M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.

Mme Esther Benbassa. Si la gestion de la crise sanitaire est complexe, c’est parce qu’il faut atteindre un équilibre entre les mesures pour lutter contre le virus et la préservation de nos libertés. Cet équilibre, déjà fragilisé par le précédent projet de loi relatif à la crise sanitaire, est rompu par ce texte, qui – heureusement ! – a été revu, à bon escient, par les commissions.

Pour lutter contre la covid, il est nécessaire de disposer d’une stratégie cohérente et rationnelle afin de proposer des mesures proportionnées et conciliables avec nos libertés. Or il semblerait que cette stratégie ne s’articule désormais qu’autour du souhait d’Emmanuel Macron d’« emmerder » tous les non-vaccinés, comme il le dit, et cela au détriment d’une gestion équilibrée de la crise et de nos libertés.

À l’heure actuelle, nous ne disposons pas d’éléments suffisants pour établir avec certitude la pertinence de la mise en place du passe vaccinal. Le Gouvernement semble lui-même douter de cette pertinence, puisqu’il se réserve la possibilité de créer un passe renforcé : un test négatif devrait être présenté en plus de la preuve d’un schéma vaccinal complet.

La Défenseure des droits alerte sur l’absolue nécessité du caractère proportionné des restrictions. Or cet article 1er et l’obligation vaccinale déguisée qu’il cache ne répondent pas à cette exigence de proportionnalité.

La vaccination, je suis pour, mille fois pour, bien entendu, mais pas à n’importe quel prix ! Nous disposons d’autres outils qui, utilisés judicieusement, permettraient de préserver nos libertés, tout en combattant l’épidémie.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les 3 millions de nos compatriotes qui vivent à l’étranger.

Il y a d’abord eu l’introduction, le 30 janvier 2021, des « motifs impérieux ». Cette mesure, jugée disproportionnée par le Conseil d’État en mars, a provoqué pendant trois mois des drames humains pour ceux qui ne répondaient pas à l’un des vingt motifs impérieux et qui n’ont pas pu rejoindre, par exemple, un parent mourant ou des proches en grande difficulté.

Puis, l’introduction du passe sanitaire au début des vacances a bloqué ceux qui n’étaient pas vaccinés, parce que les vaccins n’étaient pas disponibles dans leur pays de résidence, ou ceux qui avaient reçu un vaccin non reconnu par la France, même s’il était par ailleurs reconnu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Nouvelle étape, le passe vaccinal réduit encore la liberté de mouvement de ceux dont le parcours vaccinal n’est pas reconnu. Pourtant, suivant les pays, les parcours et les avis des scientifiques diffèrent. Ainsi, au Japon, le délai imposé après la deuxième dose est de huit mois : quid de l’activation du passe sanitaire pour les Français qui ne peuvent pas avoir la troisième dose avant d’arriver en France et qui n’auront pas droit, en l’état actuel, au passe vaccinal ?

J’espère que vous serez sensible aux amendements que nous proposons et qui nous placeront enfin dans l’anticipation plutôt que dans la réaction.

Je pense que nous avons tous compris que le passe vaccinal n’est pas un outil de santé publique ; sinon, il aurait été introduit pour tous les vaccins obligatoires. C’est un outil visant à contraindre nos compatriotes à se faire vacciner, à la suite des mesures que je viens de citer, et non à les convaincre. Il stigmatise une minorité et organise son exclusion sociale.

D’autres solutions sont possibles. Il suffit de regarder comment certains pays sont arrivés à plus de 90 % de vaccinés sans créer de clivages ni de tensions dans la société, sans instaurer un contrôle permanent et par tous.

Il eut été plus courageux d’assumer le principe de la vaccination obligatoire – nous venons d’en débattre – plutôt que de bricoler au fil du temps pour en arriver à des mesures de plus en plus punitives et coercitives, qui divisent notre société. La division que nous voyons dans cet hémicycle en est un triste reflet.

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, sur l’article.

M. Christophe-André Frassa. Si j’interviens à ce stade de l’examen de ce texte, c’est parce qu’il convient de s’assurer que le passe vaccinal pourra s’appliquer correctement à nos compatriotes français de l’étranger, quel que soit leur pays de résidence, surtout à ceux qui vivent hors de l’Union européenne. Hélène Conway-Mouret vient d’en parler. Si leur vaccin n’est pas homologué, nos compatriotes devront avoir la faculté de mettre à jour leur passe et d’obtenir un délai, par exemple en présentant un test PCR négatif.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d’un texte réglementaire qui précise les conditions dans lesquelles la mise à jour de leur passe vaccinal peut être effectuée pour que celui-ci soit valide partout en France, que ce soit dans les transports, les lieux culturels ou les restaurants.

