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Dossier législatif : proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste
Discussion générale (suite)

Mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste, présentée par Mme Denise Saint-Pé et plusieurs de ses collègues (proposition n° 874 [2021-2022], texte de la commission n° 24, rapport n° 23).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Denise Saint-Pé, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)

Mme Denise Saint-Pé, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte vise à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques (CSE) à La Poste.

Le statut de cette dernière a beaucoup évolué depuis la loi du 2 juillet 1990, dite loi Quilès, notamment sous l’impulsion du droit européen. Elle est ainsi devenue une société anonyme à capital intégralement public, investie de missions de service public. À ce titre, elle emploie des agents de droit privé et de droit public.

Cette particularité explique un régime de représentation du personnel hybride et original, construit au fur et à mesure des lois qui ont transformé l’entreprise.

Par conséquent, celle-ci a été exclue du champ d’application des dispositions du code du travail prévoyant la mise en place de CSE dans les entreprises de plus de onze salariés, dispositions issues de l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’une des ordonnances dites Macron.

De même, sa nature juridique de personne morale de droit privé l’a empêchée d’entrer dans le champ des dispositions du code général de la fonction publique relatives aux comités sociaux d’administration, nouvelles instances créées dans les administrations, collectivités territoriales et établissements publics par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

Néanmoins, la direction de La Poste souhaite prendre en considération les évolutions récentes du droit des relations sociales pour procéder à une mise à jour des institutions représentatives du personnel (IRP) de l’entreprise.

Il n’était pas question de le faire à l’occasion de la loi de transformation de la fonction publique, car il s’agissait alors de la première année de l’actuel mandat des IRP de La Poste. En effet, celles-ci avaient été élues au mois de décembre 2018, avant d’entrer en fonction le 1er février 2019. Le contexte pandémique qui a rapidement suivi a mis une halte bien compréhensible à ce projet, qui aurait été complètement à contretemps en pleine crise sanitaire.

Le dialogue social a donc commencé concrètement sur le sujet au mois de mai 2022, la direction de La Poste faisant à ce moment-là part aux organisations syndicales de son souhait de réorganiser les IRP en comités sociaux et économiques. Dans cette perspective, un accord de méthode a été conclu, en septembre 2022, afin de définir les modalités et les thèmes de la négociation, en vue de la mise en place des nouvelles instances.

Cette volonté de la direction de La Poste me semble en accord avec son statut de société anonyme, qui plus est s’agissant d’une entreprise employant pour deux tiers de ses effectifs des salariés de droit privé. En outre, le recrutement de fonctionnaires ayant pris fin au début des années 2000, la proportion d’agents sous ce statut ne cesse de diminuer. Enfin, il est à noter qu’il existe déjà des CSE dans certaines filiales de La Poste, ce qui donne à celle-ci une idée du dialogue social pratiqué dans ces instances.

Cependant, les IRP actuelles relèvent encore de la loi du 2 juillet 1990, malgré les évolutions législatives des trente dernières années. Aussi une nouvelle loi est-elle indispensable pour modifier ce texte antérieur.

C’est dans ce but que j’ai déposé cette proposition de loi découpée en trois articles, celle-ci appliquant à l’ensemble des personnels de La Poste les dispositions du code du travail relatives aux comités sociaux et économiques.

Madame la rapporteure, avant de vous laisser dans un instant détailler les différentes mesures contenues dans ce texte, je souhaite insister sur un point qui me paraît de la plus haute importance.

La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit que les dispositions du code du travail relatives aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), abrogées en 2017 par l’une des ordonnances Macron, continuent de s’appliquer à La Poste jusqu’au prochain renouvellement des instances.

Or les mandats en cours dans la fonction publique et à La Poste, issus des élections professionnelles de décembre 2018, prendront fin le 31 janvier 2023. Pour autant, aucune disposition ne mentionne le cadre applicable, à l’issue des mandats actuels, au sein des instances de La Poste. Ce vide juridique ne peut que nuire à la sérénité des débats internes à l’entreprise, sérénité indispensable pour que les partenaires sociaux soient en mesure de négocier dans le cadre d’un dialogue social ambitieux.

C’est pourquoi, afin d’accompagner cette transition, le présent texte prolonge jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques le maintien en vigueur des CHSCT et le mandat de leurs membres, ainsi que celui des comités techniques.

Cette extension, initialement prévue pour durer au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024, a été prolongée jusqu’au 31 octobre 2024 par un amendement adopté en commission des affaires sociales. Je soutiens complètement cette modification apportée par notre rapporteure, car elle s’inscrit dans le droit fil de ma priorité et, à n’en pas douter, de celle de mes collègues, à savoir la concorde entre la direction et les organisations syndicales de La Poste.

Dans ces conditions, je pense que ce texte est à même de recueillir une majorité de suffrages sur les travées de la Haute Assemblée. J’espère qu’il en ira de même à l’Assemblée nationale, afin de permettre une adoption conforme de ce texte avant la fin de cette année.

De toute évidence, la mise en place de CSE à La Poste constituera un chantier de grande ampleur, du fait de la coexistence d’une pluralité de statuts. Comme la commission des affaires sociales l’a souligné, il s’agira là d’un changement culturel majeur pour l’entreprise, avec le passage au droit syndical applicable aux entreprises privées. Il sera par ailleurs primordial que cette réforme relève le défi de la proximité.

En attendant, ce texte donnera aux partenaires sociaux la visibilité nécessaire pour entamer des discussions qui s’annoncent longues, mais que je souhaite fructueuses. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)

Mme Brigitte Devésa, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Denise Saint-Pé prévoit d’accompagner la réorganisation du dialogue social à La Poste, en créant les conditions nécessaires à la mise en place des CSE, les fameux comités sociaux et économiques.

Pourquoi réorganiser le dialogue social à La Poste ?

Lorsque la loi de transformation de la fonction publique a été votée en 2019, il a été indiqué que certaines dispositions relatives au dialogue social de La Poste s’appliqueraient jusqu’au prochain renouvellement des instances représentatives et syndicales. Les mandats des représentants du personnel arrivant à leur terme, il convient de prévoir le futur cadre du dialogue social qui s’appliquera à La Poste.

Mes chers collègues, cette proposition de loi met en place un cadre en prévoyant l’application du droit commun des relations collectives de travail, sous réserve des adaptations nécessaires aux spécificités de cette entreprise.

Les spécificités de La Poste, quelles sont-elles ?

La Poste assure des missions de service public. Elle joue un rôle majeur dans l’aménagement du territoire. Elle est une entreprise publique particulière qui, du fait de son histoire et de son évolution, possède des caractéristiques particulières, y compris en matière de dialogue social.

Tout comme France Télécom, La Poste est née de la réforme de l’administration des postes et des télécommunications engagée par la loi du 2 juillet 1990. Le 1er mars 2010, elle est devenue une société anonyme à capitaux publics ayant le caractère d’un service public national.

Le personnel de La Poste se caractérise donc par une pluralité de statuts. Parmi les 170 000 collaborateurs de la société anonyme La Poste, les deux tiers sont des salariés de droit privé ; les fonctionnaires sous statuts particuliers et les agents contractuels de droit public représentent un tiers des effectifs.

Pour la représentation individuelle des salariés et agents contractuels, La Poste dispose de commissions consultatives paritaires (CCP), tandis que des commissions administratives paritaires (CAP) assurent cette mission pour les fonctionnaires.

Des comités techniques (CT) exercent des attributions en matière d’organisation et de fonctionnement des services, de règles statutaires et d’égalité professionnelle. Par ailleurs, 637 CHSCT contribuent à la santé et à la sécurité du personnel. Les comités techniques et les CHSCT n’ont, je le rappelle, désormais plus d’équivalent ni dans le secteur privé ni dans le secteur public.

Les activités sociales et culturelles de l’entreprise sont gérées par un conseil d’orientation et de gestion des activités sociales (Cogas).

Ainsi, le droit syndical et les institutions représentatives du personnel de La Poste sont largement issus du droit de la fonction publique.

Les relations collectives de travail s’exercent dans un cadre hybride, combinant droit du travail, droit de la fonction publique et règles spécifiques.

Depuis la loi du 2 juin 1990, le droit syndical de la fonction publique s’applique aux salariés de l’entreprise. Cette loi exclut La Poste des règles du dialogue social qui prévalent dans les entreprises privées, notamment celles qui sont relatives aux délégués syndicaux en matière de négociation collective.

Pour les entreprises privées, l’ordonnance du 22 septembre 2017 a engagé la fusion des instances, notamment les CHSCT, au sein du comité social et économique. Dans la fonction publique, la loi du 6 août 2019 a substitué les comités sociaux aux comités techniques.

Les mandats des élus aux CHSCT s’achevant le 31 janvier 2023, la proposition de loi prévoit de les prolonger afin de rendre les dispositions relatives aux CSE applicables à La Poste au terme d’une période transitoire de négociation et de mise en place des nouvelles instances.

Dans sa version initiale, l’article 1er prolongeait les mandats en cours des membres des comités techniques et des CHSCT jusqu’à la proclamation des résultats aux élections aux CSE de La Poste et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024.

Comme l’a rappelé Denise Saint-Pé, la commission a repoussé cette date butoir au 31 octobre 2024, considérant que l’entreprise et les représentants du personnel devaient disposer d’un temps suffisant pour mettre en place des instances adaptées au fonctionnement de l’entreprise. En particulier, l’étalement géographique des activités de La Poste nécessite de construire une représentation de proximité sur l’ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer.

Au terme des mandats ainsi prolongés, les dispositions du code du travail relatives au droit syndical, à la négociation collective et aux institutions représentatives du personnel seront applicables à l’ensemble du personnel de La Poste, comme le prévoit l’article 2, sous réserve d’adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires.

En conséquence, la représentativité syndicale se fondera sur les résultats des élections aux CSE, avec un seuil de 10 % des suffrages exprimés, et les délégués syndicaux disposeront du monopole de la négociation des accords collectifs.

S’appliquera également la règle de l’accord majoritaire. Ainsi, pour être valide, un accord devra être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives lors des dernières élections professionnelles, au lieu de 30 % actuellement.

Cette transformation aura également pour conséquence de faire disparaître les comités techniques, les CHSCT et le Cogas au profit d’un CSE central et de CSE d’établissement dont le nombre reste à déterminer par accord collectif.

Les CSE, qui ont été créés en 2017 pour regrouper les délégués du personnel, les comités d’entreprise et les CHSCT, disposent de nombreuses prérogatives pour assurer la représentation des salariés.

Pour les entreprises d’au moins 50 salariés, le droit du travail confie aux CSE la mission d’assurer l’expression collective des salariés sur la gestion et l’évolution économique et financière de l’entreprise, ainsi que sur l’organisation du travail, la formation professionnelle et les techniques de production. Ils disposent de prérogatives spécifiques en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.

Dans les entreprises et établissements d’au moins 300 salariés, une commission dédiée, la CSSCT, ou commission santé, sécurité et conditions de travail, doit être instaurée en son sein. Enfin, le CSE assure la gestion des activités sociales et culturelles dans l’entreprise.

Afin de tenir compte des particularités de La Poste, l’article 2 crée un organisme représentant les fonctionnaires de l’entreprise, le conseil des questions statutaires, ayant vocation à être consulté sur les projets de loi et de règlement relatifs à leurs statuts. Pour assurer la représentation individuelle du personnel, les CAP et les CCP seront conservées.

Cette transformation substantielle du cadre des relations sociales s’appuiera sur un régime transitoire fixé par l’article 3.

En effet, pour préparer l’installation des CSE et l’organisation des élections professionnelles, La Poste devra s’appuyer sur un ensemble de règles issues du code du travail avant la mise en place des CSE.

Pendant cette période transitoire, l’entreprise pourra négocier des accords pour l’organisation des élections et la détermination du fonctionnement et des attributions des futurs CSE avec les organisations syndicales disposant de sièges dans les comités techniques. Le texte prévoit, par dérogation au droit syndical actuellement applicable à La Poste, des conditions de validité des accords alignées sur celles qui prévalent en droit du travail, afin d’assurer l’applicabilité des accords après la constitution des CSE.

Au total, la commission a considéré que cette proposition de loi offrait un cadre sécurisé et adapté pour faire évoluer le dialogue social à La Poste, tout en garantissant la juste représentation de l’ensemble du personnel.

La proposition de loi pose ainsi le cadre qui sera applicable aux relations collectives de travail à La Poste. Il reviendra ensuite à l’entreprise et aux représentants du personnel de faire vivre le dialogue social pour définir l’architecture des nouvelles instances et organiser les élections professionnelles.

Ce chantier de grande ampleur pour l’entreprise, qui s’accompagne d’un changement culturel majeur, du fait de son passage au droit syndical du secteur privé, a déjà franchi une première étape : un accord de méthode a été conclu au mois de septembre 2022 afin de définir les modalités et les thèmes de la négociation en vue de la mise en place des nouvelles instances.

Cette proposition de loi donne à l’entreprise les outils nécessaires pour franchir les étapes suivantes, en concertation avec les représentants du personnel, afin de mener à bien cette réforme qui dotera La Poste d’un cadre de dialogue social ambitieux.

Sous réserve de l’adoption de quelques amendements techniques, je vous invite donc, mes chers collègues, au nom de la commission, à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, madame Saint-Pé, auteur de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui concerne le dialogue social d’une entreprise qui fait partie de notre vie quotidienne, La Poste. Cette entreprise, nous l’avons vue se transformer à plusieurs reprises, accompagnant les grandes étapes de l’évolution de nos services publics.

La Poste, devenue société anonyme en 2010, se caractérise par une histoire particulière, qui explique la pluralité de statuts qui la composent. Les agents publics représentent désormais un tiers des effectifs, tandis que les salariés de droit privé en constituent les deux tiers.

Le régime de représentation du personnel de La Poste est donc hybride, relevant à la fois du droit de la fonction publique et du droit du travail.

Les instances de représentation du personnel sont aujourd’hui multiples et diffèrent selon les catégories de personnel. On dénombre ainsi des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, permettant d’assurer la représentation collective de tous les personnels, des commissions administratives paritaires, pour assurer la représentation individuelle des fonctionnaires, et des commissions consultatives paritaires, pour assurer la représentation individuelle des salariés et des contractuels de droit public.

En matière de droit syndical, ce sont les règles de la fonction publique qui sont applicables à l’ensemble de son personnel.

Alors qu’en droit du travail les ordonnances de 2017 ont opéré une fusion des IRP, avec la création des comités sociaux et économiques, La Poste a conservé cette pluralité et cette mixité d’instances.

La proposition de loi aujourd’hui en discussion doit permettre de faire entrer le régime de représentation de La Poste dans le droit commun du code du travail.

Cela apparaît souhaitable à plusieurs titres.

D’abord, la part des salariés de droit privé est majoritaire. Il semble donc logique de leur apporter les modalités de représentation concordantes.

Ensuite, il s’agit de faire entrer La Poste dans le mouvement de modernisation et de simplification des IRP déjà engagé par l’ensemble des entreprises de droit privé depuis 2017.

Si la loi prévoit que les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT doivent s’appliquer à La Poste jusqu’à l’expiration des mandats en cours, le CHSCT n’aura plus d’existence juridique par la suite. Ainsi, le CSE, qui assure l’expression collective des salariés et la représentation de leurs intérêts dans les décisions prises par l’entreprise, a vocation à devenir le cœur du dialogue social de cette entreprise. Cette fusion d’instances rationalisera le nombre de consultations et fluidifiera les échanges avec l’employeur.

Enfin, cette réforme doit permettre d’unifier les règles en matière de dialogue social et de droit syndical applicables aux travailleurs d’une même entreprise, quel que soit leur statut.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’en suis convaincue, cette proposition modernisera le dialogue social dans l’entreprise et lui donnera un nouveau souffle.

La proposition de loi prévoit la mise en place, d’ici à la fin du mois d’octobre 2024, de comités sociaux et économiques aux compétences pleines et entières, incluant celles qui sont relatives à l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, en cohérence avec la part sans cesse plus importante des salariés de droit privé dans les effectifs de l’entreprise. Elle prévoit bien sûr, à la marge, quelques adaptations pour tenir compte des spécificités du personnel de l’entreprise.

Ces dispositions seront applicables au terme d’une période transitoire de négociation et de mise en place des instances, à l’issue des mandats en cours, qui, sans cette réforme, se seraient achevés en janvier 2023. Ce texte est donc également un texte de sécurisation juridique.

Ainsi, seront applicables à l’ensemble des personnels de La Poste les dispositions du code du travail relatives au droit syndical, à la négociation collective, aux institutions représentatives du personnel et aux salariés protégés. C’est donc un cadre profondément renouvelé et clarifié qui sera applicable au sein de l’entreprise.

Il reviendra aux partenaires sociaux de La Poste de se saisir de ces nouveaux outils dans l’exercice du dialogue social au quotidien.

Ce dialogue social revêt une importance d’autant plus forte que l’entreprise est désormais le niveau de référence en matière de négociation, permettant d’adapter les règles applicables au plus près des attentes et besoins des entreprises.

Surtout, les objets de négociation sont nombreux : salaires, épargne salariale, télétravail, qualité de vie au travail… Dans une entreprise comme La Poste, implantée sur des territoires d’une grande diversité et comptant plus de 245 000 collaborateurs, la mise en place d’un dialogue social de proximité, permettant de traiter au mieux ces enjeux, est d’autant plus cruciale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, par ce texte, c’est donc une véritable impulsion qui est donnée au dialogue social de La Poste, au service des droits des salariés, mais aussi de la performance économique et sociale de l’entreprise. Le Gouvernement lui est donc tout à fait favorable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 1983, en passant par sa transformation en société anonyme, le groupe La Poste n’a cessé de subir des restructurations délétères qui l’éloignent toujours plus de ses missions de service public et le privent de ses moyens.

Il reste 5 300 bureaux de poste dits de plein exercice, contre 8 414 il y a cinq ans. La Poste SA est passée de 320 000 employés en 2000 à 180 000 en 2021. Elle compte 70 000 facteurs, contre 100 000 il y a vingt ans.

Les cadences augmentent, les conditions de travail se dégradent, les risques psychosociaux se multiplient. Entre 2008 et 2016, on a déploré chaque année une trentaine de suicides.

Les tournées chronométrées par des logiciels, selon le mantra du lean management, retirent toute autonomie aux salariés, qui perdent le sens de leur travail et du travail bien fait.

Selon le sociologue Nicolas Jounin, ce taylorisme d’un nouveau genre appliqué à La Poste empêche les postiers de faire valoir leur intelligence dans leur travail et vise à les priver d’une maîtrise de leurs tâches. On justifie ces restructurations à rythme soutenu par la baisse du courrier, en masquant l’augmentation du nombre de colis.

Surtout, on ne prend plus en compte les missions de lien social qui, de l’État romain au système de relais postaux de Louis XI, nationalisé sous Louis XIV, font de La Poste l’un des plus anciens services publics au monde.

Pressé par une action en justice après avoir laissé filer, sans rien faire ni rien négocier, le temps ouvert par l’accord de méthode, le groupe La Poste espère une loi pour transposer en son sein, contre l’avis des sept organisations syndicales (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.), les principes délétères du new public management et les régressions des ordonnances Macron.

Au cœur des dangers, pour qui prétend défendre la valeur du travail réel, la disparition des CHSCT privera les salariés de leur expertise et de moyens d’alerte, y compris de la possibilité d’ester en justice contre les risques psychosociaux et la dégradation des conditions de travail.

Les 637 CHSCT du groupe remplissent sur le terrain une mission de proximité primordiale pour les salariés, comme en témoignent les milliers de réunions annuelles, qui sont la conséquence de restructurations incessantes.

Jamais la centaine de CSSCT du projet de la direction, qui auront des prérogatives bien moindres, ne protégeront aussi efficacement le droit à la santé et à la sécurité des salariés dans un contexte de baisse sensible des moyens syndicaux.

La protection des salariés sera difficilement assurée, d’autant que le passage abrupt du régime actuel de dialogue social aux CSE, sans passer par l’étape du comité d’entreprise, d’une entreprise de cette taille et dotée de deux statuts, ne fait l’objet d’aucune étude d’impact : on n’a pas même pris en compte les drames survenus à France Télécom !

Concentration et éloignement des centres de décisions, appauvrissement du dialogue social, diminution de la représentation syndicale, atteintes à l’autonomie et à la proximité dans une entreprise en restructuration et désorganisation permanentes, perte de la singularité des territoires : tout dans cette proposition de loi conduit le groupe GEST à voter contre, d’autant que des alternatives étaient possibles.

Dans ses Questions sur lEncyclopédie, par des amateurs, Voltaire disait de La Poste qu’elle était « la consolation de la vie ». Pour notre part, nous disons de La Poste qu’elle incarne le service public d’intérêt général et que la défense des travailleurs est en congruence avec la défense du droit des administrés à des structures publiques fonctionnelles, et ce dans tous les territoires de France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au mois de septembre 2017, Emmanuel Macron, Président de la République, signait cinq ordonnances pour le renforcement du dialogue social.

Au-delà de la transformation juridique, c’est l’état d’esprit des relations sociales, celui du code du travail et celui du marché du travail, que le Président de la République et la ministre du travail d’alors, Muriel Pénicaud, estimaient nécessaire de modifier.

La réforme sur le renforcement du dialogue social s’inscrivait dans un contexte plus large, un contexte de transformation de notre modèle social destiné à libérer les énergies des entreprises pour qu’elles investissent, créent de l’emploi et protègent les salariés.

Ces leviers du progrès économique et social, ainsi liés, devaient naturellement s’inscrire dans le renforcement du dialogue au sein des entreprises. La première pierre de l’édifice était posée.

Dans la même veine, sous l’impulsion des différents gouvernements depuis 2017, s’ensuivront la formation professionnelle, l’apprentissage, la sécurisation des parcours et, dans quelques jours, l’assurance chômage. Le grand équilibre entre l’ensemble de ces réformes tient à ce mix d’agilité et de capacité d’adaptation tant pour les salariés que pour les entreprises.

Le franc succès des ordonnances n’aurait pu se faire sans 300 heures de concertation avec les partenaires sociaux et plus de 80 heures de discussion au Parlement.

S’appuyer sur le fort héritage social français tout en nous adaptant aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, voilà la logique dans laquelle Mme Denise Saint-Pé a déposé cette proposition de loi : il s’agit de faire en sorte que La Poste s’inscrive pleinement dans cet état d’esprit.

La Poste n’est pas une entreprise comme les autres, et pour cause : elle se compose de 32 % de fonctionnaires ou agents de droit public et de 68 % de salariés de droit privé. Elle se voit confier quatre missions de service public : le service universel postal, l’accessibilité bancaire, l’aménagement du territoire, le transport et la livraison de la presse.

Cette particularité imposait de lui laisser un long temps de négociation pour organiser son dialogue social.

Sans intervention du législateur, à compter du 1er février 2023, il n’y aurait plus de base légale permettant de maintenir en vigueur les CHSCT de La Poste. Ce texte y remédie, en prolongeant leur existence jusqu’à la fin du mandat de ses représentants et, au plus tard, jusqu’au 31 octobre 2024.

Par ailleurs, sans base légale pour mettre en place des comités sociaux et économiques, La Poste se verrait dans l’impossibilité d’offrir un cadre de représentation à ses personnels sur l’ensemble des questions relatives à la sécurité et à la santé au travail.

Cette situation contreviendrait au principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail. Personne ici ne voudrait de cette impasse.

Une réforme des institutions représentatives du personnel de La Poste est nécessaire, car elle permettra de soumettre l’ensemble de ses effectifs aux dispositions du code du travail relatives aux comités sociaux et économiques.

C’est le sens de ce texte et nous le partageons.

Par voie d’amendement, la rapporteure a enrichi cette proposition de loi en reportant au 31 octobre 2024 la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques. Trois mois supplémentaires sont ainsi octroyés, donnant un peu plus de temps à la concertation, gage de la bonne mise en œuvre de cette réforme.

Le groupe que je représente reconnaît ici une avancée équilibrée et votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)