M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour la réplique.

Mme Dominique Vérien. Vous avez évoqué Aluminium Dunkerque ; il s’agit précisément d’une fonderie d’aluminium primaire. Mais je vous parle, moi, de tout ce qui est secondaire, c’est-à-dire des productions de canettes, de machines, de pièces, etc.

J’entends bien que vous souhaitez travailler avec les acteurs du secteur, mais ils attendent toujours de rencontrer Thierry Breton pour parler, justement, de ce cas particulier qu’est l’aluminium. Effectivement, le ciment et l’acier n’ont pas du tout le même problème ; il est donc nécessaire de réserver à l’aluminium un traitement différencié au regard de cette taxe.

J’ai bien entendu que vous aviez entendu la filière ! Nous comptons sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 21 juillet 2021, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

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Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.

Mme Cécile Cukierman. Mon rappel au règlement, monsieur le président, se fonde sur l’article 36 du règlement.

Vous n’êtes pas sans connaître notre position, puisque la présidente de notre groupe, Éliane Assassi, vous a interpellé dès la semaine dernière sur ce que je qualifierai d’utilisation abusive de l’article 40 de la Constitution, ayant conduit, avant le début de l’examen en séance du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), à ce que plusieurs dizaines d’amendements – plusieurs centaines, oserai-je dire, puisqu’on en compte plus de deux cents – émanant de tous les groupes politiques du Sénat soient jugés irrecevables en application de cet article.

Ces amendements déclarés irrecevables visaient, pour une grande partie d’entre eux, à débattre du rétablissement de la clause de compétence générale et de la faculté de déléguer des compétences d’une collectivité à une autre. Aucun de ces amendements n’avait pour objet d’augmenter quelque dépense que ce soit !

Faut-il rappeler à la commission des finances que bien évidemment aucun de ces amendements ne visait à remettre en cause la règle de l’équilibre budgétaire des collectivités territoriales ? Faut-il rappeler à la commission des finances que les choix des collectivités territoriales et de leurs assemblées délibérantes sont des choix politiques et qu’à budget constant des choix différents peuvent être effectués ?

Nous sommes surpris, par ailleurs, pour ce qui est plus particulièrement de certains amendements.

Notre amendement n° 281 avait été, en son temps, déposé et validé par la commission des finances lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 ; l’amendement n° 253 avait été validé et débattu à l’occasion de la discussion du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN. Ainsi en est-il également des amendements nos 247 et 256, qui avaient été débattus ici même, en décembre 2019, dans le cadre des débats sur le projet de loi Engagement et proximité.

Monsieur le président, alors que va s’ouvrir la discussion générale, et avant le débat d’amendements, nous voudrions obtenir des explications concrètes.

Pourquoi une telle évolution ? La jurisprudence a-t-elle évolué ? Si oui, à qui doit-on une telle évolution ? La commission des finances n’étant pas une juridiction, elle n’a pas vocation à faire évoluer quelque jurisprudence que ce soit. Nous regrettons en tout cas, à cette heure, de n’avoir reçu ni réponse ni explication de la part du président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

M. Jean Louis Masson. Depuis quelques années maintenant, le Sénat a introduit une certaine transparence en matière d’utilisation des frais de mandat. Cette transparence s’exerce sous l’autorité du comité de déontologie.

Mais il serait également opportun, me semble-t-il, que ce comité soit lui-même transparent et que, lorsqu’il instaure une jurisprudence ou une nouvelle règle, il en informe l’ensemble des sénateurs.

Je vais vous donner un exemple, mes chers collègues, qui concerne en particulier les sénateurs non inscrits. La catégorie 9 du référentiel des dépenses éligibles correspond aux petites dépenses.

Initialement, j’avais moi-même soulevé cette question et l’on m’avait répondu qu’il était possible de remettre une attestation pour l’ensemble de l’année, ce qui est beaucoup plus simple que d’en faire une par mois, une tous les deux mois ou une tous les trois mois.

