Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre. L’amendement n° 55 rectifié bis, selon lequel passe vaccinal et test négatif auraient la même valeur, introduit en réalité un passe sanitaire. Or vous vous êtes exprimés à de nombreuses reprises sur ce sujet au cours de l’examen de cet article 1er. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas intervenu de nouveau, dans la mesure où je rejoins totalement la position de M. le rapporteur.

J’entends beaucoup de choses. On peut en comprendre certaines ; d’autres « piquent » un peu plus. Pardonnez-moi de le dire, nous avons déjà eu des débats scientifiques dans cet hémicycle, et il est d’ailleurs tout à fait légitime de débattre de ce sujet. On me disait : « Pourquoi n’autorisez-vous pas tel traitement, alors que c’est une évidence ? Pourquoi vous enferrez-vous dans vos erreurs ? » La première fois, il s’agissait de la chloroquine, mesdames, messieurs les sénateurs.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Parlez-en au Président de la République !

M. Olivier Véran, ministre. Êtes-vous nombreux aujourd’hui – sans doute y en a-t-il au moins un – à regretter que je n’aie pas autorisé par arrêté la prescription ad vitam aeternam, à qui le voudrait, de l’hydroxychloroquine dans notre pays ? Qui est capable aujourd’hui de reconnaître que, à l’époque, lorsqu’il mettait la pression sur le ministre et les équipes de la DGS, il allait un peu vite en besogne ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Demandez-le à Emmanuel Macron !

M. Olivier Véran, ministre. Chacun doit pouvoir reconnaître ses erreurs, raisonner dans le calme, mettre un peu d’eau dans son vin et remettre la science « au milieu du village ».

J’entends le discours qui consiste à dire : « Les vaccins, j’en ai marre, j’ai été vacciné deux, trois, voire quatre fois. » J’entends la lassitude vaccinale, la fatigue vaccinale, le ras-le-bol vaccinal, quel que soit le terme que vous souhaitez employer. Pour ma part, je considère que le vaccin est une chance, mais chacun a le droit de considérer que ce n’est pas une chance. Je ne suis pas le seul, l’Organisation mondiale de la santé et la totalité des pays qui vaccinent dans le monde considèrent que le vaccin est une chance extraordinaire, qui nous a permis d’éviter que des pans entiers de la population soient décimés, considérant la contagiosité des variants ayant succédé au premier covid-19 et l’agressivité, notamment, du variant delta.

Je peux considérer sans grand risque de me tromper, puisque ce n’est pas le ministre de la santé français qui vous le dit, mais l’ensemble des ministres au niveau planétaire et, surtout, des scientifiques, que si nous n’avions pas eu ce vaccin, que certains regardent avec un peu de dépit ou de lassitude, nous aurions eu beaucoup plus de morts. On peut déjà s’entendre sur ce constat.

Une fois ce point posé, on peut se poser la question du nombre de doses. On vaccine quand on a besoin d’avoir un système immunitaire efficace, capable de produire des défenses contre le virus. Pourquoi sommes-nous passés d’un délai de six mois à trois mois après une injection ? Nous nous sommes penchés sur les études qui examinent les personnes vaccinées depuis un mois, deux mois ou trois mois et le niveau d’efficacité du système immunitaire : qui tombe malade ? qui fait des formes graves ?… Comme les statistiques le révèlent, l’immunité commence à baisser un peu au bout de trois mois et à baisser pas mal au bout de quatre mois. Au bout de cinq mois après la deuxième dose, l’immunité s’est affaiblie. Au bout de six mois, on peut considérer que cette immunité n’est plus assez efficace.

Par conséquent, vu l’état de circulation du virus, on sait déjà qu’il faut faire un rappel au bout de six mois. Toutefois, le virus circule davantage et, à l’échelle planétaire, les données s’affinent. On se rend compte que, au bout de trois mois, l’immunité pourrait être meilleure. Face à ce qui est en train de circuler sur la planète, les variants delta et omicron, mieux vaut ne pas attendre plus avant et renforcer l’immunité des gens en proposant un rappel au bout de trois mois, ce que font, je le répète, la quasi-totalité des pays occidentaux. Nous ne parlons pas d’une situation française.

