les modalités d’assujettissement ou de collecte. Le législateur est totalement dépossédé de ce sujet, puisque vous souhaitez procéder par ordonnances.

Troisièmement, nous sommes face à une impertinence à la fois calendaire et spatiale. En effet, le Président de la République a annoncé que, durant la prochaine présidence française de l’Union européenne, il ferait de ce sujet une de ses priorités, actant ainsi le fait qu’on ne peut pas en traiter à l’échelle de la France, mais seulement à l’échelle européenne.

J’en viens au fond. Madame la secrétaire d’État, le traitement punitif que vous nous proposez en matière de taxe constitue-t-il une réponse efficiente ?

En fait, cette taxe est-elle efficace ? Non ! Elle entraînera simplement un report du trafic routier vers d’autres axes.

Est-elle vertueuse ? Non ! Comme une saignée en médecine, une sanction affaiblit le malade, mais ne le guérit pas. Si le transport routier représente 89 % du transport des marchandises, c’est tout simplement parce qu’il n’y a pas, aujourd’hui, d’alternative et que notre système économique pratique le flux tendu : les stocks roulent dans les camions !

Est-elle équitable ? Non ! Cette taxe marginalise, exclut, condamne les péninsules, les caps et les périphéries que sont notre Bretagne et d’autres régions. La Bretagne, c’est le Penn Ar Bed, c’est le bout du monde, madame la secrétaire d’État ! Et cette Bretagne nourrit la France – c’est le général de Gaulle qui lui a donné ce dessein – ; nous sommes 3 millions et nous nourrissons 17 millions de personnes.

Madame la secrétaire d’État, comment peut-on oser condamner la Bretagne, la reléguer à sa périphérie, à la misère qu’elle connaissait autrefois, lorsque les Bretons devaient migrer vers Paris ou les États-Unis ? Vous portez une responsabilité énorme !

M. le président. Il est temps de conclure, ma chère collègue.

Mme Françoise Gatel. Les Bretons ne gémissent pas, ils font des propositions avant de sortir, le cas échéant, leurs bonnets rouges…

Je veux d’ailleurs saluer la démarche extrêmement vertueuse et fructueuse du président de la commission et du rapporteur.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

Mme Françoise Gatel. Je conclus, monsieur le président, mais c’est un sujet important !

Nous aurions pu proposer un amendement de suppression ; nous ne l’avons pas fait, parce que nous sommes aussi vertueux que ceux qui veulent nous taxer. Néanmoins, nous voulons préparer l’avenir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

M. Olivier Jacquin. Je serai d’accord avec vous sur certains points, madame Gatel, mais pas sur tous.

J’ai l’impression que le long feuilleton dramatique français de l’application du principe pollueur-payeur au transport de marchandises trouve ici une nouvelle péripétie dans la rédaction que vous nous proposez, madame la secrétaire d’État, et qui n’est absolument pas efficiente.

Il faut bien dire qu’il y a un drame français sur ce sujet : bonnets et gilets de diverses couleurs se sont déjà succédé dans notre pays et pourraient surgir à nouveau si les Français n’acceptaient pas de manière évidente tout nouveau dispositif.

Nous examinons un projet de loi sur le dérèglement climatique – nous tentons de le réguler. Je tiens donc à rappeler qu’en matière de régulation le principe pollueur-payeur est plutôt vertueux dans une économie libérale ; il permet d’envoyer un signal prix sur les externalités d’une activité.

Hier, comme vous le savez, Jean Tirole, prix Nobel d’économie, a remis au Président de la République un rapport dans lequel il indique clairement que nous ne réglerons pas le problème du dérèglement climatique sans une mise en œuvre forte et durable du principe pollueur-payeur. Je n’ai pas encore eu le temps de lire ce rapport, mais je trouve qu’il arrive de manière fort opportune, puisque la Convention citoyenne pour le climat nous demande justement d’inscrire ce principe dans le droit.

En ce qui nous concerne, nous proposerons à nouveau une écotaxe accompagnée pour les poids lourds. Nous avons fait évoluer notre proposition à la suite des discussions que nous avons eues, notamment en commission, et du rapport d’information sur le transport des marchandises face aux impératifs environnementaux. En effet, nous devons tenir compte de la nécessité de verdir les flottes de poids lourds, de trouver des alternatives, de faire fleurir des concurrences et de supprimer des exonérations locales, ainsi que certaines taxes obsolètes qui pèsent sur le transport routier.

Par ailleurs, je vous rappelle que nous avons adopté au sujet des itinéraires de fuite des poids lourds l’amendement n° 1782 rectifié ter de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau, inspiré de leur rapport.

En tout cas, madame la secrétaire d’État, nous refuserons cette écotaxe façon puzzle, qui n’a aucun sens ! L’écotaxe doit être un dispositif continu, au minimum national, au mieux européen. C’est pour cette raison, madame Gatel, que nous proposons la mise en place d’un dispositif national d’écotaxe sur l’initiative des régions qui le souhaitent.