Or, il y a quelques jours, j’ai reçu une réclamation des experts-comptables me demandant pourquoi je n’avais fait qu’une seule déclaration pour l’ensemble de l’année. Je leur ai répondu que j’avais obtenu l’assurance que l’on pouvait procéder de la sorte. Or ils m’ont certifié, chose absolument stupéfiante, que « le comité de déontologie avait changé de jurisprudence » et qu’il souhaitait dorénavant que les déclarations soient fractionnées, l’information ayant circulé de bouche à oreille entre les sénateurs… C’est extraordinaire !

Évidemment, les sénateurs de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe ne sont au courant de rien !

Je ne suis pas opposé aux changements de jurisprudence, mais il importe dans ce cas que tous les sénateurs en soient informés correctement, c’est-à-dire par écrit. Les sénateurs non inscrits sont les seuls à ne pas siéger dans le comité de déontologie. Rassurez-vous, monsieur le président, je ne réclame pas qu’ils y siègent, je demande seulement de mettre un terme à cette diffusion des informations de bouche à oreille. Dans la mesure où nous ne sommes que deux non-inscrits, nous ne disposons d’aucune source orale d’information !

Je souhaite donc, monsieur le président, que le comité de déontologie, à l’avenir, informe par écrit les élus des changements, ce qui éviterait bien des contrariétés !

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Le président du comité de déontologie parlementaire du Sénat, Arnaud Bazin, le lira certainement avec attention !

M. le président de la commission des finances m’a fait savoir qu’il souhaitait répondre au rappel au règlement de Mme Cukierman.

Vous avez la parole, monsieur le président.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je veux tout d’abord dire à Mme Cukierman que je n’ai reçu aucune lettre en tant que président de la commission des finances. Il s’agit d’une lettre qui a été adressée au président du Sénat et dont j’ai reçu une copie, ce qui n’est pas exactement la même chose. Je n’avais donc aucune obligation de réponse.

Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 4D, est un texte essentiel pour nos collectivités territoriales et donc pour le Sénat, qui assure leur représentation.

Il a fait l’objet du dépôt de 1 222 amendements au stade de la commission et de 1 690 amendements en vue de la séance publique.

Environ 16 % de ces amendements ont dû être déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est un taux supérieur à la moyenne, mais qui s’explique par la nature même de ce texte.

Je sais combien ces décisions d’irrecevabilité limitent le débat parlementaire, mais elles résultent directement de la décision du Conseil constitutionnel du 14 décembre 2006, qui impose « un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt des amendements ».

Si ce contrôle n’était pas effectif, le Conseil constitutionnel soulèverait lui-même l’irrecevabilité financière, ce qu’il s’abstient de faire au nom de la règle dite du « préalable parlementaire », à laquelle nous tenons. S’il le faisait, comme il le fait d’ailleurs au titre des irrecevabilités de l’article 45 de la Constitution, il y aurait peu de chances que l’initiative parlementaire y gagne.

L’article 40 de la Constitution empêche, en effet, toute création d’une charge publique qui s’entend au niveau de chaque personne publique et ne permet pas, contrairement à ce qui est possible en recettes, de compenser la création d’une charge par la diminution d’une autre charge pour une autre personne publique.

Aussi n’est-il pas possible de procéder, par exemple, à des transferts de compétences entre catégories de collectivités locales, ce qui pourtant relève directement de l’objet de ce texte.

Si, par le passé, certains amendements ont pu être examinés, par exemple dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, et dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, c’est, dans la plupart des cas, parce qu’ils visaient à rétablir le droit existant et que la recevabilité prend comme base de référence celle qui est la plus favorable au droit parlementaire, qu’il s’agisse du droit existant ou du droit proposé.

Aujourd’hui, il n’est ainsi plus possible de revenir sur la clause de compétence générale, sauf si le Gouvernement en prend l’initiative.

La jurisprudence sur l’article 40 est stabilisée depuis de nombreuses années – j’en suis le dépositaire après d’autres – et les quelques divergences qui ont pu exister avec l’Assemblée nationale ont été aplanies par mes prédécesseurs grâce à des assouplissements de jurisprudence.