Si nous constatons, après la troisième dose, que l’immunité commence à baisser au bout de x semaines ou de x mois, alors qu’un nouveau variant potentiellement dangereux susceptible de provoquer des formes graves voire mortelles fait son apparition, nous dirons à la population que son système immunitaire, qui a été protégé durant des mois par la vaccination, ne l’est plus et qu’il est nécessaire de faire un rappel. S’agira-t-il uniquement des personnes fragiles ou de l’ensemble de la population ? Nous ne pouvons pas le savoir !

Certes, je peux comprendre le discours qui consiste à dire : « J’ai déjà été vacciné deux ou trois fois, j’en ai marre ! » Toutefois, mettez-vous dans la situation de quelqu’un qui fait des infections urinaires à répétition. Première infection, il prend un antibiotique et guérit. Trois mois plus tard, deuxième cystite, il prend des antibiotiques et guérit. Et cela se répète, une troisième, une quatrième, une cinquième fois… Il n’a pas de chance, mais cela peut arriver, à la suite de certaines fragilités. Il fait donc des cystites à répétition. Croyez-vous que, après la cinquième fois, il arrêtera les antibiotiques ? Non ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous avons la chance d’avoir quelque chose qui soigne, qui protège, qui sauve des vies et empêche d’aller à l’hôpital. Et on l’utilise ! (Mêmes mouvements.) Pardonnez-moi, chaque opinion doit pouvoir s’exprimer ! Je sais que les temps de parole vous sont comptés dans les débats parlementaires.

Permettez-moi de rebondir sur ce qu’a dit M. Jomier, que je rejoins sur ce point. J’aimerais que de plus nombreuses voix s’élèvent pour promouvoir le vaccin. Vous avez été un certain nombre à le faire. Mais toutes les petites attaques, toutes les petites piques – je pense à l’évocation des effets indésirables et aux multiples interrogations relayées – contribuent, je le pense sincèrement, mesdames, messieurs les sénateurs, à créer une certaine confusion auprès de nos concitoyens, qui vous regardent et vous écoutent. (Mme Catherine Conconne applaudit.) Cela ne nous aide pas à atteindre la couverture vaccinale que nous espérons avoir et que vous m’invitez, en règle générale, à atteindre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)

Monsieur Benarroche, je n’ai jamais dit que nous n’essayions plus de lutter contre la diffusion du virus. J’ai évoqué des armes différentes. Avec le variant delta, dont le taux de reproduction se situait aux environs de 3, c’est-à-dire que le nombre de personnes contaminées était multiplié par deux tous les dix à douze jours, les mesures de jauge et de freinage classiques, celles que nous avons utilisées depuis près de deux ans dans notre pays, avaient une efficacité avérée.

Avec omicron, en revanche, le nombre de personnes contaminées double tous les deux jours spontanément, nous ne pouvons donc pas freiner sa course folle. Nous pouvons simplement la retarder un peu. Dans la mesure où un nombre important de contaminations n’entraîne pas un afflux massif et brutal de patients à l’hôpital, et au regard des externalités négatives d’un confinement généralisé pour notre pays, la situation justifie que l’on ne confine pas.

Je souhaite être tout à fait précis : nous luttons contre la circulation et la diffusion du virus. Sinon, nous n’aurions pas demandé aux gens de télétravailler ni établi de protocoles scolaires visant à éviter que les enfants ne se contaminent.

Grâce à cette longue réponse, j’espère avoir été complet. Mais j’allais oublier une dernière question qui m’a été posée : pourquoi vacciner tout le monde et non pas simplement les personnes fragiles, qui sont celles qui vont en réanimation ? Mesdames, messieurs les sénateurs, on n’attrape pas un virus sur la poignée d’une porte. On l’attrape parce que quelqu’un nous le transmet. Notre pays en a suffisamment fait l’expérience, après la vague des jeunes, qui ne sont effectivement pas hospitalisés, suit la vague des moins jeunes. C’est ce qui est arrivé dans les Bouches-du-Rhône et dans les Alpes-Maritimes, au début de la deuxième vague.

Certains scientifiques disaient : « Laissons les jeunes se contaminer, ce n’est pas grave. » Sauf que, après ils ont contaminé les parents, les grands-parents, la boulangère et tous les autres. Nous devons pouvoir nous protéger collectivement. C’est la raison pour laquelle on parle d’action citoyenne.