Mon temps de parole étant épuisé, c’est tout à l’heure que je parlerai de l’Alsace et de la Lorraine, autre belle histoire !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.

Mme Patricia Schillinger. En commission, la majorité sénatoriale a fait le choix de revenir sur l’article 32, qui permettait au Gouvernement, par voie d’ordonnance, d’autoriser les régions et, le cas échéant, les départements à expérimenter une taxe sur les transports routiers de marchandises.

La commission a préféré substituer à cette habilitation un dispositif qui conditionne cette expérimentation à la non-réalisation d’ici à 2028 d’une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’un non-sens, puisque c’est justement cette taxation qui est censée permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En conditionnant ainsi la mise en œuvre de cette taxation, on prive les territoires d’un levier efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’échéance de 2028 semble en effet bien lointaine, alors que nous n’avons de cesse durant nos débats de parler d’urgence climatique.

Je note en outre que la question ne fait pas l’unanimité dans les rangs de la majorité sénatoriale. Notre collègue Catherine Belrhiti a d’ailleurs déposé plusieurs amendements visant à permettre aux régions, au premier rang desquelles le Grand Est, de s’engager sans attendre sur la voie de cette taxation. Je ne suis pas opposée par principe à ces amendements, mais je déplore qu’ils obèrent la capacité de la Collectivité européenne d’Alsace à mettre en œuvre la redevance poids lourds réclamée de longue date par les Alsaciens.

Alors que cette faculté a été octroyée à l’Alsace le 26 mai dernier par voie d’ordonnance, le Sénat a refusé d’habiliter le Gouvernement à élargir ce dispositif à d’autres territoires. Aussi, je regrette qu’à cet article le Sénat n’ait pas misé sur l’intelligence des territoires.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, sur l’article.

M. Jacques Fernique. Ce que portent le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale, c’est la possibilité pour les régions volontaires d’instaurer, à la carte, une écocontribution sur les poids lourds. Cela risque fort de n’être qu’un habillage très limité et parcellaire d’une inaction quasi générale !

L’expérience alsacienne depuis 2005 montre bien qu’il ne suffit pas de souhaiter une taxe sur les poids lourds et d’en avoir la possibilité légale pour obtenir sa mise en œuvre effective.

M. André Reichardt. Tout à fait !

M. Jacques Fernique. La lenteur des démarches de mise en place de cette taxe confine à l’immobilisme de fait : depuis 2005 et l’amendement Bur, puis l’écotaxe annoncée dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’Alsace en a fait l’amer constat ; André Reichardt et moi-même sommes d’accord sur ce point ! (M. André Reichardt le confirme.) Par conséquent, j’ai bien peur que les concitoyens des régions volontaires ne voient rien venir avant longtemps.

Cette expérience alsacienne montre aussi clairement combien les effets de bord peuvent être dévastateurs : c’est le cas depuis quinze ans, avec une part du trafic qui se déporte sur la dorsale alsacienne pour échapper à la LKW-Maut allemande ; cela sera le cas pour le sillon routier lorrain dès que la taxe de la Collectivité européenne d’Alsace sera enfin en vigueur.

Par ailleurs, cette façon déstructurée, « façon puzzle », comme le dit très bien notre collègue Olivier Jacquin, de traiter la question de la fiscalité environnementale du transport routier ferait lourdement peser sur chaque région volontaire les coûts de collecte ; une telle taxe s’appliquerait en outre dans des périmètres régionaux qui ne sont pas ceux des transports lourds de transit, alors que ce sont eux qui doivent le plus être mis à contribution.

Il est donc nécessaire d’adopter une mesure plus cohérente, plus lisible et plus efficace que celle qui était envisagée à l’article 32 par le Gouvernement et l’Assemblée nationale.

En ce sens, notre rapporteur et notre commission ont raison d’envisager un dispositif national mieux à même de s’intégrer dans la refonte de la directive Eurovignette en cours de négociation pour rehausser son niveau d’exigence et de cohérence européenne. Cela dit, ce que l’on sait de l’accord qui semble se profiler à l’échelon européen ne paraît pas consolider les perspectives d’une harmonisation qui serait susceptible de pousser notre pays à avancer vers un dispositif pollueur-payeur adapté.

Le groupe GEST estime donc que la majorité sénatoriale a tort de trop repousser la mise en œuvre de ce principe et de la subordonner à des échéances et des conditions qui laisseraient ce levier inemployé pour de longues années encore.

Voilà pourquoi nous proposerons tout à l’heure, avec l’amendement n° 760, d’agir sans attendre pour nous donner les moyens de financer la décarbonation.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, sur l’article.

M. Gérard Lahellec. Que l’on cherche à dégager des moyens pour développer des modes de transports propres et alternatifs à la route, quoi de plus juste ! Des tentatives ont déjà été menées par le passé et vous comprendrez qu’en ma qualité de Breton je puisse en avoir conservé quelques souvenirs… (Sourires.)

Il s’agissait à l’époque de ce qui a été appelé les bonnets rouges ; lorsque l’on met 30 000 personnes dans les rues d’une petite région, et ce par deux fois, cela se voit ! Surtout, cela signifie que des raisons objectives expliquent que les choses ne passent pas tout à fait comme une lettre à la poste…

S’agissant du financement de ces modes de transport alternatifs à la route, faisons tout d’abord un constat : toutes les régions de France ne sont pas des régions que l’on traverse.

M. Gérard Lahellec. Dans le cas particulier de notre région, on vient en Bretagne ou on part de Bretagne ! L’économie du transport pèse donc considérablement sur l’équilibre économique de nos activités de production. C’est d’ailleurs ce qui a motivé la grande réserve que nous avons vécu autour des mouvements dont je parlais à l’instant. Je le répète : on ne traverse pas la Bretagne !

En même temps, lorsque l’on instaure ce type de taxation, il est bon de se poser certaines questions : par qui ? pour qui ? pour quoi faire ?

S’il s’agit d’une taxation dont les bénéficiaires seraient, par exemple, les régions concernées, on peut se poser la question de savoir si elle sera mise en œuvre pour financer des routes ou pour financer autre chose.

M. Gérard Lahellec. On ne le sait pas.

Ensuite, si une telle taxation devait être mise en place, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) ne serait-elle pas la mieux placée pour la collecter et pour financer les modes alternatifs ? Il me semble que cela serait beaucoup plus cohérent.

En tout cas, au regard de ces grandes questions, et sans pour autant renoncer à rechercher un mode de transport alternatif à la route, je considère pour ma part que la position adoptée par M. le rapporteur est sage. Tout au contraire d’un renoncement, il me semble que c’est une proposition à la fois constructive et économiquement efficace. (M. Michel Canévet et Mme Françoise Gatel applaudissent.)

M. Olivier Jacquin. Ça sent la crêpe ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, sur l’article.

M. Didier Mandelli. La rédaction issue des travaux de la commission convient au groupe Les Républicains, mais il est vrai qu’au sein de la majorité sénatoriale, comme dans les autres groupes d’ailleurs, des positions divergentes peuvent se faire jour en fonction du contexte géographique ou des particularités de tel ou tel territoire.

J’aurais également préféré que notre discussion soit plus globale et qu’elle ne soit pas éclatée entre ce texte et le projet de loi 3DS.

Ce qu’il faut retenir, à mon sens, c’est que, si nous en sommes arrivés là aujourd’hui, c’est bien parce que nous avons connu quelques échecs successifs. Je ne vais pas rappeler à notre collègue Olivier Jacquin que l’écotaxe a été abandonnée par une ministre d’un gouvernement qu’il soutenait, comme notre collègue Patricia Schillinger d’ailleurs. C’est pour cette raison, je le répète, que nous en sommes là aujourd’hui !

Je rappelle également que nous avons eu ce débat, lors de l’examen de la loi d’orientation des mobilités ; nous avions alors conclu qu’il était particulièrement compliqué, pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, de mettre en œuvre de tels dispositifs.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale n’a pas vraiment éclairci les choses, en laissant les régions livrées à elles-mêmes pour la prise de décisions.

Je suis convaincu que la rédaction élaborée par la commission prend en compte toutes ces difficultés. Je voudrais d’ailleurs saluer le travail de notre rapporteur, qui a procédé à de nombreuses auditions et a tenté de trouver une position de synthèse.

Le texte, tel qu’il est rédigé à ce stade, nous convient parfaitement et la grande majorité de notre groupe suivra la position du rapporteur, tant sur l’article que sur les amendements. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Je voudrais dire à mon tour quelques mots d’introduction sur cet article, ce qui permettra aussi de préfigurer les avis du Gouvernement sur les amendements en discussion.

La possibilité de mettre en place une écocontribution répond d’abord, vous le savez, à plusieurs demandes qui nous ont été faites, de la part notamment de la région Grand Est et de l’Île-de-France.

L’objectif est de permettre aux régions d’instituer une contribution assise sur le transport routier de marchandises pour des portions du réseau routier national qui feront l’objet d’une expérimentation de transfert aux régions. Cette mesure s’inscrit pleinement dans la logique de différenciation dont nous allons effectivement débattre dans le cadre de l’examen du projet de loi 3DS.

Il n’est en aucun cas question pour l’État de se défausser en la matière sur les régions. Nous ne sommes pas du tout dans une logique consistant à imposer un format national uniforme ; il s’agit de s’adapter aux réalités locales avec des modalités de mise en œuvre qui soient les plus opérationnelles possible, c’est-à-dire les plus proches des besoins et des réalités de nos différents territoires.