La question du certificat de rétablissement est un autre sujet important – je vous interrogeais hier sur ce sujet lors de votre audition par le Sénat. Ce certificat n’était pas mentionné de façon explicite dans le texte initial et je remercie le rapporteur d’avoir intégré dans la version de la commission l’amendement de notre collègue Catherine Belrhiti.

Mais là aussi, il faut préciser clairement que les certificats de rétablissement établis par des autorités de santé de pays situés hors de l’Union européenne sont également recevables. Pour y parvenir, ne pourrait-on pas aller plus loin, comme en Suisse, en demandant la prise en compte d’une sérologie ? J’aimerais connaître votre sentiment sur cette proposition, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.

Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, je tiens à vous faire part des actions des élus de mon département. Les élus du conseil régional et du conseil départemental de la Guadeloupe, des représentants de l’association des maires et tous les parlementaires se réunissent régulièrement depuis plusieurs mois afin que la situation sanitaire et les attentes de la population soient mieux prises en compte.

Les élus, conscients des conséquences des mobilisations successives, ont également rencontré des représentants des chambres consulaires, des socioprofessionnels, des chefs d’entreprise, des jeunes, des transporteurs de passagers et de marchandises, des personnes en situation de handicap et tous les maires ou leurs représentants.

Les élus de la Guadeloupe ont aussi échangé avec le ministre des solidarités et de la santé, le ministre des outre-mer, le Premier ministre et le Président de la République. Ils ont, pour la plupart, participé aux réunions du comité de suivi présidé par le préfet.

Compte tenu de la situation sanitaire, sociale, économique, environnementale et systémique, les élus de la Guadeloupe ont également contribué à l’élaboration d’un amendement, lequel a été présenté à l’Assemblée nationale par les députés Benin, Mathiasin, Vainqueur-Christophe et plusieurs de leurs collègues. Victorin Lurel et moi-même avons repris cet amendement, qui vise à prévoir une application différenciée du passe vaccinal proposé par le Gouvernement.

Je ne préjuge pas, mes chers collègues, du vote qui sera le vôtre sur ce texte, mais je tiens à anticiper…

En Guadeloupe, des mesures particulières ont été prises, comme la mise en place de structures d’écoute et d’une instance de reconversion pour certains professionnels ne souhaitant pas se faire vacciner.

Mes chers collègues, la situation est difficile…

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Victoire Jasmin. Les élus sont prêts à participer à des échanges, mais ils sont obligés de respecter l’accord de méthode conclu avec les membres du collectif…

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

M. Olivier Jacquin. Je tiens à saluer mon collègue Bernard Jomier, qui m’a permis de progresser sur la question de l’obligation vaccinale. Dans un premier temps, cette proposition de notre groupe m’avait heurté ; après réflexion, je suis convaincu qu’elle est lucide et courageuse.

Il est en effet de la responsabilité des parlementaires d’un État de droit démocratique, en l’occurrence celui de Rousseau et de Montesquieu, d’énoncer des droits et des devoirs, de peser des principes proportionnés en amont d’un contrôle – ici, le passe vaccinal. J’en suis vraiment convaincu !

Or, avec ce texte et un passe vaccinal sans obligation vaccinale, nous ne sommes pas dans un État de droit ; nous ne sommes pas clairs sur ce que vous appelez vous-même, monsieur le ministre, une obligation déguisée. La loi ne rend pas obligatoire la vaccination ; pourtant, nous empêcherions certains citoyens de circuler librement.

J’étais contre le passe sanitaire sans obligation vaccinale. De même, je pourrais être contre le passe vaccinal sans obligation vaccinale, obligation que vous venez de refuser.

Je ne doute pas, mes chers collègues, que vous avez lu l’avis de la Défenseure des droits, qui parle d’un rétrécissement des libertés.

Nous sommes à l’heure d’un basculement populiste avéré, qui verrait la morale remplacer le droit. Nous sommes à l’heure où notre pays a plus que tout besoin d’unité et d’apaisement. Je ne peux pas m’associer à un gouvernement qui tente de créer des clivages, d’« emmerder » une partie de nos concitoyens.