Je rappelle, par ailleurs, que le taux d’irrecevabilité au Sénat est constamment inférieur à celui constaté à l’Assemblée nationale, et que, chaque fois que cela est possible, des rectifications sont proposées aux auteurs des amendements pour leur permettre de rendre leurs amendements examinables : j’y suis très attentif.

Par ailleurs, il arrive quelquefois que des amendements échappent à l’article 40, mais ce n’est pas parce que l’erreur a existé dans le passé qu’elle doit se reproduire aujourd’hui avec ce texte !

Le débat doit donc porter non pas sur l’application de l’article 40 par rapport à ce texte, mais, de manière générale, sur la rédaction même de l’article 40 de la Constitution, voire sur son existence, ce qui ne peut se faire qu’en révisant la Constitution.

Je vous engage donc, madame la sénatrice, à déposer une proposition de loi constitutionnelle sur le sujet !

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Dossier législatif : projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale
Discussion générale (suite)

Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (projet n° 588 rectifié, texte de la commission n° 724, rapport n° 723, avis nos 719, 720 et 721).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale
Article additionnel avant le titre Ier - Amendement n° 260 rectifié

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, chère Françoise Gatel, monsieur le rapporteur, cher Mathieu Darnaud, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, chers Dominique Estrosi Sassone, Alain Milon et Daniel Gueret, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a près de quarante ans, Gaston Defferre présentait ici même, devant la Haute Assemblée, la première loi de décentralisation.

Douze lois ont suivi depuis, défendues par mes prédécesseurs, dont certains siègent sur ces travées… Douze lois qui, au fond, ont porté la même idée que, face aux défis auxquels nos sociétés étaient confrontées, l’action publique ne pouvait plus être menée à distance de nos concitoyens.

Étape après étape, la France a fait le choix de tourner la page de sa longue tradition centralisatrice, qui, comme l’écrivait Michel Rocard, « a façonné à la fois les institutions et les mentalités collectives ».

« Le cadre centralisateur se heurte aux réalités du territoire », écrivait-il encore en 1966. L’acuité avec laquelle ces mots résonnent aujourd’hui nous dit bien à la fois le chemin qui a été parcouru et ce qu’il nous reste à accomplir.

Ces lois, nous en sommes les héritiers. J’en ai moi-même été actrice et témoin tout au long de mes quarante années de vie politique. J’ai vu, comme maire, émerger ce grand élan de l’intercommunalité. J’ai vu les départements monter en puissance et les régions devenir des acteurs incontournables. J’ai vu aussi l’État et ses services déconcentrés s’éloigner.

J’ai également vu grandir cette vague silencieuse, l’abstention, qui, élection après élection, nous place tous devant nos responsabilités… Elle nous oblige à nous saisir de toutes les occasions – ce projet de loi en est une – pour redonner du souffle à notre démocratie et pour répondre à la grande insatisfaction que nos concitoyens expriment par leur silence.

Dans les débats que nous aurons, que je sais riches et nombreux, je tiens à ce que nous gardions toujours à l’esprit cette exigence démocratique.

Ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, traduit l’engagement du Président de la République de porter une ambition nouvelle pour nos territoires. Cette « nouvelle donne territoriale », c’est celle de la confiance aux territoires, de l’efficacité de l’action publique et aussi de la stabilité institutionnelle.

Je sais la lassitude des élus face à la répétition des réformes institutionnelles depuis 2010, l’impression même d’une réforme continue et sans fin, qui n’a pas permis d’offrir davantage de légitimité ou de lisibilité à l’organisation de nos territoires.

C’est pourquoi je vous le dis d’emblée et en toute honnêteté, car je l’assume : je souhaite, avant toute chose, stabiliser la répartition des compétences et construire des réponses concrètes pour faciliter leur exercice. C’est dans cet esprit que nous avons fait le choix d’une longue concertation.

Pendant plus de dix-huit mois, j’ai parcouru les territoires français, vos territoires, à la rencontre des acteurs et des élus locaux. J’ai ressenti des attentes fortes, souvent des besoins concrets et opérationnels. J’ai surtout entendu un souhait, partagé par l’immense majorité des élus que j’ai rencontrés, de leur permettre d’adapter plus finement leur action aux réalités de leur territoire.