La nature juridique de cette contribution ne sera pas définie préalablement dans la loi : les collectivités seront libres de choisir, par exemple, une redevance, ou une taxe dont l’assiette sera fonction de la distance parcourue ou de la durée d’utilisation de l’infrastructure. Elles pourront déterminer les paramètres d’assiette et de taux, dans le cadre posé par la Constitution. C’est tout l’intérêt de passer par une ordonnance. Les choses se sont très bien passées pour la Collectivité européenne d’Alsace : nous avons pu publier une ordonnance conforme à la demande et aux attentes de cette collectivité. Ainsi, nous avons préfiguré ce dispositif et ce format, qui nous semble très adapté.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. Il me faut encore dire un mot, monsieur le président, avant d’attaquer l’examen des amendements.

Je voudrais réitérer à l’ensemble de mes collègues que l’écotaxe proposée par le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne signifie aucunement la disparition des camions sur nos territoires ! Elle ne permettra pas non plus, mes chers collègues, de taxer les camions étrangers tout en laissant passer gratuitement vos transporteurs locaux. Ce ne sont pas non plus des millions d’euros qui vont tomber dans les caisses de vos régions et de vos départements pour financer vos infrastructures routières et ferroviaires.

Tout simplement, l’État n’ose plus créer une taxe nationale après le fiasco à 958 millions d’euros de l’écotaxe de Ségolène Royal. Madame la secrétaire d’État, j’ai la faiblesse de penser que vous voulez vous défausser sur nos territoires ; je demande à nos collègues de ne pas tomber dans ce piège ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 96 rectifié est présenté par M. S. Demilly, Mme Morin-Desailly, MM. Chauvet et Levi, Mme Sollogoub, MM. Genet et J.M. Arnaud et Mmes Dumont et Garriaud-Maylam.

L’amendement n° 285 rectifié ter est présenté par Mme Belrhiti, M. Menonville, Mme Herzog, MM. Kern et Charon, Mmes Paoli-Gagin et Lassarade, MM. Cardoux et Mizzon, Mme Guillotin et MM. Laménie et Husson.

L’amendement n° 1692 est présenté par MM. Jacquin, Dagbert, J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 2039 rectifié bis est présenté par M. Chaize, Mme Chauvin, MM. Daubresse, Bouchet et Karoutchi, Mmes Jacques, Demas et Puissat, M. Bonhomme, Mme Imbert et MM. Piednoir, de Nicolaÿ, H. Leroy, Burgoa, Paul, Brisson, Gremillet et D. Laurent.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour présenter l’amendement n° 96 rectifié.

M. Pierre-Antoine Levi. L’article 32 permet d’instituer des écotaxes régionales, lesquelles entraîneraient nécessairement des disparités fiscales entre les territoires.

En effet, si chaque région crée son propre mécanisme de taxation avec des taux, assiettes et modes de perception différents, ce dispositif s’avérera très complexe à gérer et créera une rupture d’égalité devant l’impôt entre les transporteurs établis dans les régions mettant en place une telle contribution et les autres transporteurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers. Cette disparité pourrait générer une diminution de l’offre de transport de proximité et serait inefficace d’un point de vue environnemental, en concentrant les flux de circulation sur certains axes.

La transition énergétique du transport de marchandises suppose un investissement massif des entreprises du secteur dans les véhicules à énergie alternative. Le poids fiscal d’une écotaxe éloignerait encore plus une telle transition.

Aussi, cet alourdissement fiscal serait en partie répercuté sur les industriels et in fine sur les consommateurs résidant dans les régions ayant mis en place une telle contribution.

Enfin, en se limitant à autoriser les régions à percevoir une contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandises, on ne précise aucun objectif que cette contribution permettrait d’atteindre.

S’agit-il de financer les infrastructures ? Dans ce domaine, le transport routier de marchandises apporte déjà sa contribution, par la taxe annuelle à l’essieu.

Si l’objectif est le report modal, celui-ci n’est pas envisageable à court terme ; rien ne garantit que l’augmentation du coût du transport pousse à le concrétiser. En effet, depuis 1985, la part du transport routier de marchandises est passée de 65 % à 89 %. Le transport fluvial ou ferroviaire ne dispose pas d’un réseau suffisant pour répondre aux besoins des industries et des consommateurs français. De plus, à supposer que ce réseau existe, le dernier kilomètre sera toujours effectué par camion.

Ainsi, sans donner de gages pour construire un réseau modal efficace offrant la souplesse et la rapidité du transport terrestre, l’écotaxe ne conduit, au moins dans un premier temps, qu’à alourdir la fiscalité des entreprises françaises de transport routier de marchandises, entreprises déjà fortement contributrices.