M. le président. L’amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 13

1° Remplacer les mots :

des objectifs

par les mots :

de l’objectif

2° Remplacer les mots :

des prévisions

par les mots :

de la prévision

3° Supprimer les mots :

et des recettes

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. À l’issue de son passage en commission, l’article 1er de la proposition de loi institue non seulement un « objectif d’évolution de la dépense des administrations publiques », mais aussi un objectif d’évolution des recettes.

Le but de cette proposition de loi est de fixer un seul outil de pilotage simple afin de suivre les finances publiques, de manière approfondie, à l’aune des dépenses publiques.

L’idée de ne pas fonder le rétablissement des finances publiques sur des hausses d’impôt fait l’objet d’un assez large consensus. Au-delà, nous estimons que la dépense publique reste le meilleur et le plus lisible des outils de pilotage.

En conséquence, nous ne considérons pas comme souhaitable l’objectif d’évolution des recettes, car il constituerait une forme d’objectif concurrent, qui créerait de la confusion dans ce pilotage budgétaire. Nous proposons donc de revenir à la rédaction du texte adoptée par l’Assemblée nationale.

M. le président. L’amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 53

Remplacer les mots :

et y joint, dans la perspective de l’examen et du vote du projet de loi de finances de l’année suivante, un rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques comportant :

par les mots :

. Dans la perspective de l’examen et du vote du projet de loi de finances de l’année suivante, ces documents comportent, outre les informations prévues par la règlementation communautaire :

II. – Alinéa 59

Supprimer les mots :

et le rapport

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Cet amendement vise quant à lui à fusionner le rapport préalable au débat sur l’orientation des finances publiques (DOFP) et le programme de stabilité (PSTAB), la proposition de loi organique rendant leurs transmissions concomitantes. Nous proposons donc un seul rapport, afin de gagner, là aussi, en lisibilité et de clarifier les objets du débat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 28 rectifié, 62 et 64 ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Ces trois amendements sont incompatibles avec l’amendement n° 70 de la commission, raison pour laquelle cette dernière émet à leur sujet un avis défavorable.

Comme l’a dit M. Bocquet, l’amendement n° 28 rectifié tend à supprimer – à défaut de pouvoir la casser – la boussole. Or nous avons besoin, à mon sens, de conserver la mention des ODAP dans l’article 1er.

Monsieur le ministre, je ne vois pas en quoi le fait de proposer un objectif d’évolution des recettes des administrations publiques viendrait complexifier le débat. Cet ajout a, de notre point de vue, le mérite de compléter le suivi des dépenses par celui des recettes. Dans un débat portant sur les finances publiques, cela me paraît utile. De plus, par définition, la dépense publique ne peut pas constituer le seul outil de pilotage des finances publiques.

S’agissant de l’amendement n° 64, permettez-moi de vous faire part de ma surprise face à votre volonté de fondre l’ensemble du PSTAB et du rapport préalable au débat sur l’orientation des finances publiques dans un seul et même document. Ces documents n’ont pas la même portée et, surtout, ils ne sont pas destinés aux mêmes assemblées. En effet, l’un a une portée européenne, quand l’autre est adressé au Parlement français. Je vous confirme donc que la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 70 et 28 rectifié ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 70. La création d’une nouvelle catégorie de loi de programmation des finances publiques ne nous paraît en effet pas opportune.

Premièrement, il est possible de réviser une loi de programmation par l’adoption d’une nouvelle loi de programmation. Deuxièmement, multiplier les rectifications conduirait à amenuiser la portée de cette loi. Troisièmement, si une crise survient et rend nécessaire une correction, il est plus judicieux d’attendre de bien mesurer ses effets plutôt que de procéder immédiatement à des modifications.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 28 rectifié, pour les mêmes raisons que celles avancées s’agissant de l’amendement n° 27. Cet amendement vise en effet à revenir sur des éléments tout à fait majeurs de cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Si je comprends bien, si l’amendement n° 70 est adopté, les autres amendements deviendront sans objet. Je voudrais informer mes collègues que, s’il en avait été autrement, nous aurions demandé un scrutin public sur l’amendement n° 28 rectifié. Il me paraît correct d’échanger des informations afin de clarifier les votes qui se déroulent dans notre hémicycle.