À cet égard, je vous invite de nouveau à appeler les médecins des hôpitaux de vos territoires et à leur demander l’âge moyen des patients et, surtout, s’ils ont des patients jeunes. Un certain nombre d’entre vous seront surpris de constater que, dans nos hôpitaux, pas forcément en réanimation, des trentenaires, des quadragénaires et des quinquagénaires ayant « bon pied bon œil » subissent des formes de la maladie justifiant le recours à l’oxygène. Je ne recommande à personne de se retrouver un jour dans un lit d’hôpital avec une assistance en oxygène pour respirer correctement.

Nous avons la possibilité de protéger nos concitoyens avec un vaccin qui est sûr et efficace. Je le répète, et je pèse mes mots, c’est une chance pour l’humanité. Dans le cadre de ce débat, nous avons l’occasion d’envoyer le bon message à la population. (M. Alain Richard applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55 rectifié bis.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 72 :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l’adoption 12
Contre 320

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 179.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 90 rectifié ter, présenté par Mmes Drexler et Micouleau, MM. Bacci, Joyandet et C. Vial, Mmes Muller-Bronn, Belrhiti et Berthet, MM. Bascher, Reichardt et Gremillet, Mme Lopez, MM. Kern et J.M. Boyer, Mme Pluchet et MM. Klinger et E. Blanc, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

du présent II,

insérer les mots :

soit d’une sérologie positive supérieure à un certain seuil, fixé par décret, pendant 90 jours renouvelable sur présentation d’un nouveau test sérologique positif,

La parole est à Mme Sabine Drexler.

Mme Sabine Drexler. Cet amendement de bon sens vise à ce que l’immunité évaluée par test sérologique soit prise en compte dans l’octroi par dérogation du passe vaccinal.

Je vais évoquer rapidement mon cas personnel, qui n’est pas isolé, pour vous expliquer le sens de cette proposition.

J’ai eu le covid-19 en mars 2020 ; vaccinée une seule fois en juin 2021, je fais, depuis, des sérologies tous les deux mois. Et mon taux d’anticorps reste curieusement, mais heureusement, très élevé. Il est même indiqué, dans les résultats que je reçois, que mon taux d’immunoglobuline G (IgG) « témoigne du caractère récent de l’infection par le SARS-CoV-2 ou du résultat d’une vaccination récente ».

Pourtant, dans quelques jours, sept mois après ma vaccination, mon passe ne sera plus valide et je vais devoir me faire vacciner à nouveau si je veux qu’il soit réactivé.

Monsieur le ministre, je vous l’avoue, je ne suis pas très motivée… Les experts constatent tous que le surdosage a pour effet d’augmenter les risques d’effets indésirables liés à la vaccination. La non-prise en compte de cette possibilité, qui est reconnue en Suisse, à cinq kilomètres de chez moi, m’interpelle.

Vous voulez protéger nos concitoyens, mais vous exposez certains d’entre eux, comme moi-même, à une augmentation des risques…

M. Olivier Véran, ministre. Risques de quoi ?

Mme Sabine Drexler. … en les obligeant à se faire vacciner.

Je vous demande simplement ce qui me paraît relever du bon sens : appliquer le principe de précaution, comme le font nos voisins helvétiques, qui ne sont pas des novices en matière d’expertise pharmaceutique. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. L’amendement n° 175 rectifié bis, présenté par M. Chaize, Mme Belrhiti et MM. Joyandet, Gremillet, Mandelli et C. Vial, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le décret prévoyant, en application du présent article, un justificatif de statut vaccinal fixe un niveau de seuil de sérologie positive à compter duquel la production d’un certificat qui en atteste vaut justificatif pendant les quatre-vingt-dix jours suivant son établissement.

La parole est à M. Patrick Chaize.

M. Patrick Chaize. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 181 rectifié bis.

Mme la présidente. L’amendement n° 181 rectifié bis, présenté par M. Chaize, Mme Belrhiti et MM. Joyandet, Gremillet, Mandelli et C. Vial, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le décret mentionné au premier alinéa du présent A peut prévoir que la présentation d’un certificat attestant d’un seuil de sérologie positive supérieur à un seuil qu’il détermine vaut, pendant une durée qui ne saurait excéder cent jours à compter de son établissement, justificatif de statut vaccinal au sens du présent article.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Patrick Chaize. Ces deux amendements portent sur le même sujet.

