compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Karoutchi

vice-président

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 6 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 6 (suite)

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (projet de loi n° 569, texte de la commission n° 661, rapport n° 660).

Nous poursuivons l’examen du texte de la commission.

TITRE III (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE COMMERCIALE ET AUX JUGES NON PROFESSIONNELS

Chapitre Ier (suite)

Diverses dispositions portant expérimentation d’un tribunal des activités économiques

M. le président. Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous reprenons, au sein du chapitre Ier du titre III, l’examen des amendements à l’article 6.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 7 (début)

Article 6 (suite)

I. – À titre expérimental, les compétences du tribunal de commerce sont étendues dans les conditions prévues au II du présent article. Dans le cadre de cette expérimentation, le tribunal de commerce est renommé tribunal des activités économiques.

Le tribunal des activités économiques, qui siège en lieu et place du tribunal de commerce, est composé des juges élus du tribunal de commerce, d’un greffier et, pour la durée de l’expérimentation, par dérogation au second alinéa de l’article L. 722-6-1 et au chapitre III du titre II du livre VII du code de commerce, de juges nommés par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les membres élus et sur la proposition des chambres d’agriculture départementales et des instances représentatives départementales, à défaut nationales, des professions réglementées mentionnées au second alinéa de l’article L. 722-6-1 du même code. Les juges nommés qui exercent une des professions réglementées mentionnées au même article L. 722-6-1 siègent dans un tribunal des activités économiques situé dans le ressort d’une cour d’appel différent de celui de leur lieu d’exercice.

Le greffe du tribunal des activités économiques est assuré par le greffier du tribunal de commerce.

Le tribunal des activités économiques est soumis aux dispositions du livre Ier du code de l’organisation judiciaire.

Les décisions du tribunal des activités économiques sont susceptibles de recours dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre VI du livre VI du code de commerce.

II. – Par dérogation au premier alinéa du I de l’article L. 611-2 et au premier alinéa de l’article L. 611-2-1 du code de commerce, relatifs au pouvoir de convocation du président du tribunal, au 6° du I de l’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire, relatif aux procédures amiables, au deuxième alinéa de l’article L. 611-3 du code de commerce, relatif au mandat ad hoc, et à l’article L. 611-4 du même code ainsi qu’au premier alinéa de l’article L. 611-5 dudit code, relatifs à la conciliation, le président du tribunal des activités économiques connaît de la procédure d’alerte et des procédures amiables, quels que soient le statut et l’activité de la personne physique ou morale qui éprouve des difficultés.

Par dérogation à l’article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime, la demande de désignation d’un conciliateur est introduite devant le président du tribunal des activités économiques.

Par dérogation au 8° de l’article R. 211-3-26 et au 6° du I de l’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire, relatifs aux procédures collectives, et à l’article L. 621-2 du code de commerce, relatif à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, applicable en redressement judiciaire sur renvoi de l’article L. 631-7 du même code et en liquidation judiciaire sur renvoi de l’article L. 641-1 dudit code, le tribunal des activités économiques connaît des procédures collectives, quels que soient le statut et l’activité du débiteur.

Par dérogation au 11° de l’article R. 211-3-26 et au 2° du I de l’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire, et sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal des activités économiques, saisi de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, connaît de toutes les actions ou contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure et qui présentent avec celle-ci des liens de connexité suffisants ainsi que toutes les actions ou contestations relatives aux baux commerciaux, aux baux professionnels et aux conventions d’occupation précaire conclus entre les personnes mentionnées à l’article L. 721-3 du code de commerce.

Lorsque le tribunal des activités économiques est par ailleurs un tribunal de commerce spécialisé en application de l’article L. 721-8 du même code, celui-ci connaît des procédures mentionnées aux 1° à 4° du même article L. 721-8, sous les mêmes conditions, quels que soient le statut et l’activité du débiteur.

III. – Le I du présent article est applicable, à titre expérimental, à au moins neuf et au plus douze tribunaux de commerce désignés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pendant une durée de quatre ans à compter de la date fixée par cet arrêté, et au plus tard dans les douze mois suivant la publication du décret pris pour l’application du présent article, pour le jugement des procédures ouvertes à compter de la date fixée par l’arrêté mentionné au présent alinéa.

Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation. L’ensemble des acteurs judiciaires et économiques est associé à cette évaluation. Cette dernière associe également, dans le respect du principe de parité entre les femmes et les hommes, deux députés et deux sénateurs, dont au moins un député et un sénateur appartenant à un groupe d’opposition, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. L’évaluation repose notamment sur la durée des procédures de liquidation judiciaire, le taux de réformation des décisions, la qualité du service rendu au justiciable et l’appréciation des auxiliaires de justice, au vu des statistiques fournies par le ministère de la justice, d’une part, et de questionnaires de satisfaction, d’autre part.

Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de désignation et de nomination des juges du tribunal des affaires économiques, de pilotage et d’évaluation de l’expérimentation ainsi que les règles d’information des usagers.

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 60, présenté par M. Pla, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et Marie, Mme Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

1° Première phrase

Après la deuxième occurrence du mot :

commerce

supprimer la fin de la phrase.

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons entamé hier le débat sur les agriculteurs. Tous les membres de mon groupe ont été sollicités sur cette question. Dans la mesure où je suis élue de Paris, cela peut prêter à sourire, mais il y a aussi des agriculteurs à Paris ! (Sourires.)

Les agriculteurs ont ainsi manifesté une grande inquiétude face à la création du tribunal des activités économiques (TAE), considérant l’organisation actuelle pleinement satisfaisante, ce qui semble en effet être le cas. Par conséquent, il faut trouver une solution.

En outre, la contribution financière prévue pour avoir accès au tribunal des activités économiques pose problème. D’autres amendements ayant le même objet ont d’ailleurs été déposés. Il est assez choquant d’exiger une contribution pour pouvoir accéder à un juge,…

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il ne s’agit pas de cela !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce n’est pas cela !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … alors que notre droit prévoit des condamnations notamment pour procédure abusive.

L’accès à la justice, qui est déjà coûteux, ne peut devenir officiellement payant. C’est la raison pour laquelle Sebastien Pla a déposé cet excellent amendement, que, malheureusement retenu par d’autres obligations, il n’a pas pu présenter lui-même.

M. le président. L’amendement n° 270, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

au second alinéa de l’article L. 722-6-1 et

et les mots :

et des instances représentatives départementales, à défaut nationales, des professions réglementées mentionnées au second alinéa de l’article L. 722-6-1 du même code

II. – Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III.- Alinéas 6, 8 et 10

Compléter ces alinéas par les mots :

, à l’exception des professions visées par le deuxième alinéa de l’article L. 722-6-1

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Cet amendement a pour objet de maintenir les procédures amiables et collectives des professions réglementées du droit au tribunal judiciaire. Le transfert du contentieux des procédures collectives des professions réglementées du droit au TAE a été un temps envisagé par le groupe de travail sur la justice économique, avant d’être écarté.

Au terme des consultations qu’il a conduites l’été et l’automne derniers, le Gouvernement a également écarté cette solution, et ce pour deux raisons. D’une part, les professions du droit n’exercent pas au sens strict une profession à caractère économique. D’autre part, il convient de conserver au sein du tribunal judiciaire l’ensemble du contentieux concernant les professions du droit.

M. le président. L’amendement n° 211, présenté par MM. Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

des chambres d’agriculture départementales et des

II. – Alinéas 6, 8 et 10

Compléter ces alinéas par les mots :

à l’exception des personnes exerçant une activité agricole définie à l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, y compris en tant qu’associé exploitant

III. – Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Je précise que j’ai déjà déposé en commission un amendement dont l’objet est identique au présent amendement, dont Joël Labbé est le premier signataire.

Chaque année, 1 200 procédures collectives sont engagées par des agriculteurs. Le taux de liquidations judiciaires prononcées par les tribunaux judiciaires s’élève à 46 %, contre 70 % par les tribunaux de commerce, toutes procédures confondues.