Vous préférez la morale au droit, monsieur le ministre ; alors, je vous laisse avec cette pensée dérangeante d’Hannah Arendt : « Ceux qui optent pour le moindre mal tendent très vite à oublier qu’ils ont choisi le mal ! » (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

M. André Reichardt. Je tiens tout d’abord à rendre hommage à nos deux rapporteurs et à nos deux commissions pour les évolutions largement positives apportées à ce projet de loi – je pense notamment à l’encadrement du passe vaccinal.

Pour autant, la question essentielle reste posée : pourquoi faut-il passer du passe sanitaire au passe vaccinal ? À titre personnel, je n’en vois pas la logique, au moment où la pandémie s’envole.

En effet, pourquoi rendre un passe vaccinal obligatoire pour accéder à certains locaux ? Cela permettra-t-il réellement de freiner la pandémie ? Non, pas plus que ne l’a fait le passe sanitaire.

Ensuite, on le sait, le passe vaccinal est un passe sanitaire dont on supprime deux éléments : l’attestation de test négatif et le certificat de rétablissement. Pourquoi ne plus permettre la présentation d’un test négatif pour accéder aux lieux soumis à un passe, alors même qu’un tel test garantit bien mieux que le vaccin l’absence de contamination de son titulaire ?

En outre, il y a là un paradoxe : pourquoi se priver de l’outil du test, alors même que la stratégie du Gouvernement est de « tester toujours plus », pour reprendre l’expression utilisée hier soir encore par le Premier ministre au journal de 20 heures de France 2 ?

Certes, on nous dit que, grâce au vaccin, on diminue le risque pour les malades de développer des formes graves de la maladie, mais pense-t-on réellement, mes chers collègues, que c’est en instaurant un passeport vaccinal pour accéder à un restaurant ou à des lieux de loisirs que l’on va inciter les personnes âgées ou fragiles, par exemple, à se faire vacciner ?

En conclusion, à mon sens, dans la logique gouvernementale de lutte contre le virus, que je ne partage pas, le passe sanitaire est un outil suffisant. Il ne me semble pas opportun d’aller plus loin et d’instaurer un passe vaccinal, lequel est plus contraignant et porte une atteinte encore plus grande aux libertés publiques.

C’est la raison pour laquelle je ne peux pas voter cet article 1er.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, sur l’article.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le ministre, mes chers collègues, comment en sommes-nous arrivés là ? Nous débattons dans l’urgence, une urgence absolue. À l’Assemblée nationale, la commission s’est réunie le 29 décembre dernier pour examiner un texte adopté en conseil des ministres le 27 décembre. Le projet de loi a ensuite été examiné en séance publique dès le 3 janvier. L’urgence est toujours de mise au Sénat où nous débattons, dans la foulée, d’un texte qui a été adopté hier en commission des lois.

Telles sont les conditions dans lesquelles nous examinons ce projet de loi, qui est pourtant loin d’être anodin, car il porte des conséquences lourdes en matière de libertés publiques et de santé, alors qu’aucune urgence – notre collègue Bas l’a souligné – ne justifie les mesures dont nous allons discuter.

La vague omicron est là, elle nous dépasse. La virulence de ce nouveau variant est telle que le Gouvernement, de toute évidence, hésite sur la conduite à tenir, comme en témoignent les atermoiements sur le protocole scolaire.

Or, monsieur le ministre, dans le même temps, vous mobilisez le pays, le Parlement et l’opinion publique. Vous créez de vives tensions en pointant du doigt les non-vaccinés et en mettant en avant le passe vaccinal, alors que – chacun le reconnaît – cette nouvelle contrainte ne sera pas de nature à nous protéger de l’épidémie. Pourquoi cette obsession de batailler sur le passe vaccinal alors que tant de combats plus efficaces restent à mener pour résoudre cette crise sanitaire et pour endiguer l’épidémie ?

En premier lieu, la levée des brevets permettrait à 60 pays de produire des vaccins, alors même qu’ils y sont prêts et que l’OMS prévient que, si 70 % des pays de la planète ne sont pas vaccinés, d’autres variants surgiront.

Oui, il faut s’interroger sur les motivations profondes qui ont présidé à l’écriture de cet article 1er ! Soutenu par le verbe outrancier du Président de la République, vous détournez l’attention du véritable problème, à savoir l’état dans lequel se trouvent notre système de santé, de l’hôpital à l’assurance maladie, et nos services publics en général, à l’image de l’école.

Des années d’un libéralisme encensé sans retenue ont désarmé notre société face à une menace que nous n’avons pas vue venir. Lits d’hôpitaux fermés, numérisation à l’excès de l’assurance maladie…

Cet article 1er, même aménagé, établit un dispositif anachronique, en décalage avec la réalité, dont le seul objectif est de dévier le débat pour mieux contraindre – nous en sommes de plus en plus convaincus – et pour banaliser cette contrainte.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut beaucoup d’humilité dans cette crise, de la part du Gouvernement comme de l’opposition, parce que qui dit « pandémie » dit « crise à gérer ».

Monsieur le ministre, m’écoutez-vous ou voulez-vous qu’on vous serve l’apéritif et des cacahuètes ? (M. le ministre proteste et marque son exaspération.)

M. Stéphane Ravier. Il n’écoute personne depuis deux ans !

M. Fabien Gay. Vous faites le choix de gérer la crise seul, de sorte que, pour vous, le Parlement est un empêcheur de tourner en rond. Or je considère que nous pouvons avoir des débats.

Nous en sommes au douzième texte sur la gestion de la crise sanitaire en vingt-deux mois ! À un certain moment, il n’est pas inutile de faire un bilan sur quelques points, par exemple sur les 5 000 lits d’hôpitaux qui ont été fermés pendant la pandémie, mesure que l’on peut questionner. En effet, si nous avions fait le choix dans le premier, le deuxième ou le troisième texte de dégager des moyens pour les lits d’hôpitaux, nous n’affronterions pas la cinquième vague dans les mêmes conditions. La question mérite donc d’être posée.

Quant à la levée des brevets, si nous avions décidé, il y a un an, de faire un acte de solidarité internationale, en aidant à construire des usines pour produire des vaccins, la situation serait différente, alors qu’aujourd’hui 50 % de la planète n’a pas accès au vaccin.

Enfin, je suis assez surpris que nous n’ayons jamais de débat sur l’hôpital public, sur la gratuité des masques et des tests ou sur les purificateurs d’air. L’enjeu semble uniquement porter sur la question des libertés. À chaque fois, on nous propose de restreindre un peu plus nos libertés pour gagner la sécurité sanitaire. Or on voit bien que la situation est un peu plus compliquée que cela.

Je le répète, le groupe CRCE est favorable à la vaccination. Toutefois, comme le dispositif que vous proposez ne fonctionne pas, nous ne voterons pas l’article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, sur l’article.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le ministre, j’associe à mes propos ma collègue Françoise Lassarade, médecin, alors que je vais évoquer ce qu’ont fait les marins-pompiers de Marseille et les pompiers de Paris.

En effet, depuis le début de la crise sanitaire, ceux-ci ont été pleinement engagés pour faire face à la pandémie. Avec l’appui des élus locaux, ils ont cherché à développer des outils permettant de gérer et d’anticiper l’évolution de la situation épidémiologique. Dès l’été 2020, les marins-pompiers de Marseille ont commencé à mettre en œuvre une technique d’analyse des eaux usées. Celle-ci, unique en Europe, sauf aux Pays-Bas, permet d’avoir environ une semaine d’avance sur la circulation active du virus. En effet, l’analyse régulière des eaux usées de Marseille fournit des éléments grâce auxquels il est possible d’évaluer la situation de l’épidémie de covid dans notre ville.

Le vice-amiral Patrick Augier, qui est à la tête des marins-pompiers de Marseille, indique que « la précision de ce dispositif permet de cibler en un temps record des zones de surveillance, et ainsi d’intensifier les moyens engagés par les acteurs de la crise, comme des évaluations sanitaires ou des dépistages, en fonction des besoins exprimés. Nous voyons dans les eaux usées à la fois des gens asymptomatiques et des gens malades. Nous voyons, par conséquent, tout le monde. » Ce dispositif intervient en quelque sorte en amont pour compléter les autres données habituelles sur l’évolution du virus.

Aussi, monsieur le ministre, au-delà du « quoi qu’il en coûte », nous vous demandons avec d’autres collègues issus de différentes travées, y compris du groupe socialiste, de bien vouloir lever le gage sur l’amendement que j’avais déposé et qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, afin de permettre cette analyse des eaux usées comme celle des eaux potables.

