Sommaire

Présidence de M. Pierre Laurent

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

ajournés des concours de la fonction publique

Question n° 193 de M. Gilbert Roger. – Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels ; M. Gilbert Roger.

baisse du nombre d’enseignants du premier degré et pérennité des regroupements pédagogiques intercommunaux.

Question n° 495 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

priorisation académique des établissements scolaires ruraux

Question n° 478 de M. Jean-Yves Roux. – Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

impact du programme « france travail jeunes » sur les missions locales pour l’emploi

Question n° 500 de M. Antoine Lefèvre. – Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels ; M. Antoine Lefèvre.

faciliter la mutualisation de l’exploitation de la vidéo-protection entre des communes associées

Question n° 433 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Gilbert-Luc Devinaz.

difficulté à identifier le préfet compétent

Question n° 394 de M. Laurent Burgoa. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Laurent Burgoa.

adaptation de la procédure et des critères de reconnaissance d’état de catastrophe naturelle ainsi que du mode de financement des indemnisations

Question n° 389 de M. François Bonhomme. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. François Bonhomme.

délais de délivrance des titres d’identité

Question n° 445 de Mme Corinne Féret. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Corinne Féret.

politique de développement de l’habitat inclusif

Question n° 413 de M. Jean Pierre Vogel. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

attractivité pour les professionnels de santé des territoires voisins des zones de revitalisation rurale

Question n° 493 de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Baptiste Lemoyne.

définition du potentiel fiscal et financier des communes

Question n° 153 de M. Bruno Belin. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Bruno Belin.

périmètre pris en compte dans les décomptes de l’objectif du dispositif zéro artificialisation nette

Question n° 338 de M. Cédric Vial. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

difficultés du dispositif maprimerénov’

Question n° 448 de M. Olivier Cigolotti. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Olivier Cigolotti.

moulins, seuils et préservation du patrimoine

Question n° 504 de M. Vincent Segouin. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Vincent Segouin.

sanctuarisation de la circonscription portuaire du havre face aux objectifs du « zéro artificialisation nette »

Question n° 505 de Mme Agnès Canayer. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Agnès Canayer.

survie de la ligne de l’aubrac

Question n° 474 de M. Bernard Delcros. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Bernard Delcros.

nuisances sonores de l’aéroport lille-lesquin

Question n° 483 de Mme Martine Filleul. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Martine Filleul.

pollution sonore générée par le trafic de l’aéroport d’orly

Question n° 415 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Raymond Hugonet.

méthodologie de la haute autorité de santé pour apprécier l’efficacité de certains traitements ciblés contre le cancer

Question n° 497 de Mme Pascale Gruny. – Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Pascale Gruny.

droit à mourir et fin de vie

Question n° 487 de M. François Bonneau. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. François Bonneau.

impact du prix des médicaments sur la situation financière des entreprises

Question n° 462 de Mme Laurence Harribey. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Laurence Harribey.

financement des projets prévus dans le ségur de la santé

Question n° 458 de M. Guy Benarroche. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

conséquences de la réforme de protection universelle maladie pour certains français établis hors de france

Question n° 320 de M. Ronan Le Gleut. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

hôpital de carpentras

Question n° 513 de M. Jean-Baptiste Blanc. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

situation de la maison de retraite des communes de cabannes et noves

Question n° 469 de M. Stéphane Le Rudulier. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

défense du pluralisme associatif dans le secteur sanitaire et social

Question n° 443 de M. Denis Bouad. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Denis Bouad.

revalorisation des frais de déplacement pour les aides à domicile et attractivité de la profession

Question n° 085 de Mme Else Joseph. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Else Joseph.

incidences de l’application du décret n° 2022-257 du 22 février 2022 pour les titulaires de contrat de prévoyance

Question n° 369 de M. Philippe Mouiller. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Philippe Mouiller.

« exclus du ségur »

Question n° 509 de M. Daniel Chasseing. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Daniel Chasseing.

diffusion de la théorie du genre dans les organismes publics

Question n° 512 de Mme Laurence Muller-Bronn. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

fraude sociale

Question n° 346 de M. Christian Klinger. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; M. Christian Klinger.

double imposition des fonctionnaires binationaux franco-belges travaillant pour l’état français

Question n° 486 de M. Yan Chantrel. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

déploiement de la fibre dans les zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement

Question n° 503 de M. Pierre-Jean Verzelen. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

situation des salariés des sites de buitoni à caudry et tereos à escaudœuvres

Question n° 511 de M. Frédéric Marchand. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

révision des normes de commercialisation européennes relatives à la viande de volaille

Question n° 439 de M. Bernard Buis. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

lutte contre les parasites affectant la production de cerises

Question n° 479 de M. Mathieu Darnaud. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; M. Mathieu Darnaud.

souveraineté alimentaire française

Question n° 481 de M. Yves Détraigne. – Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

situation des écoles d’architecture

Question n° 466 de Mme Céline Brulin. – Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture.

condition d’accès à l’honorariat au grade supérieur pour les réservistes

Question n° 333 de M. Cédric Perrin. – Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire.

situation des établissements ne bénéficiant pas des « responsabilités et compétences élargies »

Question n° 454 de M. Philippe Bonnecarrère. – Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire ; M. Philippe Bonnecarrère.

statut de l’administrateur ad hoc

Question n° 472 de Mme Frédérique Puissat. – Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire ; Mme Frédérique Puissat.

allongement des délais de justice

Question n° 272 de Mme Brigitte Lherbier. – Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire.

conséquences de l’abandon de la filière gaz en france

Question n° 489 de M. Pierre-Antoine Levi. – Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire.

critères de contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles

Question n° 502 de M. Mickaël Vallet. – Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard

3. Conventions internationales. – Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

Accord de sécurité sociale avec la Serbie. – Adoption, en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.

Accord de coopération avec les Pays-Bas. – Adoption définitive, en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.

4. Favoriser les travaux de rénovation énergétique. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

M. Éric Bocquet

Mme Jocelyne Guidez

M. Éric Gold

Mme Catherine Di Folco

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

Mme Nadège Havet

M. Jean-Yves Leconte

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.

Suspension et reprise de la séance

5. Approvisionnement en produits de grande consommation. – Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Article 2 ter B

Amendement n° 1 de la commission. – Adoption.

Article 3

Amendement n° 2 de la commission. – Adoption.

Article 3 bis

Amendement n° 3 de la commission. – Adoption.

Article 6

Amendement n° 4 de la commission. – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Amel Gacquerre

M. Henri Cabanel

M. Daniel Gremillet

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Joël Labbé

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Serge Mérillou

M. Gérard Lahellec

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.

Suspension et reprise de la séance

6. Violences intrafamiliales. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois

Mme Esther Benbassa

Mme Maryse Carrère

Mme Brigitte Lherbier

M. Alain Marc

Mme Mélanie Vogel

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Laurence Harribey

Mme Laurence Cohen

Mme Annick Billon

Mme Micheline Jacques

Mme Laurence Rossignol

M. Philippe Mouiller

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Marie Mercier, rapporteur

Mme Annick Billon

Amendement n° 22 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Amendements identiques nos 44 rectifié bis de Mme Dominique Vérien et 45 rectifié ter de Mme Annick Billon. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 25 de Mme Laurence Harribey. – Rejet.

Amendement n° 26 de Mme Laurence Harribey. – Rejet.

Amendements identiques nos 3 de Mme Mélanie Vogel et 27 de Mme Laurence Harribey. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 28 de Mme Laurence Harribey. – Rejet.

Amendement n° 9 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 10 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 11 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 12 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 29 de Mme Laurence Harribey. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2

Amendement n° 13 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 19 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Suspension et reprise de la séance

Amendement n° 46 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Amendement n° 30 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Adoption.

Amendement n° 7 rectifié quater de M. François Bonneau. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 bis – Adoption.

Après l’article 2 bis

Amendement n° 52 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 2 ter (nouveau)

Amendement n° 47 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Amendement n° 6 rectifié quater de M. François Bonneau. – Retrait.

Adoption de l’article.

Après l’article 2 ter

Amendement n° 1 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Non soutenu.

Amendement n° 32 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Amendement n° 33 rectifié de Mme Laurence Rossignol et sous-amendement n° 54 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié insérant un article additionnel.

Amendement n° 50 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Amendement n° 24 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Article 3

Amendement n° 20 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Amendement n° 21 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Amendement n° 18 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 48 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Amendement n° 31 de Mme Laurence Harribey. – Rejet.

Amendement n° 41 de Mme Laurence Harribey. – Rejet.

Amendement n° 53 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 3

Amendement n° 43 de Mme Laurence Harribey. – Rejet.

Amendement n° 36 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Article 3 bis (nouveau) – Adoption.

Après l’article 3 bis

Amendement n° 5 rectifié sexies de M. François Bonneau. – Retrait.

Amendement n° 40 de Mme Laurence Harribey. – Rejet.

Article 4 (supprimé)

Vote sur l’ensemble

Mme Michelle Meunier

Mme Annick Billon

Mme Laurence Cohen

Mme Lana Tetuanui

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

7. Fusion des filières REP d’emballages ménagers et de papier. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie

Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

M. Bernard Fialaire

M. Didier Mandelli

M. Daniel Chasseing

M. Jacques Fernique

Mme Nadège Havet

M. Joël Bigot

M. Gérard Lahellec

M. Stéphane Demilly

Mme Laure Darcos

Mme Angèle Préville

M. Michel Laugier

M. François Bonhomme

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 1 de M. Joël Bigot. – Rejet.

Amendement n° 7 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet par scrutin public n° 256.

Amendement n° 6 de Mme Sylvie Robert. – Rejet.

Amendement n° 2 de M. Joël Bigot. – Rejet.

Amendement n° 3 de M. Joël Bigot. – Rejet.

Amendement n° 5 rectifié de M. Jacques Fernique. – Adoption.

Amendement n° 8 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 4 de M. Joël Bigot. – Rejet.

Article 2 – Adoption.

Après l’article 2

Amendement n° 9 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Articles 3 à 5 (supprimés)

Vote sur l’ensemble

Adoption, par scrutin public n° 257, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Pierre Laurent

vice-président

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

M. Loïc Hervé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

ajournés des concours de la fonction publique

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 193, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Gilbert Roger. J’attire l’attention du Gouvernement sur la contradiction qui existe entre la pénurie de personnel dans l’enseignement et la santé et l’ajournement d’étudiants aux concours de la fonction publique territoriale.

De plus en plus de témoignages d’étudiants recalés à ces concours en raison d’une note juste en deçà du seuil d’admission nous parviennent. Le plus souvent, ces jeunes sont laissés pour compte. Je pense notamment à une jeune étudiante ajournée de l’agrégation pour seulement un point à qui aucune proposition n’a été faite.

Or ces secteurs, pour lesquels on constate un réel manque d’intérêt, doivent aujourd’hui remédier aux démissions. Les rectorats sont parfois même obligés de trouver des contractuels en speed dating, comme l’on dit, et de les former en quelques jours à un métier complexe.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre dans l’immédiat pour entrer en contact avec ces ajournés et leur proposer des postes de contractuels avec, pour échéance, une titularisation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Gilbert Roger, chaque concours donne lieu à l’établissement d’une liste principale par un jury qui classe par ordre de mérite les candidats déclarés aptes.

Si la liste principale est complète, le jury peut établir une liste complémentaire, afin de permettre le remplacement des candidats inscrits sur liste principale qui ne pourraient pas être nommés.

Je le rappelle, l’appréciation de la qualité des prestations des candidats à un concours relève de la compétence souveraine des jurys, dont les décisions ne sont susceptibles d’aucun recours devant les juridictions administratives, dès lors que ces jurys ont fonctionné et délibéré de manière régulière.

Hormis le cas très spécifique du recrutement de personnes en situation de handicap par voie contractuelle, qui entraîne leur titularisation à l’issue du contrat, aucune disposition législative ne permet actuellement de recruter un agent contractuel au sein de la fonction publique et de le titulariser sans concours.

La réduction du nombre de candidats enregistrée aux concours de recrutement de professeurs des premier et second degrés s’est traduite, pour la session 2022, par une baisse de rendement d’environ 10 %.

Le ministère a donc demandé aux académies, lorsque des besoins apparaissent, de mener une politique volontariste de recrutement de contractuels, afin – vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur – de pourvoir les postes vacants, et de proposer une rémunération cohérente avec celle des professeurs titulaires.

Plus globalement, votre question porte sur les actions en faveur de la nécessaire attractivité des métiers de l’enseignement et de la santé.

Sachez que le ministère de l’éducation nationale a ouvert un chantier pour améliorer les rémunérations des enseignants, sujet évoqué à de nombreuses reprises dans votre assemblée. D’autres métiers au sein du ministère sont également concernés. Je pense en particulier au chantier de la revalorisation indemnitaire des personnels de santé, engagé en 2021 et qui se poursuivra en 2023.

De manière générale, l’amélioration des conditions d’exercice doit aussi permettre de renforcer l’attractivité de ces métiers. C’est là tout l’objectif des concertations qui sont menées en ce moment par M. le ministre de l’éducation nationale.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour la réplique.

M. Gilbert Roger. Je vous remercie, madame la ministre.

Je pense qu’il y a matière à envisager des évolutions. Il n’est pas normal de laisser une personne dans la nature, sans aucune proposition, simplement parce qu’elle aurait raté le concours de l’agrégation à un point près, surtout quand on sait que des séances de speed dating sont organisées, comme cela a été le cas dans l’académie des Yvelines, pour recruter des candidats n’ayant pas comme ambition première d’entrer dans l’éducation nationale.

S’il faut passer par la loi pour avancer, faisons-le. Mais je suis sûr que vous pourriez d’ores et déjà prévoir des évolutions, en lien avec les recteurs, en votre qualité de ministre

baisse du nombre d’enseignants du premier degré et pérennité des regroupements pédagogiques intercommunaux.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 495, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Cathy Apourceau-Poly. La colère gronde chez les enseignants, les parents, les élus, car la soustraction est devenue l’opération favorite du Gouvernement.

Pour le Pas-de-Calais, on prévoit soixante-treize suppressions de classes et cinquante-trois suppressions de postes dans le primaire et en maternelle, sans compter la baisse drastique de la dotation horaire globale de nos collèges et lycées, d’où découlera la suppression de nombreuses options dans des bassins de vie déjà durement touchés par la crise sociale.

Beaucoup de maires, qu’ils soient du bassin minier, de la côte ou de la ruralité, m’interpellent au sujet de la baisse des moyens dans l’éducation nationale, qui entraîne la constitution de plus en plus de classes à triple, voire à quadruple niveau ! S’ajoute à cela le manque de remplaçants, y compris lorsque les absences sont prévues.

Je suis parfois surprise de la façon dont se déroule le dialogue entre les maires et l’éducation nationale.

Pour ne prendre qu’un exemple récent, je citerai l’échange entre le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de Chériennes/Le-Quesnoy-en-Artois/Vacqueriette-Erquières : un seul maire du regroupement a été avisé du projet de fermeture de postes ; en plus, ce n’était pas celui de la commune concernée… Et lorsque les maires des trois communes du RPI ont écrit au rectorat pour contester cette fermeture, le rectorat leur a répondu dix jours après, sans avoir consulté la réponse des élus, que la décision était déjà validée.

Comme vous le savez, les maires investissent beaucoup dans les écoles, car, en ruralité, il y va souvent de la vie du village.

De la même manière, faute de prise en compte des enfants de moins de trois ans dans le calcul des moyens éducatifs alloués, les écoles sont souvent dans l’incapacité d’accueillir les enfants en question.

Les écoles représentent pourtant le cœur de nos villes et de nos villages. Nous avons besoin de pérenniser l’école publique de proximité. Il est donc indispensable de fidéliser au plus tôt les familles, ce qui suppose des moyens dédiés et, in fine, l’intégration des enfants de moins de trois ans dans les tableaux d’effectifs.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, dans le contexte de forte baisse démographique que nous connaissons, tout dispositif visant à maintenir le service public de l’éducation, partout sur le territoire, est le bienvenu.

À ce titre, les RPI demeurent un outil d’aménagement scolaire essentiel. À la rentrée 2022, 4 790 regroupements totalisant 9 167 écoles ont été recensés, contre 4 777 regroupements totalisant 9 253 écoles à la rentrée 2021.

En outre, 6 997 communes sans école participaient à un RPI à la rentrée 2022, un chiffre en légère augmentation par rapport à l’année précédente, puisque l’on comptabilisait 66 communes supplémentaires, soit près de 1 % de plus.

À cet égard, je me permets de saluer le travail des maires : pour maintenir une offre scolaire sur le territoire, ils acceptent, en lien avec les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen), de fermer certaines écoles et de former des regroupements pour offrir de meilleures conditions d’enseignement aux élèves de leurs communes.

Il convient de préciser que, d’une manière générale, les travaux de préparation de la carte scolaire de rentrée donnent lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux et reposent sur une appréciation fine et objective de la situation de chaque école et des spécificités de chaque territoire.

Ce processus, engagé en janvier, se poursuivra jusqu’à la rentrée de septembre, dans le cadre d’un dialogue continu avec les élus et d’un suivi très attentif des évolutions éventuelles des effectifs.

Pour terminer, je vous rappelle que nous portons une attention particulière aux RPI et tenons notamment compte des efforts de regroupements déjà réalisés dans certains territoires.

priorisation académique des établissements scolaires ruraux

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 478, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Yves Roux. Les écoles rurales représentent 36 % des écoles métropolitaines et accueillent 20 % des élèves de notre pays. Elles répondent à des caractéristiques tout à fait particulières : je pense à la forte proportion de classes multiniveaux – 76 % – et de regroupements pédagogiques intercommunaux.

Confrontés à une déprise démographique et à la difficulté de pérenniser les équipes pédagogiques, les élus ruraux mènent de nombreuses actions en faveur de l’animation et de l’attractivité de leur territoire, afin que les familles continuent de faire vivre la commune et son pilier, l’école.

Or, chaque année, les élus sont confrontés au couperet de l’annonce des fermetures et des ouvertures de classes, fondée sur le seul critère des effectifs. C’est la fameuse carte scolaire, qui est susceptible de bouleverser des équilibres et dynamiques locales obtenues de haute lutte.

Mes chers collègues, les collectivités locales sont, après l’État, les premiers contributeurs en matière d’éducation. Malheureusement, le couple ne regarde pas dans la même direction…

Au mois d’octobre 2019, M. Lafon et moi-même avons réalisé un rapport sénatorial sur les nouveaux territoires de l’éducation. Nous soulignions alors que les écoles situées en milieu rural étaient moins attirantes que les autres aux yeux des équipes éducatives et enseignantes et que leurs élèves poursuivaient leurs études dans des proportions bien inférieures à la moyenne nationale. Cela justifiait selon nous l’adoption d’une autre approche pour favoriser la réussite scolaire.

Nous indiquions notamment dans ce rapport que le gel des cartes scolaires pendant trois ans dans les territoires ruraux pouvait constituer une réponse.

Pendant ces trois ans, les élus auraient le temps de mener des politiques publiques locales pour conforter leurs écoles et leurs effectifs, tandis que les équipes pédagogiques auraient, elles aussi, le temps de monter des projets.

Voilà un an, nous adoptions la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, qui entendait, par la déconcentration, rapprocher l’État du terrain, en soutien des collectivités. Nous sommes convaincus que l’éducation nationale gagnerait en efficacité en s’inscrivant dans l’esprit de cette loi.

Envisagez-vous, par expérimentation tout d’abord, de proposer une carte scolaire stable, valable durant trois ans, pour la ruralité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, l’engagement présidentiel de ne fermer aucune école en zone rurale sans l’accord préalable du maire de la commune a été pris en 2019.

Reconduit chaque année, cet engagement concerne uniquement les écoles, et non les classes, et s’applique sans exception.

Comme vous le savez, la démographie scolaire est en forte diminution. Malgré cette baisse, qui est appelée à se prolonger – je tiens à le préciser –, nous avons fait le choix de ne pas nous arrêter à un simple travail arithmétique concernant la carte scolaire, spécialement en milieu rural, où l’école publique constitue un élément de dynamisation du territoire.

Ainsi, la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique, territoriale et sociale.

Elle repose à ce titre sur plusieurs indicateurs : le respect des caractéristiques du réseau scolaire académique, le maintien du service public dans les zones rurales et la réussite des élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées.

Nous utilisons un indicateur territorial qui intègre la typologie des territoires, des moins éloignés aux plus éloignés des zones urbaines, comme le préconisait votre rapport, monsieur le sénateur.

D’autres dispositifs spécifiques sont mis en place en ruralité. Je pense par exemple aux territoires éducatifs ruraux, que nous venons d’étendre à dix académies, au vu du volontarisme des élus locaux à propos de ce dispositif.

Je pense aussi à l’extension aux zones rurales de certains dispositifs d’accompagnement, comme les cordées de la réussite, qui concernent près de 32 000 élèves de territoires ruraux sur un total de 180 000 à l’échelon national, ou encore l’école ouverte dans le cadre des vacances apprenantes depuis l’été 2020.

Enfin, le dispositif des internats d’excellence est un levier important pour les élèves des territoires situés en zone rurale ou isolée.

Je connais votre travail et votre engagement sur la question de l’organisation territoriale du service public de l’éducation. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous continuerons à travailler en lien avec les élus locaux pour permettre à tous nos élèves d’accéder aux apprentissages dans les meilleures conditions.

impact du programme « france travail jeunes » sur les missions locales pour l’emploi

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 500, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, le programme France Travail Jeunes, que vous avez récemment appelé de vos vœux, suscite doutes et inquiétudes au sein du réseau national des missions locales pour l’emploi.

Ce projet, qui se rattache au chantier France Travail, attendu pour 2024, prévoit de rebaptiser les missions locales sans pour autant maintenir l’exclusivité dont elles bénéficient dans l’accompagnement des publics accueillis.

Les responsables des antennes locales perçoivent cette initiative comme une volonté de l’État de se substituer intégralement à eux sur le long terme, malgré leur forte implication dans les territoires pour aider les publics en recherche d’emploi.

Engagées depuis plus de quarante ans pour l’insertion des jeunes, les missions locales se sont constamment réinventées pour suivre l’évolution des dispositifs d’insertion et fournir une offre sur-mesure, adaptée aux territoires et aux publics ciblés.

Similairement au dédoublement des objectifs entre les missions locales et Pôle emploi depuis le lancement du contrat d’engagement jeune (CEJ) en 2022, cette annonce d’une double tutelle est perçue comme une menace vis-à-vis du maintien des missions locales.

Par ailleurs, les élus de l’Union nationale des missions locales (UNML) avaient accueilli avec perplexité l’annonce selon laquelle l’attribution de l’opérateur chargé du demandeur d’emploi se ferait désormais sur le fondement d’un algorithme conçu pour orienter sa recherche.

Ce n’est autre qu’un moyen supplémentaire de déboussoler encore davantage des publics précaires, isolés pour certains, et pour lesquels il convient de maintenir le lien essentiel de proximité avec le conseiller de la mission locale.

Quelle sera la portée véritable de ce nouveau projet ? Êtes-vous en mesure d’apporter les garanties nécessaires à la préservation de l’autonomie des missions et des moyens de nos missions locales ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Lefèvre, dans le cadre des travaux de la mission de concertation et de préfiguration relative à France Travail, il est proposé, comme vous l’indiquiez, que les missions locales qui le souhaitent prennent l’appellation « France Travail Jeunes ».

Cela ne signifie évidemment pas qu’elles seront seules chargées de l’accompagnement vers l’insertion professionnelle de tous les jeunes. Les missions locales auront pour principal objectif de mettre en œuvre les parcours des jeunes qui ont besoin d’un accompagnement socio-professionnel global, ce qui constitue un enjeu majeur pour leur insertion.

Les missions locales coélaboreront avec l’opérateur France Travail un projet de feuille de route pour l’ensemble des jeunes concernés sur chaque territoire, sous la gouvernance du comité France Travail, coprésidé par l’État et les collectivités locales. Leur rôle en sort donc renforcé.

L’orientation résultera de l’application de critères partagés, qui permettront aux jeunes de bénéficier d’un diagnostic et d’un accompagnement pertinents. Cela conduira aussi à diminuer la concurrence entre réseaux.

Le contrat d’engagement jeune continuera d’être proposé conjointement par les missions locales et Pôle emploi, les publics étant orientés en fonction des besoins des jeunes et dans le cadre d’un développement des complémentarités et de la coopération sur chaque territoire.

Par ailleurs, avec ce contrat d’engagement Jeunes en rupture, nous souhaitons mieux articuler les interventions des missions locales avec les structures retenues dans le cadre des appels à projets.

Le partage des offres de services, le développement de communs numériques, physiques et méthodologiques ou le soutien à la formation et au partage de pratiques sur les territoires concernés par le projet France Travail s’inscriront dans cette logique de coopération et de complémentarité.

Enfin, l’État continuera d’apporter un accompagnement significatif aux missions locales : une enveloppe de 600 millions d’euros en crédits de paiement leur sera ainsi dédiée en 2023. J’ajoute que les financements alloués à l’UNML ont crû de manière substantielle depuis 2022 dans le but d’améliorer l’animation des missions locales.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre.

Étant moi-même depuis plus de vingt ans président d’une mission locale fusionnée avec une maison de l’emploi et de la formation, je sais par expérience que les jeunes, les élus, les partenaires ont besoin de signaux clairs, d’une ligne de conduite simple et d’une prise en charge exclusive au plus près des territoires.

Aujourd’hui encore, près de 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification. Ils ont besoin de nous, et ce n’est pas un algorithme qui améliorera leur prise en charge. Alors, s’il vous plaît, faites confiance au réseau des missions locales.

faciliter la mutualisation de l’exploitation de la vidéo-protection entre des communes associées

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, auteur de la question n° 433, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Ma question porte sur les contraintes juridiques qui restreignent la mutualisation de l’exploitation de la vidéoprotection entre plusieurs communes.

Cette mutualisation présente de nombreux avantages, comme l’augmentation des capacités d’investissement pour du matériel plus performant, la mutualisation des charges de personnel et le renforcement des territoires couverts par la vidéoprotection.

La gouvernance d’une telle mutualisation peut être mise en œuvre sous différents régimes. Je pense à la possible création d’un syndicat à usage unique ou à la mise en place d’une entente intercommunale par convention.

Cette dernière solution offre l’avantage de la souplesse, sans augmenter le nombre de structures sur un même territoire. Cependant, elle se heurte à des difficultés de mise en œuvre qui réduisent son attrait pour les communes intéressées.

L’instruction gouvernementale du 4 mars 2022 laisse entendre que, dans le cadre d’une entente intercommunale, l’exploitation des images des communes associées ne peut se faire que par un policier municipal.

De fait, si les communes décident d’affecter un agent technique communal ou un agent de surveillance de la voie publique, celui-ci ne pourrait visualiser que les images de la commune qui le rémunère. Ainsi, l’intérêt d’une telle mutualisation disparaîtrait.

Serait-il possible, dans une entente intercommunale, de permettre à des opérateurs de vidéoprotection ou à des agents de surveillance de la voie publique d’exploiter les images, et non de réserver cette faculté aux seuls policiers municipaux ? Pourrait-on autoriser ces agents à visualiser l’ensemble des vidéos des communes membres de l’entente intercommunale ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Devinaz, la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés donne beaucoup de possibilités nouvelles pour favoriser la vidéoprotection et la mise en commun de polices municipales.

L’article 42 de cette loi a ainsi étendu la possibilité de visionnage d’images de la voie publique issues de la vidéoprotection à des agents territoriaux qui ne relèvent pas des cadres d’emploi de la police municipale.

Les agents communaux peuvent ainsi solliciter un agrément préfectoral, afin de visionner les images de vidéoprotection de leur territoire communal.

Si la loi n’a effectivement pas prévu de régime de mutualisation strictement pluricommunale de ses agents, elle a en revanche autorisé la mise à disposition des communes d’opérateurs de vidéoprotection qui ne sont pas des policiers municipaux par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre compétents et par des syndicats mixtes, dont les communes sont membres. Ces agents peuvent alors être habilités à visionner les images d’un territoire regroupant plusieurs de ces communes membres.

Il n’a effectivement pas été prévu que des communes puissent mutualiser la vidéoprotection par simple convention, en employant des opérateurs de vidéoprotection en lieu et place de policiers municipaux. Ce point n’a d’ailleurs jamais été soulevé lors de l’élaboration de la loi.

Il semble nécessaire d’évaluer d’abord l’efficacité de l’ensemble des nouveaux dispositifs à la main des communes, avant d’envisager le développement d’un régime supplémentaire de mutualisation d’agents spécialement dédiés à cette mission de vidéoprotection.

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la ministre, j’entends d’autant mieux votre réponse que je la connaissais.

Simplement, on peut comprendre que certains élus ne souhaitent pas multiplier les structures sur leur territoire, de même que l’on peut comprendre qu’ils veuillent que les policiers municipaux soient plutôt présents sur le terrain.

Le problème est que ces élus rencontrent aujourd’hui des difficultés pour recruter des policiers municipaux. C’est pourquoi je vous demandais si l’on ne pourrait pas étendre à des agents, qui ne seraient pas des policiers, le droit de visionner les images de l’ensemble des communes associées.

difficulté à identifier le préfet compétent

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 394, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Laurent Burgoa. Ma question concerne une aire d’accueil des gens du voyage située à Villeneuve-lès-Avignon, dans le Gard. Celle-ci pose des difficultés, en raison de la présence de certains usagers venus de pays de l’Est, qui s’y sédentarisent et y organisent divers trafics.

Bien que je sois tenté de le faire, ma question n’a pas pour objet de traiter ici et maintenant les problèmes occasionnés par ces personnes, car ce type de problématique implique que l’on apporte des réponses véritablement circonstanciées ; c’est là où le bât blesse.

Les élus concernés ne savent plus vers qui se tourner, car l’aire d’accueil dont je vous parle est gérée par l’agglomération du Grand Avignon, dans le département du Vaucluse.

Oui, madame la ministre, bien que gardoises, les communes de Villeneuve-lès-Avignon et des Angles sont membres de ladite agglomération, située à la fois dans un autre département et dans une autre région, la région Sud.

Quel préfet ces communes doivent-elles saisir pour régler leur problème ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Burgoa, le régime applicable en matière de stationnement des gens du voyage est prévu par la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

L’article 9 de cette loi permet aux maires, quelle que soit la nationalité des occupants, de demander au préfet du département de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.

Cette mise en demeure n’est possible que si le stationnement viole les dispositifs d’un arrêté du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale interdisant le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil et des terrains dédiés. Cette occupation doit en outre porter atteinte à la sécurité, à la tranquillité ou à la salubrité publiques.

En dehors de l’hypothèse du stationnement illicite, le maintien de l’ordre public sur le territoire d’une commune relève en principe de la compétence du maire en tant qu’autorité titulaire du pouvoir de police générale.

Toutefois, en application de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet est compétent pour prendre toute mesure relative au maintien de l’ordre public si aucune mesure n’a été prise par le maire malgré une mise en demeure restée sans résultat.

La commune de Villeneuve-lès-Avignon – vous venez de l’indiquer – est membre de la communauté d’agglomération du Grand Avignon, qui regroupe, comme le permet le code général des collectivités territoriales, des communes appartenant à deux départements différents et dont le siège est situé en Vaucluse.

Pour autant, c’est bien le préfet du Gard qui est compétent, dans la mesure où la commune de Villeneuve-lès-Avignon est située dans ce département.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.

M. Laurent Burgoa. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, de la réponse que vous venez d’apporter à ces maires, notamment celui des Angles, récemment élu.

Je me doutais bien que c’était Mme la préfète du Gard, qui entretient d’ailleurs d’excellentes relations avec les élus, qui était compétente.

Non seulement cette problématique des aires d’accueil peut emporter des conséquences en termes de sécurité, mais elle pose aussi un problème de compétence, dans la mesure où ces aires relèvent à la fois des attributions des agglomérations et de la politique de la ville.

Il est très compliqué pour un nouvel élu de savoir quelle est l’autorité compétente en la matière, d’autant que la gestion des aires d’accueil peut concerner divers départements et diverses régions.

Permettez-moi de nouveau de vous remercier d’avoir éclairé les élus des Angles.

adaptation de la procédure et des critères de reconnaissance d’état de catastrophe naturelle ainsi que du mode de financement des indemnisations

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, auteur de la question n° 389, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. François Bonhomme. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la procédure de reconnaissance d’état de catastrophe naturelle des communes confrontées à des phénomènes de retrait-gonflement des argiles, et sur le financement de la couverture de ce risque.

Vous le savez, ce phénomène, qui touche près de la moitié du territoire national, a des conséquences souvent désastreuses tant pour l’habitat individuel que pour les bâtiments publics, ces derniers subissant alors d’importantes dégradations.

Le coût de la réparation ou de la sauvegarde du bâti se révèle très souvent impossible à supporter pour les propriétaires, sans une protection assurantielle liée à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Un dédommagement est, certes, prévu depuis 1989 dans le cadre du régime dit CatNat et de la loi du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, mais la règle mise en œuvre par l’autorité administrative pour instruire les demandes des communes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle reste très insatisfaisante. Seule la moitié des communes concernées parviennent en réalité à obtenir une telle reconnaissance.

Par ailleurs, face à l’accroissement du phénomène de retrait-gonflement, la question du financement de ce risque se pose. Son coût total est évalué à plus de 3 milliards d’euros pour les prochaines années.

En outre, l’ordonnance du 8 février 2023, qui doit permettre d’accroître le nombre de communes susceptibles d’être reconnues en état de catastrophe naturelle, limiterait les indemnisations aux sinistres les plus graves, faisant sortir certains propriétaires de la couverture assurantielle.

Madame la ministre, quelles dispositions complémentaires comptez-vous prendre pour que les communes concernées par le phénomène de retrait-gonflement puissent bénéficier de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et, surtout, que l’ensemble des propriétaires touchés soient éligibles à l’indemnisation des dommages prévue en pareil cas, y compris pour ceux d’entre eux qui décideraient d’abandonner leur habitation ? Enfin, quel plan de financement envisagez-vous pour maintenir l’équilibre du régime CatNat ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Bonhomme, l’indemnisation des dégâts provoqués par le phénomène de sécheresse-réhydratation des sols est assurée par la garantie catastrophe naturelle.

Conscient des limites des modalités actuelles de prise en charge des effets de ce phénomène, le Gouvernement a été habilité à entreprendre par voie d’ordonnance, au titre de l’article 161 de la loi 3DS, une réforme des modalités d’indemnisation du phénomène de sécheresse-réhydratation des sols au sein du régime de la garantie catastrophe naturelle.

Ainsi, l’ordonnance du 8 février 2023 prévoit : un assouplissement des critères pris en compte pour analyser le caractère anormal des épisodes de sécheresse ; une prise en compte des communes ayant subi une succession anormale de sécheresses d’ampleur significative, mais dont l’intensité mesurée, année après année, n’est pas exceptionnelle ; une meilleure prise en compte de la situation des communes adjacentes à celles reconnues en état de catastrophe naturelle, afin de répondre aux effets de bord des critères actuels. Elle prévoit également l’encadrement des modalités de réalisation des expertises diligentées par les assureurs, qui sera assorti de contrôles et de sanctions pesant sur les experts des assureurs ne remplissant pas les exigences de qualité ; ces dernières seront fixées par décret.

Enfin, l’indemnisation sera concentrée sur les sinistres susceptibles d’affecter la solidité ou d’entraver l’utilisation normale du bâtiment endommagé. Le Gouvernement souhaite accompagner en priorité les sinistrés confrontés à des dommages matériels affectant la solidité de l’habitation ou susceptibles de créer des dommages graves à terme.

En outre, l’ordonnance prévoit d’augmenter le nombre de communes éligibles à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Vous le voyez, le Gouvernement est toujours pleinement mobilisé sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Madame la ministre, j’entends votre réponse, qui ne me surprend pas.

Simplement, vous n’avez pas répondu sur les conditions de l’équilibre financier du régime CatNat, prévu à très moyen terme. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estime à 10 millions le nombre d’habitations concernées et le coût cumulé de la sinistralité sécheresse à 43 milliards d’euros dans les vingt prochaines années.

Si un effort de financement n’est pas fourni, il faudra malheureusement réduire encore plus le nombre de bénéficiaires de ce régime d’indemnisation.

délais de délivrance des titres d’identité

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, auteure de la question n° 445, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Corinne Féret. Je souhaiterais le Gouvernement interroger sur les délais de délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports, ainsi que sur les difficultés perdurant dans le Calvados et, plus largement, sur l’ensemble du territoire national.

Les Français ont davantage besoin de présenter un titre d’identité en cours de validité que par le passé. Or la crise sanitaire, l’effet du Brexit et l’augmentation structurelle de la demande ont pour conséquence un allongement des délais de délivrance. Actuellement, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous en mairie serait de cinquante-huit jours, voire bien plus dans certains territoires, particulièrement en zones urbaines.

Malgré le plan d’urgence lancé par le Gouvernement en mai 2022, les résultats restent très insuffisants.

Cette année, près de 14 millions de Français doivent refaire leur pièce d’identité, soit 5 millions de plus que l’an dernier. Pour faire face à la demande, les collectivités devront certainement embaucher, ce qui aura un coût.

De même, force est de constater que les élus locaux – et, au premier chef, les maires – et les agents communaux sont les victimes collatérales des dysfonctionnements observés. Confrontés à la frustration d’usagers agacés par les délais d’attente, il n’est pas rare qu’ils soient victimes de violence verbale, voire pire.

Il semblerait également que la nouvelle carte nationale d’identité sécurisée suscite un véritable engouement. L’été approchant, les demandes augmenteront encore.

Je souhaiterais donc savoir ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour assurer un délai raisonnable de délivrance de titres d’identité aux usagers, l’objectif devant être aussi de garantir une offre de proximité pour tous sur l’ensemble du territoire national.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Féret, en 2022, face à l’augmentation exceptionnelle des demandes de titres d’identité et, concomitamment, de celle des délais de délivrance, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a mis en place de nouvelles mesures.

En effet, l’accompagnement des mairies est une priorité et les mesures prises doivent permettre de limiter les conséquences de l’augmentation continue de la demande sur leurs services.

La définition de règles nationales de priorisation du traitement des demandes et de mesures dérogatoires favorables au passage d’examen avec un titre périmé depuis moins de cinq ans doit ainsi permettre de contenir le volume des demandes.

Le moteur national de recherche de rendez-vous déployé permet aux usagers de connaître les disponibilités dans une zone géographique donnée et de réduire le nombre de rendez-vous non honorés. L’enregistrement d’une prédemande en ligne est encouragé, car il permet de limiter la durée des rendez-vous de recueil et d’augmenter le nombre de rendez-vous assurés. Le soutien financier est également prévu, grâce à la revalorisation exceptionnelle de la dotation pour les titres sécurisés, afin de porter l’enveloppe globale à 73 millions d’euros en 2023.

Pour une plus grande proximité avec les usagers, 500 nouveaux dispositifs supplémentaires sont en cours de déploiement d’ici à la fin du mois d’avril. Cette nouvelle augmentation significative du nombre de communes pouvant accueillir les demandes des usagers contribuera à la réduction des tensions que vous relevez.

En outre, la récente loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur prévoit d’affecter des effectifs supplémentaires pérennes. Le suivi attentif du maillage territorial des dispositifs de recueil (DR) et l’accompagnement quotidien des communes traduisent l’engagement du Gouvernement à garantir un service de proximité de qualité pour tous les usagers sur l’ensemble du territoire national.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.

Mme Corinne Féret. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

J’ai été alertée par plusieurs maires de mon département, le Calvados, qui m’ont fait part de leur inquiétude, voire des difficultés qu’ils rencontrent depuis plusieurs mois.

Les nouveaux moyens que vous annoncez nécessiteront aussi un peu de temps pour être mis en place : du temps pour l’installation des machines, du temps de formation des agents. Or il y a urgence, car nos concitoyens attendent depuis trop longtemps maintenant.

politique de développement de l’habitat inclusif

M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, auteur de la question n° 413, transmise à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Jean Pierre Vogel. Promu par le Gouvernement, l’habitat inclusif, défini par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, fait l’objet d’un financement particulier, celui de la prestation d’aide à la vie partagée.

Il est destiné aux personnes handicapées ou âgées choisissant un mode d’habitation individuelle qui garantisse inclusion sociale et vie autonome, tout en restant au domicile. La demande est – on peut le comprendre – croissante et le regroupement de plusieurs personnes handicapées est indispensable à la mutualisation des prestations financées par le conseil départemental.

L’association départementale des infirmes moteurs cérébraux (Adimc) de la Sarthe a développé depuis 1994 un habitat inclusif de seize logements adaptés aux personnes atteintes d’un handicap moteur, aux caractéristiques PMR++, pour lesquels chacune d’entre elles bénéficie d’un bail d’habitation à titre personnel, dans un immeuble comptant vingt-cinq appartements.

Or la commission de sécurité du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de la Sarthe a requalifié l’immeuble en établissement recevant du public (ERP), en se fondant sur un arrêté datant de 1980, aux termes duquel la présence de plus de six personnes en situation de handicap dans un même immeuble emporte de facto cette qualification.

Le bailleur social propriétaire n’ayant pas réalisé les travaux d’adaptation de l’immeuble dans les délais impartis, le maire du Mans en a prononcé la fermeture administrative, et tous les occupants se trouvent menacés d’une expulsion imminente, aucune solution de relogement adaptée n’étant trouvée pour les occupants handicapés.

Par conséquent, il existe une incompatibilité entre les réglementations ERP et habitat inclusif regroupant plus de six logements pour PMR (personnes à mobilité réduite), avec des conséquences lourdes : probable classification en ERP de tous les habitats inclusifs, nouvelles fermetures administratives, menaces d’expulsion, coup d’arrêt à l’habitat inclusif.

Madame la ministre, quelles dispositions urgentes entend prendre le Gouvernement aussi bien pour sauvegarder l’habitat inclusif existant que pour permettre son développement ?

Envisagez-vous de soutenir financièrement les bailleurs publics et privés, afin qu’ils prévoient la création de logements adaptés à l’habitat inclusif – six au maximum, sans doute, pour échapper à la qualification d’ERP – dans toute construction nouvelle, afin de permettre la mutualisation des prestations handicap et d’imposer, peut-être, un certain nombre de logements destinés à l’habitat inclusif au sein de chaque nouvelle construction ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Vogel, le cadre général de la sécurité incendie des locaux d’hébergement relève de la réglementation relative aux habitations portée par le ministère en charge de la construction.

Cependant, la réglementation relative aux ERP relevant du ministère de l’intérieur et des outre-mer peut s’y substituer pour garantir la sécurité des usagers dès lors qu’ils sont à l’extérieur de leur domicile – internat scolaire, hôtel, etc. – ou que l’aptitude de ceux-ci ne leur permettrait pas de se soustraire seuls aux effets d’un incendie.

L’habitat inclusif, qui est une solution de logement de substitution à l’habitat individuel isolé et à la vie collective en résidence pour les personnes âgées et les personnes handicapées, fait actuellement l’objet d’échanges interministériels visant à concilier la préservation du lien social avec l’impérieuse nécessité de protéger nos populations les plus fragiles, particulièrement exposées lors d’un incendie.

Dans le cas cité en exemple, le bâtiment concerné comporte quinze logements répartis dans des étages, accueillant des personnes infirmes moteurs cérébraux, reconnues comme des personnes souffrant d’un handicap sévère, les privant d’autonomie pour accomplir les actes de la vie quotidienne. En application de la réglementation, la sous-commission départementale de sécurité a proposé au maire, après une visite sur place en avril 2022, le classement en ERP.

Le propriétaire n’ayant pas mis son bâtiment en conformité avec la réglementation, le maire a pris un arrêté de fermeture le 8 décembre 2022, qui a fait l’objet d’un contentieux administratif. Le Conseil d’État a confirmé, par une ordonnance du 20 février 2023, le statut d’ERP de ce bâtiment, en s’appuyant notamment sur la situation de fragilité des résidents.

Par conséquent, les porteurs de projet doivent intégrer que l’autonomie du public accueilli est un des critères déterminants du statut juridique de l’établissement.

attractivité pour les professionnels de santé des territoires voisins des zones de revitalisation rurale

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, auteur de la question n° 493, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la ministre, ma question porte sur la situation des communes limitrophes ou situées à proximité des zones de revitalisation rurale (ZRR).

En effet, les ZRR sont un dispositif indispensable pour un certain nombre de collectivités, puisqu’il concerne près de 18 000 d’entre elles en France, en leur accordant des avantages fiscaux et sociaux pour conforter leur attractivité.

Pour autant, un certain nombre de communes situées à proximité de ces zones rencontrent des difficultés pour attirer des professionnels, notamment de santé. En effet, le régime intéressant des communes voisines situées en ZRR incite ces professionnels à y visser leur plaque.

Quels sont les dispositifs prévus et les réflexions en cours au sein du Gouvernement pour réduire l’« effet frontière » ou l’effet de seuil et d’éviter que ces communes, qui ont également besoin d’attirer des professionnels, ne pâtissent de la proximité d’une zone plus attractive ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Lemoyne, les zones de revitalisation rurale sont un dispositif d’exonération fiscale et sociale – vous l’avez indiqué – visant à favoriser l’attractivité des territoires ruraux.

Parmi ces aides, un dispositif d’exonération fiscale pour les médecins généralistes exerçant dans une commune en ZRR est effectivement présent. Comme vous l’indiquez, et comme c’est le cas pour la plupart des dispositifs de zonage, des « effets frontière » peuvent exister.

Le dispositif ZRR prend fin au 31 décembre 2023. Depuis l’été 2022, je travaille sur l’avenir des ZRR. Ce travail repose sur une mission que j’ai confiée au préfet François Philizot, avec le soutien de la direction générale des collectivités locales (DGCL).

Les effets de bord ou de frontières inhérents aux ZRR sont bien identifiés, notamment en matière de déserts médicaux, et l’un des objets de cette mission est d’y apporter une solution.

Cette problématique rejoint aussi, en partie, celle des communes rurales qui ne sont pas classées en ZRR, car appartenant à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n’étant lui-même pas classé en ZRR.

Nous travaillons donc à un mécanisme permettant, par dérogation à l’application d’une méthode nationale de calcul au niveau des EPCI, de faire entrer certaines communes dans le dispositif, dès lors qu’elles répondent aux critères de zonage.

Ainsi, dans les semaines qui viennent, des annonces seront faites sur l’avenir des ZRR à compter du mois de janvier 2024, mais également sur une nouvelle déclinaison de l’agenda rural, sous l’appellation générale de France Ruralité.

Ces annonces trouveront leur place dans un plan national ambitieux à destination des territoires ruraux. Celui-ci tiendra évidemment compte des problématiques que vous évoquez, en y apportant des solutions concrètes et adaptées à chaque territoire. J’aurai alors plaisir à vous le présenter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments d’orientation.

Que les choses soient claires : encore une fois, il ne s’agit pas de remettre en cause les ZRR. J’espère que le travail engagé sur ce sujet, entre autres par nos collègues Bernard Delcros et Frédérique Espagnac, permettra de conforter ce régime et de trouver des solutions pour les communes riveraines voisines de ces zones.

C’est exactement le sens des déclarations du Premier ministre Jean Castex, lors de son déplacement à Migennes dans l’Yonne, alors que le maire de l’époque l’avait sensibilisé à cette question. Le Premier ministre s’était alors montré ouvert à des dispositions qui trouveraient leur place dans un projet de loi de finances (PLF) ou un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Nul doute que les orientations évoquées permettront de continuer le travail et – je l’espère – de le faire aboutir.

définition du potentiel fiscal et financier des communes

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 153, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Bruno Belin. Madame la ministre, je voudrais revenir sur la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.

Celle-ci a été un véritable séisme pour un certain nombre de collectivités, comme les départements. Ceux-ci ont perdu la clause de compétence générale, la compétence économique et une des compétences de proximité les plus symboliques, le transport scolaire, transféré aux grandes régions, qui naissaient alors et connaissaient moins le terrain.

Il y aurait beaucoup à dire sur ces grandes régions, qui n’ont permis de réaliser aucune économie de fonctionnement depuis sept ou huit ans et qui ont parfois conservé leur hôtel de région dans d’anciennes capitales régionales.

Cette loi a été un cataclysme pour les collectivités locales, et sans doute pour les plus rurales d’entre elles.

En effet, elles ont dû, parfois contre leur gré, intégrer des établissements publics de coopération intercommunale de grande taille, comme des communautés urbaines.

Je connais plusieurs exemples de communes dans le département de la Vienne, autour de Poitiers, dont le potentiel financier a mécaniquement doublé ou triplé, alors que les maires s’interrogent, puisque la population de leur commune n’est pas devenue plus riche.

La conséquence immédiate a été l’effondrement de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Or, actuellement, des communes sont asphyxiées, essaient de travailler à l’élaboration de leur budget sans y parvenir et ne peuvent avoir un budget d’investissement, car leur budget de fonctionnement n’est pas bouclé. Je pense à des communes, comme Liniers, Bonnes ou Cloué, qui essaient de survivre.

Quelle est la position du Gouvernement pour aider ces collectivités asphyxiées ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Belin, le potentiel fiscal et le potentiel financier communaux ont pour vocation de retranscrire, de la manière la plus objective possible, en neutralisant les choix budgétaires et de gestion des collectivités locales, le niveau de ressources libres d’emploi qu’une commune est en mesure de retirer, à la fois de la fiscalité locale et de la fiscalité transférée qu’elle peut percevoir, mais aussi la richesse qu’elle tire de son appartenance à un EPCI à fiscalité propre.

En effet, au sein d’un EPCI à fiscalité propre, une commune bénéficie, directement ou indirectement, des produits de fiscalité économique, des prélèvements ou reversements fiscaux intercommunaux ou bien encore de la répartition des attributions de compensation décidées par le conseil communautaire.

Ce mode de calcul, commun à l’ensemble des communes appartenant à un EPCI faisant l’application du régime de la fiscalité professionnelle unique, ce qui est le cas de 90 % des communes, assure la comparabilité de leur niveau de ressources potentielles entre elles et constitue la condition sine qua non d’une répartition objective et équitable des différentes composantes de la DGF à l’échelon national.

Cependant, je vous rejoins sur le fait que l’échelon local joue un rôle essentiel pour assurer une plus grande solidarité entre les communes. Pour cela, il dispose d’outils dédiés. En effet, plusieurs mécanismes fiscaux permettent d’assurer une plus forte péréquation des ressources en direction des communes les moins dotées, comme la révision libre des attributions de compensation ou l’institution d’une dotation de solidarité communautaire (DSC). J’ajouterai également qu’il existe un dispositif de répartition locale de la DGF, dont les élus peuvent se saisir pour définir des règles de réallocation des attributions de DGF qui leur sont notifiées.

Grâce à l’ensemble de ces outils, les collectivités ont donc la possibilité de faire jouer la solidarité intercommunale. J’ajoute que je suis à votre entière disposition pour poursuivre ces échanges.

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.

M. Bruno Belin. Madame la ministre, je vous ai bien écoutée, et l’Évangile selon saint Bercy, nous le connaissons ! (Sourires.) Or la réalité du terrain est tout autre aujourd’hui.

Ainsi, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), également bien connu – j’ai moi-même présidé une intercommunalité pendant une quinzaine d’années – nécessite l’unanimité du conseil communautaire, ce qui ne marche pas.

Par conséquent, des moyens de créer des fonds de compensation pour sauver les communes rurales doivent absolument être trouvés. (M. Olivier Cigolotti et M. Vincent Segouin applaudissent.)

périmètre pris en compte dans les décomptes de l’objectif du dispositif zéro artificialisation nette

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, auteur de la question n° 338, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Cédric Vial. Ma question a trait au dispositif du « zéro artificialisation nette », dit ZAN, inscrit dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, qui a des effets directs sur les collectivités territoriales.

Dans son discours de clôture du congrès des maires, Mme la Première ministre a confirmé l’objectif de 2050 pour la désartificialisation des sols. Elle a également précisé que les objectifs devaient être territorialisés et différenciés, sans trahir les ambitions nationales. Elle a aussi indiqué que les projets d’envergure nationale seront décomptés à l’échelle nationale.

Ces annonces sont des éléments importants pour les collectivités. Toutefois, des questions subsistent. Par exemple, en Isère, l’entreprise STMicroelectronics a annoncé une extension de son usine qui permettra de doubler la capacité de production, avec, à la clé, la création de plus de 1 000 emplois sur place.

Ce projet entre dans la stratégie de la politique nationale de soutien de la filière électronique, en termes de développement industriel, comme le Président de la République a pu le préciser lors de son déplacement sur le site de cette entreprise.

Toutefois, pouvez-vous nous indiquer si cette extension sera décomptée à l’échelle nationale et quel décompte sera pris en compte, uniquement le tènement foncier de cette extension ou aussi les conséquences de l’arrivée de 1 000 nouveaux salariés sur le territoire ?

En effet, ces créations d’emplois se traduiront par des logements supplémentaires, des services publics et équipements complémentaires. Ceux-ci seront-ils intégrés au décompte ?

Si ce projet n’est pas pris en compte au niveau national, ses conséquences auraient a minima des effets sur l’enveloppe foncière disponible de trois schémas de cohérence territoriale (Scot) différents, ce qui empêchera quasiment toute autre forme de développement endogène.

Or une augmentation de leur enveloppe ne pourrait être envisagée qu’en révisant à la baisse la capacité de développement des autres Scot régionaux, afin de conserver les objectifs à l’échelle du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), qui devra lui aussi être modifié.

Compte tenu des délais de mise à jour de ces multiples documents, l’entreprise devra attendre plusieurs années avant de pouvoir déposer un permis de construire. Si nos entreprises doivent attendre l’évolution de ces documents-cadres pour déposer un début de projet se pose alors la question de la réactivité nécessaire pour notre autonomie industrielle. L’intervention des différents documents Sraddet, Scot et plan local d’urbanisme (PLU) pourraient rendre tout projet important de ce type impossible à mettre en œuvre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Vial, M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.

La Première ministre a réaffirmé l’objectif national d’atteindre le ZAN des sols en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) au cours de la décennie 2021-2030.

La préservation des sols est en effet nécessaire pour stocker du carbone, préserver la biodiversité et nous protéger face aux effets du changement climatique.

Vous évoquez plus spécifiquement la problématique des grands projets nationaux. Le Gouvernement s’est à plusieurs reprises exprimé sur le fait qu’il souhaitait que les projets d’envergure nationale soient décomptés non pas à l’échelle de chaque région, mais à l’échelle nationale, afin de permettre une mutualisation des efforts.

Cette mesure est en cours de discussion, dans le cadre de la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de ZAN au cœur des territoires.

Concernant les projets économiques jugés d’intérêt national, une réflexion sur leur périmètre est en cours, avec des évolutions possibles dans le cadre du projet de loi Industrie verte de mes collègues Bruno Le Maire et Roland Lescure.

Par ailleurs, la loi Climat et résilience organise déjà la possibilité de recourir à une mutualisation des projets d’envergure au niveau régional. Vous proposez que soient identifiés les besoins induits par les projets d’ampleur nationale ou régionale, en termes d’infrastructures, d’équipements ou de logements, connexes au projet lui-même.

Cette approche disproportionnée conduirait à prendre en compte des projets pouvant relever exclusivement d’enjeux et de considérations locaux, sans présenter d’enjeux régionaux ou suprarégionaux. Le Sénat n’y est pas favorable, les amendements que vous avez défendus sur le sujet n’ayant pas été adoptés.

difficultés du dispositif maprimerénov’

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 448, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Olivier Cigolotti. Ma question concerne le dispositif MaPrimeRénov’ qui rencontre actuellement de nombreux et importants dysfonctionnements.

Cette mesure gouvernementale encourageant la rénovation énergétique des logements et l’éradication des passoires thermiques a incité les ménages et les entreprises, le plus souvent artisanales, à se lancer dans des travaux importants.

Une telle incitation financière a engendré une forte augmentation du nombre de dossiers.

Cependant, du fait des difficultés rencontrées par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), opérateur en charge de la gestion et de la logistique de la distribution de ces primes, les entreprises, tout comme les particuliers sont souvent toujours en attente du versement des montants alloués par MaPrimeRénov’.

Cette situation leur est extrêmement préjudiciable et ces bénéficiaires sont contraints d’effectuer des avances répétées de trésorerie, qui deviennent très dures à supporter.

Certains se trouvent même confrontés à des négociations difficiles avec les banques pour soutenir leur trésorerie et, dans les cas les plus extrêmes, à la perspective d’une cessation d’activité.

Au regard de la situation, il s’agit non pas d’incriminer telle ou telle structure, mais simplement d’alerter sur une situation qui devient de plus en plus préoccupante dans un certain nombre de départements, dont le mien, la Haute-Loire.

Les difficultés de versement de MaPrimeRénov’ remettent en cause l’existence même de certaines entreprises et pénalisent également les ménages, notamment les plus modestes.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour hâter et sécuriser le versement de cette prime indispensable à l’accélération de la rénovation énergétique du parc de logements français ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Cigolotti, MaPrimeRénov’ est la principale aide de l’État pour accompagner les ménages dans leur projet de rénovation énergétique. Elle a permis de soutenir plus de 1,4 million d’usagers depuis son lancement au mois janvier 2020.

Dans un contexte de forte demande et de montée en puissance du dispositif, certaines demandes ont pu rencontrer des difficultés à aboutir dans les délais habituels. Toutefois, le nombre de cas est très limité. L’Anah se mobilise très fortement pour fluidifier le parcours des usagers grâce à la mise en place d’une équipe dédiée aux situations les plus difficiles. Les dossiers en difficulté font l’objet d’un suivi individualisé pour résoudre au plus vite ces situations. L’Anah met tous les moyens nécessaires en œuvre pour assurer la qualité et la rapidité du traitement des dossiers.

Le délai moyen de traitement pour un dossier MaPrimeRénov’ est inférieur à cinq semaines. Pour un dossier complet et ne nécessitant aucun contrôle renforcé, il est d’environ deux semaines pour une demande de subvention et d’environ trois semaines, pour en obtenir le paiement. Lorsqu’un dossier nécessite des documents justificatifs complémentaires ou fait l’objet d’un contrôle sur place pour lutter contre la fraude, ces délais peuvent être allongés et atteindre trois mois.

Il ne s’agit donc pas de nier les difficultés – mais de les ramener à une juste proportion –, alors que le dispositif connaît un succès indéniable et qu’il est un pilier de notre politique de rénovation énergétique. L’amélioration de l’information aux usagers est également une priorité avec l’objectif d’accompagner l’augmentation du volume de projets de rénovation.

La création du service public France Rénov’ en 2022, complétée par la montée en charge progressive de Mon Accompagnateur Rénov’ en 2023, facilitera le parcours des ménages ayant un projet de rénovation.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour la réplique.

M. Olivier Cigolotti. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Le dispositif MaPrimeRénov’ a suscité beaucoup d’intérêt en raison des possibilités qu’il offrait en termes de travaux de rénovation énergétique, mais il est actuellement source de grande déception, tant à cause des délais de paiement, que des difficultés opérationnelles qu’il crée ; vous en avez convenu.

Il est plus qu’urgent de fluidifier le traitement de ces dossiers en attente et à venir.

moulins, seuils et préservation du patrimoine

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, auteur de la question n° 504, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Vincent Segouin. Ma question a trait à la suppression des moulins et des seuils. Elle porte notamment sur le cas précis des seuils de l’Orne, dont certains sont actuellement fortement menacés par les arrêtés pris en préfecture.

Même si le Gouvernement a prétendu vouloir s’engager pour la sauvegarde de notre patrimoine, il apparaît qu’il reste des domaines dans lesquels les actes ne sont pas à la hauteur des attentes relatives à la préservation des monuments historiques et culturels de nos territoires.

Ce manque de considération à l’égard de notre héritage le conduit tout droit à sa stricte disparition. Pire que cela, une telle absence de politique de préservation aboutit à la destruction volontaire de bon nombre de monuments historiques qui font la fierté, l’honneur et l’histoire de nos territoires.

Cette situation s’est particulièrement illustrée dans mon département de l’Orne par la commande de l’effacement du seuil de la bataille à Clercy en 2010 par le préfet, et ce sans discussions.

Cet effacement a eu lieu, alors même qu’avait été proposé, au préfet et à la direction départementale des territoires, un projet de microcentrale hydroélectrique par la réhabilitation d’un bâtiment historique dont l’origine remonte au XIIIe siècle. Nous ne nous en sommes pas remis.

De nombreux moulins faisant encore partie de ces catégories étant en passe d’être détruits, je m’interroge logiquement aujourd’hui sur la constance de l’engagement du ministère ou sur le respect de la parole ministérielle dans les administrations de nos départements, alors que ces dernières n’ont pas suivi la réponse formulée par vos prédécesseurs lors des deux précédentes questions que je leur avais déjà adressées sur le sujet.

Le Gouvernement m’avait pourtant assuré de la sauvegarde des moulins à forte valeur patrimoniale ou producteurs de petite hydroélectricité.

Madame la ministre, pouvez-vous préciser l’orientation suivie en termes de continuité écologique, de préservation du patrimoine et de production propre ?

Ces politiques sont-elles partagées par l’ensemble des ministres concernés ?

L’information est-elle relayée auprès des préfets et des administrations compétentes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Segouin, les enjeux du patrimoine ne sont pas incompatibles avec ceux de la politique de continuité écologique.

En effet, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires travaille avec le ministère de la culture pour identifier les ouvrages pour lesquels une thématique patrimoniale nécessite une attention particulière.

Des effacements ou arasements de moulins ont pu avoir lieu dans l’Orne et dans d’autres départements sans que cela soit contradictoire avec la sauvegarde du patrimoine. Ces opérations ne touchent en général qu’au seuil du moulin et peuvent être l’occasion de rénover des éléments clés du moulin.

Pour ce qui concerne le seuil de la bataille de Clécy, la solution mise en œuvre a fait l’objet d’une concertation au sein de la commission locale de l’eau du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) Orne moyenne. Conformément aux recommandations de ce Sage, la hauteur de l’ouvrage a été réduite.

Vous évoquez également la production d’électricité des moulins. Les débats de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ont permis de le rappeler, la contribution des moulins au mix énergétique reste modeste et ne peut justifier des atteintes au milieu aquatique. Cela étant, depuis août 2021, la loi interdit aux services de l’État de prescrire l’effacement d’un moulin pour répondre à l’obligation de rétablissement de la continuité écologique. Des consignes ont été adressées en ce sens, et elles sont bien respectées.

Néanmoins, un propriétaire peut toujours demander l’abrogation de son droit d’utiliser la force motrice de l’eau et souhaiter la remise en état du cours d’eau plutôt que d’aménager et de continuer à supporter les charges d’entretien d’un seuil en rivière qui peut être coûteux et chronophage. Il n’appartient pas aux services du ministère de s’opposer à une telle requête.

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.

M. Vincent Segouin. Madame la ministre, je vous ai bien entendue. Toutefois, ce sont non pas les propriétaires, mais les organismes de sauvegarde de la continuité écologique qui demandent l’arasement de ces seuils.

Peu importe la valeur patrimoniale ou la contribution à la production d’hydroélectricité : vous venez vous-même de dire qu’elle est jugée insuffisante. Mais de telles décisions provoquent un grave traumatisme chez les propriétaires et au sein des populations.

Ce que nous voulons, c’est tout simplement une administration compréhensive, attentive et objective. En effet, l’administration ne saurait être partisane.

sanctuarisation de la circonscription portuaire du havre face aux objectifs du « zéro artificialisation nette »

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 505, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Agnès Canayer. L’axe Seine est l’artère fluviale et naturelle de notre pays. De plus, son lien étroit avec Haropa, premier port commercial de France, en fait la route stratégique de notre politique exportatrice.

Relais entre la capitale et la façade maritime françaises, l’axe Seine est aussi un outil majeur de notre réindustrialisation. En témoigne son inscription, en 2019, au programme Territoires d’industrie, qui concerne aujourd’hui plus de 20 % de l’emploi industriel en France. Mais, dans ses boucles comme dans son estuaire, la Seine est concernée par le principe du ZAN.

L’application stricte du ZAN en Seine-Maritime illustre bien les contraintes majeures que l’on risque d’imposer à nos territoires face à leurs grands besoins fonciers, notamment dans les circonscriptions portuaires.

Moteurs de la décarbonation, l’usine H2V à Saint-Jean-de-Folleville, l’association Incase à Caux-Seine ou encore le projet Synerzip au Havre bloqueront demain toutes les initiatives de l’axe Seine dès lors qu’ils seront inclus dans le compte foncier des territoires où ils sont implantés.

Sans compte foncier séparé pour l’axe Seine, la ligne nouvelle Paris-Normandie ou Haropa Port, l’ensemble des politiques de développement local, seront mises à l’arrêt. Je pense, par exemple, à Port-Jérôme 3 à Port-Jérôme-sur-Seine.

On se heurte également aux problèmes de la compensation environnementale et aux difficultés provoquées par l’absence de volet fiscal incitant à la réutilisation des friches.

Le Gouvernement compte-t-il clairement inscrire sur les comptes fonciers nationaux prévus par la loi les opérations d’aménagement dans les circonscriptions portuaires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Canayer, rien moins que 20 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés chaque année en moyenne en France.

Les conséquences de ce phénomène sont non seulement écologiques, mais aussi socioéconomiques. En effet, la France s’est fixé l’objectif d’atteindre le ZAN des sols en 2050. Elle a également retenu l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’Enaf dans les dix prochaines années.

La loi Climat et résilience permet déjà aux régions d’assurer en leur sein la mutualisation des projets d’envergure, comme ceux de Haropa port.

En outre, Mme la Première Ministre s’est déclarée favorable à une évolution législative, de sorte que les projets d’envergure nationale ne soient pas décomptés à l’échelle de chaque région, mais bien mutualisés à l’échelle nationale. De cette manière, les territoires concernés ne seront pas pénalisés par leur implantation.

Lors de l’examen de la proposition de loi sénatoriale relative au ZAN, le Gouvernement a présenté un amendement visant à inclure explicitement les grands ports dans les projets d’envergure nationale : cette rédaction mentionne ainsi les actions ou opérations d’aménagement réalisées sur leur circonscription par un grand port maritime ou fluviomaritime de l’État, ou pour leur compte.

L’objectif de sobriété foncière est ambitieux, mais nécessaire. Pour accompagner les territoires dans cette démarche, plusieurs aides sont déjà déployées, que ce soit au travers du renforcement de l’ingénierie territoriale ou de l’encouragement à la contractualisation, ou encore par la mobilisation de leviers fiscaux et budgétaires, en particulier le fonds vert, qui a été doté de 2 milliards d’euros en 2023.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, qu’il n’y ait aucun malentendu entre nous : nous ne remettons évidemment pas en cause l’enjeu de sobriété foncière. Mais il ne faut pas décourager les territoires en inscrivant dans leur compte foncier des projets d’envergure nationale, comme ceux de nos ports. (Mme la ministre acquiesce.) Je vous remercie de votre réponse, qui va dans ce sens.

survie de la ligne de l’aubrac

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 474, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

M. Bernard Delcros. La ligne ferroviaire de l’Aubrac est une ligne emblématique du Massif central. Reliant Clermont-Ferrand à Béziers, elle dessert les départements du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Lozère, de l’Aveyron et de l’Hérault. Elle joue aussi un rôle essentiel pour le tissu économique en assurant le fret pour l’usine Arcelor-Mittal de Saint-Chély-d’Apcher, premier pourvoyeur d’emplois du secteur.

Sa portée symbolique et son intérêt touristique sont également très forts. Elle franchit le célèbre viaduc de Garabit, construit par Eiffel, ouvrage qui fait l’objet d’une demande de classement au patrimoine mondial de l’Unesco. Elle traverse en outre les gorges de la Truyère, lesquelles sont classées et font aujourd’hui l’objet d’une opération Grand Site de France.

Ce sont là autant d’atouts qui ont conduit l’État à renouveler le classement de cette ligne dans la catégorie des trains d’équilibre du territoire (TET) jusqu’en 2031, reconnaissant ainsi son intérêt national.

Malgré les travaux réalisés pour sauvegarder cette ligne, l’absence d’anticipation et d’entretien sur certains tronçons a conduit à sa fermeture durant onze mois en 2021. De surcroît, selon plusieurs sources, la ligne pourrait de nouveau fermer dans les mois à venir si des travaux n’étaient pas engagés rapidement, notamment sur le tronçon entre Andelat et Loubaresse, dans le Cantal.

