M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Au sujet de cette demande de seconde délibération, je veux indiquer à M. Reichardt que la position actuelle de la commission est parfaitement cohérente avec sa position initiale.

Le transfert de ces routes aux régions ne pourra se faire qu’à titre expérimental, et cette compétence ne sera pas exercée de façon définitive, contrairement à ce qui vaut pour les départements.

Tout au long de l’examen de ce texte, nous avons dit et redit que nous considérions évidemment le département comme la collectivité ayant prioritairement vocation à exercer cette compétence dans la mesure où elle dispose des services adéquats pour ces réseaux routiers.

Contrairement à ce qui a pu être indiqué, nombreuses sont les régions qui souhaitent, à titre expérimental, exercer cette compétence.

M. Éric Kerrouche. C’est faux !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. C’est que nous ont dit les représentants de la région Grand Est, de la région Auvergne-Rhône-Alpes et d’autres régions encore que nous avons auditionnés.

Nous avons souhaité assortir ce qui reste, je le répète, une expérimentation d’un maximum de conditions. D’ailleurs, certaines régions nous ont indiqué très clairement qu’elles souhaitaient pouvoir, dans un second temps, et si elles le souhaitent, restituer ce réseau routier aux départements.

M. André Reichardt. Quel intérêt, alors ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. C’est cette forme d’agilité que nous souhaitons permettre en présentant cet amendement tendant à rétablir l’article 7.

Monsieur Reichardt, il ne faut pas nous faire dire ce que nous n’avons pas dit : vous aimez opposer, sur cet aspect, départements et régions, ce qui ne correspond absolument pas à la position de la commission. Je le répète, et nous n’avons cessé de le dire tout au long de l’examen de ce texte : nous voulons assortir d’un maximum de conditions cet éventuel transfert, qui doit répondre à une demande de la région.

Et là, je veux tordre le cou à ce qu’ont dit plusieurs orateurs du groupe socialiste : ce transfert de compétences se fera si les régions le demandent. C’est bien pourquoi certaines d’entre elles en ont manifesté le souhait. Que vous le vouliez ou non, c’est là un argument imparable.

Notre philosophie est bien celle-ci : priorité, bien sûr, aux transferts de routes aux départements, mais possibilité de transférer à certaines régions des réseaux dits « structurants » ou transnationaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable, naturellement.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. J’entends bien que Mathieu Darnaud, le rapporteur, « tape » sur les socialistes pour essayer de reconstituer la majorité qu’il n’a pas obtenue lors du premier vote ; c’est de bonne guerre. Pour autant, et je rejoins M. Reichardt, il est évident que l’on marche sur la tête. Certaines régions demanderaient cette compétence… Nous aussi, nous avons conduit des auditions, et aucune demande en ce sens n’est apparue. Que quelques régions y soient éventuellement favorables, on peut l’entendre, mais je crains qu’elles ne soient pas majoritaires.

En outre, c’est aller à rebours de l’évolution des choses : effectivement, cette compétence devrait échoir au département. Après, chacun votera comme il l’entend.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. D’abord, l’erreur est humaine ; il faut nous remémorer en toute objectivité ce qui s’est réellement passé lors du vote de cet amendement de suppression de l’article 7. Les avis rapportés par la présidence de séance ne correspondaient pas à ceux qui avaient été exprimés au moment où ils avaient été sollicités. Cela a très certainement créé de la confusion.

Mes chers collègues, vous savez ce que nous pensons des demandes de seconde délibération d’une manière générale. Or, en l’espèce, celle qui nous est présentée tend à rétablir l’équilibre des rapports de force qui s’exercent autour de ce texte. De fait, nous ne pouvons rédiger les textes de loi sur des malentendus, et, quoi que nous puissions en penser par ailleurs, si nous voulons que celle-ci soit bien faite, il faut parfois savoir le reconnaître.

Un scrutin public a été demandé sur cet amendement. Comme nous l’avons indiqué lors de l’examen de l’article 7, nous ne voterons pas cet article, parce que nous continuons à nous interroger sur la pertinence de ce transfert, dans les années à venir, de routes nationales à des collectivités territoriales, même à titre expérimental.

Nous serons en tout cas très vigilants lorsque ce dispositif sera évalué. Personnellement, je suis convaincue que cette expérimentation doit être menée avec parcimonie pour continuer à maintenir un véritable réseau d’infrastructures routières nationales permettant la desserte pleine et entière de notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Il est tout à fait naturel que cet article suscite des débats. Tout simplement parce que, jusqu’à présent, on nous a toujours indiqué qu’une répartition claire des compétences allait de pair avec une décentralisation claire et la justifiait.

Comme président de département, j’ai géré un réseau routier. Puis, comme président de région, j’ai créé des itinéraires routiers d’intérêt régional afin d’aider, avec les fonds régionaux, les départements pour les travaux rendus nécessaires lorsque leur tracé traversait plusieurs d’entre eux.

Je le vois bien, ce sont non pas les régions, mais les départements qui gèrent aujourd’hui des routes et qui disposent des équipes d’ingénieurs.

Mais je vais vous dire pourquoi je soutiens cet amendement de la commission tendant à rétablir l’article 7. Tout simplement parce que trois conditions sont prévues pour encadrer ce transfert, conditions sans lesquelles je n’aurais jamais voté cet amendement.

Première condition : le département est prioritaire dès lors qu’il doit y avoir transfert d’une route relevant du domaine public routier national à une collectivité territoriale.

Deuxième condition : toute région candidate à un tel transfert devra engager un dialogue avec les départements, précisément au titre de cette priorité départementale.

Troisième condition : il s’agit là d’une expérimentation.

Cet article, dans la rédaction qui nous est proposée, est suffisamment cadré et « verrouillé » pour être voté. Pour ce qui me concerne, j’avais au départ de fortes réticences, mais la commission a fait un excellent travail et les conditions qu’elle a prévues pour ce transfert permettent de les lever.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Pardonnez-moi de vous le dire, mais je ne suis pas du tout convaincu à la fois par la réponse de M. le rapporteur Mathieu Darnaud et par le propos du président Retailleau.

Je n’oppose absolument pas départements et régions,…

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Si !

M. André Reichardt. … j’essaie simplement d’être logique.

Tout au long de l’examen de ce projet de loi, à moi le partisan d’une Collectivité européenne d’Alsace, on a dit que l’Alsace était une collectivité comme les autres, qu’elle avait obtenu quelque chose le 1er janvier dernier et qu’il fallait s’en tenir là ! Je ne suis pas d’accord, mais j’ai compris : le souhait est qu’on en reste là dans la répartition des compétences entre les différentes collectivités. Très bien !

Mais là, soudain, on demande au Parlement de transférer, à titre dérogatoire, la gestion de certaines routes aux régions, lesquelles, comme vient de le dire le président Retailleau, n’ont aucune expérience, aucune compétence ni aucune expertise dans ce domaine.

On me reproche d’opposer les départements aux régions. Pas du tout ! Si des régions demandent ce transfert, cher monsieur le rapporteur, qu’on me dise lesquelles ! Même si je n’ai pas participé à toutes les auditions, mais seulement à certaines, j’ai écouté ce qui a été dit. Le Grand Est serait demandeur… Je connais bien cette région : c’est justement pour créer un rapport de force et opposer les départements aux régions que ceux auxquels la Collectivité européenne d’Alsace sort par les yeux réclament ce transfert ! C’est aussi le cas dans d’autres régions.

Monsieur le rapporteur, je sais bien que je vous embête en évoquant les cas du Grand Est et de la Collectivité européenne d’Alsace. Mais le problème, c’est cette volonté de prise de pouvoir : pourquoi transférer cette compétence aux régions pour qu’elles la délèguent ensuite, tout naturellement, aux départements, comme cela a été dit tout à l’heure ?

Pardonnez-moi d’être aussi direct, mais je ne peux pas être d’accord avec cela. Je voterai donc contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je veux dire à notre collègue Reichardt que je suis un Auvergnat-Rhônalpin épanoui qui vit parfaitement bien sa région et qui ne cherche pas à l’opposer au département dont il est l’élu, lequel département voudrait que l’on puisse enfin prendre à bras-le-corps le cas d’une route nationale, la RN 102, qui traverse notamment les départements de la Haute-Loire et de l’Ardèche, et qui a été depuis trop longtemps laissée de côté.

Je connais des collègues élus du département de l’Aveyron qui, eux, souhaiteraient qu’on s’intéresse à la RN 88…

On peut certes se raconter des histoires entre nous, mais les départements ne disposeront pas à eux seuls des capacités financières pour gérer ces axes transnationaux.

Le président Retailleau a tout résumé : priorité au département, sans que soit interdit, dans des cas très spécifiques comme ceux que je viens d’exposer, un transfert aux régions.

Outre le Grand Est, l’Île-de-France, la Bretagne, l’Occitanie ou la Normandie – notre collègue Nathalie Goulet l’a indiqué (Mme Nathalie Goulet approuve.) – ont également manifesté leur intérêt. Les exemples sont légion. N’allons pas croire que les régions vont tout à coup « cannibaliser » le réseau routier national ; il est simplement question de mettre de l’huile dans les rouages.

Je le répète, les explications du président du groupe Les Républicains sont à cet égard éclairantes sur la philosophie qui sous-tend cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° A-1.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 160 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 230
Contre 110

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 7 est rétabli dans cette rédaction.

Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles de ce texte.

Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi se dérouleront demain, à seize heures trente.

Article 7 (supprimé) (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale
Discussion générale

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 21 juillet 2021 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente, le soir et la nuit :

Explications de vote des groupes puis scrutin public ordinaire sur le projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (procédure accélérée ; texte de la commission n° 724, 2020-2021) ;

Nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (texte A.N. n° 4377) ;

Nouvelle lecture du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (texte n° 771, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 21 juillet 2021, à zéro heure quarante.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER