M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, le métier de secrétaire de mairie, s’il est peu connu du grand public, est apprécié de tous les élus locaux et fondamental à leurs yeux.

Si nous devions résumer le rôle des secrétaires de mairie, nous pourrions insister sur le fait qu’elles constituent la clé de voûte de l’échelon communal, ce maillon essentiel permettant d’assurer le dernier service public dans nombre de communes rurales.

Je dis « elles », car 94 % des secrétaires de mairie sont des femmes. Elles doivent disposer de savoir-faire dans les domaines financiers, rédactionnels ou techniques. En outre, elles doivent avoir des qualités humaines et relationnelles, car elles sont en contact avec les administrés, qui sont de plus en plus exigeants, dans tous les territoires.

Elles doivent faire preuve de rigueur alors que la judiciarisation se développe dans notre société et que toute erreur peut avoir des conséquences très importantes pour la commune, le maire et l’ensemble du conseil municipal.

Ce socle de base est en constante évolution. Le métier s’est profondément transformé au cours des dernières années, à l’instar de la politique communale elle-même. Ma collègue Céline Brulin a rappelé le poids des intercommunalités aujourd’hui. Certaines secrétaires de mairie – nous en connaissons tous – exercent dans plusieurs communes qui ne font pas toutes partie de la même intercommunalité. Leur métier est ainsi rendu plus complexe.

De même, la dématérialisation rend l’exercice de ce métier encore plus compliqué, alors qu’elle était destinée à simplifier les démarches.

Aujourd’hui, dans toutes les communes, les secrétaires de mairie gèrent l’urbanisme, les projets d’aménagement, s’occupent de trouver les financements nécessaires aux investissements. Ce sont elles qui reçoivent les usagers.

Disons-le, elles vont bien souvent au-delà des missions qui sont les leurs. Leur statut n’est pas à la hauteur de leur travail et ne reflète pas ce qu’elles représentent au quotidien. Leur rémunération est faible, sachant, en outre, que 62 % des secrétaires de mairie travaillent à temps non complet et que 24 % d’entre elles exercent dans trois communes pour obtenir – Mme la rapporteure l’a rappelé – un salaire « convenable » à la fin du mois. Enfin, 60 % des secrétaires de mairie sont des agents de catégorie C. Pour beaucoup, il est difficile de bien vivre de ce métier.

Aujourd’hui, plus de 1 900 postes demeurent à pourvoir. Le métier manque d’attractivité. En outre, d’ici à 2030, un tiers des secrétaires de mairie en poste aujourd’hui partiront à la retraite. Il est donc urgent de pourvoir les postes non pourvus aujourd’hui, mais aussi d’anticiper les futures vacances de postes si l’on ne veut pas accroître leur nombre total. Pour cette raison, nous avons proposé de travailler sur les enjeux de formation. Il faut par ailleurs également réfléchir à la rémunération. Si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue tout de même fortement !

Si nous avons déposé cette proposition de loi au mois de mars 2022, c’est parce que nous avons été fortement sollicités les uns et les autres sur la nécessaire amélioration du statut des secrétaires de mairie. Nous sommes pleinement conscients toutefois que tout ne relève pas du domaine législatif. Une partie des solutions relèvent du domaine réglementaire. C’est pour cette raison que nous vous interpellons, monsieur le ministre. Enfin, un travail devra être fait à l’échelon local.

Il ne nous appartient pas ici de décider s’il faudra demain mutualiser l’exercice de ce métier à l’échelle intercommunale, départementale ou autre. Une véritable réflexion sur la mutualisation des compétences et des salaires doit s’engager à l’échelon local et prendre en compte les territoires, la taille des communes, les distances entre elles.

Ce n’est pas une surprise : nous voterons, en l’état, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie les auteurs de cette proposition de loi et le groupe qui a demandé son inscription à l’ordre du jour de nos travaux. C’est une excellente idée.

Ce texte atteste de notre proximité avec les secrétaires de mairie, que nous avons régulièrement au téléphone et qui sont d’indispensables chevilles ouvrières, de véritables couteaux suisses. Nous faisons tous le même constat que celui que vient de faire Céline Brulin à la tribune.

On sait à quel point leur présence est indispensable, notamment en cas de « tuilage » dans les municipalités. Quand un nouveau maire est élu, il se fie évidemment à la secrétaire de mairie. Elle est l’élément de permanence, c’est elle qui transmet les connaissances, qui connaît les dossiers. Les maires qui sont élus pour la première fois et qui n’ont pas participé à beaucoup de conseils municipaux sont amenés à se reposer sur leurs compétences.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elles se voient remettre régulièrement des médailles communales, départementales et régionales, ces Légions d’honneur des élus, avec qui elles font équipe. (M. André Reichardt acquiesce.) Ces récompenses contribuent à la reconnaissance de leurs mérites, mais cela ne suffit pas.

Le constat les concernant est unanime.

Les secrétaires de mairie assistent les maires évidemment, mais également les citoyens, surtout dans les zones rurales. Elles restent bien souvent le seul « élément » d’humanité pour des populations soumises au diktat de la dématérialisation. Il est vrai, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, que les secrétaires de mairie sont les premières maisons France Services. L’interopérabilité que vous avez proposée entre les maisons France Services et les secrétaires de mairie pourrait effectivement être une solution intéressante.

Le manque d’attractivité de la fonction de secrétaire de mairie est à mettre en parallèle avec le nombre de démissions d’élus, qui n’a jamais été aussi important. Ces phénomènes convergents sont probablement liés – pardonnez-moi l’expression – aux « diarrhées » législatives et réglementaires, aux difficultés d’appréciation et d’interprétation de ces textes, ainsi qu’à cette sorte de raideur administrative dont notre pays a le secret.

Les secrétaires de mairie sont souvent isolées. Peut-être faudrait-il promouvoir le travail en réseau ?

Les centres de gestion veillent aux formations, mais le malaise demeure et le débat reste utile. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)

J’ai déposé un amendement d’appel visant à proposer un nouveau nom : « secrétaire de mairie » n’est peut-être pas le terme idoine, « collaborateur du maire » non plus, car il s’agit d’une autre fonction. La secrétaire de mairie est là pour la mairie et les concitoyens. Je pense qu’il faut engager une réflexion sur ce sujet. Je vous propose de la mener ensemble, sans avoir recours au cabinet McKinsey (Sourires.) et de trouver ainsi une solution.

M. André Reichardt. Cela coûterait trop cher !

Mme Nathalie Goulet. On a parlé de qualifications, d’augmentation des salaires, mais il faut faire attention, dans le mikado des grades dans la fonction publique territoriale, car il faut maintenir une différence avec les agents qui passent des concours difficiles. C’est un sujet assez compliqué à gérer et sur lequel une réflexion s’impose.

Ce texte est un signal. Il faut poursuivre notre démarche. Nous voterons évidemment avec enthousiasme les dispositions restantes après l’examen du texte par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a très longtemps, l’instituteur du village faisait souvent office de secrétaire de mairie. L’intégration des communes rurales au sein de structures supracommunales et l’évolution des lois et de la réglementation ont considérablement bouleversé la nature des tâches des années 1960.

Aujourd’hui, ces agents, essentiellement des femmes,…

M. André Reichardt. Il y a des hommes aussi !

Mme Maryse Carrère. … constituent un maillon indispensable au bon fonctionnement des petites communes, principalement en milieu rural. Plus la commune est petite, plus leur rôle est décisif !

Elles mettent en œuvre les décisions du conseil municipal, gèrent les ressources humaines, participent à l’élaboration du budget, rédigent les documents administratifs et sont les interlocutrices privilégiées des usagers. Agentes dévouées sur lesquels les maires s’appuient quotidiennement, elles sont devenues de véritables couteaux suisses, comme elles aiment à se définir.

Mais ce métier est en tension : bien que les élus locaux redoublent d’efforts pour susciter des vocations, il attire de moins en moins de candidats et la pénurie va s’aggraver compte tenu des nombreux départs à la retraite qui sont prévus.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, environ un tiers des secrétaires de mairie cesseront leur activité dans les huit prochaines années.

Les raisons de cette désaffection sont bien connues : rémunérations faibles, compétences variées requises, fortes responsabilités et obligation pour beaucoup de cumuler les postes dans plusieurs petites communes pour parvenir à un emploi à temps plein.

En outre, la formation est insuffisante et l’évolution professionnelle n’est pas assez accompagnée.

Le métier concentre à lui seul les difficultés de la fonction publique territoriale.

Cette vague de départs pousse les maires à recruter des profils qui n’ont pas forcément de compétences territoriales ou à procéder dans l’urgence à des mutualisations de postes de secrétaire de mairie, ce qui alourdit encore plus la charge de travail de ces agents.

Au mois de novembre 2021, Amélie de Montchalin, alors ministre de la transformation et de la fonction publiques, promettait plusieurs évolutions « dans un souci de valorisation et de reconnaissance du métier » : une nouvelle appellation de la fonction – « secrétaire général de mairie » –, une revalorisation indiciaire, un accès facilité aux contrats santé et prévoyance, ainsi que des améliorations en matière de formation.

L’idée était intéressante. Pourtant, force est de constater que l’on n’a pas beaucoup avancé sur le sujet. En effet, une seule mesure a été mise en œuvre : la NBI a été revalorisée de quinze points au 1er mars 2022 pour les secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants. Cette mesure est toutefois limitée, comme l’a rappelé notre rapporteure, puisqu’elle ne concerne pas les agents contractuels. En outre, toutes les communes ne semblent pas avoir pris l’arrêté permettant sa mise en place.

La réponse nous semble donc bien insuffisante face au défi qu’il nous faut relever.

Le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales a organisé, au mois de septembre dernier, un colloque intitulé : Secrétaire de mairie : « espèce » menacée de la territoriale ou clé de voûte du bloc local au XXIe siècle ? Tout est dit !

C’est pourquoi je salue l’initiative de nos collègues du groupe CRCE, ainsi que le travail de notre rapporteure. Le texte que nous examinons ce matin vise à répondre à un impérieux besoin dans nos territoires et à relancer l’attractivité de ce métier mal connu et mal reconnu.

Je me félicite notamment de l’introduction d’une formation initiale obligatoire propre aux secrétaires de mairie. Adaptée à la spécificité de leurs missions, elle sera dispensée par le CNFPT dans l’année qui suit la prise de poste. C’est une excellente chose !

La proposition de loi, telle qu’elle résulte des travaux de notre commission, met également en place les moyens de leur garantir des perspectives d’évolution de carrière.

Enfin, notre commission a introduit une nouvelle disposition afin de permettre aux communes de 1 000 à 2 000 habitants de recruter des agents contractuels aux postes de secrétaires de mairie. Cette disposition fait débat, y compris au sein du groupe du RDSE. Pour autant, pouvons-nous priver ces communes de la possibilité de recruter un agent contractuel au poste de secrétaire de mairie à temps complet ? Je ne le pense pas. Veillons toutefois à préserver l’évolution dans la fonction publique territoriale.

Monsieur le ministre, vous avez lancé le 1er février dernier les travaux sur l’accès à la fonction publique, sur les parcours et les rémunérations des agents. J’espère que cette réforme d’ampleur sera l’occasion de relancer l’attractivité du métier de secrétaire de mairie.

Avec cette proposition de loi, que le groupe du RDSE votera à l’unanimité, nous vous ouvrons la voie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. Cédric Vial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite de nous permettre d’évoquer une problématique que nous connaissons tous dans nos territoires : les difficultés et la faible attractivité du métier de secrétaire de mairie. Il s’agit pourtant d’un beau métier, complet, polyvalent, au service du public. C’est un métier qui a du sens, qui permet de trouver des solutions, bref un métier utile.

Pourtant, ces agents de l’ombre, qui sont souvent la dernière porte accessible des services publics dans nos territoires ruraux, qui sont sur tous les fronts – administratif, juridique, politique, stratégique, mais aussi social –, qui doivent souvent cumuler des postes dans différentes mairies pour espérer occuper un emploi à temps complet, manquent dans nos territoires. Dans de nombreuses communes, les maires doivent cumuler à la fois la fonction de maire et le métier très technique de secrétaire de mairie.

Aujourd’hui, en mars 2023, environ 2 000 offres de postes de secrétaire de mairie sont à pourvoir sur le site emploi-territorial.fr. Il faut se rendre à l’évidence, ces postes n’attirent plus. Et ce n’est qu’un début !

Alors qu’un quart des agents en poste sont âgés de plus de 58 ans et que 60 % d’entre eux ont plus de 50 ans, nous savons d’ores et déjà qu’un tiers des secrétaires de mairie partiront à la retraite au cours des six prochaines années.

En l’espace de vingt ans, ces postes ont été fortement touchés par l’évolution de nos institutions locales, notamment, du fait du transfert des compétences de l’État aux collectivités territoriales.

Les secrétaires de mairie paient le prix fort du désengagement de l’État dans les territoires. Auparavant, lorsque ces agents avaient un doute ou une question, ils pouvaient faire appel aux services de l’État, à la direction départementale des territoires (DDT) ou encore à la trésorerie. Aujourd’hui, ils doivent se débrouiller le plus souvent seuls et le sentiment de solitude ne fait que s’accentuer de réforme en réforme.

La bureaucratie frénétique, en raison d’une législation débordante et d’une réglementation prolifique, rend la mise en œuvre de projets ou d’actions impossible lorsque l’on n’est pas expert. Les secrétaires de mairie doivent-ils être experts en tout ? Nous savons tous ici que ce n’est pas possible.

Nous aurions aussi pu penser que la création des intercommunalités et leur renforcement allaient pouvoir aider les territoires, mais il ressort des retours de terrain qu’ils se sont traduits négativement pour les secrétaires de mairie. Le partage de responsabilités entre la commune et l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n’est pas si clair qu’on veut le croire.

L’intégration d’une commune au sein d’une intercommunalité se traduit souvent par de nouveaux process et par de nouvelles charges de travail, qui ont pour effet d’accroître le sentiment de déclassement ou de dépossession qu’éprouvent nos secrétaires de mairie.

Toutefois, l’heure est non plus aux constats, mais à l’action !

La proposition de loi soumise à notre examen aujourd’hui, sur l’initiative de nos collègues du groupe CRCE, constitue un début de réponse et nous la voterons, comme, je l’espère, une large majorité du Sénat.

Nous voyons tous dans nos territoires des secrétaires de mairie à bout, usés…

M. Cédric Vial. … et désabusés, ou encore des maires inquiets de ne pas réussir à recruter de secrétaire de mairie, sans qui ils ne peuvent exercer pleinement leurs fonctions et donc leur mandat.

Toutefois, je crains que les secrétaires de mairie ne soient déçus, car cette proposition de loi ne répond malheureusement pas à la totalité des enjeux auxquels nous faisons face. J’en profite pour saluer le travail de la commission des lois et de sa rapporteure, Catherine Di Folco, ainsi que le sens des responsabilités des auteures du texte, Céline Brulin, Cécile Cukierman et Michelle Gréaume, qui ont permis de rendre cette proposition de loi acceptable et consensuelle, grâce à un travail collaboratif et transpartisan. Cette habitude singulière constitue désormais la force du Sénat.

Le travail législatif amorcé aujourd’hui avec cette proposition de loi sera poursuivi dans le cadre d’une mission d’information sur la situation des secrétaires de mairie, dont j’aurai le plaisir d’être le rapporteur aux côtés de mes collègues Catherine Di Folco et Jérôme Durain. Cette mission est une initiative de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, présidée par Françoise Gatel, que je remercie de son soutien.

Cette mission a commencé ses travaux ce matin par l’organisation d’une première table ronde. Notre objectif est de publier un rapport au cours de l’été, dans lequel nous recommanderons les actions à mener tant sur le plan législatif que sur le plan réglementaire pour répondre au désarroi des territoires et embrasser le sujet dans toutes ses dimensions.

Nous devons apporter des solutions concrètes pour améliorer les conditions de travail des secrétaires de mairie, mais aussi rendre plus attractif ce métier, tout en garantissant de la continuité et de la visibilité pour les maires.

Nous ne pouvons pas parler du statut des secrétaires de mairie sans aborder la formation initiale et continue, sans évoquer l’accompagnement de nos secrétaires de mairie vers ces formations, qui doivent être concrètes et tournées vers la pratique du quotidien.

M. le président. Il va falloir conclure…

M. Cédric Vial. La constitution et la réussite du binôme maire-secrétaire de mairie sont le moteur de nos territoires ruraux. Il nous appartient de tout mettre en œuvre pour éviter la panne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. le président. Ne profitez pas de ma générosité naturelle pour prendre l’habitude de gagner chaque fois trente secondes supplémentaires ! (Sourires.) Dans le cas d’espèce, M. Vial ayant adressé de nombreux compliments au cours de son intervention, je les ai retranchés de son temps de parole ! (Mêmes mouvements.)

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « L’urgent est fait, l’impossible est en cours, pour les miracles, prévoir un délai. » Ce panneau affiché dans la mairie d’une commune rurale reflète bien le quotidien d’une secrétaire de mairie.

Les secrétaires de mairie sont les interlocutrices privilégiées de la population. Vous me permettrez l’emploi du féminin puisqu’il s’agit, pour l’immense majorité, de femmes. Ajoutons que le tandem que forment le ou la maire et sa secrétaire de mairie est un élément déterminant de la réussite du mandat municipal. Nous avons là le premier maillon de la République de proximité, qui assure le maintien du service public dans tous les territoires.

Les secrétaires de mairie organisent et assurent l’accueil des usagers du service public, aident nos administrés à réaliser les démarches administratives les plus essentielles. Elles font le lien entre les citoyens et les élus. Je salue leur engagement quotidien. Je remercie le groupe CRCE d’avoir déposé cette proposition de loi.

Disponibles et accessibles, les secrétaires de mairie participent à endiguer la fracture numérique. C’est tout particulièrement le cas en milieu rural, où elles représentent bien souvent l’unique guichet de proximité. Elles sont essentielles au bon fonctionnement des services publics locaux. Nous tous ici présents pouvons en témoigner, pour en avoir côtoyé au cours de nos mandats et de nos engagements dans nos territoires.

Leurs missions quotidiennes sont multiples, à l’image de la grande diversité de leurs profils : elles s’occupent de la comptabilité, du montage des dossiers de demandes de subventions, de la réponse aux sollicitations diverses des habitants ou encore de la gestion du personnel.

La formation dont bénéficient à ce jour les secrétaires de mairie est insuffisante sur le fond et inadaptée sur la forme. Le Sénat, chambre des territoires, s’est fait l’écho des remontées des associations d’élus locaux à cet égard.

Si je salue le dépôt de cette proposition de loi, force est de constater que le texte initial souffrait d’un certain nombre de lacunes. Les amendements de la rapporteure, dont je salue le travail, pallient les failles évoquées en commission.

Le texte que nous examinons aujourd’hui permet de véritablement améliorer l’exercice de ce métier de plus en plus complexe.

Ainsi, la création d’une formation obligatoire est une avancée concrète. Elle sera dispensée à l’ensemble des secrétaires de mairie de France par le Centre national de la fonction publique territoriale. Nous pouvons nous en féliciter.

Méconnues, parfois délaissées, les secrétaires de mairie sont le cœur battant de nos communes, notamment des plus petites d’entre elles. Il est donc essentiel d’apporter des réponses à la faible attractivité de leur métier, aux difficultés de recrutement et à la pénibilité des missions qu’elles exercent.

Accompagner les usagers face à la digitalisation des démarches administratives, actualiser les compétences, développer de nouveaux savoirs, échanger sur les bonnes pratiques : les évolutions prévues dans ce texte constituent des réponses qui permettront d’atteindre ces objectifs.

Pour ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée en commission. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Jean-François Longeot applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où le fait politique n’est plus compris, où l’élu de proximité demeure l’élu préféré des Français, l’action concrète du maire au plus proche du quotidien de nos concitoyens et à l’écoute permanente de ses administrés constitue l’un des liens les plus solides qui perdure alors que beaucoup trop de Français sont perdus et s’interrogent sur le fonctionnement et parfois sur la légitimité du millefeuille territorial. Ils se demandent comment tout cela marche !

La proposition de loi soumise à notre examen aujourd’hui porte sur l’un des rouages clés du fonctionnement de cet échelon local, essentiel pour les petites communes : le poste de secrétaire de mairie.

Véritable interface entre les élus, l’administration et les citoyens, la secrétaire de mairie, métier qu’exercent en très grande majorité des femmes, à hauteur de 94 %, ne bénéficie pas d’un cadre ou d’un statut conforme aux missions qui lui sont dévolues. Le manque de reconnaissance de ce métier pourrait accroître au cours des prochaines années les difficultés de recrutement que l’on connaît déjà, sachant que l’âge moyen de ces personnels est de 50 ans et que près de 2 000 postes sont aujourd’hui vacants.

Nos collègues du groupe CRCE ont tenté d’apporter une solution à ce problème latent en proposant un statut innovant pour ces employés essentiels au bon fonctionnement de nos territoires, particulièrement, comme le rappelait la rapporteure, au fonctionnement des communes de moins de 2 000 habitants, qui représentent plus des trois quarts des communes françaises.

La commission, lors de ses travaux, a modifié le texte, mais l’urgence d’agir en faveur de la revalorisation de ce métier demeure. À cet égard, je regrette le refus de la commission de créer un statut spécifique de secrétaire de mairie.

Mme la rapporteure, que je remercie, a indiqué lors des travaux de la commission, qui ont abouti à la suppression des trois premiers articles du texte, que « les dispositions relatives aux cadres d’emplois (intitulé, conditions d’accès, grille indiciaire) ne relèvent toutefois pas de la compétence du législateur ». La commission a donc « préféré substituer aux dispositifs proposés l’instauration d’une formation initiale commune à l’ensemble des secrétaires de mairie, quel que soit leur statut, ainsi qu’une mesure visant à favoriser la promotion interne des agents exerçant ces fonctions ».

Le choix d’étendre à l’ensemble des communes de 1 000 à 2 000 habitants la possibilité de recruter des contractuels à ce poste me semble toutefois être un aménagement insuffisant. Le temps des mesures ponctuelles doit se terminer. Nous ferons appel au Gouvernement à cet effet. Il faut prévoir une reconnaissance spécifique de ce métier.

La contractualisation à plus grande échelle nous pose problème, vous le savez, compte tenu du fait que les deux tiers de ces personnels exercent à temps partiel et que près d’un quart d’entre eux travaillent dans plusieurs communes. Nous aurions préféré une réflexion plus étendue, monsieur le ministre, sur une éventuelle mutualisation à l’échelon intercommunautaire et sur le partage du personnel entre les communes.

Comme notre commission l’a rappelé, ce métier est exercé, « outre par des agents contractuels, par des fonctionnaires territoriaux appartenant à l’un des quatre cadres d’emplois suivants : celui des secrétaires de mairie (catégorie A), mis en extinction en 2001 ; celui des attachés territoriaux (catégorie A) ; celui des rédacteurs territoriaux (catégorie B) ; et celui des adjoints administratifs (catégorie C) ». Pour autant, nous partageons tous le même constat et la volonté de sécuriser au mieux le fonctionnement des mairies grâce à la pérennisation et à la valorisation des secrétaires de mairie.

La pérennisation, la visibilité sur les perspectives de carrière et de formation des secrétaires de mairie, qui exercent un métier particulier, sont la clé de la consolidation et de la reconnaissance de leur travail.

La spécificité du rôle des secrétaires de mairie nécessite une formation, que notre commission a choisi à juste titre de généraliser, et ce quel que soit le cadre d’emploi. Cette formation sera dispensée par le Centre national de la fonction publique territoriale.

Je profite de cette discussion générale pour saluer le dévouement de ces personnels, véritables clés de voûte de l’échelon local, dont l’appui juridique, administratif et technique, particulièrement lors de la préparation des budgets, permet le bon fonctionnement de nos communes, ainsi que la mise œuvre de leurs actions et de leurs politiques locales.

Notre groupe votera donc ce texte. À son tour, il appelle le Gouvernement à se saisir enfin pleinement et rapidement de ces questions majeures pour des agents à qui nous devrions permettre plus que jamais de travailler dans des conditions dignes et convenables afin d’assurer un service public de qualité et accessible pour tous.

Tout comme la commission, nous encourageons le Gouvernement à bien prendre en compte les rémunérations et les parcours professionnels de ces personnes, dans le cadre des travaux portant sur l’accès, les rémunérations et les parcours professionnels dans la fonction publique, lancés le 1er février dernier par le ministère de la transformation et de la fonction publiques.