À propos du premier, je reprendrai exactement les arguments qui viennent d’être développés par ma collègue Drexler. La question que l’on peut se poser est la suivante : nos amis suisses utilisent cette notion de sérologie, un test sérologique positif vous permettant d’éviter la vaccination.

J’entends l’avis d’experts qui contredisent l’intérêt d’une telle sérologie. Néanmoins, je souhaiterais que nous ayons ici ce débat et que des arguments objectifs puissent être échangés.

Le deuxième amendement vise à laisser la possibilité au Premier ministre, par décret et sur la base d’informations complémentaires concernant une éventuelle corrélation entre sérologie positive et protection contre le virus, d’intégrer cette possibilité dans le passe vaccinal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit vraiment d’une question de pure biologie médicale. Du haut de mon incompétence, je vais vous dire ce que j’ai appris récemment. Mais je le ferai de manière brève, parce que je ne saurais l’expliquer suffisamment précisément, et tous les savants qui sont parmi nous pourront ensuite le corroborer.

En réalité, quand vous avez été malade, vous pouvez avoir des anticorps, mais ces anticorps ne disent rien de votre capacité à résister aux formes graves de la maladie au cas où vous seriez de nouveau infecté : voilà ce que j’ai compris.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Moi aussi, c’est ce que j’ai compris.

M. Philippe Bas, rapporteur. Ce n’est pas matière à controverse : cela fait partie des choses qui sont scientifiquement et médicalement établies. J’ai d’ailleurs entendu plusieurs de nos collègues qui ont la chance d’être médecins le corroborer, en l’expliquant dans le détail.

C’est certain, donc. Puisque c’est certain, mes chers collègues, on ne peut tout simplement pas s’appuyer sur ces examens sérologiques pour considérer qu’une personne est immunisée contre les formes graves, voire mortelles, de la maladie.

M. Fabien Gay. Très bien !

M. Philippe Bas, rapporteur. En toute logique, eu égard à ce que je viens de dire, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Véran, ministre. Le rapporteur Philippe Bas a parfaitement expliqué les choses.

Je le redis brièvement : il y a deux types d’immunité. Notre système immunitaire a au moins deux modes d’action – davantage, en réalité, mais deux pour ce qui est du vaccin.

L’immunité humorale, premièrement, c’est-à-dire les anticorps en circulation qui sont capables d’aller « bastonner » le virus, d’y reconnaître une cible et de l’empêcher d’entrer dans les cellules, est reflétée notamment par le taux d’anticorps dans le sang, dont vous parlez, madame la sénatrice. Quant à l’immunité dite cellulaire, c’est la mémoire conservée par vos cellules, qui sont capables, lorsque vous êtes exposé au virus et lorsqu’il « entre », de fabriquer des armes pour le bastonner et l’empêcher de se multiplier, donc de provoquer une infection – d’où la prévention des formes graves.

Si, à la suite d’une prise de sang, on constate que vous avez des anticorps, c’est que, vraisemblablement, ou vous avez été exposé au virus ou vous avez été vacciné, ou les deux. Il peut d’ailleurs arriver que le test ne détecte pas d’anticorps bien que vous ayez été immunisé. Or on ne va pas proposer des vaccins ad vitam aeternam, cinq, six, huit doses, au motif que le taux d’anticorps ne grimpe pas… à l’exception notable, j’y reviendrai rapidement, des immunodéprimés.

L’immunité cellulaire, elle, on ne peut en juger par une prise de sang. Ce n’est pas un taux d’anticorps : la capacité de vos cellules à réagir en cas d’agression, on ne peut pas l’estimer. Or, comme je vous l’ai dit, c’est bien l’immunité cellulaire qui entre en jeu, en cas d’infection, pour éviter qu’elle ne s’aggrave.

Madame la sénatrice, vous pouvez donc avoir un taux d’anticorps élevé parce que vous avez été exposée au virus ; mais, à supposer que vous soyez réinfectée par le virus, ce taux ne dit rien de la capacité de votre organisme à se défendre et donc à éviter une forme grave, une hospitalisation, une réanimation, ou pire encore.

C’est ce que nous disent les scientifiques : il existe, comme le dit le rapporteur Bas, un consensus à ce sujet. Peut-être le temps viendra-t-il où nous disposerons d’études qui permettront de déterminer un lien entre le taux d’anticorps et le niveau de protection. Aujourd’hui, de telles études, si elles existent, ne sont validées ni par la communauté scientifique nationale ni par la communauté scientifique internationale.

Croyez bien qu’il serait beaucoup plus agréable pour tout le monde que nous puissions nous contenter d’une sérologie et éviter ainsi des passages en centre de vaccination, avec toute la logistique afférente. Je précise que les « risques » du vaccin ne sont pas en cause, madame la sénatrice : il n’y a pas de risque à vous faire vacciner. Reste que si nous pouvions l’éviter les choses gagneraient en simplicité.

Mais, actuellement, nous n’avons aucune certitude ni même aucune indication scientifique en ce sens.

La seule restriction à ce que je viens de dire concerne les grands immunodéprimés : vous pouvez les vacciner autant que vous voulez, leur système immunitaire, hélas, n’en garde pas la mémoire. Leurs cellules ayant du mal à apprendre, on peut leur faire faire des tests spécifiques de détection d’anticorps. Si le résultat se situe en dessous d’un certain niveau, il est nécessaire de leur administrer un traitement complexe, qui peut se faire par perfusion, afin d’éviter qu’ils ne contractent des formes graves de la maladie. De tels cas existent : nous traitons des milliers de malades de ce type dans les services spécialisés des hôpitaux.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Je ne suis pas médecin, mais j’ai pendant quarante ans travaillé dans le domaine médical : j’étais cadre de santé, responsable de laboratoire au centre hospitalier universitaire (CHU) de Guadeloupe. La sérologie était précisément un des secteurs que j’encadrais.

Je soutiendrai l’amendement de ma collègue Drexler et tous ceux qui ont pour objet la sérologie. J’ai moi-même effectué un prélèvement sérologique. L’aurais-je fait en Guadeloupe qu’on m’aurait peut-être accusée, en tant qu’ancienne présidente d’une association interlaboratoires, d’avoir bénéficié d’un filon ; mais je l’ai fait ici même, au Sénat, après avoir été vaccinée. Il se trouve que mon taux d’immunoglobuline M (IgM) était de 1 610 unités par millilitre, la valeur de référence retenue pour la technique utilisée par le laboratoire qui traite nos prélèvements étant de 33,8 unités.

Ma collègue a plaidé pour l’application du principe de précaution. Si la France finançait correctement la recherche, nous aurions peut-être déjà recueilli des données concernant cette problématique – c’est un vrai sujet ! Une infection se traduit d’emblée par la présence d’IgM dans notre système immunitaire : nous avons d’abord des IgM, dès l’introduction dans notre organisme d’un corps étranger, ensuite des IgG et, en certaines circonstances, des immunoglobulines A (IgA), la détection de ces deux derniers types d’anticorps, IgG et IgA, n’étant pas considérée comme le signe d’une infection récente.

C’est donc abuser, selon moi, que de tenir les propos que je viens d’entendre. Je ne suis certes pas médecin, mais mes humbles connaissances me font dire que les réponses qui ont été apportées aux questions qui sont posées aujourd’hui sont incohérentes.

En juillet dernier, déjà, je demandais si nous continuerions à enchaîner les doses, une deuxième, une troisième, une quatrième, voire une cinquième, que sais-je. Nous devons prendre la mesure de ce que nous décidons ici ! Au nom du principe de précaution, nous devrions voter ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Monsieur le ministre – il est parti… –, je souhaitais poursuivre notre discussion à des fins d’explication, pour que les choses soient bien claires.

Nous nous sommes aperçus, en échangeant entre nous, que les interprétations divergeaient quant à ce que nous sommes en train de voter, c’est-à-dire un passe vaccinal venant sanctionner un schéma vaccinal complet. M. le ministre l’a dit : nous verrons s’il y a besoin d’une quatrième dose, qui ne sera administrée que si et seulement si le contexte le justifie.

Première question : qu’appelle-t-on schéma vaccinal complet ? Deux doses suffisent-elles ? Le cas échéant, une personne qui commencerait son schéma vaccinal aujourd’hui pourrait obtenir son passe dans six semaines. Ou trois doses sont-elles nécessaires, auquel cas il lui faudra attendre le mois de juillet ?