Le monde agricole se caractérise par quelques spécificités qui, indépendamment du contexte que je viens de rappeler, rendent inadaptée l’expérimentation des tribunaux des activités économiques.

Le système en place aujourd’hui – la compétence du tribunal judiciaire – fonctionne plutôt bien, même si, selon les différents syndicats agricoles, il peut être amélioré. Les délais sont convenables, la procédure permet l’accompagnement des agriculteurs et le maintien des exploitations, le taux de liquidation judiciaire reste relativement faible.

Ensuite, dans la mesure où la filière agricole est très petite, le risque que le juge consulaire connaisse déjà la situation économique des agriculteurs est réel, ce qui poserait des problèmes de neutralité si le système proposé était retenu.

En outre, parce que les enjeux locaux liés au foncier emportent des conséquences, voire sont susceptibles d’entraîner des conflits, le fait qu’un agriculteur soit jugé par ses pairs, et non par le tribunal judiciaire, peut poser problème.

Enfin, les risques psychosociaux sont plus élevés dans le secteur agricole que dans d’autres professions : il n’est qu’à voir le taux de suicide des agriculteurs. Par conséquent, il est très difficile pour un agriculteur de parler à ses pairs lorsqu’il est en difficulté. L’information à laquelle a accès le tribunal judiciaire reste, elle, dans l’enceinte d’une instance extérieure au monde agricole ; les agriculteurs ont donc moins d’appréhension.

Alors que cette profession connaît un très fort taux de mal-être au travail et de suicide, il apparaît bien peu opportun de déstabiliser les procédures collectives.

Lors de son audition par le Sénat en 2021, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) a exprimé son opposition au transfert qui est aujourd’hui envisagé.

M. le président. L’amendement n° 164, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :

Concernant les personnes exerçant une activité agricole au sens de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, les formations de jugement dudit tribunal sont présidées par un magistrat du siège. Les magistrats du siège sont désignés chaque année par ordonnance du président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal des activités économiques. Les formations de jugement pour le secteur agricole comprennent également des assesseurs issus d’au moins deux syndicats agricoles représentatifs différents.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement de repli vise à prévoir un échevinage systématique pour le secteur agricole.

En effet, la taille de la filière agricole étant très réduite, l’échevinage permettrait de garantir la neutralité et l’indépendance nécessaires au bon fonctionnement de la juridiction. Le secteur agricole est caractérisé par des risques de conflits d’intérêts que j’ai évoqués précédemment. De fait, il est probable que les juges consulaires connaissent déjà les agriculteurs confrontés au futur TAE et donc possible que leur jugement ne soit pas neutre.

Nous souhaitons donc que la formation de jugement, pour le secteur agricole, soit présidée par un magistrat du siège.

Pour compléter les garanties sur l’absence de conflits d’intérêts, il est proposé que soit respecté le principe du pluralisme syndical dans la désignation des assesseurs. Les formations de jugement comprendraient ainsi deux assesseurs issus de deux syndicats agricoles représentatifs différents. Cela limiterait le risque de conflits d’intérêts via une représentativité élargie du monde agricole au sein des formations de jugement.

M. le président. Les amendements nos 169 et 82 rectifié ter ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Sur l’amendement n° 60, je formulerai quelques observations.

Tout d’abord, dans la mesure où la contribution pour la justice économique versée par la partie demanderesse est prévue à l’article 7, je propose que nous en discutions lorsque nous aborderons son examen.

Ensuite, la commission a essayé de répondre aux inquiétudes des agriculteurs en incluant des agriculteurs au sein du collège des juges consulaires dès l’expérimentation.

Par ailleurs, pour lever les craintes sur de possibles conflits d’intérêts, je précise que les agriculteurs siègent au tribunal paritaire des baux ruraux et cela ne se passe pas si mal. Par conséquent, un agriculteur n’est pas forcément malhonnête. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) C’est pourtant la petite musique que l’on entend : on craint des problèmes de terres.

Pour ma part, je pense qu’il ne faut pas raisonner ainsi. Par ailleurs, il existe des règles de déport très précises.

Je rappelle en outre qu’il s’agit d’une expérimentation. Attendons de voir comment elle va se passer.