Face à ces incertitudes, nous avons besoin d’être rassurés quant à la cohérence des politiques de l’État. Classer une ligne ferroviaire d’intérêt national avant de la fermer faute d’entretien ne serait ni cohérent ni acceptable. Aussi, pouvez-vous nous assurer que la ligne de l’Aubrac ne subira pas de nouvelle fermeture pour défaut d’entretien ou en raison de travaux non effectués ? Pourriez-vous nous indiquer le calendrier des travaux envisagés pour éviter une telle situation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Delcros, l’État est pleinement engagé aux côtés des régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes en faveur des lignes interrégionales de l’Aubrac et des Cévennes, auxquelles sont associés de forts enjeux financiers et d’aménagement pour les territoires qu’elles traversent. À preuve, il a intégralement tenu les engagements financiers qu’il avait pris au titre des contrats de plan État-région (CPER) 2015-2022, afin de maintenir la performance de ces deux lignes.

Par ailleurs, l’État a fait des propositions auxdites régions pour assurer le financement dans la durée des lourds investissements nécessaires à la sauvegarde de ces lignes, dans le cadre d’un projet de protocole d’accord interrégional destiné à donner une visibilité à dix ans et à définir une stratégie de long terme pour ces deux lignes. À ce jour, je suis en attente de leur réponse.

À plus court terme, sur la ligne de l’Aubrac, le remplacement de certains rails de type « double champignon » entre Neussargues et Saint-Chély-d’Apcher doit être effectué rapidement, afin de pérenniser les circulations ferroviaires de voyageurs et de fret sur cette section.

Je vous confirme que l’État est prêt à déployer sa part de financement pour réaliser cette opération. Les discussions se poursuivent avec les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes pour compléter le tour de table financier de ces travaux, prévus en 2024.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, de manière plus générale, on ne saurait considérer que le réseau des petites lignes appartient au passé.

Ces infrastructures sont une chance pour notre pays. Elles peuvent nous aider à répondre à des enjeux majeurs, comme la lutte contre le réchauffement climatique – je rappelle à cet égard que la ligne de l’Aubrac est électrifiée sur tout son parcours –, ou encore aux questions de mobilités en milieu rural, auxquelles je vous sais sensible.

Ne laissez tomber ni la ligne de l’Aubrac ni aucune autre petite ligne, d’autant que le Massif central a la chance de posséder un réseau assez dense de petites lignes ferroviaires.

nuisances sonores de l’aéroport lille-lesquin

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 483, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

Mme Martine Filleul. Ma question porte sur l’aéroport de Lille-Lesquin.

Si la modernisation de cet aéroport est nécessaire, son extension inspire de vives inquiétudes et des réactions de rejet de la part des habitants et des élus des communes avoisinantes.

L’agence régionale de santé (ARS) a alerté sur l’effet des nuisances sonores que provoquerait l’augmentation du nombre de vols de nuit, notamment sur l’apprentissage scolaire, les troubles du sommeil et les risques d’infarctus.

Face à ces menaces, qui pèsent sur la santé et la qualité de vie de 55 000 riverains, il est absolument nécessaire d’instaurer un couvre-feu de vingt-trois heures à cinq heures du matin. Cette mesure de bon sens et de responsabilité, que l’ARS préconise, s’applique déjà à nombre d’aéroports : Beauvais, Orly, Nantes ou encore Bâle-Mulhouse. Alors, pourquoi pas aussi Lille-Lesquin ?

Voilà plusieurs mois que le Gouvernement est saisi de cette question par les parlementaires, les élus locaux et la population elle-même. À chaque occasion, vous l’esquivez en nous renvoyant à une étude d’impact. Mais ce préalable n’est pas nécessaire pour prendre la bonne décision, préconisée par tous les experts, à savoir la mise en place d’un couvre-feu.

Allez-vous, oui ou non, instaurer ce couvre-feu pour protéger la santé de nos concitoyens ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Filleul, l’objectif affiché par le syndicat mixte des aérodromes de Lille-Lesquin et de Merville (Smalim), propriétaire de l’aéroport de Lille-Lesquin, et par son exploitant est de porter le trafic de passagers de l’aéroport de 2,2 millions en 2019 à 3,4 millions en 2039. L’ambition initiale, de 3,9 millions, a été réduite compte tenu des changements de pratiques des passagers utilisant l’avion.

En raison de la restructuration de la compagnie Hop ! à la sortie de la crise sanitaire, qui a conduit au maintien d’une seule ligne régulière – vers Lyon – et à l’abandon des dessertes de Bordeaux, Nantes, Marseille, Nice et Toulouse, le trafic s’est élevé à 1,8 million de passagers en 2022, le nombre de mouvements commerciaux s’élevant à 13 683, contre plus de 20 000 en 2019.

En outre, le Smalim et l’exploitant ont pris l’engagement de plafonner le nombre de vols de nuit au niveau de 2019, soit 1 566 mouvements hors vols d’avions de l’État et vols sanitaires.

Une étude d’impact, selon la méthodologie de l’approche équilibrée, a de plus été lancée à la demande du ministre chargé des transports. Elle est pilotée par le préfet du Nord.

De tels travaux préparatoires sont imposés par la réglementation nationale avant toute mesure de restriction d’exploitation sur un aéroport comme celui de Lille. Cette étude comprend des analyses socioéconomiques et des étapes de concertation de l’ensemble des parties prenantes du territoire. Elle permettra de déterminer les mesures de réduction du bruit et d’éventuelles restrictions d’exploitation adaptées à la situation locale et proportionnées d’un point de vue socioéconomique.

Une large concertation sera organisée dans ce cadre. Un point d’avancement est ainsi prévu lors de la réunion de la commission consultative de l’environnement (CCE), en juin prochain.

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.

Mme Martine Filleul. Madame la ministre, votre début de réponse ne correspond pas du tout à ce que j’attendais.

La modernisation économique est évidemment bienvenue, mais le plafonnement des vols de nuit n’est pas une solution satisfaisante.

Quant à l’étude d’impact en juin, j’en accepte l’augure. Vous évoquez l’échéance de juin. Mais sachez que les populations comme les élus du territoire sont très impatients de voir ces préconisations mises en œuvre.

pollution sonore générée par le trafic de l’aéroport d’orly

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 415, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

M. Jean-Raymond Hugonet. L’association de défense des riverains de l’aéroport de Paris-Orly (Drapo), que préside M. Gérard Bouthier, rassemble à ce jour plus de trente communes et trente associations riveraines de l’aéroport. À leurs côtés, nous militons depuis plus de vingt ans pour une exploitation rationnelle de l’infrastructure.

Cette approche vise à prendre en compte la protection de la santé, le respect des droits des populations survolées, ainsi que les impératifs d’une activité territoriale responsable et durable.

Le 12 juillet 2021, nous avons appelé à l’application du règlement européen qui établit les normes et procédures pour la réduction du bruit des grands aéroports.

Ce règlement exige que les États membres désignent une ou plusieurs autorités compétentes, indépendantes de toute organisation participant à l’exploitation de l’aéroport. Or, en retenant la direction générale de l’aviation civile (DGAC) comme autorité compétente, l’État français ne s’est pas conformé à cette règle d’indépendance.

Aussi, par sa décision du 5 avril 2022, le Conseil d’État a reconnu que la DGAC n’était pas impartiale et a demandé à la Première ministre de nommer une nouvelle autorité indépendante dans les six mois. Pourtant, voilà dix mois que la DGAC est toujours juge et partie.

Le Gouvernement peut-il nous expliquer pourquoi l’injonction du Conseil d’État n’est pas suivie d’effet ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Hugonet, vous appelez notre attention sur la pollution sonore engendrée par le trafic de l’aéroport de Paris-Orly, qui est d’ores et déjà soumis à un ensemble de contraintes à visée environnementale faisant l’objet d’une surveillance stricte par les autorités locales de l’aviation civile.

Depuis 1968, un couvre-feu y est en vigueur entre vingt-trois heures trente et six heures du matin. En outre, l’aéroport fait l’objet d’un plafonnement à 250 000 créneaux par an.

Adopté le 17 mars 2022, le plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) propre à l’aéroport d’Orly est par ailleurs le seul plan fixant un objectif de réduction de bruit quantifié : il s’agit de diminuer d’au moins 6 décibels l’indicateur moyenné de gêne sonore ressentie en période nocturne entre vingt-deux heures et six heures du matin tout en réduisant de 50 % le nombre de personnes affectées par de fortes perturbations du sommeil parmi la population exposée au bruit aérien sur la même période.

Une étude d’impact selon l’approche équilibrée, en application du règlement (UE) n° 598/2014, examinera les mesures et restrictions d’exploitation complémentaires qui pourraient être mises en œuvre pour atteindre cet objectif.

Comme vous le soulignez, par une décision du 5 avril 2022, le Conseil d’État a remis en cause le rôle de la DGAC comme autorité compétente en matière d’études d’impact, selon ladite approche.

Un projet de décret portant désignation d’une nouvelle autorité compétente est actuellement soumis à l’examen du Conseil d’État. L’aboutissement de cette réforme est un préalable indispensable à la réalisation de l’étude d’impact que j’évoquais.

Je vous assure que le Gouvernement est attaché aux politiques publiques concourant à la lutte contre les nuisances sonores.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Qu’en termes galants ces choses-là sont dites ! (Sourires.)

Madame la ministre, je vous le dis avec tout le respect que j’ai pour vous : votre gouvernement bafoue une décision du Conseil d’État. Il avait six mois pour désigner une nouvelle autorité compétente, et ce n’est toujours pas fait.

Voilà ce que nous attendons. Une nouvelle fois, je ne vous mets pas en cause personnellement, mais je déplore le sabir technocratique dans lequel vous nous répondez. Ce que nous voulons, c’est la désignation ferme et définitive d’une autorité totalement indépendante. Je le répète, tel n’est pas le cas de la DGAC.

méthodologie de la haute autorité de santé pour apprécier l’efficacité de certains traitements ciblés contre le cancer

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 497, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Pascale Gruny. Un article du journal Le Parisien daté du 8 février 2023 évoque un désaccord entre les médecins et la Haute Autorité de santé (HAS) quant à l’efficacité de certains traitements ciblés contre le cancer.

Ces traitements disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Selon les médecins, ils ont fait leurs preuves dans le cadre d’essais cliniques. Toutefois, la HAS estime que les données cliniques dont elle dispose aujourd’hui ne sont pas suffisantes pour considérer que le service médical rendu justifie une prise en charge par la solidarité nationale.

Face à la maladie, tous nos concitoyens doivent pouvoir bénéficier des meilleurs traitements. Il y va de leur confiance dans notre système de santé et de sécurité sociale. Dès lors, pourquoi la HAS considère-t-elle que ces traitements ne doivent pas être remboursés ? Nous avons besoin de reprendre ses décisions pour mieux les accepter. Dispose-t-elle réellement des outils nécessaires pour appréhender ces nouvelles thérapies ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice, mon collègue François Braun regrette de ne pouvoir être présent et me prie de vous fournir les éléments de réponse suivants.

En France comme en Europe, l’évaluation des produits de santé vise à garantir que les médicaments autorisés présentent un degré d’efficacité suffisant et un profil bénéfice-risque jugé favorable au regard des alternatives disponibles.

Dans notre pays, la prise en charge des produits de santé en général et des médicaments en particulier repose sur une double exigence : premièrement, parmi les médicaments au profil bénéfice-risque jugé favorable, il convient d’identifier les médicaments présentant un niveau d’efficacité justifiant leur prise en charge et, dans le cadre d’accès précoces, les médicaments pour lesquels la présomption de bénéfice est suffisamment forte pour assurer la prise en charge ; deuxièmement, il faut permettre à l’ensemble des patients éligibles d’accéder à ces médicaments.

La HAS est chargée, de manière collégiale et en toute indépendance, d’évaluer, pour chaque médicament dont on demande le remboursement par l’assurance maladie, le service médical rendu (SMR) et l’amélioration de ce dernier par rapport aux alternatives existantes.

Son niveau d’exigence est élevé, en particulier concernant les données soumises aux industriels en vue de cette évaluation. Des études cliniques comparatives randomisées en double aveugle restent ainsi un prérequis. Néanmoins elles sont parfois impossibles. Au sein de la HAS, la commission de la transparence a donc fait évoluer ses modalités d’évaluation pour tenir compte de ces situations particulières.

Si, pour certains traitements, la HAS conclut à une absence de SMR, elle ne prononce pas pour autant un refus de remboursement : s’ils sont destinés à l’hôpital, ces traitements sont pris en charge au travers des tarifs hospitaliers.

En parallèle, certains traitements font l’objet d’AMM dites « conditionnelles ». Cela signifie que le rapport bénéfice-risque n’a pas été confirmé de manière certaine et que l’Agence européenne du médicament (EMA) conditionne son autorisation à la collecte de nouvelles données pour confirmer la présomption de bénéfice clinique.

Enfin, notre système national de prise en charge précoce des médicaments permet aux patients souffrant de maladies graves et rares, pour lesquelles il n’y a pas d’autre traitement approprié disponible en France, d’accéder aux traitements présumés innovants. Ce système unique permet aux patients français d’accéder aux traitements les plus innovants, avant même qu’ils ne disposent d’une autorisation de mise sur le marché.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, en l’occurrence, ce sont des médecins qui ont réagi : des médecins qui expérimentent eux aussi les médicaments en question dans le cadre d’essais cliniques. Nous ne parlons donc pas seulement des patients.

Nous devons raisonner à l’échelle de l’Union européenne. Ces médicaments sont homologués en Europe, mais non en France. En parallèle, notre pays fait face à une pénurie de médicaments en partie due à des questions de prix ; et, bien entendu, ces médicaments innovants sont plus chers.

On ne peut pas accepter que de telles considérations financières s’immiscent dans les questions de santé.

Cette perte de chance est inexplicable pour les patients. J’espère que le ministre de la santé entendra notre demande ; elle ne doit en aucun cas être balayée d’un revers de main.

droit à mourir et fin de vie

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, auteur de la question n° 487, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Bonneau. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a commencé à publier les résultats du vote organisé à la suite de la deuxième phase de la convention sur la fin de vie, au mois de février 2023. Au total, 75 % des citoyens interrogés se sont prononcés en faveur d’une aide active à mourir, qu’il s’agisse du suicide assisté ou de l’euthanasie, aux personnes majeures ou mineures, sans que le pronostic vital soit nécessairement engagé.

Toutefois, la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, ainsi qu’un rapport du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) publié en 2022 suggèrent que l’aide à mourir doit être circonscrite et soumise à des conditions strictes, comme une affection grave et incurable, ou bien lorsque le pronostic vital est engagé.

Ces dispositions figurent également dans de nombreuses législations étrangères encadrant l’aide à mourir. Il s’agit de pays dont on parle régulièrement : la Belgique, les États-Unis, l’Autriche ou encore les Pays-Bas.

Même si l’accompagnement de la fin de vie doit faire l’objet de réformes, au vu du « mal mourir », la mauvaise prise en charge de la souffrance met en lumière des inégalités d’accès aux soins palliatifs. Selon un rapport sénatorial publié en 2021, vingt-six départements, en 2019, ne disposaient pas d’unité de soins palliatifs ou d’au moins un lit de soins palliatifs pour 100 000 habitants.

Ainsi, je tiens à connaître la position du Gouvernement sur la fin de vie et le droit à mourir. Plus précisément, quelles politiques va-t-il mettre en œuvre pour améliorer l’accompagnement de la souffrance en fin de vie et, notamment, renforcer l’accès aux soins palliatifs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous le savez, le Président de la République a souhaité que nous menions collectivement un débat sur la fin de vie.

Des travaux sont engagés à différents niveaux, par la convention citoyenne, par les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat, par la Cour des comptes et par le Gouvernement.

Olivier Véran et moi-même avons proposé à des parlementaires de chaque groupe de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’à des professionnels de santé reconnus de participer à nos travaux dans le cadre de débats thématiques, portant non seulement sur l’anticipation et la culture palliatives, mais aussi sur l’accompagnement du deuil et sur la reconnaissance du rôle des aidants dans la fin de vie. Ces travaux forment le terrain d’une future stratégie d’accompagnement de la fin de vie que j’appelle de mes vœux.

À cet égard, il paraît d’ores et déjà nécessaire de prévoir une feuille de route pour renforcer notre politique de développement des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie. J’ai ainsi demandé que la procédure de rénovation de la circulaire de 2008 relative à l’organisation des soins palliatifs, texte déjà ancien et en partie obsolète, soit engagée sans attendre.

En outre, une troisième édition de l’Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France vient d’être publiée. Elle souligne les progrès accomplis pour l’installation d’unités de soins palliatifs.

Certes, vingt départements ne disposent pas aujourd’hui d’une telle unité, mais ils ne sont pas pour autant privés de toute offre en la matière. Les cartes détaillant la situation par département précisent le nombre d’équipes mobiles de soins palliatifs, dont 171 sont déployées sur l’ensemble du territoire national, et le nombre de lits de soins palliatifs, en établissement sanitaire comme en service de soins de suite et de réadaptation.

Au fil des auditions que j’ai pu mener et de mes déplacements, dans nos territoires comme à l’étranger, dans les services de soins palliatifs comme au domicile de certains malades et aidants, j’ai pu rencontrer à la fois des soignants, des personnels et des bénévoles très investis et mus par une profonde humanité.

Si beaucoup a déjà été fait, je souhaite que l’on franchisse un nouveau cap pour assurer une intégration palliative effective à même de répondre aux besoins des Français.

Vous l’aurez compris, le dialogue national engagé est loin d’être achevé. Mais, quelle qu’en soit l’issue, il faut garder à l’esprit le caractère profondément singulier, douloureux et complexe de chaque situation de fin de vie.

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.

M. François Bonneau. Madame la ministre, je vous remercie de toutes ces informations. Je ne doute pas de votre volonté, mais, comme vous le savez, dans les pays où la législation est la plus avancée, les unités de soins palliatifs ont parfois été les grandes perdantes des choix opérés.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Ce n’est pas vrai !

M. François Bonneau. J’attire tout particulièrement votre attention sur ces services. Vous l’avez rappelé, les situations dont il s’agit sont à la fois très douloureuses et tout à fait singulières.

M. Loïc Hervé. Très bien !

impact du prix des médicaments sur la situation financière des entreprises

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 462, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Laurence Harribey. Ma question porte sur l’impact du prix des médicaments sur la situation des entreprises produisant, en France, des médicaments matures.

Aujourd’hui, ces entreprises sont doublement pénalisées. Non seulement l’inflation alourdit le coût des intrants et de l’énergie, mais une réglementation toujours plus contraignante renchérit les coûts de production.

Le prix des médicaments fixé par un accord-cadre conclu avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). Or, chaque année, les budgets couvrant l’achat des médicaments matures sont revus à la baisse. De fait, la situation financière de ces entreprises est de plus en plus précaire.

Notre souveraineté sanitaire et l’accès de nos concitoyens aux médicaments dépendent beaucoup de ces entreprises.

Le CEPS est tenu de fixer le prix des médicaments en prenant en compte l’impératif de sécurité d’approvisionnement. Comment cette disposition est-elle effectivement mise en œuvre aujourd’hui ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, le ministre François Braun regrette de ne pouvoir être présent ce matin.

La tarification d’un médicament s’appuie majoritairement sur sa valeur clinique, notamment sur son niveau d’amélioration du service médical rendu (ASMR). Un nouveau critère a toutefois été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 pour mieux prendre en considération la sécurité d’approvisionnement du marché français, qui garantit l’implantation industrielle.

Afin de l’appliquer concrètement, le CEPS a élaboré une doctrine de critères d’éligibilité et de niveau de valorisation. Récemment finalisée, celle-ci peut dorénavant être mise en pratique.

Pour les entreprises commercialisant des produits essentiels, lorsque le niveau de prix ne serait plus compatible avec la garantie d’un maintien sur le marché, l’article 28 de l’accord-cadre signé entre le CEPS et les industriels permet d’accéder à une hausse de prix dès lors que les critères d’éligibilité prédéfinis sont réunis.

Les postes de surcoût pris en compte sont ceux qui sont liés à la matière première. Toutefois, un élargissement de ce périmètre au surcoût lié à la production dans sa globalité pourrait être considéré pour des médicaments de forte criticité sanitaire et industrielle.

Une liste de médicaments stratégiques d’intérêt sanitaire est par ailleurs en cours d’élaboration avec les sociétés savantes, afin de définir les molécules pour lesquelles le levier du prix pourra être actionné s’il se révèle pertinent pour assurer leur maintien sur le marché.

Finalement, une mission interministérielle sur les mécanismes de régulation et de financement des produits de santé a été lancée en janvier dernier, sous l’égide de la Première ministre, dont les conclusions sont attendues pour l’été prochain. Ses principaux objectifs sont le renforcement de notre tissu productif, notamment pour les produits matures essentiels, dans un objectif de souveraineté sanitaire, l’attractivité des territoires pour les industriels et la relocalisation de produits de santé stratégiques.

Ainsi, le Gouvernement est pleinement mobilisé autour de l’enjeu prioritaire qu’est la régulation du prix du médicament pour répondre aux enjeux actuels comme à venir.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Madame la ministre, je vous remercie des éléments que vous avez avancés.

Cependant, je souhaite souligner que l’accord-cadre entre le CEPS et les entreprises du médicament ne répond pas suffisamment à l’enjeu, en particulier son article 28. Celui-ci ne prévoit une hausse du prix des médicaments que lorsque l’arrêt de la production ou de la commercialisation empêcherait de couvrir un besoin thérapeutique, comme vous l’avez expliqué.

Or, dans le cas présent, il s’agit de garantir la diversification des approvisionnements. Lors d’une récente audition menée avec Pascale Gruny, mon interlocuteur m’a confié qu’une seule augmentation de prix avait été consentie, pour un montant de seulement 2 centimes la boîte.

Il est important de rappeler que le CEPS est placé sous la tutelle du Gouvernement ; il est donc de votre responsabilité d’agir à cet égard. J’espère que la mission à laquelle vous avez fait référence permettra d’aller beaucoup plus loin, car la question est importante.

financement des projets prévus dans le ségur de la santé

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, auteur de la question n° 458, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Guy Benarroche. Dans le cadre de la stratégie d’investissement issue du Ségur de la santé, des priorités ont été identifiées dans mon département, les Bouches-du-Rhône.

Cette volonté de réinvestir dans notre système de santé constitue une opportunité pour notre territoire de moderniser ses infrastructures et d’adapter ses capacités et ses services aux évolutions démographiques prévues à l’horizon 2030-2050, voire au-delà. Elle offre également l’occasion d’anticiper sur les métiers et sur les personnels qui seront nécessaires.

Cependant, depuis la mise en œuvre de ce dispositif, les différents projets du Ségur sont confrontés à une forte inflation de leurs coûts, notamment en raison de l’augmentation des prix de l’énergie et des matières premières.

Les hôpitaux concernés ne peuvent pas cofinancer les projets prévus, car ils sont déjà très déficitaires et dépendent des aides de l’ARS.

Dans les Bouches-du-Rhône, par exemple, les projets de construction des centres hospitaliers de Salon-de-Provence, avec un apport de 78 millions d’euros de l’ARS pour un projet estimé à 130 millions d’euros, et d’Aubagne, avec un apport de 92 millions d’euros de l’ARS pour un projet estimé à 115 millions d’euros, font face à des surcoûts d’environ 30 %.

Ces projets deviennent donc difficilement soutenables, et il est demandé, par exemple, de revoir à la baisse les orientations du projet d’Aubagne, qui devait être un campus de la santé, en en retirant la partie médico-sociale et en révisant son dimensionnement capacitaire. Actuellement, le coût du projet est estimé à 140 millions d’euros, sans le médico-social.

Il est crucial de répondre aux besoins en santé des habitants vivant dans les communes concernées, ainsi que dans celles du Var qui sont proches d’Aubagne, en construisant un centre hospitalier moderne, avec un nombre de lits et des services adaptés aux besoins et facilement accessibles. Tous les maires du territoire le demandent.

Nous ne pouvons pas bâtir un nouvel hôpital uniquement en fonction du budget ; il faut tenir compte des besoins de la population pour les cinquante prochaines années.

C’est pourquoi je vous demande de préciser le montant du soutien financier supplémentaire de l’État à ces projets, à la suite de ces surcoûts, et de garantir que les besoins en santé des habitants de ces territoires, notamment à moyen terme et à long terme, seront bien pris en considération pour le déterminer.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, les effets successifs et conjugués de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine conduisent à une augmentation des coûts de construction. Cette situation appelle une certaine prudence de la part des porteurs de projets et les contraint à reconsidérer l’estimation de leurs opérations, pour tenir compte de ces nouveaux coûts et provisionner des aléas économiques cohérents avec l’inflation prévisionnelle.

Les réévaluations s’élèvent effectivement, pour les projets que vous citez, à environ 30 % par rapport aux données de la programmation initiale dans le cadre du Ségur consacré aux investissements.

Le ministère de la santé est conscient que les établissements peuvent difficilement absorber une telle augmentation des coûts. Des alternatives sont en cours d’analyse pour identifier des sources complémentaires qui permettraient d’équilibrer leur plan de financement. Les collectivités locales ont ainsi pu être sollicitées de nouveau ; dans les ARS, des travaux sont menés sur le rééchelonnement possible de certains projets.

J’en viens plus particulièrement à celui d’Aubagne. Ce projet de reconstruction est celui pour lequel l’aide provisionnelle de l’ARS est la plus élevée en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). En effet, le centre hospitalier Edmond Garcin occupe une place importante dans l’offre sanitaire de proximité de l’est des Bouches-du-Rhône, que nous entendons consolider.

La situation financière dégradée de l’établissement a conduit l’ARS à positionner un niveau d’accompagnement prévisionnel très élevé, dont le montant sera définitivement arrêté au moment de la validation du projet.

Ainsi, afin de prendre en compte ces évolutions, le projet médical et le projet immobilier sont en cours de consolidation et donnent lieu à de nombreux échanges avec l’établissement, en lien avec les services de la préfecture et de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM).

C’est dans ce contexte que le choix a été fait de privilégier une approche différenciée entre le volet sanitaire et le volet médico-social de ce projet en particulier, ce qui pourra entraîner un décalage dans le calendrier des deux volets, afin de poursuivre la réflexion autour de l’organisation future de l’offre médico-sociale locale, en lien avec les autres acteurs du territoire. Cette réflexion intègre la question de l’implantation des sites, de la recomposition de l’offre et du développement d’une offre innovante.

Il ne s’agit donc pas d’un report sine die du volet médico-social, mais bien d’une maturation de la réflexion à son sujet, afin de prendre en compte les spécificités propres au développement d’un tel projet, qui, dans la situation actuelle, doit avancer séparément et dans un calendrier dédié, tout en permettant au projet sanitaire de progresser pour répondre aux besoins de la santé.

conséquences de la réforme de protection universelle maladie pour certains français établis hors de france

M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 320, transmise à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Ronan Le Gleut. Madame la ministre, la réforme instaurant la protection universelle maladie (PUMa) emporte des conséquences particulièrement néfastes pour les Français établis hors de France.

J’ai été récemment saisi de la situation d’une personne en situation de handicap, dans l’incapacité de travailler, résidant en Argentine avec ses parents retraités, dont elle est l’ayant droit majeure.

Elle vient d’être brusquement désaffiliée de la sécurité sociale et se retrouve sans la moindre couverture sociale si des soins lui étaient nécessaires lors d’un séjour en France. Cette situation touche également de nombreuses femmes qui n’ont que peu ou pas travaillé, qui ont suivi leur mari à l’étranger et qui se retrouvent confrontées à la même difficulté à l’heure de la retraite.

En effet, avant la réforme, le statut d’ayant droit majeur permettait aux personnes qui ne remplissaient pas les conditions de résidence, notamment les épouses ou les personnes en situation de handicap sans activité professionnelle, d’être affiliées à l’assurance maladie, généralement par le biais de leur conjoint ou d’un des parents lui-même affilié à la sécurité sociale.

La réforme PUMa a supprimé ce statut, créant une situation profondément injuste pour nos compatriotes résidant hors de l’Union européenne, dans les pays sans convention bilatérale de sécurité sociale ou dans ceux dans lesquels la convention bilatérale n’inclut pas les membres de la famille.

Bouleversant subitement un modus operandi datant de plusieurs décennies, cette réforme a pour conséquence que les anciens ayants droit qui résident dans ces pays ne peuvent plus bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé lors de leurs courts séjours en France, sauf à contracter une assurance supplémentaire auprès de la caisse des Français de l’étranger (CFE), ce qui double quasiment le montant de leurs cotisations. Cette loi a donc des effets pervers non anticipés pour les Français établis hors de France.

Je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour que nos compatriotes qui résident dans ces pays continuent à bénéficier de la protection de l’assurance maladie lors de leurs séjours en France.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, la réforme de 2016 instaurant la PUMa permet à toute personne travaillant et/ou résidant en France de manière stable et régulière de bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé.

Pour justifier de la stabilité de sa résidence en France, une personne n’exerçant pas d’activité professionnelle doit fournir un justificatif démontrant qu’elle réside en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. Certaines catégories de personnes n’ont pas à justifier de cette condition. C’est le cas, notamment, des membres de familles qui rejoignent ou accompagnent, pour s’installer en France, un assuré d’un régime de sécurité sociale obligatoire français.

L’article D. 160-2 du code de la sécurité sociale établit une liste des catégories de personnes qui peuvent accéder à la prise en charge des frais de santé sans répondre aux critères de résidence ininterrompue depuis plus de trois mois. Bien que les Français de l’étranger n’y soient pas mentionnés en tant que tels, ils peuvent, dans certaines conditions, bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé dès leur retour en France.

Enfin, il convient de rappeler que la PUMa n’a rien modifié concernant le critère de résidence stable : le dispositif précédent, la couverture maladie universelle (CMU), prévoyait déjà cette condition. La mise en place de la PUMa a, au contraire, introduit une simplification des démarches pour l’assuré et ses ayants droit, afin de mieux garantir la continuité de leurs droits et la prise en charge de leurs frais de santé.

hôpital de carpentras

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 513, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Jean-Baptiste Blanc. À Carpentras, dans le Vaucluse, la partie service public du pôle santé public-privé va devoir fermer la nuit dès le 3 avril prochain, et peut-être définitivement, deux de ses unités, les urgences et la maternité, en raison de l’application de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist.

L’intensification, ces dernières années, du recours à l’intérim médical a conduit à une surenchère en matière de rémunération. Outre l’impact financier dans les budgets des établissements de ce système, les plannings de garde sont aujourd’hui très dépendants de ces médecins. À Carpentras, ceux-ci représentent 40 % des praticiens et un quart des contrats, et ne souhaitent pas poursuivre leur mission au tarif imposé de 1 170 euros brut par mission de vingt-quatre heures, préférant se diriger vers les établissements privés.

Les hôpitaux se retrouvent donc, à quinze jours de l’application de la loi Rist, dans une situation insoluble. Monter un planning était déjà un casse-tête avant cette fermeture, mais le faire en avril, sans intérimaire, est une mission impossible pour les chefs de service. Tous les services – accueil des urgences et service mobile d’urgence et de réanimation (Smur), gynéco-obstétrique, anesthésie-réanimation, pédiatrie, médecine et gériatrie – sont désorganisés.

À ce jour, les habitants du Comtat Venaissin, 90 000 personnes hors saison touristique, 200 000 en été, sont systématiquement dirigés vers le centre hospitalier d’Avignon, qui est déjà submergé.

Aujourd’hui, c’est Carpentras qui est fortement impacté, mais qu’en sera-t-il demain à Cavaillon, à Apt, à Orange ou à Vaison-la-Romaine ? L’ARS se dit pleinement mobilisée pour éviter un scénario catastrophe, mais quels sont ses moyens pour agir à court terme ?

L’heure n’est plus aux discussions autour de la revalorisation des salaires des praticiens hospitaliers, qui aurait dû être réalisée il y a bien longtemps, non plus qu’aux débats sur le numerus clausus : il faut trouver des médecins avant le 3 avril.

Toute l’offre de soins dans le Vaucluse, où ces hôpitaux de proximité jouent un rôle primordial, est désorganisée par la mise en œuvre de la loi Rist. La proximité constitue pourtant un enjeu majeur d’efficacité de la médecine d’urgence, avec la connaissance du terrain et des acteurs concernés, gage de chance pour les patients.

Madame la ministre, les praticiens hospitaliers, les infirmiers, les pompiers, les médecins, les Carpentrassiens, tout simplement, et, au-delà, les Vauclusiens, attendent des garanties de l’État. Le 3 avril au soir, chaque Vauclusien aura-t-il encore accès à un service d’urgence en moins de trente minutes de chez lui ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous évoquez les dispositions relatives à la régulation de l’intérim.

Concernant l’application de la loi Rist, garantir à chacun de nos concitoyens des soins adaptés et accessibles localement constitue une priorité pour le ministère de la santé. Notre politique vise à lutter non pas contre l’intérim, qui peut parfois apporter une solution à certaines situations de tension conjoncturelle en ressources humaines, mais contre ses dérives, qui mettent en péril l’équilibre de notre système de santé.

Ce système représente un poids financier majeur pour l’hôpital public, avec certaines rémunérations pouvant atteindre 6 000 euros pour vingt-quatre heures. Nous n’acceptons pas que l’argent des Français serve à entretenir ce type d’abus, qui correspondent à autant de moyens en moins pour revaloriser les carrières hospitalières. Ces situations engendrent une profonde iniquité vis-à-vis des praticiens qui s’investissent durablement à l’hôpital.

La loi prévoit déjà depuis 2016 un plafonnement des rémunérations à 1 170 euros brut par vingt-quatre heures, mais elle n’est pas appliquée, et les infractions n’ont cessé de se développer. La loi Rist prévoit donc la mise en place de contrôles pour la faire respecter.

Plusieurs fois reportée, l’échéance retenue pour le démarrage de ce dispositif est le 3 avril 2023. Il est de la responsabilité du ministère de la santé et de la prévention de faire appliquer la loi votée par les représentants de la Nation et d’œuvrer à la reconstitution des collectifs de travail dans les hôpitaux.

Face aux difficultés transitoires que nous avons anticipées, les ARS travaillent avec le réseau des finances publiques et les établissements pour mobiliser tous les acteurs, publics comme privés, afin de maintenir la continuité des soins. Des solutions alternatives sont étudiées au cas par cas dans chaque territoire, en fonction du contexte local, dans une logique de solidarité territoriale.

Les collectivités et les élus locaux sont des maillons essentiels de la réussite des politiques de santé. Une organisation dédiée a ainsi été mise en place au sein du ministère pour identifier les situations particulièrement signalées par les élus. Nous étudierons, en lien avec les ARS et leurs délégations territoriales, toutes les situations de blocage qui nécessitent une attention ou une intervention particulière.

Pour Carpentras, depuis plusieurs années, le centre hospitalier fait appel à des vacations médicales pour compléter les tableaux de garde et assurer la continuité des activités d’urgences, de maternité, mais également de médecine.

La mise en œuvre de la loi Rist constitue un changement important, qui impose de revoir les rémunérations des médecins vacataires. Le centre hospitalier met déjà régulièrement en œuvre des plans de continuité des activités lors de certaines périodes de tension, notamment durant les congés d’été et de fin d’année.

Des leviers en termes de ressources humaines vont être mobilisés, par autorisation du directeur général de l’ARS : augmentation de la prime de solidarité territoriale et recours à l’emploi contractuel au titre de difficultés particulières de recrutement ou d’exercice pour une activité nécessaire à l’offre pour les territoires. Enfin, des adaptations organisationnelles devront être envisagées.

situation de la maison de retraite des communes de cabannes et noves

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 469, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, le dialogue entre l’exécutif et les élus locaux semble être toujours aussi compliqué, ce que je regrette profondément. Le couple maire-préfet, vanté par le Président de la République en novembre dernier au salon des maires et des collectivités locales (SMCL), apparaît comme peu opérant dans les faits.

La fermeture, plus ou moins arbitraire, et sans aucune concertation des élus locaux, de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) intercommunal de la Durance, situé dans les Bouches-du-Rhône, et plus précisément sur le site de Cabannes, en apporte une nouvelle illustration.

Je ne souhaite pas ici contester le fond de la décision, mais bien sa forme, c’est-à-dire le manque de considération envers les élus locaux, le personnel de santé et, surtout, les pensionnaires qui a présidé à ce processus. Le maire de la commune a ainsi appris cette fermeture le 16 novembre dernier, par communication orale du directeur. Depuis ce jour, force est de constater qu’aucune communication officielle de l’ARS ne l’a confirmée.

Néanmoins, nous sommes placés devant le fait accompli, puisque la totalité des résidents de la maison de retraite ont d’ores et déjà été transférés sur un autre site d’accueil.

Au-delà du choc psychologique, pour ces résidents, la commune de Cabannes, propriétaire du bâti dorénavant inoccupé, a la lourde responsabilité de proposer un projet de réaffectation de cette structure, sans accompagnement de l’État et sans une quelconque indemnité de compensation, faute d’avoir été impliquée dans la décision.

De surcroît, cette petite commune de 4 400 habitants est frappée de plein fouet depuis plusieurs années par la désertification des services publics. Après la perte de son bureau de poste en 2020, cette décision unilatérale s’apparente pour elle à une double peine.

Madame la ministre, pouvez-vous confirmer de manière officielle la fermeture du site de Cabannes de l’Ehpad intercommunal ? Si oui, êtes-vous en mesure de proposer un plan d’accompagnement et de soutien aux élus locaux quant à la future destination de ces bâtiments ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, la situation de la maison de retraite publique intercommunale des communes de Cabannes et Noves est bien connue des équipes du ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, qui la suivent depuis de nombreux mois.

Je sais, à ce titre, que des échanges ont lieu régulièrement au niveau local avec l’ARS. Le directeur départemental des Bouches-du-Rhône avait ainsi adressé, en date du 19 janvier 2023, un courrier à M. Gilles Mourgues, maire de Cabannes, rappelant que les difficultés de l’établissement n’étaient ni récentes ni conjoncturelles et ouvrant sur une proposition de rencontre.

Déjà concerné par des enjeux en termes d’attractivité, mais aussi par une dégradation financière inquiétante ces derniers mois, l’établissement avait vu sa situation s’aggraver à l’automne dernier, lorsque des fournisseurs avaient fait savoir qu’ils bloquaient les comptes et refusaient de livrer les commandes.

Au-delà des mesures d’urgence prises, une réflexion structurelle était donc nécessaire, portant notamment sur la question du double site, une caractéristique ancienne de l’établissement.

Plusieurs pistes ont été étudiées. Le 21 février, un conseil d’administration a eu lieu sur site, avec des représentants de l’ARS et du conseil départemental. Deux délibérations ont été adoptées, l’une concernant le transfert des lits du site de Cabannes vers celui de Noves, l’autre le projet d’évolution de l’offre de prise en charge par la transformation d’un pôle d’activités et de soins adaptés (Pasa) de jour en Pasa de nuit sur le site de Noves, et la création d’un centre de ressources territorial couvrant en priorité la commune de Cabannes.

À ce jour, les résidents du site de Cabannes ont été transférés vers les Ehpad environnants, dont celui de Noves, en priorité. Un accompagnement personnalisé de chacun des résidents avait très tôt été mis en place, avec la nomination d’un psychologue pour faciliter cette orientation. Le personnel titulaire a par ailleurs été entièrement repris par le site de Noves.

Je sais que l’agence régionale de santé reste pleinement mobilisée sur ce dossier et qu’elle est particulièrement attentive au suivi de ses conséquences pour la commune de Cabannes, les résidents, les familles et les professionnels.

défense du pluralisme associatif dans le secteur sanitaire et social

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, auteur de la question n° 443, transmise à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Denis Bouad. Les associations du secteur sanitaire et social sont des acteurs essentiels dans nos territoires. Leur action en matière d’insertion, d’hébergement ou d’accompagnement social est indispensable pour aider les plus fragiles. La qualité de leur travail, en partenariat étroit avec les élus locaux, a d’ailleurs été unanimement saluée au moment de la crise du covid-19.

Cependant, ce secteur est marqué depuis plusieurs années par la forte expansion de grands groupes, qui ont leur siège en zone urbaine et dont le champ d’action s’étend sur l’ensemble du territoire national.

Cette transformation du paysage associatif s’explique en grande partie par la logique de prestation qui détermine désormais les relations entre les pouvoirs publics et les associations. Les appels à projets et à manifestation d’intérêt se multiplient depuis plusieurs années ; s’ils ont un objectif légitime de rationalisation des dépenses publiques, on peut néanmoins s’inquiéter de la concurrence qu’ils imposent aux associations intermédiaires, lesquelles constituent pourtant des acteurs de proximité essentiels dans la vie de nos territoires.

Ces dernières créent de l’emploi localement, elles ont développé une réelle expertise sur leur territoire et elles sont aussi les garantes de l’innovation sociale face à l’homogénéisation des solutions. Dans un souci d’efficacité de nos politiques publiques, il est donc important de préserver le pluralisme associatif pour garantir une diversité des interlocuteurs.

Compte tenu de l’utilité de ces associations intermédiaires sur le terrain, notamment dans nos territoires ruraux et périurbains, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour préserver notre tissu associatif local et rééquilibrer le rapport de force entre elles et les grands groupes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que le pluralisme de notre tissu associatif est une richesse qu’il nous faut préserver. Au plus près de nos concitoyens, les associations, petites et grandes, font preuve d’initiative, répondent à des besoins précis et accompagnent les publics les plus précaires. Le Gouvernement leur rend bien sûr hommage et se place à leur côté, en soutien.

J’entends vos remarques sur la concentration et la polarisation du secteur, qui mériteraient d’être objectivées. Cependant, je ne tiens pas à opposer les petits et les grands acteurs, qui œuvrent en complémentarité, le plus souvent dans de très bonnes conditions. Nous avons besoin d’acteurs au réseau développé, capables de porter des programmes ambitieux, ainsi que de plus petites structures, parfois plus agiles, au niveau local.

Par exemple, le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées et celui de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ont lancé ensemble, il y a peu, le programme Mieux manger pour tous !, doté de 60 millions d’euros en 2023, qui aura notamment pour vocation d’appuyer les démarches innovantes des territoires.

La responsabilité du Gouvernement en la matière est de parler à tous les acteurs et de les soutenir tous lorsque les difficultés s’accentuent. C’est ce que nous avons fait en les accompagnant dans la mise en œuvre des mesures de revalorisation salariale liées au Ségur. C’est encore ce que nous faisons en cette période d’inflation, avec l’application des mesures, comme le bouclier tarifaire, à toutes les structures.

Il nous faudra bien sûr aller plus loin. Le secrétariat d’État auprès de la Première ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative mène actuellement les assises de la simplification associative. Celles-ci donneront lieu à une feuille de route pour mettre en œuvre des projets précis et les dirigeants et bénévoles des associations de toutes tailles sont impliqués dans toutes les phases de cette concertation. C’est une autre façon de continuer à faire vivre ce pluralisme qui nous est cher.

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour la réplique.

M. Denis Bouad. Madame la ministre, j’entends votre réponse et je ne suis pas loin de la partager, mais j’appelle votre attention sur les difficultés que peuvent connaître nos associations de proximité ; elles ne sont pas toutes très petites !

revalorisation des frais de déplacement pour les aides à domicile et attractivité de la profession

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 085, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Mme Else Joseph. L’aide à domicile et l’aide à l’autonomie des personnes sont indispensables dans notre société. Ce sont des missions auxquelles un conseil départemental ne peut pas se dérober.

Voilà quelques mois, le département des Ardennes a voté la revalorisation de l’indemnité kilométrique à 45 centimes d’euros pour tous les personnels qui interviennent dans les services d’aide à domicile tarifés par le département. Cela n’avait pas été fait depuis 2008. Cette revalorisation est essentielle, mais nos départements ne peuvent pas supporter à eux seuls des charges qui ont un impact sur leur budget.

Permettez-moi de rappeler un point trop souvent méconnu à Paris : 600 000 euros de plus, cela semble dérisoire, « epsilonesque », mais dans les Ardennes, cela représentait un point de fiscalité lorsque l’on pouvait lever l’impôt. Une telle charge conduit à faire des choix. Nous n’avons pas souhaité sacrifier l’aide à domicile, car, au-delà des chiffres, celle-ci touche aux personnes, à l’humain, au lien social.

Aider les personnes à domicile, c’est un cri du cœur : notre département n’entend pas se dérober à sa vocation de solidarité. C’est aussi un cri d’alarme : ne laissez pas nos conseils départementaux seuls ! La situation est délicate en ce moment ; les infirmières territoriales et libérales, ainsi que les aides à domicile sont mises sous pression et se dépensent sans compter, alors que leurs charges sont nombreuses et reconnues, et que leurs conditions de travail se sont dégradées.

Ainsi, la spécificité des infirmières territoriales mériterait d’être prise en compte : l’accompagnement qu’elles exercent est personnalisé et il est apprécié. Leur avis est précieux auprès de la commission en charge de la mobilité du département comme pour l’évaluation de la perte d’autonomie des personnes âgées et elles s’impliquent dans le réseau départemental.

Madame la ministre, qu’envisagez-vous pour soutenir l’aide à domicile et revaloriser ce beau métier ? Comment faire pour que celui-ci reste attractif, à quelques jours de la journée nationale des aides à domicile ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, conscient des difficultés de recrutement dans les métiers du soin et de l’accompagnement à domicile, le Gouvernement a pris des engagements forts pour développer l’attractivité de ces métiers, notamment en matière de mobilité.

Ainsi, il a agréé l’avenant 50 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, qui revalorise le montant des indemnités kilométriques. Depuis le 1er octobre 2022, les salariés relevant de cette branche se voient rembourser leurs frais de déplacement à hauteur de 38 centimes d’euros par kilomètre, contre 35 auparavant.

La remise sur les prix des carburants, mise en œuvre jusqu’au 31 décembre 2022, a été remplacée par l’indemnité carburant de 100 euros, soutenant les travailleurs utilisant leur voiture pour se rendre au travail. Cette aide a bénéficié aux millions de Français ayant un revenu fiscal de référence par part inférieur à 14 700 euros, parmi lesquels un certain nombre d’aides à domicile. Pour un Français parcourant 12 000 kilomètres par an, soit la moyenne nationale, cette indemnité représente une aide d’un peu plus de 10 centimes par litre.

En outre, afin de promouvoir des moyens de transport plus écologiques, le forfait mobilité durable, issu de la loi d’orientation des mobilités, offre aux employeurs la possibilité d’attribuer une indemnité exonérée de cotisations aux salariés privilégiant les modes de transport dits « à mobilité douce ». Ce forfait est exonéré de cotisations et contributions sociales dans la limite de 700 euros par an et par salarié en 2022 et en 2023. Il a été adopté par les partenaires sociaux dans de nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) via des accords collectifs locaux agréés par l’État.

Il est également important de rappeler que les conseils départementaux peuvent mettre en place des dispositifs de soutien à la mobilité, tels que des initiatives permettant de cofinancer la location ou l’achat d’un véhicule, ou la mise en place d’une flotte de véhicules.

Bien sûr, nous devons continuer à réfléchir ensemble, dans le cadre d’une démarche plus large d’attractivité, aux mesures complémentaires susceptibles de soutenir la mobilité des professionnels.

À ce titre, le ministre Jean-Christophe Combe est pleinement mobilisé et a fait du sujet de la mobilité des professionnels un point d’intention spécifique du volet Bien vieillir du Conseil national de la refondation.

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.

Mme Else Joseph. Madame la ministre, j’entends bien vos propos, mais je rappelle que nos départements, et le mien en particulier, sont au bord de l’asphyxie. Je ne suis pas convaincue que les réponses que vous venez d’apporter conduiront à améliorer l’attractivité de ce métier.

incidences de l’application du décret n° 2022-257 du 22 février 2022 pour les titulaires de contrat de prévoyance

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 369, transmise à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Philippe Mouiller. Ma question porte sur les incidences pour les travailleurs en situation de handicap de l’application du décret relatif au cumul de la pension d’invalidité avec d’autres revenus et modifiant diverses dispositions relatives aux pensions d’invalidité.

Les dispositions de ce décret emportent des conséquences financières injustes et pénalisantes pour les travailleurs handicapés, au sujet desquelles j’interpelle de nouveau le Gouvernement.

Ce texte introduit une nouvelle méthode de calcul des pensions d’invalidité : les personnes invalides dont les revenus d’activité dépassent le seuil du plafond annuel de la sécurité sociale ont vu le montant de leur pension d’invalidité suspendu depuis septembre 2022 sans en être informées. Cela entraîne de facto la fin du versement des rentes de prévoyance, puisque celles-ci sont assujetties au versement d’une pension d’invalidité.

Les travailleurs handicapés concernés sont donc doublement pénalisés, alors qu’ils ont cotisé pendant des années dans le cadre des contrats de prévoyance, comme les entreprises qui les emploient.

En raison de la perte de leur pension d’invalidité et, par conséquent, de leur rente de prévoyance, les travailleurs handicapés concernés se retrouvent dans une situation financière critique.

Certains d’entre eux envisagent même de cesser toute activité professionnelle alors que le travail est synonyme d’émancipation et d’indépendance financière.

Ce texte réglementaire va manifestement à l’encontre de l’esprit de la réforme, qui vise à favoriser le cumul emploi-ressources. S’il semble améliorer la situation d’un certain nombre de titulaires de pensions, nul ne doit être lésé.

Quelles mesures urgentes que le Gouvernement entend-il pour mettre fin à ce qui est vécu par les principaux intéressés comme une véritable injustice, voire comme une discrimination ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, la pension d’invalidité vise à compenser la perte de gains ou de capacité de travail.

En fonction de la situation de l’assuré, cette pension équivaut à 30 % du salaire annuel moyen pour les pensionnés d’invalidité relevant de la première catégorie et à 50 % du revenu moyen calculé sur les dix meilleures années civiles de salaire pour les pensionnés d’invalidité de catégorie 2 ou 3.

La réforme instaurée par le décret du 23 février 2022 vise à introduire plus de justice pour les assurés qui souhaitent conserver ou reprendre une activité rémunérée après leur passage en invalidité, en permettant que toute heure travaillée conduise à un gain financier. Quelque 60 000 personnes pourront désormais cumuler rémunération professionnelle et pension d’invalidité.

Afin d’atteindre cet objectif, un nouveau seuil de comparaison au salaire antérieur limité au plafond de la sécurité sociale, soit 3 666 euros brut par mois en 2023, a été fixé.

C’est bien sur ce point spécifique que des inquiétudes sont formulées, car certains assurés dont les revenus étaient supérieurs au plafond de la sécurité sociale sont effectivement susceptibles de voir leurs revenus diminuer du fait de la réforme.

Des mesures rectificatives sont donc envisagées. Sans revenir sur le fondement du mécanisme de plafonnement, qui est un principe appliqué aux différentes prestations sociales, le seuil pourra être relevé pour permettre le maintien des pensions d’invalidité pour la grande majorité des perdants actuels de la réforme.

Par ailleurs, je vous confirme que les réclamations d’indus effectuées par certaines caisses primaires d’assurance maladie sont nulles et non avenues. Des instructions claires ont été transmises par l’assurance maladie en ce sens.

Certains assurés disposent enfin d’une pension complémentaire versée par leur organisme de prévoyance. Alors même que les droits à pension des intéressés demeurent ouverts, certains organismes ont décidé de suspendre les versements lors de l’entrée en vigueur de la réforme.

Notre analyse juridique confirmant que cette suspension ne respecte pas le droit existant, le Gouvernement souhaite trouver rapidement une solution concrète à ce désengagement des organismes concernés.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je constate que vous mesurez les difficultés rencontrées par un certain nombre de travailleurs.

Depuis 2022, la situation est critique. Dans ce contexte d’urgence, nous suivrons attentivement la mise en œuvre de vos propositions.

« exclus du ségur »

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 509, transmise à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Daniel Chasseing. Les accords conclus au terme du Ségur de la santé ont permis des revalorisations salariales au bénéfice de certaines catégories de personnel. C’est très bien.

Mais il reste malheureusement des exclus. Depuis le début de la covid-19, les employés des établissements médico-sociaux se sont tous mobilisés pour assurer la continuité de service auprès des résidents. Or depuis le décret du 19 septembre 2020 relatif au versement d’un complément de traitement indiciaire aux agents des établissements publics de santé, des groupements de coopération sanitaire et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de la fonction publique hospitalière, des disparités entre les agents persistent, entraînant un sentiment d’incompréhension, parfois au sein d’un même établissement.

Si pour une disposition telle que l’obligation vaccinale, l’ensemble des personnels des établissements médico-sociaux – et c’est normal – ont été considérés comme des soignants, il n’en est pas de même pour la prime Ségur.

En Ehpad ou dans un centre hospitalier, un cuisinier, une lingère, un agent d’entretien des locaux, un agent des services techniques perçoivent la prime Ségur alors que ces mêmes personnels au sein d’une maison d’accueil spécialisée (MAS), par exemple, l’attendent toujours. Tous exercent pourtant le même métier.

Les faisant fonction d’aides-soignantes, les secrétaires, les agents d’entretien travaillant au sein d’une MAS sont des oubliés, alors que, dans tous les Ehpad, ces mêmes employés ont bénéficié d’une revalorisation salariale. Or il est fréquent qu’une même association gère à la fois un Ehpad et une MAS.

Les responsables, les directeurs et les présidents de conseil d’administration peinent à expliquer une telle situation à leurs employés et déplorent des démissions.

De nombreux autres métiers sont encore exclus du dispositif. J’ai par exemple rencontré des techniciens en radiothérapie ou en radiologie qui exercent en clinique et qui sont exclus du dispositif alors qu’ils sont au contact des patients toute la journée.

Le Gouvernement compte-t-il prendre en considération ces revendications légitimes et élargir le bénéfice des revalorisations salariales prévues dans le cadre du Ségur de la santé ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, l’attractivité des métiers du secteur sanitaire, social et médico-social est au premier rang de la feuille de route du Gouvernement, qui entend agir sur l’ensemble des leviers.

La question de la revalorisation des rémunérations constitue à ce titre une priorité. L’État, aux côtés des départements, a d’ores et déjà pris des décisions historiques, en augmentant de 4 milliards d’euros les rémunérations des professionnels du secteur social et médico-social.

Au total, ce sont près de 700 000 salariés, dont 500 000 environ au titre du Ségur et de la mission dite Laforcade, qui ont bénéficié d’une revalorisation de 183 euros net mensuels. Cela concerne notamment les professionnels que vous évoquez, qui exercent dans une maison d’accueil spécialisée de la fonction publique hospitalière rattachée à un établissement public de santé ou à un Ehpad.

À la suite de la conférence des métiers sociaux du mois de février 2022, le Gouvernement a par ailleurs étendu ces revalorisations à 200 000 salariés de la filière socio-éducative exerçant à titre principal des fonctions d’accompagnement socio-éducatif.

L’ensemble de ces mesures ont fait l’objet de travaux préparatoires qui ont à chaque fois largement associé les acteurs concernés : Assemblée des départements de France, partenaires sociaux, associations.

Des métiers en tension faisant face à des enjeux d’attractivité importants et nécessitant une action prioritaire de la part des pouvoirs publics bénéficient aujourd’hui d’un réel gain d’attractivité.

Pour autant, il convient de poursuivre les actions menées à destination de l’ensemble des professionnels. Le Gouvernement est bien conscient que chacun et chacune contribue à la qualité de l’accompagnement.

En ce qui concerne les professions administratives, techniques et logistiques des autres structures que vous évoquez, hors fonction publique territoriale, il convient de parvenir, aux côtés des représentants des employeurs et des salariés, à la construction d’une convention collective unique pour le secteur social et médico-social. C’est la condition d’une revalorisation durable de l’ensemble des métiers.

L’État et l’Assemblée des départements de France ont annoncé le 18 février 2022 qu’ils sont prêts à mobiliser 500 millions d’euros pour faire aboutir ces travaux. Les discussions avancent. C’est dans ce cadre que seront traitées les questions relatives à l’augmentation des rémunérations.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Ma question portait surtout sur les MAS et les Ehpad, qui relèvent de la compétence de l’État.

diffusion de la théorie du genre dans les organismes publics

M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, auteure de la question n° 512, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la ministre, ma question porte sur la diffusion des théories du genre dans les organismes publics et leurs conséquences.

J’en citerai deux exemples très concrets.

La caisse d’allocations familiales (CAF), d’abord, a mis en ligne sur son site internet une page intitulée Mon enfant est transgenre, comment bien laccompagner ?, dans laquelle il est affirmé : « Signe d’une évolution des mentalités, de plus en plus d’enfants et d’adolescents se déclarent non-binaires, ou d’un autre genre que celui assigné à leur naissance. »

Cette communication s’appuie sur de larges citations d’associations militantes, sans nuance ni avis contraire. Or non seulement il n’appartient pas à la CAF de définir et encore moins de banaliser un tel sujet, mais de tels propos contreviennent de plus au respect des principes de neutralité, d’objectivité et d’impartialité du service public.

Surtout, les ministères de tutelle portent une responsabilité quant aux conséquences éventuelles de ces discours, qui induisent les familles en erreur.

Le ministre de la santé a été alerté à ce propos par une tribune signée par des médecins, des professionnels de santé et des universitaires lui demandant de faire retirer sans délai cette page pour les raisons que je viens d’évoquer. Ces derniers proposaient également de mener une réflexion avec des spécialistes afin d’alerter les familles sur les manipulations mentales dont sont victimes les adolescents, notamment sur les réseaux sociaux.

Cette page existe toujours, son contenu n’ayant été modifié à la marge.

Je citerai ensuite le slogan du planning familial : « Au planning, on sait que des hommes peuvent aussi être enceintes ». Le même planning familial explique que les règles surviennent « chez des personnes qui ont un utérus ». En gommant volontairement le mot « femme », il s’éloigne de la mission d’intérêt général au titre de laquelle il est financé par l’État, c’est-à-dire l’information sur la sexualité et la défense des droits des femmes.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour faire respecter les principes de neutralité et d’objectivité dans les campagnes d’information de ces organismes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Madame la sénatrice, ces dernières années, le regard médical et sociétal porté sur la transidentité a évolué.

En 2010, la France a retiré la transidentité de la liste des maladies mentales – c’est dire d’où nous venons – et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a retiré le sujet de la transidentité du champ de la psychiatrie en 2019.

Depuis 2012, le droit français punit les discours de haine. En 2016, la modification de la mention du sexe à l’état civil a été démédicalisée.

Des plans d’action gouvernementaux successifs ont été menés pour lutter contre les actes de haine et les discriminations anti-LGBT+. Et le 25 janvier dernier, ma collègue Isabelle Rome a lancé les travaux du prochain plan, en lien avec l’ensemble des ministères.

Le nombre de personnes transgenres est estimé entre 20 000 et 60 000 dans notre pays. Les personnes trans sont naturellement – il est presque étonnant de devoir le préciser, mais cela va mieux en le disant – des citoyennes et des citoyens à part entière, protégées par le droit français, européen et international.

Cette protection juridique octroyée par la France comme par de nombreux autres pays s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de juillet 2002.

Celle-ci vise à accueillir sans préjugé ni stéréotype les questionnements d’identité de genre et à permettre à ceux qui souhaitent s’engager dans cette démarche de le faire.

Dans le cadre de son travail de prévention, la CAF met à cet effet à disposition de l’ensemble de la population française les informations nécessaires pour assurer l’accès et l’effectivité des droits pour tous. Les informations élémentaires indiquées sur le site de la CAF ont vocation à rester accessibles de manière universelle.

Le débat d’idées ne peut pas se faire au détriment de l’effectivité de droits déjà votés au profit des Françaises et des Français, quelle que soit leur orientation sexuelle ou identité de genre.

Le Gouvernement, à commencer par Isabelle Rome, maintient en la matière une vigilance absolue.

À titre personnel, je vous remercie de cette question, madame la sénatrice.

fraude sociale

M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 346, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

M. Christian Klinger. Cette question s’adressait à monsieur le ministre chargé des comptes publics.

Selon la Cour des comptes, les fraudes sociales détectées coûteraient plus de 1 milliard d’euros ; je n’ose imaginer le montant réel.

Les cartes Vitale actives sont plus nombreuses que les bénéficiaires identifiés et les fraudes liées à la pension de retraite par la non-déclaration d’un décès sont nombreuses. Et je n’évoque pas les allocations versées indûment…

À ces fraudes individuelles s’ajoutent désormais des pratiques d’escroquerie d’autant plus difficiles à détecter qu’elles sont sophistiquées et répandues.

L’ensemble de ces fraudes montrent la gravité des failles de notre système social. Selon la Cour des comptes, les organismes sociaux luttent mal contre ce type de fraudes.

La Cour a ainsi demandé au Gouvernement de faire aboutir en 2022 le recoupement automatisé des fichiers des organismes sociaux avec ceux du fisc.

Depuis 2018, ce rapprochement ne cesse d’être repoussé. Au mois de mai dernier, le Gouvernement indiquait que celui-ci serait effectif à la fin de l’année 2022.

Où en sont les travaux menés par les organismes sociaux en vue du rapprochement systématique des coordonnées bancaires utilisées avec celles du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). Quand mettrez-vous enfin en place ces procédures automatisées ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur, la lutte contre toutes les fraudes est une priorité, et j’ai à cœur de partager avec vous les résultats de cette lutte, qui sont en progression.

Je commence par la fraude au recouvrement social. Le réseau des Urssaf a plus que doublé le montant des redressements réalisés depuis dix ans, pour atteindre quasiment 800 millions d’euros en 2022, soit une hausse de 46 % depuis 2017.

J’en viens aux fraudes aux prestations. Les caisses d’allocations familiales ont détecté 351 millions d’euros de préjudice en 2022, soit un triplement en dix ans et une progression de 21 % depuis 2017.

Le Gouvernement a donné une nouvelle impulsion à la politique de lutte contre la fraude sociale au travers d’une feuille de route et d’un plan d’action annoncés en février 2021, qui ont également permis des progrès.

Permettez-moi de vous en faire part, monsieur le sénateur, même si, connaissant votre mobilisation en faveur de la lutte contre la fraude aux cartes Vitale, je devine que vous estimerez à juste titre que ces progrès sont insuffisants.

Entre 2019 et 2022, l’assurance maladie a procédé à la résorption quasi complète du stock excédentaire de cartes Vitale surnuméraires. Celui-ci est en effet passé de 600 000 à un peu moins de 3 000, réduisant ainsi les risques d’utilisation frauduleuse.

Par ailleurs, la fermeture des droits à la protection universelle maladie a été accélérée pour les assurés ne satisfaisant plus aux conditions de résidence stable et régulière, et la maîtrise du risque de non-déclaration du décès pour les retraités qui résident à l’étranger a été renforcée.

Enfin, les travaux de rapprochement automatisé des coordonnées bancaires déclarées en ligne avec le fichier des comptes bancaires que vous mentionnez, monsieur le sénateur, seront déployés pour l’ensemble de la sphère sociale tout au long de l’année 2023.

Face à l’émergence et à l’évolution de nouvelles formes de fraude, un nouveau paquet de mesures législatives a été adopté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, afin d’élargir le champ des échanges d’informations.

Le ministre chargé des comptes publics s’est engagé à élaborer un nouveau plan de renforcement de la lutte contre les fraudes dans le cadre du PLF pour 2024. Je ne doute pas que vous serez force de proposition à l’occasion de ce nouveau rendez-vous.

M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.

M. Christian Klinger. J’ai bien entendu votre réponse, madame la ministre.

Si j’ai bien compris, le croisement des fichiers sera déployé en 2023. J’estime que c’est la meilleure méthode, et la plus simple, pour détecter les fraudes importantes, notamment entre départements.

Certains sont devenus des professionnels de la perception indue d’allocations, comme le revenu de solidarité active (RSA) !

Nous suivrons de près l’avancement de ces dossiers.

double imposition des fonctionnaires binationaux franco-belges travaillant pour l’état français

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, auteur de la question n° 486, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Yan Chantrel. Madame la ministre, j’ai été saisi par plusieurs conseillers et conseillères élus des Français de Belgique sur la question de la double imposition que subissent les fonctionnaires binationaux franco-belges travaillant pour l’État français.

Le premier alinéa de l’article 10 de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964, modifiée par plusieurs avenants, pose le principe selon lequel les fonctionnaires français employés en Belgique par l’État français sont imposables en France, tandis que le troisième alinéa précise que les ressortissants belges employés en Belgique par l’État français sont redevables de leur impôt en Belgique.

Afin d’éviter une double imposition des fonctionnaires franco-belges, notre pays et la Belgique ont négocié, sous couvert de la procédure de concertation prévue à l’article 24 de la convention susvisée, un accord amiable, publié au Moniteur belge du 9 novembre 2009, indiquant que les rémunérations exclues du champ de l’article 10.1 en application de l’article 10.3 ne sont imposables que dans l’État de résidence du bénéficiaire.

Or, dans un arrêt du 17 septembre 2020, la cour de cassation de Belgique a considéré que l’accord amiable de 2009 était « dépourvu de force obligatoire » et que les tribunaux ne pouvaient dès lors appliquer celui-ci.

Depuis lors, les fonctionnaires binationaux franco-belges percevant des rémunérations de source publique qui ont été imposés sur leur revenu par la France se voient également délivrer des avis d’imposition par les autorités fiscales belges.

Cette situation de double imposition de binationaux ayant déjà payé leurs impôts en France a plongé des familles dans des situations dramatiques, les montants réclamés pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros.

Le 9 novembre 2021, une nouvelle convention fiscale a été signée à Bruxelles entre nos deux pays, afin d’empêcher de telles situations de double imposition. Alors que le nombre de cas de double imposition ne cesse d’augmenter, cette convention n’a pourtant toujours pas été ratifiée.

Pourquoi le projet de loi d’approbation de cette convention n’a-t-il toujours pas été déposé par le Gouvernement ? Pourrions-nous avoir des précisions quant à l’état d’avancement des discussions engagées pour que les autorités belges prennent des mesures immédiates de suspension du recouvrement des sommes demandées et des garanties que ces autorités rembourseront bien les sommes perçues par les services fiscaux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Le 9 novembre 2021, la France et la Belgique ont signé une nouvelle convention fiscale sur l’impôt sur le revenu et sur la fortune, remplaçant celle de 1964. Comme toute convention fiscale bilatérale et conformément à l’article 53 de notre Constitution, celle-ci doit être soumise à la ratification du Parlement.

Comme vous le soulignez, cette nouvelle convention clarifiera une fois pour toutes le traitement fiscal des rémunérations de source publique. Celle-ci repose, sauf exception, sur le principe de l’imposition par l’État qui verse ces revenus.

Ce principe est logique, car ces revenus publics sont financés par les ressources publiques, notamment fiscales, dudit État.

La rédaction de cette clause, qui est conforme au modèle de l’OCDE, se retrouve couramment dans notre réseau conventionnel, en particulier dans les conventions négociées récemment.

Parallèlement, la cour de cassation belge a jugé que l’accord amiable de 2008, qui visait justement à clarifier les dispositions de la convention de 1964 relatives à l’imposition des rémunérations de source publique pour les binationaux des deux États, était contraire à la convention encore en vigueur. Elle l’a donc invalidé, entraînant pour certains de nos compatriotes une situation de double imposition de leurs revenus.

Cette situation insatisfaisante a donné lieu à des échanges approfondis et constructifs avec la Belgique, l’intérêt partagé de nos deux pays étant naturellement d’éviter cette double imposition des binationaux.

Je profite de votre question, dont je vous remercie, pour inviter tous les Français qui sont dans la situation que vous décrivez à se rapprocher du service juridique et du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques, celle-ci ayant réuni une cellule spécifique qui fera le lien avec les autorités belges.

Par ailleurs, je vous confirme que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour soumettre la nouvelle convention à la ratification du Parlement dans les meilleurs délais.

déploiement de la fibre dans les zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 503, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.

M. Pierre-Jean Verzelen. Ma question porte sur la fibre optique, non pas sur son utilité, renforcée par le télétravail, mais sur le déploiement de son réseau.

Je prendrai un exemple que je connais bien, celui du département, dont la situation est visiblement similaire à celle de nombreux autres.

Voilà dix ans, un appel public à manifestation d’intention d’investissement a été ouvert pour le déploiement de la fibre.

Les grands opérateurs ont répondu à celui-ci. Dans mon département, Orange s’est engagé à « fibrer » les agglomérations de Saint-Quentin et du Grand Laon, ainsi que la commune de Soissons.

Pour le reste du territoire, la ruralité s’est organisée : un syndicat d’électricité a pris la compétence de déploiement de la fibre dans le cadre d’un réseau d’initiative publique, ou RIP.

Dix ans après, le RIP est un succès : avec 757 communes raccordées et plus de 220 prises installées, la quasi-intégralité du territoire rural a été « fibrée », qui plus est gratuitement.

En revanche, des difficultés persistent dans les zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement (AMII), dans lesquelles le réseau de fibre optique doit être déployé par des entreprises privées.

Alors que les opérateurs retenus – Orange dans mon département, d’autres ailleurs – ont l’obligation de « fibrer » jusqu’à 100 % des foyers ; nous sommes loin du compte. De nombreux habitants et d’entreprises qui sollicitent l’opérateur se voient répondre que ce n’est pas possible pour l’instant et que l’on verra plus tard.

Ces opérateurs ont pourtant pris des engagements, et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a la possibilité de leur appliquer des pénalités financières, voire de suspendre leurs fréquences. Si l’objectif n’est pas d’en arriver là, de telles sanctions sont prévues.

Madame la ministre, je souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire pour tordre le bras, ou tout du moins, faire en sorte que les opérateurs tiennent les engagements qui ont été pris. Il y va d’une question d’égalité et de justice sur un sujet éminemment important au regard de l’aménagement du territoire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Verzelen, au mois de juillet 2018, le Gouvernement a accepté par arrêté, après avis favorable de l’Arcep, les engagements proposés par Orange aux échéances 2020 et 2022.

Dans votre département de l’Aisne, le groupe Orange s’est ainsi vu chargé du déploiement du réseau dans pas moins de cinquante-neuf communes.

Le Gouvernement est conscient des efforts consentis par l’ensemble des acteurs concernés par le déploiement et la réalisation du plan France Très au haut débit, au regard notamment de la crise sanitaire, qui a incontestablement contribué à ralentir les déploiements.

Pour autant, les données chiffrées issues de l’observatoire de l’Autorité de régulation montrent que certains engagements pris par Orange n’ont pas été remplis. C’est la raison pour laquelle, sur demande du Gouvernement, l’Arcep a effectivement ouvert une procédure qui a abouti à une mise en demeure. Cette décision a été attaquée par l’opérateur devant le Conseil d’État, qui est en ce moment même en train d’instruire le dossier.

Comme vous le savez, la France s’est fixé un objectif ambitieux en matière de généralisation des réseaux de fibre optique à l’horizon de 2025.

Avec mon collègue Jean-Noël Barrot, nous saluons le travail engagé par les collectivités et le conseil départemental de l’Aisne, qui, grâce au réseau d’initiative publique, a permis de raccorder les sept cent cinquante-sept communes du territoire et d’assurer la couverture de 100 % du territoire par le réseau de fibre optique. Plus de 95 % de vos concitoyens peuvent donc prétendre à un abonnement à la fibre.

Pour autant, comme vous l’aurez compris, monsieur le sénateur Verzelen, vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour que l’Arcep mette en demeure les opérateurs d’expliquer tout manquement et d’accélérer le déploiement du réseau.

C’est dans ce cadre que, comme je l’ai indiqué, l’opérateur a effectué un recours à la suite de la mise en demeure de l’Arcep demandée par le Gouvernement.

situation des salariés des sites de buitoni à caudry et tereos à escaudœuvres

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 511, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.

M. Frédéric Marchand. Je souhaite évoquer la situation des salariés des sites des usines Buitoni à Caudry et Tereos à Escaudœuvres, tous deux situés dans l’arrondissement de Cambrai, dans le département du Nord.

Comme vous le savez, le site de Caudry a vécu en 2022 des heures sombres à la suite du scandale des pizzas contaminées à la bactérie Escherichia coli, qui ont fait une cinquantaine de victimes en France.

Après une fermeture de huit mois, l’usine a partiellement repris son activité en décembre 2022. Mais le 2 mars dernier, malgré les efforts déployés par les salariés pour le redémarrage de l’activité l’usine, le groupe Nestlé a annoncé la suspension temporaire de celle-ci.

Il semble à ce jour que Nestlé ait pour objectif de fermer le site, jetant les 160 salariés et leur famille dans l’inconnu. Le savoir-faire et le sérieux de ces salariés ne sont pourtant plus à démontrer. De plus, l’usine de Caudry dispose d’un potentiel industriel important, qui permettrait la reprise du site pour une activité de substitution.

Dans le même secteur – autre coup de poignard –, le géant Tereos a annoncé la fermeture de la sucrerie d’Escaudœuvres, qui compte 123 salariés, dans le cadre de son projet de réorganisation de son activité industrielle en France.

Que va devenir la cité du sucre sans son sucre ? Tout un territoire s’interroge et se trouve plongé dans le désarroi.

La suppression du site d’Escaudœuvres a de quoi surprendre. Celui-ci est en effet situé dans une zone de production de betteraves qui a été moins affectée que beaucoup d’autres par la jaunisse de 2020. De plus, le marché est porteur, et le groupe gagne de l’argent et se désendette.

Cette décision, annoncée de manière brutale, est inacceptable. Elle va à l’encontre des engagements pris par Tereos en 2020 et en 2021 sur la pérennité des outils industriels.

Au-delà des 123 salariés concernés, cette décision menace de rayer purement et simplement de la carte une sucrerie qui devait célébrer ses 150 ans.

Qu’il s’agisse de l’usine Buitoni ou de la sucrerie d’Escaudœuvres, le schéma est le même : les deux géants de l’agroalimentaire ont réalisé des millions d’investissements sur les deux sites avant d’envisager de s’en débarrasser de manière soudaine, laissant place à l’incompréhension et à la colère des salariés et des élus locaux.

M. le ministre chargé de l’industrie est venu sur place le 13 mars dernier pour rencontrer les dirigeants et les salariés des deux sites. À cette occasion, il a demandé des garanties aux deux groupes pour les salariés de la manière la plus ferme et a fait un certain nombre d’annonces.

La course contre la montre est désormais engagée. Les forces vives du territoire, et au-delà, de tout le nord de la région des Hauts-de-France, se mobilisent pour dénoncer le coup de force d’une brutalité sans nom de ces deux groupes de l’agroalimentaire.

Le Gouvernement peut-il nous indiquer l’état d’avancement de ces deux dossiers à ce jour, et confirmer la volonté du Gouvernement de venir en aide aux salariés de Nestlé et de Tereos ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Permettez-moi de commencer pas la fin, monsieur le sénateur Marchand : oui, vous pouvez compter sur l’absolue détermination du Gouvernement à se tenir aux côtés des salariés et à demander des comptes aux entreprises concernées !

Je ne reviens pas sur la situation ni sur le constat, car vous connaissez parfaitement les dossiers des usines de Caudry et d’Escaudœuvres.

Comme vous l’avez indiqué, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, s’est déplacé le 13 mars dernier pour rencontrer les dirigeants et les salariés et, surtout, pour faire le point sur chacune des deux situations et étudier les solutions pour les salariés et le territoire à très court terme.

Concernant l’usine Buitoni de Nestlé à Caudry, la direction a annoncé une suspension temporaire de l’activité début mars, faute de commandes nécessaires de la part de ses clients après l’arrêt de son activité.

Il est aujourd’hui impératif qu’une solution soit trouvée par Nestlé pour maintenir les emplois et la production sur le site. Des réunions de travail entre les services de l’État et les représentants de Nestlé sont en cours, en ce moment même, pour explorer l’ensemble des solutions possibles.

Vos collègues députés ont eux aussi légitimement interrogé le Gouvernement s’agissant de la situation de l’usine Tereos à Escaudœuvres. Des explications très précises ont été fermement demandées par Roland Lescure à la direction pour justifier cette décision de fermeture. À cette heure, nous attendons toujours sa réponse.

En tout état de cause, il n’est pas admissible qu’une entreprise qui s’est engagée vis-à-vis du Gouvernement à ne pas réduire son empreinte industrielle prenne une telle décision sans en expliquer précisément les raisons économiques.

Le Gouvernement sera aux côtés des salariés du territoire. Quelle que soit l’issue des deux situations, nous veillerons à ce que chacun des 260 salariés concernés dispose d’un point de sortie acceptable au sein de son entreprise ou d’une autre, et à ce qu’un plan d’action spécifique soit mis en place pour le territoire.

Pour l’heure, nous attendons des réponses, notamment de Tereos pour le site d’Escaudœuvres. Pour être sa colocataire à Bercy, je puis vous assurer qu’il ne se passe pas une heure sans que le ministre Lescure travaille sur ce dossier.

révision des normes de commercialisation européennes relatives à la viande de volaille

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 439, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Bernard Buis. Depuis 2022, la Commission européenne a le projet de modifier les règles concernant l’étiquetage des modes d’élevage des volailles. Les normes en vigueur, qui existent depuis 1991, autorisent l’utilisation exclusive de cinq mentions valorisantes pour l’étiquetage de la viande de volaille, l’objectif étant d’informer le consommateur sur leur mode d’élevage.

Une telle réglementation a eu pour effet de créer une segmentation et un étiquetage clair, permettant ainsi aux productions de volailles fermières d’être mieux identifiées.

Toutefois, le projet présenté par la Commission européenne à la fin de 2022 prévoit de supprimer l’exclusivité de la liste des cinq mentions valorisantes, ce qui risque d’entraîner l’apparition d’un grand nombre de mentions incontrôlées.

Une telle évolution représente une menace tant pour le modèle agricole français que pour la production de volailles alternative, qui plus est dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, quatrième bassin de production de volailles de France, qui regroupe environ 2 500 éleveurs et où plus de 50 % des surfaces de bâtiments de production avicole sont consacrées aux filières fermières – je pense notamment au label rouge et au bio.

Alerté par des élus locaux et des acteurs professionnels du secteur, je tenais donc à interroger le Gouvernement pour connaître sa position sur un tel projet de révision des normes, manifestement contraire aux objectifs visant à soutenir la production locale et durable issue du Green Deal européen et de la stratégie « de la ferme à la table ».

Par conséquent, madame la ministre, que prévoit le Gouvernement pour s’opposer à l’évolution envisagée par la Commission européenne, qui risquerait de provoquer de graves conséquences pour la préservation des filières d’excellence et la protection des consommateurs ?

Enfin, pourriez-vous nous préciser dans quel sens les négociations évoluent et quand une décision finale pourra aboutir ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Buis, une réforme a été lancée par la Commission européenne au cours de l’année 2022 sur cette question précise des normes de commercialisation.

Le projet de texte transmis au mois de janvier dernier aux États membres a suscité chez les professionnels de fortes inquiétudes, qui portent sur deux points : tout d’abord, l’obligation d’étiqueter toute viande de canard ou d’oie issue de la production de foie gras avec la mention « issue de foie gras » ; ensuite, une dérégulation de l’usage des mentions valorisantes pour l’étiquetage de la viande de volaille jusqu’alors limitées à une liste fermée de cinq mentions valorisantes.

Les évolutions qui étaient initialement envisagées auraient pour effet de décupler les risques de concurrence déloyale entre opérateurs, mais aussi les risques de tromperie des consommateurs. Ce sujet m’intéresse particulièrement, puisque j’ai aussi l’honneur d’être chargée de la consommation au sein du Gouvernement.

Nous sommes donc bien conscients que ces normes revêtent un intérêt majeur sur le plan économique pour la filière volaille française. La France a engagé un important travail auprès de la Commission européenne pour préserver les intérêts de nos filières d’excellence et pour garantir la visibilité nécessaire aux productions de volailles extensives en plein air.

Ce travail porte ses fruits, puisque la Commission européenne a soumis à l’avis des États membres un projet de texte qui satisfait davantage les professionnels. Il comprend, d’une part, le retrait de l’obligation d’étiquetage des viandes avec la mention « issue de foie gras », et, d’autre part, la rédaction d’un compromis qui protège et surtout maintient l’exclusivité de l’utilisation de la mention « plein air ».

Soyez assuré, monsieur le sénateur Buis, que la France, en plus de ces avancées, continue de se mobiliser sur ce projet de texte, qui doit encore passer plusieurs étapes avant sa publication finale d’ici à quelques semaines.

lutte contre les parasites affectant la production de cerises

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, auteur de la question n° 479, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, en Ardèche comme ailleurs, chanterons-nous encore le temps des cerises ?

Au moment où les 855 hectares de cerisiers ardéchois s’apprêtent à fleurir, les arboriculteurs se sentent désarmés pour faire face à Drosophila suzukii, ce moucheron qui peut détruire de 30 % à 100 % des récoltes. En effet, après l’interdiction du diméthoate en 2016, la Commission européenne, dans son règlement d’exécution du 24 janvier 2022, a refusé de renouveler l’homologation du phosmet, dont l’efficacité est pourtant reconnue.

Or cette décision intervient à l’heure où les solutions de substitution, notamment à base d’insectes stériles, ne sont pas encore opérationnelles. Certes, il existe des filets anti-insectes, mais leur efficacité, comme on a pu le constater en 2022 dans les vergers voisins du Gard, reste très limitée. De plus, ils sont chers et complexes à installer dans des terrains accidentés comme ceux de notre département de l’Ardèche.

Madame la ministre, le Gouvernement s’était engagé à ne pas supprimer de produits phytosanitaires tant qu’une solution de rechange efficace ne serait pas disponible. Ma question est donc simple : allez-vous agir pour que, à court terme – j’allais dire dans l’urgence –, on puisse déroger à l’interdiction des molécules telles que le phosmet ou le diméthoate ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Darnaud, j’en appelle à votre indulgence, car je maîtrise ce sujet moins bien que vous et je risque d’écorcher un certain nombre de noms relatifs aux dérogations…

La France n’envisage pas de rétablir l’autorisation des produits à base de diméthoate et de phosmet. Comme vous le savez, compte tenu de la forte toxicité du diméthoate pour les êtres humains, les limites maximales de résidus ont été abaissées au minimum analytique, de sorte qu’elles ne sont plus compatibles avec une utilisation avant récolte. Le phosmet, quant à lui, présente des niveaux de toxicité comparables, selon les avis scientifiques, ce qui a justifié de mettre fin à son utilisation à l’échelon européen.

Conscient des inquiétudes que cela peut susciter dans certaines filières, le ministre Fesneau a chargé le délégué ministériel pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques dans les filières végétales de coordonner un groupe de travail qui associe les principaux acteurs de la filière de la cerise et ceux de la recherche agronomique.

La priorité absolue de ce groupe de travail est précisément d’ajuster la stratégie de lutte contre Drosophila suzukii sur les cerises, en envisageant une palette de solutions disponibles, avec comme boussole l’exigence qu’elles ne comportent pas de risques avérés pour la santé humaine.

Dans ce cadre, quatre demandes de dérogation sur les produits à base de cyantraniliprole, de benzoate d’emamectine, de kaolin et de spinosad ont été déposées. L’une a déjà été octroyée ; les trois autres sont en cours d’examen.

Il faut en parallèle s’assurer que les produits végétaux mis sur le marché en France répondent au même niveau d’exigence. La France a demandé à cet effet que la Commission européenne abaisse sans délai la limite maximale de résidus en phosmet sur les cerises, pour s’assurer que les cerises importées en 2023 ne puissent être traitées avec cette substance.

En outre, monsieur le sénateur Darnaud, le ministre de l’agriculture a indiqué à la filière qu’il était prêt à examiner la faisabilité d’un accompagnement financier pour les pertes qu’elle pourrait subir en cas d’attaque sévère de Drosophila suzukii.

Mon collègue Marc Fesneau reste naturellement à votre disposition sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.

M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, j’entends votre volonté d’accompagnement financier, mais le risque est de tuer définitivement cette filière de la cerise. Nos arboriculteurs ne s’en remettraient pas !

La situation est urgente. J’attire donc votre attention et celle du ministre de l’agriculture sur la nécessité d’agir vite et de trouver des réponses : alors que nous connaissons depuis 2016 les limites et les délais qui ont été fixés, pour l’heure, rien n’est encore opérationnel.

Je le répète, j’implore le Gouvernement d’agir rapidement !

souveraineté alimentaire française

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 481, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Yves Détraigne. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les obstacles qui s’amoncellent pour nos exploitations agricoles : fin de la dérogation pour les néonicotinoïdes, interdiction du S-métolachlore, nouveau règlement imposé à la filière fruits et légumes, législation hors-sol en matière viticole, ou encore signature d’accords de libre-échange portant atteinte à notre production…

À chaque fois, ce sont les contraintes réglementaires franco-françaises qui viennent saper la compétitivité de nos producteurs. Un simple exemple suffit à le montrer : seulement 68 % des substances actives autorisées et utilisées en Europe peuvent être épandues en France, sans que l’on comprenne pourquoi. Résultat, notre pays est l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent et dont les importations alimentaires ont doublé depuis 2000.

Or ces produits importés sont loin d’être vertueux. Les autres pays sont nettement moins précautionneux en matière de réglementation sanitaire et laissent leurs agriculteurs utiliser librement des traitements qui sont interdits sur notre sol. Ni notre balance commerciale ni notre bilan carbone ne nous permettent de nous réjouir de ce choix.

Aussi, madame la ministre, pour tendre vers une réelle souveraineté alimentaire, quand en finirons-nous avec ces surtranspositions qui viennent contraindre et pénaliser l’ensemble de notre modèle agricole ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Détraigne, après avoir répondu à la question du sénateur Darnaud, j’essaierai, même si c’est un défi, de répondre à celle, tout aussi technique, que vous me posez en matière de surtransposition.

Votre question porte sur de nombreux thèmes et, dans les deux minutes qui me sont imparties, je ne pourrai que rappeler deux ou trois faits.

Le nombre total de substances approuvées par l’Union européenne est stable depuis de nombreuses années : 453 substances sont concernées, parmi lesquelles 294 relèvent d’une autorisation de produit mis sur le marché en France, notre pays étant l’un de ceux, en Europe, où le nombre de substances autorisées est le plus important.

Seules 7 substances ont été interdites au niveau national : 5 néonicotinoïdes en 2016 et 2 substances ayant un mode d’action identique. Depuis lors, 4 de ces substances ont également été interdites à l’échelle européenne et une cinquième est interdite en usage extérieur. Ces chiffres montrent que l’approche en termes de surtransposition doit être relativisée.

En revanche, monsieur le sénateur Détraigne, vous avez parfaitement raison de le souligner, il y a un enjeu majeur à changer d’approche et de stratégie. C’est tout l’objet de la planification écologique voulue par la Première ministre.

Plusieurs principes guident cette action : elle doit être menée à l’échelle européenne pour éviter les distorsions de concurrence sur le marché commun ; il faut prévoir un soutien à la recherche et à l’innovation pour sortir des impasses et, surtout, trouver des solutions de rechange viables et opérationnelles ; enfin, cette action doit se faire dans la concertation avec les parties prenantes et l’ensemble des agences publiques, qu’il s’agisse des instituts de recherche ou des entreprises privées du monde agricole, pour identifier les impasses et trouver une palette de solutions permettant d’en sortir.

Depuis 2017, nous avons posé des principes fondamentaux dans le cadre des lois dites Égalim, c’est-à-dire pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, avec la réciprocité des normes dans les accords commerciaux et avec la préservation de l’accès à l’eau et la protection face aux effets du changement climatique, dans le cadre du Varenne de l’eau.

Nous poursuivrons ces efforts et cette méthode en posant un nouveau jalon essentiel pour l’avenir de notre agriculture, grâce au pacte et à loi d’orientation et d’avenir agricoles que portera mon collègue Marc Fesneau dans les prochains mois.

situation des écoles d’architecture

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 466, adressée à Mme la ministre de la culture.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, à Rouen comme ailleurs, les écoles nationales supérieures d’architecture se mobilisent en ce moment pour dénoncer des moyens financiers insuffisants, des contrats d’enseignants précaires et un personnel administratif en sous-effectif. La création de quelques contrats à durée déterminée (CDD) de remplacement sur des postes administratifs ne suffira pas, je crois, à éteindre cette colère.

La grande fragilité financière des écoles d’architecture contraint celles-ci à multiplier des réponses à des appels à projets, voire à solliciter de plus en plus de fonds privés. C’est un problème en soi, qui est d’autant plus important qu’elles n’ont ni le personnel administratif ni l’ingénierie pour mener ce travail à bien.

La loi de finances pour 2023 a acté un indice de rémunération des enseignants contractuels et vacataires à 410, soit à peine 1 500 euros, l’utilisation du 49.3 – déjà ! – ayant empêché le vote d’un certain nombre d’amendements qui avaient été déposés, ici ou à l’Assemblée nationale, et qui visaient à revaloriser cet indice.

Pouvez-vous m’assurer, madame la ministre, que dans la prochaine loi de finances vous accéderez à la demande des personnels de porter l’indice de rémunération à 517, ce qui équivaudrait à un traitement d’environ 2 000 euros ?

Par ailleurs, l’arrêté du 24 avril 2018 ne reconnaît pas l’enseignement des langues étrangères pour l’architecture. Par conséquent, les enseignants concernés ne peuvent pas être titularisés ni envisager d’évolution de carrière.

Plus globalement, les moyens alloués par l’État s’élèvent à 8 500 euros par an et par étudiant en architecture contre 10 500 euros pour les étudiants de l’université et plus de 15 000 euros pour ceux des grandes écoles. Pourquoi cet écart ?

C’est d’autant plus injuste que les écoles d’architecture, comme celle de Normandie qui est située à Darnétal, sont souvent éloignées des campus, ce qui ne facilite pas l’accès des étudiants aux services du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous).

Quelles mesures entendez-vous prendre face à cette crise, alors que nous sommes confrontés à des enjeux nouveaux, notamment celui de la transition écologique, dont les écoles vont devoir s’emparer ?

D’ailleurs, le ministère de la transition écologique ne devrait-il pas contribuer au financement de cet enseignement, aux côtés de ceux de la culture et de l’enseignement supérieur ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la sénatrice Brulin, je vous remercie d’avoir terminé votre intervention en mentionnant la transition écologique : en effet, je suis convaincue que nous disposons d’un vivier grâce aux 20 000 étudiants des écoles nationales supérieures d’architecture. Ceux-ci sont une grande source d’espoir, parce que ce sont eux qui penseront la ville, les logements et la manière d’habiter le monde de demain.

L’enjeu est pour moi essentiel, et c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité créer un prix pour valoriser les projets de transition écologique des étudiants en dernière année d’école.

Concernant l’École nationale supérieure d’architecture de Normandie que vous avez citée, il s’agit d’un cas très spécifique, où les situations de plusieurs personnes placées en congés maladie ou en congés maternité se sont cumulées au sein du service de la formation, ce qui a conduit la direction à repousser d’une semaine la rentrée du second semestre. Nous avons réussi à trouver une solution pour régler cette situation précise, et les représentants du personnel de cette école seront de nouveau reçus, vendredi prochain, par mes services.

Il me paraît important de vous rappeler tous les efforts qui ont été fournis depuis six ans : en effet, depuis 2017, on recense, en matière d’emploi, 111 titularisations d’enseignants contractuels et 80 créations de postes.

Rien que pour l’année 2023 – cela a été l’une de mes priorités dans les négociations budgétaires –, on compte 17 postes supplémentaires et une revalorisation des rémunérations a été actée.

Les crédits de fonctionnement ont augmenté de 7 % depuis 2019.

Enfin, j’insiste sur les travaux d’investissement qui ont été réalisés à Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon et Saint-Étienne, pour un montant de 75 millions depuis 2021.

Pour 2023 – nous en avons parlé au moment de l’examen du budget de mon ministère –, j’ai fortement mis l’accent sur les écoles d’architecture, avec une augmentation de 20 % des crédits alloués, qui se répartissent entre le fonctionnement et l’investissement courant.

Cela me permet de rectifier le chiffre que vous avez mentionné de 8 500 euros par étudiant en école d’architecture. En réalité, la dotation par étudiant est évaluée à 11 000 euros en moyenne. Je pourrai vous donner les détails du calcul.

J’ai bien conscience que des questions et des inquiétudes demeurent, qui sont légitimes. Je continue le dialogue avec les écoles et leurs représentants. Soyez assurée de mon engagement pour chercher encore et toujours des solutions. Toutefois, les négociations budgétaires pour 2024 n’ont pas commencé. Nous aurons donc l’occasion de reparler de ce sujet.

condition d’accès à l’honorariat au grade supérieur pour les réservistes

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 333, adressée à M. le ministre des armées.

M. Cédric Perrin. Madame la secrétaire d’État, le 26 janvier 2022, dans une réponse à une question orale, votre prédécesseur rappelait que l’obtention de l’honorariat des réservistes au grade supérieur n’était pas de droit.

Depuis un décret du 30 septembre 2019, ce dispositif repose en effet sur une proposition de l’autorité militaire au ministre en exercice, qui doit ensuite fonder sa décision sur des critères précis dans le cadre d’une procédure interarmées. Il s’agit d’éviter que l’attribution de l’honorariat à un grade supérieur ne soit possible dans des conditions plus faciles que celles qui sont prévues, par exemple, pour la promotion des militaires d’active. Ce serait inéquitable et incompréhensible pour les militaires.

Or, à ce jour, ces critères et cette procédure ne sont toujours pas déterminés. En janvier 2022, votre prédécesseur annonçait une révision prochaine à la lumière des conclusions et des recommandations du groupe de travail constitué de représentants de l’ensemble des forces armées et des formations rattachées.

Cette révision, qui semblait imminente, était déjà annoncée dans une précédente réponse du Gouvernement datée du 13 mai 2021. On y évoquait déjà l’existence de ce groupe de travail, constitué à la fin de l’année 2020 pour définir les actions qui méritaient d’être valorisées…

Enfin, la semaine dernière, j’ai lu dans une réponse du ministre des armées qu’un nouveau groupe de travail sur l’avenir de la réserve militaire avait été mis en place, le 21 novembre dernier, dans le cadre de la préparation de la loi de programmation militaire (LPM). Un projet de décret serait en cours de rédaction, qui pourrait être présenté en Conseil d’État avant la fin du premier semestre de 2023.

Je ne doute pas un seul instant de la difficulté que constitue une telle tâche, mais voilà désormais trois ans et demi, madame la secrétaire d’État, que nos militaires ayant quitté la réserve opérationnelle patientent.

J’ai donc deux questions.

Premièrement, pourquoi un nouveau décret, jamais évoqué jusqu’alors, est-il finalement nécessaire ?

Deuxièmement, que sont devenues les conclusions du groupe de travail initial, celui qui a précédé le groupe de travail LPM ? Quelles sont-elles pour avoir vraisemblablement été balayées par le Gouvernement ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur Perrin, je vous remercie de votre question relative à la condition d’accès à l’honorariat au grade supérieur pour les réservistes.

Comme vous le savez, les attentes concernant la réserve sont fortes dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.

Pour donner corps à cette ambition, le ministère des armées a mis en place six groupes de travail, dont l’un est consacré à l’avenir de la réserve militaire. Comme vous venez de le rappeler, dans un esprit de coconstruction de cette LPM avec le Parlement, ce groupe de travail lancé le 21 novembre 2022 a examiné les mesures susceptibles de rendre plus attractif un engagement dans la réserve.

Parmi les mesures concrètes étudiées et issues des travaux préalables, le sujet de la modification des dispositions réglementaires relatives à l’attribution aux réservistes de l’honorariat du grade immédiatement supérieur fait actuellement l’objet d’un projet de décret, qui doit être cohérent avec les dispositions relatives à la réserve militaire prévues dans la LPM.

Ce projet, qui a reçu un avis favorable du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) à l’été 2022, est actuellement soumis à la consultation interministérielle. Il devrait pouvoir être présenté en Conseil d’État avant la fin du premier semestre de 2023.

situation des établissements ne bénéficiant pas des « responsabilités et compétences élargies »

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 454, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Philippe Bonnecarrère. Je souhaitais m’adresser tout particulièrement à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et attirer son attention, au sein du monde universitaire, sur les établissements qui ne disposent pas de ce que l’on appelle les « responsabilités et compétences élargies », soit en bon jargon administratif les RCE.

Très concrètement, parmi ces établissements, l’Institut national universitaire (INU) Champollion, à Albi, qui couvre notamment le Tarn et l’Aveyron, est le deuxième établissement le plus sous-encadré de France, dans la catégorie des établissements dits « pluridisciplinaires » hors santé. Il a pu arriver que certaines mesures de rattrapage soient prises, par exemple sous la forme d’annonces pour des emplois dans la filière des sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), ou bien grâce à des compléments financiers.

Toutefois, lorsque, dans le cadre d’emplois supplémentaires alloués nationalement, on en attribue à un établissement comme l’institut Champollion, cela ne se traduit pas forcément dans la réalité, dans la mesure où cet établissement ne bénéficie pas des responsabilités et compétences élargies, de sorte que s’y applique un plafond d’emplois.

Pour résumer, d’un côté, on alloue un nombre d’emplois supplémentaires, de l’autre, on rappelle à l’établissement vers lequel on les flèche qu’il est soumis à un plafond d’emplois. Aussi, rien ne bouge ; la décision d’adjoindre des moyens humains reste sans effet. D’où ma question.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, le pilotage des moyens et des emplois des établissements ne bénéficiant pas de RCE fait l’objet d’un examen particulièrement attentif de la part des services.

Les échanges avec ces établissements se sont renforcés depuis trois ans, à la suite de la mise en place d’un dialogue stratégique et de gestion. Celui-ci nous a permis d’établir un constat partagé de la situation des établissements, de leurs contraintes et, éventuellement, de leurs besoins complémentaires.

L’INU Champollion, qui participe à ce dialogue, fait l’objet d’un effort financier significatif depuis 2017. Il a ainsi bénéficié de 5,6 millions d’euros supplémentaires pour les dépenses personnelles et de fonctionnement. Sa subvention pour charges de service public a augmenté de 2,2 millions d’euros en six ans, soit une hausse de 40 %.

Contrairement à ce que vous indiquez, monsieur le sénateur, le financement d’un emploi stable supplémentaire s’est traduit par un relèvement du plafond d’emplois, ce dont l’établissement a été informé en novembre 2022.

Par ailleurs, un soutien financier complémentaire alloué dès 2022 pour la création de quatre emplois supplémentaires s’est matérialisé par une nouvelle augmentation du plafond de quatre équivalents temps plein partagé (ETPT) dans une notification initiale de 2023.

S’agissant des emplois rémunérés dans le cadre du titre II, les crédits ont augmenté de 2,2 millions d’euros en six ans, pour prendre en compte des revalorisations et l’évolution du plafond d’emplois.

Le ministère assure un suivi fin des consommations des emplois sur le titre II, pour éviter notamment un abattement de plafond d’emplois en loi de finances, qui résulterait d’une vacance sous plafond supérieur à 1 %. Le rehaussement du plafond du titre II ne peut pas être automatique ; il est soumis au constat préalable de la saturation de ce plafond d’emplois.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

M. Philippe Bonnecarrère. Madame la secrétaire d’État, je ne partage pas la relative satisfaction que vous avez exprimée.

Je vous répète que l’institut Champollion est le deuxième établissement le plus sous-doté de France et je vous invite à donner corps à une négociation pluriannuelle, ainsi qu’à un véritable dialogue annuel avec chacun des établissements concernés.

statut de l’administrateur ad hoc

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 472, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Frédérique Puissat. Ma question porte sur l’absence de statut pour les administrateurs ad hoc.

Depuis que le décret de création de cette fonction a été publié en 1999, aucun texte n’est venu encadrer cette profession, alors que son champ d’intervention ne cesse de s’étendre au fur et à mesure des textes votés, y compris dans cet hémicycle.

Contrairement aux autres mandataires, notamment les tuteurs et les curateurs, rien n’encadre véritablement cette profession.

On constate, en l’occurrence, une absence de formation obligatoire, une absence de déontologie, des contours de mission parfois flous, un exercice hétérogène des mandats sur le territoire national et une indemnisation dérisoire au regard du travail accompli. Des propositions de loi avaient déjà été déposées à l’époque, sur ce sujet, par certains de nos collègues députés.

Ma question est donc la suivante : le Gouvernement a-t-il l’intention d’agir, soit par décret, soit dans le cadre d’un projet de loi, pour encadrer cette profession ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Madame la sénatrice Puissat, je vous remercie de votre question relative au statut de l’administrateur ad hoc et je vous prie d’excuser l’absence du garde des sceaux, ministre de la justice.

M. le garde des sceaux partage avec vous le constat selon lequel l’administrateur ad hoc, ce parrain judiciaire, est un acteur clé dans le parcours d’accompagnement du mineur victime d’une procédure pénale.

Un administrateur ad hoc est nommé en cas de conflit d’intérêts ou de vacance dans la représentation des intérêts du mineur dans un procès. Les modalités de sa désignation et de son intervention en justice sont prévues aux articles R. 53 et suivants du code de procédure pénale. Le nombre d’interventions des administrateurs ad hoc est d’environ 5 000 à 6 000 par an.

Le recrutement d’un administrateur ad hoc doit pouvoir être plus rapide, pour lui permettre d’intervenir le plus tôt possible dans l’intérêt du mineur accompagné. Sa désignation doit être plus souple, confiée au procureur de la République et non pas, comme c’est encore le cas actuellement, à l’assemblée générale des magistrats de la cour d’appel.

Sa compétence doit être assurée et vérifiée, notamment dans le cadre d’une formation de qualité sur les enjeux de la procédure judiciaire et en matière de protection des mineurs.

La mission de l’administrateur ad hoc mérite d’être précisée dans son contenu. Elle doit aussi être mieux contrôlée, pour permettre un véritable accompagnement du mineur dans tous les actes de la procédure, qu’il s’agisse de l’enquête pénale, des auditions devant le juge d’instruction ou de l’audience.

La tarification des missions est à repenser. La revalorisation de la rémunération pour les missions confiées est essentielle.

Aussi, madame la sénatrice, M. le garde des sceaux vous assure que ses services sont mobilisés sur ces questions et pourront très prochainement vous présenter des travaux aboutis, qui permettront la création d’un véritable statut pour les administrateurs ad hoc.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse, qui me rassure.

Un certain nombre de ces professionnels sont regroupés sous forme associative, et il y a parfois des carences que les bénévoles n’arrivent plus à gérer. Compte tenu de l’augmentation de la charge de travail, on finit par recruter de manière parfois légère. En outre, l’application de ce droit se fait de manière hétérogène en France, ce qui peut poser un certain nombre de difficultés.

Nous suivrons donc avec attention les travaux qui seront conduits par le garde des sceaux. Qu’il veille à solliciter dans ce cadre les professionnels de terrain, car ils ont matière à lui répondre, en particulier en Isère, où il existe une association de professionnels très bien construite et dont le degré de maturité est remarquable. Le garde des sceaux gagnerait à la consulter pour affiner ses travaux.

allongement des délais de justice

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 272, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Brigitte Lherbier. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais attirer votre attention sur la longueur des délais de justice pour obtenir une audience, puis une décision.

Les tribunaux n’arrivent plus à faire face, malgré l’engagement des magistrats, des greffiers et de l’ensemble du personnel de justice. À Lille, le président du tribunal judiciaire s’est inquiété, le jour de la rentrée solennelle, du manque de personnels. Il estime que son tribunal est « chroniquement sous-évalué », en raison du départ à la retraite de nombreux magistrats.

Cette situation se constate dans toutes les branches du droit.

En matière pénale, les mis en cause attendent plusieurs années, alors même qu’il est important de prononcer une sanction rapide, voire immédiate, notamment vis-à-vis des mineurs.

Les délais sont les mêmes pour les victimes de dommages physiques qui attendent l’évaluation de leur préjudice. En droit du travail, on annonce déjà que certaines affaires seront traitées en 2026… En matière civile et commerciale, idem ! Plusieurs années sont également nécessaires pour obtenir réparation en droit de la construction.

Longueurs pour obtenir un jugement, mais aussi longueurs pour exécuter les décisions judiciaires… Je le rappelle, 270 ordonnances de placements d’enfants en danger ne sont pas honorées dans le département du Nord.

Le rapport du comité des États généraux de la justice de 2022 affirmait qu’il fallait « rendre justice aux concitoyens ».

Les auxiliaires de justice seront-ils suffisamment compétents pour accélérer les procédures ? Les nouveaux recrutés seront-ils suffisamment formés pour éviter les erreurs dues à leur manque d’expérience ? Toute la chaîne de la procédure judiciaire sera-t-elle concernée par ces recrutements ?

Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous évoquer la situation actuelle de la justice en évoquant non pas les stocks, mais les dossiers douloureux en attente ? En effet, nous, parlementaires, recevons toutes ces personnes perdues, ruinées ou en souffrance dans nos permanences : je puis vous l’assurer, il est extrêmement difficile d’entendre ce qu’elles ont à nous dire.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Madame la sénatrice Lherbier, comme vous, nous sommes particulièrement préoccupés par la question cruciale des délais. Dans le cadre des États généraux, nos concitoyens nous ont dit très clairement que la justice était trop lente. C’est même le principal grief qui est adressé à l’institution.

C’est pourquoi, grâce aux moyens historiques supplémentaires qu’il a prévus, le Gouvernement souhaite que nous puissions diviser par deux les délais moyens de notre justice.

Tel est l’objectif premier de la politique menée depuis deux ans par le garde des sceaux. À ce titre, l’embauche de 2 000 contractuels au sein des juridictions a d’ores et déjà permis une diminution du stock de dossiers, notamment en matière civile, comprise entre 20 % et 28 % selon les juridictions et les contentieux.

Néanmoins, nous devons faire plus, évidemment. La logique du plan d’action présenté le 5 janvier dernier par le garde des sceaux est de parvenir à une réduction des délais. Ainsi, 1 500 magistrats et 1 500 greffiers seront embauchés pour la justice judiciaire au cours du quinquennat : c’est autant que sur les vingt dernières années.

Vous conviendrez cependant que trente années d’abandon budgétaire, politique et humain ne peuvent être réparées en un claquement de doigts. C’est pourquoi la loi de programmation du ministère de la justice qui sera présentée prochainement permettra de pérenniser ces efforts historiques sur le temps long, au service d’une justice plus rapide, plus efficace et plus proche du justiciable.

À la question des moyens s’ajoute l’enjeu de la complexité des procédures. C’est pourquoi la procédure pénale sera simplifiée. En outre, le garde des sceaux a lancé une grande politique de l’amiable. Si l’objectif premier de la promotion des modes alternatifs de règlement des litiges est de permettre aux justiciables de se réapproprier leur procès, l’amiable est également un moyen de favoriser les circuits courts, donc de réduire les délits.

Je sais pouvoir compter sur l’engagement du Sénat, avec lequel le Gouvernement travaille en parfaite intelligence, pour améliorer la justice de notre pays.

conséquences de l’abandon de la filière gaz en france

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 489, transmise à Mme la ministre de la transition énergétique.

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la secrétaire d’État, depuis 2022, l’installation de chaudières à gaz dans les logements individuels neufs est proscrite, au nom d’un objectif louable : la transition écologique.

Concernant les logements collectifs, cette interdiction a été fixée initialement à 2024, puis repoussée heureusement à 2025, afin de laisser du temps au développement de modes de chauffage alternatifs. Cependant, plusieurs incertitudes subsistent, notamment en ce qui concerne l’extension de cette interdiction aux rénovations de logements.

Cette politique d’interdiction radicale suscite des inquiétudes à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, le réseau électrique français sera-t-il capable de compenser dès 2025 la surconsommation électrique entraînée par l’abandon du chauffage au gaz ? Les tensions sur le réseau cet hiver et les appels du Gouvernement aux Français à réduire leur consommation laissent planer le doute. Les surcoûts créés pour les consommateurs et les bailleurs collectifs contraints de se convertir à l’électricité seront-ils compensés ?

Au-delà de ces problématiques importantes, les craintes de la filière française du gaz sont considérables. Car cette réglementation entraînera inévitablement la perte de plusieurs milliers d’emplois et, surtout, la disparition d’un savoir-faire reconnu.

Ne commettons pas la même erreur qu’avec le nucléaire, pour lequel l’abandon programmé de la filière a détourné de celle-ci des milliers d’ingénieurs et de techniciens, qui font aujourd’hui cruellement défaut alors que le secteur revient en grâce à la suite de la volte-face du Président de la République.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place pour accompagner et soutenir la reconversion de la filière gaz si l’abandon programmé de cette dernière se confirme ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur Levi, je vous remercie de votre question et vous prie d’excuser l’absence de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

Le Président de la République a fixé des objectifs très ambitieux en matière de transition énergétique : que la France soit le premier grand pays industriel à se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Depuis 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d’énergie décarbonée pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire dans les logements neufs.

Une première échéance a été fixée pour les maisons individuelles ; l’obligation est ensuite progressivement étendue aux logements collectifs en 2025 et aux bâtiments tertiaires. Son objectif est de poursuivre l’amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant l’impact carbone de ces dernières. Il n’y a, à ce jour, pas d’interdiction d’installation de chaudières au gaz dans les logements existants.

Des solutions compétitives existent, par exemple en recourant aux réseaux de chaleur et aux énergies renouvelables ou de récupération, telles que les pompes à chaleur, la géothermie de surface, les systèmes solaires ou la biomasse.

Certaines aides tirent déjà les conséquences de cette évolution : ainsi, MaPrimeRénov’, principale aide à la rénovation énergétique des logements, ne subventionne plus l’achat de chaudières au fioul ou au gaz.

Le recours aux énergies décarbonées est générateur de nouvelles perspectives pour les entreprises désireuses de s’engager dans ces solutions d’avenir, avec des enjeux importants en termes de formations et de compétences.

Le Gouvernement est engagé dans l’accompagnement de la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas carbone. Plusieurs outils déployés par l’État y concourent : le renforcement des aides au raccordement aux réseaux de chaleur ; le fonds Chaleur et le plan géothermie, lancé en février 2023. Les actions en cours pour développer l’industrie française des pompes à chaleur, qui font l’objet d’échanges avec les filières, y contribuent également.

Enfin, s’agissant du biogaz, cette énergie décarbonée doit être soutenue. Nous avons consommé 480 térawattheures de gaz en 2021, et nous avons actuellement une capacité d’injection dans le réseau de 10 térawattheures de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui restera limité.

Réduire notre consommation globale de gaz n’est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz. Nous devons faire les deux, afin de sortir au plus vite des énergies fossiles.

critères de contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, auteur de la question n° 502, transmise à M. le secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer.

M. Mickaël Vallet. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la méthode de détection de norovirus dans les productions conchylicoles françaises.

La conchyliculture est fréquemment touchée, durant les périodes hivernales, par des épidémies de norovirus induites par divers dysfonctionnements des stations de traitement des eaux.

Les conchyliculteurs ne sont en rien responsables de ces manquements des stations d’épuration, tout en en payant le prix fort par les restrictions de production et de commercialisation. Vous le savez, votre département d’élection est concerné, comme l’est la Charente-Maritime, dans lequel se trouve le plus grand bassin ostréicole d’Europe.

Au-delà, c’est la méthode même sur laquelle reposent ces interdictions qui interroge. La détection de génome du norovirus dans les coquillages n’informe pas correctement sur l’infectiosité du virus, puisque le génome peut rester présent après que le caractère infectieux du virus a fortement décliné.

Alors qu’une discussion a lieu actuellement au niveau européen pour l’ajout de critères microbiologiques relatifs aux norovirus dans le règlement, en se fondant notamment sur la détection du génome, je souhaiterais savoir où en est concrètement l’avancée du programme de recherche dit « Oxyvir 2 », que le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire soutient.

Ce programme doit permettre d’estimer le caractère infectieux du norovirus par l’utilisation d’un indicateur viral externe, en l’occurrence ce qu’on appelle les bactériophages fécaux. Cet indicateur deviendrait la norme sur laquelle seraient prises les décisions éventuelles d’interdiction de commercialisation des productions conchylicoles, à l’instar de ce qui se pratique d’ailleurs déjà en Australie et aux États-Unis.

Pour le dire autrement, fonder une interdiction de vente sur la présence du norovirus, qui est sans danger pour le consommateur, serait un non-sens. En effet, ce qui compte, ce sont les bactériophages, qui, eux, peuvent être dangereux et qu’une purification d’une vingtaine de jours suffirait visiblement à éliminer. Il faut être pragmatique et avoir une approche scientifique rationnelle, dans l’intérêt des consommateurs, des conchyliculteurs et de notre balance commerciale.

Peut-on compter sur le soutien du Gouvernement dans cette perspective ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur Vallet, je vous remercie de votre question relative aux critères de contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles, qui concerne aussi mon département, l’Hérault. Je vous prie d’excuser l’absence du secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, qui n’a pu être présent.

L’étude Oxyvir, cofinancée par le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, l’État et la région Normandie, a été lancée pour détecter l’infectiosité des norovirus. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) travaille également sur cette question.

À la suite de résultats prometteurs, le programme Oxyvir 2 a été lancé en 2021 pour confirmer la fiabilité de la méthode.

Le Gouvernement travaille sur la réglementation pour que les décisions soient prises au plus près des risques encourus par les consommateurs.

La méthode du programme Oxyvir 2, si elle tient ses promesses, pourrait être utilisée pour cibler les norovirus infectieux et éviter la fermeture injustifiée des sites. L’étude devrait être finalisée d’ici à quelques mois et la méthode, une fois validée au niveau national, pourra être présentée à la Commission européenne.

Nous continuons de travailler avec les collectivités pour améliorer leur gestion des eaux, qui sont responsables de ces contaminations, ainsi que pour accompagner les producteurs lors des crises.

Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir posé cette question très intéressante.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Conventions internationales

Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de serbie

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie (ensemble un arrangement administratif signé le 15 mars 2018 et un avenant sous forme d’échange de lettres signées à Belgrade les 21 mai et 2 juillet 2021), et dont le texte est annexé à la présente loi

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie
 

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie (projet n° 81, texte de la commission n° 431, rapport n° 430).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté.)

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume des pays-bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américain de la république française et du royaume des pays-bas

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américain de la République française et du Royaume des Pays-Bas
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américain de la République française et du Royaume des Pays-Bas, signé à Paris le 25 juin 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américain de la République française et du Royaume des Pays-Bas (projet n° 288, texte de la commission n° 409, rapport n° 408).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américain de la République française et du Royaume des Pays-Bas
 

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Dossier législatif : proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique
Article 1er

Favoriser les travaux de rénovation énergétique

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique (texte de la commission n° 422, rapport n° 421).

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que le texte qui nous réunit aujourd’hui parvienne au terme de son parcours parlementaire, à l’issue d’une commission mixte paritaire conclusive, dans une version équilibrée qui reprend très largement les apports du Sénat introduits lors de son examen en février dernier.

Nous avions alors accueilli favorablement ce texte, qui offrira au secteur public un nouvel outil pour relever l’immense défi que représente la transition énergétique des bâtiments publics, soumis par la loi à d’ambitieuses obligations de performance énergétique.

Or le coût de ces travaux est estimé à 500 milliards d’euros pour l’ensemble du secteur public, à mobiliser d’ici à 2050. Fidèles à notre rôle constitutionnel de représentants des collectivités territoriales, il nous est par conséquent apparu nécessaire d’accompagner ces dernières dans la réalisation de ces travaux, favorisant ainsi l’atteinte des objectifs de performance énergétique que leur impose la loi.

La solution prévue par ce texte peut représenter une avancée et permettre de débloquer de nombreux projets locaux : les acheteurs publics pourront plus facilement programmer des travaux de rénovation énergétique de leurs bâtiments, en faisant partiellement reposer leur financement sur les économies d’énergie qui résulteront de ces travaux, le coût initial étant pris en charge par un tiers-financeur.

Il s’agit ainsi d’une dérogation au code de la commande publique, lequel prohibe, à juste titre, tant les dérapages sont possibles, le paiement différé.

C’est pourquoi nous sommes restés attachés au principe d’une expérimentation, qui prendra fin au bout de cinq ans. Nous avons renforcé les exigences de suivi et d’évaluation de cette dernière, afin de nous assurer que les dérogations au code soient limitées, que les collectivités territoriales soient accompagnées et que soit ainsi évité tout accident financier.

Sur ce point, nous avons accentué les conditions de soutenabilité financière des projets, conscients que le tiers-financement représente un coût final plus élevé pour l’acheteur public, le tiers-financeur répercutant son avance de trésorerie lors du paiement différé.

Comme j’ai pu l’exprimer à plusieurs reprises lors des diverses étapes de la navette parlementaire, ce texte ne constituera pas une solution miracle effaçant les difficultés du secteur public en matière de rénovation énergétique. Il s’agit d’une solution complémentaire, certes bienvenue, mais qui ne nous dédouanera pas d’une réflexion d’ensemble sur les moyens de mettre en œuvre la transition environnementale à l’échelon local.

Nous serons donc attentifs à l’application qui sera faite de cette nouvelle faculté laissée aux mains du secteur public, en formulant le vœu que l’évaluation demandée par la loi que nous nous apprêtons à voter soit effective.

Tous les apports du Sénat ont été maintenus lors de la commission mixte paritaire (CMP). C’est donc un texte presque identique à celui que nous avions adopté en février dernier qu’il vous est proposé de voter aujourd’hui.

Outre des modifications rédactionnelles, la CMP a notamment permis d’inclure l’étude préalable parmi les documents transmis aux assemblées délibérantes devant approuver la signature du contrat – une précision utile –, et d’encadrer la durée du marché, celui-ci devant se limiter à la durée de l’amortissement des investissements.

Compte tenu de ces avancées et du compromis qui a été trouvé, à l’unanimité, en commission mixte paritaire, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de ce texte, qui permettra de trouver des solutions locales pour améliorer le quotidien des usagers du service public et respecter nos engagements en matière de décarbonation. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la synthèse du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), parue hier, nous rappelle l’urgence d’agir face au réchauffement climatique, d’accélérer notre transition et, en particulier, d’avancer sur la décarbonation de nos sociétés.

Ce défi majeur de la transition écologique passe nécessairement par la décarbonation des bâtiments, qui produisent 23 % des émissions de gaz à effet de serre de notre pays.

Ce chantier crucial de la rénovation de nos bâtiments, nous l’avons déjà lancé, et il a un coût, notamment pour l’État et les collectivités dont le bâti représente 30 % du parc tertiaire national, avec un important potentiel d’amélioration de l’efficacité énergétique.

C’est un chantier où l’État comme les collectivités se doivent d’être exemplaires. En effet, avec 75 % du parc des bâtiments publics, les collectivités territoriales sont tout particulièrement en première ligne.

Cette proposition de loi, qui vise à ouvrir le tiers-financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, parvient aujourd’hui au terme de son parcours parlementaire. Elle est à présent soumise à votre approbation.

La réalisation de travaux de rénovation énergétique constitue un investissement important pour les collectivités. Or, jusqu’à présent, le code de la commande publique interdit tout paiement différé dans les marchés globaux de performance énergétique passés par l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements.

Une dérogation à ce principe existait déjà, uniquement dans le cadre très spécifique et contraignant des partenariats publics-privés, de facto très peu utilisés pour les travaux de rénovation des bâtiments des collectivités territoriales.

Cette proposition de loi constitue donc une avancée très concrète. Elle fournira aux collectivités, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, un outil renforcé pour leur permettre d’accélérer les démarches de rénovation qu’elles entreprennent.

Je tiens à saluer l’esprit dans lequel cette proposition de loi a été conçue, dans le dialogue avec les collectivités territoriales, les élus locaux et le Parlement, en particulier avec l’apport décisif du Sénat.

Le texte a été débattu, enrichi, amendé, et cette version issue de la commission mixte paritaire est un bel exemple de compromis en vue de l’intérêt général. La qualité des échanges doit beaucoup aux rapporteurs, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, et je tiens, madame la sénatrice Eustache-Brinio, à vous remercier personnellement de votre engagement.

Le tiers-financement n’est ni une réforme du code de la commande publique – nous sommes dans une logique d’identification des bonnes pratiques et d’expérimentation – ni un désengagement de l’État.

C’est une arme supplémentaire, mise à la disposition des élus qui le souhaiteront. Elle s’ajoute à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) pour ce qui concerne la rénovation ; aux appels à projets dans le cadre des certificats d’économies d’énergie (C2E) ; à la mobilisation du fonds Chaleur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), dont le montant a été porté à un demi-milliard d’euros ; et à celle du fonds vert, abondé à hauteur de deux milliards d’euros pour 2023.

Ainsi, dans le cadre du fonds vert, 5 000 dossiers de subvention ont été déposés par les collectivités locales, dont 2 150 concernent la rénovation thermique des bâtiments publics, représentant 5 millions de mètres carrés à rénover. Les financements correspondants permettraient de réaliser des économies représentant la consommation de 40 000 foyers français.

Enfin, des propositions seront réalisées dans le cadre du plan de rénovation des écoles, qui s’appuiera sur le tiers-financement, mais pas seulement. Avec la Banque des territoires, nous préparons un dispositif pour accompagner massivement les écoles, collèges et lycées de notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le chantier de rénovation du bâti public est une priorité de la lutte que nous menons contre le réchauffement climatique. Mais il n’y a pas, d’un côté, la question environnementale, et, de l’autre, les questions économiques et sociales. C’est le dernier point sur lequel je souhaiterais insister : la rénovation du bâti public a un coût, mais elle ouvre des perspectives extrêmement concrètes de réduction des dépenses.

Investir pour rénover, c’est agir directement pour les finances de sa commune et de sa collectivité. Mais c’est aussi améliorer la vie de nos concitoyens, des agents qui travaillent dans ces bâtiments et de tous leurs usagers.

Le texte qui vous est soumis est un texte de consensus, qui permettra de renforcer notre action publique pour le bénéfice de nos concitoyens, sur le long terme, mais aussi sur le court terme. Il favorisera également la mobilisation de l’ensemble des acteurs du bâtiment, au service de la décarbonation du secteur, et leur ouvrira de nouvelles perspectives économiques sans lesquelles ce chantier systémique ne pourrait être mené à bien.

C’est pourquoi je ne doute pas que l’adoption de ce texte fera l’objet d’un large consensus sur vos travées. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l’état

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique
Article 1er bis

Article 1er

À titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’État et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements peuvent conclure des contrats de performance énergétique dérogeant aux articles L. 2191-2 à L. 2191-8 du code de la commande publique, sous la forme d’un marché global de performance mentionné à l’article L. 2171-3 du même code, pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments. Lorsque le contrat conclu en application du présent article porte sur plusieurs bâtiments, les résultats des actions de performance énergétique sont suivis de manière séparée pour chaque bâtiment.

Les contrats mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent être conclus pour la prise en charge des travaux prévue au dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales.

Pour le calcul de la rémunération du titulaire, le marché global de performance précise les conditions dans lesquelles sont pris en compte et identifiés :

1° Les coûts d’investissement, notamment les coûts d’étude et de conception, les coûts de construction, les coûts annexes à la construction et les frais financiers intercalaires ;

2° Les coûts de fonctionnement, notamment les coûts d’entretien, de maintenance et de renouvellement des ouvrages et des équipements ;

3° Les coûts de financement ;

4° Le cas échéant, les revenus issus de l’exercice d’activités annexes ou de la valorisation du domaine.

Par dérogation aux articles L. 2193-10 à L. 2193-13 du code de la commande publique, le sous-traitant direct du titulaire du marché global de performance est payé, pour la part du marché dont il assure l’exécution, dans les conditions prévues au titre III de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

Pour l’application des articles L. 2313-1, L. 3313-1, L. 3661-15, L. 4313-2, L. 4425-18, L. 5217-10-14, L. 71-111-14 et L. 72-101-14 du code général des collectivités territoriales, les documents budgétaires sont accompagnés :

a) D’une annexe retraçant l’ensemble des engagements financiers de la collectivité territoriale ou de l’établissement public résultant des contrats de performance énergétique signés dans les conditions prévues au présent article ;

b) D’une annexe retraçant la dette liée à la part d’investissements de ces contrats.

Article 1er
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Article 2

Article 1er bis

I. – Le présent article est applicable aux marchés globaux de performance conclus en application de l’article 1er.

II. – Un marché global de performance peut être conclu pour la réalisation d’une opération répondant aux besoins d’une autre personne morale de droit public ou de droit privé en vue de l’exercice de ses missions. Dans ce cas, une convention est signée entre l’acheteur et la personne morale pour les besoins de laquelle le marché global de performance est conclu.

III. – Lorsque la réalisation d’un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs acheteurs, ces derniers peuvent désigner par convention celui d’entre eux qui conduira la procédure de passation et, éventuellement, signera le contrat et en suivra l’exécution. Le cas échéant, cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme.

IV. – Avant de décider de recourir à un marché global de performance, l’acheteur procède à une étude préalable ayant pour objet de démontrer l’intérêt du recours à un tel contrat. La procédure de passation de ce marché ne peut être engagée que si cette étude préalable démontre que le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique. Le critère du paiement différé ne peut à lui seul constituer un avantage.

Cette étude préalable est soumise pour avis à l’organisme expert mentionné à l’article L. 2212-2 du code de la commande publique.

Les modalités d’application du présent IV sont déterminées par décret en Conseil d’État.

V. – Avant de décider de recourir à un marché global de performance, l’acheteur réalise une étude de soutenabilité budgétaire, qui apprécie notamment les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits. Cette étude est soumise pour avis au service de l’État compétent.

Lorsque le marché global de performance est conclu pour les besoins de plusieurs personnes morales, l’étude de soutenabilité budgétaire précise les engagements financiers supportés par chacune d’elles.

VI. – Pour les marchés globaux de performance conclus par l’État et ses établissements publics, le lancement de la procédure de passation est soumis à l’autorisation des autorités administratives compétentes, dans des conditions fixées par voie réglementaire.

VII. – Pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, l’étude préalable, l’étude de soutenabilité budgétaire et les avis sur celles-ci sont présentés à l’assemblée délibérante ou à l’organe délibérant, qui se prononce sur le principe du recours à un marché global de performance.

VIII. – Pour les autres acheteurs, l’étude préalable, l’étude de soutenabilité budgétaire et les avis sur celles-ci sont présentés à l’organe décisionnel, qui se prononce sur le principe du recours à un marché global de performance.

IX. – L’acheteur peut prévoir que les modalités de financement indiquées dans l’offre finale présentent un caractère ajustable.

Ces ajustements ne peuvent avoir pour effet de remettre en cause les conditions de mise en concurrence en exonérant l’acheteur de l’obligation de respecter le principe du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ni de permettre au titulaire pressenti de bouleverser l’économie de son offre.

L’ajustement de l’offre ne porte que sur la composante financière du coût global du contrat et est seulement fondé sur la variation des modalités de financement, à l’exclusion de tout autre élément.

X. – Le soumissionnaire auquel il est envisagé d’attribuer le marché global de performance présente le financement définitif dans un délai fixé par l’acheteur. À défaut, le marché global de performance ne peut lui être attribué et le soumissionnaire dont l’offre a été classée immédiatement après la sienne peut être sollicité pour présenter le financement définitif de son offre dans le même délai.

XI. – (Supprimé)

XII. – Les autorités administratives compétentes autorisent la signature des marchés globaux de performance par l’État et ses établissements publics, dans des conditions fixées par voie réglementaire.

XIII. – L’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou l’organe délibérant de l’établissement public local autorise la signature du marché global de performance par l’organe exécutif.

XIV. – L’organe décisionnel des autres acheteurs autorise la signature du marché global de performance.

XIV bis (nouveau). – La durée du marché global de performance est déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues.

XV. – Une fois signés, les marchés globaux de performance et leurs annexes sont communiqués à l’organisme expert mentionné à l’article L. 2212-2 du code de la commande publique. Les informations et documents communiqués ne sont utilisés qu’à des fins de recensement et d’analyse économique.

XVI. – En cas d’annulation ou de résiliation du marché global de performance par le juge faisant suite au recours d’un tiers, le titulaire peut prétendre à l’indemnisation des dépenses qu’il a engagées conformément au contrat dès lors qu’elles ont été utiles à l’acheteur.

XVII. – Parmi les dépenses mentionnées au XVI du présent article, figurent, s’il y a lieu, les frais liés au financement mis en place dans le cadre de l’exécution du marché, y compris, le cas échéant, les coûts pour le titulaire afférents aux instruments de financement et résultant de la fin anticipée du contrat.

La prise en compte des frais liés au financement est subordonnée à la mention, dans les annexes au marché global de performance, des principales caractéristiques des financements à mettre en place pour les besoins de l’exécution du marché.

XVIII. – Lorsqu’une clause du marché global de performance fixe les modalités d’indemnisation du titulaire en cas d’annulation ou de résiliation du contrat par le juge, elle est réputée divisible des autres stipulations du contrat.

XIX. – La rémunération due par l’acheteur dans le cadre du marché global de performance peut être cédée conformément aux articles L. 313-29-1 et L. 313-29-2 du code monétaire et financier.

Article 1er bis
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Article 2 bis

Article 2

L’expérimentation prévue à l’article 1er fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation par le Gouvernement, qui remet au Parlement, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les contrats conclus en application du même article 1er. Ce rapport est mis à jour et à nouveau transmis au Parlement, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation.

Ce rapport examine notamment :

1° A Le nombre et la destination des bâtiments publics ayant fait l’objet de travaux de rénovation énergétique par le recours à ces contrats ;

1° B Les économies d’énergie réalisées du fait des travaux de rénovation énergétique effectués dans le cadre de ces contrats ;

1 °C L’atteinte des objectifs chiffrés de performance énergétique définis dans ces contrats ;

1° La qualité et la quantité de la sous-traitance dans ces contrats ;

1° bis L’accès à ces contrats par catégorie d’entreprises au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ;

1° ter Le recours à ces contrats par catégorie de collectivités territoriales, notamment par les communes de moins de 3 500 habitants ayant eu recours à la mutualisation de plusieurs opérations entre différentes communes ;

2° La participation des usagers du service public en lien avec les bâtiments publics faisant l’objet des contrats conclus en application de l’article 1er, au stade de leur passation comme de leur exécution ;

3° L’association des agents du service public en lien avec les bâtiments publics faisant l’objet de ces contrats, au stade de leur passation comme de leur exécution ;

4° L’accompagnement des acheteurs publics, en particulier les collectivités territoriales et les établissements publics de santé, notamment pour la passation et l’exécution de ces contrats ;

5° Les conséquences budgétaires desdits contrats sur les finances des acheteurs publics concernés.

Article 2
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Article 2 ter

Article 2 bis

Le dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après la première occurrence du mot : « membres, », sont insérés les mots : « des études et » ;

1° bis À la deuxième phrase, après le mot : « ces », sont insérés les mots : « études et de ces » ;

2° La dernière phrase est ainsi rédigée : « À cette fin, des conventions sont conclues avec les membres bénéficiaires. »

Article 2 bis
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2 ter

La présente loi est applicable, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, aux contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance, pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments, par l’État ou ses établissements publics, sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.

M. le président. Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Vote sur l’ensemble

Article 2 ter
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a précisé Michelle Gréaume lors de l’explication de vote sur ce texte en première lecture, nous sommes très attachés aux débats autour de la transition écologique, tout comme, je l’imagine, chacun d’entre nous ici.

Aujourd’hui, on le sait, les dépenses en fluides représentent une part importante du budget de nos collectivités, surtout dans un contexte marqué par une crise de l’énergie couplée à une inflation galopante.

Les bâtiments publics qui font la force et l’image de notre service public dans nos territoires doivent répondre aux enjeux du développement durable. Ils représentent près de 400 millions de mètres carrés, dont les trois quarts relèvent de la compétence directe des collectivités territoriales.

Chaque année, l’énergie pour chauffer des équipements ou des bâtiments représente 2,6 % de la consommation finale d’énergie du pays.

Je viens de le dire, ce sont 400 millions de mètres carrés qu’il faut rénover. Encore une fois, nous saluons l’initiative qui est prise, mais nous restons dubitatifs sur l’effet de levier que l’on espère de cette loi : faire reposer les financements sur les économies d’énergie qui résulteront des travaux.

Nous reconnaissons volontiers que cette proposition de loi semble un outil adapté pour accompagner la rénovation énergétique, notamment pour permettre à des communes, surtout dans les secteurs ruraux, de lever les freins à certains investissements.

Lors de la commission mixte paritaire, les sujets sur lesquels nous avions eu des réticences et des interrogations n’ont pas été débattus : je pense notamment aux dépenses nécessaires et indispensables pour la mise aux normes des réseaux électriques, la sécurité, les systèmes anti-incendie, ou encore les normes d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR).

Je pense aussi à la question de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur du bâtiment et à la nécessité d’envoyer des ouvriers en formation, ainsi qu’à l’impact de cette loi sur les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). Nous n’avons pas eu d’éclaircissements sur ces sujets lors de la commission mixte paritaire et nous le regrettons.

À l’heure où les collectivités débattent de leur budget et le votent, beaucoup d’élus ont dû faire des choix concernant des projets de rénovation ou de construction, sans réelle visibilité ni horizon clair. Nous ne pouvons donc crier victoire avec cette proposition de loi.

Les collectivités doivent faire ces choix à un moment où la crise sociale et la crise de l’énergie mettent sérieusement en difficulté les finances locales, un sujet qu’il est difficile de ne pas évoquer ! Contrairement à l’État, elles doivent présenter, vous le savez, un budget à l’équilibre.

Madame la rapporteure, vous l’avez rappelé, lors de la commission paritaire mixte, notre abstention était bienveillante. Nous réitérons ce vote : le groupe CRCE s’abstiendra sur cette proposition de loi.

Nous resterons très attentifs au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre du texte, afin d’ajuster, si nécessaire, notre position sur le sujet.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.

Nous nous félicitons que la CMP soit parvenue à un accord et que sa version soit presque identique à celle qui a été adoptée par le Sénat le 16 février dernier. Nous avions alors voté en faveur de ce texte à l’unanimité, exception faite de l’abstention, tout de même bienveillante, de nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Au travers de ce texte, nous faisons face à l’immense défi de la transition énergétique des bâtiments publics, ainsi qu’à celui de son financement. Nous nous félicitons qu’un tel sujet puisse faire l’objet d’un compromis entre nos deux chambres.

Le respect de nos objectifs ambitieux, inscrits dans la loi en 2009 et en 2018, suppose de dégager pas moins de 400 milliards d’euros d’ici à 2050. Le défi est considérable. Il nous faudra mobiliser des ressources supplémentaires en quantité pour accomplir nos desseins en matière climatique, mais aussi pour améliorer les conditions d’accueil des usagers et des agents du service public, et, ainsi, réduire les factures énergétiques des collectivités, en particulier celles qui sont relatives aux bâtiments scolaires.

Nul besoin de vous rappeler, mes chers collègues, l’ensemble des problèmes de financement auxquels sont confrontées les collectivités. C’est à cet enjeu que la présente proposition de loi entend répondre, grâce à un nouvel outil mis au service de la stratégie de transition énergétique des personnes publiques.

Cet outil n’est évidemment pas une solution miracle, mais il n’en demeure pas moins un dispositif complémentaire. Il permettra de faciliter l’accès aux financements aux collectivités, à l’État et à leurs établissements en faisant partiellement reposer les investissements sur les économies d’énergie qui résulteront des travaux de rénovation, le coût initial étant pris en charge par un tiers-financeur.

Concernant le texte en lui-même, cinq articles restaient en discussion et, comme l’a souligné Mme la rapporteure, outre des modifications rédactionnelles, la version que nous examinons maintenant ne diverge de celle du Sénat que sur des points mineurs.

L’article 1er comprend le dispositif central de cette proposition de loi. Je rappelle qu’il a pour objet l’instauration pour cinq ans d’une expérimentation visant à ce que les contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance énergétique, peu employés par les personnes publiques, puissent déroger à certaines dispositions du code de la commande publique.

Nous soutenons cette idée, car c’est une solution pertinente, d’autant qu’elle consiste en une expérimentation, ce qui nous permettra de procéder à une évaluation rigoureuse, puis, éventuellement, d’en corriger les défauts.

En outre, la commission mixte paritaire a retenu la rédaction de cet article assouplie par le Sénat, notamment l’extension ici défendue, particulièrement par notre rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio, que je tiens à saluer, du bénéfice de cette expérimentation aux travaux de rénovation énergétique menés par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et par les syndicats d’énergie pour le compte de leurs membres.

Mes chers collègues, l’ensemble des associations d’élus locaux soutient ce texte, qui leur offre de nouvelles possibilités de financement. Il nous revient de leur adresser ce signal fort en faveur de la transition énergétique. Vous l’aurez compris, nous voterons en faveur des conclusions de la CMP sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui devrait bientôt être adoptée définitivement, arrive à un moment particulièrement opportun, ce qui peut justifier cette nouvelle dérogation aux règles habituelles de la commande publique. En effet, les crises auxquelles l’État et les collectivités doivent faire face sont multiples.

La première crise est écologique. La nécessité d’agir s’impose à tous, notamment aux pouvoirs publics.

L’immobilier et la construction représentent un tiers de la consommation d’énergie et un quart des émissions de dioxyde de carbone en France. Les bâtiments publics y contribuent en grande partie, puisqu’ils représentent 37 % du parc tertiaire national.

Leur rénovation énergétique doit donc faire figure de priorité si le pays veut atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Elle doit aussi permettre aux Français de mieux vivre, dans un pays soumis, comme jamais auparavant, aux aléas climatiques, notamment à des canicules répétées. Cet objectif ambitieux doit être soutenu par des actions concrètes, dès aujourd’hui, et la rénovation thermique en est l’un des piliers.

La deuxième crise est géopolitique. La guerre en Ukraine a fait grimper à des niveaux vertigineux le coût des énergies. Elle remet en question notre modèle d’approvisionnement, et rend plus impérative encore la nécessité de réduire cette dépendance énergétique que nous payons si cher.

La troisième crise, qui découle de la précédente, est économique. Elle a plongé, du fait de l’inflation record, bon nombre de collectivités territoriales dans la difficulté en multipliant leurs factures par deux ou par trois. Elle rend plus que jamais nécessaire la réduction de nombreux postes de dépenses, au premier rang desquels l’énergie.

Pourtant, alors que le bâtiment est responsable de 76 % de la consommation énergétique des communes, les travaux de rénovation sont trop peu mis en œuvre dans le secteur public, probablement parce que le coût d’investissement est trop élevé. En effet, il faudrait dépenser la somme colossale de 500 milliards d’euros d’ici à 2050 pour respecter les obligations de la loi en matière de rénovation énergétique. Cette somme est évidemment impossible à mobiliser pour l’État et pour les collectivités.

Il s’agit donc, au travers de ce texte, de lever l’obstacle financier lié à l’investissement à consentir pour financer la rénovation des bâtiments publics. L’accord trouvé en CMP ne diffère presque pas du texte voté au Sénat, qui avait semblé satisfaisant, au point qu’aucun groupe n’avait voté contre.

La proposition de loi vise donc à autoriser l’État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements au recours au tiers-financement pour des travaux de rénovation énergétique. Ainsi, ils pourraient faire financer par un tiers un programme de changement d’équipement ou une rénovation de bâtiment.

L’opération était jusqu’à présent impossible du fait des règles de la commande publique, qui interdisent tout paiement différé.

Avec le tiers-financement, une fois les travaux terminés, la collectivité reverse au tiers-financeur une forme de loyer dont le montant équivaut aux économies d’énergie consécutives aux équipements installés, sur une période déterminée. Ce mode de financement pourrait permettre aux administrations de réaliser des travaux d’envergure, dont le coût serait lissé dans le temps.

Si nous accueillons toujours favorablement les mesures de simplicité et d’efficacité, nous sommes également vigilants quand il s’agit d’assouplir les règles d’utilisation de l’argent public. Il ne faudrait pas, notamment pour des collectivités dont les finances sont déjà exsangues, contribuer à l’émergence de mauvaises pratiques ou de mauvaises dettes.

La proposition de loi semble répondre à cette inquiétude. D’une part, il est prévu que l’expérimentation se limite à cinq ans ; correctement évaluée, elle nous permettra de voir si ce nouvel outil a été pris en main et s’il n’a pas entraîné de difficultés inattendues. D’autre part, un contrôle accru, notamment avec l’étude de soutenabilité, permettra d’identifier clairement les incidences budgétaires pour chacune des parties prenantes.

Pour conclure, l’accord trouvé en CMP nous offre un compromis satisfaisant et retient l’essentiel des apports du Sénat.

Le texte qui ressortira de notre examen répondra à un devoir d’exemplarité de l’État et des collectivités, à l’heure où l’on en demande beaucoup aux Français pour s’adapter, voire survivre aux différentes crises que j’ai mentionnées plus tôt. Il contribuera à l’atteinte des objectifs ambitieux que la France s’est fixés, tout en améliorant les conditions d’accueil des usagers et les conditions de travail des agents. Enfin, il permettra de réduire les factures d’énergie de l’État et des collectivités tout en réduisant la charge financière des rénovations d’envergure au moment des travaux.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, mes chers collègues, les membres du groupe RDSE apporteront leur voix à cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Di Folco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi qui a fait l’objet d’un accord quasi unanime lors de son examen au sein de notre assemblée, il y a quelques semaines.

Je rappelle que le législateur, dès la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite loi Grenelle 1, avait choisi d’assigner des objectifs de réduction de la consommation d’énergie.

Ces objectifs, bien qu’ils n’aient pas été atteints, ont été confirmés et même amplifiés plus récemment, au moment de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan. Les nouvelles cibles imposent désormais une réduction de 60 % de la consommation d’énergie finale des bâtiments publics d’ici au milieu du siècle. Le défi est donc de taille.

Cette politique de réduction de l’empreinte carbone nationale concerne tout particulièrement les collectivités, qui possèdent une bonne partie des 400 millions de mètres carrés du bâti public. Dans de nombreuses communes, notamment rurales, ce foncier est aussi abondant que vieillissant. Pis, dans un contexte de hausse rapide des prix de l’énergie et de tensions budgétaires, effectuer des rénovations d’une telle ampleur est devenu à la fois plus nécessaire et plus délicat.

Les auditions menées par la commission ont d’ailleurs révélé l’ampleur de la problématique, la direction de l’immobilier de l’État (DIE) allant jusqu’à estimer que, sans mobiliser des ressources supplémentaires dédiées, il ne sera pas possible d’atteindre les cibles de réduction pour le secteur public.

En parallèle, les limites des outils juridiques disponibles sont rapidement devenues manifestes.

Les signatures de contrats de performance énergétique (CPE) demeurent rares, sous la forme tant d’un marché global de performance que d’un marché de partenariat de performance énergétique : seuls 380 contrats de ce type ont été conclus entre 2007 et 2021. De manière révélatrice, l’État lui-même n’a eu que très peu recours au CPE : seulement vingt-quatre fois, selon les chiffres dont nous disposons.

Il était donc indispensable d’apporter une réponse. Par conséquent, le Sénat a accueilli favorablement la proposition de loi de nos collègues députés et l’a utilement enrichie suivant les préconisations de notre rapporteure, Mme Eustache-Brinio, dont je salue la qualité du travail.

Toutefois, comme elle l’a souligné à plusieurs reprises, les possibilités offertes par le recours au tiers-financement résultant de la proposition de loi doivent conserver une dimension strictement complémentaire. La politique de rénovation énergétique ne doit pas se limiter à une recherche de fonds privés, sans quoi elle risquerait de contribuer à fragiliser les finances publiques locales.

Ce n’est clairement pas ce que nous souhaitons en assouplissant certaines limites imposées à ces mécanismes de financement.

Pour cette raison, l’évaluation préalable du recours aux marchés globaux de performance énergétique et l’anticipation de leur soutenabilité budgétaire ont particulièrement retenu notre attention. Loin de dénaturer le texte initial, ces préoccupations nous ont permis de construire un texte plus solide.

Face à la convergence d’intentions des députés et des sénateurs autour de ces objectifs, la commission mixte paritaire est parvenue sans difficulté à un accord sur un texte commun. Celui-ci reprend les apports du Sénat, comme l’extension du bénéfice du dispositif aux EPCI et aux syndicats d’énergie, ou encore la transparence renforcée sur les conséquences financières du recours au marché global de performance.

Le compromis obtenu avec le rapporteur de l’Assemblée nationale sur les dispositions relatives à l’analyse de l’intérêt économique effectuée dans l’étude préalable nous semble satisfaisant.

De même, l’ajout en CMP d’un alinéa prévoyant la prise en compte de la « durée d’amortissement des investissements » dans la durée du marché global de performance constitue un apport opportun, qui va dans le sens des remarques formulées au Sénat.

Avant de conclure, je tiens à souligner que, cette proposition de loi créant un dispositif expérimental, il conviendra de mener une évaluation soigneuse, aussi bien après trois ans, par le biais du rapport prévu à l’article 2, qu’au terme de l’expérimentation, dans cinq ans.

Ces évaluations seront essentielles, non seulement pour juger de l’efficacité de la future loi et de ses conséquences potentielles sur la situation financière des acheteurs publics, mais aussi pour observer les progrès effectués dans le sens de la réalisation des objectifs nationaux en matière de performance énergétique.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de la proposition de loi, dans sa rédaction résultant des travaux de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que la commission mixte paritaire soit parvenue à une rédaction commune sur l’ensemble des dispositions restant en discussion de cette proposition de loi. Je félicite l’auteure de la proposition de loi et les rapporteurs, de même que je salue votre engagement, monsieur le ministre.

Grâce à ce texte, l’État et ses établissements publics, sans oublier les collectivités et leurs groupements, pourront désormais recourir au tiers-financement. Cette expérimentation représente une avancée majeure, que je salue.

Adopté le 19 janvier dernier à l’Assemblée nationale, puis le 16 février suivant au Sénat, le texte a bénéficié d’apports constructifs de la part des deux chambres. Au fil des débats, le dispositif a gagné en souplesse et en simplicité. Il en a résulté un outil facilitateur, dont je suis certain que nos élus sauront tirer profit.

Je suis particulièrement heureux que la commission mixte paritaire ait conservé une très grande partie des enrichissements proposés lors des débats au Sénat ; je pense notamment aux dispositions visant à améliorer la transparence sur les engagements financiers. Il est essentiel de pouvoir anticiper de manière précise les conséquences financières des engagements qui seront pris au travers de ce dispositif.

Ces contrats sont bien encadrés et favoriseront l’accomplissement des projets de territoire défendus par nos élus, avec toutes les précautions qui s’imposent, afin d’aller vers une réduction importante de l’empreinte carbone dans les années à venir.

Le Gouvernement remettra un rapport d’évaluation qui permettra une analyse rigoureuse du dispositif. Nous jugeons cela utile et serons particulièrement attentifs à l’étude de ses bénéficiaires, mais aussi à la nature des projets accompagnés, ainsi qu’aux catégories d’entreprises qui seront concernées.

Les défis environnementaux s’imposent à nous avec une urgence croissante. Comme le souligne le dernier rapport du Giec, les effets du réchauffement se font ressentir dans nos territoires, à l’image de la sécheresse dramatique qui sévit en ce moment même dans de nombreux départements.

Tous les outils en faveur de la transition écologique mis à la disposition de nos élus sont les bienvenus. Comme nous l’avons rappelé lors de l’examen du texte, cette expérimentation est un atout supplémentaire dans le jeu des élus locaux. Il est très important de leur faire confiance. Nous pouvons donc nous féliciter de participer ensemble à la création d’une nouvelle pratique vertueuse, qui s’ajoutera au panel des solutions existantes.

Cette proposition de loi représente une avancée concrète pour nos territoires. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Mme Esther Benbassa applaudit.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le Giec nous implore encore de prendre la mesure du changement climatique et d’adopter dans l’urgence des dispositions, simplement pour préserver les conditions de vie sur notre planète, nous nous retrouvons pour voter l’accord trouvé par la CMP visant à instaurer de nouvelles modalités d’action en faveur des travaux de rénovation énergétique.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et les écologistes en général lancent depuis bien longtemps l’alerte sur les passoires thermiques et sur les charges que ces dernières font peser sur de nombreux foyers modestes.

Nous considérons cet enjeu comme prioritaire. Nous avons été à l’initiative d’une commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, dont Guillaume Gontard, le président de notre groupe, est rapporteur ; son rapport devrait être rendu au début du mois de juillet prochain. Il s’est prononcé pour aller vers « un reste à charge zéro », et, au vu des sommes à débourser par les ménages, la question du tiers-financement doit se poser.

Elle se pose aussi pour nos collectivités. Le Sénat, chambre des territoires, connaît bien les problèmes auxquels elles sont confrontées.

La crise énergétique et les discussions sur le filet de sécurité ont montré que ces difficultés étaient présentes partout, en milieu rural comme en milieu urbain, dans les petites collectivités comme dans les grandes. Pour autant, les bâtiments publics sont loin d’être épargnés par la surconsommation d’énergie. Ceux de l’État et des collectivités locales sont responsables de 76 % de la consommation énergétique des communes.

À l’occasion de la première lecture du texte, j’avais rappelé que la Cour des comptes, à l’automne dernier, avait noté l’incohérence et le risque d’inefficacité des mesures gouvernementales destinées à améliorer l’empreinte environnementale des bâtiments : « Le secteur du bâtiment, résidentiel et tertiaire, constitue en France la première source de consommation d’énergie. La politique de rénovation énergétique des bâtiments, à laquelle l’État a consacré plusieurs réformes législatives au cours de la dernière décennie, est un outil majeur pour la mise en œuvre de la stratégie bas-carbone et l’accentuation de la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre. »

Par exemple, l’effort sur les écoles a trop longtemps été repoussé. Alors que les diverses échéances se rapprochent, les factures continuent de s’envoler ; le coût du filet de sécurité, si utile, et des rénovations éventuelles ne doit pas être pris à la légère.

En outre, l’effort du Gouvernement en matière de purification d’air, promis par le Président de la République lors de sa campagne, a lui aussi été oublié.

Le coût de la dette climatique est bien trop nocif pour notre société, et les dépenses énergétiques indues grèvent les finances publiques, en particulier les finances locales. On retrouve donc bien, dans le cadre du patrimoine public, la double peine que vivent les foyers, ce cercle vicieux que nous connaissons trop bien : le renoncement aux travaux de rénovation pour des raisons financières maintient des dépenses énergétiques abyssales.

L’urgence est là ! Ce texte issu de la CMP est une première étape dans la gestion du coût très élevé de travaux souvent nécessaires ; il a pour objet une expérimentation pendant cinq ans de l’aménagement du droit de la commande publique, particulièrement en matière de paiement différé.

Conscient de l’attente des collectivités, et favorable à l’accélération de la transition énergétique des bâtiments publics, notre groupe est favorable à cette expérimentation, mais il continuera à exprimer sa prudence envers un risque de captation par le secteur privé d’une grande partie de la rentabilité des activités économiques suscitées par les économies d’énergie, à la faveur d’une forme de privatisation de la maîtrise d’ouvrage de ces travaux et de leur financement.

Hélas, les fameux partenariats public-privé (PPP) ont souvent été accompagnés d’abus de la part des partenaires privés. L’inertie des dernières décennies a déjà un coût. Il convient de s’assurer qu’il ne soit pas encore amplifié.

Au-delà de cette expérimentation, c’est bien la question du financement de la transition énergétique qui se pose, et je salue le constat de notre rapporteure à ce sujet : cette proposition de loi ne représente qu’« un dispositif complémentaire bienvenu, mais qui ne peut représenter l’unique solution pour réussir la transition énergétique du secteur public », d’autant que « le tiers-financement […] ne doit pas être favorisé de façon systématique en raison des surcoûts finaux qu’il entraîne ».

J’espère que beaucoup sur ces travées sont en accord avec le principe de pollueur-payeur et qu’ils défendraient ainsi une taxation des entreprises les plus polluantes pour mieux alimenter le budget de MaPrimeRenov’ ou de tout autre dispositif d’aide à la rénovation des logements des particuliers…

L’expérimentation proposée dans ce texte reste une bonne idée. Son évaluation, voulue par notre commission, doit faire l’objet d’une réelle et indispensable ambition au vu des sommes qui pourraient être engagées.

L’objectif de réduction de 60 % de la consommation énergétique des bâtiments publics d’ici à 2050 ne peut être atteint sans des mécanismes d’accompagnement, de préférence pérennes, lisibles et peu coûteux. L’expérimentation permettra de dresser le bilan des mécanismes qui fonctionnent ou ne fonctionnent pas.

Cette loi n’offrira qu’un appui très limité aux ambitions qui doivent être les nôtres en matière de rénovation thermique ; elle ne permettra pas à elle seule d’atteindre les objectifs fixés. Nous en sommes loin. Une grande stratégie de rénovation thermique aurait dû et devrait être une priorité majeure de l’État, au même titre que notre stratégie énergétique.

Néanmoins, ce texte va dans le bon sens. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en sa faveur, en restant attentif aux dérives des marchés de rénovation. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Claude Tissot applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, déposée le 29 novembre 2022 par les membres du groupe Renaissance, cette proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale le 19 janvier dernier, puis par le Sénat le 16 février suivant. Cette quasi-unanimité parlementaire a débouché, logiquement, sur une commission mixte paritaire conclusive, il y a deux semaines. Je remercie les deux rapporteurs, la sénatrice Eustache-Brinio et le député Cazenave, de leurs travaux.

En moins de quatre mois, le Parlement se sera prononcé en faveur de l’ouverture du tiers-financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales, traduisant une volonté de soutenir la réalisation de travaux de rénovation énergétique. Il nous faut bel et bien accélérer, alors que la loi Élan a imposé en 2018 une réduction de 60 % de la consommation d’énergie finale des bâtiments publics d’ici à 2050 par rapport à leur niveau de 2010. C’est le sens du décret dit « tertiaire ».

Réaliser cette transition énergétique, c’est devoir engager, pour le seul parc public, près de 500 milliards d’euros dans les vingt-cinq prochaines années.

Ce cap que nous nous sommes fixé est ambitieux et nécessaire. Il rend impératif un effort massif et continu, notamment budgétaire, afin de rendre possible la rénovation énergétique des 400 millions de mètres carrés concernés.

L’objectif est triple : réduire nos émissions de CO2 et préserver notre environnement, diminuer les factures énergétiques à la charge de l’État et des collectivités territoriales, enfin, améliorer les conditions de travail des agents et d’accueil du public.

C’est dans ce cadre d’action que le groupe RDPI a souhaité créer une mission d’information sur « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique », puisque 12 millions d’élèves sont scolarisés chaque année.

Face aux défis colossaux qu’il nous faut relever, de nombreux leviers doivent être activés, afin de bénéficier d’expertises juridiques et techniques de qualité, mais aussi d’établir un diagnostic pour faciliter et de diversifier les sources et les modalités de financement. Le dispositif innovant dont nous discutons aujourd’hui se veut une réponse pertinente pour ce faire. Il vient encourager et faciliter le recours des personnes publiques aux contrats de performance énergétique, qui sont encore trop peu utilisés.

En levant quelques freins à l’investissement qui résultent du coût élevé que représentent les travaux, le texte que nous nous apprêtons à adopter définitivement vient déroger, sous forme expérimentale et pour une durée de cinq ans, au code de la commande publique. Il vise ainsi à engager plus facilement des travaux de rénovation énergétique en différant leur paiement.

Il s’agit ni plus ni moins de lisser le coût de la rénovation en faisant porter par un tiers le paiement immédiat des travaux, d’où le terme de « tiers-financement ». Cela permettra un remboursement progressif, sous forme de loyer annuel, en partie réalisé grâce aux économies d’énergie induites. Il s’agit bel et bien d’un nouvel outil au service de la transition énergétique, un « dispositif complémentaire » parmi d’autres, qu’il nous faudra évaluer.

Comme je le rappelais à l’occasion de l’examen en première lecture, il viendra s’ajouter, d’une part, aux partenariats public-privé, lesquels permettent aussi le tiers-financement, mais qui, en matière de rénovation énergétique, ne sont presque jamais utilisés par les collectivités territoriales, et, d’autre part, aux marchés globaux de performance.

Pour les élus locaux, le tiers-financement permettra de conserver la maîtrise d’ouvrage et de contractualiser en se basant sur une offre qui intégrera le financement et la réalisation des travaux de bout en bout.

Le texte de compromis trouvé en CMP ne diverge du texte établi par le Sénat que sur quelques points mineurs, comme vous nous l’avez précisé, madame la rapporteure.

En ce qui concerne l’article 1er bis, l’étude préalable à l’engagement de la procédure de passation d’un marché global de performance devra « démontre[r] que le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation du projet », et non « au moins aussi favorable ». Mon groupe soutient cette formulation.

Il a également été précisé que la durée du marché global sera déterminée « en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues » ; encore une fois, nous y sommes favorables.

Le groupe RDPI votera pour ce nouvel outil mis au service de la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet est majeur, mais il ne s’agit pas pour autant d’un grand moment de la vie parlementaire. Au travers de ce texte, nous ne résoudrons pas le problème du réchauffement climatique, ni même celui de la rénovation de l’ensemble des 400 millions de mètres carrés de bâtiments publics…

Pour autant, grâce au texte élaboré en commission, puis grâce à la CMP conclusive, le Parlement peut rapidement mettre un nouvel outil au service des collectivités et des établissements publics pour atteindre des objectifs importants. Beaucoup d’entre vous ont évoqué ceux qui sont présents dans la loi Élan ; j’ajouterai pour ma part ceux du paquet Fit for 55.

En effet, ce paquet vise une réduction de 55 % des émissions carbone d’ici à 2030. Un trilogue, réuni en décembre dernier, a abouti à la mise en place à partir de 2027 d’un marché carbone pour les bâtiments.

Ce marché conduira à une augmentation du coût du chauffage pour l’ensemble des bâtiments publics et abondera le Fonds social pour le climat à hauteur de 25 %, le reste devant être financé par les différents pays de l’Union européenne. On estime ses revenus à environ 210 milliards d’euros pour la période 2027-2032, un montant consacré à l’accompagnement des efforts en matière de rénovation énergétique et, d’une manière générale, de lutte contre le réchauffement climatique.

Toutefois, face aux 400 millions de mètres carrés à rénover, qui, comme cela a été précisé, comprennent de nombreuses écoles, il est indispensable de disposer de nouveaux outils. Ce texte tend à déroger provisoirement au code de la commande publique, pour permettre aux collectivités ou aux établissements publics de faire porter de manière transitoire le financement d’opérations par un tiers-financeur. Un tel outil peut être utile.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain émet quelques réserves et inquiétudes sur la proposition de loi issue de la CMP conclusive. J’en citerai trois.

Tout d’abord, l’effet rebond, bien connu en matière de rénovation énergétique, est à craindre : si les économies réalisées poussent à consommer plus que prévu dans d’autres secteurs, alors même qu’il faudra payer en décalage les travaux réalisés, les budgets de nos collectivités ou des établissements publics pourraient être fragilisés.

Ensuite, se concentrer sur la rénovation énergétique conduit à oublier d’autres rénovations indispensables, notamment, cela a été dit, en matière de sécurité ou de conservation du patrimoine. Si la rénovation se limite à la dimension énergétique et ne prend pas en compte l’ensemble des normes, des difficultés risquent de se présenter.

Enfin, nous avons une réserve sur les opérateurs potentiellement intéressés par ce tiers-financement. Il s’agira probablement des plus grosses entreprises, au détriment de celles qui présentent des compétences plus locales, qui n’auront pas la surface financière pour accompagner ce tiers-financement dont un certain nombre de collectivités ou d’établissements publics auront besoin.

Au-delà de ces réserves, nous considérons que ce texte représente un outil utile qui mérite d’être soutenu.

Monsieur le ministre, je voudrais que vous m’apportiez un éclaircissement. Les collectivités ont été évoquées, mais, en tant que sénateur représentant les Français de l’étranger, je crois qu’il faut également mentionner les établissements publics.

Nos établissements en gestion directe à l’étranger ont aussi besoin de rénovation énergétique et ils sont gérés par une agence qui n’a pas de capacité d’emprunt. Lorsque cette dernière émettra des propositions de rénovation énergétique, nous espérons que l’État autorisera le recours au tiers-financement pour ce type d’opérations. Le cas échéant, la solution serait intéressante pour nos établissements scolaires à l’étranger, qui sont bloqués dans leur développement.

En tout état de cause, compte tenu de ce qui a été dit sur toutes les travées au sujet de cette CMP conclusive, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique
 

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs
Article 1er

Approvisionnement en produits de grande consommation

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (texte de la commission n° 429, rapport n° 428).

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureuse de vous présenter les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer l’équilibre des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, le troisième volet des lois dites Égalim, c’est-à-dire pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

Le législateur tente de nouveau dans ce texte de réguler des relations commerciales plus tendues que jamais entre industriels et distributeurs, dans un contexte d’inflation croissante.

Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord entre sénateurs et députés sur des points cruciaux, comme le rééquilibrage des rapports de force entre ces acteurs, en affirmant le caractère d’ordre public de notre droit commercial et en protégeant la valeur des matières premières agricoles, donc le revenu des agriculteurs.

Les discussions ont été vives, compte tenu des éléments nouveaux que le Sénat a introduits dans le texte et des divergences de vues initiales entre nos deux assemblées, notamment sur les articles 2 et 3, mais nous avons su trouver des compromis au service de l’intérêt général.

Je tiens à souligner l’écoute et la qualité des échanges sur ce texte, que ce soit entre nous, mes chers collègues, ou avec l’auteur et rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, M. Frédéric Descrozaille – qu’il en soit remercié, ainsi que ses équipes.

La grande majorité des apports du Sénat, et ils sont nombreux, ont été conservés par la commission mixte paritaire.

Premièrement, nous avons contribué à protéger l’emploi, l’investissement et l’innovation dans nos territoires, en mettant fin pour les produits non alimentaires aux « promos chocs », qui sont devenues destructrices de valeur et qui mettent en jeu la survie des entreprises. Je pense bien sûr aux produits bradés, parfois jusqu’à des taux de 90 %, qui sont imposés aux fournisseurs par les distributeurs.

À l’heure où les politiques publiques tentent de réindustrialiser notre pays pour plus d’emplois et de souveraineté, il était essentiel d’être attentif aux entreprises du secteur de la droguerie, parfumerie, hygiène (DPH), ô combien déterminantes durant la crise sanitaire, qui produisent et créent de l’emploi dans nos territoires.

Mes chers collègues, je vous proposerai un amendement visant à ce que cette mesure entre en vigueur en 2024 ; s’il n’était pas adopté, tous les accords et plans d’affaires élaborés ces dernières semaines, pendant les négociations, deviendraient caducs.

Deuxièmement, nous avons complété le dispositif de protection des matières premières agricoles au sein des négociations commerciales, pour une plus juste rémunération des agriculteurs.

En effet, si ces matières premières sont sanctuarisées pour ce qui est de la négociation sur les marques nationales depuis la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Égalim 2, ce n’était pas le cas pour les produits vendus sous marque de distributeur (MDD), alors même que ces produits prennent de plus en plus de place dans les rayons. C’est désormais chose faite.

Dans la même perspective de protection des filières agricoles, la commission mixte paritaire a conservé l’exclusion de la filière des fruits et légumes du dispositif de seuil de revente à perte, dit « SRP+10 », qui s’est révélé préjudiciable aux producteurs de cette filière depuis quatre ans. Il était temps de les en sortir, pour soutenir la production française de fruits et légumes et garantir sa pérennité.

Troisièmement, en ces temps d’inflation, nous avons renforcé les obligations de transparence des distributeurs quant à leur usage des 600 à 800 millions d’euros de recettes suscitées chaque année par le SRP+10.

Depuis 2018, le Sénat pointe la fragilité de ce dispositif opaque, unique en Europe, qui consiste à donner un chèque en blanc aux distributeurs en espérant qu’ils utiliseront cette marge pour mieux rémunérer les producteurs.

En CMP, nous sommes tombés d’accord avec nos collègues députés pour exercer un contrôle renforcé et raccourcir d’un an la durée de l’expérimentation, jusqu’en 2025.

Quatrièmement, les avancées du Sénat sur les pénalités logistiques ont été conservées. Si leur existence même n’est pas contestable, encore faut-il qu’elles soient utilisées à leur juste mesure et à bon escient par les distributeurs. Les dispositions que nous avons adoptées permettront de s’en assurer.

Enfin, nous avons longuement débattu de l’article 3, qui entend régir les cas où industriels et distributeurs ne se mettent pas d’accord au 1er mars.

Le compromis trouvé permet seulement au fournisseur, à titre expérimental, de choisir entre cesser subitement de livrer ou appliquer un préavis de rupture qui tiendra compte des conditions économiques du marché. Cette solution, qui ne nous semblait pas idéale, présente des inconvénients qui, nous l’espérons, ne se révéleront pas trop importants. Mais c’est le propre des CMP que de rechercher des compromis…

Tels sont, mes chers collègues, les différents points d’accord auxquels la CMP est parvenue. Je vous invite bien évidemment à en adopter les conclusions pour permettre la mise en œuvre rapide de ces dispositions, qui constituent des avancées considérables en matière de rééquilibrage des relations commerciales et, surtout, de protection de la rémunération des agriculteurs. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer l’accord trouvé en CMP sur cette proposition de loi relative à la juste répartition de la valeur – sujet capital pour l’avenir de l’agriculture ! – entre les différents maillons de la chaîne agroalimentaire. C’est le signe, je crois, d’une volonté partagée avec le Parlement d’œuvrer de façon continue en ce sens.

Cette proposition de loi, sur laquelle le Sénat va se prononcer définitivement, contribuera à la poursuite du rééquilibrage des relations commerciales dans la chaîne agroalimentaire et, ce faisant, à un meilleur partage de la valeur au bénéfice des agriculteurs.

Les ajustements apportés s’inscrivent dans la continuité de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, dite Égalim 1, et de la loi Égalim 2, respectivement de 2018 et 2021, qui ont déjà produit des effets tout à fait significatifs.

C’est du reste ce que constate l’inspection générale des finances dans son rapport actualisé sur l’inflation alimentaire, qui souligne une progression de l’excédent brut d’exploitation de la filière agricole et de l’industrie agroalimentaire (IAA). Ne nous y méprenons pas, ce sont des éléments déterminants pour préserver notre souveraineté alimentaire.

À cet égard, ce texte va globalement dans le bon sens, en particulier sur la nécessaire prolongation du dispositif expérimental de relèvement du seuil de revente à perte de 10 % pour les produits agricoles et alimentaires. Cette prolongation constituait une attente très forte du monde agricole.

Sur ce point, j’aimerais saluer ici l’esprit d’ouverture dans lequel les travaux du Sénat ont été conduits. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale proposait de prolonger l’expérimentation jusqu’en 2026. C’était aussi, vous le savez, la position exprimée clairement par le Gouvernement.

En commission, le Sénat a manifesté ses doutes – ceux-ci sont toujours utiles au débat – à l’égard de ce mécanisme, qu’il a proposé de le suspendre durant deux ans, le temps que la période inflationniste que nous traversons prenne fin.

J’avais alors rappelé devant vous, à l’occasion de l’examen du texte, qu’il s’agissait non pas d’opposer le revenu des agriculteurs à la protection du pouvoir d’achat des ménages, en particulier les plus modestes, mais bien de mener ces deux combats de front.

J’avais rappelé qu’il fallait, à mon sens, assumer collectivement le fait qu’une alimentation de qualité, sûre, produite dans des conditions respectueuses de notre environnement et de notre biodiversité ait un coût.

De même, j’avais souligné que le maintien d’un outil de production agricole et agroalimentaire dans nos territoires avait un coût. Et j’avais constaté avec vous que l’évaluation de cette expérimentation avait été rendue difficile par la crise sanitaire, à laquelle avait succédé un choc inflationniste concomitant de la guerre en Ukraine.

Il semblait donc nécessaire au Gouvernement de prolonger cette expérimentation, mais avec les dispositifs de contrôle et d’évaluation adéquats, pour répondre aux préoccupations légitimes de votre commission et de votre rapporteur.

C’est dans cet esprit que le Sénat a entendu les inquiétudes exprimées par le monde agricole et qu’il a voté la prolongation du SRP+10 jusqu’en 2025.

Bien sûr, le Gouvernement demeure convaincu qu’une prolongation de trois années à périmètre constant aurait été plus adaptée en termes de lisibilité et de cohérence du dispositif pour les acteurs des relations commerciales. Je pense naturellement à la désynchronisation des dates entre encadrements des promotions et SRP+10, ainsi qu’à l’exclusion des fruits et légumes sans justification préalable.

Toutefois, malgré ces deux réserves, l’équilibre global auquel la CMP est parvenue me semble satisfaisant.

J’en viens maintenant à l’article 3, qui fixe les modalités de la relation commerciale entre fournisseurs et distributeurs en cas d’échec de la négociation annuelle. Cette disposition, très discutée, avait pour objectif d’apporter une réponse adaptée à un angle mort des négociations commerciales annuelles.

Les opérateurs, qu’ils soient fournisseurs ou distributeurs, ont un intérêt commun à ce que les flux de ventes ne s’interrompent pas en cas d’échec de la négociation annuelle. Mais la relation commerciale doit parfois s’interrompre. C’est précisément cette situation qui requérait un encadrement juridique beaucoup plus précis.

Le Gouvernement considérait qu’un équilibre satisfaisant avait été trouvé à l’issue de vos travaux en commission. À cet égard, je tiens tout particulièrement à remercier de leur engagement Mme la présidente Sophie Primas et Mme la rapporteure Anne-Catherine Loisier, qui ont essayé de sécuriser juridiquement ce dispositif assez complexe tout au long de la navette. C’est en effet de visibilité et de clarté que les acteurs de la chaîne agroalimentaire ont besoin.

L’écriture retenue en CMP laisse un choix clair au fournisseur et dispose que tout préavis tient compte des conditions économiques de marché, précision ô combien utile en période inflationniste.

Par ailleurs, le recours à la médiation pour conclure un préavis est facultatif, ce qui évitera l’engorgement des saisines du médiateur et le report systématique que nous pouvions craindre de la date butoir.

C’est un texte qui a atteint son point d’équilibre en évitant les écueils que les versions antérieures avaient pu soulever. C’est aussi un texte empreint d’une certaine prudence, parce qu’il est expérimental. L’apport décisif du Sénat sur cet article doit être salué.

Je salue également le rehaussement des amendes administratives pouvant être infligées en cas de non-respect de la date du 1er mars. Je serai attentif à ce que nos services de contrôle s’en saisissent pleinement, afin de lutter contre les pratiques de certains distributeurs tentés de jouer la montre pour mettre la pression sur les producteurs.

Permettez-moi d’être moins disert sur les autres avancées de cette proposition de loi, que le Sénat a contribué largement à améliorer.

Le souhait d’un encadrement renforcé des pénalités logistiques est exaucé, avec des obligations plus précises et des sanctions alourdies.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez veillé au caractère opérationnel de cet enrichissement de notre cadre législatif. Il faut en finir avec cette exception très française consistant de la part de certains acteurs à reconstituer leurs marges par l’application de pénalités abusives.

Le mécanisme de suspension de l’application des pénalités logistiques en cas de circonstances exceptionnelles est également tout à fait pertinent. En témoignent les crises d’ampleur traversées ces dernières années, comme celle du covid-19, qui viennent légitimer auprès de nos concitoyens l’usage par l’État de ce type de prérogative régalienne.

Par ailleurs, la proposition de loi consacre la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve des dispositions applicables du droit de l’Union européenne, pour connaître des litiges portant sur les négociations commerciales annuelles. Il s’agissait d’un autre angle mort de notre droit qu’il convenait de rectifier. Comme vous, le Gouvernement a particulièrement à cœur de lutter contre les comportements de contournement de la loi française que nous constations tous.

Le texte apporte enfin quelques correctifs bienvenus à la loi Égalim 2, notamment en ce qui concerne la clause de renégociation, le fonctionnement de l’option 3 de transparence – un enjeu déjà soulevé par Daniel Gremillet – ou encore le renforcement du cadre applicable aux produits vendus sous marque de distributeur, que Laurent Duplomb, entre autres, a défendu. Je ne puis évidemment que partager cet objectif.

Pour conclure, je voudrais une nouvelle fois remercier tout particulièrement Mme la rapporteure et Mme la présidente de la commission de leur investissement dans l’examen de ce texte, de la finesse de leur expertise et de l’expression toujours respectueuse de leurs convictions.

Jamais les divergences de points de vue ou d’analyse qui se sont légitimement fait jour ne nous ont fait perdre de vue les finalités, à savoir la protection de nos agriculteurs et celle de notre souveraineté alimentaire. C’est ce chemin que nous devons continuer d’emprunter. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

En conséquence, les amendements seront mis aux voix, puis le vote sur les articles sera réservé.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs

Discussion générale
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Article 2

Article 1er

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le titre IV du livre IV du code de commerce est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Dispositions générales

« Art. L. 443-9. – Les chapitres Ier, II et III du présent titre s’appliquent à toute convention entre un fournisseur et un acheteur portant sur des produits ou services commercialisés sur le territoire français. Ces dispositions sont d’ordre public. Tout litige portant sur leur application relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage. »

Article 1er
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Article 2 bis A

Article 2

(Texte de la commission mixte paritaire)

I. – L’article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique est ainsi modifié :

1° Le I ter est ainsi rédigé :

« I ter. – Le I du présent article n’est pas applicable aux produits mentionnés aux parties IX et XI de l’annexe 1 au règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil.

« Par dérogation, un arrêté du ministre chargé de l’agriculture peut fixer la liste de certains de ces produits pour lesquels le I du présent article est applicable, sur demande motivée de l’interprofession représentative des produits concernés ou, lorsqu’il n’existe pas d’interprofession pour ce type de produits, d’une organisation professionnelle représentant des producteurs. » ;

2° Le premier alinéa du IV est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « respectivement avant le 1er octobre 2021 et avant le 1er octobre 2022 deux rapports » sont remplacés par les mots : « , avant le 1er octobre de chaque année, un rapport » ;

b) À la deuxième phrase, les mots : « remis avant le 1er octobre 2022 » sont supprimés ;

c) La dernière phrase est supprimée ;

d) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Ce rapport est établi après consultation de l’ensemble des acteurs économiques concernés de la filière alimentaire. L’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires mentionné à l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime est associé à son élaboration. » ;

3° Après le même IV, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV bis. – Chaque distributeur de produits de grande consommation transmet aux ministres chargés de l’économie et de l’agriculture, avant le 1er septembre de chaque année, un document présentant la part du surplus de chiffre d’affaires enregistré à la suite de la mise en œuvre du I qui s’est traduite par une revalorisation des prix d’achat des produits alimentaires et agricoles auprès de leurs fournisseurs. Le Gouvernement transmet au président de la commission chargée des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat ce document, qui ne peut être rendu public. » ;

4° Le VIII est ainsi rédigé :

« VIII. – Le I et le premier alinéa du IV sont applicables jusqu’au 15 avril 2025.

« Le II et le second alinéa du IV sont applicables jusqu’au 15 avril 2026. »

II. – (Supprimé)

Article 2
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Article 2 bis B

Article 2 bis A

(Texte du Sénat)

Le III de l’article L. 441-4 du code de commerce est complété par les mots : « ainsi que chacune des obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale et leur prix unitaire ».

Article 2 bis A
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Article 2 bis

Article 2 bis B

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le 4° du I de l’article L. 442-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Au début, les mots : « S’agissant des produits alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie soumis au I de l’article L. 441-1-1, » sont supprimés ;

2° La référence : « L. 443-8 » est remplacée par la référence : « L. 441-4 ».

Article 2 bis B
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Article 2 ter A

Article 2 bis

(Supprimé)

Article 2 bis
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Article 2 ter BA

Article 2 ter A

(Texte de la commission mixte paritaire)

La seconde phrase du quatrième alinéa de l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots : « , notamment celle des produits issus de l’agriculture biologique ».

Article 2 ter A
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Article 2 ter B

Article 2 ter BA

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport étudiant la possibilité de la mise en place d’un encadrement des marges des distributeurs sur les produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine afin qu’elles ne puissent pas être supérieures aux marges effectuées sur les produits conventionnels.

Article 2 ter BA
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Article 2 ter

Article 2 ter B

(Texte de la commission mixte paritaire)

L’article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique est ainsi modifié :

1° À la fin du A du II, les mots : « denrées alimentaires ou de produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie » sont remplacés par les mots : « produits de grande consommation au sens du premier alinéa de l’article L. 441-4 du code de commerce » ;

2° Au 2° du C du même II, le mot : « alimentaires » est remplacé par les mots : « de grande consommation » ;

3° Au premier alinéa du III, les mots : « denrées ou catégories de denrées alimentaires pour lesquelles » sont remplacés par les mots : « produits de grande consommation pour lesquels » ;

4° Au 1° du même III, les mots : « denrées ou catégories de denrées alimentaires concernées » sont remplacés par les mots : « produits de grande consommation concernés » ;

5° Le 2° dudit III est ainsi rédigé :

« 2° La dérogation prévue au premier alinéa du présent III fait l’objet d’une demande, motivée et accompagnée de toutes données utiles pour l’appréciation de la saisonnalité des ventes au regard du critère prévu au 1°, par une organisation professionnelle représentant des producteurs ou des fournisseurs des produits ou catégories de produits concernés. Pour les denrées ou les catégories de denrées alimentaires, lorsqu’une interprofession représentative des denrées ou des catégories de denrées concernées existe, la dérogation fait l’objet d’une demande présentée par ladite interprofession. » ;

6° Le second alinéa du IV est ainsi rédigé :

« Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre de chaque année, un rapport évaluant les effets de l’encadrement des promotions prévu au II du présent article sur les prix de vente des produits de grande consommation. Ce rapport analyse ces effets en distinguant, d’une part, les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie et, d’autre part, les autres produits de grande consommation. Il analyse spécifiquement les conséquences sur l’évolution du revenu des agriculteurs et les effets de la mesure sur les petites et moyennes entreprises. Il précise, le cas échéant, la liste des pratiques constatées par les services de l’État tendant à contourner les objectifs dudit encadrement et indique les moyens mis en œuvre pour remédier à ces pratiques. »

Article 2 ter B
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Article 3

Article 2 ter

(Texte de l’Assemblée nationale)

À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 13 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, les mots : « expérimentation de » sont supprimés.

Article 2 ter
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Article 3 bis A

Article 3

(Texte de la commission mixte paritaire)

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Le IV de l’article L. 441-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La négociation de la convention écrite est conduite de bonne foi, conformément aux dispositions de l’article 1104 du code civil. » ;

1° bis (Supprimé)

2° L’article L. 442-1 est ainsi modifié :

a) Le I est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° De ne pas avoir mené de bonne foi les négociations commerciales conformément aux dispositions de l’article L. 441-4, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d’un contrat dans le respect de la date butoir prévue à l’article L. 441-3 ou à l’échéance de la durée d’un mois mentionnée à l’article L. 441-4-1 » ;

b) Le premier alinéa du II est complété par les mots : « , et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties » ;

3° L’article L. 443-8 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du VII, les mots : « au présent article » sont remplacés par les mots : « aux I à VI du présent article » ;

b) Il est ajouté un VIII ainsi rédigé :

« VIII. – Pour les produits mentionnés au I du présent article, les dispositions du II de l’article L. 442-1 sont applicables ainsi que, pour la détermination du prix applicable durant la durée du préavis, le II du présent article. »

II. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans, à défaut de convention conclue au plus tard le 1er mars ou dans les deux mois suivant le début de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier, le fournisseur peut :

– soit, en l’absence de contrat nouvellement formé, mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier ne puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale au sens du II de l’article L. 442-1 du code de commerce ;

– soit demander l’application d’un préavis conforme aux dispositions du II du même article L. 442-1.

Les parties peuvent également saisir la médiation des relations commerciales agricoles ou des entreprises afin de conclure, sous son égide et avant le 1er avril, un accord fixant les conditions d’un préavis, qui tient notamment compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. En cas d’accord des parties sur les conditions du préavis, le prix convenu s’applique rétroactivement aux commandes passées à compter du 1er mars. En cas de désaccord, le fournisseur peut mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier ne puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale au sens du II dudit article L. 442-1 ou demander l’application d’un préavis conforme aux dispositions du même II.

Article 3
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Article 3 bis B

Article 3 bis A

(Texte du Sénat)

L’article L. 441-6 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux deux premiers alinéas du présent article, pour les produits mentionnés au I de l’article L. 441-4, le non-respect de l’échéance du 1er mars prévue au IV de l’article L. 441-3 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour une personne physique et 1 000 000 € pour une personne morale. Le maximum de l’amende encourue est porté à 400 000 € pour une personne physique et à 2 000 000 € pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. »

Article 3 bis A
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Article 3 bis

Article 3 bis B

(Texte de la commission mixte paritaire)

Après le I de l’article L. 441-3 du code de commerce, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Les obligations réciproques en matière de logistique auxquelles s’engagent le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de service, notamment le montant des pénalités mentionnées à l’article L. 441-17 et les modalités de détermination de ce montant, font l’objet d’une convention écrite, distincte de celle mentionnée au I du présent article. Les dispositions du IV du présent article relatives à l’échéance du 1er mars ne s’appliquent pas à cette convention.

« L’arrivée à échéance ou la résiliation de la convention mentionnée au premier alinéa du présent I bis ne saurait entraîner la résiliation automatique, le cas échéant, de la convention écrite mentionnée au I. »

Article 3 bis B
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Article 3 ter A

Article 3 bis

(Texte de la commission mixte paritaire)

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 441-17 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :

« Les pénalités infligées au fournisseur par le distributeur sont proportionnées au préjudice subi au regard de l’inexécution d’engagements contractuels, dans la limite d’un plafond équivalent à 2 % de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle l’inexécution d’engagements contractuels a été constatée. » ;

a bis) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune pénalité logistique ne peut être infligée pour l’inexécution d’engagements contractuels survenue plus d’un an auparavant. » ;

a ter) La première phrase du quatrième alinéa du même I est ainsi rédigée : « Lorsque le distributeur, conformément au premier alinéa du présent I, transmet au fournisseur un avis de pénalité logistique en raison d’une inexécution d’engagement contractuel, il apporte en même temps, par tout moyen, la preuve du manquement constaté et celle du préjudice subi. » ;

b) Il est ajouté un III ainsi rédigé :

« III. – Le ministre chargé de l’économie ou le ministre chargé de l’agriculture peuvent, en cas de situation exceptionnelle, extérieure aux distributeurs et fournisseurs, affectant gravement les chaînes d’approvisionnement dans un ou plusieurs secteurs, suspendre par décret en Conseil d’État l’application des pénalités logistiques prévues par les contrats conclus en application du présent titre entre les distributeurs et le ou les fournisseurs intervenant dans ces secteurs et concernés par ladite situation, pour une durée maximale de six mois renouvelable. » ;

2° Les deuxième et troisième phrases de l’article L. 441-18 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Elles sont proportionnées au préjudice subi au regard de l’inexécution d’engagements contractuels, dans la limite d’un plafond équivalent à 2 % de la valeur, au sein de la commande, de la catégorie de produits commandés concernée par l’inexécution desdits engagements. »

II. – (Supprimé)

Article 3 bis
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Article 3 ter

Article 3 ter A

(Texte du Sénat)

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 441-17 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Le présent article n’est pas applicable aux relations commerciales avec les grossistes au sens du II de l’article L. 441-4. » ;

2° L’article L. 441-18 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent article n’est pas applicable aux relations commerciales avec les grossistes au sens du II de l’article L. 441-4. »

Article 3 ter A
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Article 4

Article 3 ter

(Texte du Sénat)

L’article L. 441-19 du code de commerce est complété par six alinéas ainsi rédigés :

« Chaque distributeur communique au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou à son représentant nommément désigné, au plus tard le 31 décembre de chaque année, les montants de pénalités logistiques qu’il a infligées à ses fournisseurs au cours des douze derniers mois, ainsi que les montants effectivement perçus. Il détaille ces montants pour chacun des mois.

« Chaque distributeur communique au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou à son représentant nommément désigné, avant le 31 décembre 2023, les montants de pénalités logistiques qu’il a infligées à ses fournisseurs respectivement en 2021 et en 2022, en les détaillant mois par mois, ainsi que les montants effectivement perçus.

« Chaque fournisseur communique au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou à son représentant nommément désigné, au plus tard le 31 décembre de chaque année, les montants de pénalités logistiques qui lui ont été infligés par ses distributeurs au cours des douze derniers mois, ainsi que ceux qu’il a effectivement versés.

« Le Gouvernement transmet chaque année au président de la commission chargée des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat une synthèse des communications prévues aux deuxième à quatrième alinéas du présent article, qui ne peut être rendue publique. Il précise, le cas échéant, les manquements aux dispositions de l’article L. 441-17 constatés par le ministre chargé de l’économie ainsi que les actions mises en œuvre pour les faire cesser.

« Tout manquement aux deuxième à quatrième alinéas du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 500 000 € pour une personne morale.

« Le maximum de l’amende encourue est porté à 150 000 € pour une personne physique et à 1 000 000 € pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. »

Article 3 ter
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Article 4 bis A

Article 4

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le 3° du I de l’article L. 441-1-1 du code de commerce est ainsi rédigé :

« 3° Soit prévoient, sous réserve qu’elles fassent état d’une évolution du tarif du fournisseur du produit mentionné audit premier alinéa par rapport à l’année précédente, l’intervention, aux frais du fournisseur, d’un tiers indépendant chargé d’attester la part de cette évolution qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés mentionnés au même premier alinéa. Dans ce cas, le fournisseur transmet au tiers indépendant les pièces nécessaires à cette attestation, notamment la méthodologie employée pour déterminer l’impact sur son tarif de l’évolution du prix desdites matières premières agricoles ou desdits produits transformés. L’attestation est fournie par le fournisseur au distributeur dans le mois qui suit l’envoi des conditions générales de vente. Dans le cadre de cette option, le tiers indépendant est aussi chargé d’attester au terme de la négociation que, conformément au II de l’article L. 443 8, celle-ci n’a pas porté sur la part de l’évolution du tarif du fournisseur qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés mentionnés au premier alinéa du présent I. À défaut d’attestation dans le mois qui suit la conclusion du contrat, les parties qui souhaitent poursuivre leur relation contractuelle modifient leur contrat dans un délai de deux mois à compter de la signature du contrat initial. »

Article 4
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Article 4 bis

Article 4 bis A

(Texte du Sénat)

L’article L. 441-7 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée : « La négociation du prix ne porte pas sur la part, dans le prix proposé par le fabricant, du prix des matières premières agricoles et des produits transformés mentionnés au I de l’article L. 441-1-1. » ;

2° Après le même I, il est inséré un I bis A ainsi rédigé :

« I bis A. – Lorsque le contrat porte sur une période supérieure à douze mois, il fixe une date annuelle à laquelle le prix est renégocié pour tenir compte des fluctuations des prix des matières premières entrant dans la composition du produit.

« La négociation ne porte pas sur la part, dans le prix proposé par le fabricant à l’occasion de cette renégociation, que représente le prix des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles qui entrent dans la composition du produit. Le quatrième alinéa du I du présent article s’applique lors de cette renégociation. »

Article 4 bis A
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Article 5

Article 4 bis

(Texte du Sénat)

Le IV de l’article L. 443-8 du code de commerce est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « de la matière première agricole » sont remplacés par les mots : « des matières premières agricoles » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les évolutions de prix résultant de la clause de révision automatique des prix sont mises en œuvre au plus tard un mois après le déclenchement de ladite clause. »

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Article 4 bis
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Article 6

Article 5

(Texte du Sénat)

I et II. – (Supprimés)

III. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Au V de l’article L. 441-1-1, les mots : « au sens du II de l’article L. 441-4 » sont remplacés par les mots : « tels que définis au I de l’article L. 441-1-2 » ;

2° Après le même article L. 441-1-1, il est inséré un article L. 441-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 441-1-2. – I. – Le grossiste s’entend de toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou à plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d’autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour les besoins de son activité. Sont assimilés à des grossistes les centrales d’achat ou de référencement de grossistes.

« Sont exclus de la notion de grossiste les entreprises ou les groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale d’achat ou de référencement pour des entreprises de commerce de détail.

« II. – Les conditions générales de vente applicables aux grossistes, tant dans leurs relations avec les fournisseurs que dans leurs relations avec les acheteurs, comprennent notamment les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix.

« III. – Tout grossiste qui établit des conditions générales de vente est tenu de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s’effectue par tout moyen constituant un support durable.

« Ces conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits ou de prestations de services. Dans ce cas, l’obligation de communication prescrite au premier alinéa du présent III porte uniquement sur les conditions générales de vente applicables à une même catégorie d’acheteurs.

« IV. – Dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale.

« Dans le cadre de cette négociation, le grossiste et son acheteur peuvent convenir de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication prescrite au III.

« Lorsque le prix d’un service ne peut être déterminé a priori ou indiqué avec exactitude, le prestataire de services est tenu de communiquer au destinataire qui en fait la demande la méthode de calcul du prix permettant de vérifier ce dernier, ou un devis suffisamment détaillé.

« V. – L’article L. 441-1-1 n’est pas applicable aux grossistes.

« VI. – Tout manquement au II du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale. » ;

3° Après l’article L. 441-3, il est inséré un article L. 441-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 441-3-1. – I. – La convention écrite conclue soit entre le fournisseur et le grossiste, tel que défini au I de l’article L. 441-1-2, soit entre le grossiste et le distributeur ou le prestataire de services mentionne les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale, dans le respect des articles L. 442-1 à L. 442-3. Cette convention est établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre et des contrats d’application.

« II. – Sans préjudice des articles L. 442-1 à L. 442-3, tout avenant à la convention mentionnée au I du présent article fait l’objet d’un écrit qui mentionne l’élément nouveau le justifiant.

« III. – La convention mentionnée au I fixe, aux fins de concourir à la détermination du prix convenu, les obligations suivantes :

« 1° Les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix et, le cas échéant, les types de situation et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente sont susceptibles d’être appliquées ;

« 2° Les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou des services du fournisseur, que le grossiste lui rend, ou des produits ou des services du grossiste, que le distributeur ou le prestataire de services lui rend, ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, en précisant l’objet, la date prévue, les modalités d’exécution, la rémunération de ces services ainsi que les produits ou les services auxquels ils se rapportent et la rémunération globale afférente à l’ensemble de ces obligations ;

« 3° Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale, soit entre le fournisseur et le grossiste, soit entre le grossiste et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à l’ensemble de ces obligations ;

« 4° L’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels se rapporte tout service ou toute obligation relevant d’un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié.

« IV. – La convention mentionnée au I est conclue pour une durée d’un an, de deux ans ou de trois ans, au plus tard le 1er mars de l’année pendant laquelle elle prend effet ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier. Lorsqu’elle est conclue pour une durée de deux ou de trois ans, elle fixe les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités peuvent prévoir la prise en compte d’un ou de plusieurs indicateurs disponibles reflétant l’évolution du prix des facteurs de production.

« V. – Le fournisseur, dans sa relation avec le grossiste, et le grossiste, dans sa relation avec le distributeur ou le prestataire de services, communiquent leurs conditions générales de vente telles que définies à l’article L. 441-1-2, dans un délai raisonnable avant le 1er mars ou, pour les produits ou les services soumis à un cycle de commercialisation particulier, avant le point de départ de la période de commercialisation.

« VI. – Les articles L. 441-4 et L. 443-8 ne sont pas applicables aux grossistes tant dans leurs relations avec les fournisseurs que dans leurs relations avec les distributeurs ou les prestataires de services. » ;

4° Le II de l’article L. 441-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « grossiste », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « , tel que défini au I de l’article L. 441-1-2. » ;

b) La deuxième phrase du même premier alinéa est supprimée ;

c) Le deuxième alinéa est supprimé.

Article 5
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Article 7

Article 6

(Texte du Sénat)

L’article L. 441-8 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Un arrêté du ministre chargé de l’agriculture peut fixer la liste de certains produits agricoles et alimentaires pour lesquels, par dérogation, le I du présent article n’est pas applicable. Cette dérogation fait l’objet d’une demande motivée de l’interprofession représentative des produits concernés ou, lorsqu’il n’existe pas d’interprofession pour ce type de produits, d’une organisation professionnelle représentant des producteurs. »

Article 6
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Article 8

Article 7

(Texte du Sénat)

L’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa du II, après la seconde occurrence du mot : « conclusion », il est inséré le mot : « et » ;

2° Le VIII est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le présent VIII n’est pas applicable aux contrats de vente comportant des stipulations justifiant de les qualifier de contrats financiers au sens du III de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier, ou comportant une indexation à de tels contrats ou des stipulations qui prévoient la conclusion d’un contrat financier pour la détermination du prix. Ces dispositions ne s’appliquent pas non plus aux contrats conclus par les collecteurs mentionnés à l’article L. 666-1 du présent code lorsqu’ils prévoient une indexation conformément au 1° du III du présent article et en l’absence de contrat financier de référence. » ;

3° Il est ajouté un X ainsi rédigé :

« X. – Pour déterminer les indicateurs utilisés au titre du présent article, les parties peuvent notamment s’appuyer sur les modalités de fixation du prix des systèmes de garantie et des labels de commerce équitable définis à l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. »

Article 7
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 8

(Supprimé)

M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par la commission.

Articles 1er à 2 ter BA

M. le président. Sur les articles 1er à 2 ter BA, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Article 2 ter B

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er mars 2024.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Cet amendement vise à réparer un oubli de la CMP.

Il s’agit de préciser la date d’entrée en vigueur de l’encadrement des produits non alimentaires, que nous proposons de fixer au 1er mars 2024.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement et le Sénat étaient en désaccord sur ce point.

Cela dit, ce dispositif ayant été voté et approuvé en CMP, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 2 ter B est réservé.

Article 2 ter

M. le président. Sur l’article 2 ter, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?…

Le vote est réservé.

Article 3

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

ou à l’échéance de la durée d’un mois mentionnée à l’article L. 441-4-1

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 3 est réservé.

Articles 3 bis A et 3 bis B

M. le président. Sur les articles 3 bis A et 3 bis B, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Article 3 bis

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. – En cas de situation exceptionnelle, extérieure aux distributeurs et fournisseurs, affectant gravement les chaînes d’approvisionnement dans un ou plusieurs secteurs, l’application des pénalités logistiques prévues par les contrats conclus en application du présent titre entre les distributeurs et le ou les fournisseurs intervenant dans ces secteurs et concernés par ladite situation peut être suspendue par décret en Conseil d’État, pour une durée maximale de six mois renouvelable. » ;

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Il s’agit également d’un amendement de coordination juridique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 3 bis est réservé.

Articles 3 ter A à 5

M. le président. Sur les articles 3 ter A à 5, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Article 6

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 441-8 est ainsi modifié :

II. – Alinéa 2

Remplacer la référence :

par la référence :

a)

III. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

b) Au quatrième alinéa, après les mots : « deux premiers alinéas », sont insérés les mots : « du présent I » ;

IV. – Alinéa 3

Remplacer la référence :

par la référence :

c)

V. – Compléter cet article par un alinéa et un paragraphe ainsi rédigés :

2° À l’article L. 954-3-5, après les mots : « premier alinéa », sont insérés les mots : « du I ».

II. – À l’article L. 631-25-1 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « troisième alinéa », sont insérés les mots : « du I ».

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Il s’agit encore d’un amendement de coordination juridique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 6 est réservé.

Articles 7 à 8

M. le président. Sur les articles 7 à 8, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Article 8
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements de la commission, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Amel Gacquerre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 14,5 %, tel est le bond qu’ont réalisé les tarifs des produits alimentaires entre les mois de février 2022 et février 2023 selon l’Insee. Au-delà d’un mois de mars alarmant, c’est la preuve qu’une année noire vient de s’écouler pour les Français.

Cette inflation inédite des prix de l’alimentation frappe en premier lieu les portefeuilles des consommateurs les plus modestes, ce que nous ne pouvons accepter.

Notre action en faveur du pouvoir d’achat ne signifie pas pour autant que nous devons pénaliser les petites et moyennes entreprises, les coopératives agricoles et nos exploitations qui font tout pour que les Français puissent bénéficier de produits de qualité au prix le plus compétitif possible.

Pour ce faire, nous devions corriger le déséquilibre inhérent à la relation fournisseurs-distributeurs, qui demeure très souvent défavorable à nos producteurs. C’est tout le sens de l’initiative présentée par Frédéric Descrozaille.

Remanié grâce au travail de fond effectué par le Sénat et par la commission mixte paritaire, ce texte complète les mesures issues des deux lois Égalim.

Nous pouvons aujourd’hui nous féliciter d’avoir conservé les principales avancées du Sénat dans la rédaction finale.

Je pense tout d’abord à l’ancrage définitif du principe de non-négociabilité des matières premières agricoles et de sa déclinaison pour les produits vendus sous marque de distributeurs. C’était attendu ; nous l’avons fait. Cette disposition était essentielle pour assurer à nos agriculteurs une plus juste rémunération de leur travail.

Nous avons aussi su entendre les demandes de la filière des fruits et légumes frais, que nous avons exclue du dispositif du seuil de revente à perte, ce fameux SRP+10, hérité des lois Égalim, qui instaure une marge obligatoire de 10 %. Il était primordial d’agir vite, car les effets néfastes sur la rémunération de ces exploitations étaient réels.

Enfin, nous avons fait un pas en avant non négligeable concernant l’encadrement de l’arme absolue des distributeurs : les pénalités logistiques. Les dérives et les excès étaient connus. Au moindre retard, quelles qu’en soient les raisons, les distributeurs sanctionnaient lourdement les fournisseurs, ce qui pouvait conduire ces derniers à des situations financières dramatiques.

Le plafonnement du montant des pénalités logistiques et le renforcement de leur encadrement sont de véritables victoires pour l’ensemble de ces industriels et de ces exploitations agricoles qui assurent l’approvisionnement des Français au quotidien.

En sus de ces avancées, je me réjouis de voir que la commission mixte paritaire a su trouver un compromis concernant l’encadrement de la période de négociation commerciale annuelle.

En cas d’échec de ces négociations, l’alternative proposée entre l’interruption des livraisons et l’application du préavis de rupture « classique » constitue un consensus à même de rééquilibrer la relation entre distributeurs et fournisseurs.

Il sera de notre responsabilité de dresser le bilan de cette expérimentation et de prendre la bonne décision quant à sa pérennisation. Je sais la qualité du travail réalisé par le groupe de suivi de la loi Égalim. Je suis donc persuadée que celui-ci sera tout aussi efficace pour étudier la mise en œuvre de cette mesure.

Parce que cette proposition de loi est un texte exigeant, qui met en lumière certaines limites du droit en vigueur, et parce qu’elle est le fruit d’un travail de compromis avec l’ensemble des acteurs politiques, économiques et des mondes agricoles et industriels, la majorité des membres du groupe Union Centriste votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un pas de plus en avant !

Nous avons décidé d’appréhender ce texte de façon positive, en ce qu’il est le reflet de plusieurs dispositions proposées par le Sénat. La CMP a été conclusive, et nous devons nous en réjouir, car le contexte de négociations commerciales tendues, dans une période d’inflation galopante, qui induit des efforts communs, nous impose la raison. Mais les efforts sont-ils communs ?

L’inflation, qui fait la une de tous les médias, nous assène des hausses de prix incroyables : 14 % pour l’alimentation et jusqu’à 30 % pour la viande dans certains endroits. Le trimestre du panier anti-inflation a commencé par un constat mitigé de la part des consommateurs, ceux d’entre eux qui vivent dans la précarité ne pouvant acheter les produits dont les tarifs ont pourtant baissé.

Dans cette guerre des prix, les distributeurs s’achètent une conscience tout autant qu’une image en affichant un objectif bienveillant : faire supporter le moins possible au consommateur les conséquences de l’inflation. Mais qui paye ?

On parle d’un financement grâce à la baisse des marges. C’est oublier que la guerre des prix a toujours été à charge pour les producteurs. Et ce sont les agriculteurs, une fois de plus, qui payent la note et subissent une double peine, pris entre l’inflation des prix des matières premières – emballages, carburant, produits phyto, etc. – et une asphyxie à la vente, avec des prix négociés au plus bas. Personne n’est dupe !

Les médias se polarisent sur cette hausse des prix des produits alimentaires, mais le budget d’un foyer n’est-il pas actuellement plus fortement atteint par d’autres postes, tels que l’énergie ou les loyers ?

Cette situation suscite des problèmes quant au modèle d’agriculture verte déterminé par l’Europe. La France, bon élève, en haut du tableau d’honneur, perd en compétitivité : quand le bio, par exemple, se vend au prix du conventionnel, un énorme problème se pose, qu’il faut résoudre rapidement. Certains agriculteurs se désengagent de ces modes de production qui sont plus onéreux et n’offrent aucun débouché à certains produits. Il faut agir très vite !

C’est la raison pour laquelle, comme je l’ai déjà souligné dans cet hémicycle, il faut revoir la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, la LME, qui a permis à la grande distribution de mutualiser via la mise en place de centrales d’achats. Cette mesure a renforcé la pression sur les agriculteurs. Nous devons y travailler et tirer, a minima, un bilan objectif après quinze ans d’application.

Dans ce contexte commercial tendu, toute mesure positive pour les agriculteurs doit être encouragée et défendue. Mon groupe salue donc plusieurs avancées.

L’article 1er, tout d’abord, rappelle que les dispositions du code de commerce s’appliquent à toute relation contractuelle dès lors que les produits que celle-ci vise sont commercialisés en France. Il s’agit ici de contrer le phénomène d’évasion juridique consistant à délocaliser la négociation contractuelle, afin de la soumettre à des dispositions juridiques plus favorables et moins protectrices des intérêts des agriculteurs français et du fabriqué en France.

L’article 2 prolonge les dispositions de la loi Égalim 1 sur l’encadrement des promotions et le seuil de revente à perte, déjà prolongées une première fois par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, en 2020.

Le SRP+10 est prorogé jusqu’en 2025, comme l’avait voté le Sénat en première lecture. L’exclusion de la filière des fruits et légumes du dispositif est maintenue, conformément à plusieurs amendements adoptés par le Sénat, notamment celui de ma collègue Nathalie Delattre.

La CMP a conservé la disposition introduite par le Sénat sur la non-négociabilité des matières premières agricoles des produits vendus sous marques de distributeur. C’est à mon sens un acquis important.

Un grand pas est également franchi avec l’expérimentation de rupture des livraisons en cas d’échec des négociations commerciales annuelles entre un fournisseur et un distributeur. Cette mesure répond clairement à un enjeu d’équilibre entre ces deux parties.

Je salue Mme la rapporteure, Anne-Catherine Loisier, qui a déclaré : « Le Parlement est obligé d’intervenir, non pas par plaisir, mais parce que les acteurs se livrent à une partie de “poker menteur” qui se fait souvent au détriment des consommateurs, des agriculteurs et des PME. » Vous avez bien raison, madame la rapporteure, et nous sommes nombreux à partager ce constat.

Toutefois, ne soyons pas trop naïfs, car cela pourrait se retourner contre les agriculteurs français, la concurrence mondiale étant à l’affût. Dans une économie de marché libérale qui se conjugue à un contexte d’inflation exacerbée, les distributeurs achèteront ailleurs. L’article 1er est donc fondamental pour enrayer ce risque.

Bref, la voie est bonne, mais il faut persévérer, car l’un des problèmes majeurs de notre agriculture est le faible revenu. Alors que se profilent le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles, le sujet du prix rémunérateur doit être l’un des enjeux primordiaux de notre réflexion.

Au-delà de l’orientation et de la formation nécessaires, de l’installation et de la question primordiale de la transmission ou de l’adaptation obligatoire au changement climatique, il ne faut pas oublier une question essentielle : pour soixante heures de travail hebdomadaires en moyenne, il faut un revenu à la hauteur ! La logique est implacable : il y va de notre souveraineté alimentaire.

Mon groupe votera bien entendu en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est effectivement un rendez-vous supplémentaire s’agissant de la mise en marché des productions agricoles.

Comme nous l’avions dit à plusieurs reprises – je parle sous le contrôle de mes collègues de la commission des affaires économiques –, nous savions que la loi Égalim 1 nécessiterait des modifications. Nous en sommes à la troisième modification, et sans doute la quatrième, voire la cinquième, interviendra-t-elle bientôt, mais n’anticipons pas.