Deuxième question, à laquelle M. le ministre n’a pas répondu : si le délai d’éligibilité au rappel vaccinal a été réduit à trois mois après la dernière injection, combien de temps a-t-on pour recevoir cette dose avant que le schéma vaccinal soit considéré comme incomplet, c’est-à-dire soit désactivé ? Une personne qui a reçu sa deuxième dose le 30 octobre peut se voir administrer la troisième à partir du 30 janvier ; est-il bien considéré, du 15 au 30 janvier, comme ayant son passe vaccinal ? Si oui, combien de temps a-t-il pour recevoir sa troisième dose avant que son passe vaccinal ne soit plus réputé complet ?

Dernière question, en lien avec les amendements en discussion : si d’aventure il attrape le covid-19 le 28 janvier, doit-il malgré tout recevoir sa troisième dose de vaccin avant le 30 janvier ou cela reporte-t-il la fin de validité du passe ?

Pouvez-vous nous apporter des réponses précises à ces questions ? Nos compatriotes ont besoin de ces explications quant à ce qu’implique ce passe vaccinal.

Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour explication de vote.

Mme Florence Lassarade. Un mot sur ces histoires d’anticorps, dont nous parlons depuis maintenant plusieurs dizaines de minutes. La réalisation d’un dosage des anticorps anti-covid au moment d’une prise de sang générale, que le patient soit ou non sénateur, induit une confusion certaine.

Comme médecins, nous utilisons les taux d’anticorps pour savoir si un malade a été infecté ou non, tout simplement. Mais il s’agit d’une notion plus qualitative que quantitative : la quantité d’anticorps n’a en réalité aucune importance dans la défense immunitaire ; ce qui importe, c’est de savoir s’il y a ou non des anticorps.

Ce qui compte, comme l’a expliqué M. Véran, c’est l’immunité cellulaire : c’est cette immunité qui nous protège de nombreuses formes du SARS-CoV-2 et notamment, pour l’instant en tout cas, du variant Omicron. Le plus sûr, du point de vue de la protection, c’est bien cette immunité cellulaire. L’immunité par anticorps est beaucoup plus contestable ; la tester n’a en vérité aucun intérêt.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je ne suis pas médecin – je suis docteur, mais en droit. Je ne vais donc pas pouvoir m’exprimer longtemps sur le plan scientifique et sur le plan médical.

Je dois dire néanmoins, très franchement, que je ne comprends pas du tout cette différenciation entre deux types d’anticorps.

Dès lors que, comme nous l’a indiqué M. le ministre, on détecte la présence d’anticorps d’un certain type, dont il a prononcé le nom, qui « bastonnent » le virus, pour reprendre le terme qu’il a utilisé, cela veut dire que le virus ne peut pas entrer dans l’organisme – c’est clair. On nous dit, ensuite, qu’il existe un deuxième type d’anticorps qui vous évite d’être trop malade ; mais comment serais-je malade si le virus ne peut pas entrer ?

Ma question est certainement béotienne, je m’en excuse, mais j’essaie de comprendre.

J’ai moi-même fait réaliser un dosage de mes anticorps. À la lecture des résultats, le médecin m’a dit : « Avec tous les anticorps que vous avez, le virus n’a qu’à bien se tenir ! » (Exclamations dubitatives.)

Je vous assure que c’est ce qu’il m’a dit : je ne l’aurais pas inventé ! Je lui ai demandé si je devais me faire vacciner ; il m’a répondu que c’était inutile… Mais, je le reconnais, ces propos ont été tenus il y a plusieurs mois.

Lorsque j’écoute Mme Drexler, je me demande si l’on peut honnêtement choisir de ne pas respecter ce type de discours. Si l’on répond qu’une telle position n’est pas respectable, cela veut dire que nos amis suisses sont vraiment très mauvais… Autant le leur dire sans attendre !

Je ne peux tout simplement pas entendre certains arguments : si j’ai des anticorps, je ne dois pas être malade ! On me l’a dit. Je ne vois pas pourquoi je devrais, en plus, me faire vacciner… Je voterai ces amendements, parce que je suis béotien.