La crise sanitaire nous a d’ailleurs montré à quel point la souplesse et l’agilité étaient des valeurs cardinales dans la coordination de l’action publique.

C’est pourquoi nous avons fait de la différenciation le fil rouge de ce projet de loi.

La différenciation doit redonner toute sa force et son effectivité au principe d’égalité, car « l’égalité, qui crée de l’uniformité n’assure plus l’égalité des chances sur la totalité de notre territoire », comme l’affirmait le Président de la République dès 2017.

Depuis quatre ans, la différenciation aura ainsi été une boussole pour l’action du Gouvernement et pour celle que je mène au service de la cohésion des territoires.

Une République différenciée, j’en suis convaincue, ce n’est pas une République morcelée. C’est, au contraire, une République qui n’est pas aveugle à ses diversités et qui valorise les dynamiques locales sans chercher à les niveler.

Une République différenciée, c’est aussi une République davantage décentralisée, où les compétences des collectivités sont confortées et clarifiées. C’est un État plus agile, plus réactif et plus proche, qui adapte sa réponse et accompagne main dans la main les initiatives des collectivités. C’est aussi une administration publique plus efficace, qui simplifie ses procédures au bénéfice des citoyens.

C’est tout le sens des 4D, pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification, qui constituent l’architecture de ce projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter.

Je tenais à vous remercier, mesdames, messieurs les rapporteurs, ainsi que toutes les commissions – en particulier la commission des lois – et l’ensemble des groupes, qui ont mené un travail exigeant et constructif.

Des points importants feront l’objet, je le sais, de débats francs en séance, mais je suis sûre que ce texte de loi sortira grandement enrichi de son examen au Sénat, ici, dans cette chambre des territoires.

Je voudrais vous présenter les grandes orientations que nous y avons inscrites.

Le titre Ier permettra d’adapter l’organisation des compétences des collectivités qui le souhaitent, dans le respect de la Constitution. Il affirme le principe de différenciation qui est, je le redis, la pierre angulaire de ce projet de loi.

Il augmente les possibilités d’extension du pouvoir réglementaire local. Il élargit les dispositifs de participation citoyenne pour faire pleinement confiance à la démocratie locale. Enfin, je souhaite qu’il soit l’occasion de renforcer l’effectivité des conférences territoriales de l’action publique, afin que les collectivités puissent s’organiser librement et définir le bon niveau d’exercice de leurs compétences pour conduire des projets.

L’examen de ce texte n’est délibérément pas le lieu pour revenir sur les débats en matière d’organisation entre communes et intercommunalités qui se sont tenus lors de la discussion de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique entrée en vigueur très récemment.

Le titre II du projet de loi offre de nouveaux moyens aux collectivités pour mener des politiques publiques efficaces de mobilité et de transition écologique. S’agissant des routes, le texte vise à donner toute sa cohérence à la décentralisation intervenue il y a dix ans, en assurant la continuité de la gestion du réseau.

Pour les départements et les régions qui le souhaitent, les préfets poursuivront les concertations locales afin d’assurer une répartition la plus pertinente possible, permettant d’arrêter une carte finale en 2022. L’objectif est simple : renforcer la qualité de service pour les citoyens et limiter le nombre d’interlocuteurs.

Enfin, le texte renforcera l’action des régions en matière de biodiversité et permettra aux maires d’avoir des marges de manœuvre supplémentaires pour réglementer l’accès aux espaces naturels protégés.

Le titre III vise à offrir des outils aux collectivités dans le champ de l’aménagement du territoire.

En matière d’habitat, notre impératif était avant tout de conforter la politique du logement social, pour faire en sorte que les objectifs fixés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, ne s’éteignent pas en 2025.

La loi SRU a des effets très concrets au bénéfice de nos concitoyens, qui ont besoin de se loger pour un coût abordable, mais aussi pour les communes qui veulent concilier l’accueil de nouvelles populations et le respect des équilibres territoriaux.

Nous proposons une approche exigeante, mais réaliste, en prenant mieux en compte les marges de manœuvre des communes dans le rattrapage. Sur ce sujet, je suis sûre que nous allons trouver ensemble le bon équilibre entre la recherche d’une souplesse nécessaire et la responsabilisation des collectivités dans la production de logement social.

Dans le champ de l’urbanisme, plusieurs articles permettront de renforcer les outils d’intervention dans le tissu urbain existant. Vous le savez, c’est une priorité du Gouvernement et de mon ministère, qui s’incarne dans les programmes pilotés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Pour conforter le rôle puissant de cet outil, nous accélérerons la récupération par les collectivités des biens sans maître, ce qui est une mesure particulièrement attendue.

Le titre IV a pour objectif de renforcer la cohésion sociale et la sécurité sanitaire.

Il porte une réforme de la gouvernance des agences régionales de santé, rendue nécessaire par le besoin d’une meilleure association des élus qui s’est révélé à l’occasion de la crise sanitaire. Je serai particulière vigilante à ce qu’elle reste équilibrée, comme le Gouvernement l’a proposé dans le texte initial.

Le projet de loi permettra également d’élargir les capacités d’action des collectivités pour renforcer l’offre de soins sur tous les territoires.

Enfin, le Gouvernement est particulièrement attaché à ce qu’il permette l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active, le RSA. Il s’agit, je crois, d’un enjeu de justice sociale et territoriale.

Le titre V rappelle des dispositions financières et statutaires classiques.

Le titre VI accompagne notre ambition de renforcer l’action déconcentrée de l’État. Il parachève la politique que nous avons menée depuis 2017 pour remettre l’État au plus près des territoires et lui redonner la capacité d’accompagner « sur mesure » les projets des collectivités.

Cette politique s’est incarnée dans la création de l’ANCT en janvier 2020 et, dernièrement, par la territorialisation du plan de relance et la forte ambition contractuelle qui l’accompagne.

En matière d’aide en ingénierie en faveur des territoires, une disposition facilitera le recours des collectivités au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui possède une ingénierie forte, technique et utile, en particulier pour les territoires les moins bien dotés.

Nous proposons également que le préfet de département soit désigné délégué territorial de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) pour unifier la parole de l’État sur les territoires.

Nous aurons, je crois, un débat nécessaire sur les évolutions introduites par la commission sur le pouvoir de dérogation des préfets dans la prise de décision de l’État dans les territoires.

Enfin, un article confortera le programme France Services qui permet le retour des services publics en proximité.

Le titre VII comporte diverses mesures relatives à la simplification de l’action publique, ce qui est une attente forte de nos élus locaux comme de nos concitoyens : accélération du partage de données entre administrations, simplification du fonctionnement des institutions locales et des établissements publics…

Plusieurs mesures permettront de prolonger ou d’élargir des expérimentations. La discussion parlementaire sur l’ensemble de ce titre permettra, je l’espère, d’en enrichir significativement les possibilités.

Enfin, le titre VIII contient différentes dispositions relatives à l’outre-mer, qui sont issues, là encore, d’une vaste concertation et qui répondent à des attentes très précises de ces territoires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, « Quarante ans est un âge terrible. Car c’est l’âge où nous devenons ce que nous sommes », écrivait Charles Péguy. (MM. Jean-Pierre Sueur et Loïc Hervé applaudissent.)

Quarante ans après la première pierre de la décentralisation, nous avons l’occasion, ensemble, de conforter la relation entre la République et ses territoires sans bouleverser leur organisation. Nous avons l’occasion de continuer à tracer ce chemin bien français, qui garantit l’unité républicaine, tout en reconnaissant que la diversité de nos territoires est une richesse inestimable.

Pour cela, le Gouvernement a, depuis 2017, choisi deux modalités d’action.