Madame de La Gontrie, vous dites que les agriculteurs sont inquiets de façon générale. Ce n’est pas tout à fait juste. Une association nous a contactés, Solidarité Paysans. Vous vous amusez d’avoir à présenter cet amendement alors que vous êtes élue de Paris, mais Solidarité Paysans a son siège en Seine-Saint-Denis : on peut donc s’interroger sur le caractère rural de cette association (Mme Marie-Pierre de La Gontrie sexclame.), qui défend plutôt de très petits agriculteurs.

À mon sens, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Les tribunaux de commerce savent déjà accompagner les petites entreprises et il est fort probable que l’accompagnement sera meilleur encore. En effet, alors que cette association accompagne des petits agriculteurs, mais pas tous, les tribunaux de commerce, eux, le feront.

Toutes ces inquiétudes seront sans doute levées à l’issue de l’expérimentation.

L’amendement n° 270 vise à exclure de la compétence du tribunal des activités économiques les procédures amiables et collectives des professions réglementées du droit. Je comprends que les avocats n’aient pas très envie de dire qu’ils font eux aussi faillite, mais cela leur arrive.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Pour autant, la position constante du Sénat a toujours été de confier l’ensemble des procédures amiables et collectives au tribunal des activités économiques. Vous incluez également dans l’expérimentation les associations et l’ensemble des professions libérales. Objectivement, il n’y a donc pas de raison que les professions réglementées du droit soient exclues.

Nous précisons bien que ces professionnels du droit ne siégeront évidemment pas dans le ressort où ils exercent, mais qu’ils pourront tout à fait siéger ailleurs. Ils pourront donc être jugés par leurs pairs, qui ne seront pas des pairs concurrents.

L’amendement n° 211 a trait aux agriculteurs. Je me suis déjà exprimée sur cette question, je n’y reviens pas.

L’amendement n° 164 tend à prévoir que la formation de jugement sera présidée par un magistrat professionnel. J’ai déjà indiqué la position de la commission sur ce sujet. Les futurs tribunaux des activités économiques et les actuels tribunaux de commerce sont inquiets et refusent tout échevinage. Dès lors, il me semble inutile de les provoquer en en rajoutant !

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 60, 211 et 164.

Je rappelle que l’amendement n° 270 vise non seulement les avocats, mais également les notaires, qui sont des officiers publics. (Mme la rapporteure sexclame.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. De ce fait, ils doivent être rattachés au tribunal judiciaire. C’est le sens de cet amendement, même si j’entends que la commission ne partage pas cette idée, ce qui est bien son droit.

Par ailleurs, tous les agriculteurs ne sont pas défavorables à cette réforme – il n’est pas exact de soutenir le contraire. La mesure proposée vise justement à mieux les protéger, car il y a au fond peu de différences entre une petite exploitation agricole et une petite entreprise, et il existe des juges spécialisés.

Toutes les mesures prises en amont afin de sauver les petites entreprises doivent s’appliquer et mieux s’appliquer aux agriculteurs. Vous avez rappelé le nombre impressionnant de suicides dans le monde agricole, monsieur Benarroche : la volonté de mieux les protéger devrait nous convaincre tous d’adopter cette réforme.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Si Mme la rapporteure m’a entendu une seule fois tenir des propos mettant en cause l’honnêteté des agriculteurs, il faut m’indiquer lesquels, car je n’ai rien dit de tel. C’est même tout le contraire.

Par ailleurs, il n’est pas vrai que seul un syndicat défend la position que nous avons relayée. Solidarité Paysans a été cité, mais il y a aussi la Coordination rurale et, surtout, la Confédération paysanne.

Mme Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois. Ce sont les mêmes !

M. Guy Benarroche. Par ailleurs, je n’ai pas entendu beaucoup d’agriculteurs défendre ce projet. La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), même si elle ne représente pas tous les agriculteurs, ne lui a pas apporté un franc soutien.

Cette expérimentation améliorera la situation actuelle, soutenez-vous. Là non plus, je n’ai pas entendu beaucoup d’agriculteurs affirmer que le système en place ne fonctionnait pas. Je comprendrais très bien que l’on veuille rénover ou modifier un système qui ne donnerait pas satisfaction à la majorité, mais ce n’est pas le cas.

Selon vous, monsieur le garde des sceaux, ce nouveau système protégera mieux les agriculteurs. Pourtant, aujourd’hui, comme je l’ai déjà indiqué, le taux de placement en liquidation judiciaire des tribunaux de commerce est plus élevé que celui des tribunaux judiciaires. Je ne vois pas comment la réforme va améliorer la situation !

Je le redis : je n’ai jamais mis en cause l’honnêteté des agriculteurs. En revanche, j’ai expliqué que, d’un point de vue psychologique, il est très difficile pour un agriculteur d’être jugé par ses pairs. Une telle procédure complexifie donc les choses et risque à l’inverse d’amplifier le problème.

Les arguments qui ont été avancés ne me paraissent donc pas justifiés.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Je parlerai d’abord des agriculteurs, ensuite des professions réglementées.

Je crois que la future compétence, du moins à titre expérimental, des tribunaux des activités économiques constituera une évolution favorable pour les agriculteurs, en particulier pour les plus modestes d’entre eux.

Dans les tribunaux judiciaires, sauf peut-être dans les plus importants d’entre eux, les procédures collectives représentent une demi-douzaine de dossiers par an. C’est une activité très marginale. En d’autres termes, il faut selon moi beaucoup relativiser la technicité des tribunaux judiciaires en la matière. En revanche, les tribunaux de commerce ont une grande expérience, en particulier dans tout ce qui relève de la prévention et de la négociation. Ils ont une obsession, si vous me permettez cette formule : que les difficultés du monde économique soient connues le plus en amont possible.

C’est pourquoi les préoccupations des agriculteurs, en particulier des plus modestes, seront à mon sens fort bien prises en compte.

J’en viens aux professions réglementées. La tradition veut qu’elles relèvent des tribunaux judiciaires et de la Chancellerie. Si l’objectif est d’ouvrir le monde de la justice et le monde judiciaire, il me paraît assez cohérent de les intégrer avec les autres professionnels.

Le vrai problème, ce sont les notaires, dont l’obsession est de ne pas relever du droit commun. Vous savez que, depuis la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, l’Autorité de la concurrence suscite un particulier agacement chez ces professionnels (M. le garde des sceaux acquiesce.) ; ils redoutent une banalisation de leur profession en dépendant du tribunal des activités économiques. Je rappelle d’ailleurs que le Sénat avait pris position en sens contraire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 270.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 296 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 252
Pour l’adoption 39
Contre 213

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 211.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 164.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 271, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après le mot :

suffisants

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à maintenir le traitement du contentieux des baux commerciaux au sein du tribunal judiciaire, sauf lien de connexité avec la procédure collective.

Je rappelle que l’extension de la compétence du TAE à tous les baux commerciaux ou autres conventions n’est pas conforme aux conclusions des États généraux de la justice.

Nous avons eu des échanges avec des représentants du monde agricole, non seulement dans le cadre du groupe de travail et de l’élaboration des mesures que nous avons reprises, mais également à mon niveau, lors de l’élaboration du texte. Ces consultations ne sont d’ailleurs pas terminées, puisque nous rencontrerons évidemment tous les acteurs au moment de préparer les décrets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

J’ignore si le transfert des baux commerciaux au TAE est contraire aux conclusions des États généraux de la justice, mais je sais qu’il est totalement conforme à la position constante du Sénat au cours des dernières années.

Cette réforme a le mérite d’assurer une meilleure lisibilité pour les justiciables, ainsi qu’une plus grande cohérence et une meilleure répartition des compétences entre le tribunal judiciaire et le tribunal des activités économiques. Ceux qui relèvent du commerce et du monde économique dépendent du tribunal des activités économiques : il n’y a plus besoin de se poser de question !

Au surplus, les baux commerciaux sont, par essence, un domaine exclusif de la vie des affaires, qu’il apparaît donc naturel de confier à la juridiction spécialisée en la matière.