Nous aurions d’ailleurs peut-être dû demander un scrutin public sur l’amendement n° 27. M. le ministre nous a répondu. Toutefois, lorsque vous nous faites part, monsieur le ministre, d’une volonté d’atteindre une pluriannualité véritablement contraignante en faisant le lien avec les règles européennes, je vous avoue que cette argumentation ne nous satisfait pas.

Nous sommes sous la tutelle des institutions européennes, au premier rang desquelles la Commission ! Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé en 2012, impose bien à vingt-deux États, dont le nôtre, de respecter les règles d’équilibre structurel des comptes des administrations publiques. C’est un pacte budgétaire qu’on appelle la « règle d’or ».

Le traité impose également aux États signataires de mettre en place un mécanisme de correction en cas d’écart important par rapport à cet objectif. Il prévoit aussi – ce qui constitue sa principale innovation par rapport au pacte de stabilité et de croissance modifié en 2005 puis en 2011 – que la règle d’équilibre structurel et le mécanisme de correction « prennent effet dans le droit national des parties contractantes au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon. »

On ne peut pas s’appuyer sur l’article pour aller encore plus loin dans cette direction et, en fin de compte, sacraliser les lois de programmation qui ne serviraient plus, alors, à prévoir des investissements structurants – à l’image de l’usage de la pluriannualité dans les collectivités locales.

Plusieurs collègues siégeant sur d’autres travées ont d’ailleurs fait état de ce qui se passe dans les collectivités territoriales.

Nous maintenons l’amendement n° 28 rectifié. Cependant, si l’amendement n° 70 est voté, les trois autres ne pourront plus être débattus, ce qui est tout à fait normal. Il n’empêche que nous aurions pu demander un petit scrutin public sur les amendements nos 27 et 28 rectifié. On se le dit !

M. le président. Je signale que l’adoption de l’amendement n° 70 ne rendra pas l’amendement n° 64 sans objet.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Raynal, rapporteur. Je m’étonne de la position du Gouvernement concernant l’amendement n° 70 de la commission. La création d’une catégorie de lois de programmation des finances publiques rectificatives a presque pour but d’aider le Gouvernement – le vôtre, et les suivants ! (Sourires.)

Vous imputez à la crise la responsabilité du problème dont souffre la loi de programmation. Or ce n’est pas tout à fait vrai. La crise l’a amplifié, mais c’est depuis 2018, en réalité, que tout est faux !

M. Jean-François Husson, rapporteur. Exactement !

M. Claude Raynal, rapporteur. Nous le disions chaque année, avant même le début de la crise sanitaire. Depuis le début d’une autre crise, celle des « gilets jaunes », la loi de programmation est en dérive complète. Nous le savons. Nous aurions pourtant pu, à ce moment-là, rectifier le tir, ne fût-ce que sur les dépenses liées aux « gilets jaunes ».

Le but de la création d’une loi de programmation des finances publiques rectificative est de donner au Gouvernement un outil pour effectuer des modifications minimales, sans avoir besoin de rouvrir tout le dossier des lois de programmation, dont nous mesurons la lourdeur. À travers cette formule, il s’agit de lui donner la possibilité d’opérer des rectifications, si j’ose dire, à la marge.

Notre amendement ne tend par ailleurs nullement à imposer l’obligation de présenter de tels projets de loi – nous ne pouvons donner d’injonction au Gouvernement sur ce point –, mais il a pour objet de lui ouvrir la possibilité de le faire. Il est vrai néanmoins que, si vous avez la faculté de le faire, on risque effectivement de vous le demander ! (Sourires.) Cela peut arriver ! Vous y voyez peut-être un piège, mais c’est en réalité un outil utile.

Il n’est pas normal qu’une loi de programmation quinquennale se trouve « par terre » au bout d’un an sans que l’on fasse rien pour y remédier, et que l’on continue à procéder de la même façon sans rien modifier – sauf à considérer que cette loi de programmation n’a aucun intérêt, mais en ce cas, l’intégralité de la proposition de loi organique est sans intérêt, puisqu’elle porte sur ce sujet !

M. Jean-François Husson, rapporteur. Eh oui !

M. Claude Raynal, rapporteur. L’amendement n° 62 du Gouvernement vise à supprimer les dispositions prévoyant la présentation d’un objectif d’évolution des recettes. C’est assez curieux ! Nous l’avons tous dit, nous comprenons bien la volonté politique de ce texte, qui est de faire porter le débat sur la dépense publique, la dépense publique et encore la dépense publique ; ainsi que sur la dette, la dette, et encore la dette – non pour le budget 2022, nous l’avons bien compris, mais pour les suivants.

Nous vous disons simplement qu’il est important de débattre des recettes. Il peut s’agir de discuter des recettes dont on se passe, sujet politique qui revient régulièrement dans nos échanges, mais il peut s’agir également de discuter de ce que fait le Gouvernement. Je rappelle que plusieurs décisions ont été prises en dehors des lois de programmation : par exemple, le maintien de la taxe d’habitation pour les 20 % de Français ayant les plus hauts revenus. (M. Jérôme Bascher manifeste son approbation.)

Cette dernière décision, qui ne figurait ni dans les promesses de campagne du Président de la République ni dans le projet initial du Gouvernement, est arrivée par le biais du Conseil constitutionnel. Nous l’avions dit dès le départ, et nous ne changerons pas d’avis sur ce point !

Il n’en demeure pas moins vrai que cette décision a eu des conséquences. Il en va de même pour la décision de réduction des impôts de production prise l’an dernier, qui ne figurait pas davantage dans la loi de programmation – et ne pourrait plus y être, d’une certaine façon, si vous n’effectuez aucune estimation relative aux recettes.

Si vous voulez prendre des mesures fiscales dans les cinq ans qui suivent sa promulgation, il vous faut les intégrer dans votre loi de programmation. C’est du bon sens !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je viens à l’appui – s’il en était besoin – de M. Raynal. Pourquoi les lois de programmation des finances publiques seraient-elles inférieures en matière de révision aux autres lois de programmation ? J’en veux pour preuve, et je les ai citées tout à l’heure, les lois de programmation militaire, qui comportent des clauses de revoyure. C’est cela que nous vous proposons.

Ne faites pas des lois de programmation des finances publiques des lois de programmation inférieures aux autres. Elles sont déjà suffisamment foulées aux pieds.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 70.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 28 rectifié et 62 n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle détermine, en vue de la réalisation de l’objectif qualitatif à moyen terme d’amélioration du bien-être de la population, les trajectoires d’amélioration du bien-être, au sens de l’indice de mieux vivre de l’OCDE.

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Les règles budgétaires prévues à l’article 34 de la Constitution et renforcées par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire imposent l’objectif unique de l’équilibre. À ce titre, elles bloquent les politiques de redistribution des richesses et de transition écologique et empêchent toute reprise économique durable. Ce verrou doit sauter.

En attendant ce changement, un élargissement des objectifs de la programmation des finances publiques s’avère nécessaire et potentiellement fructueux. Actuellement, l’objectif de l’équilibre budgétaire repose sur l’unique indicateur du PIB. Or ce dernier est non seulement décorrélé du bien-être de la population, mais il est lié également à l’augmentation de la pollution.

Nous proposons donc qu’il soit compensé par un autre indicateur. Cet amendement vise ainsi à introduire un critère qualitatif dans la programmation des finances publiques : l’indice du mieux vivre de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Sur la base de cet indice, la Nouvelle-Zélande a récemment adopté un nouveau cadre d’évaluation du niveau de vie dont nous pourrions nous inspirer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Cet amendement, qui tend à compléter le domaine obligatoire des lois de programmation des finances publiques, revient à sortir du cadre juridique dans lequel nous nous inscrivons. Même si cette proposition me semble digne d’intérêt, elle ne relève pas à proprement parler du champ de l’orientation des finances publiques, mais plutôt d’une approche transversale des politiques publiques – ce qui n’est pas le cas des lois de programmation. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Même avis. À nos yeux, l’article 34 de la Constitution limite les considérations de la loi de programmation des finances publiques à des trajectoires budgétaires et à des indices économiques. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Je remercie M. le rapporteur de me concéder un certain intérêt ! (Sourires.)

L’indice du mieux vivre de l’OCDE comprend différentes dimensions susceptibles de nous guider dans nos orientations budgétaires : la qualité de l’emploi, le logement, la santé, le bien-être subjectif, ou encore la sécurité et l’éducation. Ces indicateurs pourraient nous aider à évaluer la pertinence des répartitions des augmentations budgétaires, et contribuer ainsi à éclairer les choix que nous posons en tant que législateur, tout comme ceux de l’exécutif.

Ce serait à mon sens une démarche fructueuse que de ne pas nous laisser orienter, je dirais même, cadenasser, dans notre réflexion par le seul indicateur de la croissance économique. Nous le savons, cet indicateur comporte de multiples effets pervers, réduit notre champ de vision et notre champ d’action et nous fait aller parfois dans le mauvais sens.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 60, présenté par MM. Rambaud, Rohfritsch, Patient, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Mohamed Soilihi, Mme Phinera-Horth, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Cet amendement vise à revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale concernant l’objectif d’évolution de la dépense des administrations publiques, en supprimant la référence aux « dépenses d’avenir ».

L’objectif d’évolution des dépenses des administrations publiques introduit par ce texte est un outil comptable de suivi et de pilotage des finances publiques. Il n’a donc, par nature, pas vocation à distinguer les dépenses d’avenir et les dépenses de fonctionnement, mais à présenter une vision consolidée de l’évolution des dépenses par rapport à la programmation.

Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, nous avons la possibilité de doter la LOLF de nouveaux outils performants. J’ose espérer qu’il puisse être question d’outils neutres et transpartisans. Or la notion de « dépenses d’avenir » n’est pas définie clairement et ferait, à n’en pas douter, l’objet d’instrumentalisations politiques de toutes parts. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 21, présenté par Mme Taillé-Polian et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer les mots :

à la croissance économique ainsi qu’

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Dans la lignée de notre réflexion précédente, nous souhaiterions supprimer la référence à la croissance économique dans la définition des dépenses d’avenir.

La croissance économique est un pur indicateur quantitatif qui, par définition, ne prend pas en compte la réalité des conséquences des investissements et des dépenses réalisés. Cette vision des choses nous pousse à considérer comme « dépenses d’avenir » des dépenses qui nuisent en réalité à notre avenir.

Selon nous, le bien-être social ou la transition écologique sont les indicateurs qui devraient être pris en compte. Nous devrions orienter les dépenses d’avenir en ce sens.

Nous le savons, la croissance économique n’est pas qualitative, mais quantitative,…

M. Jean-François Husson, rapporteur. Elle peut aussi être qualitative, ce n’est pas incompatible !

Mme Sophie Taillé-Polian. … et elle peut intégrer des éléments dévastateurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. La notion de « dépenses d’avenir » introduite au cours des travaux de la commission vise juste, car elle ouvre un débat. Ces dépenses sont définies comme celles qui contribuent, à l’aune des connaissances scientifiques et techniques, à soutenir la croissance de long terme – cela n’empêche donc pas une approche qualitative –, mais aussi le progrès social et environnemental. Elles tendent donc bien vers ce triple objectif.

Pour répondre à M. Didier Rambaud, l’ODAP n’est pas un outil comptable de pilotage des finances publiques. C’est un indicateur, non normatif, qui exprime politiquement l’intention du législateur en matière d’évolution des dépenses.

La notion de « dépenses d’avenir » est, comme vous le dites, difficile à cerner de manière précise. Nous avons eu, vous le savez, ce débat en commission. C’est la raison pour laquelle la commission des finances propose que ces dépenses et les choix méthodologiques du Gouvernement soient explicités dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques.

Le Gouvernement nous a donné l’exemple, en un sens, l’année dernière, en proposant un budget « vert ». Je l’ai trouvé d’un vert plutôt délavé l’an passé (Sourires.), mais je vois dans les documents parus aujourd’hui que le Gouvernement a la volonté d’en renforcer la connaissance en en précisant les termes. Nous ne faisons donc que mettre nos pas dans ceux du Gouvernement pour faire évoluer cette proposition.

Madame Taillé-Polian, je crois que nous devons faire attention. À vous entendre, il faudrait que nous soyons décroissants ! Nous devons nous montrer vigilants. À titre d’exemple, alors que la part de l’industrie dans la richesse nationale a été divisée par deux en vingt-cinq ans, le domaine industriel a besoin d’innovations et de perspectives de croissance. Veillons donc à ne pas envoyer de signaux contradictoires aux populations.

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le débat sur les dépenses d’avenir a été ouvert par les membres de la commission Arthuis. Il est intéressant et il nécessite une définition plus précise de la notion, comme vous l’avez souligné à l’instant, monsieur le rapporteur, en indiquant que la commission des finances avait renvoyé au rapport pour son explicitation.

Cependant, cela ne suffit pas à poser une définition précise de ce qu’est une dépense d’avenir participant au progrès social et environnemental… Dans ces conditions, nous préférons en rester à la rédaction de l’Assemblée nationale et supprimer cette notion, comme le propose M. Rambaud dans son amendement.

J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 60.

En ce qui concerne l’amendement n° 21, l’avis du Gouvernement est défavorable, pour des raisons semblables à celles que j’ai données précédemment.

Le renvoi à la croissance économique se justifie aussi parce qu’il s’agit de l’un des critères permettant de mesurer l’évolution des recettes, donc le cadrage dans lequel on s’inscrit ; on en revient là au débat précédent. Il nous paraît fondamental de pouvoir le maintenir.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, j’aimerais comprendre…

Nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ont présenté précédemment un amendement visant à introduire comme critère qualitatif l’indice du mieux vivre de l’OCDE. Nous l’avons tous voté dans notre groupe. En revanche, le ministre a donné un avis défavorable, et M. Rambaud a voté contre.

Monsieur le rapporteur, si l’OCDE est pour la décroissance, c’est un scoop ! Mieux vaudrait réviser votre copie, car l’indice du mieux vivre de l’OCDE n’a rien à voir avec la décroissance.

Ce que je ne comprends pas, c’est que vous votiez contre un amendement qui vise à instaurer l’indice du vivre mieux de l’OCDE et que vous nous proposiez en revanche de voter des dépenses d’avenir !

De mon point de vue, le mieux vivre des populations est le critère d’une belle dépense d’avenir. Je ne voterai pas l’amendement n° 60.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le rapporteur, si le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires était unanime à considérer que la décroissance est nécessaire, il aurait présenté un amendement dont l’objet aurait été de préciser que les dépenses d’avenir sont celles qui portent en elles les éléments de la décroissance, ou qui aurait visé à mettre en place un indice pour mesurer la décroissance. Or ce n’est pas ce que nous avons fait.

En effet, nous considérons qu’il faut des indicateurs plus fins pour déterminer les investissements et les dépenses qui peuvent contribuer à une meilleure production, utile socialement et vertueuse plutôt que polluante.

Nous savons tous que la croissance économique, telle qu’on la comptabilise aujourd’hui, prend en compte des dépenses qui sont profondément antagoniques avec l’égalité, la justice sociale et la lutte contre le dérèglement climatique. C’est une mauvaise façon de compter.

Votre définition des dépenses d’avenir place sur le même plan, par le biais d’une virgule, « la croissance économique, ou le bien-être, ou la transition ». Elle laisse ainsi entendre que tout ce qui favorise la croissance économique est une dépense d’avenir, quelle que soit la nature de cette dépense. Eh bien, non ! Nous considérons, quant à nous, qu’il faut une croissance juste, bonne et utile, nourrie par une production juste, bonne et utile.

Pour cela, il faut nous libérer des dépenses qui portent en elles la pollution et la poursuite du dérèglement climatique, et ne surtout pas les considérer comme des dépenses d’avenir.

C’est pourquoi nous n’avons pas inscrit le terme de « décroissance » dans la rédaction de notre amendement. Nous souhaitons libérer notre pensée du cadre intellectuel de la croissance, car il nous emprisonne dans des situations de crise que nous ne pourrons surmonter qu’en nous délivrant de ce concept.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Raynal, rapporteur. Personnellement, je tiens beaucoup au concept de dépense d’avenir. Il figure effectivement dans le rapport Arthuis. Je n’approuve pas l’ensemble du contenu de ce document, mais la partie relative à ce concept ouvre des perspectives et me semble plutôt intéressante. Il est donc dommage que le Gouvernement ne la reprenne pas, alors qu’il reprend tout le reste du rapport.

Il faut bien noter que, si le sujet des dépenses d’avenir semble poser difficulté ici, ce n’est plus le cas à Bruxelles. En effet, il me semble que Bruno Le Maire est intervenu sur la notion de dépense d’avenir dans le cadre du budget européen. Il me semble même qu’un certain nombre de pays européens s’inquiètent de voir la France développer ce concept, car ils craignent de ne passer à côté d’une occasion intéressante.

Il est tout de même étonnant que Bruno Le Maire, à Bruxelles, défende les dépenses d’avenir et que le Gouvernement, en France, ne les défende pas. Je suis pour le moins étonné ! M. Rambaud a dû se tromper en rédigeant son amendement et méconnaître l’analyse du Gouvernement sur le sujet…

Quant à l’inquiétude de Mme Sophie Taillé-Polian, je la comprends et je la partage, et je ne doute pas que ce soit aussi le cas de M. le rapporteur général.

Cependant, quand on vote un budget, il est important de connaître la volonté du Gouvernement sur les politiques publiques menées. Tel est ce qui doit être au cœur du débat. Il faut sortir d’un carcan purement budgétaire et ouvrir des sujets de politique publique.

Pour ce qui est des dépenses d’avenir, il revient au Gouvernement, quel qu’il soit, de dire ce que recouvre cette notion. Il s’agit non pas de soumettre le budget à une contrainte, mais de définir des priorités en les justifiant, ce qui implique notamment de prendre en compte les questions liées au climat et les sujets qui sont dans l’esprit de tous nos concitoyens et qu’il faut traduire en mots.

Les dépenses d’avenir sont un outil, grâce auquel un gouvernement qui voudrait privilégier essentiellement des dépenses portant sur les questions climatiques et de transition pourrait agir. Le concept n’a donc rien d’inquiétant.

Mieux vaut laisser le sujet assez ouvert, pour que les gouvernements prennent leurs responsabilités en précisant la direction qu’ils veulent prendre. Gardons la notion de dépenses d’avenir aussi ouverte que possible. Pour notre part, nous nous y attacherons avec rigueur dans les discussions en commission mixte paritaire.