La première est celle du réarmement des territoires : nous agissons de concert, avec les services déconcentrés de l’État, dans un partenariat efficace et assumé avec les collectivités territoriales. C’est tout le sens de l’action de mon ministère, qui dessine chaque jour un nouvel aménagement du territoire via la contractualisation avec tous les échelons de collectivités, via le déploiement de programmes d’action sur le territoire comme Action cœur de ville, Petites Villes de demain, Territoires d’industrie, France Services, et via le renouveau de l’ingénierie territoriale.

La seconde est l’action législative qui nous permet d’améliorer le cadre d’exercice des compétences. C’est un travail que nous avons commencé lors de la discussion de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, et que nous poursuivons.

Ce projet de loi est un jalon supplémentaire dans cette perspective.

C’est un texte concret, qui propose une boîte à outils pour répondre à des besoins opérationnels et améliorer l’efficacité de l’action publique.

C’est un texte de confiance, construit avec et pour les élus locaux et qui sera, je le sais, enrichi par votre travail parlementaire.

C’est un texte qui incarne l’idée de différenciation, qui est le socle de l’action que nous menons, et qui, j’en suis convaincue, est la seule voie qui nous permettra de garantir une décentralisation vivante, dans laquelle l’envie et l’audace d’agir priment les querelles de périmètres et de compétences.

Action législative et action de terrain sont les deux faces d’une même politique de renforcement et de cohésion de nos territoires. La discussion qui s’ouvre sur ce texte nous permettra, j’en suis certaine, d’avancer ensemble vers cette impérieuse nécessité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Nous voilà donc, madame la ministre, au rendez-vous d’une promesse présidentielle attendue, parfois perdue de vue, grâce à votre ténacité que je salue très sincèrement.

Vous le savez, la bienveillance du Sénat n’a d’égale que son exigence. Faisons fi des 4D et avançons rapidement vers la lettre E, celle de l’efficacité !

L’heure n’est pas à un nouveau bouleversement institutionnel hasardeux, nous en convenons, mais à une décentralisation de la confiance et de la proximité : n’est-ce pas là la leçon que nous devons tirer de la crise des « gilets jaunes », de la crise sanitaire, mais aussi de l’abstention tragique que nous avons connue ces derniers dimanches ?

Inspiré par les cinquante propositions du Sénat, approuvées par plus de 3 200 élus ayant répondu à notre consultation, ainsi que par leurs associations, et à l’inverse du rigorisme normatif et autoritaire des précédentes lois territoriales, le Sénat propose un champ des possibles, cohérent, réaliste, pragmatique et consistant.

Parlons d’abord de différenciation : si celle-ci interroge sur la déclinaison d’uniformité égalisatrice du principe révolutionnaire d’égalité, force est de constater que la différenciation n’est pas une invention redoutable qui fracturerait l’unité de la République. Elle est déjà présente dans la loi Montagne, la loi Littoral et les différentes lois concernant l’outre-mer.

Mais elle ne saurait être un droit des exceptions, elle doit être affirmée comme un élément constitutif de la loi qui définit un champ des possibles.

C’est dans cet esprit que nous avons récrit l’article 1er, trop anodin à nos yeux, et permis désormais la délégation de compétences entre collectivités, la territorialisation au sein de l’intercommunalité et la définition de l’intérêt communautaire.

L’État ne peut plus être un État de circulaires et de règlements sclérosants. Si d’aucuns cultivent encore une défiance à l’égard des élus locaux et de leurs initiatives, force est de constater que ce sont ces élus locaux qui ont permis de tenir pendant la crise aux côtés de l’État.

Quant à la décentralisation, visons juste : pas de big-bang, mais pas non plus de timidité excessive, voire hasardeuse. Si nous visons l’efficacité, recourons à la cohérence par le simple principe de subsidiarité.

Ainsi, essentielle, mais isolée, la médecine scolaire restera défaillante, malgré la qualité de son personnel, si on ne la rattache pas au département qui assure la mission et les solutions de sauvegarde de l’enfance. Même réflexion pour les gestionnaires de lycées et de collèges.

Madame la ministre, nous sommes au pied du mur, l’heure de la vérité ou l’heure de la dérobade et de la désillusion, c’est ici et maintenant !