J’ajoute que cet amendement vise à mettre en œuvre une recommandation formulée le 17 mars 2021 par la Commission européenne concernant l’approche commune dans la mise en place d’une surveillance systématique de la présence du covid et de ses variants dans les eaux usées de l’Union européenne.

Monsieur le ministre, la possibilité de poursuivre ces analyses est entre vos mains puisque, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas engager de dépenses supplémentaires. Il me semble qu’il serait tout à fait utile de permettre l’analyse des eaux usées comme celle des eaux potables afin de surveiller cette épidémie.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Monsieur le ministre, chers collègues, cet article 1er, qui instaure un passe vaccinal dans la métropole et dans les territoires ultramarins, suscite de nombreuses prises de parole et a fait l’objet de plusieurs amendements. Aussi, il est important que nous débattions dans le respect de tous.

Le sujet est extrêmement sensible, puisque cette crise sanitaire mondiale, qui sévit depuis mars 2020, a malheureusement provoqué de nombreux décès autour de nous, que ce soit dans nos territoires et départements respectifs ou à l’échelle nationale et mondiale.

Je salue, bien entendu, le travail des rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales.

Les chiffres, malheureusement, ne sont pas bons. Nous le voyons dans nos départements respectifs, lors des réunions de concertation organisées par les représentants de l’État, le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) et l’autorité académique, à destination des élus.

Sur l’article 1er, le travail de la commission a consisté à n’accepter la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal que dans un cadre temporaire adapté, afin d’assurer la protection des personnes non vaccinées.

L’objectif – auquel je m’associe, bien entendu – est aussi de sauver des vies, toutes générations confondues. Il est essentiel que nous puissions protéger chacun, d’où l’importance du vaccin, et il convient, comme certains collègues l’ont dit, de rappeler la référence historique que constitue l’Institut Pasteur. Il faut vacciner et trouver des solutions pour cela. C’est pourquoi je soutiendrai l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, sur l’article.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Je veux tout d’abord indiquer, comme l’ont dit d’autres collègues, qu’il y a des expressions qui ne vont pas bien avec certaines fonctions. Il n’en demeure pas moins vrai que les principaux « emmerdeurs » dans notre pays, actuellement, ce sont bien le SARS-CoV-2 et ses variants. Nous devons donc réfléchir à contrer ce virus particulièrement nocif.

J’en reviens rapidement, si vous le voulez bien, à la situation dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Comme le ministre le sait, je suis président de la Fédération hospitalière de France pour cette région. Les hospitalisations y ont augmenté de 30 % dans les dernières semaines, ce qui signifie que les lits occupés par ceux qui sont affectés par le SARS-CoV-2 ne peuvent pas être occupés par d’autres patients. En outre, 90 % des personnes hospitalisées en soins critiques ne sont pas vaccinées.

Dans ces conditions, certains actes doivent évidemment être déprogrammés, tant médicaux que chirurgicaux. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, les déprogrammations concernent également la pédiatrie, puisque d’après le professeur Nicolas, de l’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille – vous pourrez le rencontrer si vous le souhaitez –, 50 % des actes de chirurgie pédiatrique ont été déprogrammés à la suite de l’arrivée massive des patients atteints du covid.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer combien d’actes, en moyenne, sont déprogrammés sur l’ensemble du territoire national ? Il me semble que plus de 2 millions d’actes médicaux et chirurgicaux sont concernés.

Autre fait extrêmement important, nous en arrivons en PACA à une saturation liée à la diminution considérable des livraisons d’oxygène médical. Certains hôpitaux, en particulier celui de Marignane, se retrouvent sans oxygène médical du fait de la surutilisation de ce traitement.

Par conséquent, l’« emmerdeur » étant important, la vaccination aurait dû être réfléchie, et ce dès l’arrivée des vaccins. Il est désormais un peu tard pour la rendre obligatoire. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus sur ce sujet, avec René-Paul Savary et d’autres collègues. Je voterai donc l’article 1er, amendé fort justement par la commission.

Enfin, je conclurai par une citation célèbre : « À force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel. » (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Stéphane Demilly et François Patriat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.

M. Alain Houpert. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le passe sanitaire n’a pas montré son efficacité. Il suffit de constater les chiffres de contamination aujourd’hui.