En cet instant, je souhaite remercier Mme la rapporteure, car le travail qu’elle a réalisé permet de résoudre un problème absolument considérable. En effet, dans le cadre des produits des marques de distributeur, les MDD, les lois Égalim 1 et Égalim 2 ne concernaient pas 50 % de la mise en marché des matières agricoles. Pis, si on considère la moyenne sur les dix dernières années, nous avions, avant même la loi, une montée en gamme de 2,3 % à 2,5 % par an, en prenant en compte le couplage volume-prix.

En 2022, nous avons assisté à un arrêt historique de la montée en gamme, puisque nous avons connu une diminution de 1,3 %, toujours en tenant compte du couplage volume-prix.

Je le rappelle, les marques prennent à leur charge la recherche et l’innovation, ainsi que tout ce qui concerne les avancées réalisées dans le pays en matière de sécurité alimentaire. Ce sont, en langage cycliste, des « suceurs de roue » : elles utilisent et généralisent ce qui a été fait, si cela fonctionne.

J’y insiste, monsieur le ministre, grâce au travail mené par le Sénat, qui a été repris par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la matière agricole mise sur le marché sera désormais protégé.

Par ailleurs, le sujet du seuil de revente à perte, le SRP+10, est également très important. L’initiative prise à la demande des producteurs de fruits et légumes pourra apporter un espoir supplémentaire à cette filière ô combien importante pour nos territoires !

J’en viens au secteur des DPH, droguerie, parfumerie, hygiène. Nous avons trouvé le moyen de protéger nos entreprises sur nos territoires. Certaines entreprises, très exposées, pouvaient rapidement perdre leur part de marché, compte tenu des exigences demandées. Là encore, sans faiblesse, le Sénat a maintenu sa position, et j’en remercie Mme la rapporteure.

S’agissant de l’article 3, nous avons trouvé un compromis. Mais les travaux que nous avons menés dans le cadre du groupe de suivi du Sénat en témoignent – je remercie à cet égard toute l’équipe de la commission des affaires économiques –, nous devrons sans doute très rapidement revenir sur le sujet.

Toutefois, ce texte est un compromis, et compte tenu de l’importance du sujet MDD, il paraissait essentiel de protéger l’ensemble des productions agricoles.

Bien évidemment, le groupe Les Républicains votera le texte de la commission mixte paritaire, qui est favorable à l’agriculture.

Pour finir, monsieur le ministre, je souhaite vous alerter sur un point. Alors que nous n’avons pas encore voté définitivement cette proposition de loi, M. le ministre de l’économie et des finances affirme d’ores et déjà qu’il faut entrer dans les box de la renégociation pour le mois de mai.

Or, vous le savez, les chiffres présentés par le Sénat n’ont pas été démentis. Concernant la MPA, la matière première agricole, les prix ont été respectés pour ce qui concerne les marques et seront sanctuarisés par les MDD.

Pourtant, nous le savons tous, monsieur le ministre, pour ce qui concerne la MPI, la matière première industrielle, à peine un tiers est appliqué ! S’agissant des négociations commerciales de 2023, nous savons que la situation se répétera à l’identique.

Méfions-nous donc des déclarations trop rapides, qui pourraient mettre en péril les espoirs des agriculteurs, des consommateurs, des distributeurs, ainsi que des diverses entreprises agricoles dans notre territoire, qui est si riche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la troisième fois en cinq ans que nous nous penchons sur un texte visant à réglementer les relations entre agriculteurs, producteurs, transformateurs, industriels, fournisseurs et distributeurs.

Si nous y revenons, c’est non pas par coquetterie, mais par nécessité. Depuis le début, la loi Égalim a eu pour objet une meilleure répartition de la valeur sur toute la chaîne. Or nous constatons, comme c’est souvent le cas, un écart entre la théorie et la pratique.

Par ailleurs, il s’agit de métiers évoluant dans le temps et affectés par des phénomènes extérieurs, tels que le contexte international et l’explosion des coûts de l’énergie, sur lesquels l’Europe doit se pencher lors du prochain Conseil européen, même si nous regrettons d’ores et déjà qu’il ne soit pas prévu de remettre en cause l’indexation du prix de l’électricité sur le gaz.

Je pense également à la hausse des matières premières et à l’inflation générale, qui jouent sur les coûts de production, de transformation et de distribution des acteurs de la filière.

Derrière ces questions se pose celle de notre capacité à rester l’une des premières puissances agricoles et celle de notre souveraineté alimentaire, donc le problème central de notre indépendance.

Si la loi Égalim est un sujet très important pour l’agriculture, elle ne constitue pourtant pas la question essentielle. La vraie difficulté, c’est que, à coups de normes, à force de vouloir laver plus blanc que blanc, on a attaché depuis longtemps un boulet aux agriculteurs français.

Monsieur le ministre, nous attendons donc beaucoup de la future loi agricole et de l’engagement pris par le Président de la République au salon de l’agriculture sur le lancement d’un nouveau plan visant à coordonner l’action de la France avec celle de l’Union européenne, avec l’objectif de ne pas pénaliser les agriculteurs français par rapport à leurs voisins, auxquels s’imposent des normes moindres.

Nous saluons les avancées trouvées en commission mixte paritaire, qui reprennent des apports importants du Sénat. Depuis la loi Égalim 1, nous sommes tous animés par le même objectif : faire en sorte que tout le monde y trouve son compte, du fournisseur au consommateur, en passant par le distributeur.

Nous le savons, l’équilibre n’est pas facile à trouver. L’article 2 relatif à l’expérimentation du seuil de revente à perte a fait couler beaucoup d’encre. Et pour cause ! L’efficacité du dispositif n’a toujours pas été prouvée. La prolongation de l’expérimentation nous permettra, nous l’espérons, d’apporter des précisions.

S’agissant de l’exclusion, sur sa demande, de la filière fruits et légumes, nous pensons que tout le monde ou presque sera d’accord pour l’accorder.

L’autre avancée concerne l’exclusion des grossistes du système des pénalités logistiques.

Nul ne conteste l’utilité des pénalités en cas de non-respect des obligations du contrat, qui permet de s’assurer que le distributeur sera bien livré dans les temps et conformément à ce qu’il a commandé. Cependant, des dérives ont été constatées. Les pénalités logistiques semblent être devenues une façon, pour la grande distribution, de compenser des pertes de marge sur certains produits.

Ces dispositions ont donc été revues dans cette proposition de loi. Elles ont d’ailleurs été portées par plusieurs sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires, l’objectif étant d’éviter que les règles des pénalités logistiques n’aillent à l’encontre de la filière et de ses intérêts.

Pour ce qui concerne l’article 3, il fallait régler le vide juridique existant lorsque fournisseurs et distributeurs ne trouvent pas d’accord et empêcher que, dans certains cas, un fournisseur ne puisse livrer à perte contre sa volonté.

Depuis le début, la loi Égalim n’a pas apporté des résultats à la hauteur des espoirs suscités. C’est pourquoi nous y revenons pour proposer des améliorations. À n’en pas douter, nous y reviendrons encore. Nous en sommes à la saison 3 d’Égalim, et ce n’est sûrement pas la dernière de la série !

Même si nombre d’entre nous croient au marché, nous savons qu’il a besoin de règles, d’un cadre et d’un suivi, afin de nous assurer que, dans le prix final du produit payé par le consommateur, chaque acteur soit rémunéré à sa juste valeur.

Monsieur le ministre, je le répète, nous attendons beaucoup de la future loi agricole. Nous sommes à vos côtés pour travailler sur les futurs pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles, en matière de formation, de transmission des exploitations et d’adaptation au changement climatique.

Le groupe Les Indépendants votera donc en faveur de ce texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, l’inflation alimentaire poursuit sa course, avec pour conséquence des difficultés pour les producteurs, les fournisseurs et, bien sûr, un grand nombre de nos concitoyens. Dans ce contexte, nous nous apprêtons à voter une nouvelle loi pour tenter de rééquilibrer les rapports de force au sein de ces relations commerciales.

Jusqu’à aujourd’hui, ces tentatives – je pense aux lois Égalim 1 et 2 – ont toujours abouti, face à une grande distribution toute-puissante, à un revenu agricole indécent et à des difficultés pour de nombreuses PME agroalimentaires. Si le texte que nous allons voter aujourd’hui comporte quelques avancées, on ne peut que douter de son efficacité, comme de celle des textes qui l’ont précédé.

Certes, de petits pas sont effectués pour corriger les déséquilibres du système. Je pense notamment aux mesures sur les MDD, les pénalités logistiques ou la lutte contre les contournements de la loi via les centrales étrangères.

Toutefois, dans un secteur marqué par une forte opacité et des rapports de force violents, l’incertitude sur l’efficacité des mesures et leurs effets de bord éventuels persiste, comme le montre la question du seuil de revente à perte. En effet, si on peut se satisfaire qu’un compromis ait été trouvé, on ne peut qu’espérer une fois de plus qu’il permette un vrai ruissellement pour les agriculteurs.

Pour le groupe écologiste, il faut des mesures bien plus structurantes pour trouver l’équation garantissant à la fois un revenu à nos agriculteurs et une accessibilité à une alimentation durable et de qualité pour tous.

Pour ce qui concerne la première partie de l’équation, sans régulation des marchés, sans clauses miroirs, sans paiements pour services environnementaux, sans une PAC plus juste, sans une promotion du commerce équitable, nous ne parviendrons pas à rémunérer correctement les producteurs.

Nous nous devons de sortir l’alimentation d’une concurrence mondiale délétère, qui est l’une des principales causes de la faiblesse du revenu agricole.

Je voudrais ici évoquer l’accord avec le Mercosur, une nouvelle fois. En effet, pendant que nous votons ce texte, en nous félicitant d’agir pour les agriculteurs, la filière bovine s’inquiète, dans la presse, d’une possible volte-face de la France s’agissant de son engagement de non-ratification de ce traité. Nous devons refuser ces accords de libre-échange, qui auront, nous le savons déjà, bien plus d’impacts négatifs sur le revenu agricole – sans même évoquer les effets délétères sur l’environnement –, que ce texte n’aura d’impacts positifs.

J’en viens maintenant aux consommateurs. Les mesures visant à mieux rémunérer les producteurs doivent s’accompagner de politiques fortes pour un accès à l’alimentation durable et de qualité pour tous, en particulier dans un contexte d’inflation.

Ici encore, les leviers sont connus. Une partie des mesures a même déjà été votée : je veux parler de la loi Égalim 1, qui comportait des engagements, à savoir 20 % de bio et 50 % de local et de qualité dans la restauration collective. Or ce pan de la loi n’est pas appliqué, et cela dans l’indifférence générale.

On peut rappeler également les divers errements du chèque alimentation durable, qui a été voté dans la loi Climat et résilience, puis reporté, abandonné, puis, récemment, annoncé comme possible au niveau départemental. Encore une fois, il règne un trop grand flou autour d’une mesure susceptible de contribuer à concilier débouché rémunérateur et accès à l’alimentation durable. Nous continuons donc de plaider pour une véritable sécurité sociale de l’alimentation.

Sans grand espoir, nous voterons ce texte, dont nous reconnaissons les avancées. Pour autant, nous savons qu’il nous faudra nous remettre à l’ouvrage dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’était le 15 mars dernier : deux CMP, deux salles, deux ambiances… Quoi qu’il en soit, je me félicite du bon travail mené ensemble, entre l’Assemblée nationale et le Sénat, ainsi qu’entre les différents groupes parlementaires, pour aboutir à un compromis dans ce texte issu de la commission mixte paritaire.

Grâce à ce texte, nous parachevons le travail engagé avec Égalim 1 et Égalim 2. Nous permettons la correction de dérives inadmissibles, qui sont le fruit du déséquilibre dans le rapport de force et dans les négociations commerciales.

Il faut sans cesse s’adapter à la créativité d’un certain nombre de centrales – j’ai notamment en tête l’article 1er –, car un certain nombre d’entre elles mènent leurs négociations hors de France, afin de contourner notre législation. Ce sera impossible après l’adoption de ce texte.

Je me réjouis que le texte de la CMP maintienne les éléments essentiels de la proposition de loi initiale portée par Frédéric Descrozaille, ainsi que des ajouts issus du Sénat, tels que la prolongation de l’expérimentation du SRP+10 et de l’encadrement des promotions, la correction des effets de bord et l’exemption de la filière fruits et légumes.

Au vu des chiffres, il fallait agir. C’est fait ! Je pense aux produits DPH, un sujet porté de longue date dans cet hémicycle. Je pense également à l’encadrement des pénalités logistiques, un système qui était dévoyé, il faut le dire très clairement, ainsi qu’à la non-négociabilité des MPA pour les produits vendus sous marque de distributeur. Cette mesure permettra aux agriculteurs de ne pas être pénalisés par les négociations ardues sur ces produits.

Quant à l’article 3, il est le fruit de la réflexion collective. Il y a eu une version issue de l’Assemblée nationale, adoptée en commission, puis en séance, et une version issue du Sénat, adoptée en commission, puis en séance. Mais en commission mixte paritaire, nous avons trouvé, me semble-t-il, un bon équilibre.

Cela permettra, à titre expérimental, que le fournisseur ait le choix entre l’interruption des livraisons, si le prix durant le préavis est jugé trop bas, ou l’application d’un préavis de rupture classique, qui devra tenir compte des conditions économiques du marché. Il s’agit d’un apport très intéressant de notre assemblée.

Nous pouvons donc être fiers de parachever la protection du revenu agricole dans les négociations. Nous agissons pour préserver l’emploi, l’innovation et l’investissement dans nos territoires.

Dans la presse quotidienne nationale, ces derniers jours, un distributeur a trouvé les moyens de publier des placards selon lesquels cette loi viserait à limiter les prix bas. Non, je le dis, cette loi vise à obtenir des prix justes, et non des prix bas ! (Mme la présidente de la commission des affaires économiques approuve.)

Les PME et les ETI n’ont pas les moyens de se payer de tels placards dans la presse… Ce distributeur affirme que « nous marchons sur la tête ». Non, c’est bien la situation actuelle qui nous conduit à marcher sur la tête ! Nous nous contentons de remettre les choses à l’endroit. Ce distributeur se vante également de défendre « tout ce qui compte pour vous »… Je le dis, ce qui compte pour nous, c’est l’agriculture française, l’industrie française, les transformateurs français et les consommateurs français !

Bien souvent, le consommateur est aussi un salarié ou un indépendant. Il doit toucher un salaire lui permettant d’acheter. Ce n’est pas en serrant les conditions tarifaires d’un certain nombre de fournisseurs que nous contribuerons à maintenir son salaire.

Par conséquent, il me paraît quelque peu indécent de se prévaloir d’une action en faveur du pouvoir d’achat des Français. Ces derniers doivent savoir que, comme le dit l’adage, quand c’est gratuit ou presque, ce sont eux les produits.

Le Parlement peut être fier du travail conduit. Celui-ci constitue assurément un nouveau pas dans la défense du revenu des agriculteurs et de la pérennité de nos PME, qui font le rayonnement de nos territoires, en France, mais aussi à l’étranger. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Serge Mérillou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Alphonse Karr, célèbre écrivain et journaliste français du XIXsiècle, écrivait : « En France, on parle quelquefois de l’agriculture, mais on n’y pense jamais. » Cette citation est à l’image de ce texte, surnommé « Égalim 3 » injustement, car il y est question non pas d’agriculture, mais de négociations commerciales entre les transformateurs et les distributeurs.

Or qui sont les vraies victimes de l’inflation et de l’augmentation du coût des intrants et de l’énergie ? Sur qui se répercutent les hausses ? Sur les consommateurs, bien sûr, mais aussi sur les agriculteurs.

Avec ce texte, nous examinons une énième loi agricole. Après Égalim 1, voilà Égalim 2, puis Égalim 3 ! Quelle sera la prochaine étape ?

Mes chers collègues, à la veille d’une grande loi agricole que nous appelons de nos vœux, nous devons impérativement nous intéresser à la situation de nos agriculteurs. Ne reproduisons pas les mêmes erreurs ! La situation n’est pas le seul fruit de la covid-19 ni de la guerre en Ukraine. Force est de le constater, la conjoncture n’est pas la seule responsable de ce manque de résultats.

Égalim 1 et Égalim 2 n’ont pas fait leurs preuves. Nous sommes loin du compte, et les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le groupe socialiste avait pourtant alerté le Gouvernement sur le manque d’ambition de ces textes au vu de la gravité de la situation de notre agriculture.

En effet, la ferme France est en déclin, notre agriculture souffre. Pourtant, des solutions existent. Dans La Nouvelle Héloïse, Jean-Jacques Rousseau écrivait : « La condition naturelle à l’homme est de cultiver la terre et de vivre de ses fruits. » Mes chers collègues, nous devons mener bataille pour assurer notre souveraineté alimentaire.

Nous le savons, le juste partage de la valeur est la condition sine qua non d’un modèle vertueux. Agriculteurs, transformateurs et distributeurs, tous doivent trouver leur compte dans les négociations commerciales.

Nous déplorons que ce texte ne fasse pas de la question des agriculteurs le cœur de sa réflexion. Mais tel n’était sans doute pas son objectif ! Il s’agit d’une proposition de loi d’ajustement, qui, malgré ses lacunes, permet tout de même un certain nombre d’avancées que nous saluons.

Tout d’abord, nous nous félicitons que la plupart des améliorations votées par le Sénat aient été conservées dans la version finale.

Bien qu’ils aient des répercussions trop marginales sur les revenus des agriculteurs, nous sommes satisfaits du prolongement de l’expérimentation du SRP+10 et, surtout, de l’exclusion des fruits et légumes du dispositif. Mon groupe et moi-même avions notamment porté cette revendication de la filière par voie d’amendements.

Nous saluons aussi la réaffirmation du principe de la non-négociabilité de la matière première agricole pour les produits vendus sous marque de distributeur.

Parce qu’il est de la responsabilité du législateur de corriger les dispositifs au fur et à mesure, nous saluons l’article 1er, dont les dispositions visent à lutter contre les stratégies de contournement du droit par la grande distribution. Je pense à la constitution de centrales d’achat à l’étranger, pour échapper aux règles encadrant les négociations commerciales, telles qu’elles sont issues des lois Égalim.

N’en déplaise à la grande distribution, s’il y a des règles, c’est pour qu’elles soient respectées, et notre rôle est d’y veiller.

Mes chers collègues, je ne vais pas passer l’ensemble du texte en revue. Toutefois, nous notons avec intérêt l’accord en commission mixte paritaire sur l’article 3, qui tend à fixer les règles en matière de relations commerciales en cas d’échec des négociations.

Le texte que nous votons aujourd’hui n’a pas pour vocation d’inverser la vapeur. Selon moi, il ne donnera pas une toute-puissance aux transformateurs. Il s’agit au contraire d’équilibrer une situation qui ne l’était pas. Forcément, il y a des mécontents. Et ceux-ci se livrent au chantage en agitant la menace d’une explosion des prix.

La réalité, c’est que chacun doit faire un effort. Il convient de fournir une alimentation de qualité, produite par nos agriculteurs, à des prix abordables, quitte à rogner sur les marges de la distribution.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les socialistes voteront ce texte, même si nous considérons qu’il n’est qu’une goutte d’eau. Il doit s’inscrire dans une réforme globale de notre modèle agricole, dans le cadre d’une réflexion plus large à laquelle nous souhaitons être associés.

Je souhaite qu’il permette un rééquilibrage des relations commerciales entre industriels et distributeurs, ce qui devrait avoir, par ruissellement, des répercussions sur les producteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que les conclusions de cette commission mixte paritaire interviennent dans un contexte complexe, dans lequel il est difficile de donner satisfaction à toutes les catégories impliquées, du producteur au consommateur, de la fourche à la fourchette.

Nous sommes invités à voter un texte dont l’objet affiché est de mieux protéger tous les acteurs de la filière, ce qui est fort louable du point de vue de l’intention, mais quasiment impossible dans le cadre dans lequel nous évoluons.

Les produits alimentaires connaissent une hausse spectaculaire, les prix de l’énergie restent à la hausse et nos agriculteurs demeurent confrontés à cette difficulté structurelle découlant du fait que l’essentiel de la valeur ajoutée des produits alimentaires ne revient pas à la production.

La vie chère s’installe de manière durable, et les salaires ne suivent pas. Au fond, consommateurs, salariés et paysans sont confrontés au même problème de la juste rémunération de leur travail.

Nous assistons à une hausse des prix, dont on ne sait pas toujours exactement à quoi elle est due, à une croissance faible, à une inflation forte et à un système économique saturé. Et ce sont toujours les mêmes qui en font les frais !

Bien entendu, l’objet de cette proposition de loi n’était pas de traiter la question des salaires ni du retour de la valeur ajoutée à la ferme. Pourtant, dans l’agroalimentaire, la proportion des entreprises voulant relever leurs prix atteint 70 %, ce qui laisse augurer une poursuite de la flambée des prix.

Le Gouvernement nous a annoncé la création prochaine d’un « chèque alimentaire pour les plus modestes », dont on ne connaît aucun détail. Nous savons seulement que le Gouvernement ne « souhaite pas distribuer d’aide alimentaire au niveau global, pour s’assurer que les consommateurs ne fassent pas le choix de la malbouffe dans les grandes surfaces. »

Le pays est au bord de la rupture, il s’appauvrit, et nous continuons à débattre d’une proposition de loi qui ne résoudra malheureusement pas le problème. Nous jouons les équilibristes, alors que nous avons besoin de mesures d’ampleur, de réformes de fond, et non pas de dispositifs qui toilettent le marché.

Or cette proposition de loi, nous le savons tous, aura un impact minime sur le revenu agricole et sur les 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.

Nous comprenons la recherche du compromis le plus équilibré possible, mais il ne faudrait pas que cette recherche d’équilibre conduise à une dualité entre les souhaits exprimés, d’une part, par le secteur de la production alimentaire, plutôt favorable au prolongement de l’expérimentation SRP+10, et, d’autre part, par les associations de consommateurs, plutôt opposées au prolongement de ce dispositif expérimental.

Je le reconnais, le compromis n’était pas facile à trouver ! Il conviendrait donc de traiter le sujet au fond, en reconsidérant la LME, la loi de modernisation de l’économie, qui fait peser de nombreuses hypothèques sur le secteur de la production.

Le pire, c’est que les entreprises sont incitées à payer peu. Ce sont les allègements généraux de cotisations sur les bas salaires qui pèsent sur les salaires et qui provoquent une forme de recul de la possibilité d’acheter.

Nous ne voulons pas décourager les bonnes intentions qui sous-tendent ce texte. Dans le même temps, nous en mesurons toutes les limites. Telles sont les raisons essentielles qui nous conduisent à nous abstenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 2, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements de la commission, l’ensemble de la proposition de loi tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Discussion générale (suite)

Violences intrafamiliales

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales (proposition n° 344, texte de la commission n° 401, rapport n° 400).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l’enfance a été placée par le Président de la République au nombre des priorités du nouveau quinquennat, et la protection des droits des enfants est au cœur de la feuille de route du Gouvernement qui en fait un engagement fort et prioritaire.

« Le foyer familial doit être érigé en sanctuaire protecteur au sein duquel il ne saurait être accepté la moindre violence. » Voilà la directive ferme et sans ambiguïté que j’ai adressée à tous les procureurs de France dans ma dernière circulaire de politique pénale générale, en septembre dernier.

Oui, la protection des mineurs exposés aux violences intrafamiliales est l’une des priorités absolues de ma politique pénale.

Déjà, dans une circulaire du 21 avril 2022 relative à la prise en charge des mineurs présents lors d’un homicide commis au sein du couple, j’ai incité les procureurs à conclure localement des protocoles de prise en charge du traumatisme des mineurs présents lors d’un homicide commis au sein du couple, afin qu’ils soient accompagnés au mieux.

J’ai rappelé par circulaire du 28 février 2022 les dispositions du décret du 23 novembre 2021 énonçant que « lorsqu’un mineur assiste aux violences commises au sein du couple, il n’en est pas simplement le témoin, il en est victime à part entière ».

Je demande ainsi aux magistrats de restituer aux faits commis en présence d’un mineur leur exacte qualification, de veiller à la préservation des droits du mineur dans la procédure pénale et de s’assurer que la juridiction de jugement dispose d’informations lui permettant de statuer sur l’autorité parentale.

Je vous annonce la diffusion cette semaine d’une nouvelle circulaire de politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs.

Cette circulaire porte la lutte contre les violences sur mineurs à un niveau équivalent à celui mis en œuvre en matière de violences conjugales, dans la continuité des actions qui ont été menées ces dernières années.

Porter cette politique ambitieuse et nécessaire implique de lutter non seulement contre toutes les formes de violences qui sont faites aux mineurs dans leur quotidien proche, qu’il s’agisse du cadre familial ou institutionnel – scolaire, parascolaire, sportif, culturel, religieux, etc. –, mais également contre toutes les formes d’exploitation, comme la prostitution, dont ils sont victimes, notamment de la part de réseaux organisés.

Vous connaissez aussi ma volonté de généraliser les unités d’accueil pédiatrique enfants en danger (Uaped), avec mes collègues François Braun et Charlotte Caubel, dont je veux saluer l’engagement.

Je sais également pouvoir compter sur tous les juges des enfants, tous les juges aux affaires familiales (JAF) et tous les membres du parquet, qui exercent leurs missions au quotidien sur l’ensemble du territoire afin de protéger l’enfant dans son intégrité physique et morale, et de veiller à la préservation de ses intérêts.

Enfin, je n’oublie évidemment pas votre engagement, celui du Sénat, dans ce domaine. En témoignent les textes que vous avez été nombreux à voter au cours de l’année écoulée.

Car si le foyer familial doit être ce lieu de la sécurité affective, il est malheureusement des situations où il devient un lieu de persécution. Il en est ainsi lorsque l’un des parents devient le bourreau de l’enfant.

Ces situations viennent bouleverser le présupposé naturel sur lequel repose la relation parent-enfant. Elles mettent au jour l’inaptitude de ces parents à assurer le rôle dont la loi les a pourtant investis : protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

Lorsque le parent maltraitant n’est à l’évidence plus en mesure d’assurer ce rôle, il faut nous résoudre à remettre en cause le lien parental.

Ces questionnements ont été menés au cours de la précédente mandature lors des travaux parlementaires relatifs à la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille. Ils vous ont conduit à doter notre droit de dispositifs innovants à même de protéger l’enfant dans sa relation avec un parent maltraitant.

Je pense, tout d’abord, au mécanisme de suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent qui est poursuivi ou condamné pour avoir commis un crime sur l’autre parent. Introduit à l’article 378-2 du code civil, c’est ce dispositif que l’article 1er de la présente proposition de loi vise à étendre.

Il s’agit, ensuite, de la possibilité pour le juge pénal de retirer l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui a été condamné pour un crime ou un délit sur l’autre parent ou sur son enfant, objet de l’article 2 de la présente proposition de loi.

Les débats que nous menons aujourd’hui démontrent toutefois que ces dispositifs peuvent et doivent encore être améliorés.

À l’heure où l’ampleur du traumatisme engendré par les violences sexuelles n’est plus à démontrer, les conclusions intermédiaires de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) font ce constat alarmant qu’un adulte sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance.

Si l’enfance est le lieu privilégié des abus, il y a donc urgence à agir afin de s’assurer que le parent maltraitant ne puisse continuer à se prévaloir de ses droits pour maintenir une emprise sur son enfant ou pour réitérer ses agissements.

L’Assemblée nationale – en particulier la députée Isabelle Santiago, ainsi que les membres de la majorité – ne s’y est pas trompée lors de ses travaux, pas plus que votre commission des lois, en adoptant le texte que nous allons examiner aujourd’hui et qui vise à renforcer la protection de l’enfant victime de violences intrafamiliales.

L’article 1er de la proposition de loi tend à modifier l’article 378-2 du code civil afin d’étendre le mécanisme de suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné.

Le texte adopté vise à élargir le mécanisme de suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement en cas de poursuite ou de condamnation du parent pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de l’enfant.

La rédaction retenue par la commission des lois est opportune à bien des égards.

Le choix de viser tous les crimes commis sur l’enfant constitue ainsi une amélioration sensible du dispositif puisqu’il évite d’introduire une hiérarchie inopportune entre les crimes dont un enfant peut être victime.

Il le limite toutefois aux infractions les plus graves afin de garantir la constitutionnalité et la conventionnalité du dispositif. Une disposition miroir est prévue à l’article 2 bis de cette loi pour permettre une délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale dans ces hypothèses, initiative que je soutiens fortement.

Il est cependant regrettable que la commission des lois n’ait pas repris le mécanisme qui, dans ces cas de suspension, dispensait le parquet de saisir pour une confirmation le juge aux affaires familiales, car on constate en pratique que ce n’est que très rarement fait. Cette situation n’est d’ailleurs pas sans poser quelques difficultés quant au rétablissement ou non des droits de l’autre parent…

L’article 2 de la proposition de loi tel qu’il est issu des travaux de votre commission tend à créer trois mécanismes de retrait facultatif de l’autorité parentale ou de son exercice.

Saluons ici la volonté de votre commission, madame la rapporteure, de renforcer la protection des enfants. Toutefois, cet article 2 ne permet pas d’atteindre pleinement cet objectif.

En droit positif, le juge pénal a déjà l’obligation de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice en cas de viol, d’agression sexuelle ou de violence.

Il apparaît plus efficace et protecteur de l’intérêt de l’enfant de créer un mécanisme de retrait obligatoire de l’autorité parentale ou de son exercice pour les crimes et les agressions sexuelles incestueuses commis sur l’enfant et les crimes commis sur l’autre parent, avec une possibilité pour le juge d’y déroger par une motivation spéciale. Il s’agit là de mettre en œuvre les recommandations du rapport intermédiaire de la Ciivise.

L’article 3, quant à lui, vise à ne pas laisser le code pénal en reste et à le faire évoluer en conformité avec les modifications introduites dans le code civil. J’observe que la rédaction de cet article laisse transparaître un souci de simplification puisqu’il procède manifestement de la volonté d’inciter les magistrats à faire directement usage des dispositions du code civil, auquel il est renvoyé.

Le texte présente également l’intérêt de regrouper en un article unique du code pénal les dispositions qui ont trait à l’autorité parentale, lesquelles sont en droit positif dispersées dans différents chapitres du code pénal. En la matière, la simplification est évidemment la bienvenue.

Je suis d’avis de parfaire cette idée en soutenant l’un des amendements visant à ajouter dans votre texte une expression classique dans le code pénal en cas de renvoi à une autre disposition : « et selon les distinctions prévues par… ».

Toutefois, la commission a également souhaité introduire la possibilité, pour la juridiction de jugement, de renvoyer l’affaire à une date ultérieure pour statuer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale. Je suis réservé quant à cette disposition, car elle porte en elle un risque, qui n’est pas à écarter, d’augmentation de la charge des audiences et, subséquemment, des délais d’audiencement, lesquels sont un facteur à part entière de l’efficacité de la justice. Il conviendrait que le texte précise bien qu’un tel renvoi de la décision portant sur l’autorité parentale ne peut intervenir qu’une fois la décision sur la peine rendue.

Les réflexions doivent donc se poursuivre dans le cadre de vos débats. J’ai à cœur d’aboutir avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à un dispositif ambitieux, mais respectueux de nos principes constitutionnels.

Aussi, je forme le vœu que nos débats nous permettent d’envoyer un signal fort à tous les enfants victimes de violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je me réjouis que le Gouvernement n’ait pas engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi d’Isabelle Santiago, ce qui nous permettra de travailler dans la durée sur un sujet éminemment complexe : la question de l’autorité parentale en cas de violences intrafamiliales. Je tiens aussi à féliciter notre collègue députée d’avoir travaillé sur cette question.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à intervenir ponctuellement sur deux mécanismes : la suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale, créée par la loi du 28 décembre 2019, et le retrait de l’autorité parentale par les juridictions pénales.

Pour bien comprendre les enjeux de ces dispositions, il convient de garder à l’esprit que le retrait de l’autorité parentale prive un parent de l’ensemble de ses attributs, y compris les plus symboliques comme le droit de consentir au mariage ou celui de consentir à l’adoption de son enfant. C’est donc la titularité même qui est mise en cause.

Le retrait de l’exercice de l’autorité parentale revient, quant à lui, à confier exclusivement à l’autre parent le soin de veiller sur l’enfant et de prendre les décisions nécessaires pour sa santé, son éducation, etc. Pour autant, l’autre parent conserve le droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant via les droits de visite et d’hébergement qui lui sont accordés, sauf « motifs graves » appréciés par le JAF. Il conserve aussi un droit de surveillance qui oblige l’autre parent à le tenir informé de tous les choix importants relatifs à la vie de l’enfant.

Cela étant rappelé, venons-en à la proposition de loi dont nous sommes saisis.

L’article 1er vise tout d’abord à étendre la suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement aux cas de poursuites ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant. La commission a été favorable à cette extension qui permet de prendre en compte la situation de l’enfant et non pas seulement celle de l’autre parent, se conformant ainsi aux souhaits de la Ciivise.

L’article 1er tend également à revoir les conditions de durée : au lieu d’une durée maximale de six mois et d’une obligation pour le procureur de la République de saisir le JAF dans les huit jours, la suspension courrait jusqu’à la décision de non-lieu, la décision de la juridiction de jugement ou la décision du juge aux affaires familiales, s’il est saisi par le parent poursuivi.

Sur cette question, la commission a choisi de s’en tenir à la position qu’elle avait adoptée en 2020 lorsqu’elle avait été saisie d’amendements similaires, en acceptant une suspension de plein droit, mais uniquement pour six mois, et en exigeant une intervention du juge pour la suite.

Il nous semble en effet disproportionné, au regard de la présomption d’innocence et du droit de chacun de mener une vie familiale normale, de permettre une suspension automatique tout le temps de la procédure pénale, qui peut durer plusieurs années, et sans intervention obligatoire d’un juge, seul à même d’apprécier l’intérêt de l’enfant.

Enfin, les députés ont créé un régime de suspension distinct en cas de condamnation pour des violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours sur l’autre parent. Le texte vise à prévoir dans ce cas une suspension provisoire de l’autorité parentale, mais uniquement si l’enfant a assisté aux faits. La suspension vaudrait jusqu’à la décision du JAF, qui devrait être saisi par l’un des parents dans les six mois à compter de la décision pénale. À défaut, le parent retrouverait l’exercice de l’autorité parentale.

Ce dispositif ne nous a pas semblé cohérent à cause de la condition liée à la présence de l’enfant – car un enfant, même non présent au moment des violences, peut tout autant ressentir la souffrance et l’insécurité –, et à cause de l’exclusion des violences volontaires sur l’enfant lui-même.

Enfin, ce dispositif nous a semblé manquer d’intérêt pratique puisque les juridictions doivent d’ores et déjà se prononcer sur l’autorité parentale en cas de condamnation pour cette infraction. Je relève que les magistrats sont de plus en plus sensibilisés à l’importance des mesures relatives à l’autorité parentale et que le nombre de mesures prononcées augmente, ce dont on ne peut que se réjouir.

L’article 2 de la proposition de loi vise ensuite à rendre plus « automatique », sans toutefois l’imposer au juge pénal, le retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle commis sur l’enfant ou pour un crime commis sur l’autre parent.

Cette disposition a le mérite d’inciter plus fortement les juges à prononcer un retrait total d’autorité parentale en cas d’infraction grave contre l’enfant ou l’autre parent, sans toutefois les priver de leur liberté de moduler leur décision au regard de l’intérêt de l’enfant, à charge pour eux de la motiver spécialement.

La commission des lois en a revu la rédaction afin de rendre le dispositif plus intelligible, et donc d’en favoriser l’application par les juridictions pénales. Elle a posé le principe du retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle commis sur l’enfant ou pour un crime commis sur l’autre parent, et l’obligation des juridictions de se prononcer dans tous les cas de condamnation d’un parent pour crime ou délit commis sur son enfant ou pour crime commis sur l’autre parent.

Nous aurons tout à l’heure un débat sur cette rédaction : celle que nous avons choisie a le mérite de la vérité puisqu’elle expose clairement que le juge conserve malgré tout, sous réserve d’une motivation spéciale, la possibilité de ne pas prononcer le retrait total de l’autorité parentale. Les formules du type « prononce le retrait » ou « ordonne le retrait » nous semblent de ce point de vue relever davantage de l’affichage…

L’article 2 bis de la proposition de loi vise ensuite à ajouter un nouveau cas de délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale à un tiers en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant par un parent qui est seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale. La commission y a apporté un simple ajustement rédactionnel.

La commission a adopté un article additionnel 2 ter pour instituer un « répit » pour l’enfant en cas de retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement. Il tend à prévoir qu’aucune demande au juge aux affaires familiales ne puisse être présentée par le parent moins de six mois après le jugement. Une disposition similaire existe en cas de retrait de l’autorité parentale et il nous a semblé opportun de le prévoir aussi en matière d’exercice.

J’en arrive à l’article 3, qui vise à procéder à diverses modifications dans le code pénal, à des fins de coordination avec l’article 2.

Cet article nous a semblé l’occasion de mettre fin au décalage qui existe entre le code civil et le code pénal en matière de retrait de l’autorité parentale. La rédaction proposée introduirait une disposition générale dans le code pénal, applicable à chaque fois qu’il y a condamnation d’un parent pour crime ou délit sur la personne de son enfant ou l’autre parent.

La commission s’est attachée à rendre les dispositions dont elle était saisie plus intelligibles et plus cohérentes, étant consciente qu’il fallait faciliter le travail des pénalistes pour qu’ils s’emparent de ces mécanismes de nature civile. C’est dans cet esprit constructif qu’elle a adopté le texte que je vous invite à voter.

Nous avons besoin de bonnes lois, mais aussi d’une volonté politique absolue et de moyens dans les juridictions. C’est à ce prix que nous pourrons protéger les plus fragiles et infléchir ce monde de violence.

Nous devons tous être des protecteurs de l’enfance et des guetteurs de violence. Car cette violence au sein de la famille empêche un enfant, tout simplement, de vivre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, c’est l’histoire de Malakai, un petit garçon âgé de 7 ans, battu à mort dans la nuit du 12 au 13 octobre 2022 par le compagnon de sa mère. Celui-ci avait déjà été condamné huit fois pour des faits de vols, de menaces et de violences conjugales.

Pourtant, en avril 2022, les services sociaux s’étaient saisis du cas de la mère et de son fils, qui avaient fait l’objet d’un signalement à la justice en raison de « carences éducatives et de conduites addictives de la mère et d’un père totalement absent ».

La mort tragique de Malakai est loin d’être anodine. En France, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents dans un contexte de violences conjugales. À ce titre, 400 000 enfants vivent dans un foyer où s’exercent des violences conjugales et 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles.

Les travailleurs sociaux croulent sous les dossiers qu’ils ne parviennent plus à traiter, faute de moyens suffisants. De surcroît, les tribunaux dénoncent une dégradation dramatique de la situation du pôle des affaires familiales. Les JAF sont débordés et en sous-effectif, mais je ne vous apprends ici rien de nouveau…

Dans tout ce désordre judiciaire, y a-t-il une place à consacrer à l’intérêt supérieur de l’enfant ? La responsabilité de l’État est immense.

Aujourd’hui, nous discutons d’un texte qui vise à améliorer la protection des enfants en renforçant le dispositif existant de retrait de l’exercice de l’autorité parentale. Désormais, tout parent ayant été poursuivi, mis en examen ou condamné pour un crime commis sur l’autre parent et/ou crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant se verra suspendre de plein droit l’exercice de l’autorité parentale, ainsi que les droits de visite. Cette proposition de loi pourrait être une réelle avancée en matière pénale et civile.

Certes, cela n’est toujours pas suffisant pour lutter contre les violences intrafamiliales. Le Gouvernement devrait élaborer une véritable politique publique ambitieuse en matière de protection de l’enfance. On ne peut pas se contenter de petites mesures ou de numéro vert.

C’est notre devoir d’empêcher qu’un autre Malakai ne meure sous les coups d’un parent violent. Il nous faut garantir un accompagnement effectif pour tous ces enfants victimes de violences intrafamiliales et permettre leur reconstruction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes le rapporteur et Martine Filleul applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE se réjouit de la présentation de cette proposition de loi, qui soulève des enjeux primordiaux et nous ramène à notre responsabilité collective de protéger nos enfants. Notre édifice institutionnel et législatif relatif à la protection des enfants doit s’enrichir de nos débats.

Je rappelle que le groupe RDSE, sensible à la question de la protection des enfants, s’est déjà positionné sur un renforcement de la répression des abus sexuels intrafamiliaux.

Les violences intrafamiliales sont le quotidien d’un trop grand nombre de nos concitoyens. Pire encore, celles dont sont victimes nos enfants posent un problème dont notre société a du mal à reconnaître le caractère massif et systémique.

Or la réalité, c’est que, chaque année, 400 000 enfants vivent dans un foyer où s’exercent des violences conjugales, et 160 000 enfants subissent des violences sexuelles avérées.

Chocs traumatiques, troubles psychotraumatiques, phénomènes de dissociation, troubles de la mémoire : derrière ces violences, qu’elles soient physiques, sexuelles ou psychologiques, les conséquences sur l’enfant et son développement sont graves. Néanmoins, rappelons qu’elles sont réversibles si une protection et un traitement psychothérapique spécialisés sont mis en place.

Nous plaidons pour une mise à l’abri rapide des enfants victimes et une prise en charge la plus précoce possible, afin de limiter les conséquences sur leur santé. Tout retard dans cette mise en sécurité et cette prise en charge équivaut à une perte de chance pour chaque enfant concerné.

Au-delà des questions d’élargissement du mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et de systématisation du prononcé du retrait de l’autorité parentale par les juridictions pénales, notamment en cas de crime commis sur la personne de l’enfant ou de l’autre parent ou d’agression sexuelle incestueuse sur l’enfant, nous devons nous interroger sur la bonne temporalité pour agir et protéger l’enfant en coupant le lien avec le parent violent, que ce soit de façon temporaire ou définitive.

Nous devons avoir cette réflexion sans perdre de vue l’objectif de protection des victimes et de préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous devons également mettre l’accent sur une meilleure sensibilisation de la société sur ces sujets, afin de traiter le plus en amont possible les violences intrafamiliales sur la personne de l’enfant.

Si la législation progresse depuis quelques années, il nous faut faire mieux, d’abord en accroissant l’arsenal législatif en matière de suspension et de suppression de l’autorité parentale ou de son exercice, sans oublier de rendre davantage lisibles et applicables les mesures déjà en place dans le droit en vigueur.

Dans ce cadre, le groupe RDSE se félicite des avancées que comporte ce texte, notamment l’élargissement du régime de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement aux crimes et agressions sexuelles incestueuses commis sur la personne de son enfant. Cependant, nous regrettons que la commission ait souhaité atténuer la portée du dispositif principal en excluant la suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale du parent violent le temps de la procédure pénale.

Si cette modification répond au principe de présomption d’innocence et au droit de chacun, enfant comme parent, de mener une vie familiale normale, elle ne permet pas, compte tenu notamment de la longueur de la procédure pénale, d’améliorer un dispositif qui se caractérise aujourd’hui par son ineffectivité en raison d’un manque de lisibilité.

Si nous conservons la procédure actuelle, il reviendra toujours au procureur de saisir le juge aux affaires familiales afin de déclencher la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité familiale, ce qui, rappelons-le, n’est pas systématique. Surtout, suivant la procédure actuelle, si le JAF ou le juge pénal ne s’est pas prononcé dans un délai de six mois, le parent poursuivi récupère ses droits automatiquement.

Prévenir ou guérir ? Tel est le dilemme qu’affrontent les acteurs de la protection de l’enfance. Où doit-on placer le curseur ? Toujours est-il qu’il serait opportun que nous trouvions des solutions afin que notre appareil répressif ne souffre plus d’une ineffectivité dont les conséquences peuvent être lourdes.

Néanmoins, en dehors de ces quelques observations, nous pensons que cette proposition de loi va dans le bon sens et contribuera à briser davantage le silence autour des violences commises dans le cadre intrafamilial. La systématisation du prononcé du retrait de l’autorité parentale par les juridictions pénales en cas de crime commis sur la personne de l’enfant ou de l’autre parent ou d’agression sexuelle incestueuse sur l’enfant en est le formidable symbole.

C’est pourquoi le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – Mme le rapporteur et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le retrait de l’autorité parentale est, dans notre culture, encore difficile à envisager. Pourtant, cette option reste nécessaire dans l’éventail des moyens de protection de l’enfant victime de sa famille.

Depuis des décennies, les philosophies des acteurs de la protection de l’enfant s’affrontent. Le législateur doit trancher : pour nous, il est indispensable de sanctionner le parent coupable de violences extrêmement graves sur l’enfant et de protéger cet être vulnérable physiquement en l’éloignant juridiquement de l’autorité dont il dépend et qui le détruit.

De 1979 à 1982, dans le cadre de mes études, j’avais travaillé sur la situation des enfants placés dans les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass), qui dépendaient alors de l’État, souvent pour des faits de violences intrafamiliales graves. J’avais à l’époque remarqué que de nombreux enfants placés, en principe temporairement, étaient oubliés dans leur lieu de placement, sans surveillance, par l’administration toute puissante. Les enfants étaient souvent transférés à la campagne, au vert, loin des « mauvais parents ». Ceux-ci n’avaient plus de droits sur la vie de leurs enfants du fait, non de la loi, mais de la toute-puissance de l’administration.

La loi du 24 juillet 1889 – cela ne date pas d’hier ! – avait installé cette disjonction de protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés, par l’éloignement des parents et par la déchéance de leurs droits de puissance paternelle.

Ce texte était fondé sur le caractère exemplaire de la peine. Il pouvait avoir – du moins l’espérait-on – un rôle dissuasif à l’égard des parents qui compromettaient la santé, la sécurité ou la moralité de leurs enfants. Mais il n’abordait pas le devenir des enfants. La seule mesure pérenne pour eux était le placement, le plus souvent irréversible.

La loi du 4 juin 1970 a remplacé la puissance paternelle par l’autorité parentale. Elle marque une étape essentielle dans l’évolution de la protection de l’enfant en ce qu’elle consacre l’égalité des parents.

À partir de cette époque, si le magistrat peut retirer l’enfant de sa famille en cas de nécessité, il doit s’efforcer, par principe, de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée et faire en sorte que les liens soient maintenus dans la mesure du possible.

Le législateur de l’époque a cependant prévu une divisibilité des prérogatives de l’autorité parentale. La loi prévoit ainsi de diminuer les possibilités légales des père et mère quant à l’éducation de l’enfant si son intérêt le justifie.

Le législateur présente les mesures restreignant l’autorité parentale en respectant une gradation. Les magistrats, dès lors, peuvent limiter, voire retirer, l’autorité parentale des parents. Cependant, dès cette époque, le législateur invite les juges à considérer la mesure prise comme provisoire et à recourir le plus souvent possible à l’assistance éducative.

En ce qui concerne les mesures judiciaires propres à l’enfant, la loi du 6 janvier 1986 est venue renforcer les droits de la famille, en exigeant que les mesures soient limitées dans le temps, c’est-à-dire en deçà de deux ans.

Aujourd’hui, la révision des situations est orientée avant tout vers le retour de l’enfant dans sa famille, quoi qu’il en soit.

Avant les lois de décentralisation de 1983, la protection de l’enfant en danger reposait sur l’État. C’est la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance qui a organisé la protection de l’enfance en danger.

Cette loi fixe les attributions du département. Elle établit les responsabilités de prévention, de détection et de protection des enfants maltraités en redéfinissant le rôle de chaque autorité. C’est à partir de là qu’apparaissent des antagonismes.

En 1997, j’ai soutenu une thèse sur la collaboration des institutions – pénales, civiles, sociales, médicales, éducatives – protégeant l’enfant. Chacune avait son rôle de détection, de signalement au juge, de prise en charge de l’enfant maltraité. Des progrès énormes ont été faits depuis trente ans, mais force est de constater que la coordination des justices pénale et civile n’est toujours pas évidente. Le dépôt en 2023 de cette proposition de loi montre que nous devons encore apporter des précisions.

Je voterai ce texte, car il replace l’enfant victime au cœur du dispositif judiciaire. Coordonner le civil et le pénal est une priorité pour la protection de l’enfant victime. C’est mon intime conviction. Le retrait de l’autorité parentale peut être nécessaire pour arrêter la reproduction de la violence familiale au sein des générations suivantes, mais il faut, en même temps, prévoir l’avenir de cet enfant, lui donner une stabilité juridique et une institution affective définitive.

Je compte sur vous, mes chers collègues, et surtout sur vous, monsieur le garde des sceaux, pour mettre à profit l’expérience qui est la vôtre en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un sur cinq, c’est la proportion des adultes qui auraient été victimes de violences sexuelles lorsqu’ils étaient mineurs. C’est considérable !

Certes, ce chiffre a pu être contesté. Il provient d’une méta-analyse conduite par le Conseil de l’Europe, reprenant plusieurs estimations de diverses organisations indépendantes, comme l’Unicef ou l’OMS.

Le rapport Sauvé, rendu public en octobre 2021, a donné une autre estimation, avec près de 15 % des femmes et plus de 6 % des hommes majeurs qui auraient été sexuellement agressés lorsqu’ils étaient mineurs. Cela ramène la prévalence dans la population totale à un peu plus de 10 %, comme l’a précisé M. le ministre.

En tout état de cause, il s’agit d’un phénomène massif. Des milliers d’enfants subissent chaque année des violences, et des millions d’adultes vivent toute leur vie avec le poids du traumatisme. Le grand public commence à saisir l’ampleur du problème, mais il est difficile de savoir si les violences sexuelles contre les enfants ont tendance à gagner du terrain, ou si nous en prenons davantage conscience à mesure que la parole se libère sur le sujet. Quoi qu’il en soit, il serait irresponsable d’ignorer ce phénomène qui brise les individus et divise les familles.

En outre, les violences sexuelles ne sont qu’une partie du problème, sans doute la plus glaçante et la plus révoltante, mais une partie seulement. Les enfants subissent d’autres formes de violences au sein du foyer.

En 2019, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes estimait à 400 000 le nombre des enfants concernés par ces violences. Il s’agit bien sûr des violences subies par les enfants eux-mêmes, le plus souvent à cause d’un père violent. Mais il s’agit aussi, et il ne faut pas le négliger, des violences qu’ils ne subissent pas directement, mais qui sont infligées par l’un des parents à l’autre. Celles-ci peuvent traumatiser les enfants presque autant que lorsqu’ils sont eux-mêmes victimes d’éclats de colère, de coups ou d’insultes.

Dans chacune de ces situations, la famille n’est plus le cocon protecteur qui permet à l’enfant de s’épanouir en sécurité ; la famille devient une prison dont il ne peut plus s’échapper.

Je me réjouis que les pouvoirs publics se soient emparés du sujet. Le lancement de la Ciivise, voilà deux ans, a permis de mettre nos institutions à l’écoute des victimes. C’était un préalable indispensable, car, en matière de violences intrafamiliales, une seule boussole doit guider l’action publique : l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi cette proposition de loi doit contribuer à faire avancer le débat sur ces sujets délicats et sensibles.

Ils sont délicats, car il n’existe pas de solution miracle. Nous parlons de situations où l’agresseur est, par définition, un proche de la victime, et même le plus souvent un élément structurant de sa famille. Punir l’agresseur est nécessaire, mais parfois douloureux, malheureusement, pour la victime.

Ces sujets sont également sensibles, car nous avons souvent, dans notre entourage, connaissance d’une situation particulière, d’un cas de figure où la violence a déjà assombri les relations familiales. Je rappelle au passage qu’il s’agit d’un phénomène qui dépasse tous les clivages sociaux et territoriaux.

Je tiens à saluer Mme le rapporteur, qui a conduit un travail sérieux sur ce sujet complexe. Le texte de la commission nous paraît plus respectueux de l’intérêt de l’enfant, alors même qu’il peut paraître moins sévère contre les parents violents. Je le répète : notre seule boussole doit rester l’intérêt de l’enfant.

Je m’arrête plus précisément sur la réécriture de l’article 1er. La commission a limité l’extension de la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale aux cas de crime ou d’agression sexuelle commis sur la personne de l’enfant. Elle a également souhaité conserver le caractère provisoire de cette suspension, comme c’est déjà le cas actuellement.

Je le répète, il s’agit de sujets délicats et sensibles. En tant que législateurs, nous devons veiller à préserver la présomption d’innocence et les relations au sein des familles où sévissent de telles violences.

C’est pourquoi il nous paraît judicieux de préserver aussi le rôle du juge aux affaires familiales dans l’application des sanctions à l’encontre des parents violents. Le législateur doit veiller à ne pas se substituer au juge. Rendre automatique le retrait de l’autorité parentale et de son exercice ne nous semble pas la réponse idoine. Nous faisons confiance aux juges pour préserver l’intérêt des enfants. (Mme le rapporteur applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (M. Joël Labbé applaudit.)

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand on ne peut pas se protéger soi-même, on doit pouvoir appeler à l’aide. Et quand on appelle à l’aide, on doit nous croire. Et quand on nous croit, on doit nous aider.

Ces principes très simples devraient aller de soi. Pourtant, les protections accordées aux enfants victimes de violences intrafamiliales sont en France largement insuffisantes. Or il y a urgence, compte tenu de l’ampleur du phénomène : 165 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année ; 400 000 enfants vivent dans un foyer dont un membre exerce des violences conjugales, et en sont les victimes directes ou collatérales ; 2 enfants par classe et 1 à 2 adultes sur 10 ont été victimes de violences sexuelles, soit entre 35 et 70 d’entre nous, au Sénat, avec les fractures perpétuelles que cela implique.

Les violences subies pendant l’enfance ont de graves conséquences psychologiques et somatiques qui durent souvent la vie entière. Le mouvement #MeTooInceste et la Ciivise, créée en réaction, ont démontré que la clé n’était pas tant la parole que l’écoute, car les victimes qui parlent ne sont que rarement crues, encore moins aidées convenablement, quand elles le sont.

Il y a donc urgence à agir pour renforcer le cadre légal pour la protection des victimes. À cet égard, je remercie Mme Isabelle Santiago de son initiative et Mme la rapporteure, Marie Mercier, de son travail. L’ensemble du groupe écologiste soutient bien évidemment cette proposition de loi, qui est une étape importante pour améliorer la protection des victimes.

En particulier, elle permettrait d’élargir les cas de suspension d’exercice de l’autorité parentale, et ce afin de protéger l’enfant du parent violent. Si l’on croit la parole des victimes, il faut les protéger et, dans les cas de violences intrafamiliales, cela veut dire aussi parfois qu’il faut les protéger de leurs propres parents. C’est pourquoi l’élargissement de ces cas est une bonne chose.

À ce titre, je voudrais m’attarder sur deux points qui me paraissent particulièrement importants.

Premièrement, je regrette que la commission ait voulu supprimer certaines dispositions adoptées à l’Assemblée nationale.

Elle a décidé, en particulier, de ne pas étendre la suspension de l’exercice de l’autorité parentale dans certains cas qui avaient été prévus par les députés. Or cette suspension est souvent essentielle pour permettre, dans les faits, la protection des enfants victimes de leurs parents violents.

Le mouvement #MeTooInceste nous a montré que, dans de trop nombreux cas, on ne croit pas les victimes. Et comme on ne les croit pas, elles ne sont pas protégées par la justice. C’est ce que l’Assemblée nationale a retenu, et c’est pour cette raison que les députés ont voté pour un élargissement de cette suspension. Aussi avons-nous déposé des amendements visant à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale.

Deuxièmement, je souhaite m’inscrire en faux contre la théorie du syndrome de l’aliénation parentale. Le texte ne revient pas sur ce point, et c’est particulièrement inquiétant. De quoi s’agit-il ?

Prenons le cas d’un couple marié qui a une fille âgée de 7 ans. Après un divorce conflictuel, l’enfant part vivre avec un des parents. L’autre parent obtient un droit de visite pour l’enfant, qui vient chez lui un week-end sur deux. Un certain dimanche, celle-ci revient incontestablement traumatisée. Elle se confie au parent chez lequel elle vit – disons que c’est la mère –, racontant qu’elle subit des violences chez l’autre parent – admettons qu’il s’agisse du père.

La mère établit qu’il s’agit de violences sexuelles, alerte la justice et refuse ensuite de laisser partir sa fille pour la protéger de son ex-conjoint violent. À ce stade, il faut remarquer que nous nous trouvons devant un cas rare : l’enfant parle, on le croit et on agit.

Or, au lieu de protéger l’enfant en retirant l’exercice de l’autorité parentale, la justice remet parfois en cause le récit du parent protecteur et le suspecte d’accuser l’ex-conjoint pour se venger et d’instrumentaliser l’enfant. On ajoute ainsi du traumatisme au traumatisme en prétendant que l’enfant ment et en condamnant le parent qui agit comme il se doit. Ce faisant, on laisse l’enfant en danger.

La fausse théorie du syndrome de l’aliénation parentale, qui fonde ce raisonnement, est malheureusement répandue en France. Le Conseil de l’Europe a d’ailleurs mis en garde la justice française à ce propos, mais trop peu a été fait jusqu’à présent pour lutter contre ces croyances qui ont cours dans l’institution judiciaire. Nous devons mettre fin à cette absurdité.

Je conclurai en rappelant ce qu’a dit M. le ministre dans son propos liminaire : la lutte contre les violences faites aux mineurs va être mise au même niveau que celle contre les violences conjugales.

Compte tenu du nombre croissant de féminicides – 112 l’année dernière ! –,…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je sais !

Mme Mélanie Vogel. … permettez-moi, monsieur le ministre, d’exprimer mon inquiétude… (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, 400 000 enfants vivent aujourd’hui dans un foyer où s’exercent des violences intrafamiliales, et un enfant en meurt tous les cinq jours. Par ailleurs, plus de 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles, selon un rapport de plusieurs inspections datant de 2018.

Ces chiffres sont éloquents, mais ils sont d’une tout autre ampleur dans les territoires d’outre-mer. Dans une étude de 2017, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) rapportait que les violences intrafamiliales étaient plus fréquentes et plus graves outre-mer qu’en métropole, et ce en raison de l’insularité et de la faible superficie de certains territoires, qui peuvent entraver la libération de la parole et rendre inopérant l’éloignement du conjoint violent ou le choix d’un lieu anonyme pour être accueilli et écouté sans crainte. Plus récemment, un bilan du ministère de l’intérieur révélait qu’à Mayotte, ces violences avaient augmenté entre 2021 et 2022.

L’un des enjeux de la lutte contre les violences intrafamiliales est de mieux reconnaître la souffrance des enfants qui en sont victimes et de les protéger. Nous savons aujourd’hui que les traumatismes répétés qu’ils subissent peuvent déclencher diverses maladies et être un facteur de reproduction de violences à l’âge adulte.

Aussi, dans le prolongement du Grenelle des violences conjugales, lancé par le Gouvernement le 3 septembre 2019, le Parlement avait adopté deux lois prévoyant le renforcement des pouvoirs du juge pour retirer l’autorité parentale ou son exercice au parent violent, et pour protéger l’enfant et le parent victime.

Tout d’abord, la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a notamment créé un mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur l’autre parent.

Ensuite, la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a, entre autres dispositions, ajouté les délits commis sur l’autre parent à la liste des infractions pouvant fonder une décision de retrait de l’autorité parentale par le juge pénal.

Pour traiter ces violences, notre arsenal juridique s’est, certes, considérablement renforcé ces dernières années, mais il reste encore perfectible.

Le présent texte, qui s’inspire des recommandations de la Ciivise, s’inscrit dans cette optique et prévoit la mise en place de mécanismes automatiques de retrait ou de suspension de l’autorité parentale, ou de son exercice, lorsque le parent est poursuivi, mis en examen ou condamné pour les infractions les plus graves commises sur son enfant ou sur l’autre parent.

Depuis son dépôt, des modifications substantielles ont été apportées au texte, toujours dans un esprit transpartisan et dans le cadre d’un travail de coconstruction avec le Gouvernement, qui a fait de la protection des mineurs exposés aux violences intrafamiliales une priorité absolue de sa politique pénale.

Entièrement réécrite par l’Assemblée nationale, qui l’a adoptée à l’unanimité, cette proposition de loi prévoyait plus précisément d’élargir les cas de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement : premièrement, jusqu’à la décision du JAF éventuellement saisi par le parent poursuivi ou jusqu’à la décision de non-lieu ou la décision de la juridiction de jugement en cas de poursuite, mise en examen ou condamnation pour un crime commis sur l’autre parent, ou de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant ; deuxièmement, jusqu’à la décision du JAF qui devrait être saisi par l’un des parents dans les six mois à compter de la décision pénale en cas de condamnation, même non définitive, pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits.

La proposition de loi prévoyait également le retrait systématique de l’autorité parentale ou de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation pour crime ou agression sexuelle incestueuse sur l’enfant ou pour crime sur l’autre parent, sauf si le juge en décidait autrement, à charge pour lui de motiver spécialement ce choix.

Par ailleurs, elle ajoutait un nouveau cas de délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale à un tiers en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant par un parent, seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale.

Sur l’initiative de notre rapporteur, Marie Mercier, dont je tiens à souligner la qualité du travail, notre commission a choisi de réserver le déclenchement du mécanisme de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement aux crimes et agressions sexuelles incestueuses commis sur la personne de l’enfant.

Nous approuvons cette position, mais il nous semble indispensable de prévoir le retrait de plein droit de l’autorité parentale ou de son exercice et des droits de visite et d’hébergement en cas de condamnation d’un parent pour ce même type d’infraction commise sur son enfant ou pour un crime commis sur l’autre parent.

Nous vous présenterons, au cours de la discussion, trois amendements visant à concrétiser le plus fidèlement possible les recommandations de la Ciivise et à sécuriser la portée du dispositif.

Au-delà de ces aménagements qui, je l’espère, recueilleront votre assentiment, nous débattrons dans les heures qui viennent d’un texte équilibré, tenant compte de la nécessité de protéger l’enfant et de préserver les relations familiales et des liens d’attachement. Voilà pourquoi le groupe RDPI, que je représente, votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Éric Gold applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est une bien triste litanie que je reprends : près de 400 000 enfants en France vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent ; dans 21 % des cas, ils en sont directement victimes. Ces violences – nous le soulignons tous – leur laissent des séquelles psychologiques et physiques.

Cette proposition de loi, déposée par notre collègue députée Isabelle Santiago, présente aujourd’hui dans les tribunes du Sénat, et votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, après – il est vrai – un certain nombre de modifications et un travail avec la Chancellerie, a pour objectif de mieux protéger les enfants victimes et covictimes, directes ou indirectes, de ces violences.

Ce texte est pour nous important, car il constitue un pas de plus vers la protection des enfants et prend place dans un continuum législatif qui, peu à peu, se consolide. À chaque fois, nous sommes au rendez-vous.

Rappelons, par exemple, que nous avons approuvé la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, qui a opéré un changement attendu dans l’appréhension pénale des violences sexuelles perpétrées sur des victimes mineures, en insérant dans le code pénal de nouvelles infractions d’agressions sexuelles autonomes sur mineur de moins de 18 ans dans le cas de l’inceste. Rappelons tout de même que c’est le groupe socialiste qui avait, par amendement, proposé de relever l’âge du non-consentement de 15 ans à 18 ans dans le cas du crime d’inceste.

De même, nous avions proposé par amendement le retrait de l’autorité parentale, notamment dans le cadre de l’ordonnance de protection, lors de l’examen de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, mais cela avait été rejeté. C’est regrettable, car de nombreux mois ont été perdus.

Pour nous, la question de la protection des enfants victimes ou covictimes de violences intrafamiliales doit être comprise dans un ensemble plus large, qui prend en compte aussi la protection du parent victime et la question de l’emprise du parent violent sur la victime par l’instrumentalisation de l’enfant. Protéger l’enfant est primordial, mais c’est aussi une manière de protéger le parent victime, la plupart du temps la mère. Rappelons que le nombre de féminicides a augmenté de plus de 20 % lors des trois dernières années et que nous en sommes à 34, déjà, pour l’année 2023.

Le cœur de ce texte, c’est bien l’article 1er relatif à la suspension de l’exercice de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement, non seulement après une condamnation, mais aussi pendant toute la période présentencielle.

Cet article, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, a été voté à l’unanimité par nos collègues députés. Aussi regrettons-nous, comme d’autres sur ces travées, que la commission des lois du Sénat, sur l’initiative de notre rapporteure qui a pourtant fait un travail approfondi – je le sais pour avoir auditionné avec elle de nombreuses personnes –, l’ait en partie vidé de son contenu. C’était pourtant un point majeur pour la portée de ce texte.

En effet, si la commission a maintenu l’élargissement du dispositif au crime ou à l’agression sexuelle incestueuse commis sur un enfant, elle est en revanche revenue sur la suppression du délai maximal de six mois, limitant ainsi la suspension de l’exercice de l’autorité parentale, ainsi que sur le nouveau régime prévu en cas de condamnation pour des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours.

Dans la mesure où – je le rappelle – une procédure peut durer plusieurs années, il est à nos yeux nécessaire de protéger l’enfant pendant l’intégralité de cette période.

Nous souhaitons aussi que la loi précise que la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement doit être effective dans un délai maximal de six jours. Ce délai est calqué sur celui prévu par l’article 515-11 du code civil relatif à la délivrance de l’ordonnance de protection.

Si ces dispositions étaient rétablies, ce qui permettrait de recentrer le texte sur son objet initial, nous pourrions le voter. Tel est l’objet de nos amendements, ainsi que de nombreux amendements issus de toutes les travées – nous tenons à le souligner, car cela montre qu’il manque encore des éléments essentiels dans cette proposition de loi.

Nous attendons encore des évolutions en termes de droits de l’enfant, notamment le droit pour un enfant d’être entendu ou celui d’être automatiquement assisté par un avocat lors de toute procédure judiciaire le concernant.

Les annonces gouvernementales vont certes dans la bonne direction, mais, au-delà des textes, se pose aussi la question des moyens. Il ne faudrait pas, au prétexte que l’argent manque, limiter la portée de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Laurence Cohen, Mélanie Vogel et Esther Benbassa applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer notre collègue députée Isabelle Santiago, et à remercier notre rapporteure, Marie Mercier, pour le travail qu’elle a effectué sur ce texte.

Hannah Arendt écrivait que le développement de l’enfant était la continuité du monde. L’enjeu de cette proposition de loi est de faire en sorte que les enfants ne soient pas tributaires d’un passé douloureux, marqué par la violence, responsable de traumas lourds.

Les études et les statistiques sont glaçantes, sans équivoque : 60 % des enfants témoins de violence souffrent de stress post-traumatique ; 50 % des victimes de viol durant leur enfance ont fait une tentative de suicide.

Nombreux sont les psychiatres et pédopsychiatres, tels Muriel Salmona ou Luis Alvarez, à considérer que les enfants ayant été au centre de violences conjugales développent par la suite des symptômes caractéristiques d’un stress similaire à celui dont sont atteintes les victimes de guerre.

Grâce à la mobilisation des mouvements et des associations féministes, les violences faites aux femmes et les féminicides ne sont plus considérés comme des drames passionnels, mais comme la résultante du système patriarcal qui gangrène nos sociétés.

Permettez-moi de dénoncer de nouveau la culture du viol et de l’inceste, véhiculée par l’industrie pornographique notamment, et que nous avons analysée dans le rapport que nous avons présenté au nom de la délégation aux droits des femmes, ainsi que dans la proposition de résolution adoptée à l’unanimité par notre assemblée au début du mois.

Malheureusement, les enfants sont encore trop souvent des victimes collatérales, l’objet de chantages de la part de conjoints violents. Malgré les avancées législatives de 2019 et de 2020, les enfants ne sont toujours pas assez pris en considération.

Mes chers collègues, non seulement nous devons protéger les enfants témoins de violences commises sur la personne de l’autre parent – dans la majorité des cas, la mère –, mais nous devons également faire en sorte que plus aucun enfant ne meure des suites de maltraitance.

Aujourd’hui encore, un enfant meurt tous les cinq jours de maltraitance. Un an après l’adoption de la loi Taquet, nous considérons toujours que les moyens accordés à la protection de l’enfance sont insuffisants.

Il est plus que temps d’agir. C’est pourquoi nous saluons cette proposition de loi, inspirée des recommandations de la Ciivise, qui va dans le bon sens. Nous tenterons de renforcer la portée de ce texte par nos amendements, notamment à l’article 1er, en proposant la suspension de l’autorité parentale, et pas seulement celle de l’exercice de l’autorité parentale.

Pour ce qui me concerne, j’ai toujours considéré qu’un conjoint violent ne pouvait pas être un bon père, et je me réjouis que cette analyse soit de plus en plus largement partagée. La vulnérabilité des enfants nous commande de prévoir une protection stricte, sans concession.

Nous regrettons par ailleurs que la présente proposition de loi ne traite pas de tous les cas de violence à l’encontre de l’enfant qui, quelle que soit leur forme, doivent être dénoncés. Ayons en tête que la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) nous oblige à protéger les enfants contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalité physique ou mentale.

Mettons-nous réellement au service de l’intérêt supérieur de l’enfant, mes chers collègues, et ce d’autant plus que, bien souvent – on le sait –, les enfants victimes reproduisent ces violences à l’âge adulte.

Avant de conclure, je souhaiterais vous interpeller, monsieur le garde des sceaux, au sujet de l’un de nos amendements, qui a été déclaré irrecevable.

Il nous semblait pourtant essentiel de faire évoluer l’article 227-5 du code pénal relatif au délit de non-représentation d’enfant. (M. le garde des sceaux opine.) Il n’est plus possible qu’un parent, bien souvent une mère en l’occurrence, face au risque tangible que court son enfant – maltraitance, attouchements, violences, inceste –, tombe sous le coup de cet article. Il est impératif, dans l’intérêt de l’enfant, d’appliquer le principe de précaution.

De même, il est grand temps d’en finir avec le prétendu syndrome d’aliénation parentale, trop souvent utilisé lors des conflits ou en cas de violences conjugales. Je tiens à dénoncer ce concept et à vous faire partager mes réserves à ce sujet, mes chers collègues.

Dans la mesure où cette proposition de loi est un pas supplémentaire vers une meilleure protection des enfants en cas de violences intrafamiliales, nous la voterons, en espérant tout de même pouvoir encore en améliorer le dispositif grâce à nos amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Joël Labbé et Mme le rapporteur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annick Billon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer Mme la députée Isabelle Santiago, présente aujourd’hui dans nos tribunes.

Enfin ! L’immuable lien entre parent et enfant peut enfin être considéré comme délétère lorsque le parent est violent. Que d’années perdues, que de vies abîmées, pour n’avoir pas su dissocier le père du mari, la femme de la mère, pour avoir nié l’évidence qu’un mari violent – car c’est souvent un mari – est un homme violent, un père violent !

Non, un enfant ne peut pas se construire de façon équilibrée dans un climat de violence. Même si cette dernière n’est exercée que sur la mère, elle constitue une violence pour l’enfant.

Il s’agit d’une violence psychologique : l’enfant est pris dans un étau entre son père et sa mère, impuissant, inquiet pour sa propre sécurité face à un conflit qui, pour reprendre les termes du juge Édouard Durand, s’apparente à une scène de guerre ou à un attentat. Pour lui, c’est même pire que cela, car, dans une guerre ou après un attentat, l’enfant peut encore se réfugier dans les bras de l’un de ses parents.

L’enfant n’a d’autre choix que de se taire, d’assister, impuissant, au délitement des piliers de son existence. Cette violence psychologique aura incontestablement des effets graves sur son développement, sur l’enfant qu’il est et sur l’adulte qu’il deviendra.

Protéger l’enfant, c’est donc l’éloigner de cette violence, quitte à suspendre l’autorité parentale qui, rappelons-le, vise à protéger l’enfant, sa sécurité, sa santé et sa moralité, afin de garantir son éducation et de permettre son développement dans le respect dû à sa personne.

L’autorité parentale est une responsabilité vis-à-vis de l’enfant, un devoir. Un parent violent n’est pas un bon parent. De nombreuses études montrent qu’un père violent se sert de ses enfants pour nuire à la mère ; car la victime est souvent la mère. Il l’utilise comme monnaie d’échange, y compris après la séparation.

L’autorité parentale que peut exercer le parent violent, condamné, soumet l’enfant à une pression insidieuse, perverse, qui ne permet pas à l’enfant de se reconstruire et qui place la mère face à un danger permanent. Aujourd’hui, le bourreau dicte encore sa loi.

Et que dire de la violence directe, de l’inceste ! À ce titre, je tiens à saluer tout particulièrement le travail et l’engagement de longue date sur ce sujet de notre rapporteure, Marie Mercier.

La commission des lois a fait le choix d’autoriser la suspension en urgence, avant tout jugement, de l’exercice de l’autorité parentale d’un parent mis en cause pour les infractions les plus graves sur son enfant – crime, viol et agression sexuelle.

Je comprends cette position équilibrée, qui tend à concilier présomption d’innocence et protection de l’enfant. Je souhaite cependant que nous puissions aller plus loin : plus que l’exercice de l’autorité, c’est bien l’autorité parentale en tant que telle qu’il faut suspendre, car le parent privé de l’exercice de cette autorité en reste néanmoins le titulaire. Ainsi, le parent poursuivi, mis en examen ou condamné pour des faits graves, conserve certains attributs fondamentaux de l’autorité parentale, comme le droit de surveillance de l’enfant. Il est important de corriger cette situation.

Nous devons être plus ambitieux ! Pourquoi ne pas étendre le dispositif de l’article 1er aux atteintes sexuelles incestueuses ? Nous aurons l’occasion d’en rediscuter, madame la rapporteure.

Je me félicite également du choix de la commission d’ériger en principe la suspension du droit de visite et d’hébergement dans le cadre d’un contrôle judiciaire pour violences intrafamiliales. Il s’agit là encore d’une mesure de cohérence, qui aura pour effet d’acculturer les juges et de les inciter à porter un regard neuf sur ces dossiers complexes.

En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes et auteure de la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, texte enrichi des apports du Parlement et complété par vos travaux, madame la rapporteure, je me félicite des avancées proposées aujourd’hui par la commission des lois.

Ce texte marque bien le début d’un changement profond dans notre manière d’appréhender les violences intrafamiliales et d’accompagner les victimes. C’est, du reste, la raison pour laquelle le groupe Union Centriste le votera.

En m’exprimant à la tribune cet après-midi, je n’oublie pas toutes les personnes que j’ai reçues et rencontrées. J’ai une pensée toute particulière pour cette maman, qui m’a sollicitée pour la première fois il y a quelques mois, et dont les trois enfants avaient été victimes d’inceste.

Cette mère, comme beaucoup d’autres, a besoin que la justice l’aide à éloigner ses enfants de leur père. Je lui emprunterai ses mots : « Les enfants sont l’avenir, protégeons-les ! » Pour l’instant, hélas, nous n’y parvenons pas…

Enfin, je souhaite rendre hommage au travail de la sénatrice Dominique Vérien, qui aurait également dû prendre la parole à cette tribune, et qui est actuellement chargée par l’exécutif d’une mission sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Nous attendons, monsieur le garde des sceaux, les conclusions de ce rapport qui nous permettra d’avancer sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Michelle Meunier et Mme le rapporteur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi, qui aménage les conditions du retrait ou du maintien de l’autorité parentale et de son exercice en cas de violences intrafamiliales, est un texte attendu par de nombreuses associations.

Elle traduit le principe, enfin admis, selon lequel un parent violent ne saurait être un bon parent. Elle vise aussi à ce que les enfants bénéficient de la meilleure protection juridique possible. Cela suppose de trouver la bonne articulation entre cet impératif et le respect de l’autorité parentale et de la présomption d’innocence, ce qui n’est pas chose facile.

L’autorité parentale ne peut pas se résumer à un droit sur l’enfant, car elle constitue un ensemble de droits et de devoirs qui, en principe, garantissent une protection à l’enfant dans le cadre de son éducation.

D’emblée, je tiens à approuver la réécriture de l’intitulé du texte opéré par la commission, laquelle a fait disparaître le terme de « covictimes ». En effet, si l’on comprend l’intention de l’auteure de la proposition de loi, il n’en reste pas moins qu’un enfant qui vit des violences intrafamiliales est une victime directe de ces violences. Le terme « covictime » pouvait laisser entendre que l’enfant était une victime collatérale. Ce changement d’intitulé vaut surtout reconnaissance, pour l’enfant, du statut de victime de violences intrafamiliales.

Sur proposition de la rapporteure, Marie Mercier, la commission a simplifié ou complété les dispositifs initialement conçus.

Pour ce qui est des simplifications apportées, je salue l’approche pragmatique adoptée par la commission à l’article 1er, qui impose aux juridictions de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice. Cette réécriture assure la lisibilité du lien, désormais automatique, entre condamnation pour violences sur la personne de l’autre parent ou sur l’enfant et autorité parentale. Il s’agit d’une réelle avancée.

De même, le texte initial prévoyait fort opportunément d’étendre la mesure de suspension automatique de l’autorité parentale, prévue à l’article 378-2 du code civil, aux violences provoquant une ITT de plus de huit jours sur l’autre parent, ainsi qu’aux faits de viol ou aux agressions sexuelles incestueuses sur l’enfant.

La commission a limité cette suspension aux cas les plus graves, considérant que, pour les autres cas, l’objectif visé était déjà satisfait par le droit.

L’article 2, qui garantit l’individualisation des décisions des magistrats, pose le principe du retrait de l’autorité parentale avec, si je puis dire, une différenciation entre les obligations incombant aux magistrats en matière de prononcé de décision relative à l’autorité parentale ou son exercice.

La possibilité pour le juge de maintenir l’autorité parentale ou son exercice sur décision spécialement motivée devra, quant à elle, permettre de prendre en compte les cas, même marginaux, de crimes commis à la suite de violences subies par l’un des deux parents. Vous avez sans doute en tête, tout comme moi, la terrible histoire de Valérie Bacot.

Avec force, les associations œuvrant contre les violences faites aux femmes et, plus particulièrement, celles qui accompagnent les familles de victimes de féminicide, réclament une suspension automatique de l’autorité parentale jusqu’au procès.

Cette demande se justifie par les situations dramatiques que vivent les enfants orphelins à la suite de féminicides, qui sont restés sous l’autorité parentale du parent survivant, voire pire, sous la menace de l’exercice du droit de visite. Ces cas sont rarissimes, mais en la matière – vous en conviendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues –, un cas c’est déjà trop !

Si je ne doute pas une seconde de la rigueur du travail des magistrats et de leur souci de l’intérêt de l’enfant, j’ai été étonnée, à la faveur des témoignages, par l’existence de disparités territoriales en matière de coordination.

Comment garantir une articulation optimale entre l’ensemble des acteurs impliqués pour ce qui est des décisions de maintien ou de retrait de l’autorité parentale ? En matière de féminicide, le « protocole féminicide » me semble offrir un cadre adapté.

J’ai moi-même engagé un travail pour concevoir un statut propre à ces enfants orphelins, qui dépasse le simple cadre de ce texte. À ce titre, je vous adresserai prochainement, monsieur le ministre, les conclusions du colloque que j’ai coorganisé avec l’Union nationale des familles de féminicides (UNFF) en février dernier.

L’article 2 bis élargit et précise les cas de délégation de l’autorité parentale. Il facilitera le quotidien des enfants recueillis et des familles les accueillant. Il existe en effet, hélas, des situations dans lesquelles l’autorité parentale peut devenir une arme entre les mains du parent.

Les féminicides sont des drames que l’on n’anticipe pas. Les enfants sont souvent placés dans de telles situations que chaque obstacle administratif ou juridique paraît insurmontable aux familles.

Cet article 2 bis apporte une solution à l’une des conséquences pratiques des violences intrafamiliales. Il en va de même pour la mesure de stabilisation prévue à l’article 2 ter, qui est prise dans l’intérêt de l’enfant.

Vous l’aurez compris, ce texte me semble contribuer à la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales. On ne peut que se féliciter de son enrichissement tout au long de son examen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer Isabelle Santiago, l’autrice de la proposition de loi, que je remercie pour son initiative. Je profite également de l’occasion qui m’est donnée pour remercier la Chancellerie, qui, si j’ai bien compris, a collaboré avec notre collègue députée sur ce texte.

Je voudrais, pour commencer, vous faire part de trois regrets.

Le premier concerne le choix de la commission des lois de restreindre la portée de cette proposition de loi.

Le deuxième porte sur la méthode. Je déplore un patchwork législatif : on avance sur ce sujet de proposition de loi en proposition de loi – c’est la quatrième en quatre ans ! –, ce qui nous conduit à laisser des trous énormes dans la raquette.

Troisième regret, nous nous apprêtons à voter des dispositions similaires à des mesures que certains de mes collègues et moi-même avions défendues via des amendements il y a moins de deux ans de cela, et qui, à l’époque, avaient été rejetées, certainement parce qu’elles n’avaient pas eu l’heur de plaire à la commission des lois… En attendant, on a perdu du temps ! Et nous avons toujours besoin d’une belle et grande loi sur la protection des femmes et des enfants, ainsi que sur les violences intrafamiliales.

Cela étant dit, permettez-moi de vous raconter ce que je vis : il ne se passe pas une semaine – j’y insiste – sans que je sois saisie par des mères de famille ou des avocates de dossiers qui, tous, se ressemblent.

Ces affaires commencent généralement par la séparation des parents, laquelle découle presque toujours du départ de la mère. Ayant été quitté, abandonné, le père en ressort à chaque fois l’orgueil blessé. La séparation se passe mal, et c’est évidemment autour des enfants que se cristallise le conflit consécutif à la séparation.

Quelque temps plus tard en effet, les enfants rentrent du week-end qu’ils ont passé chez leur père en dénonçant des comportements incestueux, dont ils n’avaient jamais été victimes jusqu’ici. Il se passe vraisemblablement des choses graves dans de pareilles situations, monsieur le garde des sceaux (M. le garde des sceaux acquiesce.) : ce sujet mérite que l’on s’y intéresse davantage !

À étudier ces cas de près, j’ai le sentiment que le père se venge de la mère en lui portant des coups là où cela lui fait le plus mal, c’est-à-dire en commettant des agressions sexuelles sur leurs enfants.

La mère de famille porte ensuite plainte et c’est alors que commence pour elle le chemin de croix. Car c’est un chemin de croix ! Sachez que le doute profite toujours à l’accusé, au père donc, dans ce type d’affaires par nature complexes.

J’ai en tête l’exemple d’une mère de famille devant laquelle le juge a admis savoir que son enfant disait la vérité ; mais il a conclu qu’il ne pouvait rien faire d’autre que de lui recommander de renvoyer cet enfant chez son père, pour mieux établir la matérialité des faits…

Finalement, les experts s’en mêlent, et c’est à cette occasion que le fameux syndrome d’aliénation parentale, que certaines de mes collègues ont évoqué, fait son apparition. En règle générale, on en déduit que la mère est une manipulatrice, une affabulatrice qui transforme la parole de son enfant, et que le père est une victime.

De ce fait, la mère finit par ne plus vouloir envoyer l’enfant chez son père, de peur qu’il ne soit exposé à des comportements incestueux. Et le père se retourne immanquablement contre elle en invoquant le délit de non-représentation d’enfant.

Ces cas sont légion ! Évidemment, je ne remarque que les trains qui arrivent en retard, puisque c’est de ceux-là que l’on me parle, monsieur le garde des sceaux…

Ces femmes vivent un enfer judiciaire, au point, pour certaines d’entre elles, de devoir partir à l’étranger avec leurs enfants, seule solution à leur disposition pour s’en sortir.

Je tenais absolument à évoquer ces dossiers devant vous. Nous devons absolument réfléchir ensemble à des solutions permettant d’apporter des réponses plus efficaces. Ce que je viens de décrire s’apparente en effet à de la maltraitance institutionnelle infligée aux femmes et aux enfants !

Mes chers collègues, nous sommes beaucoup trop frileux sur le sujet : il nous faut répondre à cette immense souffrance et non poursuivre cette politique des petits pas.

Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de vous remercier pour le décret du 23 novembre 2021 relatif au délit de non-représentation d’enfant, qui a déjà permis d’améliorer les choses. Il faudra aller encore plus loin et supprimer totalement ce délit, qui ne sert finalement qu’aux pères.

De même, quand s’inquiétera-t-on enfin de la différence de traitement entre, d’un côté, ces pères qui, bien que n’exerçant pas leur droit de visite et d’hébergement, ne sont jamais sanctionnés et jamais condamnés au paiement d’une amende civile et, de l’autre, ces mères qui, parce qu’elles ne remettent pas leur enfant à leur père un week-end, sont régulièrement harcelées par celui-ci ?

Qui n’a jamais entendu parler des « enfants à la fenêtre », ces enfants qui, chaque week-end, passent leur temps à attendre un père qui ne vient pas parce que c’est le meilleur moyen que celui-ci a trouvé pour empêcher la mère de sortir de chez elle ? (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains, car loratrice a épuisé son temps de parole.)

Pour terminer, j’évoquerai cette circulaire, diffusée en 2017 auprès des magistrats, pour les mettre en garde au sujet du syndrome d’aliénation parentale : il y est question de « mères manipulatrices », ce qui montre bien que nous sommes face à un problème de culture. C’est en changeant la culture du milieu que les choses changeront ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales. Le 9 février dernier, elle a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Le Gouvernement n’a pas engagé la procédure accélérée sur ce texte, car il traite d’un sujet sensible, celui de la protection de l’enfance, qui requiert que toutes les précautions soient prises par le législateur.

Nous constatons que cette proposition de loi a fait l’objet de modifications lors de chaque lecture, depuis son dépôt jusqu’à son examen aujourd’hui en séance publique par notre assemblée. Elle s’inscrit dans la droite ligne de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

Ce texte a introduit dans notre droit une distinction entre le retrait de l’autorité parentale et celui de l’exercice de l’autorité parentale.

Il vise à élargir le mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale dans le cadre des procédures pénales, et à rendre plus systématique le prononcé du retrait de l’autorité parentale par les juridictions pénales en cas de crime commis sur la personne de l’enfant ou de l’autre parent ou d’agression sexuelle incestueuse.

Depuis 2016, le nombre de cas de violences intrafamiliales ne cesse d’augmenter.

En 2019, 44 % des plaintes pour violences physiques et sexuelles enregistrées par les services de sécurité concernaient des violences commises au sein de la famille. Un pic a été atteint en 2020 en raison du confinement, mais la tendance à la hausse ne semble pas fléchir, comme le prouvent les chiffres enregistrés depuis 2021. La libération de la parole et l’encouragement à signaler toutes les formes de violences intrafamiliales ont sans aucun doute contribué à cette augmentation.

Ces chiffres effrayants, derrière lesquels il convient de mettre des visages, nous obligent, en notre qualité de législateur, à agir : il s’agit pour nous d’enrayer ce phénomène.

Je tiens à saluer le travail minutieux de réécriture effectué par notre rapporteur, Marie Mercier, qui maîtrise parfaitement ces mécanismes juridiques complexes, et qui a déjà beaucoup œuvré sur le sujet des violences conjugales et intrafamiliales. Je la rejoins dans son choix de limiter son intervention à quelques ajustements, en se concentrant sur l’amélioration des dispositifs que sont la suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et le retrait de cette autorité par les juridictions pénales.

Le respect des principes généraux du droit, constitutionnels et conventionnels, que sont la présomption d’innocence, l’intervention nécessaire du juge appréciant in concreto l’intérêt de l’enfant, le droit à une vie familiale et privée normale, a très nécessairement guidé le travail de la commission des lois.

J’ajoute que les amendements adoptés en commission ont permis de rationaliser et de mettre en cohérence le droit civil avec le droit pénal.

Ainsi, à l’article 1er, le dispositif adopté par la commission réserve l’extension de la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement aux cas les plus graves, ceux de crime ou d’agression sexuelle incestueuse sur la personne de l’enfant. Cette disposition permettra de suspendre en urgence, avant tout jugement, l’exercice de l’autorité parentale d’un parent mis en cause commission des infractions les plus graves sur son enfant, le temps qu’un juge se prononce.

La commission a considéré qu’une suspension automatique, tout le temps de la procédure – comme on le sait, celle-ci peut durer des années –, était disproportionnée au regard de la présomption d’innocence et du droit de chacun de mener une vie normale.

L’article 2 prévoit de faire un principe du retrait total de l’autorité parentale en cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse sur l’enfant ou de crime sur l’autre parent.

Enfin, l’article 3 contribuera à rendre plus cohérentes et effectives les mesures figurant dans cette proposition de loi.

Ainsi modifié par la commission des lois, le texte améliore les dispositifs juridiques existants, afin de garantir une meilleure protection des enfants victimes de parents violents. C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera naturellement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Annick Billon et Colette Mélot ainsi que Mme le rapporteur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite m’adresser plus particulièrement aux sénatrices Laurence Rossignol et Laurence Cohen.

Je regrette comme vous, madame Rossignol, ce que vous avez qualifié de « patchwork législatif ». Mais convenez avec moi que nous n’avons pas le don de médiumnité et qu’il faut savoir s’adapter au fur et à mesure aux évolutions, parfois terrifiantes d’ailleurs, de notre société et de notre époque. Au fond, ce n’est pas le droit qui fait la société, mais la société qui fait le droit.

Ce que vous venez de décrire, nous l’avons déjà évoqué ensemble devant la délégation sénatoriale aux droits des femmes. Je vous remercie d’avoir rappelé que vous aviez attiré mon attention sur les enfants témoins, auxquels nous avons souhaité conférer le statut de victimes : quand vous êtes le témoin, alors que vous êtes encore tout petit, d’une scène au cours de laquelle votre père tabasse votre mère, vous n’êtes plus un simple témoin, mais une victime. Cette mesure, nous l’avons prise.

Reste la question des poursuites pour non-représentation d’enfant. J’entends ce que vous dites : cela se passe souvent – mais pas toujours, et c’est pourquoi il faut rester prudent – comme vous le décrivez. Dans cette hypothèse terrifiante, une maman doit livrer son enfant à son bourreau.

Vous le savez mieux que moi, l’irrecevabilité des initiatives parlementaires ne revêt aucune signification sur le fond. Qu’un amendement soit déclaré irrecevable pour un motif juridique ne signifie pas que nous ne sommes pas, les uns et les autres, préoccupés par la question qu’il soulève. Et je me permets de vous prendre à témoin, madame la rapporteure, à ce sujet. (Mme le rapporteur approuve.)

Je vous promets, madame la sénatrice, que nous allons avancer sur cette question. J’attends simplement – ce n’est pas anormal – le rapport de Mmes Dominique Vérien et Émilie Chandler qui devrait bientôt m’être remis. Il traitera de cette problématique importante : il faudra effectivement qu’à l’avenir on soit en mesure de protéger les femmes qui, n’écoutant que leur amour maternel, ne livrent pas – je reprends cette expression – leur enfant à leur père quand elles savent que celui-ci exerce sur lui des violences ou commet des actes inadmissibles.

Dans le même temps, il convient d’être respectueux des règles constitutionnelles – c’est bien le moins –, notamment du principe de présomption d’innocence.

Nous réfléchissons bel et bien à ce sujet. Je vous avais d’ailleurs dit, lors de mon audition par la délégation aux droits des femmes, que nous y travaillerions. Je vous le redis, madame Rossignol, et je m’adresse également à Mme Cohen qui partage votre préoccupation – une préoccupation qui nous est commune : nous avancerons prochainement sur ce point dont l’enjeu est fondamental.

Cette question met en exergue un traitement totalement injuste dans les situations que vous évoquez. Pas plus que vous, le garde des sceaux ne peut accepter qu’une telle injustice puisse être perpétrée.

Nous devons toutefois attendre, en prenant du recul et en faisant preuve de prudence, les résultats des travaux qui vont nous parvenir. Je sais d’ores et déjà qu’ils sont de grande qualité, ne serait-ce qu’en raison du nombre de personnes auditionnées et de l’engagement de Mme la députée Chandler et de Mme la sénatrice Vérien sur ces sujets. J’ai la conviction que nous pourrons, ensemble, tirer toutes les conséquences de leur rapport.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article 2

Article 1er

L’article 378-2 du code civil est ainsi modifié :

1° Après le mot : « poursuivi », sont insérés les mots : « par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction » ;

2° Après la seconde occurrence du mot : « parent », sont insérés les mots : « ou pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ».

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au moment de commencer l’examen de l’article 1er relatif à la suspension provisoire de l’exercice de l’autorité parentale, je souhaite rappeler que, lorsqu’un enfant est en danger, la question de l’autorité parentale ou de son exercice ne se pose que dans un second temps. L’urgence est en effet, dans un premier temps, de mettre l’enfant à l’abri. Il existe alors plusieurs procédures possibles, bien souvent à la main du parquet qui joue un rôle central.

En amont de toute poursuite, le parquet peut ordonner en urgence, et sans aucune procédure contradictoire, le placement provisoire de l’enfant, éventuellement chez l’autre parent, à charge pour lui de saisir le juge des enfants dans un délai de huit jours. Il peut aussi placer l’enfant dans un lieu de placement pour enfants en danger ; mais encore faut-il que des places soient disponibles.

Le parquet peut également, à tous les stades de la procédure ou même en amont, requérir la délivrance d’une ordonnance de protection auprès du JAF, avec des mesures d’interdiction d’entrer en relation et de se rendre dans certains lieux, ou la suspension du droit de visite et d’hébergement.

Enfin, dans le cadre d’une information judiciaire ou de procédures rapides de jugement, la personne poursuivie peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique. Là encore, peuvent être prononcées une interdiction d’entrer en contact et de paraître en certains lieux ou la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur.

Mes chers collègues, il est nécessaire de garder à l’esprit que ces dispositifs se cumulent et que la mise à l’abri de l’enfant, à proprement parler, ne repose pas sur les articles 378-2 et 378 du code civil, dont nous discutons actuellement.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.

Mme Annick Billon. Le dispositif initial défini à l’article 1er visait à créer un régime spécifique en cas de condamnation, même non définitive, pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits.

Je partage l’avis de Mme la rapporteure sur le point suivant : rien ne justifie de conditionner cette mesure au fait que l’enfant ait assisté aux violences.

Selon le juge Édouard Durand, président de la Ciivise, l’ajout de cette condition de présence de l’enfant lors des faits permet de diviser par quatre ou cinq le nombre de dossiers à traiter. Or nous ne sommes pas ici pour réduire le nombre de dossiers aux dépens des victimes, mais pour renforcer la protection des enfants ! J’en profite donc pour remercier Mme la rapporteure d’avoir pris en considération l’amendement que j’avais déposé en commission et qui a été intégré au texte.

Toutefois, il est fondamental de tenir compte des violences conjugales – et pas uniquement des crimes commis sur l’autre parent – comme motif de suspension de l’autorité parentale ou de son exercice. Nous devons consacrer la formule suivante : « Un parent violent ne peut pas être un bon parent. » C’est d’ailleurs l’un des objectifs de l’amendement que je défendrai dans quelques instants.

En effet, tel qu’il est rédigé, l’article 1er ne permet pas une prise en compte globale de la problématique des femmes victimes de violences conjugales et, intrinsèquement, des enfants victimes de violences intrafamiliales.

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 22, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou atteinte sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.

L’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent prévues soit à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal, soit aux sections 1, 3 et 3 bis du chapitre II du même titre II, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale.

À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis.

À défaut, le retrait partiel provisoire de l’autorité parentale peut être prononcé. Dans ce cas, la suspension provisoire de l’autorité parentale comprend le retrait du droit de surveiller l’éducation de l’enfant.

Peut se voir retirer totalement l’autorité parentale ou, à défaut, l’exercice de l’autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au précédent alinéa, d’un délit commis sur la personne de son enfant, soit comme coauteur ou complice d’un crime ou délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un délit sur la personne de l’autre parent.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous souhaitons aller plus loin en matière de protection des enfants.

Par conséquent, nous proposons de retirer l’autorité parentale – et non simplement l’exercice de l’autorité parentale – du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, que ce soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, pour une agression sexuelle incestueuse, pour une atteinte sexuelle incestueuse, ou encore pour un crime commis sur la personne de son enfant, et ce jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales.

Nous proposons donc de rétablir la version du texte adoptée à l’Assemblée nationale, pour que ces dispositions s’appliquent pendant toute la durée de la procédure pénale. Cela nous paraît, madame la rapporteure, bien plus protecteur.

Nous proposons également d’étendre ces dispositions à l’ensemble des violences volontaires commises dans le cadre conjugal ou post-séparation.

En ce sens, nous regrettons, et nous ne comprenons pas, l’exclusion de ces violences par la commission des lois. Il est primordial de préserver les enfants victimes durant le temps de l’enquête. Le doute doit profiter à la protection de l’enfant. Nous ne devons pas prendre le risque qu’un acte de nature pénale soit commis contre l’enfant pendant ce temps de latence.

Mes chers collègues, la simple suspension de l’exercice de l’autorité parentale ne suffit pas à protéger efficacement les enfants victimes de violences conjugales ou intrafamiliales. En effet, dans ce cas, l’autre parent a l’obligation de donner au parent poursuivi pour violences l’adresse du nouveau domicile ou de l’école. Ce dernier doit également être informé des choix importants relatifs à la vie de l’enfant. Selon nous, ce n’est pas acceptable !

Je vous appelle donc à soutenir notre amendement visant à réécrire l’article 1er dans un sens qui nous semble bien plus protecteur.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 44 rectifié bis est présenté par Mme Vérien, MM. Détraigne et Henno, Mme de La Provôté, M. Cadic, Mme Dindar, M. Delahaye, Mmes Ract-Madoux et Sollogoub, M. Le Nay, Mmes Jacquemet et Vermeillet, M. Levi, Mme Loisier, M. Janssens, Mmes Perrot et Saint-Pé, M. Duffourg, Mmes Herzog et Guidez, M. Longeot et Mme Doineau.

L’amendement n° 45 rectifié ter est présenté par Mme Billon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou atteinte sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.

« L’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent prévues soit à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal, soit aux sections 1, 3 et 3 bis du chapitre II du même titre II, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis.

« À défaut, le retrait partiel provisoire de l’autorité parentale peut être prononcé. Dans ce cas, la suspension provisoire de l’autorité parentale comprend le retrait du droit de surveiller l’éducation de l’enfant. »

La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié bis.

Mme Jocelyne Guidez. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié ter.

Mme Annick Billon. Ma collègue Dominique Vérien et moi-même proposons une nouvelle rédaction de l’article 1er, tout en conservant les deux dispositifs introduits entre-temps au travers de l’amendement de Mme la rapporteure. L’objectif est d’aboutir à une rédaction juridique complète de l’article 378-2 du code civil.

Le présent amendement vise à prévoir une suspension de plein droit de la titularité de l’autorité parentale, et non simplement de son exercice.

La distinction entre exercice et titularité est primordiale. Un parent titulaire de l’autorité parentale maintient des relations personnelles avec l’enfant et conserve un droit de surveillance sur ce dernier. Le parent poursuivi, mis en examen ou condamné, conserve donc certains attributs fondamentaux de l’autorité parentale : nous souhaitons corriger cette situation.

Nous estimons nécessaire de prendre en compte l’ensemble des violences sexuelles incestueuses commises à l’encontre d’un enfant, et voulons étendre les cas de retrait provisoire de plein droit de l’autorité parentale du parent poursuivi ou condamné au délit d’atteinte sexuelle incestueuse.

La notion d’atteinte sexuelle permet d’englober un plus grand nombre de cas dans lesquels l’enfant est victime d’inceste et de lui assurer ainsi une meilleure protection. Une agression sexuelle est une atteinte sexuelle non consentie.

Enfin, cet amendement vise à prendre en considération les condamnations pour violences conjugales, et pas seulement les crimes commis par un parent à l’égard de l’autre parent, sans les conditionner à un nombre minimum de jours d’ITT ou à la présence de l’enfant.

Il n’est pas question d’attendre que l’un des parents tue l’autre parent avant de mettre à l’abri le ou les enfants. La protection des enfants doit nous guider.

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit dans un délai maximal de six jours, jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.

« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, sont suspendus de plein droit dans un délai maximal de six jours jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Par cet amendement, nous souhaitons manifester notre attachement, souligné lors de la discussion générale, à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Celle-ci nous semble en effet particulièrement intéressante et fidèle à l’idée originelle du texte, et les propos de M. le garde des sceaux ont montré qu’il semblait partager cette appréciation.

Nous défendons la non-limitation de la suspension de l’exercice de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement : cela nous semble impérieux en cas de poursuite ou de condamnation pour des faits criminels ou d’agressions sexuelles commises par un parent sur son enfant. Cette suspension revient à accorder le bénéfice d’une protection durable, qui peut couvrir une longue période.

Les violences conjugales sont trop nombreuses et trop lourdes de conséquences pour les enfants qui en sont victimes pour ne pas conduire à la suspension de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement.

Afin de faciliter le travail des juges et d’éviter une limitation excessive de la portée du texte sur ce point, nous proposons de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

M. le président. L’amendement n° 26, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.

« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Par cet amendement de repli, nous souhaitons proposer une nouvelle rédaction de l’article 1er incluant les violences conjugales à partir de huit jours d’ITT, ainsi que le crime ou l’agression sexuelle commis sur son enfant, sans délai maximal de suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement.

Nous considérons que ces deux dispositions constituent l’un des apports majeurs de la proposition de loi. Nous souhaitons que l’article 1er retrouve l’esprit de sa rédaction initiale.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

L’amendement n° 27 est présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.

« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 3.

Mme Mélanie Vogel. La commission est revenue sur plusieurs mesures protectrices qui avaient pourtant été adoptées à l’Assemblée nationale. Le présent amendement vise à en rétablir deux.

Premièrement, il s’agit de permettre la suspension de l’exercice de l’autorité parentale pour certaines violences graves jusqu’à ce que la justice statue.

Cette suspension est actuellement limitée à une durée de six mois, même lorsque le parent est poursuivi par le ministère public, mis en examen ou condamné pour un crime commis sur l’autre parent, pour agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis contre son enfant. Or, si la justice est trop lente et met plus de six mois avant de statuer – cela peut arriver –, l’enfant est de nouveau en danger une fois ce délai écoulé.

Deuxièmement, nous souhaitons rétablir la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et du droit de visite visant le parent condamné pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, si l’enfant a assisté aux faits.

Nous parlons de cas extrêmement graves. Comme l’ont dit de nombreuses collègues, l’enfant est alors non pas seulement témoin mais victime, car il souffrira sans doute toute sa vie d’avoir assisté à ces faits.

Il paraît donc important, dans ces cas, de suspendre l’autorité parentale ainsi que les droits de visite et d’hébergement du parent condamné pour de tels faits, jusqu’à ce que le JAF statue sur l’autorité parentale.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 27.

Mme Laurence Harribey. Lorsque des violences sont commises sur l’autre parent, nous sommes prêts à réintroduire la condition selon laquelle l’enfant doit avoir assisté aux faits pour que l’exercice de l’autorité parentale soit suspendu. Nous soulignons cependant qu’il s’agit là d’un premier pas ; un enfant peut en effet être considéré comme victime de violence sans avoir assisté à de tels faits.

M. le président. L’amendement n° 28, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal. »

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement nous donne l’occasion d’attirer une nouvelle fois l’attention sur l’un des points les plus importants de ce texte.

Nous entendons l’intention de Mme le rapporteur, qui souhaite conserver l’ajout relatif au crime ou à l’agression sexuelle commis sur la personne de son enfant à l’article 378-2 du code civil. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit une limitation de la suspension de l’autorité parentale à un délai maximal de six mois.

Si nous comprenons les inquiétudes exprimées en commission au sujet de la présomption d’innocence, nous insistons sur l’importance de supprimer ce délai maximal.

Nous avons évoqué précédemment l’instrumentalisation, qu’il convient d’éviter, par des parents de cette disposition. Il est fondamental de ne pas remettre en cause la suspension de l’autorité parentale, et ce jusqu’à l’extinction des poursuites, car c’est une façon de protéger l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je consacrerai davantage de temps au premier de ces amendements, car l’article 1er est assez complexe.

L’amendement n° 22, défendu par Mme Cohen, vise à suspendre non pas l’exercice de l’autorité parentale, mais l’autorité parentale elle-même, c’est-à-dire sa titularité. Cela change totalement la nature de cette suspension, tout en maintenant une durée qui pourrait atteindre plusieurs années.

Le but de cette modification est de couper, durant le temps de la procédure pénale, tout lien avec l’enfant et de veiller à ce que le parent poursuivi ou mis en examen ne soit plus informé du devenir de son enfant. En effet, l’article 373-2-1 du code civil dispose : « Le parent qui n’a pas l’exercice de l’autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l’entretien et l’éducation de l’enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier. »

L’amendement vise également à intégrer, dans le champ de la procédure de suspension provisoire de plein droit, les atteintes sexuelles incestueuses, ce qui recouvre l’exhibition ou le visionnage de film pornographique en présence de l’enfant.

Enfin, l’amendement tend à réintégrer un dispositif, distinct, de suspension provisoire de plein droit, en cas de condamnation pour violences volontaires sur l’autre parent, sans qu’il soit fait référence à une durée d’ITT ou à la présence des enfants au moment des faits. Précisons qu’une partie des infractions visées sont des crimes, lesquels entrent dans le dispositif proposé par la commission.

Les modifications suggérées vont plus loin que la proposition de loi initiale et le texte adopté par la commission. Le dispositif proposé aggrave la mesure de suspension en étendant son champ à des délits, ce qui porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale.

Compte tenu de son caractère automatique et de l’absence de toute intervention du juge, la commission a souhaité réserver la suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale aux seuls cas les plus graves – les crimes et les délits d’agression sexuelle incestueuse – et conserver les mêmes effets limités dans le temps qu’actuellement, soit une durée maximale de six mois jusqu’à la décision du JAF.

De surcroît, la rédaction proposée pose de nombreuses difficultés techniques, car elle mélange les notions de suspension et de retrait. Les auteurs de l’amendement partent du principe que la suspension serait prononcée par un magistrat, alors qu’elle est de plein droit et s’opère automatiquement par simple effet de la loi en cas de poursuite par le ministère public, de mise en examen par le juge d’instruction ou de condamnation. Elle n’est donc pas formalisée par une décision qui pourrait acter un retrait partiel au lieu d’un retrait total.

Par ailleurs, le JAF n’est pas compétent en matière d’autorité parentale, mais d’exercice de l’autorité parentale. Si l’autorité parentale est suspendue, c’est donc non pas ce juge qui pourrait la rétablir, mais la juridiction judiciaire en formation collégiale.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 22.

Les amendements identiques nos 44 rectifié bis et 45 rectifié ter sont similaires au précédent : ils visent à suspendre l’autorité parentale dans l’objectif de supprimer tout lien entre le parent violent, l’enfant et l’autre parent.

J’émets les mêmes réserves sur ces amendements, fondées sur l’absence de proportionnalité et les difficultés techniques d’application.

J’y insiste, dans le texte issu des travaux de la commission, les violences volontaires les plus graves sont incluses dans le dispositif de suspension puisqu’il s’agit de crimes.

Par ailleurs, en cas de condamnation pour violences conjugales de nature délictuelle, selon les dispositions du décret du 23 novembre 2021, l’enfant témoin de ces violences est considéré comme une victime ; la juridiction pénale a donc l’obligation de se prononcer sur l’autorité parentale. Tel est le sens des modifications que j’ai proposées en commission, qui visent à obliger les juridictions à se prononcer en cas de délit à l’encontre de la personne de l’enfant.

Notre boussole est l’intérêt de l’enfant, lequel doit être au centre du dispositif en matière d’autorité parentale. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

L’amendement n° 25 vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, tout en ajoutant un délai de six jours pour l’intervention de la suspension et en supprimant la condition relative à la présence de l’enfant pour ce qui concerne les violences conjugales.

La commission a entendu limiter le jeu de la suspension provisoire de plein droit aux seules infractions les plus graves – crimes et délits d’agression sexuelle incestueuse sur l’enfant – et conserver le même effet dans le temps de cette suspension automatique qu’actuellement, afin que le juge soit systématiquement saisi et se prononce au terme de six mois. Il s’agit de la contrepartie nécessaire de l’automaticité.

Par ailleurs, le délai de six jours prévu – l’équivalent de celui qui existe en matière d’ordonnance de protection – n’a pas de sens en l’espèce, puisque la suspension est de plein droit et intervient par simple effet de la loi : elle n’est pas formalisée par une décision de justice, mais court dès qu’il y a mise en examen ou poursuite par le parquet.

Enfin, je partage les propos de mes collègues sur le point suivant : la condition liée à la présence de l’enfant lors des faits n’a pas de sens. Toutefois, la commission a choisi de ne pas créer de régime de suspension particulier en cas de condamnation pour violences conjugales de nature délictueuse. Il appartient donc à la juridiction pénale de se prononcer, au moment de la condamnation, sur l’autorité parentale. C’est le sens de l’article 228-1 que nous avons introduit dans le code pénal au travers de l’article 3 de la proposition de loi.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 26, variante du précédent, vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, tout en supprimant la condition relative à la présence de l’enfant.

L’avis de la commission est également défavorable sur cet amendement.

Les amendements identiques nos 3 et 27, qui visent à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, vont à l’encontre de la position de la commission.

Pour des raisons de proportionnalité et compte tenu de l’automaticité, la commission a entendu – je le répète – limiter la suspension provisoire de plein droit aux seules infractions les plus graves et conserver la procédure existante, qui garantit qu’un juge soit systématiquement saisi et se prononce au bout de six mois. Encore une fois, c’est la contrepartie nécessaire de l’automaticité.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Enfin, la commission est défavorable à l’amendement n° 28. On le sait, tout un chacun ne dispose pas des ressources nécessaires pour saisir un juge – et en la matière, il ne s’agit pas uniquement d’argent : tout le monde n’ose pas saisir un juge.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames les sénatrices, vous proposez au travers de ces amendements de créer deux mécanismes de suspension de plein droit de la titularité de l’autorité parentale ou de son exercice, ainsi que des droits de visite et d’hébergement.

Le premier mécanisme, en cas de poursuite ou de condamnation du parent pour un crime commis sur l’autre parent ou pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur l’enfant, s’appliquerait jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, la décision de non-lieu du juge d’instruction ou la décision du juge pénal.

Le second mécanisme, en cas de condamnation du parent pour violences entraînant une ITT supérieure à huit jours commises sur l’autre parent, alors que l’enfant a assisté aux faits, s’appliquerait jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales saisi dans un délai de six mois à compter de la décision pénale.

Je vous rejoins évidemment sur la nécessité de prévoir que le mécanisme de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement s’applique aux crimes et aux agressions sexuelles incestueuses dont un enfant peut être victime. En revanche, il me paraît excessif de suspendre automatiquement – les adverbes ont beaucoup d’intérêt ! – la titularité même de l’autorité parentale alors qu’aucun juge n’a examiné la situation.

Je suis donc défavorable aux amendements nos 22 et 25, ainsi qu’aux amendements identiques nos 44 rectifié bis et 45 rectifié ter.

Sur les amendements identiques nos 3 et 27 visant à rétablir la rédaction de l’article 1er dans sa version issue de l’Assemblée nationale, j’avais indiqué que celle-ci me semblait équilibrée.

Pour des raisons constitutionnelles, il nous faut être prudents. Il est impératif de limiter le mécanisme de suspension de l’exercice de l’autorité parentale aux infractions les plus graves et aux violences conjugales entraînant un ITT de plus de huit jours, à condition qu’elles soient commises en présence de l’enfant.

Dans un souci de cohérence, j’émets un avis de sagesse « bienveillante » sur ces amendements identiques.

L’amendement n° 26, qui vise à supprimer la condition de présence de l’enfant, rompt, selon moi, les équilibres ; j’y suis donc défavorable.

Enfin, pour ce qui concerne l’amendement n° 28 relatif à la durée de suspension de l’autorité parentale, il convient de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, qui prévoit la saisine du JAF par les parties et non plus par le procureur de la République.

J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Cette explication de vote porte sur l’ensemble des amendements faisant l’objet de cette discussion commune.

Mme la rapporteure reproche à notre amendement n° 22 de comporter quelques maladresses qui risquent d’entraîner des contresens juridiques ; je l’entends.

Je la trouve particulièrement sévère à l’égard des amendements, présentés par d’autres groupes que le mien, qui visent à rétablir la version issue de l’Assemblée nationale, laquelle me semble plus protectrice. J’apprécie, en, revanche, l’avis de sagesse et l’avis favorable émis par le garde des sceaux.

J’appelle nos collègues à réfléchir. Nous cherchons sur toutes les travées, comme Mme la rapporteure, à mettre en place une protection qui soit la meilleure possible pour l’enfant. Il faut donc trouver l’équilibre entre les différentes propositions. À cet égard, la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale me semble plus juste et plus protectrice.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. J’ai entendu les arguments de la rapporteure et du garde des sceaux, mais nous partageons tous un même objectif : la protection de l’enfance. Au travers de ces amendements, nous avons voulu attirer l’attention sur la dangerosité.

Il ne saurait y avoir de gradation de la dangerosité. Lorsqu’existe un soupçon, quelle que soit la nature de la violence intrafamiliale, il y a danger. Le nombre d’enfants qui décèdent sous les coups d’un parent – un tous les cinq jours – et celui des femmes tuées dans le cadre de violences intrafamiliales nous obligent à mettre en œuvre au maximum ce principe de précaution.

En dépit de l’avis défavorable de Mme la rapporteure, je maintiens l’amendement n° 45 rectifié ter. Quant à l’amendement identique n° 44 rectifié bis, il sera certainement maintenu par ses signataires. Je vous invite à les voter, mes chers collègues !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 rectifié bis et 45 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 27.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

incestueuse commis sur la personne de son enfant

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, les dispositions de ces amendements ayant toutes le même but, je les présenterai en même temps.

Mes chers collègues, au préalable, je tiens à rappeler que mon premier choix eût été le vote conforme de l’article 1er. Mais, puisque tel ne peut être le cas, nous avons décidé de déposer quelques amendements.

En vertu du présent texte, l’autorité parentale est suspendue ou retirée « pour un crime ou une agression sexuelle commis sur la personne de son enfant ». J’en déduis qu’elle peut être maintenue sur les autres enfants de la fratrie, ce qui, selon moi, pose un premier problème. Comment un père – c’est l’exemple le plus fréquent – qui a commis un inceste sur l’un de ses enfants peut-il conserver son autorité parentale sur les autres ?

S’y ajoute un second sujet de préoccupation. Prenons le cas d’un père de famille qui se livre à des agressions sexuelles sur mineur, qu’elles soient incestueuses ou non : ce dernier peut être victime d’un oncle ou d’un ami de la famille.

J’imagine que beaucoup d’entre vous ont vu Les Chatouilles, d’Andréa Bescond, qu’il s’agisse de son seul en scène ou de son film : cette histoire, c’est celle d’une petite fille violée pendant toute son enfance par un ami de la famille.

Peut-on imaginer qu’un père de famille condamné pour violences sexuelles sur mineur conserve l’exercice de son autorité parentale sur ses propres enfants ? On peut considérer que pèse sur lui, sinon une suspicion, du moins une présomption de commission d’actes répréhensibles.

Un homme, poursuivi ou condamné pour une agression sexuelle, incestueuse ou non, perpétrée sur un enfant ne saurait conserver son autorité parentale : tel est l’objet de ces cinq amendements.

Nous proposons cinq rédactions différentes. L’une d’elles conviendra peut-être à la commission et au garde des sceaux. Pleine d’espoir, je me dis que la même rédaction pourrait convenir à la commission et au garde des sceaux. (Sourires sur les travées du groupe SER.) Ainsi pourrions-nous étendre la portée de cet article.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

incestueuse commis sur la personne de son enfant

par les mots :

prévu aux articles 222-22, 222-22-1, 222-2-2, 222-22-3, 222-23-1, 222-23-2 et 227-23 du code pénal sur un mineur de seize ans

Cet amendement a déjà été défendu.

L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

incestueuse commis sur la personne de son enfant

par les mots :

commise sur un mineur

Cet amendement a déjà été défendu.

L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

incestueuse commis sur la personne de son enfant

par les mots :

commise sur un mineur de moins de 16 ans

Cet amendement a déjà été défendu.

L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

commis sur la personne de son enfant

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, vous allez peut-être me trouver sévère…

Mme Laurence Rossignol. Ne me parlez pas comme à une enfant : je n’ai pas peur de la sévérité !

Mme Marie Mercier, rapporteur. Il s’agissait d’une simple remarque…

Ces cinq amendements visent tous à étendre les motifs de suspension de l’exercice de l’autorité parentale, en cas de crime ou d’agression sexuelle commis sur un enfant quel qu’il soit, afin d’intensifier la lutte contre la pédocriminalité. (Mme le rapporteur se met à parler très rapidement.) Ces dispositions me semblent aller bien plus loin que les recommandations de la Ciivise, laquelle ne s’est intéressée qu’au lien entre un parent et son enfant. (Protestations sur des travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Rappel au règlement !

Mme Émilienne Poumirol. On ne comprend rien !

Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement n° 9 rectifié bis tend à permettre une suspension de plein droit pour tout crime ou agression sexuelle sur un tiers, quel que soit l’âge de la victime ou son lien de parenté avec le parent.

L’amendement n° 8 rectifié bis vise à rendre cette suspension automatique chaque fois qu’un parent est poursuivi pour un crime, un viol, une agression sexuelle ou la diffusion et l’enregistrement d’images à caractère pornographique d’un mineur de 16 ans.

L’amendement n° 10 rectifié bis vise à permettre une suspension de plein droit pour tout crime, sans préciser qui est la victime, ou toute agression sexuelle commise sur un mineur.

L’amendement n° 11 rectifié bis est le même que le précédent, mais ses dispositions se limitent aux mineurs de 16 ans.

Enfin, l’amendement n° 12 rectifié bis vise à permettre une suspension en cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse, quel que soit le lien de parenté de la victime avec l’auteur.

L’idée sous-jacente serait qu’une personne commettant un crime, un viol ou une agression sexuelle sur quelqu’un – c’est l’objet de l’amendement n° 9 rectifié bis – ou, plus précisément, sur un mineur – c’est l’objet des autres amendements – ne pourrait être un bon parent. En conséquence, il faudrait suspendre l’exercice de son autorité parentale dès les poursuites.

Une telle extension n’a pas été envisagée par l’auteure de cette proposition de loi. Je n’ai donc pas conduit de travaux à ce titre. Elle n’a pas non plus été envisagée par le législateur, puisque l’article 378 du code civil ne prend en considération que les crimes et délits commis sur l’enfant ou les crimes commis sur l’autre parent.

Il me semble que ces dispositions élargiraient énormément le champ de la suspension automatique, au point d’encourir un grief d’atteinte à la proportionnalité. Plus on s’éloigne de l’enfant qui fait l’objet de l’autorité parentale, plus il faut se méfier des solutions automatiques. Gardons en tête que la situation de l’enfant doit être examinée in concreto, en fonction de son intérêt, par le JAF. Il ne s’agit pas de punir le parent délinquant ou d’appliquer un principe de précaution de manière maximaliste.

Enfin, j’observe que les amendements nos 8 rectifié bis et 11 rectifié bis ont pour objet les mineurs de 16 ans. Il s’agit certes de la limite d’âge figurant dans le code civil, que ce soit pour l’émancipation ou pour la nationalité ; mais le code pénal retient quant à lui l’âge de 15 ans pour la définition de certaines infractions. De telles dispositions créeraient donc un décalage.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces cinq amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame Rossignol, la suppression des mots « incestueuse commis sur la personne de son enfant » entraînerait de facto le déclenchement de la suspension en cas d’infractions de natures extrêmement variées commises par l’auteur en dehors de son cercle familial.

Un parent qui se lance dans le faux monnayage commet un crime : il perdrait ainsi son autorité parentale sur ses enfants…

Mme Laurence Rossignol. On garde « ou d’une agression sexuelle » !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, « ou », ce n’est pas « et ».

M. Didier Mandelli. C’est un dialogue ?…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. De même, un notaire commettant un faux en écriture publique se verrait privé de l’exercice de l’autorité parentale. Je suis donc évidemment défavorable à l’amendement n° 9 rectifié bis.

Par l’amendement n° 8 rectifié bis, vous excluez en réalité du dispositif les mineurs de 16 à 18 ans, qui ne seraient plus protégés, même en cas de crime sexuel. J’y suis évidemment défavorable.

J’en viens aux amendements nos 10 rectifié bis et 11 rectifié bis. Des mineurs ayant commis une agression sexuelle sur un autre mineur, quel qu’il soit, ne seraient pas à l’abri de subir une suspension de leur autorité parentale sur des enfants nés longtemps après les faits. (Mme Laurence Rossignol manifeste son désaccord.) J’y suis forcément défavorable.

Enfin, en vertu de l’amendement n° 12 rectifié bis, la suspension de l’exercice de l’autorité parentale aurait lieu en cas de crime, quelle que soit la victime, qu’elle appartienne ou non au cercle familial de l’auteur. Une nouvelle fois, vous excluez du dispositif le mineur de 16 à 18 ans, qui ne serait plus protégé, même en cas de crime.

En résumé, l’adoption de ces amendements mettrait en péril la cohérence même du dispositif. Leurs effets de bord seraient particulièrement étendus, au point que l’intérêt même de l’enfant pourrait ne plus être protégé.

Voilà pourquoi je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je note que la commission et le Gouvernement sont défavorables à ces amendements. Je n’ai pas tout compris des raisons avancées par Mme la rapporteure, car elle a parlé très vite, mais j’ai tout de même pu noter un certain nombre d’éléments.

Elle fait valoir que la situation de l’enfant s’apprécie in concreto. Mais – je le répète – comment apprécie-t-on in concreto la situation d’un enfant dont le frère ou la sœur a été victime d’inceste de la part du père ?

C’est une question de bon sens. Comment justifiez-vous qu’un père, après s’être livré à des agressions sexuelles sur l’un de ses enfants, continue, sans aucune restriction, d’exercer son autorité parentale sur ses autres enfants ? In concreto, ces derniers me semblent être dans une situation préoccupante, pour ne pas dire dangereuse.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le garde des sceaux, je m’adresse également à vous. J’ai bien compris que les rédactions proposées avaient toutes des défauts. Mais, si vous êtes sensible à mes propos – et je pense que n’importe qui peut l’être –, vous avez la possibilité de nous proposer une autre formulation.

J’admets volontiers ce que vous me dites au sujet de l’amendement n° 9 rectifié bis. Vos observations corroborent d’ailleurs mes inquiétudes.

Vous relevez également que la suspension de l’autorité parentale pourrait frapper une personne ayant commis un crime ou une agression sexuelle quand elle-même était mineure ; l’intéressé se verrait appliquer cette mesure quinze ans après les faits, une fois devenu parent.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui !

Mme Laurence Rossignol. Je suis perplexe…

Je vois que vos conseillers hochent la tête et j’en déduis que cette interprétation fait consensus au sein de votre équipe. Mais, dans ce cas, sous-amendons pour ajouter la mention « par un majeur ».

Après la présentation de ces cinq amendements, vous ne pouvez pas vous contenter de me répondre que l’on va laisser un père exercer son autorité parentale sur les frères et sœurs d’un enfant victime d’inceste.

Ce débat me rappelle l’affaire Marina : depuis la prison, le père de cette enfant continuait d’exercer son autorité parentale sur ses frères et sœurs, ce qui avait choqué beaucoup de personnes, moi la première. C’est précisément ce dont nous parlons aujourd’hui.

Dans six mois, dans un ou deux ans, peut-être nous retrouverons-nous pour examiner une autre proposition de loi, à la suite d’une nouvelle affaire. On nous dira alors : « Il y a un problème avec les frères et sœurs. Le père a conservé son droit de visite et d’hébergement tous les week-ends et, quand il est sorti de prison, il s’est livré à de nouvelles agressions sexuelles sur ses enfants. »

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. J’ai entendu la présentation de ces cinq amendements et j’ai compris que notre collègue Laurence Rossignol avait tout mis en œuvre pour tenter de trouver une rédaction opportune.

À mon sens, le principe de proportionnalité ne s’applique pas en la matière. Nous sommes là pour protéger les enfants et cela me dérange d’entendre parler d’une telle proportionnalité pour les agresseurs et les victimes d’agression. En revanche, j’entends évidemment les arguments relatifs aux effets de bord.

Les problèmes exposés par Laurence Rossignol méritent toute notre attention. Nous devons trouver, ensemble, une rédaction permettant d’éviter les situations qu’elle vient de décrire.

Monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, je vous engage vivement à travailler en ce sens. On sait bien qu’en la matière les agressions isolées n’existent pas : il y a toujours des récidives. Nous devons créer les outils législatifs permettant d’éviter ces agressions et ces récidives.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame Rossignol, ma circonspection ne signifie pas qu’il ne faut pas travailler ensemble, sur la base de vos propositions.

Je vous l’ai dit précédemment en vous remerciant de vos remerciements. (Sourires.) Devant la délégation sénatoriale aux droits des femmes, nous avons évoqué la prise en charge des enfants témoins, qui doivent également être considérés comme victimes. Je vous ai promis d’agir en ce sens et j’ai tenu parole.

Dans les situations que vous évoquez, il faut procéder avec prudence afin de préserver les équilibres textuels, notamment constitutionnels et conventionnels. Il faut également veiller à la présomption d’innocence : ce principe est tout sauf anecdotique. Travaillons ensemble sur ces amendements, dont je comprends évidemment le sens.

Madame Billon, de fait, l’enjeu n’est pas la proportionnalité : pour ma part, je souligne qu’il ne faudrait pas ouvrir la porte à d’autres crimes.

Permettez-moi de reprendre, sans provocation aucune, l’exemple d’un notaire qui commet un faux en écriture publique. Il s’agit d’un crime qui mérite sanction, mais cela ne fait pas de lui un mauvais père. Chacun l’admettra : il faut bien distinguer sa paternité, la manière dont il exerce ses fonctions et les infractions qu’il a pu commettre à ce titre.

Nous allons travailler ensemble…

Mme Laurence Rossignol. Au titre de ce texte ? Dans la suite de la navette ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui !

Mme Frédérique Puissat. Sans nous ? Si nous dérangeons, il faut le dire…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous allons étudier la question. Peut-être faudra-t-il remplacer un « ou » par un « et ». Nous allons trouver !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Monsieur le garde des sceaux, je suis pleine d’espoir depuis le début de l’examen de ce texte et, par votre attitude encourageante, vous confortez mon optimisme : vous avez envie, comme nous, d’avancer sur ces questions.

Madame la rapporteure, pourriez-vous nous préciser plus tranquillement les raisons de votre refus ? Vous avez parlé très vite, sans doute sous l’effet de l’émotion provoquée par les remarques de certains de nos collègues. J’entends les observations formulées par M. le garde des sceaux, même si je ne suis pas une spécialiste de légistique. Mais pourquoi refusez-vous ces dispositions ?

Il y va de l’intérêt supérieur de l’enfant, dont, à l’évidence, ce débat s’est très vite écarté. On parle à présent de la situation du père incarcéré ou du père empêché. Or – j’y insiste – il s’agit des droits de l’enfant et de son intérêt supérieur. C’est pourquoi je souhaite comprendre vos explications.

Mme Frédérique Puissat. Nous, nous avons compris !

M. le président. Madame Rossignol, ces amendements sont-ils maintenus ?

Mme Laurence Rossignol. J’ai entendu la réponse de M. le garde des sceaux…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ah !

Mme Laurence Rossignol. … et j’espère que nous allons trouver la bonne rédaction avant la deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Tout d’abord – nous sommes bien d’accord sur ce point –, un père ne saurait exercer son autorité parentale sur les frères et sœurs de l’enfant sur lequel il a commis un inceste.

Mme Michelle Meunier. Dans la famille !

Mme Laurence Rossignol. Exactement : l’agression sexuelle peut avoir été commise par un oncle, sur son neveu ou sur sa nièce.

Ensuite, et plus largement, je porte à votre attention la question des hommes reconnus coupables d’agression sexuelle sur mineur : comment peuvent-ils exercer leur autorité parentale ?

Monsieur le garde des sceaux, vous avez lu, comme nous tous certainement, la récente enquête du Monde relative aux viols en streaming. Elle décrit la dérive de ces pères qui commencent par regarder, puis offrent leurs propres enfants. Ce n’est pas un petit sujet.

Ces précisions étant apportées, je vous fais confiance et je retire mes cinq amendements.

M. le président. Les amendements nos 9 rectifié bis, 8 rectifié bis, 10 rectifié bis, 11 rectifié bis et 12 rectifié bis sont retirés.

L’amendement n° 29, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

ou pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Il s’agit d’un amendement de repli.

Mme Harribey et les membres de notre groupe renouvellent un souhait déjà exprimé : que l’article 1er de la proposition de loi inscrive à l’article 378-2 du code civil la suspension de l’exercice de l’autorité parentale, des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours.

Une initiative législative visant à lutter contre les violences intrafamiliales et, qui plus est, à en protéger les enfants ne saurait faire l’économie de dispositions liant les violences conjugales à une suspension de l’exercice de l’autorité parentale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez bien compris que l’autorité parentale ne pouvait être disjointe de la protection de l’enfant : l’une et l’autre vont de pair.

Contrairement au dispositif proposé par l’Assemblée nationale, cet amendement tend à préciser que la suspension provisoire de plein droit peut avoir lieu dès les poursuites ou la mise en examen en phase amont de la procédure pénale, pas seulement en cas de condamnation et quand l’enfant a assisté aux faits.

Nous sommes bien d’accord sur ce point : cela ne signifie pas que, lorsqu’il n’a pas assisté aux faits, l’enfant ne se rend pas compte de ce qui se passe. Françoise Dolto disait toujours : dans une famille, les premiers informés, ce sont le bébé et le chien ! Même s’il n’a pas assisté aux faits, l’enfant sait très bien que des choses graves sont en train de se passer.

Je rappelle que la commission a choisi de réserver la suspension provisoire de plein droit aux cas les plus graves – crimes et agressions sexuelles incestueuses sur l’enfant –, au nom du principe de proportionnalité.

Cet amendement a pour objet les ITT de plus de huit jours. Pour avoir signé beaucoup d’ITT, je vous assure qu’une telle durée n’est pas courante.

En outre, signe-t-on des ITT lorsque les violences conjugales sont de nature purement psychologique ? Non,…

Mme Michelle Meunier. Ce n’est pas vrai.

Mme Marie Mercier, rapporteur. … même s’il s’agit bien entendu de violences gravissimes.

Voilà pourquoi ce critère n’est pas pertinent. Les violences dont il s’agit ont des conséquences psychologiques extrêmement graves, dont les ITT ne font pas état.

Enfin – nous l’avons souligné en commission –, il ne serait pas cohérent de ne pas inclure les violences volontaires directement dirigées contre l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Je voterai évidemment cet amendement.

Madame la rapporteure, je pensais comme vous que les ITT de plus de huit jours étaient exceptionnelles. Mais, pas plus tard qu’hier – c’est le hasard du calendrier –, lors d’une visite à la fédération Solidarité Femmes de Loire-Atlantique, j’ai appris que tel n’était plus le cas. Les ITT de plus de huit jours sont désormais prononcées de manière plus fréquente, précisément pour des violences psychiques.

Les médecins, eux aussi, font évoluer leurs pratiques : c’est ce que l’on constate sur le terrain et je souhaitais vous communiquer cette information.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article 2 bis

Article 2

L’article 378 du code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. 378. – En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou d’une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d’un crime commis sur la personne de l’autre parent, la juridiction pénale se prononce sur le retrait total de l’autorité parentale ou, à défaut, de l’exercice de cette autorité et des droits de visite et d’hébergement. La décision de ne pas ordonner le retrait total de l’autorité parentale est spécialement motivée.

« En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un délit commis sur la personne de son enfant, autre qu’une agression sexuelle incestueuse, la juridiction pénale se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité.

« En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un délit commis sur la personne de l’autre parent ou comme coauteur ou complice d’un crime ou délit commis par son enfant, la juridiction pénale peut ordonner le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de cette autorité. » ;

2° Au début du second alinéa, le mot : « Ce » est remplacé par le mot : « Le ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l’article 378 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigé :

« Se voit retirer totalement l’autorité parentale ou, à défaut, l’exercice de l’autorité parentale, par une décision expresse du jugement pénal, le parent qui est condamné soit comme auteur, coauteur ou complice d’une agression sexuelle incestueuse ou d’un crime commis sur la personne d’un enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime sur la personne de l’autre parent, sauf décision contraire spécialement motivée par la juridiction.

« Peut se voir retirer totalement l’autorité parentale ou l’exercice de l’autorité parentale, par une décision expresse du jugement pénal, le parent qui est condamné soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au premier alinéa, d’un délit commis sur la personne d’un enfant, soit comme coauteur ou complice d’un crime ou d’un délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un délit sur la personne de l’autre parent. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 2, tout en étendant ses dispositions à d’autres enfants que celui sur lequel l’agression sexuelle ou l’inceste a été commis.

Pour les raisons exposées précédemment et par cohérence, je retire aussi cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 13 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 19, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l’article 378 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Se voit retirer totalement l’autorité parentale ou, à défaut, l’exercice de l’autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal, le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice d’une agression sexuelle incestueuse ou d’une atteinte sexuelle incestueuse ou d’un crime commis sur la personne de son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime sur la personne de l’autre parent, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction.

« Peut se voir retirer totalement l’autorité parentale ou, à défaut, l’exercice de l’autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au précédent alinéa, d’un délit commis sur la personne de son enfant, soit comme coauteur ou complice d’un crime ou délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un délit sur la personne de l’autre parent. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement est presque identique au précédent.

J’insiste sur ce point : il est extrêmement important d’ajouter le délit d’atteinte sexuelle incestueuse à la liste des cas dans lesquels le parent condamné se voit retirer totalement l’autorité parentale.

Nous en sommes tous conscients, les répercussions de tels actes sur l’enfant victime sont désastreuses. On ne peut pas penser que leurs auteurs puissent continuer d’exercer leur autorité parentale sur la victime.

Nous devons garantir aux enfants un environnement familial sain, sans violence et, notamment, sans ces violences sexuelles incestueuses qui peuvent aller jusqu’à briser leur vie. La cicatrice qu’elles laissent est souvent indélébile. Nous devons donc protéger ces enfants de toute nouvelle violence sexuelle commise par un ascendant, afin que leur souffrance cesse. On ne doit pas laisser la moindre place à la récidive ou à l’aggravation des violences.

Un certain nombre d’éléments ont déjà été rappelés lors de l’examen de l’article 1er. J’y reviens, car il s’agit d’un sujet de la plus haute importance. Certes, nous dressons tous le même constat sur l’ensemble des travées, mais nous en tirons ensuite diverses interprétations.

Une seule violence sexuelle incestueuse – peu importe qu’elle soit qualifiée de crime ou de délit – doit entraîner le retrait total de l’autorité parentale.

Enfin, à rebours des modifications apportées par Mme la rapporteure, nous souhaitons non seulement une obligation, mais une véritable automaticité de ce retrait.

La répétition a, dit-on, une vertu pédagogique : peut-être va-t-elle porter ses fruits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. En l’état du texte de la commission, en cas de délit d’atteinte sexuelle incestueuse, la juridiction pénale doit se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale, mais le principe retenu n’est pas le retrait total. Ces dispositions semblent proportionnées par rapport à l’infraction considérée.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je vous propose de retirer votre amendement au profit de l’amendement n° 46, dont l’examen suit. Sa rédaction me semble plus adéquate.

Mme Laurence Rossignol. Comme par hasard !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Parfois, le hasard fait bien les choses ! (Sourires.)

M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 19 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

L’amendement n° 46, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

se prononce sur

par le mot :

ordonne

II. – Alinéas 4 et 5

Remplacer ces deux alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un délit commis sur la personne de son enfant, autre qu’une agression sexuelle incestueuse, ou comme coauteur ou complice d’un crime ou délit commis par son enfant, ou comme auteur, coauteur ou complice d’un délit commis sur la personne de l’autre parent, la juridiction pénale peut ordonner le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice. » ;

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement vise à traduire le plus fidèlement possible les recommandations de la Ciivise.

