compte rendu intégral

Présidence de Mme Pascale Gruny

vice-président

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers,

M. Joël Guerriau.

Mme le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

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Procès-verbal

Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2021
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2021

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Mme le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2021 (texte de la commission n° 739, rapport n° 738).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2021
Article 1er A

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une dizaine de jours après la première lecture du projet de loi de finances rectificative (PLFR) au Sénat, nous voici de nouveau réunis. La commission mixte paritaire (CMP), qui s’est déroulée lundi dernier, s’est en effet avérée conclusive.

En première lecture, nous avions pris acte de la mise à jour des données macroéconomiques du Gouvernement, en particulier de la très forte dégradation de nos finances publiques, avec un déficit public à 9,4 points de PIB et un endettement à 117,2 %. Le rebond d’activité reste, quant à lui, fragile et serait moins important que celui de nos principaux partenaires européens.

J’ai également émis de fortes réserves sur les reports opérés par le Gouvernement entre 2020 et 2021, qui atteignent un niveau exceptionnel cette année et qui vont, à mon sens, bien au-delà de l’autorisation parlementaire. Enfin, il apparaît clairement que l’augmentation des dépenses prévue dans le présent PLFR répond à un objectif de précaution et de grande prudence.

Pour autant, dès la première lecture, le Sénat a adopté, en responsabilité, les dispositions du collectif budgétaire tendant à accompagner la sortie de crise. Il en est ainsi de la prolongation, avec des adaptations, du fonds de solidarité ou encore de la nouvelle aide au paiement des cotisations et contributions sociales.

Le Sénat a également voté des mesures comme le renforcement du carry back, qu’il appelait d’ailleurs de ses vœux depuis un an, ou encore la prolongation de l’octroi de la garantie de l’État au titre des prêts garantis par l’État, les PGE, et la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, la PEPA.

Le Sénat s’est montré constructif et raisonnable dans ses propositions de modification. J’en veux pour preuve les faibles évolutions de l’article d’équilibre à la suite de nos travaux.

C’est ainsi que, outre des améliorations techniques et de sécurisation juridique, de nombreux apports du Sénat ont été conservés dans le texte adopté par la CMP, parfois à la faveur de compromis. Ce résultat est le fruit d’échanges fructueux avec nos collègues députés, en particulier avec le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, que je remercie de son écoute et qui a permis de rapprocher nos attentes.

Ainsi, si j’ose dire, je suis globalement satisfait qu’un certain nombre de mesures aient pu rester dans le texte. Je ne les citerai bien sûr pas toutes – je vous renvoie au texte publié pour l’exhaustivité –, mais certaines méritent à mon sens d’être soulignées en ce qu’elles illustrent les objectifs que nous nous étions fixés pour l’examen de ce texte.

Nous avons obtenu que la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, la PEPA, puisse être portée à 2 000 euros et être exonérée d’imposition sur le revenu et de cotisations sociales, sans condition, pour toutes les entreprises de moins de cinquante salariés, et ce jusqu’au 31 mars 2022. Il s’agit ainsi de reconnaître l’action de tous les salariés ayant dû exercer leur activité dans des conditions particulières pendant la crise et de soutenir leur pouvoir d’achat.

Dans le même esprit, et pour assurer l’équité fiscale, la commission mixte paritaire a maintenu l’exonération d’imposition sur le revenu votée par le Sénat pour la majoration exceptionnelle des indemnités de garde des internes perçues au cours de la première vague de l’épidémie.

Nous avons également conservé plusieurs mesures permettant de soutenir les entreprises qui en ont encore besoin. Ainsi en est-il de l’exonération d’imposition de l’aide à la reprise des fonds de commerce perçue par les entrepreneurs ayant repris une activité au cours de l’année 2020, à l’instar de ce qui est prévu pour les bénéficiaires du fonds de solidarité, ou encore de la prolongation jusqu’à la fin de l’année 2022 du relèvement temporaire à 25 % du taux de la réduction d’impôt applicable aux investissements dans les foncières solidaires chargées d’un service économique d’intérêt général, par parallélisme avec ce qui avait été voté à l’Assemblée nationale pour les souscriptions au capital des PME.

En outre, la suppression du tarif réduit de TICPE applicable au gazole non routier a été reportée au 1er janvier 2023. Nous sommes ainsi revenus à ce qui avait été annoncé par le Gouvernement. Les secteurs concernés ont déjà été durement touchés par la crise et n’ont, à ce jour, que des solutions balbutiantes pour renoncer à l’utilisation du gazole.

Nous sommes aussi venus en soutien aux collectivités territoriales en votant, par exemple, l’extension aux régies départementales du dispositif de compensation des pertes d’épargne brute, ainsi que la reconduction pour 2021 des « filets de sécurité » applicables à certaines ressources spécifiques aux collectivités territoriales d’outre-mer et à la collectivité de Corse.

Nous avons maintenu l’abattement dérogatoire à la taxe locale sur la publicité extérieure, issu d’un amendement de Nathalie Delattre, ainsi que la réintégration des dépenses engagées pour la réalisation des documents d’urbanisme et la numérisation du cadastre dans l’assiette des dépenses éligibles au FCTVA (Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée), mesure adoptée sur l’initiative de Sylvie Vermeillet et Patrick Chaize.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a retenu deux ouvertures de crédits du Sénat au titre du plan de relance et directement destinées à l’action territoriale.

D’une part, 10 millions d’euros supplémentaires sont consacrés à la forêt, afin que les travaux préalables à la reforestation entrent dans le champ des actions subventionnées, compte tenu des coûts parfois très élevés induits par de telles opérations à vocation environnementale. Nous comptons sur vous, madame la secrétaire d’État, pour vous en faire l’écho auprès du ministre chargé des comptes publics, afin que, concrètement, la réglementation qui ne relève pas de la loi évolue dans le sens souhaité par les parlementaires. Vous nous trouverez toujours disponibles pour vous y aider.

D’autre part, et comme le demandait le président Claude Raynal, 50 millions d’euros supplémentaires sont affectés aux opérations d’investissement des AOM, les autorités organisatrices de la mobilité.

Enfin, la commission mixte paritaire a adopté deux mesures tendant à mieux contrôler l’usage des crédits ouverts dans le cadre du PLFR. Cela concerne les crédits ouverts pour abonder le compte d’affection spéciale « Participations financières de l’État », ainsi que l’enveloppe exceptionnellement élevée de la dotation pour « dépenses accidentelles et imprévisibles », à hauteur de 1,5 milliard d’euros.

Je profite de ces quelques instants pour vous rappeler, madame la secrétaire d’État, qu’une solution doit être trouvée pour aider les entreprises créées en 2020 et qui, faute de chiffre d’affaires déclaré, n’ont pu obtenir aucun soutien de l’État. De même, le décret d’application doit permettre de faire entrer dans le dispositif de l’article 10 les quelques régies nouvellement créées et qui n’ont pas de perte d’épargne brute à déclarer. C’est parfois le cas dans certaines intercommunalités.

Bien sûr, mes chers collègues, des regrets subsistent pour n’avoir pas su convaincre du bien-fondé de certaines mesures, comme celles qui visent à soutenir l’investissement dans la transition énergétique des entreprises. En tout état de cause, le PLFR se trouve indubitablement enrichi à la suite de son examen par le Parlement, notamment par le Sénat.

Une fois l’activité repartie, il faudra mettre fin à l’économie « sous perfusion » des aides de l’État. Dès à présent, il faut aussi regarder vers l’avenir et déterminer une stratégie de redressement de nos finances publiques. À ce titre, notre inquiétude grandit, mais j’aurai l’occasion d’en reparler dès jeudi dans cet hémicycle, à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement pour 2020 et, surtout, du débat d’orientation des finances publiques, préparatoire au PLF pour 2022.

Pour l’heure, je vous invite à voter les conclusions de la CMP, s’agissant d’un texte nécessaire pour accompagner une sortie de crise, que nous espérons tous définitivement derrière nous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des finances et M. Franck Menonville applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de léconomie sociale, solidaire et responsable. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un vrai plaisir pour moi de m’exprimer devant vous, en lieu et place de mon collègue Olivier Dussopt, qui, pour des raisons strictement budgétaires, a dû se rendre à Matignon. Il s’excuse platement auprès de vous de son absence. Néanmoins, c’est pour une bonne cause. C’est la raison pour laquelle vous avez la chance, ou la malchance, c’est selon (Sourires.), de m’entendre aujourd’hui à la suite du succès de la CMP sur ce projet de loi de finances rectificative pour 2021.

Je tiens à le souligner, le texte dont nous débattons aujourd’hui illustre l’attachement du Gouvernement et des parlementaires à accompagner l’ensemble des acteurs économiques jusqu’à la fin de la crise sanitaire et à soutenir toujours et encore plus la reprise de la croissance. Je vous rassure, je ne vais pas revenir sur l’ensemble des dispositions adoptées ; je vais juste rappeler les grands principes de ce texte et certains de ses principaux apports.

Le premier objectif de ce collectif budgétaire est de financer l’accompagnement et le soutien à l’économie dans la sortie des mesures d’urgence déployées depuis le début de la crise liée au covid-19. C’est la raison pour laquelle nous vous avons proposé d’ouvrir 15,5 milliards d’euros de crédits pour prolonger les dispositifs de soutien bien connus des Français.

Pour ce faire, nous vous avons proposé de provisionner 4 milliards d’euros pour les exonérations de cotisations et les aides au paiement ; 3,4 milliards d’euros pour le fonds de solidarité ; 6,4 milliards d’euros pour l’activité partielle, notamment l’activité partielle de longue durée. En outre, afin de prolonger l’aide aux secteurs privés d’activité, la mission « Plan d’urgence » est abondée de 150 millions d’euros supplémentaires pour financer les mesures au bénéfice du secteur de la culture.

Le PLFR proposait initialement une série de nouvelles mesures pour mieux accompagner les Français et les entreprises jusqu’à ce que le chapitre de la crise soit enfin définitivement clos. Vous les avez enrichies tout au long de la navette parlementaire, ainsi qu’en commission mixte paritaire.

Avec votre soutien, nous repoussons ainsi au 31 décembre 2021 la date à laquelle les entreprises peuvent se porter candidates à un PGE.

Nous renouvelons la prime « Macron » pour le pouvoir d’achat, qui permet aux entreprises de verser une prime exonérée d’impôts et de cotisations sociales pouvant s’élever jusqu’à 1 000 euros. Ce plafond sera porté à 2 000 euros pour toutes les entreprises de moins de cinquante salariés, grâce à l’assouplissement voté par le Parlement, ainsi que pour les autres entreprises qui auront mis en œuvre un accord d’intéressement ou qui s’engageront formellement dans des actions de revalorisation des travailleurs de la deuxième ligne. La prime pourra être versée jusqu’à début 2022 et la défiscalisation sera rétroactive, pour faire en sorte que les primes versées à partir du mois de juin puissent entrer dans le dispositif. Cette mesure doit rester exceptionnelle pour être pleinement efficace.

Nous renforçons aussi notre soutien aux entreprises en assouplissant temporairement la faculté de carry back, le report en arrière des déficits fiscaux des entreprises, ces reports étant totalement déplafonnés.

En outre, le texte issu de la CMP fixe au 1er janvier 2023 l’entrée en vigueur de la hausse des tarifs de taxe intérieure de consommation sur le gazole non routier. Cette hausse, qui devait initialement intervenir le 1er juillet dernier, aurait mis les entreprises concernées en grande difficulté, alors que les conséquences de la crise sanitaire se font toujours sentir.

Enfin, s’agissant des aides et des dispositifs fiscaux relatifs aux entreprises, le texte de la CMP intègre la prorogation du taux majoré de la réduction d’impôt sur le revenu pour la souscription au capital des PME, c’est-à-dire l’IR-PME, qui vise à orienter l’épargne, notamment l’épargne de précaution, vers des investissements en fonds propres dans les PME et les ETI, en particulier les plus jeunes d’entre elles. Il en va de même pour le volet de ce dispositif dédié aux entreprises solidaires d’utilité sociale, les ESUS, dont nous connaissons tous, moi tout particulièrement, le rôle essentiel en période de crise. J’en profite pour les saluer.

La deuxième responsabilité de ce collectif budgétaire est de prolonger le soutien aux collectivités territoriales, avec de nouvelles mesures attendues et ambitieuses. Nous vous avons donc proposé d’ouvrir 203 millions d’euros de crédits pour compenser les pertes financières enregistrées par des équipements gérés en régie qui n’ont pas pu être aidés jusqu’à présent. Les députés ont étendu le dispositif aux équipements gérés de manière déléguée, et vous l’avez vous-même étendu aux régies départementales du même type. Cette mesure parachève le dispositif massif de soutien aux collectivités territoriales depuis le début de la crise.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a inclus en première lecture dans le « filet de sécurité » des recettes du bloc communal pour cette année une compensation de la baisse des recettes du versement mobilité pour Île-de-France Mobilités. Cela était déjà prévu pour les autres autorités organisatrices de la mobilité.

Vous avez souhaité en CMP ouvrir 50 millions d’euros de crédits supplémentaires pour compléter le financement des investissements des AOM. Votre chambre a, quant à elle, prorogé en 2021 le « filet de sécurité » à destination des régions, des collectivités d’outre-mer et de la collectivité de Corse.

Enfin, ce PLFR renforce les facultés données aux élus locaux d’accompagner les acteurs économiques de leur territoire en prolongeant la possibilité offerte en 2020 au bloc communal de mettre en place à titre dérogatoire un abattement à la taxe locale sur la publicité extérieure.

La troisième ambition de ce PLFR est de faciliter le déploiement du plan de relance dans l’économie pour créer les conditions de la reprise au plus vite.

Pour favoriser un engagement rapide du plan de relance, nous souhaitons ainsi réallouer 600 millions d’euros pour financer les dispositifs « Industrie du futur », qui ont connu un fort succès, et grâce auxquels 8 500 projets au moins auront été financés.

Un important volet de mesures nouvelles portées par ce PLFR concrétise en outre les priorités identifiées par le Gouvernement. Je ne reviens pas sur le détail des crédits ouverts en faveur de l’hébergement d’urgence, des étudiants boursiers, du Pass’Sport ou des agriculteurs lourdement touchés par le gel.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux rappeler que le « quoi qu’il en coûte » nous permet certes de renouer avec l’activité rapidement, mais, vous le savez, il n’est pas sans conséquence. Le « quoi qu’il en coûte » n’aurait pu être mené à tout prix. Nous tenons toujours à restaurer l’équilibre qui a permis de répondre à la crise. Une fois la crise sanitaire passée, nous aurons besoin, faut-il le rappeler, surtout devant vous, d’un retour à la normale de nos dépenses publiques. Je ne pouvais éviter de le mentionner. (M. Didier Rambaud applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Gérard Longuet applaudit également.)

M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur ce projet de loi de finances rectificative pour 2021. Néanmoins, le contenu de ce texte n’a rien de réjouissant. Il entérine en effet une situation des finances publiques des plus préoccupantes : le déficit public s’est creusé de façon abyssale et le taux d’endettement s’est envolé. Ce n’est pas une surprise, simplement le résultat de la crise, dont nous continuons à payer le lourd tribut.

Depuis le premier PLFR de crise, en mars 2020, la situation n’a cessé de se dégrader, et le rétablissement des finances publiques demeure une perspective encore très lointaine. À court terme, seule la croissance peut nous apporter quelques consolations, même si elle se mesure par rapport à une production nationale qui s’est effondrée en 2020. Néanmoins, elle est actuellement soutenue, et nous devons tout faire pour qu’elle le demeure. C’est le sens de ce PLFR.

Au-delà de ces indicateurs, qui révèlent un tableau assez sombre, ce texte comporte de nombreuses mesures qui permettront de revenir progressivement vers une croissance durable. Beaucoup d’entre elles viennent d’ailleurs du Sénat pour ce qui est du soutien aux entreprises.

Je pense également aux deux ouvertures de crédits proposées par le Sénat, avec 50 millions d’euros pour les investissements des autorités organisatrices de la mobilité et 10 millions d’euros pour la forêt. Cette dernière somme servira essentiellement aux travaux de renouvellement forestier, dont les coûts sont souvent très élevés. Ces crédits viendront renforcer ceux qui sont déjà prévus dans le plan de relance et combler des angles morts du dispositif actuel. Je tiens à saluer la mobilisation du rapporteur général sur ce sujet. Dans les territoires ruraux en général, et dans ceux du Grand Est en particulier, la vitalité de nos forêts de production est un élément essentiel pour le tissu économique local.

Je me réjouis également que le Sénat ait été entendu sur plusieurs propositions qui apportent des solutions concrètes à nos territoires. Cela vaut aussi pour les régies départementales, qui bénéficieront désormais du dispositif de compensation des pertes d’épargne brute.

Enfin, je me félicite de l’accord trouvé sur la fiscalité du gazole non routier. Si notre groupe s’est rangé à la suppression programmée du tarif réduit de TICPE, nous considérons qu’une trajectoire plus progressive était absolument nécessaire dans un tel contexte de crise, où les entreprises ont besoin de stabilité réglementaire et fiscale.

Au Sénat, nous avons été nombreux à relayer ces revendications, qui nous semblent légitimes. Il s’agit ici de trouver le juste point d’équilibre entre relance économique et transition écologique, dans la situation dégradée que nous connaissons.

Vous l’aurez compris, malgré la situation très préoccupante de nos finances publiques, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Gérard Longuet et Didier Rambaud applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte poursuit une logique que nous trouvons fortement injuste et inefficace. Nous continuons donc à contester cette politique qui instaure un déséquilibre flagrant : les aides aux entreprises sont délivrées sans condition sociale ou environnementale – nous l’avons constaté en CMP dans le traitement d’un certain nombre d’amendements – quand les aides aux ménages, qui sont insuffisantes, sont versées parfois avec beaucoup de suspicion.

Dernier exemple en date : Mme Vidal a annoncé la fin du repas à 1 euro dans les Crous, comme si les étudiantes et les étudiants n’avaient pas besoin de manger l’été… Pourtant, nous le savons, il y a toujours des besoins criants à reconsidérer dans la vie quotidienne des étudiants.

Madame la secrétaire d’État, vous avez cité les 150 millions d’euros en faveur des boursiers. Cette somme ne vise pas à mieux aider les boursiers ; elle est là pour répondre au nombre de demandes de bourses, qui est plus important en raison de la paupérisation de la société. Si la situation globale de nombreux foyers s’est appauvrie, les plus pauvres se sont encore plus appauvris. Face à cela, vos mesures d’urgence sont insuffisantes.

Nous déplorons également des annonces non suivies d’effets. Toujours dans l’enseignement supérieur, les étudiants sans master sont obligés de crier leur colère sur les réseaux sociaux pour se faire entendre. Où sont les crédits permettant de créer plusieurs milliers de places supplémentaires dans les masters en tension annoncés par Mme Vidal, qui, faute d’anticipation, pare au plus pressé ?

De rares avancées ont été votées au Sénat, mais elles n’ont pas été retenues en CMP. C’est notamment le cas du conditionnement du carry back au non-versement de dividendes ou de la disposition issue de l’amendement de Mme Vermeillet, qui soumettait à prélèvements obligatoires les aides versées lorsque l’entreprise avait gagné davantage que les années hors crise. Cet amendement de bon sens n’a pas survécu à la CMP. C’est également le cas de l’amendement socialiste visant à donner au 3919 les 2 millions d’euros qui lui sont nécessaires pour protéger correctement les femmes victimes de violences.

Sur la forêt, nous nous félicitons du maintien de l’amendement du rapporteur général Husson, mais les amendements de Joël Labbé, spécialiste du sujet, qui avait convaincu le Sénat de la nécessité de conditionner les aides du plan de relance au fait que les entreprises ne mettent en vente que du bois de chêne transformé au sein de l’Union européenne, et ce pour lutter contre l’exportation des grumes de chêne, ne sont plus là. Je pourrais aussi parler de l’annulation des crédits pour l’enseignement technique agricole et l’enseignement supérieur et recherche agricoles.

Globalement, nous considérons que ce PLFR poursuit une politique avec laquelle nous sommes en désaccord. Nous avons fait toute une série de propositions afin de taxer davantage les plus riches, les multinationales. C’est pour nous une nécessité. Bercy a annoncé que l’impôt sur la fortune immobilière a rapporté 1,56 milliard d’euros en 2020, mais c’est toujours 2,5 milliards d’euros de moins que l’ISF… Pour nous, le signal clair à envoyer en ces temps de crise aurait été de faire en sorte que les plus riches contribuent davantage au bénéfice du plus grand nombre.

Nous avions aussi débattu en séance de la question de l’injustice fiscale internationale. Encore une fois, nos espoirs ont été déçus : le dispositif décidé au G20 a visiblement des trous. Ce n’est pas demain que ce problème sera réglé au plan international. Il ne le sera d’ailleurs pas plus au niveau national avec votre politique, car il y a des choix budgétaires à contresens.

Nous ne voyons pas non plus le début d’une réponse sur le véritable ultimatum que le Conseil d’État a adressé au Gouvernement : neuf mois pour que des actions concrètes soient réalisées afin que les objectifs de réduction de gaz à effet de serre dont la France s’est dotée soient respectés.

Bref, vous le voyez, nous sommes en désaccord assez profond avec ce PLFR, qui est la traduction, je le répète, d’une politique que nous jugeons injuste et inefficace. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois cette année, mais pour la cinquième fois depuis le début de la crise, nous nous retrouvons pour adopter définitivement un nouveau budget rectificatif, à l’issue d’une CMP conclusive qui nous aura permis d’enrichir le texte.

Ce PLFR organise la sortie progressive des mesures d’urgence liées à la crise. Au total, ce sont près de 15,5 milliards d’euros de crédits destinés à prolonger les dispositifs de soutien : 4 milliards d’euros pour le financement des exonérations de cotisations et des aides au paiement ; 3,4 milliards d’euros pour le fonds de solidarité et 6,4 milliards d’euros pour l’activité partielle, notamment de longue durée.

Pour soutenir le secteur de la construction, nous avons reporté au 1er janvier 2023 la suppression du taux réduit de TICPE applicable au gazole non routier, conformément à l’engagement du Président de la République. La mesure a fait couler beaucoup d’encre. L’Assemblée nationale avait proposé de fixer au tout début de la prochaine législature cette suppression. Pour autant, je me félicite du rétablissement de ce report nécessaire, qui apporte un soutien bienvenu aux entreprises de nos territoires.

Pour aider les entreprises toujours fortement touchées par la crise, y compris celles qui font l’objet d’une fermeture administrative, nous avons maintenu le dispositif fiscal de prise en compte des abandons de loyers et ouvert la faculté pour les communes de dégrever de taxe foncière les discothèques.

Je me réjouis aussi de l’intégration, dans le filet de sécurité des ressources des collectivités territoriales pour 2021, des ressources spécifiques relatives à certaines collectivités d’outre-mer et à la collectivité de Corse, que le groupe RDPI a soutenue lors de l’examen en séance publique. Avec 50 millions d’euros de crédits supplémentaires ouverts en CMP pour compléter le financement des autorités organisatrices de la mobilité, un sujet sur lequel notre président Claude Raynal s’était beaucoup mobilisé, nous renforçons avec efficacité le soutien massif apporté aux collectivités territoriales depuis le début de la crise.

Le Gouvernement et les parlementaires accroissent également dans ce budget le soutien aux plus fragiles : 700 millions d’euros de crédits seront ainsi destinés au maintien du plan d’hébergement d’urgence hivernal pour toute la période estivale. C’est un effort considérable, qui permettra de laisser ouvertes 200 000 places d’hébergement jusqu’au mois d’avril 2022. Par ailleurs, 350 millions d’euros seront consacrés aux aides pour le secteur agricole après la période particulièrement difficile vécue en 2021.

Nous voterons en outre avec ce PLFR une enveloppe de 100 millions d’euros pour financer le Pass’Sport, mais aussi 150 millions d’euros pour sécuriser le financement des bourses sur critères sociaux : autant de mesures en faveur de la jeunesse, qui aura payé un lourd tribut à cette crise.

Je dirai enfin un mot de l’enveloppe de 1,5 milliard d’euros au titre de la dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles, qui a été rétablie en CMP. Le groupe RDPI s’était fermement opposé à l’amendement qui visait à la réduire à 500 millions d’euros. L’ampleur de la crise justifie en effet une certaine prudence, d’où son rétablissement.

Je salue, pour terminer, la mesure retenue par la CMP pour imposer au Gouvernement une obligation d’information du Parlement au moins trois jours avant la publication de tout décret prévoyant le versement de plus de 100 millions d’euros sur un programme. Le pouvoir de contrôle du Parlement en est renforcé, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

À la lumière de ces différents ajouts, le groupe RDPI soutiendra par conséquent l’adoption de ce collectif budgétaire.