Monsieur le ministre, vous avez été incapable de justifier son efficacité et vous vous enfoncez dans un durcissement des mesures, qui relève désormais de l’absurde. Quand le Premier ministre annonce que les vaccinés contaminés pourront prendre le train, mais pas les non-vaccinés négatifs, dites-moi s’il est nécessaire d’être épidémiologiste pour comprendre l’absurdité de cette mesure !

Je ne voterai pas le passe vaccinal, non pas parce que je ne veux pas protéger les Français ou que je suis antivax – je suis médecin –, mais parce que je me refuse à pratiquer, comme vous, monsieur le ministre, la politique de la terre brûlée. Je suis un enfant du contrat social de Rousseau et je ne veux pas du contrat du crédit social que vous proposez.

Par des manœuvres dilatoires, le Président de la République a désigné un bouc émissaire. Or seuls ceux qui ne peuvent affronter l’échec en ont besoin…

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.

M. Guy Benarroche. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas l’article 1er, dont il proposera la suppression. Nous nous opposons à l’évolution du passe sanitaire en passe vaccinal pour l’accès à certains lieux.

Plusieurs types de passe seront mis en place simultanément, en fonction des lieux et du statut vaccinal des personnes, ce qui risque de rendre les règles très confuses et difficiles à comprendre.

Certains lieux seront accessibles avec le passe sanitaire classique, comme les centres médico-sociaux et les centres hospitaliers ; d’autres avec un passe vaccinal plus un test négatif ; d’autres enfin avec un passe vaccinal, des exceptions étant prévues en cas de motif impérieux.

La complexité de ces mesures, loin de permettre d’endiguer efficacement la pandémie, contribue à l’épuisement collectif de notre pays.

Plus généralement, l’article 1er instaure une société de surveillance, exercée par une catégorie de citoyens sur une autre. Il restreint les droits des personnes non vaccinées et donne un sentiment de protection aux personnes vaccinées, qui conduit à l’abandon des gestes barrières dans les endroits confinés soumis au passe.

Pour intensifier la vaccination, il faut convaincre et renforcer la politique de l’« aller vers ». Le taux de vaccination cache d’importantes disparités territoriales et la frilosité envers les vaccins à ARN messager est toujours très présente chez les personnes non vaccinées.

Or ce projet de loi ne traite pas de cette fracture ni de cette résistance. Il désigne les personnes non vaccinées comme des ennemis de la Nation.

Le ministre n’arrange rien en faisant part de ses réticences concernant le vaccin Novavax. Interrogé le 22 décembre dernier, après la validation de ce vaccin par les instances sanitaires européennes, il a déclaré : « On vaccine en ARN messager. Honnêtement, c’est le plus efficace, à date, dont on dispose. »

Nous nous opposons à d’autres dispositions de cet article, comme le renforcement des modalités de contrôle du passe, le durcissement des sanctions et le prolongement de l’état d’urgence sanitaire à La Réunion et en Martinique jusqu’au 31 mars 2022.

Enfin, nos institutions démocratiques sont éprouvées par la multiplication des états d’urgence. Le risque de pérennisation des mesures restrictives prises dans le cadre de ces régimes d’exception est avéré.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. Mes chers collègues, en ce qui me concerne, je voterai l’article 1er. Nous devons, à mon sens, mettre en place un passe vaccinal, c’est-à-dire une obligation vaccinale quelque peu déguisée. Pourquoi est-ce important ? Parce que les variants delta et omicron flambent partout. Il nous faut faire preuve de beaucoup d’humilité, comme l’a dit notre collègue M. Gay, car on ne connaissait pas omicron il y a un mois et demi, pas plus que sa contagiosité gigantesque.

Actuellement, les médecins, les infirmières, les sapeurs-pompiers, l’hôpital et les pharmaciens sont très souvent débordés. C’est grâce à eux, aux tests et aux vaccinations qu’ils réalisent, que l’hôpital tient. Cela signifie que les services de soins critiques comptent moins de malades atteints d’une forme grave, malgré l’énorme contagiosité du variant omicron.

Si ce variant provoque moins de pathologies graves, leur nombre risque toutefois d’exploser, de sorte qu’il y aura beaucoup de personnes hospitalisées. Il faut donc vacciner et vacciner encore, car les personnes vaccinées développent non seulement des formes moins graves de la maladie, mais sont aussi moins contagieuses.

Le passe vaccinal est donc un plus et je considère, mes chers collègues, qu’il faut voter l’article 1er.