Dans son rapport intermédiaire publié il y a un an, celle-ci préconise de « prévoir, dans la loi, le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant ».

Le groupe RDPI souscrit pleinement à cette proposition, qui participe d’une meilleure protection des enfants victimes de violences sexuelles. Or force est de constater que la rédaction adoptée par la commission des lois ne garantit pas le caractère systématique du retrait de l’autorité parentale, le juge devant seulement se prononcer sur le sujet.

Aussi, pour redonner sa pleine portée au dispositif, nous souhaitons que le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice soit systématiquement ordonné par le juge, sauf décision contraire spécialement motivée.

Par ailleurs, dans un souci de clarté et de lisibilité, nous suggérons de fusionner les alinéas 4 et 5 afin de permettre au juge de retirer l’autorité parentale ou son exercice en cas de condamnation d’un parent pour un délit commis sur son enfant autre que l’agression sexuelle incestueuse, ou commis sur l’autre parent, ou en qualité de coauteur ou de complice d’un crime ou délit commis par son enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Les juridictions pénales pourront toujours prononcer une autre mesure que le retrait total de l’autorité parentale. Il s’agit d’une condition impérative de la constitutionnalité et de la conventionnalité de la mesure.

Ainsi, il a semblé plus juste à la commission de distinguer entre l’obligation de se prononcer et l’obligation de motiver spécialement une décision autre que celle d’un retrait total de l’autorité parentale.

L’amendement vise à proposer, en second lieu, une modification qui semble en retrait par rapport à ce qui a été voté en commission. En effet, il tend à indiquer que les juridictions, en cas de condamnation pour un délit commis sur la personne de son enfant autre qu’une agression sexuelle incestueuse, peuvent ordonner le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice.

Sur ce point, l’amendement est moins-disant que le texte de la commission, lequel impose aux juridictions, dans ce cas, de se prononcer sur l’autorité parentale, multipliant ainsi les chances de les voir retirer l’autorité parentale ou son exercice lorsque cela est dans l’intérêt de l’enfant.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement me paraît très équilibré, pour deux raisons.

D’une part, il renforce la protection des enfants en tendant à instaurer un mécanisme de retrait automatique de l’autorité parentale.

D’autre part, il tend à respecter nos exigences constitutionnelles et conventionnelles en limitant ce retrait automatique aux infractions les plus graves et en permettant aux juges de l’écarter.

Dans ces conditions, l’avis du Gouvernement est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Harribey, Meunier, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou, à défaut, de l’exercice de cette autorité et des droits de visite et d’hébergement

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Dans la réécriture de l’article à laquelle elle a procédé, la commission a offert au juge la possibilité de prononcer une autre peine que le retrait total de l’autorité parentale, en ajoutant au texte la mention « ou, à défaut, de l’exercice de cette autorité et des droits de visite et d’hébergement ».

Cet ajout est surprenant, car il donne le sentiment que la commission éprouverait des difficultés à envisager le retrait de l’autorité parentale, comme si nous nous trouvions encore dans cette période, que nous pensions révolue, durant laquelle prévalait l’idée selon laquelle le lien biologique entre le père et l’enfant devait être maintenu en toutes circonstances. Pourtant, nous parlons bien ici d’agressions sexuelles incestueuses.

Votre rédaction propose que, dans de tels cas, le juge puisse ne pas prononcer le retrait de l’autorité parentale, mais se contenter de suspendre les droits de visite et d’hébergement – cette suspension étant généralement soumise à discussion devant lui.

Nous estimons qu’il est nécessaire de conserver l’esprit initial de la proposition de loi et d’affirmer clairement, sans hésiter ni barguigner, qu’un parent ayant commis une agression sexuelle incestueuse sur son enfant se voit retirer l’autorité parentale. Il ne faut pas laisser au juge la possibilité d’appliquer des peines plus clémentes, qui permettraient de maintenir l’autorité parentale.

Cet amendement répond également à une recommandation de la Ciivise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je me prononce exclusivement sur l’amendement lui-même, qui tend à supprimer la mention « ou, à défaut de l’exercice de cette autorité ». En supprimant cette mention, qui offre une alternative au retrait total de l’autorité parentale, l’amendement vise à envoyer un message plus clair aux juridictions pénales.

Ainsi, le principe serait bien un retrait total de l’autorité parentale, et toute mesure alternative devrait être mûrement réfléchie et spécialement motivée.

C’est ce que nous avons compris ; en conséquence, nous sommes favorables à cet amendement. (Signes de satisfaction sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il me semble que nous devons laisser une alternative pour répondre à toutes les situations qui sont soumises au juge. Le retrait automatique de la titularité de l’autorité parentale ou, à défaut, de son exercice nous semble problématique. Nous ne voyons pas pour quelle raison nous devrions craindre l’intervention du juge.

Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié quater, présenté par MM. Bonneau, Le Nay, Pellevat et Laugier, Mme Herzog, MM. Henno, Kern, Belin et Somon, Mme Jacquemet, MM. Détraigne, D. Laurent, Canévet et Burgoa, Mme Drexler, MM. Houpert et Hingray, Mme Férat, M. Wattebled, Mme Thomas et M. Chasseing, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

portant sur l’enfant victime et le cas échéant, ses frères et sœurs

La parole est à M. François Bonneau.

M. François Bonneau. Cet amendement vise à étendre la portée du retrait de l’autorité parentale, ainsi que des droits de visite et d’hébergement, à l’ensemble de la fratrie.

Cette mesure avait déjà fait l’objet d’un amendement que j’avais proposé dans le cadre de l’examen de la loi relative à la protection des enfants, en 2021.

Il relève, me semble-t-il, de notre devoir non seulement de veiller à la protection de l’enfant directement concerné, mais également de garantir la sécurité et le bien-être de l’ensemble de la fratrie, en la préservant de tout danger potentiel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’article 379-1 du code civil ; je vous propose donc de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Monsieur Bonneau, l’amendement n° 7 rectifié quater est-il maintenu ?

M. François Bonneau. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié quater est retiré.

Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Après l’article 2 bis

Article 2 bis

L’article 377 du code civil est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale :

« 1° En cas de désintérêt manifeste des parents ;

« 2° Si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale ;

« 3° Si un parent est poursuivi par le procureur de la République, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci ;

« 4° Si un parent est poursuivi par le procureur de la République, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur son enfant alors qu’il est le seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale. » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « ce dernier cas » sont remplacés par les mots : « les cas prévus aux 3° et 4° ». – (Adopté.)

Article 2 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 52

Après l’article 2 bis

Après l’article 2 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article 2 ter (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article 380 du code civil, les mots : « ou du droit de garde » sont supprimés.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à mettre à jour l’article 380 du code civil en supprimant la référence au droit de garde, lequel n’existe plus depuis 1987.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 bis.

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 52
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Après l’article 2 ter

Article 2 ter (nouveau)

L’article 381 du code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Après le mot : « total », sont insérés les mots : « ou partiel » et les mots : « ou d’un retrait de droits » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Lorsque le jugement a prononcé un retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement pour l’une des causes prévues aux articles 378 et 378-1, aucune demande au titre de l’article 373-2-13 ne peut être formée moins de six mois après que ce jugement est devenu irrévocable. »

M. le président. L’amendement n° 47, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

aux articles 378 et 378-1

par les mots :

à l’article 378

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement est de nature rédactionnelle.

L’article 2 ter modifie l’article 381 du code civil afin d’encadrer les conditions de la demande aux fins de rétablissement de l’exercice de l’autorité parentale, ainsi que des droits de visite et d’hébergement et de la titularité de l’autorité parentale.

Il fait référence aux articles 378 et 378-1 du code civil ; or ce dernier article concerne le retrait de l’autorité parentale et non le retrait de son exercice, ainsi que des droits de visite et d’hébergement.

Nous proposons donc de supprimer la référence à cet article du code civil.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. L’article 379-1 du code civil permet à la juridiction saisie en vertu de l’article 378 ou de l’article 378-1 de prononcer un retrait de l’exercice de l’autorité parentale plutôt qu’un retrait de l’autorité parentale. Il semble donc nécessaire de conserver les deux visas.

L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement rédactionnel tend à ne viser que l’article 378 du code civil dans le cadre de la procédure de demande de restitution d’exercice de l’autorité parentale.

Il s’agit ici d’encadrer les conditions de cette demande ; or l’article 378-1 du code civil, dont vous souhaitez supprimer la référence, est relatif au retrait de la titularité de l’autorité parentale.

Pour aller plus loin, la référence à l’article 378-1 doit être supprimée, car cet article ne porte que sur le retrait de la titularité de l’autorité parentale dans le cadre civil, alors même que l’objet de l’article 2 ter en discussion est d’instaurer un délai avant lequel il n’est pas possible de saisir le JAF pour demander la restitution de l’exercice de l’autorité parentale, retiré dans un cadre pénal, sur le fondement de l’article 378 du code civil.

Je suis donc favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié quater, présenté par MM. Bonneau, Le Nay et Pellevat, Mme Herzog, MM. Laugier, Henno, Kern, Belin et Somon, Mme Jacquemet, M. P. Martin, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Détraigne, D. Laurent et Burgoa, Mme Drexler, MM. Hingray, Houpert et Wattebled, Mme Férat, MM. Cadec, Panunzi et Canévet, Mme Thomas et M. Chasseing, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer le mot :

six

par le mot :

douze

La parole est à M. François Bonneau.

M. François Bonneau. Cet amendement a pour objet de porter de six mois à un an le délai pendant lequel un parent condamné ne peut saisir le juge aux affaires familiales d’une demande visant à retrouver l’exercice de l’autorité parentale dont il a été privé.

Le code civil dispose que ce délai, d’une durée maximale de six mois, court jusqu’à la décision du juge. Charge alors au procureur de la République de saisir le juge aux affaires familiales dans un délai de huit jours.

Cette temporalité est très courte, car le parent peut rapidement faire appel de cette suspension. En outre, elle ne permet pas la mise en œuvre d’un suivi psychologique du parent violent en l’espace de six mois.

Cette proposition vise le bien-être et la stabilité de l’enfant, qu’un allongement de ce délai permettra de mieux protéger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission souhaite tenir compte du répit de l’enfant.

Ainsi, un délai d’un an était prévu pour le retrait de l’autorité parentale ; nous proposons six mois pour le retrait de son exercice, car nous entendons respecter la gradation entre ces deux peines. Il s’agit, à notre sens, d’une avancée.

Nous demandons donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement, car il est dans l’intérêt de l’enfant que le juge aux affaires familiales statue rapidement en la matière.

M. le président. Monsieur Bonneau, l’amendement n° 6 rectifié quater est-il maintenu ?

M. François Bonneau. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié quater est retiré.

Je mets aux voix l’article 2 ter.

(Larticle 2 ter est adopté.)

Article 2 ter (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article additionnel après l'article 2 ter - Amendements n° 1 rectifié, n° 32 rectifié, n° 33 rectifié, n° 50 rectifié ter et n° 24 rectifié

Après l’article 2 ter

Après l’article 2 ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article 3

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1 rectifié n’est pas soutenu.

L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Harribey, Meunier, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 373-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s’applique pas au parent victime de violences conjugales. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Le dernier alinéa de l’article 373-2 du code civil fait obligation à un parent d’informer l’autre parent de tout changement de résidence, car un tel changement peut affecter les modalités d’exercice de l’autorité parentale, notamment en ce qui concerne les écoles. L’idée est d’éviter qu’un parent puisse dissimuler à la fois son domicile et l’école des enfants.

Toutefois, nous proposons que cette obligation ne s’applique pas lorsqu’un parent est victime de violences conjugales.

On pourrait objecter que, en ces circonstances, un retrait de l’autorité parentale serait possible, mais cela n’étant pas garanti, il convient de sécuriser la situation en précisant que le parent victime n’est pas tenu d’informer l’autre de son changement de résidence.

M. le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Harribey, Meunier, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 373-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s’applique pas au parent bénéficiaire d’une ordonnance de protection prévue par l’article 515-9 du présent code si l’ordonnance de protection a été requise à l’encontre de l’autre parent. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement, toujours inspiré des recommandations de la Fédération nationale solidarités femmes (FNSF), vise à exempter le parent bénéficiaire d’une ordonnance de protection de l’obligation de communiquer à l’autre parent tout changement de résidence lorsque celui-ci modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Cet amendement est plus restreint que le précédent, car il se situe spécifiquement dans le cadre de l’ordonnance de protection. Pour autant, je le dépose encore et encore, à chaque discussion d’un texte concernant ces sujets, car cette mesure est nécessaire.

M. le président. Le sous-amendement n° 54, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

ordonnance de protection prévue par l’article 515-9

par les mots :

autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence prévue au 6 bis de l’article 515-11

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 32 rectifié, et lui préfère l’amendement n° 33 rectifié, qu’elle entend sous-amender de manière à remplacer les mots « ordonnance de protection prévue par l’article 515-9 » par les mots « autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence prévue au 6 bis de l’article 515-11 ».

Il s’agit donc d’un sous-amendement de précision.

M. le président. L’amendement n° 50 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article 373-2-1 du code civil est complété par les mots : « , parmi lesquels figure notamment la commission de violences, quelle qu’en soit la nature, sur l’autre parent ou sur le ou les enfants ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Le présent amendement, toujours inspiré des recommandations de la FNSF, vise à faire figurer explicitement la commission de violences sur l’autre parent parmi les motifs graves susceptibles d’emporter le refus de l’exercice du droit de visite et d’hébergement.

M. le président. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article 373-2-9 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un parent a exercé ou exerce des violences sur l’autre parent, la résidence habituelle de l’enfant est fixée au domicile de ce dernier. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Considérant qu’un conjoint violent ne peut être un bon père, les auteurs de cet amendement proposent que la résidence alternée ne soit pas possible en cas de violences conjugales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je me suis exprimée sur les amendements nos 32 rectifié et 33 rectifié.

S’agissant de l’amendement n° 50 rectifié ter, il existe déjà dans le code civil, à l’article 373-2-11, une disposition d’ordre général selon laquelle, dans toutes ses décisions, le juge aux affaires familiales prend en considération les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre.

Quant aux violences sur l’enfant, c’est une évidence : le rôle même du JAF est de prendre en compte l’intérêt de l’enfant, dont sa sécurité et sa santé.

L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 50 rectifié ter.

La rédaction proposée à l’amendement n° 24 rectifié nous semble un peu trop rigide, car, dans certains cas, l’intérêt de l’enfant sera d’avoir une résidence habituelle chez un tiers.

Par ailleurs, les violences conjugales sont évidemment un élément à considérer par le JAF au moment de prendre sa décision. L’article 373-2-11 du code civil prévoit expressément que celui-ci, lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, tient compte des pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’avis est favorable sur l’amendement n° 33 rectifié de Mme Rossignol, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 54 de Mme la rapporteure, et défavorable sur tous les autres.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 54.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 ter.

Je mets aux voix l’amendement n° 50 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 ter - Amendements n° 1 rectifié, n° 32 rectifié, n° 33 rectifié, n° 50 rectifié ter et n° 24 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Après l’article 3

Article 3

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le titre II du livre II est ainsi modifié :

a) Il est ajouté un chapitre VIII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VIII

« Du retrait total ou partiel de lautorité parentale et du retrait de lexercice de lautorité parentale

« Art. 228-1. – En cas de condamnation d’un parent pour un crime ou un délit prévu au présent titre commis sur la personne de son enfant ou pour un crime prévu au présent titre commis sur la personne de l’autre parent, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité, dans les conditions prévues aux articles 378, 379 et 379-1 du code civil. Cette décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.

« La juridiction de jugement peut aussi décider du retrait de l’autorité parentale ou de l’exercice de cette autorité à l’égard des autres enfants mineurs du parent condamné.

« Si la juridiction de jugement ne dispose pas des informations nécessaires pour statuer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité, elle peut renvoyer l’affaire à une date ultérieure sur cette question et procéder à toute mesure d’instruction utile.

« Si les poursuites ont lieu devant la cour d’assises, celle-ci statue sur cette question sans l’assistance des jurés. » ;

b) Les articles 221-5-5, 222-31- 2, 222-48- 2 et 227-27- 3 sont abrogés ;

c) Le dernier alinéa de l’article 225-4-13 est supprimé ;

2° À l’article 711-1, la référence : « n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » est remplacée par la référence : « n° … du … visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales ».

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 1

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 221-5-5 est ainsi rédigé :

« Art. 221-5-5 – I. – En cas de condamnation pour un délit prévu à la présente section, commis par le père ou la mère sur la personne de son enfant ou de l’autre parent, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité, en application des articles 378, 379 et 379-1 du code civil.

« II. – En cas de condamnation pour un crime commis par un parent sur la personne de son enfant ou sur la personne de l’autre parent, la juridiction de jugement ordonne le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement en application des mêmes articles 378 et 379-1, sauf décision spécialement motivée.

« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité sur les frères et sœurs mineurs de la victime.

« Si les poursuites ont lieu devant la cour d’assises, celle-ci statue sur cette question.

« La décision prévue au premier alinéa du présent II est assortie de plein droit de l’exécution provisoire. » ;

II. - Alinéa 10

Supprimer la référence :

221-5-5,

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Nous souhaitons permettre à la juridiction de jugement d’ordonner le retrait total ou partiel de l’autorité parentale, ainsi que des droits de visite et d’hébergement, en cas de condamnation pour un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne, commis par un parent sur la personne de l’enfant ou de l’autre parent.

Le lien enfant-parent ne doit pas être maintenu à tout prix et il est préférable que l’enfant soit préservé de tout contact avec celui qui s’en est pris à sa vie ou à celle de son autre parent. Préserver un tel lien serait contre-productif et toxique.

On ne peut pas penser qu’un enfant puisse se reconstruire lorsqu’il est contraint de revoir son bourreau ou le bourreau de l’un de ses parents ; ne restent que des angoisses, des cauchemars et surtout des syndromes post-traumatiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à rétablir la structure actuelle du code pénal, qui ne contient que des dispositions spécifiques et aucune disposition générale, contrairement au code civil.

La commission a fait le choix de supprimer les dispositions spécifiques et de créer un nouvel article 228-1, qui s’appliquerait à tous les crimes et délits commis sur la personne de l’enfant ou de l’autre parent. Cette disposition offre une meilleure intelligibilité et favorise la cohérence entre code civil et code pénal.

Hormis cette différence de structure, l’amendement n° 20 est satisfait par l’article 3 tel que rédigé par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 20 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 20 est retiré.

L’amendement n° 21, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 1

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 222-48-2 est ainsi rédigé :

« Art. 222-48- 2 – I. – En cas de condamnation pour un délit prévu aux sections 1, 3 ou 3 bis du présent chapitre II, commis par le père ou la mère sur la personne de son enfant ou de l’autre parent, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité, en application des articles 378, 379 et 379-1 du code civil.

« II. – Lorsque l’infraction mentionnée au I du présent article est un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis par un parent sur la personne de son enfant ou un crime commis par un parent sur la personne de l’autre parent, la juridiction de jugement ordonne le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement en application des mêmes articles 378, 379 et 379-1, sauf décision spécialement motivée.

« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité sur les frères et sœurs mineurs de la victime.

« Si les poursuites ont lieu devant la cour d’assises, celle-ci statue sur cette question.

« La décision prévue au présent article est assortie de plein droit de l’exécution provisoire. » ;

II. - Alinéa 10

Supprimer la référence :

, 222-48-2

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous souhaitons que la juridiction de jugement puisse ordonner systématiquement le retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation pour un viol incestueux, une agression sexuelle incestueuse ou une atteinte sexuelle incestueuse commis contre un mineur par une personne titulaire de l’autorité parentale sur celui-ci.

Comment concevoir qu’une marge d’appréciation demeure au cas par cas dans de telles situations incestueuses ? Pour le bien de l’enfant, pour son avenir et sa reconstruction, il est fondamental que le retrait de l’autorité parentale soit automatique dans ces circonstances.

Aucune raison ne saurait justifier le maintien de l’autorité parentale, aucun mot ne saurait effacer le traumatisme.

Pour ne pas périr, et afin de se reconstruire, l’enfant doit se trouver dans un environnement neutre, sain, loin de son bourreau.

Notre devoir est de garantir une protection sans faille aux enfants victimes des crimes et délits incestueux.

Pour ce faire, mes chers collègues, votons la systématisation du retrait de l’autorité parentale dans de tels cas de figure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Comme l’amendement n° 20, le présent amendement est satisfait par la disposition générale que nous avons introduite.

J’en demande donc le retrait. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je partage l’analyse de Mme la rapporteure.

Sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Madame Apourceau-Poly, l’amendement n° 21 est-il maintenu ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. Puisque cet amendement est satisfait, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 21 est retiré.

L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

de son enfant

par les mots :

d’un mineur de seize ans

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Il s’agit, encore une fois, de remplacer les mots « de son enfant » par les mots « d’un mineur de seize ans ». Le dossier étant entre les mains du garde des sceaux, je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 48, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

dans les conditions

insérer les mots :

et selon les distinctions

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

peut aussi décider du

par les mots :

se prononce sur le

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Nous proposons d’introduire, à l’alinéa 7, une formulation par laquelle la juridiction de jugement aurait, non pas seulement la faculté, mais l’obligation de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice à l’égard des autres enfants mineurs du parent condamné. Cet amendement vise donc à protéger la fratrie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Il me semble préférable de laisser aux juridictions pénales la faculté de se prononcer au sujet des frères et sœurs de la victime plutôt que de leur en faire l’obligation.

En effet, les juridictions ne disposent pas toujours des éléments nécessaires pour se prononcer sur la situation familiale de la victime elle-même – c’est la raison pour laquelle nous avons ouvert la possibilité d’un renvoi. Elles ne pourront donc a fortiori pas toujours se prononcer sur la situation des frères et sœurs.

Je rappelle par ailleurs que lorsque les frères et sœurs sont eux-mêmes victimes, ne serait-ce que parce qu’ils ont assisté aux violences, l’obligation de statuer existe déjà.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 41, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Avant de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité, la juridiction de jugement doit entendre l’enfant capable de discernement afin de recueillir sa parole et les sentiments qu’il exprime, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement ou, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, désigner une personne à cet effet.

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Cet article prévoit un retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de son exercice, notamment lorsque le parent s’en est pris à son enfant dans les conditions qui ont été indiquées précédemment.

Il doit en être ainsi, en particulier lorsque des actes incestueux ont été commis. Par la transgression de l’interdit fondamental de nos sociétés, de tels actes justifient un retrait définitif et automatique des attributs de l’autorité parentale. Retirer l’autorité parentale à celui qui s’affranchit des interdits sexuels organisateurs des rapports intergénérationnels revient tout simplement à entériner ce qu’il a lui-même mis en œuvre.

Si la protection des enfants exige que des décisions soient prises, y compris lorsque celles-ci peuvent aller à l’encontre de ce que les enfants eux-mêmes revendiquent, ceux-ci doivent toujours être considérés. Pour que la décision judiciaire ait toute sa légitimité, leur parole doit être entendue.

C’est cette préoccupation que nous entendons prendre en compte par cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Votre amendement, ma chère collègue, vise à instaurer une obligation d’entendre l’enfant.

Or la possibilité d’entendre un mineur concerné par une mesure de retrait de l’autorité parentale existe déjà pour les mineurs capables de discernement, et elle est de droit lorsque ceux-ci le demandent.

Il ne semble pas opportun de rendre systématiques de telles auditions qui supposent que l’enfant s’exprime en public, et devant le parent auteur des violences.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Je ne fais que reprendre l’une des recommandations formulées par la Défenseure des droits en 2020, qui précise que l’enfant a le droit d’être entendu et représenté.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 53, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après le mot :

peut

insérer les mots :

, après avoir prononcé la peine,

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 43

Après l’article 3

Après l’article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 36

M. le président. L’amendement n° 43, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 388-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les procédures concernant le retrait total ou partiel de l’autorité parentale, ou la suspension de l’exercice de cette autorité et les droits de visite et d’hébergement, dans les conditions prévues aux articles 378 et 378-2 du présent code, le mineur capable de discernement est assisté par un avocat. »

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Dans le même ordre d’idée que les amendements précédents, l’objet de cet amendement procède de l’idée selon laquelle l’enfant qui est concerné par une procédure portant sur l’autorité qui s’exerce sur lui doit être considéré comme une personne à part entière et, à ce titre, être systématiquement représenté par un avocat lui étant entièrement dédié.

En effet, si l’intérêt de l’enfant est une considération primordiale qui doit guider la décision du juge, il convient de ne pas oublier que cet enfant a également des droits, dont l’avocat doit être le garant.

Ces droits, notamment les droits procéduraux, sont des droits universels, dont le rôle de l’avocat est précisément d’assurer le respect.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à transformer le droit d’être assisté par un avocat en obligation. Or le coût de cette assistance n’est pas évoqué, faute de quoi l’amendement aurait été susceptible d’être frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, ce qui rend cette disposition en pratique non opérante.

J’ajoute que cet amendement est a priori satisfait dès lors que l’enfant est lui-même victime et se porte partie civile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Aux explications de Mme la rapporteure, auxquelles je souscris pleinement, j’ajoute que la suspension de l’autorité parentale opère de plein droit, sans audience ni décision de justice. L’assistance du mineur par un avocat est donc selon moi sans objet.

Par ailleurs, lorsqu’un retrait de l’autorité parentale est prononcé par le juge pénal, ce sont les règles de la procédure non pas civile, mais pénale qui s’appliquent.

Dans ces conditions, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 43
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article 3 bis (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 36, présenté par Mmes Rossignol, Harribey, Meunier, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le nombre de décisions de retrait total ou partiel de l’exercice de l’autorité parentale, en application de la présente loi.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Il s’agit en quelque sorte de ma lettre, non pas au père Noël, mais au garde des sceaux. (Sourires.)

Je souhaiterais vivement disposer de statistiques de la Chancellerie qui nous permettraient de mieux comprendre les violences faites aux femmes et leur traitement judiciaire, les violences faites aux enfants, les violences intrafamiliales, ou encore l’impact – nous l’avons évoqué avec ma collègue Annick Billon et le garde des sceaux – de la consommation de films pornographiques sur la commission de violences sexuelles.

De telles statistiques nous seraient très utiles pour mieux comprendre le comportement des individus dans notre société ainsi que les sanctions prononcées et l’accompagnement proposé par la justice.

En l’espèce, le présent amendement vise à demander à la Chancellerie de remettre un rapport faisant état du nombre de mesures de protection de l’enfance, de retraits de l’autorité parentale et de décisions motivées de ne pas retirer celle-ci prises dans l’année suivant la promulgation de la présente loi.

Il s’agit au fond de vous demander des statistiques, monsieur le garde des sceaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Conformément à sa jurisprudence habituelle, et bien qu’il s’agisse d’une lettre au père Noël (Sourires.), la commission est opposée aux demandes de rapports, qui sont du reste généralement peu suivies.

Nous estimons préférable qu’en application de l’article 24 de la Constitution, le Parlement exerce son pouvoir de contrôle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ai les qualités et les vertus du père Noël, mais vous me concéderez, madame la sénatrice, que ce n’est pas tout à fait la saison. (Sourires.)

Nous manquons de statistiques. De fait, mon ministère n’a pas la culture de l’indicateur ou de la statistique, mais je souhaite – c’est l’un des grands chantiers que je lance – que nous disposions désormais de données chiffrées relatives aux réformes que nous menons, non pas pour les garder par-devers moi, mais bien pour les communiquer.

Je ne suis pas très enthousiaste à l’idée de rendre un rapport – le Gouvernement ne le souhaite généralement pas. En revanche, mais vous le savez mieux que moi, madame la sénatrice, vous avez la possibilité de contrôler l’action du Gouvernement.

En tout état de cause, ma porte est ouverte. Nous allons travailler ensemble, et comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je vous communiquerai à la fois toutes les statistiques dont je dispose déjà, mais également les données que nous allons recueillir dans les mois qui suivront la mise en place des nouveaux outils.

Si, en l’état, je suis donc défavorable à votre amendement, madame la sénatrice, cela ne signifie nullement que je ne souhaite pas partager les éléments chiffrés que j’ai en ma possession. Encore une fois, je tiens au contraire ces derniers à votre disposition.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 36
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Après l’article 3 bis

Article 3 bis (nouveau)

Au 17° de l’article 138 du code de procédure pénale, après la référence : « 17° bis, », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « la décision de ne pas ordonner la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur, dont la personne mise en examen est titulaire, est spécialement motivée ; ». – (Adopté.)

Article 3 bis (nouveau)
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Article additionnel après l'article 3 bis - Amendement n° 5 rectifié sexies

Après l’article 3 bis

Après l’article 3 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article additionnel après l'article 3 bis - Amendement n° 40

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié sexies, présenté par MM. Bonneau, Pellevat, Le Nay et Belin, Mme Herzog, MM. Laugier, Kern et Somon, Mme Jacquemet, M. P. Martin, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Détraigne, D. Laurent, Canévet et Burgoa, Mme Drexler, MM. Houpert, Cadec, Panunzi et Hingray, Mme Thomas et M. Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 17° de l’article 138 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’infraction constitue une atteinte sexuelle incestueuse contre son enfant, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention prononce la suspension du droit de visite et d’hébergement des enfants mineurs dont la personne mise en examen est titulaire ; la décision de ne pas ordonner le retrait total de l’autorité parentale est spécialement motivée. »

La parole est à M. François Bonneau.

M. François Bonneau. Cet amendement vise à compléter les dispositions du code de procédure pénale afin de systématiser la suspension, par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, des droits de visite et d’hébergement du parent mis en examen pour une infraction incestueuse.

Il s’agit non pas de remettre en cause la présomption d’innocence, mais de prendre une mesure de précaution à l’égard de l’enfant victime ainsi que de sa fratrie. Le principe de précaution repose sur la prise en compte de situations de risques potentiellement graves et irréversibles.

En l’espèce, tel est le cas d’un enfant ayant subi des agressions sexuelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, le 17° de l’article 138 du code de procédure pénale visant toute infraction commise « contre ses enfants », cet amendement est satisfait par l’article 3 bis du présent texte.

J’en demande donc le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Monsieur Bonneau, l’amendement n° 5 rectifié sexies est-il maintenu ?

M. François Bonneau. Puisque l’amendement est satisfait, je le retire, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 3 bis - Amendement n° 5 rectifié sexies
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article 4

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié sexies est retiré.

L’amendement n° 40, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article 388-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les procédures concernant le retrait total ou partiel de l’autorité parentale, ou la suspension de l’exercice de cette autorité et les droits de visite et d’hébergement, dans les conditions prévues aux articles 378 et 378-2 du présent code, le mineur capable de discernement doit, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. »

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Par cet amendement, nous souhaitons garantir le respect de l’enfant par l’écoute de sa parole. Nous pensons que chaque enfant doit être entendu dans sa singularité, et qu’aucune généralisation ne doit gommer celle-ci.

Cet amendement vise donc à s’assurer que l’enfant soit entendu par le juge ou par la personne désignée à cet effet, et ainsi à faire en sorte qu’il soit au centre de la décision qui est prise dans son intérêt.

Il est précisé que la parole de l’enfant doit être recueillie sans aucun préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Encore une fois, il ne nous semble pas opportun de rendre obligatoire l’audition de l’enfant par le juge.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 bis - Amendement n° 40
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

(Supprimé)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Comme mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain l’ont indiqué lors de la discussion générale, nous aurions souhaité retrouver l’esprit de la proposition de loi présentée par notre collègue Isabelle Santiago à l’Assemblée nationale.

Nous sommes en effet très attachés à l’égalité entre les femmes et les hommes, et particulièrement révoltés contre toute manifestation de violence à l’égard des femmes.

La persistance d’un système qui minimise les violences, néglige leurs conséquences et hésite à sanctionner les auteurs constitue une entrave à la liberté des femmes victimes et à l’instauration de cette égalité.

Nous souhaitons corriger les failles de notre justice familiale et pénale, cette justice qui laisse parfois entendre qu’un mauvais mari pourrait être un bon père. Cette justice qui néglige les conséquences des conflits perpétue le continuum des violences.

Que vaut aux yeux de l’enfant la loi qui ne l’a pas protégé de la violence d’un parent ?

La psychologue clinicienne Karen Sadlier explique que l’enfant sculpte sa personnalité, par mimétisme, sur le modèle de l’auteur des violences. Elle précise qu’il ne saurait y avoir de lien parental en l’absence de protection.

C’est cette exigence de protection dans l’intérêt des victimes, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, que nous devons renforcer.

Notre souhait de revenir à l’esprit initial de ce texte n’a pas été satisfait, à l’exception de certains aspects. Considérant toutefois les légères avancées qu’elle permet, nous voterons toutefois cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je souhaite d’abord, avec le groupe Union Centriste, saluer la qualité du travail de la commission des lois et de la rapporteure.

Je me félicite également des débats que nous avons eus ce soir. De nombreux amendements ont en effet pu être débattus, et M. le garde de sceaux nous a apporté des réponses claires et constructives.

Avant que nous ne nous prononcions sur ce texte, j’estime important de rappeler les faits. Si nous manquons de statistiques – ma collègue Laurence Rossignol l’évoquait tout à l’heure –, celles dont nous disposons montrent que la situation est dramatique.

Dans un rapport intitulé Droits des enfants en France – Aperçu des avancées et des défis 2022, l’Unicef indique qu’un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours en moyenne. Dans 86 % des cas, les parents sont les auteurs présumés des maltraitances subies par les enfants.

Dans le même temps, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, présidée par le juge Édouard Durand, estime dans son rapport que 160 000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année en France, un nombre longtemps sous-estimé, voire négligé, en particulier en raison du tabou anthropologique dont ce crime fait l’objet.

Plus largement, une personne sur dix est victime d’inceste dans son enfance, soit plus de 5 millions de femmes et d’hommes.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales.

Comme je l’indiquais dans mon propos liminaire, ce texte n’est pas une fin en soi ; il marque le début d’un changement profond de l’approche de notre société sur les violences intrafamiliales, prenant en compte que le parent violent n’est jamais un bon parent.

Les débats et les propositions d’amendements issues de toutes les travées de notre assemblée attestent notre volonté collective d’améliorer le texte. La navette – je n’en doute pas – apportera des avancées nouvelles, puisque ce soir, en séance publique, vous avez proposé d’y travailler, monsieur le garde des sceaux.

La mission sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales menée par notre collègue Dominique Vérien apportera également – j’en suis persuadée – des solutions pour mieux traiter ces violences intrafamiliales et accompagner les enfants qui en sont victimes.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Si nos débats ont été très intéressants, je regrette moi aussi que la commission se soit montrée quelque peu sévère vis-à-vis du texte de l’Assemblée nationale et qu’un certain nombre de recommandations, notamment celles de la Ciivise, n’aient pas été suivies.

C’est d’autant plus regrettable que – j’en suis persuadée – nous partageons le même but, à savoir la meilleure protection possible de l’enfant. Or j’estime à cette fin que l’avis du magistrat Édouard Durand, qui fait un travail remarquable, mérite d’être pris en considération.

Je regrette également qu’un certain nombre d’amendements n’aient pas été adoptés, mais je note la bienveillance du garde des sceaux, et sa volonté de retravailler ensemble sur ces propositions dont certaines étaient peut-être formulées de manière maladroite.

Il m’importe enfin de travailler sur le délit de non-représentation d’enfant par la mère quand celle-ci est certaine que son enfant est victime de violences ou d’attouchements. La rapporteure et le garde des sceaux en étant d’accord, nous pourrons avancer ensemble sur ce sujet, de même que sur celui du syndrome d’aliénation, trop souvent utilisé contre les mères. En la matière, j’estime que nous pourrons continuer à travailler de manière positive.

Pour toutes ces raisons, et comme je l’ai indiqué lors de mon propos liminaire, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voterai bien sûr ce texte, en tant que parlementaire, mais aussi en tant que mère soucieuse de la protection de nos enfants.

Je souhaite toutefois vous interpeller, monsieur le garde des sceaux, sur la nécessité de soutenir l’organisation de la justice dans les territoires ultramarins, pollués par ce mal. Outre l’éloignement, nos territoires sont en effet confrontés, dès lors que des enfants sont victimes, à la barrière des langues. Imaginez un enfant polynésien de 6 ans qui doit s’exprimer devant un juge !

Je vous lance donc un appel du cœur, monsieur le garde des sceaux : envoyez des renforts, et améliorez l’organisation de la justice dans nos territoires ultramarins !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier
Article 1er

Fusion des filières REP d’emballages ménagers et de papier

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique (proposition n° 305, texte de la commission n° 426, rapport n° 425).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) nous réunit aujourd’hui.

Nous avons collectivement construit notre socle de filière REP – Sénat, Assemblée nationale et Gouvernement –, en particulier lors de la discussion de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec. C’est une fierté française.

Madame la rapporteure, vous étiez déjà rapporteure de la loi Agec. Je sais votre attachement à ces principes, et comme vous, je considère que la loi Agec est une loi fondamentale.

Celle-ci, ainsi que la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, a démontré notre ambition environnementale et notre volonté d’accélérer notre transition écologique.

Elles permettent le déploiement de nombreux dispositifs.

Elles apportent également aux collectivités des moyens et des outils nouveaux dans leur gestion quotidienne des déchets.

Depuis ma prise de fonctions, je travaille pour que les collectivités disposent des moyens financiers suffisants pour rendre le traitement des déchets plus performant. C’est à ce titre que, pour 2023, le fonds vert alloue une enveloppe de 60 millions d’euros à la collecte et à la valorisation des biodéchets. En parallèle, 90 millions d’euros ont été ajoutés au fonds économie circulaire.

Je me suis enfin engagée à revoir les barèmes de soutien au regard de la crise énergétique que nous vivons et que les collectivités subissent de plein fouet.

Notre politique de développement de l’économie circulaire fait figure d’exemple sur la scène européenne et internationale. Je souhaite que le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrive dans cette dynamique.

Cette proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale posait un principe clair : donner les moyens à la filière papier-carton de gagner en performance environnementale via la fusion des REP papier et emballages.

Il avait aussi pour objectif de pérenniser, pour le secteur de la presse, la possibilité de contributions en nature, en prévoyant l’accès direct et majoritaire des collectivités à ce dispositif tout en restant exigeant sur l’ambition environnementale fixée par l’État dans ce cadre.

Les filières REP sont les clés de voûte de notre système de financement et de gestion des déchets. Elles sont aussi à la base de notre système de prévention, de réparation, de réemploi et de propreté.

Vous le savez, la loi Agec a créé onze nouvelles filières REP. En 2025, celles-ci permettront de dégager environ 6 milliards d’euros d’écocontributions.

En responsabilité, je suis chargée de la mise en place effective de ces nouvelles filières. Au regard des dispositions que nous examinons aujourd’hui, il m’importe d’insister sur mon entière mobilisation en faveur de l’amélioration constante des performances de chaque filière REP et de l’entrée en vigueur effective des nouvelles REP.

Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que je maintiendrai le cap sur ces objectifs pour les collectivités que vous représentez et pour les citoyens qui nous écoutent.

La fusion proposée des filières papier et emballages est au cœur de cet engagement. Vous l’avez conservée lors des travaux de commission, et je m’en félicite.

Cette fusion est cohérente avec la logique de collecte simplifiée des déchets d’emballages et de papier que nous avons instaurée. Si cette proposition de loi est adoptée, nous aurons une filière REP pour un bac jaune.

Au-delà de la cohérence et de la simplification recherchées, cette fusion permet également d’avoir une vision commune entre ces deux filières concernant l’écoconception, et partant, de gagner en performance environnementale.

Par ailleurs, la filière papier connaît un changement d’équilibre économique. En seulement deux ans, l’activité de production de papier a diminué de 12 %, et cette trajectoire perdurera.

Dans ce contexte, la fusion devra dans tous les cas avoir lieu tôt ou tard. En la votant dès à présent, nous prenons nos responsabilités quant à la pérennité de la filière. Cette fusion permettra de mieux partager les coûts structurels de gestion du bac jaune et du recyclage, et ainsi, d’améliorer l’assise et la visibilité financière de la filière.

J’en viens à la deuxième disposition, qui – je le comprends – concentre l’essentiel des débats.

Je note que le Sénat et l’Assemblée nationale se retrouvent sur un même constat : la presse est dans une situation économique telle qu’il nous faut collectivement trouver des solutions. Pour autant, et j’y tiens particulièrement, il n’est pas question d’exonérer un secteur de sa responsabilité environnementale et de minimiser le manque à gagner pour les collectivités. Dans le cadre de ce texte, nous nous sommes donc tous interrogés sur la meilleure manière d’adapter le dispositif de responsabilité de la presse sans freiner l’ambition environnementale du secteur.

La proposition de loi initiale du député Denis Masséglia prévoyait ainsi que le dispositif de responsabilité qui préexistait depuis 2015 soit reconduit et renforcé. Grâce à un débat parlementaire de qualité, elle a été ajustée dans la bonne direction. Ce débat a permis que des amendements déposés par des élus issus de tous les groupes politiques soient adoptés. Ensemble, vos collègues ont amélioré le texte à l’Assemblée nationale.

En effet, ils ont tout d’abord garanti aux collectivités territoriales d’être associées à l’élaboration de la convention de partenariat ainsi qu’au contenu des encarts, alors que le texte prévoyait que les collectivités en bénéficieraient majoritairement.

A également été ajouté le fait de quantifier chaque année les économies dégagées par cette mise à disposition gratuite d’encarts pour les collectivités.

Ensuite, la lecture à l’Assemblée nationale a permis d’enrichir le texte de critères environnementaux demandés au secteur de la presse. Il a ainsi été prévu que les encarts concernent, en plus du geste de tri et de l’économie circulaire, la préservation de la ressource en eau et la protection de la biodiversité.

Par ailleurs, le texte a précisé que les exigences environnementales qui s’appliquent au secteur de la presse ne pourront pas être en dessous de celles que le secteur doit respecter jusqu’au 1er janvier 2023.

Votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, la semaine dernière, a fait le choix de ne pas retenir cette disposition. J’en prends acte.

J’émets néanmoins des réserves sur la solidité juridique du dispositif prévu dans le texte que nous allons examiner en séance publique, ainsi que sur son bien-fondé écologique.

Je tiens tout d’abord à attirer votre attention sur deux points juridiques.

En premier lieu, le bonus d’écocontribution proposé ne correspond pas à un critère d’écoconception comme prévu par le droit européen sur les filières REP.

En second lieu, les bonus imaginés pour la mise à disposition gratuite d’encarts d’information devront bien être compensés par l’augmentation des écocontributions d’autres personnes. L’idée du dispositif proposé par la commission du Sénat serait de faire supporter cette compensation par le seul secteur de l’emballage. Cette piste soulève toutefois une interrogation sur l’équité de ce dispositif. Il me semble donc juridiquement fragile.

D’un point de vue écologique ensuite, le dispositif adopté en commission revient à ouvrir à tous les acteurs de l’emballage et des papiers la possibilité de bénéficier d’un bonus financier s’ils mettent à disposition gratuitement des encarts. Mais pour ajouter des encarts d’information équivalents à ceux que peut proposer la presse, il faudrait ajouter du suremballage. En d’autres termes, le dispositif adopté en commission incite les producteurs à ajouter encore plus d’emballages.

Madame la rapporteure, vous conviendrez que ce n’est pas l’esprit de la loi Agec, à laquelle nous sommes tous attachés. C’est même à l’opposé du combat que nous menons et que vous menez aussi, et à l’opposé de ce que nous demandent les citoyens et les responsables politiques.

Je sais que vous recherchez, comme moi, des solutions. Pour avoir exercé le mandat de députée, j’ai un grand respect pour le débat parlementaire. Je fais confiance aux parlementaires pour trouver, dans ce cadre, un consensus et une sortie par le haut.

Quoi qu’ils décident, je tiens à affirmer très clairement que ces encarts ne doivent pas être utilisés à des fins promotionnelles, mais exclusivement pour sensibiliser le citoyen, dans une optique d’intérêt général. Il me semble primordial que le dispositif qui sera voté à l’issue de la navette parlementaire intègre cette exigence.

Pour conclure sur ce point, le Gouvernement maintiendra son ambition dans le déploiement de toutes les filières REP de la loi Agec et il n’y aura aucune remise en cause de ces filières.

Certaines sont en cours de mise en œuvre, dès cette année, comme la filière REP bâtiment, celle des véhicules hors d’usage, celle des pneumatiques ou encore celle des emballages de la restauration.

D’autres viendront plus tard comme la filière des textiles sanitaires à usage unique en 2024 ou encore la filière REP des déchets d’emballages industriels et commerciaux en 2025. La mise en œuvre de ces filières REP est une attente forte des collectivités. Sachez qu’elle est entendue et qu’elle guide mon action au quotidien. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Michel Laugier et Yves Bouloux applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour celles et ceux qui étaient présents dans cet hémicycle à l’automne 2019 pour débattre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, l’échange que nous aurons ce jour aura, à l’évidence, un goût de déjà-vu.

En effet, il y a quatre ans environ, nous avions dans cet hémicycle largement complété la copie proposée par le Gouvernement, afin notamment de renforcer la responsabilité élargie des producteurs, une application du principe pollueur-payeur qui permet de transférer le coût de la prévention et la gestion des déchets aux producteurs.

Pour les filières couvertes par le service public de gestion des déchets géré par les collectivités territoriales, la responsabilité élargie des producteurs se traduit par un soutien financier des producteurs aux collectivités territoriales via des contributions financières transitant par un éco-organisme.

Il y a quatre ans, le deal de la loi Agec était très clair. Oui, les collectivités territoriales doivent améliorer la prévention et la gestion des déchets, en modernisant leurs centres de tri, en mettant en place la collecte séparée des biodéchets ou encore en développant la collecte hors foyer ; mais ces politiques ont un coût. La loi Agec prévoyait donc de renforcer la responsabilité élargie des producteurs pour que l’amélioration de notre politique d’économie circulaire pèse non pas exclusivement sur le contribuable local, en aval, mais aussi sur le producteur, en amont.

Nous avons donc créé de nouvelles REP, par exemple sur les produits et matériaux de construction ou sur les articles de bricolage, de jardinage et de sport. Nous avons aussi étendu des REP existantes : une REP emballages professionnels a par exemple été créée pour compléter la REP emballages ménagers.

Le sens de l’Histoire était donc celui de la montée en puissance des filières REP, concomitante de celle du service public de gestion des déchets.

Les choses se sont depuis quelque peu déréglées, car la mise en place ou l’extension des REP a pris du retard et même de manière importante dans le cas de la REP bâtiment, pourtant très attendue dans nos territoires pour lutter contre les dépôts sauvages.

Les contraintes sur les collectivités territoriales n’ont, quant à elles, pas été reportées. Pendant que les REP tardaient à se mettre en place, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a continué d’augmenter et les investissements en matière de tri des biodéchets ou de modernisation des centres de tri n’ont pas été retardés.

C’est dans ce contexte qu’est arrivée la proposition de loi dont nous débattons ce soir. N’ayons pas peur des mots : ce texte est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour nos collectivités territoriales.

Le volet le plus problématique n’est pas celui qui est relatif à la fusion des filières REP emballages ménagers et papier, à laquelle notre commission est favorable et qui ne constitue pas le cœur du texte dont nous sommes saisis ; il porte sur la sortie de la presse de la REP.

Disons-le clairement : exclure la presse de la REP, comme le prévoyait la proposition de loi initiale, revient à faire payer, une fois de plus, les collectivités territoriales. Je rappelle que tout ce qui n’est pas pris en charge par les metteurs sur le marché doit être financé par les contribuables locaux.

J’entends déjà ceux qui estiment que le manque à gagner pour le service public de gestion des déchets est limité – une vingtaine de millions d’euros – et pourrait être facilement absorbé par les collectivités.

Je répondrai que sortir la presse de la REP pourrait constituer un dangereux précédent susceptible d’affaiblir l’ensemble des REP et, partant, le financement du service public de gestion des déchets. Ce serait en effet la première fois dans l’histoire de ce système, né en France dans les années 1990 et ayant essaimé partout en Europe, qu’un gisement serait retiré de la REP. D’autres secteurs pourraient à l’exemple de ce premier régime d’exception demander des aménagements et des exonérations pour l’avenir, au détriment des collectivités territoriales et de la protection de l’environnement.

Nous ne pouvons pas accepter une telle régression environnementale et une telle atteinte au service public de gestion des déchets géré par nos collectivités territoriales.

Cela étant dit, nous nous devons d’apporter une réponse au secteur de la presse, qui est actuellement en grande difficulté. Je le dis ici avec fermeté, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire avec mes collègues sénateurs de la commission de la culture, en premier lieu desquels le président Lafon et Michel Laugier, avec qui j’ai beaucoup échangé lors de mes travaux préparatoires.

Je salue à cet égard le travail de Michel Laugier, dont le récent rapport a mis en exergue les difficultés conjoncturelles et structurelles auxquelles fait face la presse, notamment notre presse quotidienne régionale : doublement du prix du papier en un an, augmentation des coûts de l’énergie et diminution structurelle des ventes de la presse papier de 5 % par an. Nous nous devons d’aider la presse, cela est certain.

Fallait-il, pour autant, le faire aux dépens des collectivités territoriales, au risque de fragiliser le bel édifice que constitue la loi Agec, matrice de notre politique d’économie circulaire ? Bien évidemment, la réponse est non.

Le Gouvernement avait d’autres options pour concilier protection du service public de gestion des déchets et préservation du secteur de la presse. Il n’a tout simplement pas voulu les étudier.

La première option était que l’État prenne sa responsabilité en aidant le secteur de la presse à payer son écocontribution à compter du 1er janvier 2023. Il ne l’a pas fait.

La seconde option, c’est celle que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adoptée la semaine passée.

Le texte issu des travaux de notre commission maintient en effet la presse dans le champ de la REP, mais en permettant de moduler les contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts, sous réserve de respecter des critères de performance environnementale fixés par décret. Cette modulation des contributions sous forme de prime pourra pleinement bénéficier aux publications de presse.

Les avantages de cette proposition sont nombreux. Elle préserve l’intégrité de la REP en maintenant la presse en son sein. Elle est financièrement neutre pour le service public de gestion des déchets, car les primes versées devront être compensées par la filière REP. Elle offre enfin des garanties environnementales, en conditionnant l’octroi des primes à l’atteinte de critères de performance environnementale. Elle répond enfin clairement aux préoccupations du secteur de la presse, qui pourra continuer à utiliser le système existant des encarts.

Cette option avait d’ailleurs été envisagée par les services ministériels au cours des travaux préparatoires à la loi Agec que j’avais menés il y a quatre ans.

Cette proposition me semble plus robuste juridiquement que la convention de partenariat hors REP qui était proposée dans le texte initial. Contrairement à la proposition faite par les députés, nous nous appuyons en effet sur un outil bien connu, appliqué dans l’ensemble des filières REP : la modulation des écocontributions. Le législateur peut tout à fait créer des critères d’écomodulation qui ne sont pas spécifiquement prévus par le droit européen et qui n’ont pas trait à l’écoconception du produit : c’est par exemple le choix que nous avions fait dans la loi Agec, en créant un critère d’écomodulation pour les produits ayant une visée publicitaire ou promotionnelle.

Je suis consciente que ce choix est moins confortable pour le Gouvernement que ce qui est proposé dans le texte initial, car il devra en assumer les conséquences et mettre en œuvre les modulations proposées au sein de la filière REP. Il eût sans doute été plus confortable pour lui de laisser le législateur assumer seul la responsabilité de faire payer les collectivités territoriales.

Vous l’aurez compris, ma priorité est d’abord de préserver les filières REP pour protéger le service public de gestion des déchets et nos collectivités territoriales. Elle est ensuite d’aider la presse, en lui apportant une réponse proportionnée pour faire face aux difficultés auxquelles elle fait face. Tel est le chemin de crête que notre commission a emprunté la semaine passée. Mes chers collègues, je vous propose maintenant de l’emprunter à votre tour. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux a construit les fondements de la responsabilité élargie des producteurs. En vertu du principe pollueur-payeur, ces derniers doivent contribuer à la prévention et à la gestion des déchets découlant de leurs produits.

La France, précurseur de la REP, est le pays qui dispose du plus grand nombre de filières, et c’est tout à son honneur. Encore faut-il qu’elle soit aussi le pays le plus performant dans la gestion des déchets. Or nous nous situons en dessous de la moyenne européenne en ce qui concerne les emballages ménagers et le taux de recyclage des papiers graphiques n’est que de 62 %.

Ce faible taux de performance peut-il être amélioré en faisant contribuer financièrement le secteur de la presse à la gestion des déchets ? Je ne le pense pas.

L’intégration de la presse au sein de la REP des papiers graphiques n’a eu lieu qu’en 2017. Dès le départ, la solution consistant en une contribution financière n’a pas manqué d’interroger, raison pour laquelle le secteur de la presse bénéficie de la possibilité de contribuer en nature par la mise à disposition gratuite d’encarts publicitaires.

La révision de la directive européenne sur les déchets, intervenue en 2018, qui a imposé le caractère financier des écocontributions, a conduit les pouvoirs publics à questionner ce modèle. Lors de l’examen de la loi Agec, il a été convenu de le préserver de manière transitoire.

La présente proposition de loi, ainsi qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, prévoyait d’extraire les publications de presse de la REP papier, en contrepartie de la conclusion d’une convention de partenariat avec l’État afin de déterminer les conditions de la mise à disposition des encarts publicitaires ainsi que des critères de performance environnementale.

La commission l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a souhaité pour sa part maintenir les publications de presse dans la REP et introduire une modulation des contributions sous la forme d’une prime accordée notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information et le respect de critères de performance environnementale.

Cela inquiète à double titre : la presse ne dispose plus de la garantie de pouvoir contribuer en nature et les autres producteurs de la filière devraient contribuer à sa place. Il s’agit de la mutualisation des coûts introduite en commission.

Nous viendrions ainsi fragiliser le secteur de la presse alors qu’il vient déjà de subir le doublement du prix de la tonne de papier en l’espace d’une année dans un contexte de hausse du coût de l’énergie.

Nous proposerons donc de rétablir la rédaction de l’article 1er retenue par l’Assemblée nationale, qui nous semble constituer le meilleur compromis. En aucun cas, cela ne doit être perçu comme un blanc-seing puisque les critères de performance environnementale continueront de s’appliquer.

D’aucuns évoquent un « dangereux précédent » pour les autres filières. Mais c’est à nous, en tant que législateur, de ne pas céder le moment venu à des dérogations qui ne seraient pas justifiées.

Pour ce qui est de la presse, nous sommes convaincus de l’inadaptation de l’écocontribution financière. Peut-on considérer les éditeurs de presse comme des pollueurs et les journaux comme de simples déchets ? Je ne le pense pas et cela vaut aussi pour les livres.

Si l’on veut améliorer nos performances de collecte du papier, commençons par assurer la collecte séparée de ce flux, comme cela se fait dans d’autres pays européens. Appliquons les amendes prévues par le droit en vigueur lorsque le tri n’est pas réalisé.

Mes chers collègues, les « taxes », entendues au sens large, ne peuvent à elles seules résoudre tous les problèmes.

J’en viens au deuxième sujet soulevé par la proposition de loi : la fusion des filières emballages ménagers et papier pour des raisons administratives et pour favoriser les synergies.

Une étude d’impact aurait été appréciable. Pour cela, le dépôt d’un projet de loi, de préférence avant la fin du dispositif dérogatoire qui avait été adopté dans la loi Agec, n’aurait pas été superflu. Cela nous aurait évité d’adopter une loi rétroactive alors que le Gouvernement disposait de trois ans pour se pencher sur la question. Nous avons été alertés sur les risques de la fusion financière de ces deux filières. En effet, cela pose des problèmes d’équité : chaque filière doit couvrir les coûts dont elle est responsable.

Pour conclure, dans un contexte de déclin continu des ventes de journaux traditionnels au profit des réseaux sociaux et des fake news, ne sacrifions pas la presse pour une plus-value plus qu’incertaine !

Attaché au rôle démocratique de la presse, qui informe nos concitoyens et les accompagne dans l’exercice de leur souveraineté, le groupe du RDSE déterminera sa position en fonction de l’issue des débats.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.

Je tiens tout d’abord à saluer l’excellent travail de notre rapporteure, Marta de Cidrac, qui a su avec force et détermination mener ce travail législatif, comme elle l’avait fait lors de l’examen de la loi Agec, en 2020.

C’est donc dans cette continuité que ce travail sérieux, qui honore notre Haute Assemblée, a permis à la commission d’aboutir à un texte équilibré, qui conserve les grands principes de cette proposition de loi et de notre droit, ainsi que nos ambitions pour l’économie circulaire.

Tout d’abord, ce texte conserve le dispositif de la REP, qui est une application du principe du « metteur sur le marché » consistant à transférer la responsabilité de la prévention et de la gestion des déchets aux producteurs. Ce principe est fondamental dans le droit de l’environnement. Il est devenu l’un des quatre grands principes généraux du droit environnemental avec la loi Barnier de 1995 et est consacré dans l’article 4 de la Charte de l’environnement qui dispose ceci : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement dans les conditions définies par la loi. »

Ce texte permet également la fusion des filières REP, qui doit être source de simplification et de synergie des acteurs, afin d’améliorer la chaîne du recyclage et de permettre l’efficacité environnementale.

Ensuite, ce texte prévoit d’aider le secteur de la presse, tout en le maintenant dans la REP, via la modulation des contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets. Cela passe notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts, sous réserve de respecter des critères de performance environnementale fixés par décret. Ce dispositif protège alors le secteur de la presse, qui fait aujourd’hui face à des difficultés conjoncturelles et structurelles, comme de nombreux autres secteurs d’activité, tout en le conservant dans le dispositif REP : nul ne peut s’en exonérer ou s’en extraire.

Enfin, cette proposition de loi garantit le financement et le service public de gestion des déchets (SPGD) géré par les collectivités territoriales. En effet, dans un contexte d’augmentation des charges causée par la hausse des prix de l’énergie ou encore l’augmentation de la TGAP, il convient d’assurer le fonctionnement et le financement de ce service.

Si le travail sénatorial a permis d’aboutir à un texte pertinent, qui apporte des solutions à tous les acteurs des filières, je ne peux m’empêcher de penser que l’État aurait dû assumer son choix plus tôt, en maintenant la presse dans la REP, tout en la soutenant financièrement, comme il le fait dans le cadre d’autres aides au secteur, pour l’aider à acquitter son écocontribution. On aurait ainsi évité de reporter la charge sur d’autres acteurs.

En effet, la directive européenne qui nous conduit à étudier ce texte était connue depuis longtemps et nous attendions de la part de l’État plus d’anticipation pour répondre à cette problématique.

En tout état de cause, grâce au travail de notre rapporteure, Marta de Cidrac, ce texte préserve l’intégrité de la REP en réintégrant la presse en son sein. Il est financièrement neutre pour le service public de gestion des déchets et offre des garanties environnementales, en conditionnant l’octroi des primes.

Pour toutes les raisons que j’ai invoquées, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, amendée par notre commission, portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, hier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a publié la synthèse de huit années de recherches concernant le changement climatique et, surtout, la limitation du réchauffement de notre planète à 1,5 degré Celsius. Il est prouvé que l’activité humaine a un rôle important dans ce dérèglement.

Je rappelle que le plus grand des pollueurs reste la Chine, qui représente à elle seule 33 % des émissions mondiales de CO2 soit 12 milliards de tonnes, avec une augmentation de l’activité des centrales à charbon. La France représente moins de 1 % de ces émissions, mais nous vivons tous sur la même planète et l’on y ressent déjà les conséquences du dérèglement climatique. Les crises et les aléas climatiques s’enchaînent, ce qui fragilise notre environnement et l’ensemble de la biodiversité.

Nous subissons déjà un manque inquiétant d’eau alors que commence à peine le printemps. Certains territoires sont déjà en restriction. Cela menace notre souveraineté alimentaire et plus largement notre économie.

De même, notre production d’énergie est directement touchée. Le secteur de l’hydroélectricité et celui du nucléaire devront s’adapter – des solutions techniques existent pour cela – à une ressource en eau moins abondante.

En effet, c’est bien d’adaptation qu’il est question. Nous devons faire évoluer nos modes de vie, nos industries, et cela passe par une économie circulaire.

La gestion des déchets et la lutte contre le gaspillage sont des sujets que nous avons largement évoqués dans cet hémicycle. Nous avions d’ailleurs introduit des apports essentiels lors de l’examen de la dernière loi sur le sujet.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la suite logique de la loi Agec, dans la mesure où elle vient finaliser la fusion progressive de deux filières REP, celle des emballages ménagers et celle du papier, qui avaient précisément été créées au sein de cette loi.

Lors des débats en commission, personne n’a remis en cause cette fusion, bien au contraire.

J’en profite pour saluer le travail de la rapporteure et de la commission. Le texte a été totalement réécrit afin de trouver un équilibre différent tout en gardant l’objectif principal de la fusion.

En ce qui concerne l’exonération de la presse – le point du texte qui a suscité le plus de discussions –, beaucoup étaient d’accord pour dire qu’une exclusion totale n’était pas la solution, en mentionnant le risque de fragilisation du système et de création d’un précédent qui en entraînerait inévitablement d’autres.

Mais nous connaissons les difficultés du secteur de la presse écrite, et nous devons les prendre en considération. L’importance de la presse dans un pays et dans une démocratie est capitale. L’information est la clé d’un citoyen éclairé ; celle du public sur la prévention et la gestion des déchets en fait bien sûr partie, et nous aurions souhaité le rétablissement de l’article 1er.

Mes chers collègues, nous sommes tous concernés par la gestion de nos déchets, consommateurs comme industriels, État comme collectivités territoriales. Ces dernières en sont d’ailleurs un acteur majeur, il est bon de le rappeler.

Le groupe Les Indépendants votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout l’enjeu de ce texte est de parvenir à un équilibre délicat.

En effet, il faut trouver un équilibre entre, d’une part, le principe pollueur-payeur, qui doit assurer au service public de gestion des déchets une juste contribution financière des producteurs et des metteurs sur le marché à la prise en charge des déchets résultant de leurs produits, et, d’autre part, la nécessaire sauvegarde de la presse écrite, qui est en forte difficulté.

Le journal, puisqu’il est essentiel à la vie libre des idées, à la culture et à la vitalité démocratique, n’est ni un produit comme un autre – cela a été dit – ni un déchet comme les autres.

Cet équilibre nécessite, à la fois, de ne pas aggraver fortement les difficultés engendrées par la crise majeure de la presse, et particulièrement de la presse régionale, et de répondre aux besoins du service public de gestion des déchets, assuré par les collectivités territoriales : pour réduire, collecter, trier et recycler, les collectivités ont besoin de contributions financières, de ressources à la hauteur.

En France, l’organisation de la prévention et de la gestion des déchets repose intégralement sur le mécanisme des filières REP, qui est né dans les années 1990, comme cela a été rappelé, et qui, ayant fait ses preuves, a ensuite été généralisé en Europe par la directive sur les déchets.

Ces derniers jours, on a pu mesurer dans les rues de Paris la quantité astronomique de déchets accumulés en très peu de temps. Il est indispensable que les producteurs intègrent un coût de prévention et de gestion des déchets : ils doivent être incités à concevoir des produits moins générateurs de déchets, triables, recyclables, réemployables.

En excluant la presse de la REP, le texte dans la version de l’Assemblée nationale créait non seulement un recul environnemental, mais également un précédent risqué, qui risquait de déstabiliser les REP et d’entraîner un manque à gagner bien lourd pour les collectivités.

Cela serait la première fois qu’un gisement serait retiré de la REP, ouvrant la porte à des exemptions et à des exonérations d’autres secteurs, au détriment de l’environnement et des collectivités.

Même si la France est le seul pays de l’Union à intégrer la presse écrite dans une filière REP, accorder une exemption à ce secteur serait un signal dangereux. La France, on l’a dit, était pionnière ; elle doit le rester.

La proposition de l’Assemblée nationale en la matière n’était acceptable ni du point de vue des collectivités, qui resteraient privées d’une part des contributions financières, ni du point de vue de l’intérêt général, encadré par la loi Agec et la directive sur les déchets. Il s’agissait d’une astuce qui déresponsabilisait, en tout cas financièrement, des producteurs de déchets.

Pour autant, nul ne peut ignorer les difficultés de la presse. En dix ans, les cours du papier se sont envolés, les ventes et le lectorat se sont réduits : au total, le nombre d’exemplaires imprimés a diminué de 41 %.

Le tour de passe-passe proposé par Mme la rapporteure, est plus juste, et donc plus judicieux, puisqu’il ne se ferait pas sur le dos du service public de gestion des déchets. La presse écrite s’en sortirait sans dommage, car ses contributions financières pourraient être écomodulées, notamment par des encarts gratuits d’information et de sensibilisation citoyenne sur la prévention et la gestion des déchets.

Les primes ainsi consenties seraient compensées par une augmentation des contributions des autres metteurs sur le marché soumis à la même filière REP, par le renforcement des pénalités de pratiques polluantes ou par une augmentation de la contribution de base.

Aujourd’hui, ce sont les contribuables qui payent ces millions manquants : faire payer la filière serait tout de même, madame la secrétaire d’État, plus juste.

M. François Bonhomme. Ce n’est pas faux !

M. Jacques Fernique. La proposition est judicieuse, certes, mais des incertitudes et questionnements demeurent.

D’abord, sur la question de la fusion des deux filières emballages et papier. Cette fusion prend tout son sens avec le mécanisme proposé, les contributions financières au sein d’une filière étant basées sur un principe de solidarité globale entre les acteurs.

Néanmoins, il faut le dire, certains acteurs de la filière papier sont inquiets. Les deux types de déchets ont leurs spécificités de tri et de traitement. Il est peut-être important de maintenir des critères d’agrément distincts pour contrôler le respect des obligations.

Les filières ont aussi des poids bien différents. Certains estiment qu’avec le déclin du papier, la masse critique de rentabilité n’est plus assurée, laquelle serait garantie par la fusion. D’autres craignent que la filière papier se trouve totalement diluée dans la filière emballages, dont le poids est dix fois plus important.

Autre interrogation : celle du taux de couverture. La loi fixe le taux de couverture des coûts de gestion des déchets supportés par les collectivités à 50 % pour les papiers et à 80 % pour les emballages. À ce jour, ce taux n’est pas respecté par les éco-organismes : il est d’environ 20 % pour les papiers et de 50 % pour les emballages. L’État ne joue pas son rôle de régulateur. Là se joue notre service public de gestion des déchets.

Enfin, sur la question du soutien à la presse écrite. Les crédits octroyés dans le projet de loi de finances (PLF) sont demeurés stables : ils sont bien insuffisants dans le contexte d’explosion du prix du papier.

En définitive, le présent texte sur les papiers de presse et les emballages n’emballe pas le groupe écologiste. (Sourires.) Cette proposition de loi n’est sans doute pas parfaite, mais c’est la moins mauvaise, pour reprendre la formule de notre rapporteure.

Mon groupe partage cette appréciation : c’est la raison pour laquelle, en tenant compte des interrogations qui demeurent, il a fait le choix d’une bienveillante abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mercredi dernier, en commission, étaient soumis à notre examen le rapport ainsi que les neuf amendements déposés sur la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture prévoit le regroupement des deux filières, aujourd’hui distinctes, dans un triple but.

D’abord, apporter une simplification administrative aux collectivités territoriales chargées du service public de gestion des déchets : elles n’auraient plus à contractualiser qu’avec un seul éco-organisme.

Puis, faire suite à la loi Agec, qui est venue harmoniser les systèmes de collecte des déchets pour les deux éco-organismes sur l’ensemble du territoire.

Enfin, mutualiser les coûts, alors que le remplacement des emballages plastiques se fera par un recours accru aux papiers et cartons.

Notre groupe se prononce en faveur de cette unification des deux REP, soutenant l’opportunité de la synergie ainsi recherchée.

La proposition de loi entend par ailleurs exonérer le secteur de la presse du paiement de la contribution financière, ce dernier en étant redevable depuis le début de l’année, ce n’était pas le cas jusqu’à présent.

Pour ce faire, elle vient substituer à l’application du principe pollueur-payeur aux publications de presse – en vigueur depuis le 1er janvier 2023, donc – une obligation de mise à disposition gratuite par la presse d’encarts publicitaires visant à informer les lecteurs sur des problématiques environnementales.

Concrètement, la proposition de loi tend à exempter la presse de la filière REP des papiers graphiques, à la condition qu’une convention de partenariat soit signée avec l’État.

Cette convention devrait engager la presse à mettre à disposition gratuitement des encarts sur le tri des déchets, l’économie circulaire et la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité, au bénéfice des collectivités territoriales – notamment des intercommunalités – et de la communication des filières REP et des associations agréées pour la protection de l’environnement.

Ce partenariat permettrait de définir, dans le même temps, des critères de performance environnementale que les publications s’engageraient à respecter.

Il s’agira de maintenir les obligations de transformation industrielle du secteur en matière de taux de recyclage et de limitation des perturbateurs du recyclage.

Ce serait dans les faits une continuation du système actuel de la contribution en nature, mais portée différemment, avec l’objectif de donner à la presse les outils pour prendre pleinement part aux défis de la transition écologique.

Pourquoi une telle prorogation ? En raison du contexte, constaté par tous, très dégradé de ce secteur crucial.

Structurellement, la presse connaît une baisse continue de son lectorat depuis de nombreuses années, avec la dématérialisation accrue des contenus.

Conjoncturellement, avec le contexte inflationniste, le coût du papier a doublé depuis un an et celui de l’énergie a également augmenté, ce qui a un impact sur le secteur, notamment en termes d’acheminement.

La loi Agec de 2020, en anticipant sur l’application du droit européen, a cependant mis un terme à ce régime spécifique en prévoyant qu’à compter de cette année l’écocontribution de la presse devait être numéraire. Nous y sommes, et c’est pourquoi une nouvelle réponse doit être proposée. La presse écrite, nationale et régionale, est un pilier de notre démocratie ; elle est aussi financièrement exsangue.

Au sein de notre commission, madame la rapporteure, vous avez défendu le nécessaire soutien et à la presse et aux collectivités territoriales, qui se trouveraient privées d’une nouvelle ressource.

Rappelons ici que, pour les raisons invoquées précédemment, il s’agit pour les collectivités non pas d’une perte de revenus, mais d’un manque à gagner. Celui-ci représente 0,25 % du coût total du service de gestion des déchets.

Vous avez par conséquent prévu, tout en maintenant la presse dans la REP nouvellement créée afin d’éviter un « précédent d’exonération », une modulation sous forme de prime du montant de la contribution financière des produits assujettis. Une condition a été posée : les produits en question doivent être ceux qui contribuent à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, notamment avec la mise à disposition d’encarts d’information. Cette mesure bénéficierait à la presse.

Si le groupe RDPI entend l’argument qui veut que tous les acteurs participent par principe au dispositif pollueur-payeur, nous identifions trois problématiques qui lui sont liées.

Tout d’abord, cet équilibre pourrait contrevenir à la directive européenne sur les déchets de 2018, ce qui entraînerait un risque important de contentieux juridique. Si le code de l’environnement prévoit le possible recours à une modulation de l’écocontribution, celle-ci doit être effectuée « en fonction de critères de performance environnementale » liés au produit en question, sans que des actions de communication ou de sensibilisation aux consommateurs soient expressément prévues.

En cas de recours, la presse se retrouverait à devoir payer une écocontribution de façon rétroactive, sans solution de remplacement.

Ensuite, selon les critères établis, le bonus pourrait bénéficier à d’autres organismes que celui de la presse, ouvrant là aussi un précédent, mais cette fois-ci au sein même de la REP nouvellement constituée. Ce risque d’appel d’air aurait des conséquences sur le montant global des écocontributions, ce qui contreviendrait aux objectifs environnementaux.

Enfin, il incomberait aux autres opérateurs d’être solidaires du secteur, alors que certains d’entre eux sont soumis à des contraintes économiques importantes.

Au regard de ces observations, notre groupe votera majoritairement contre ce dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Joël Bigot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi Agec a refondé certains principes de l’économie circulaire, tout en renforçant la responsabilité des metteurs sur le marché dans la gestion des déchets, de la création du produit à sa fin de vie. En réaffirmant haut et fort le principe du pollueur-payeur, le Sénat s’est inscrit dans les enjeux de notre siècle, soucieux de l’impact environnemental de la production de biens.

Cependant, bon nombre de filières REP peinent encore à voir le jour en dépit de l’entrée en vigueur de celles-ci au 1er janvier 2023. Je pense par exemple à la REP bâtiment, à la REP jeux et jouets ou encore à la REP textile.

Autre dispositif imposé par la loi Agec qui nous intéresse ici : la fin du régime dérogatoire ouvert à la presse en 2015, qui lui permettait de contribuer sous la forme de prestations en nature et non par le versement d’une écocontribution.

Ainsi, en l’état du droit, depuis le 1er janvier 2023, le versement de l’écocontribution doit obligatoirement avoir un caractère financier pour la presse écrite.

C’est le point nodal de cette proposition de loi, qui vise à exempter la presse de cette écocontribution par la réintroduction d’un régime dérogatoire en raison des difficultés économiques rencontrées par ce secteur d’activité. Il s’agit de permettre à un secteur de déroger à un principe encore jeune et imparfaitement appliqué par les industriels.

Acter cette exemption crée un précédent fâcheux, qui, mécaniquement, suscitera d’autres demandes émanant de secteurs fragiles au sein d’autres REP, voire d’acteurs issus de la REP papier, comme l’industrie papetière, qui traverse une importante crise en continuant malgré tout à payer son écocontribution.

En reculant sur le principe du pollueur-payeur, c’est donc un mauvais signal que nous risquons d’envoyer au secteur économique dans son ensemble. Il est donc nécessaire de bien circonscrire cette exemption à la seule et unique presse.

Selon les experts que nous avons auditionnés préalablement, le manque à gagner est estimé entre 15 millions et 20 millions d’euros, ce qui aurait un impact financier sur les collectivités territoriales chargées de la collecte, du tri et du recyclage des papiers par le biais du bac jaune.

Défenseurs du service public des déchets, nous souhaitons profiter de ce débat pour mettre l’État devant ses responsabilités. Exempter purement et simplement la presse écrite ou tout autre acteur n’est pas une solution pérenne, car cela fragilise à court terme nos filières REP. Si le Gouvernement estime que les spécificités du secteur de la presse écrite justifient une telle exemption au principe général du pollueur-payeur, il faut qu’il prenne ses responsabilités. Il doit prendre en charge le coût de cette décision et, en aucun cas, ne doit la faire peser sur les autres contributeurs de la future REP fusionnée.

Deuxième point dur de ce texte : la fusion des deux REP papier et emballages ménagers.

Cette mutualisation des filières n’est pas demandée par les acteurs concernés. Je demeure dubitatif quant à cette simplification effectuée sans concertation, sachant que les deux cahiers des charges sont d’ores et déjà en vigueur, qu’ils sont utiles aux acteurs et qu’ils coexisteraient dans une filière unifiée.

Ainsi, nous tenterons lors du débat de préserver la distinction entre les deux flux financiers, supprimée par la rapporteure, afin de prendre en compte les spécificités de ces deux filières, ainsi que la différence importante de leurs poids financiers, allant du simple au décuple.

Nous pouvons tout de même saluer les efforts de la rapporteure Marta de Cidrac qui, lors des travaux de notre commission, a démontré sa volonté de trouver un consensus acceptable par l’ensemble des parties, même si des zones d’ombre persistent.

En effet, le dispositif retenu des écomodulations renvoie à un décret et, in fine, à la responsabilité de l’État : c’est donc au Gouvernement de décider.

Par ailleurs, la rapporteure a choisi de confier à l’éco-organisme le soin d’accorder ou non ces primes en fonction du futur cadre fixé dans le décret.

Mais mon inquiétude vis-à-vis de cette nouvelle écriture réside dans la porte laissée ouverte à l’ensemble des metteurs sur le marché de la filière REP, et pas seulement à la presse écrite. Avec cette boîte de Pandore qui reste entrouverte, le risque est d’aboutir à une multiplication des régimes d’exception pour des motifs conjoncturels.

Je préfère la solution d’une convention tripartite entre l’éco-organisme agréé, les collectivités territoriales et les entreprises concernées, afin de permettre au secteur de la presse de payer son écocontribution pour tout ou partie en nature, sous la forme d’encarts publicitaires visant à favoriser les écogestes et le recyclage.

S’il faut protéger le secteur de la presse, qui traverse bel et bien une crise difficile, assurons-nous, mes chers collègues, de bien circonscrire cette exemption pour garantir le respect du principe du pollueur-payeur qui nous rassemble et pour rester en conformité avec la loi Agec que nous avons votée à l’unanimité ici même.

Cette précision permettra de marquer notre volonté commune de ménager, à la fois, la presse écrite et le service public de gestion des déchets, auquel nous sommes tous très attachés sur ces travées.

En raison des éléments que je viens d’indiquer, notre groupe s’abstiendra sur ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, hier, le Giec a publié un guide à destination des décideurs publics pour proposer des solutions permettant d’avancer en la matière. Sans surprise, la fusion des filières REP n’y figure pas !

Je le dis pour souligner le fait que, parmi toutes les urgences en cours, et pour lutter contre le dérèglement climatique, très corrélé à notre utilisation des ressources naturelles, nous utilisons le temps parlementaire sous un angle qui peut paraître légèrement décalé, même si personne ne remet en cause ici la fusion des filières.

Il faut, c’est vrai, souligner l’utilité de faire contribuer les producteurs de déchets plutôt que les consommateurs, qui n’ont parfois pas d’autres solutions que de consommer des produits emballés, voire suremballés.

La loi Agec a entamé le travail en créant de nouvelles filières et en interdisant certains types d’emballages, et donc de nouveaux déchets.

Alors, fusionner les filières, pourquoi pas ? Il y a sans doute un enjeu de lisibilité, d’efficacité et d’économie sur les coûts de fonctionnement qui pose une vraie question : comment financer la collecte des déchets si ces deniers diminuent ? Un rapport de la Cour des comptes de septembre dernier pointe cet enjeu et rappelle également un argument de bon sens : le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas.

Le coût de la collecte, organisée par les collectivités qui en ont la compétence, augmente, notamment du fait de la hausse de l’énergie. Cette collecte est d’autant plus difficile à assumer que le soutien aux collectivités peine à se faire sentir. Dans de nombreuses intercommunalités, le ramassage des déchets se fait plus rare, faute de moyens ; cette dégradation et le surcoût du service sont supportés par les usagers. Le risque est que de nouvelles décharges sauvages finissent par apparaître, avec les conséquences pour notre environnement que l’on imagine.

Enfin, cette proposition de loi pose aussi la question de la presse, de son financement et de sa viabilité. L’enjeu du traitement des déchets concerne également ce secteur, dont j’ai bien noté qu’il représentait 20 % du tonnage papier. Néanmoins, le coût supplémentaire que cela représente, pour un objet qui n’est pas tout à fait comme les autres, mérite qu’on le questionne. C’est ce qu’avait fait l’Assemblée nationale, dont le travail a été reconsidéré ici pour préconiser des dispositions qui demeurent floues – elles renvoient à des décrets – et qui créent des situations particulières, sur lesquelles je ne m’étendrai pas.

Il eût été, à nos yeux, bien plus opportun d’associer le ministère de la culture à cette question.

M. Gérard Lahellec. Une vraie réforme doit être menée sur le sujet, mais la discussion ne peut avoir lieu uniquement sur la question de l’écocontribution ou de l’écomodulation.

Au fond, cette proposition de loi ne répondra pas aux enjeux, réels, que j’ai rappelés brièvement. Pour autant, elle ne conduit pas à dégrader davantage la situation. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi, qui est en réalité un texte voulu par le Gouvernement, a deux objets d’inégale importance.

Le premier de ces objets est la fusion de deux filières à responsabilité élargie du producteur, les REP d’emballages ménagers et de papier. Cette fusion est rendue souhaitable par l’harmonisation des modalités de collecte de ces deux types de déchets à l’échelle nationale depuis le 1er janvier 2023.

Ainsi, cette simplification administrative devrait faciliter la tâche des collectivités, qui pourront contractualiser avec un éco-organisme unique, via un contrat unique. Elle contribuera plus globalement à l’harmonisation de la collecte des déchets d’emballages et de papier sur l’ensemble du territoire national.

Cela a déjà été dit, mais je tiens tout de même à souligner que cette fusion intervient à un moment stratégique pour les filières concernées : celui de la mise en place envisagée de la consigne pour le recyclage des bouteilles plastiques, qui ne concernera pas, par définition, la filière des papiers graphiques ; et celui de l’expérimentation du « Oui pub », institué par la loi Climat et résilience, qui doit aboutir à la fin de 2024 et qui, elle, ne concernera pas la filière emballages ménagers.

Madame la secrétaire d’État, nous comptons sur votre vigilance pour que, dans ce contexte, la fusion ne perturbe pas le fonctionnement des filières.

J’en viens au second enjeu de la présente proposition de loi, à nos yeux le plus stratégique, celui qui concerne spécifiquement le secteur de la presse.

Jusqu’au 1er janvier dernier, les éditeurs de presse étaient exemptés d’écocontribution. Plus précisément, il leur était possible de s’en acquitter en nature, par la mise à disposition d’encarts publicitaires relatifs aux bons gestes de tri.

Mais la loi du 10 février 2020, transposant la directive Déchets de 2018, a mis un terme à ce régime dérogatoire en disposant qu’à partir du 1er janvier 2023, l’écocontribution versée par les éditeurs de presse devrait obligatoirement avoir un caractère financier.

Or chacun a bien conscience aujourd’hui que la presse écrite est en grande difficulté – tous les orateurs l’ont signalé. Je veux parler des difficultés structurelles liées à la fonte tendancielle du lectorat, aujourd’hui aggravées par l’impact de chocs conjoncturels que sont le quasi-doublement du prix du papier et l’envolée des prix de l’énergie.

Compte tenu de cette situation et de l’importance que revêt la presse, particulièrement dans nos territoires ruraux, il nous faut continuer de soutenir le secteur en l’exonérant d’écocontribution. Cela ne fait pas débat. Ce qui est moins consensuel, c’est de savoir comment !

La proposition du Gouvernement n’était pas acceptable pour les représentants des collectivités que nous sommes. En effet, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale sortait le secteur de la presse de toute REP pour continuer de l’exonérer sans être en contradiction avec la directive européenne.

Résultat : avec ce dispositif, c’est aux collectivités locales de payer puisque, évidemment, l’État ne propose aucune compensation. C’est pourquoi nous soutenons vivement la solution proposée par notre rapporteure, dont je salue au passage la qualité du travail. Elle prévoit d’intégrer pleinement la presse écrite dans la nouvelle REP fusionnée et de moduler son écocontribution en contrepartie d’encarts d’information sur le recyclage.

Cette solution est un modus vivendi qui ménage tous les intérêts : celui de la presse et des collectivités, bien sûr, mais aussi celui de l’environnement, car sortir de facto la presse de sa REP créerait, nous le savons tous, un dangereux précédent. Ce serait ouvrir une brèche dans toute la politique du recyclage. Demain, tout secteur en difficulté pourrait légitimement se prévaloir de la jurisprudence « presse papier » en échange d’encarts sur son packaging.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera le texte issu des travaux de notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.

Je tiens à saluer le travail remarquable de notre collègue Marta de Cidrac, qui a su trouver un subtil équilibre entre la nécessité, pour la France, de se conformer au droit européen, de préserver la situation, au demeurant très fragile, des éditeurs de presse et de protéger le service public de gestion des déchets, géré par les collectivités territoriales.

Le compromis auquel notre rapporteure est parvenue pour concilier ces enjeux en apparence contradictoires permet de protéger la presse sans l’exonérer pour autant des responsabilités qui lui incombent en tant que producteur de déchets.

Je précise que les collectivités territoriales, dont le Sénat est le représentant attentif, ne perdront rien à l’occasion de la mise en œuvre de cette réforme. Le manque à gagner lié au versement des primes, estimé entre 22 et 26 millions d’euros, sera en effet mutualisé entre l’ensemble des metteurs sur le marché relevant de cette nouvelle filière.

La proposition de loi de nos collègues députés était juridiquement contestable. Elle maintenait la presse dans un statut dérogatoire, permettant aux éditeurs de s’acquitter d’une prestation en nature, sous réserve qu’ils signent avec l’État une convention de partenariat prévoyant la mise à disposition gratuite d’encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la transition écologique.

Or, la loi Agec du 10 février 2020 avait prévu l’extinction de ce régime dérogatoire au 1er janvier 2023, la possibilité de contribuer en nature étant en contradiction avec la directive du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018.

Le dispositif retenu par notre rapporteure prévoit que les publications de presse seront effectivement soumises aux obligations liées à la responsabilité élargie des producteurs et, en particulier, à une contribution financière versée à un éco-organisme.

Toutefois, le montant de cette contribution pourra être modulé, la modulation prenant la forme d’une prime accordée par l’éco-organisme, dès lors que les produits relevant de la nouvelle REP fusionnée contribueront à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets.

Les tarifs appliqués aux éditeurs de presse tiendront compte également des performances environnementales de leurs produits, l’objectif étant, bien entendu, de favoriser les produits vertueux au détriment des produits difficiles à recycler.

Les critères de l’écomodulation devraient porter sur l’origine des matériaux utilisés lors de la conception, la recyclabilité des produits et la présence, après recyclage, de substances susceptibles de compromettre l’utilisation du matériau recyclé.

Nous l’aurons compris, la modulation vise tout autant à favoriser l’écoconception des produits qu’à améliorer leur réemploi ou leur recyclabilité.

Les livres, traditionnellement exemptés en raison de la fragilité économique du secteur, sont maintenus hors du champ de la filière REP. Je m’en réjouis à titre personnel : l’édition fait face à des difficultés conjoncturelles importantes, comme la forte hausse du prix du papier et des coûts d’impression ; elle ne résisterait pas à de nouvelles contraintes financières. En outre, cette exemption me semble aller de soi, le livre étant un produit durable qui se retrouve rarement dans les conteneurs de collecte.

Avec les améliorations apportées par Mme de Cidrac au texte initial, c’est tout le secteur de la presse papier, économiquement mis à l’épreuve depuis plusieurs années en raison de l’évolution des usages de lecture et de la concurrence des plateformes numériques, qui se reprend à espérer. N’oublions pas, mes chers collègues, ce que la vitalité de notre démocratie doit à la presse. La liberté de cette dernière, son pluralisme et son indépendance sont garantis par notre Constitution.

Il nous fallait trouver une solution respectueuse de nos engagements européens, soucieuse de l’avenir de la presse et protectrice du service public de gestion des déchets géré par les collectivités territoriales. Elle est présente dans le texte amendé par la commission. En conséquence, je lui accorde sans réserve mon soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Angèle Préville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre mode de vie entraîne une quantité toujours croissante de déchets. Leur gestion est très loin d’être parfaite et une part importante d’entre eux s’accumule dans l’environnement, allant des microplastiques, présents aussi bien dans les eaux de l’Arctique que dans les glaces au sommet de l’Everest, aux poubelles que nous enfouissons encore massivement dans nos territoires.

La grève des éboueurs a le mérite de nous montrer ce que nous ne voulons pas voir, ce à quoi nous ne pensons pas, à savoir cette quantité de déchets qui est le résultat de notre surconsommation et du tout-jetable. Ce n’est tout simplement plus supportable. Le maître mot reste d’abord, encore et toujours, de les réduire.

Il est urgent que tout le monde raisonne en termes de cycle de vie. Il faut que chacun assume sa part dans la gestion des déchets, aussi bien les metteurs sur le marché que les consommateurs, auxquels – il est vrai – on impose trop souvent certains modes de consommation générateurs de rebuts. Chacun doit être responsable.

Ce principe est celui du pollueur-payeur, acté dans la loi Agec. Cette loi d’économie circulaire aux objectifs ambitieux s’apparente à la quête du Graal… En effet, si la collecte s’améliore avec l’extension généralisée du geste de tri, le taux de recyclage stagne : seulement 24 % pour les plastiques. Les REP peinent à se mettre en place. On est donc très loin du compte. Tout le monde est en retard.

De plus, pour les collectivités qui gèrent la collecte des déchets, tout se complexifie avec l’explosion des coûts, notamment de l’énergie, avec la TGAP qui s’envole et un marché des matières fluctuant et instable. L’équation est très difficile à résoudre ; la solution – je le crains fort – finira par être l’augmentation constante des prix pour les citoyens.

Le problème est gigantesque. D’ailleurs, s’y est-on bien pris avec des filières REP fonctionnant par métiers plutôt que par matières ?

Cette proposition de loi vise à fusionner la filière REP emballages ménagers et la filière REP papier. La dissymétrie de volume et de valeur est grande : même si la presse ne représente que 20 % de la REP papier, est-il concevable de sortir un gisement de la filière alors que nous sommes en train de bâtir un dispositif qui englobe l’entièreté du cycle de vie de ce que nous produisons ? Est-ce que la notion même d’économie circulaire, pensée dans sa globalité, n’est pas en quelque sorte remise en cause ?

S’agissant de la presse, les situations sont bien différentes selon les titres. Si les petites diffusions peinent à trouver l’équilibre financier, ce n’est pas forcément le cas des autres, notamment dans la presse nationale. Est-ce que les conséquences de l’écocontribution peuvent fragiliser certains titres ? C’est là que nous entrons dans le dur face aux enjeux actuels d’écologie, d’économie et de démocratie.

Effectivement, les titres de presse engagés, militants et originaux qui font vivre notre démocratie en donnant d’autres points de vue sur le monde sont diffusés en petit nombre. Cette richesse doit être protégée, cultivée et garantie. Comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’homme, ce pluralisme est l’un des éléments constitutifs de la démocratie. Que l’État prenne ses responsabilités !

Cela dit, la compensation en nature par des encarts publicitaires, qui donne lieu à la réduction de l’écocontribution de la presse, représente un manque à gagner pour les collectivités. Ce n’est pas un petit sujet.

En outre, pour qu’elle ait un réel effet, il faut repenser et mieux encadrer cette pratique. En effet, les lecteurs ne doivent pas s’imaginer qu’il s’agit là d’une démarche volontaire ; ils doivent savoir que c’est la compensation d’une contribution financière dont le journal s’exonère.

En l’état, ces encarts ont-ils réellement un effet positif ? Leur contenu ne devrait-il pas être un tant soit peu contrôlé et, pourquoi pas, inspiré des rapports du Giec, dont le dernier a été rendu public hier ?

Le monde dans lequel nous vivons, celui du réchauffement climatique, de l’accumulation des déchets, de trop nombreuses pollutions diffuses et insidieuses, et de la diminution des ressources nous oblige. Le cap ambitieux et vertueux des « trois R » – réduction, réemploi, recyclage – doit absolument être maintenu en respectant scrupuleusement l’ordre de priorité.

Alors que nous entamons un chemin qui se veut plus vertueux, réaliste et responsable, mais qui demeure inabouti, peut-on adopter des mesures qui constitueraient des régressions environnementales ? Face à ces nombreuses questions, mon groupe fera le choix d’une abstention bienveillante.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Laugier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. Michel Laugier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’exprime devant vous au nom du groupe Union Centriste, mais également en ma qualité de rapporteur pour avis, au nom de la commission de la culture, du programme « Presse et médias ».

L’examen de cette proposition de loi issue de l’Assemblée nationale ne peut, sur le principe, que me satisfaire pleinement puisqu’elle reprend la recommandation n° 6 du rapport d’information Accompagner la rénovation de la presse quotidienne régionale, que j’ai présenté devant la commission de la culture et qui a été adopté à l’unanimité le 20 juillet dernier.

Quel était le sens de cette recommandation ? Je rappellerai quelques évidences, que je suis – hélas ! – conduit à marteler bien trop régulièrement.

La presse n’allait déjà pas très bien ces dernières années, avec des recettes divisées par huit depuis 2000 ; elle est désormais dans une position dramatique du fait des conséquences de l’inflation qui sont venues percuter de plein fouet le cœur de son modèle économique. En effet, avec l’explosion des prix du papier, des titres strictement à l’équilibre financier plongent désormais dans le rouge ; les autres reportent des investissements pourtant nécessaires.

Fort de ce constat, hélas ! toujours plus d’actualité, j’ai proposé plusieurs mesures d’accompagnement.

Je réfute, par ailleurs et par avance, tout procès en dépenses excessives. De fait, la presse aurait dû bénéficier d’un crédit d’impôt de 150 millions d’euros, qui a été presque sciemment complexifié avant d’être, finalement, annulé.

Je veux également mentionner les 500 millions d’euros d’amende infligés par l’Autorité de la concurrence en juillet 2021 à Google pour non-respect d’injonctions au titre de la rémunération des droits voisins : la presse n’a jamais autant rapporté au budget de l’État !

Dans ce contexte, il a paru à la commission de la culture que la fin, au 1er janvier 2023, du régime de compensation de l’écocontribution en nature à Citeo tombait plus que mal, et qu’il convenait de s’assurer que la presse ne soit pas frappée d’une nouvelle taxe d’une vingtaine de millions d’euros.

Notre collègue Marta de Cidrac a mené – je dois le reconnaître – un remarquable travail, tant juridique que politique, et je loue sa compréhension des enjeux relatifs non seulement à l’écologie, mais également à la presse.

En effet, elle s’est trouvée face à une équation cruelle : une fois admis que la presse ne devait pas payer, sur qui doit retomber la charge ?

Dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, le payeur est in fine la collectivité locale, qui a engagé de lourdes dépenses pour assurer la collecte et le recyclage des déchets et qui ne recevrait donc pas les sommes prévues.

Nous sommes dans cette chambre les représentants des élus locaux et les défenseurs d’une décentralisation souvent piétinée par des gouvernements toujours prêts à mener des politiques d’autant plus ambitieuses qu’elles se font aux frais du contribuable local. Dès lors, je comprends l’émotion suscitée par le texte de l’Assemblée nationale.

La solution proposée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable me paraît concilier nos deux lignes rouges : ni paiement pour la presse ni nouvelle charge pour les collectivités.

Dès lors, je m’inscris pleinement dans la logique de Marta de Cidrac et je souhaite que le Gouvernement soit s’engage à ce que le décret prévu exempte bien la presse, soit prenne à sa charge la facture finale.

Comme l’a indiqué tout à l’heure Stéphane Demilly, le groupe Union Centriste votera le texte issu des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, les auteurs de cette proposition de loi, comme cela a été indiqué, se fixent deux objectifs : d’une part, l’organisation de la fusion des filières REP papier, comprenant les producteurs de papier graphique, et REP emballages ménagers, d’autre part, un soutien indirect au secteur de la presse en prolongeant pour celui-ci la possibilité de payer son écocontribution non en numéraire, mais en nature, par la mise à disposition gratuite d’encarts publicitaires faisant la promotion de la transition écologique.

Concernant la fusion des deux filières REP, les parlementaires à l’initiative de la proposition de loi estiment qu’elle s’inscrit dans la logique de collecte simplifiée des déchets introduite par la loi Agec du 10 février 2020. Il n’y aurait désormais plus qu’une seule filière pour un seul bac jaune puisque tous les papiers graphiques et les emballages en carton ou en papier seraient collectés, triés et recyclés de manière commune.

Naturellement, ce dispositif de fusion peut paraître séduisant sur le papier. Pourtant, il n’a été réclamé par aucun acteur de l’une des deux filières, ni par les éco-organismes, ni par les collectivités, ni même par l’industrie papetière. Il a aussi été critiqué par de nombreuses associations d’élus qui considèrent qu’il représente une atteinte, voire une menace à la mise en place par les collectivités de la filière REP.

Cette crainte porte sur une nouvelle hausse des coûts supportés par les collectivités et sur un manque de contrôle du respect des objectifs environnementaux de ces filières. En effet, la fusion risque d’entraîner une baisse de la participation à la prise en charge des frais fixes spécifiques à la filière papier. Dans le contexte actuel d’explosion des coûts du service public de gestion des déchets, de la hausse future de la TGAP ou encore des coûts de l’énergie, les acteurs mettent en garde contre une nouvelle remise en cause des soutiens perçus par les collectivités pour les investissements qu’elles ont dû consentir afin d’améliorer, notamment, le tri spécifique des déchets de la filière papier.

Dès lors, cela risque d’entraîner un alourdissement des charges financières des collectivités puisqu’elles devront continuer à couvrir des frais fixes. Le contribuable devra-t-il payer, à la fin de la chaîne, l’addition ? Pour leur part, les élus, notamment communaux, s’inquiètent du risque de déstabilisation de l’organisation des éco-organismes et de la future disparition de la filière papier, entraînant de nouvelles pertes.

La fusion des deux filières soulève aussi des questions concernant le suivi des objectifs environnementaux : ils ne sont pas identiques de chaque côté et accusent déjà du retard. Est-il opportun de créer de l’incertitude en opérant cette fusion alors que de nouveaux objectifs ne sont pas clairement définis ?

Le dernier point qui nous interroge concerne la faisabilité rapide de la fusion. Cette dernière devrait intervenir en 2024 avec, d’ici là, la publication d’un nouveau cahier des charges et le déploiement de la procédure d’agrément des acteurs autorisés à intervenir dans la nouvelle REP. Pour l’instant, seul l’un d’entre eux, en l’occurrence Citeo, bénéficie en 2023 de l’agrément pour les emballages ménagers et le papier.

Concernant la prolongation de l’exemption de participation à la filière REP emballages ménagers et REP papier accordée à la presse, je rappelle que, depuis le 1er janvier 2019, toute personne physique ou morale qui fabrique, importe ou introduit sur le marché des produits manufacturés non recyclables est soumise à une écocontribution.

Comme tous les autres écocontributeurs, la presse devait ainsi participer au financement de la collecte, du tri et du recyclage. Compte tenu de la fragilité, invoquée ici et là, du modèle économique de la presse papier, il avait été décidé à l’époque que les éditeurs concernés pourraient bénéficier d’un régime spécifique. Ainsi, il leur serait possible de choisir de régler leur écocontribution en numéraire ou bien en nature, c’est-à-dire sous forme d’encarts publicitaires faisant la promotion de la transition écologique.

Or la loi Agec tendait, à partir du 1er janvier 2023, à la suppression de ce régime particulier et à un alignement du mode d’écocontribution sur les autres secteurs. La crise de la presse, qui n’en finit pas, n’est pas une surprise : chaque année, depuis vingt ans, nous en parlons ici et là, du fait de la conjonction de la perte continue et générale de lecteurs et de l’augmentation réelle des coûts du papier, de la distribution, du transport et de la fabrication.

Dans ce contexte, les auteurs de la proposition de loi envisagent à l’article 2 de proroger la date de la fin de cette exonération de contribution financière. En échange, ils prévoient que l’État et le secteur de la presse signent une convention de partenariat.

Dans ce cadre, les collectivités territoriales devront être consultées, ce qui semble pour le moins être le minimum étant donné qu’elles supportent les frais financiers liés aux investissements REP.

Pourtant, cette nouvelle esquive visant à éviter que l’écocontribution concerne la presse interroge.

Est-il sain qu’un secteur fasse l’objet d’un dispositif d’exemption dans le champ d’application des REP ? Cela tend à déresponsabiliser les éditeurs de presse quant au financement de la collecte provoquée par leurs activités.

N’est-ce pas aussi un mauvais signal envoyé à diverses autres filières ? En effet, bien d’autres secteurs d’activité subissent la crise ; je pense notamment au BTP, dont l’activité est menacée par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt. Dès lors, chaque filière pourrait, à bon droit, demander un examen de sa situation particulière au regard de sa part de financement au titre de la REP.

Voilà ce qu’il en est des réserves que je pourrais émettre. Elles me poussent, en dépit du travail minutieux de notre rapporteure, à ne pas pouvoir voter, en l’état, ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier
Après l’article 1er

Article 1er

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 541-10-1 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Les emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages, y compris ceux susceptibles de l’être et ceux consommés hors foyer, les imprimés papiers, à l’exception des livres, émis, y compris à titre gratuit, par des donneurs d’ordre ou pour leur compte et les papiers à usage graphique, à destination des utilisateurs finaux qui produisent des déchets ménagers et assimilés ; »

b) Le 3° est abrogé ;

2° L’article L. 541-10-18 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa du III, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° » ;

b) (Supprimé)

c) (nouveau) Il est ajouté un VII ainsi rédigé :

« VII. – La modulation des contributions financières versées par les producteurs dont les produits sont soumis au régime de responsabilité élargie du producteur en application du 1° de l’article L. 541-10-1 prend la forme d’une prime accordée par les éco-organismes agréés lorsque ces produits contribuent à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information, sous réserve que ces produits respectent par ailleurs des critères de performance environnementale.

« Les modalités de mise à disposition gratuite des encarts d’information, leurs caractéristiques techniques et les critères de performance environnementale mentionnés au premier alinéa du présent VII sont définis par décret. » ;

3° L’article L. 541-10-19 est abrogé ;

4° Au second alinéa de l’article L. 541-10- 25, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° ».

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Houllegatte, Mme Préville et M. Gillé, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 541-10-19 du code de l’environnement est ainsi rédigé :

« Art. L. 541-10-19. – Il peut être autorisé, par une convention signée entre une collectivité compétente au titre des articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, un éco-organisme agréé pour la filière à responsabilité élargie du producteur des papiers graphiques et une publication de presse, au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, soumise au régime de responsabilité élargie du producteur, de substituer tout ou partie du versement de sa contribution à la prévention et la gestion de ses déchets par une prestation en nature.

« Cette prestation prend la forme d’encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur le geste de tri et le recyclage des papiers graphiques et des autres déchets.

« La convention de partenariat mentionnée au premier alinéa du présent article détermine, notamment, la manière dont est appréciée l’équivalence entre la valeur financière de cette prestation en nature par rapport à la contribution normalement due en application de l’article L. 541-10- 2 du présent code.

« Un décret précise les modalités d’application du présent article. Il fixe, notamment, les modalités dont les publications de presse justifient du respect de leurs obligations au titre de la responsabilité élargie du producteur dans le cadre du présent article et les modalités de contrôle. »

La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Par cet amendement, nous proposons une nouvelle rédaction de l’article 1er.

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je suis très attaché au maintien de la presse dans le champ de la filière REP. J’ai parfaitement conscience des difficultés de ce secteur, qui traverse une crise conjoncturelle et structurelle. Toutefois, je considère qu’il est impensable de remettre en cause le principe pollueur-payeur inhérent aux filières REP, dont l’importance est plus que jamais criante à l’heure de la crise environnementale que nous traversons et de la nécessité d’engager l’ensemble de notre système de production et de consommation dans la voie de la sobriété et de l’économie circulaire.

À ce titre, tout le monde doit participer à l’effort collectif et aucun passe-droit ne doit être accordé. De plus, je reste convaincu qu’exempter un secteur du fait de ses difficultés économiques créerait un précédent ; beaucoup d’autres pourraient réclamer un traitement similaire, ce qui, à l’image du château de cartes qui s’écroule, mettrait à mal tout le système.

Néanmoins, afin de tenir compte de la situation particulière de la presse, le présent amendement vise à maintenir l’autorisation des contributions en nature, sous la forme d’encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur le geste de tri et sur le recyclage des papiers graphiques et autres déchets.

Ce dispositif se matérialiserait sous la forme d’une convention signée et donc négociée par les trois parties prenantes, à savoir l’éco-organisme agréé, les collectivités territoriales et les entreprises concernées. C’est une solution de compromis qui nous paraît acceptable, allant dans le sens de l’intérêt général.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Cher collègue, sur la forme, votre amendement n’est pas tout à fait compatible avec le droit européen. En effet, il a explicitement pour objet que la presse contribue en nature à la REP, ce qui n’est pas conforme à la directive Déchets de 2018, laquelle dispose que les metteurs sur le marché doivent contribuer financièrement à la filière à laquelle ils appartiennent.

Toutefois, sur le fond, cet amendement est pleinement satisfait par la solution proposée par la commission, qui – je le rappelle – maintient la presse au sein de la REP et lui permet de bénéficier de primes en contrepartie de la mise à disposition d’encarts. Ces primes pourront de facto conduire à l’annulation de sa contribution financière.

En pratique, pour les collectivités territoriales et la presse, le résultat est le même que celui auquel aboutirait l’adoption de votre amendement. Pour cette raison, je vous demanderai de le retirer ; sinon, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur Bigot, vous proposez de maintenir la presse dans le champ de la filière REP papier tout en lui permettant de contribuer en nature. Vous vous êtes dit attaché au principe pollueur-payeur : nous le sommes aussi. À ce titre, si nous avons proposé de sortir la presse de la REP, c’est précisément pour qu’elle puisse continuer à contribuer en nature. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, le droit européen impose une contribution financière à cette filière ; aussi, celle que vous proposez, en nature, n’est pas compatible avec le cadre juridique.

Mon avis sera donc identique : retrait, ou avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Bigot, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?

M. Joël Bigot. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Requier, Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

, à l’exception des livres,

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Sont exemptés de cette obligation les publications de presse, au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, qui participent à la convention mentionnée à l’article L. 541-10-19 du présent code, et les livres.

II. – Alinéas 6 à 12

Remplacer ces alinéas par onze alinéas ainsi rédigés :

2° Le III de l’article L. 541-10-18 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° » ;

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les contributions financières versées par les producteurs d’emballages ménagers aux éco-organismes au titre du 1° de l’article L. 541-10-1 couvrent exclusivement les coûts de gestion des déchets issus des emballages ménagers relevant du champ de la responsabilité élargie des producteurs en application du même article L. 541-10-1.

« Les contributions financières versées par les producteurs d’imprimés papiers et de papiers à usage graphique aux éco-organismes au titre du 1° dudit article L. 541-10-1 couvrent exclusivement les coûts de gestion des déchets issus des imprimés papiers et des papiers à usage graphique relevant du champ de la responsabilité élargie des producteurs en application du même article L. 541-10-1. » ;

3° L’article L. 541-10-19 est ainsi rédigé :

« Art. L. 541-10-19. – Une convention de partenariat est conclue, pour une durée de trois ans renouvelable sans limitation, entre l’État et les organisations professionnelles d’entreprises de presse représentatives. Cette convention détermine les conditions dans lesquelles les publications de presse, au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, mettent gratuitement à disposition des encarts destinés à informer le public exclusivement sur le tri des déchets, l’économie circulaire et la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité. Le contenu de ces communications est établi en concertation avec les parties prenantes.

« La convention de partenariat est établie après consultation des collectivités territoriales. Cette convention précise notamment les conditions dans lesquelles la majorité des encarts mis gratuitement à disposition peut être utilisée par les collectivités territoriales, par les établissements publics de coopération intercommunale, par les structures à but non lucratif chargées de gérer, pour le compte des producteurs, la fin de vie de leurs produits dans le cadre des actions de communication inter-filières mentionnées à l’article L. 541-10-2-1 du présent code et par les associations agréées pour la protection de l’environnement.

« La convention de partenariat définit des critères de performance environnementale que les publications s’engagent à respecter. Ces critères portent notamment sur l’écoconception des publications de presse, la teneur minimale en fibres recyclées afin de garantir un taux élevé de recyclage et l’élimination de l’usage des huiles minérales dans les encres d’impression. Ces critères ne peuvent être moins exigeants d’un point de vue écologique que ceux, définis en application du présent article dans sa rédaction antérieure à la loi n° du portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique, en vigueur jusqu’au 1er janvier 2023 pour les contributions en nature.

« Les organisations mentionnées au premier alinéa estiment annuellement la valeur et le nombre des encarts publicitaires mis gratuitement à disposition en application du même premier alinéa. Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale sont informés de ces estimations.

« Un décret précise les modalités d’application du présent article. » ;

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Nous proposons par cet amendement de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Il ne s’agit pas d’exonérer la presse de toute responsabilité environnementale et de toute contribution à la prévention des déchets : cette dernière continuerait à s’appliquer en nature.

Le système de modulation et de mutualisation introduit par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat demeure juridiquement fragile. Accorder une prime à la presse au titre de la REP en raison de la mise à disposition d’encarts ou du respect de certains critères de performance environnementale revient à maintenir une contribution en nature, en méconnaissance de la directive européenne du 30 mai 2018, qui a posé des exigences générales minimales applicables à la filière.

Accorder une prime est non seulement inéquitable pour les autres metteurs sur le marché soumis à la REP, mais cela revient aussi à méconnaître « l’égalité de traitement des producteurs », selon les termes de l’article 8 bis de cette directive.

La France est le seul pays européen à avoir instauré une REP sur les papiers graphiques, sans pour autant se révéler plus performante que d’autres pays qui ne l’ont pas instaurée. Un rapport d’information de l’Assemblée nationale publié en 2013 explique les raisons du faible taux de performance du recyclage en France et de son coût de traitement plus important par « la nature de la matière première […] qui n’a jamais été considérée comme un véritable déchet » et par la « collecte, généralisée depuis le début des années 1990, en mélange avec les emballages ménagers ».

En guise de dernière remarque, je constate que la commission de la culture n’a pas été saisie pour avis, à l’inverse de celle de l’Assemblée nationale, qui l’a été.

Ce qui compte, mes chers collègues, ce n’est pas de faire contribuer tel ou tel secteur ; c’est d’améliorer le taux de performance dans le recyclage du papier. Aussi, l’intégration de la presse dans la REP papier nous semble juridiquement fragile, sans que cela garantisse un meilleur recyclage.

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Préville, M. Magner et Mmes Van Heghe et Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les publications de presse au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse dont le nombre de diffusions à l’exemplaire en France est inférieur à 150 000 n’acquittent cette obligation que par des prestations en nature.

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. J’ai souhaité prendre la parole parce que je suis extrêmement partagée et – je dois vous l’avouer – un peu mal à l’aise. En effet, nous faisons face, au travers de ce débat, à un dilemme un peu ardu entre, d’un côté, la presse luttant pour sa survie, de l’autre, les collectivités territoriales et la préservation de l’environnement.

La France est un des seuls pays à avoir intégré la presse à la filière REP. Cette posture est extrêmement vertueuse, mais lourde de conséquences pour un secteur semblable à aucun autre, au croisement entre économie et démocratie. De fait, comme l’ont dit beaucoup de nos collègues, la presse joue un rôle démocratique absolument essentiel au travers de sa liberté, de son indépendance et de son pluralisme.

Vous me voyez bien embêtée ; je manque de cette expertise que j’aurais pu acquérir de débats croisés entre la commission de la culture et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je me trouve ainsi un peu acculée au moment de définir ma position.

Étant extrêmement attachée au principe pollueur-payeur, je considère que l’idéal aurait été que nous maintenions la presse dans la REP et que l’État compense le manque à gagner de 20 millions d’euros aux collectivités territoriales.

Pour reprendre ce qu’a déclaré Michel Laugier par rapport au crédit d’impôt qui avait été envisagé, ces 20 millions d’euros ne représentent pas grand-chose. Cette option aurait été, pour moi, celle à privilégier.

Que faire ? Sans vouloir répéter les propos tenus, il faut maintenir la presse dans la REP. Je ne suis ni convaincue ni rassurée par la proposition de la rapporteure, même si un grand nombre de facteurs ont été pris en compte ; à ce titre, je salue cette position d’équilibre, malgré sa fragilité.

Dès lors, par mon amendement, je souhaite soumettre à la seule contribution en nature…

Mme la présidente. Ma chère collègue, vous avez dépassé votre temps de parole de trente-cinq secondes ; je dois donc vous interrompre.

L’amendement n° 2, présenté par M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Préville, M. Kanner, Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

II. – Après l’alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les contributions financières versées par les producteurs d’emballages ménagers aux éco-organismes au titre du 1° de l’article L. 541-10-1 couvrent exclusivement les coûts de gestion des déchets issus des emballages ménagers relevant du champ de la responsabilité élargie des producteurs en application du même article L. 541-10- 1.

« Les contributions financières versées par les producteurs d’imprimés papiers et de papiers à usage graphique aux éco-organismes au titre du 1° dudit article L. 541-10-1 couvrent exclusivement les coûts de gestion des déchets issus des imprimés papiers et des papiers à usage graphique relevant du champ de la responsabilité élargie des producteurs en application du même article L. 541-10-1. » ;

La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Par cet amendement, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposent de réintroduire le principe de non-mutualisation des coûts entre les deux filières REP, à savoir emballages ménagers et papier, supprimé en commission par la rapporteure.

Il s’agit de prendre en compte les spécificités de ces deux filières ainsi que la différence importante de leur poids financier. En effet, l’écocontribution versée par les producteurs et distributeurs d’emballages ménagers serait de l’ordre de 900 millions d’euros par an, soit dix fois plus que l’écocontribution de la filière des papiers graphiques, qui varie entre 70 millions et 90 millions d’euros par an.

La rapporteure a supprimé cette disposition en commission au motif qu’elle reviendrait à limiter les possibilités de synergie financière entre les emballages et les papiers graphiques, mais aussi au nom de la simplification.

Au contraire, pour les sénateurs de notre groupe, il semble important, ne serait-ce que dans un premier temps, de maintenir cette différence pour s’assurer qu’aucune filière ne puisse pâtir de ce déséquilibre important et pour être certain, par là même, que le principe pollueur-payeur est bien respecté.

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Houllegatte, Mme Préville et M. Gillé, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Remplacer les mots :

versées par les producteurs

par les mots :

des publications de presse, au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, qui participent à la convention mentionnée à l’article L. 541-10- 19 du présent code

La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Il s’agit d’un amendement à la fois de repli et d’appel, soulevant des problèmes juridiques dont nous avons parfaitement conscience. En effet, il vise à restreindre la possibilité de procéder à des écomodulations au seul secteur de la presse écrite.

Nous avons conscience du risque d’inconstitutionnalité de cet amendement, qui introduirait potentiellement une rupture d’égalité devant la loi. Toutefois, rien ne garantit que le Conseil constitutionnel, s’il venait à être saisi, rendrait une telle décision ; préciser la volonté du législateur est donc nécessaire.

En effet, en ouvrant la possibilité à tous les metteurs sur le marché de bénéficier de cette écomodulation, nous craignons que le dispositif envisagé par la rapporteure n’ouvre une brèche dans laquelle pourraient s’engouffrer de nombreuses filières soucieuses de diminuer au maximum le montant de leur contribution financière.

Si nous avons bien compris que ce n’est nullement l’objectif de la rapporteure, nous estimons néanmoins que renvoyer à un décret le soin de déterminer les conditions qui permettront de bénéficier de ces écomodulations fait courir un risque bien trop grand. Nous considérons que c’est potentiellement l’avenir de la REP qui est en jeu.

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Fernique, Dantec, Benarroche, Breuiller, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Ces critères portent notamment sur l’écoconception, l’incorporation de matière recyclée et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées. Dès lors qu’ils portent sur des publications de presse, au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, ces critères ne peuvent être moins exigeants au niveau environnemental que ceux définis en application de l’article L. 541-10-19 dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Jusqu’au 1er janvier dernier, pour bénéficier des contributions en nature dans le cadre de la filière REP, les éditeurs de presse devaient respecter de stricts critères environnementaux, notamment en matière d’incorporation de fibres de papier recyclées.

Si l’article 1er de la proposition de loi, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, dispose que la prime accordée par les éco-organismes est conditionnée au respect de « critères de performance environnementale », il ne précise pas lesquels. Leur définition est renvoyée à un futur décret, en lien avec l’article L. 541-10-1, d’une portée très générale, du code de l’environnement.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires considère qu’il est important de préciser la nature des critères qui seront applicables spécifiquement aux publications de presse, car nous savons bien que ce sont ces dernières qui bénéficieront de l’écomodulation sous forme de prime.

Nous proposons donc d’indiquer que ces critères comprennent l’écoconception, l’incorporation de matières recyclées et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou la teneur en fibres recyclées. C’est d’ailleurs ce que visait le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Notre amendement tend aussi, ce qui est à notre sens le plus important, à garantir qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que les critères que la presse devait respecter dans le régime antérieur seront, au minimum, strictement maintenus.

En conclusion, je pense que cette proposition permet d’améliorer le dispositif en arrêtant des garanties environnementales claires.

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Anglars, Calvet, Panunzi, Cadec et Rietmann, Mmes Gosselin et Micouleau, M. Somon, Mmes Bonfanti-Dossat et Chauvin, MM. Milon, Burgoa, Mandelli, Saury et Sido, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mmes Belrhiti, Demas, Ventalon, Dumont et Lassarade, MM. B. Fournier, Klinger et Bonnus et Mme Gruny, est ainsi libellé :

I. –Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette prime est mise en œuvre de manière à ce qu’elle n’entraîne pas d’augmentation de la contribution payée par les autres contributeurs de la filière.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. La presse de notre pays est en souffrance, comme en témoigne la baisse du nombre de tirages. Je peux comprendre que des mesures spécifiques soient prises pour elle, mais l’industrie du papier graphique souffre tout autant. Demander à cette industrie de compenser la contribution financière dont la presse devrait s’acquitter, c’est envoyer un mauvais signal.

Cet amendement vise à éviter que la filière papier, et notamment le secteur des papiers graphiques, ne connaisse de plus grandes difficultés.

L’État est clairement pris en défaut : il prend des mesures qu’il n’assume pas, ce qui fragilise la filière papier de notre pays.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. L’amendement n° 7 rectifié de M. Requier, présenté par M. Fialaire, vise à permettre à la presse d’éviter la contribution financière à la REP. Nous ne pouvons qu’être d’accord sur le fond, dans la mesure où nous partageons cet objectif. Cet amendement est donc protecteur pour la presse, au même titre que le texte de la commission.

Toutefois, il est une différence majeure entre le dispositif que tend à prévoir cet amendement et l’article 1er, tel qu’il résulte des travaux de la commission. Cet article protège le service public de gestion des déchets, il est important de le rappeler, car il préserve la filière REP. En effet, sortir la presse du champ de la REP est contraire à l’intérêt de nos collectivités territoriales, pour toutes les raisons que j’ai exposées dans mon propos liminaire, et à leur politique de prévention et de gestion des déchets.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 7 rectifié.

Madame Robert, je comprends vos interrogations. Toutefois, comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, si la solution que nous avons retenue n’est pas parfaite, elle a le mérite d’être la moins mauvaise de toutes celles qui ont été avancées.

Sur le fond, votre amendement est donc satisfait par le texte de la commission, qui maintient la presse au sein de la REP et qui la fait bénéficier de primes en contrepartie de la mise à disposition d’encarts. Ces primes pourront de facto conduire à l’annulation de sa contribution financière dès lors qu’elles seront valorisées à hauteur de l’écocontribution due. Les publications de moins de 150 000 tirages visées par l’amendement pourront bien évidemment bénéficier de ce dispositif, ce qui répond à votre préoccupation.

Sur la forme, les dispositions que tend à introduire votre amendement, à l’instar de l’amendement n° 1 de M. Bigot, ne sont pas conformes au droit européen.

Pour toutes ces raisons, madame Robert, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement n° 6 ; à défaut, je serai au regret d’émettre un avis défavorable.

L’amendement n° 2 de M. Bigot tend à prévoir la non-mutualisation des coûts au sein de la REP fusionnée. Cette disposition est inopportune en ce qu’elle limite la portée de la fusion en empêchant les synergies financières entre les filières emballages ménagers et papiers graphiques.

En outre, la rédaction proposée est en contradiction avec l’article L. 541-10-2 du code de l’environnement, selon lequel les coûts supportés par la REP vont au-delà des seuls coûts de gestion des déchets.

Pour ces raisons, la commission est donc également défavorable à cet amendement.

Monsieur Bigot, votre amendement n° 3 tend à limiter explicitement les écomodulations au seul secteur de la presse. Cette disposition présente des risques d’inconstitutionnalité, comme vous le soulignez vous-même dans l’objet de votre amendement. En pratique, le pouvoir réglementaire pourra cibler la presse via des critères objectifs.

Je vous demanderai donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement n° 5 rectifié de notre collègue Jacques Fernique tend à préciser des critères de performance environnementale intéressants. Toute précision dans un texte de ce type est bonne à prendre et permet d’ouvrir des droits aux écomodulations au titre de l’article 1er. La commission y est favorable.

Monsieur Gremillet, j’entends parfaitement vos inquiétudes. Toutefois, comme l’ont déjà souligné la plupart de nos collègues qui se sont exprimés, ce texte nous place face à des nécessités contradictoires : d’un côté, il nous faut prendre en considération les difficultés des collectivités territoriales et de la presse, que nous avons entendues ; de l’autre, prendre en compte la question environnementale, c’est-à-dire la préservation de nos REP.

Les écomodulations, qu’elles prennent la forme de bonus ou de malus, sont compensées par la filière REP elle-même. En pratique, une prime peut être compensée au sein de celle-ci via une hausse soit du malus soit de l’écocontribution de base.

Dès lors, vous comprendrez que je ne puisse être favorable à votre amendement n° 8 rectifié, qui, s’il était adopté, se heurterait au fonctionnement de l’ensemble de la REP.

J’estime que la proposition de loi permet de répondre favorablement aux préoccupations très claires que vous avez exprimées sur le devenir des entreprises de l’industrie papetière. En effet, la fusion des filières REP devrait permettre des synergies financières entre emballages ménagers et papiers graphiques.

L’inquiétude que vous avez soulevée est légitime, mon cher collègue, mais je reste convaincue que la solution que nous proposons permettra de répondre au mieux à vos préoccupations. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat. Monsieur Fialaire, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 7 rectifié de M. Requier, que vous avez présenté.

Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, le dispositif que vous proposez a ma préférence, et ce pour deux raisons principales.

Premièrement, votre proposition est juridiquement plus robuste que celle de la commission, dont les fragilités juridiques pourraient être contre-productives si le dispositif venait à être annulé. Nous nous retrouverions alors sans solution pour le secteur de la presse, alors même qu’il s’agit de notre préoccupation principale.

Deuxièmement, votre proposition est plus écologique et donc plus souhaitable. La rédaction adoptée en commission permettrait aux producteurs de bénéficier d’un bonus s’ils mettaient des encarts à disposition sur leurs emballages. Or ce dispositif risquerait de les inciter à augmenter la taille de ces mêmes emballages, ce que la loi Agec cherche justement à combattre.

J’émettrai un avis favorable sur l’amendement du sénateur Fernique si l’amendement n° 7 rectifié, qui a la préférence du Gouvernement, n’est pas adopté.

Madame la sénatrice Robert, vous proposez d’introduire un seuil de 150 000 exemplaires par an, ce qui pose problème au regard non seulement du droit européen, qui prévoit des contributions financières systématiques, mais aussi de l’équité, dans la mesure où vous établissez une différence de traitement selon le nombre de tirages. Ce dernier élément me semble juridiquement très fragile.

Monsieur Bigot, vous proposez de réintroduire la cloison financière entre la filière des emballages ménagers et celle des papiers, votée par l’Assemblée nationale dans le cadre d’un dispositif de conventions de partenariat pour la presse.

La commission du Sénat a opté pour un autre dispositif de responsabilité de la presse, qui revient à faire compenser ses bonus par les filières emballages ménagers et papier.

J’ai déjà souligné les risques juridiques du dispositif adopté en commission. Toutefois, dès lors que le Sénat a choisi d’emprunter cette voie, je ne peux qu’être défavorable à l’instauration d’une cloison financière qui conduirait, en pratique, à ce que la compensation des bonus de la presse repose uniquement sur les papiers vierges et les prospectus. Par ailleurs, je doute que la filière papier ait les capacités d’endosser un tel coût.

Votre second amendement, monsieur Bigot, vise à restreindre au seul secteur de la presse le bénéfice d’une prime lorsque les publications contribuent à une information du public d’intérêt général. J’y suis également défavorable, au nom du principe d’équité.

Monsieur Gremillet, vous voulez éviter que le bonus d’écocontribution ouvert avec la contribution en nature ne soit compensé par les autres producteurs de la filière. Vous proposez donc que l’État compense le manque à gagner.

À plusieurs reprises, vous avez insisté sur le principe pollueur-payeur. En l’occurrence, l’État n’étant pas le pollueur, cette contribution ne doit pas être à sa charge.

C’est la raison pour laquelle nous avons proposé une contribution en nature qui permette aux collectivités de communiquer sur les bienfaits de la préservation de l’eau, de la biodiversité et sur toute action en faveur de l’écologie. C’était tout du moins la solution issue des travaux de l’Assemblée nationale et soutenue par le Gouvernement.

Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. Je tiens tout d’abord à saluer le remarquable travail de notre rapporteure, Marta de Cidrac, très engagée sur les sujets de l’écologie et de l’économie circulaire. Elle est souvent pour beaucoup d’entre nous une sorte de vigie, un phare à la lumière verte… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je salue l’attention qu’elle a portée au manque à gagner pour le service public de gestion des déchets. Plusieurs orateurs ont souligné la hausse des charges induites par l’augmentation des prix de l’énergie et celle de la TGAP.

Madame la secrétaire d’État, nous avons déjà eu l’occasion d’en discuter. Je souhaite de nouveau relayer l’incompréhension des élus locaux face à la trajectoire d’inflation exponentielle de la TGAP alors que les mesures promises, notamment en ce qui concerne la responsabilité élargie des producteurs, n’ont pas été mises en place.

Vous ne souhaitez pas que l’État mette la main à la poche et prenne en charge cette contribution. Notre excellent collègue Gremillet proposait, par son amendement, de compenser les pertes de recettes pour le service public des déchets par une majoration de la DGF.

Une telle proposition est de nature à inquiéter les élus locaux, qui savent ce qu’il advient souvent des compensations. Toutefois, madame la secrétaire d’État, au regard des dizaines de millions d’euros que rapporte la TGAP, dont le produit est non plus affecté, mais directement versé au budget de l’État, il doit être possible à Bercy de trouver un mécanisme de compensation, quitte à baisser les taux, pour compenser le manque à gagner de 20 millions d’euros ! N’y aurait-il pas là une piste à explorer ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. La commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est penchée à deux reprises sur cette question.

D’abord, l’été dernier, dans le cadre d’une mission d’information conduite par Michel Laugier sur les difficultés de la presse, en particulier de la presse quotidienne régionale (PQR), nous avons fait un point de situation après la crise sanitaire, alors que le secteur fait face à une augmentation des coûts. Dans son rapport, adopté à l’unanimité par la commission, Michel Laugier alertait très clairement sur ces difficultés et incitait à ne pas renchérir les coûts de fabrication de la presse en adoptant la disposition dont nous parlons aujourd’hui.

Ensuite, quelques mois plus tard, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, nous attirions de nouveau l’attention du Gouvernement sur cette question.

Je crois pouvoir dire que les alertes de Michel Laugier ont été quelque peu à l’origine de la proposition de loi de nos collègues députés.

Nous avons indiqué qu’il ne fallait pas que la presse ait à supporter de surcoût financier. Pour autant, cela ne signifie pas dire qu’elle ne doit pas participer à la transition écologique – le secteur ne demande d’ailleurs pas à en être exempté. Comme tout acteur, elle doit assumer ses responsabilités.

La commission du développement durable me semble être parvenue à un bon point d’équilibre en proposant une contribution en nature plutôt qu’une compensation financière.

Si je devais avancer un dernier argument, madame la secrétaire d’État, c’est auprès de vous que je le trouverais : vous disiez, lors de l’ouverture des seizièmes Assises des déchets à l’automne dernier, que la transformation de notre modèle devait passer par l’implication de tous. Eh bien tous, c’est vraiment tous !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, de la commission du développement durable et, l’autre, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 256 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 50
Contre 289

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote sur l’amendement n° 8 rectifié.

M. Daniel Gremillet. Madame la secrétaire d’État, je trouve vos propos peu glorieux. Je n’oppose pas la presse, les collectivités territoriales et les entreprises. Je souhaite aussi que les entreprises restent dans nos territoires.

Vous savez pertinemment que le secteur de la papeterie, notamment graphique, est en grande difficulté dans notre pays. Lui faire supporter ce que d’autres devraient prendre en charge, c’est le fragiliser encore plus.

J’ai bien entendu les propos de notre rapporteure et je vais lui faire confiance en retirant mon amendement. Mais je le fais avec beaucoup de regret, car ce sont autant d’emplois menacés par les importations de papier graphique.

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat. Monsieur Daniel Gremillet, je vous confirme que je ne soutiens pas la proposition de Mme la rapporteure de faire peser sur les autres acteurs de la filière emballages ménagers et papier la contribution de 20 millions d’euros due par la presse.

Si nous laissions la presse dans le champ de la filière REP, il faudrait trouver une contribution ailleurs. Or vous ne souhaitez pas que les collectivités prennent en charge cette contribution ; vous ne souhaitez pas non plus la contribution en nature offerte aux collectivités ; nous ne souhaitons pas que cette contribution soit à la charge de l’État.

Il est donc proposé de sortir la presse du champ de la filière REP. Nous soutenons cette proposition, qui a été faite par les députés, mais telle n’est pas la proposition soutenue par Mme la rapporteure ici, au Sénat.

Quoi qu’il en soit, vous ne m’avez pas entendu dire que les autres acteurs de la filière REP emballages ménagers et papier paieraient les 20 millions d’euros manquants.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 4

Après l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Préville, M. Kanner, Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 1er
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Article 2

Dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en place d’un dispositif de prise en charge financière par l’État des éco-contributions financières dont devraient s’acquitter normalement les publications de presse au titre du principe de responsabilité élargie du producteur en application du premier alinéa du I de l’article L. 541-10 du code de l’environnement.

Ce rapport dresse un bilan de l’état financier du secteur de la presse écrite, estime le montant de l’éco-contribution dont ce secteur aurait dû s’acquitter à compter du 1er janvier 2023, et propose en conséquence un dispositif pour que cette somme soit prise en charge par l’État et versée effectivement à l’éco-organisme agréé de la filière à responsabilité élargie des producteurs concernée.

La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Par cet amendement, nous souhaitons mettre le Gouvernement face à ses responsabilités, en lui demandant concrètement de mettre en place un dispositif de soutien particulier à la presse écrite, sans pour autant remettre en cause le principe pollueur-payeur, auquel le groupe socialiste est attaché.

Au travers de cette proposition de loi, le Gouvernement a fait le choix de la facilité en excluant la presse du champ de la filière REP, sans prévoir en contrepartie un dispositif de compensation financière du manque à gagner qui en résultera pour la filière.

Il décide par là même de se dédire, en revenant sur les dispositions de la loi Agec, qu’il a lui-même portée et qui prévoyait la fin du régime dérogatoire de la presse écrite au 1er janvier 2023.

Madame la secrétaire d’État, nous partageons sur toutes nos travées des inquiétudes sur le devenir de la presse écrite. Pour autant, je le répète, exempter purement et simplement la presse de ses obligations n’est pas une solution pérenne. Cela créera un précédent : de nombreux secteurs également en difficulté demanderont sans doute un traitement similaire dans les prochaines années.

Par ailleurs, cette exclusion représente un manque à gagner de l’ordre de 20 millions d’euros pour les collectivités territoriales, qui, elles, devront continuer à assurer la collecte, le tri et la gestion des déchets.

Si le Gouvernement estime que les spécificités du secteur de la presse écrite justifient une telle exemption au principe général pollueur-payeur, il doit prendre ses responsabilités et prendre en charge le coût de cette décision, mais il ne doit en aucun cas le faire peser sur les autres contributeurs de la future filière REP fusionnée.

Afin de ne pas être déclaré irrecevable au titre l’article 40 de la Constitution, cet amendement tend à prévoir la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur les modalités de la prise en charge par l’État des écocontributions financières qui auraient dû être versées par la presse écrite à compter du 1er janvier 2023.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Mon cher collègue, cet amendement tend à prévoir un rapport sur la mise en place d’un dispositif de prise en charge financière par l’État. Or le texte ne prévoit pas de prise en charge par l’État des écocontributions financées par la presse.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons que j’ai expliquées précédemment.

Permettez-moi toutefois de préciser un point. Il n’est nullement question d’une exemption de la filière et d’un manque à gagner total pour les collectivités. Je le rappelle, la solution proposée prévoit une contribution en nature. Or vous proposez que l’État paie les 20 millions d’euros manquants à Citeo, sans prévoir de contribution en nature.

Nous proposons que la presse ne paie pas à Citeo ces 20 millions d’euros, ce qui représenterait un manque à gagner pour les collectivités, mais que, en contrepartie, ces dernières puissent communiquer dans la presse locale sur un certain nombre de sujets, notamment sur toutes les questions liées à l’écologie.

Tel est le compromis que nous proposons. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à la remise du rapport que tend à prévoir cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 4
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 9 rectifié

Article 2

I. – L’article 1er de la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2023.

II. – Les agréments des éco-organismes mis en place par les producteurs des produits mentionnés au 1° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement sont mis en conformité avec l’article 1 er de la présente loi lors de leur prochain renouvellement et au plus tard le 1er janvier 2024. – (Adopté.)

Article 2
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Articles 3 à 5

Après l’article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Anglars, Calvet, Panunzi, Cadec et Rietmann, Mmes Gosselin et Micouleau, M. Somon, Mmes Bonfanti-Dossat et Chauvin, MM. Milon, Burgoa, Mandelli, Saury et Sido, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mmes Belrhiti, Demas, Ventalon, Dumont et Lassarade, MM. B. Fournier, Klinger et Bonnus et Mme Gruny, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les impacts de la présente loi, en particulier celui de la modulation des contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition d’encarts. Ce rapport évalue l’impact financier de ce dispositif sur les contributeurs de la filière REP qui doivent en compenser la charge.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement a tout simplement pour objet de mesurer l’impact financier des décisions que nous sommes en train de prendre. Il est très important de mesurer les conséquences qu’elles auront sur le secteur économique du papier, notamment du papier graphique, dans le cadre de l’ensemble de la filière REP, afin de pouvoir éventuellement corriger le tir.

Une telle évaluation est absolument nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Je crois que vous avez raison, mon cher collègue. En raison de la spécificité de ce texte, et même si ce n’est pas tout à fait dans les habitudes de la commission, j’émets un avis favorable sur cet amendement. (Bravo ! sur des travées du groupe Les Républicains.) En effet, il me paraît intéressant et nécessaire d’évaluer les impacts de ce texte.

Le délai de trois ans que vous proposez nous semble en outre tout à fait raisonnable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Daniel Gremillet. Aurai-je de la chance ? (Sourires.)

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat. Mon avis sera un peu plus nuancé (Exclamations déçues sur les travées du groupe Les Républicains.), non pas pour une raison de principe, mais en vertu des arguments que je m’apprête à vous exposer.

La réglementation en vigueur prévoit que les éco-organismes réalisent régulièrement une évaluation de l’impact des critères, des montants des modulations et de leur adéquation au regard des objectifs atteints.

Par ailleurs, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), dans le cadre de sa mission de suivi et d’observation des filières REP mises en place par la loi Agec, réalise déjà chaque année les analyses nécessaires au suivi et à l’observation des filières.

Ces informations, qui sont produites par les éco-organismes et par l’Ademe, sont publiques. Je considère donc que cet amendement est satisfait. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je serai bref, madame la présidente.

Je maintiens mon amendement, car je ne suis pas complètement satisfait. En effet, l’évaluation que nous demandons n’est pas un suivi tel que vous venez de le décrire. Il s’agit de prendre en compte les distorsions que l’on introduit dans le secteur. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

M. Olivier Rietmann. Tout à fait !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 9 rectifié
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles 3 à 5

(Supprimés)

Vote sur l’ensemble

Articles 3 à 5
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 257 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 251
Pour l’adoption 214
Contre 37

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour conclure nos débats, je souhaitais, en ma qualité de président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, exprimer une double satisfaction et lancer un appel à nos collègues députés et au Gouvernement.

Ma première satisfaction tient à l’esprit constructif dans lequel la commission a travaillé, pour soutenir Mme la rapporteure, qui s’est penchée pendant plusieurs semaines sur ce texte, aussi sensible, pour nos collectivités, que technique.

Ma seconde satisfaction tient à l’esprit de collaboration, qui fait l’honneur du Sénat, entre la commission de la culture et la commission de l’aménagement du territoire. Elles ont su dialoguer, s’écouter et trouver une solution que j’estime satisfaisante et équilibrée.

Enfin, je veux conclure mon propos en formulant un souhait, celui que l’Assemblée nationale et le Gouvernement fassent leur notre solution pour parvenir à un accord. C’est en effet sur cette piste que doit s’établir un véritable dialogue. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 22 mars 2023 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER