Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. … s’engage à accompagner les collectivités territoriales dans la rénovation des plateaux techniques et à garantir le maintien des jeunes dans les territoires.

Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour la réplique.

M. Dominique Théophile. Madame la ministre, nous serons en mesure d’évaluer rapidement les dispositifs mis en œuvre. S’il le faut, je reviendrai à la charge, car la situation de la Guadeloupe est extrêmement préoccupante.

rapport annuel de la défenseure des droits

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 778, adressée à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

M. Jean-Yves Roux. L’accès aux services publics partout et pour tous est l’un des fondements de notre cohésion sociale. Or ces fondements vacillent. La disparition répétée de services publics dans certains territoires depuis des années, leur éloignement, les conditions de la dématérialisation des procédures d’accès à ces services et les disparités d’accès entre les territoires sont autant de raisons qui expliquent les difficultés rencontrées par nos concitoyens.

Dans son rapport d’activité pour l’année 2022, publié le 17 avril 2023 et présenté au Sénat le 14 juin dernier, le Défenseur des droits fait état d’une « hausse continue des réclamations qui témoigne d’un recul des services publics ».

Ce rapport mentionne ainsi, pour le seul volet « relation avec les services publics », 82 000 réclamations liées aux rapports avec les administrations. Ce chiffre est en augmentation de 14 % par rapport à 2021.

Dans son étude de juin dernier, l’association Familles rurales relève pour sa part que, dans les campagnes, 60 % des usagers font état d’une dégradation de l’accès aux services publics ces dernières années. Les auteurs de cette enquête ajoutent : « Le déficit de services publics est le principal frein identifié par le grand public pour s’installer en zone rurale. »

Mes chers collègues, alors qu’un plan d’ampleur est annoncé en faveur de la ruralité, nous devons prendre la mesure de ces situations, qui mettent à mal les efforts des collectivités territoriales et de la puissance publique tout entière.

Le 31 mai dernier – vous le savez, madame la ministre –, le Sénat a adopté, à l’unanimité, une proposition de résolution du groupe RDSE invitant le Gouvernement à renforcer l’accès aux services publics en privilégiant, en particulier, un accès téléphonique rapide.

Nous avons plus que jamais besoin d’une stratégie, visible par nos concitoyens et les élus responsables de nos territoires, de reconquête des services publics. Les maisons France Services, pour utiles qu’elles soient, mais parce qu’elles reposent beaucoup sur l’engagement de nos collectivités, ne peuvent à elles seules pallier ces manques.

Alors que les services du ministre de la transformation et de la fonction publiques préparent l’examen du projet de loi de finances pour 2024 et que les missions budgétaires concernant les services publics sont particulièrement dispersées,…

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Yves Roux. … comment le Gouvernement compte-t-il prendre en compte les remarques du Défenseur des droits ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de légalité des chances. Monsieur le sénateur, le déploiement de services publics de qualité est une priorité du Gouvernement. À cet égard, trois axes d’action ont été définis lors du comité interministériel de la transformation publique (CITP) qui s’est tenu le 9 mai dernier.

Premièrement, le programme « 10 moments de vie » a été lancé. Il permet d’apporter des réponses aux questions que se posent tous les Français au quotidien, de la naissance à la perte d’un proche en passant par l’entrée dans la vie étudiante et le départ à l’étranger.

Deuxièmement, l’ensemble des canaux d’accès – numérique, téléphonique ou encore physique – aux services publics ont été améliorés, pour que personne ne soit laissé de côté. Cela passe par un nouveau plan pour renforcer la qualité de l’accueil téléphonique. Notre ambition est d’atteindre un taux de décroché supérieur à 85 % lorsque l’usager demande à entrer en contact avec un agent. Cela passe aussi par l’amélioration de la qualité de nos démarches numériques essentielles : il faut les rendre systématiquement accessibles aux personnes en situation de handicap, en limitant le nombre de justificatifs demandés ou encore en proposant des tutoriels à nos concitoyens pour leurs démarches en ligne.

Troisièmement et enfin, nous poursuivons nos efforts en faveur de ceux qui en ont le plus besoin, les « VIP » (very important persons) du service public. En effet, nos concitoyens les plus éloignés des démarches administratives – les personnes âgées isolées, et les jeunes en difficulté qui savent utiliser les réseaux sociaux, mais ne savent pas remplir un formulaire en ligne – sont aussi les plus en danger. Ils risquent le décrochage, voire l’hyper-précarité, souvent en raison de la complexité des procédures qui leur sont imposées. Le réseau des 2 600 espaces France Services est là pour les accompagner et les guider.

Nous allons densifier le bouquet de services, mieux faire connaître ce réseau précieux, utile et plébiscité par nos concitoyens. On y retrouvera France Rénov’, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), ou encore la Banque de France. La densification du réseau se traduit aussi par la création de 1 500 espaces complémentaires.

Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement engagé pour fait vivre ce lien social fort avec ces services publics de proximité, qui permettent à chacun d’avoir accès à ses droits.

attaques du loup en saône-et-loire

Mme le président. La parole est à M. Fabien Genet, auteur de la question n° 742, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Fabien Genet. Madame la présidente, quel plaisir et quel honneur de poser à cet instant ma question sous votre présidence, laquelle est toujours aussi exigeante que bienveillante ! (Sourires.)

Madame la ministre, depuis trois ans, les troupeaux ovins, caprins et même bovins de mon département de Saône-et-Loire sont régulièrement la cible des attaques du loup. De l’Autunois au Charolais en passant par le Châlonnais, le Clunisois et le Mâconnais, la liste des exploitations touchées s’allonge jour après jour. Chaque fois, c’est le même carnage, la même désolation, la même angoisse et la même souffrance pour l’éleveur, la même colère pour tout un territoire.

Professions agricoles, élus des territoires et parlementaires de tous bords ont pu, le 23 juin dernier, sensibiliser le ministre de l’agriculture à cette situation dramatique lors de sa venue en Saône-et-Loire. Son sens de l’écoute est à saluer, mais il n’est pas le seul décideur. J’ai donc souhaité interroger M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Le plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage (PNA) visait à réintroduire une population viable de 500 loups. Or l’Office français de la biodiversité (OFB) dénombre aujourd’hui 800 à 1 000 individus, chiffres que beaucoup jugent encore sous-évalués. On évoque, de plus, une augmentation de 20 % du nombre de spécimens chaque année.

Au regard de ces chiffres, je poserai quatre questions simples.

Premièrement, le gouvernement français entend-il obtenir la modification du classement de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, dite Convention de Berne, afin que le loup passe de la catégorie des espèces strictement protégées à celle des espèces protégées ?

Deuxièmement, le nombre de loups prélevés ne devrait-il pas être revu à la hausse, afin que l’on puisse conduire une réelle régulation de l’espèce ?

Troisièmement, et plus largement, le Gouvernement est-il d’accord pour reconnaître que le plan national d’actions sur le loup, dans sa configuration actuelle, ne correspond pas à la topographie d’un territoire bocager comme la Saône-et-Loire ?

Quatrièmement et enfin, le Gouvernement a-t-il étudié les conséquences de la prédation du loup sur l’équilibre des écosystèmes et sur la faune sauvage ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de légalité des chances. Monsieur le sénateur, l’action du Gouvernement relative au loup vise à concilier les activités d’élevage et la préservation de l’espèce, laquelle est strictement protégée par le droit national, européen et international.

Si le retour du loup est positif pour la biodiversité, nous sommes conscients que les attaques répétées contre les troupeaux domestiques sont compliquées pour les éleveurs.

La priorité est donc de protéger les élevages. L’État joue son rôle pour indemniser les dommages et aider les éleveurs à mettre en place les mesures de protection des troupeaux : clôtures, chiens de protection ou encore gardiennage. En 2022, il a versé 32,7 millions d’euros, dont environ la moitié issue du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), aux 3 391 éleveurs ayant déposé une demande d’aide.

Les tirs létaux constituent un complément aux moyens de protection. Ils sont mobilisables dans la limite d’un plafond défini chaque année en fonction de la population lupine estimée. Selon la réglementation en vigueur, ce plafond est fixé à 19 %. Il est toutefois possible d’aller jusqu’à 21 % pour permettre d’assurer la défense des troupeaux jusqu’à la fin de l’année.

Le travail d’élaboration du prochain plan national d’actions sur le loup, qui couvrira la période 2024-2029, a été engagé. Une attention particulière continuera d’être portée aux nouvelles zones de présence, afin d’y déployer rapidement des moyens de protection et, si les conditions sont réunies, d’y autoriser des tirs dérogatoires.

Sans remettre en cause le bon état de conservation de l’espèce, le plan a vocation à étudier tous les aspects de l’accompagnement des éleveurs. Il faut expérimenter ces pistes pour trouver les solutions les plus efficaces et renforcer la coopération avec nos pays voisins sur ce sujet.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour la réplique.

M. Fabien Genet. J’entends votre réponse, madame la ministre.

La prochaine mouture du plan national d’actions sur le loup devra tenir compte de la spécificité des territoires bocagers, comme la Saône-et-Loire, pour lesquels la protégeabilité est une véritable question. À défaut, c’est l’élevage qui, à terme, sera menacé.

Puisque vous êtes chargée de l’égalité des chances, vous devez savoir que la brebis et le loup ne sont pas sur un pied d’égalité ! (Sourires.) Nous devons absolument protéger nos élevages. Il y va non seulement de notre souveraineté alimentaire, mais aussi – en Saône-et-Loire, nous en sommes convaincus – de la biodiversité, à laquelle contribuent les éleveurs.

Mme le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Hommage à Léon Gautier, dernier vétéran du commando Kieffer

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une grande émotion que nous avons appris hier la disparition de Léon Gautier, dernier des membres du commando Kieffer, à l’âge de 100 ans. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, se lèvent.)

Il avait rejoint Londres à seulement 18 ans dès juin 1940, puis intégré en 1943 le 1er bataillon de fusiliers marins et commandos.

Il avait débarqué le 6 juin 1944 en Normandie avec ses 176 compagnons, les seuls Français à participer au jour J.

Au moment où disparaît le dernier survivant de ce commando mythique, nous souhaitons saluer l’engagement et la mémoire de l’homme que fut Léon Gautier et, à travers lui, la mémoire de l’ensemble des Français qui combattirent pour notre liberté.

Je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, observent une minute de silence.)

4

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 12 juillet, après les questions d’actualité au Gouvernement, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de l’éventuelle commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité.

Il demande également l’inscription à l’ordre du jour du jeudi 13 juillet, avant la suite du projet de loi pour le plein emploi, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.

Acte est donné de ces demandes.

5

Organisation des travaux

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la bonne organisation de nos travaux, je vous précise que nous suspendrons la séance vers dix-neuf heures quinze pour les reprendre à vingt et une heures trente.

6

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour une mise au point au sujet de votes.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, lors des scrutins n° 323, portant sur l’article 6 constituant l’ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, et n° 324, portant sur l’article 7 constituant l’ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022, notre collègue Daphné Ract-Madoux souhaitait voter pour, et non s’abstenir.

Par ailleurs, lors du scrutin n° 325 sur la motion n° 1, d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022, elle souhaitait voter contre et non pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité
Discussion générale (suite)

Protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité (proposition n° 393, texte de la commission n° 787, rapport n° 786).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous connaissons toutes et tous, même si nous n’avons pas été directement confrontés à ces situations, les souffrances et les difficultés que rencontrent de trop nombreuses familles de notre pays : celles dont les enfants sont atteints d’une grave maladie, victimes d’un accident ou en situation de handicap, et dont le quotidien, parce qu’elles sont frappées par le sort, bascule du jour au lendemain.

En tant que ministre des familles, c’est à ces familles que je pense avant tout en m’exprimant aujourd’hui devant vous. Et c’est en leur nom que je me réjouis du chemin déjà parcouru par la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par le député Paul Christophe, que votre commission des affaires sociales a adoptée la semaine dernière.

Madame la rapporteure, je salue le travail que vous avez accompli à ce titre. Le présent texte a été précisé et enrichi par plusieurs amendements déposés par vos soins.

Beaucoup a été fait ces dernières années en faveur d’un meilleur accompagnement des parents d’enfants malades ou en situation de handicap, souvent d’ailleurs sur l’initiative du Parlement.

Nous avons tous en mémoire le vote, en 2019, de la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli ; celui, en 2021, de la loi visant à l’accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer ; ou encore celui, toujours en 2021, de la loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.

Le Gouvernement agit également en matière de recherche.

Vous connaissez l’engagement du ministre de la santé et de la prévention, François Braun, dans la lutte contre les cancers pédiatriques, enjeu médical majeur qui concerne chaque année environ 2 500 enfants et adolescents. Si la majorité d’entre eux guérissent, il nous faut poursuivre nos efforts, car, pour 20 % d’entre eux, il n’y a qu’un seul et unique espoir : le progrès de la recherche.

Le Gouvernement s’y attelle au travers de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, dont certaines mesures sont spécifiquement dédiées à cette question.

Nonobstant les progrès accomplis, il nous faut aller plus loin pour améliorer l’accompagnement que nous proposons à ces familles. C’est une demande forte et légitime de leur part et de celle des associations qui les représentent et les soutiennent.

Nombre de ces associations, réunies pour beaucoup au sein de la fédération Grandir sans cancer, agissent au quotidien aux côtés des parents. Elles jouent parfois un rôle salutaire d’aiguillon auprès des pouvoirs publics, pointant certains irritants et proposant l’évolution de certains dispositifs. Je salue ainsi le dialogue qui est engagé avec les associations Eva pour la vie, Rose et Léa.

Je relève aussi l’engagement des chercheurs, des professionnels engagés dans la lutte contre les cancers, maladies graves et handicaps de l’enfant, ainsi que dans l’accompagnement de leurs familles. C’est notamment avec ces acteurs que votre collègue député Paul Christophe, auteur d’un excellent rapport sur le sujet, a rédigé le texte qui vous est présenté aujourd’hui et dont les dispositions, soutenues par le Gouvernement, viendront utilement compléter les mesures fortes déjà appliquées.

Je pense avant tout aux dispositifs de congé de présence parentale (CPP) et d’allocation journalière de présence parentale (AJPP), que cette proposition de loi renforce. Cette prestation est versée chaque année à environ 10 000 parents s’occupant d’un enfant malade, victime d’un accident ou en situation de handicap. Son droit est ouvert pour une période égale à la durée du traitement de l’enfant, fixé par un certificat médical établi par le médecin traitant.

Grâce à la représentation nationale, le nombre maximum de jours du congé indemnisés par l’allocation, fixé à 310, peut être doublé depuis 2021. Ce congé peut ainsi atteindre 620 jours, dans les situations caractérisées par des traitements longs qui nécessitent un arrêt total d’activité de la part de l’un des parents.

Cette amélioration majeure concerne 5 % des bénéficiaires de l’AJPP, qui, face à des maladies longues – j’y insiste, ces situations extrêmement difficiles appellent une présence continue du parent auprès de l’enfant –, allaient auparavant au terme des 310 jours. La représentation nationale a donc eu raison de se saisir de cette question.

Le dispositif fonctionne, mais – les remontées de terrain en témoignent – il est parfois grippé par des délais excessifs. Une telle situation n’est bien sûr pas satisfaisante : il convient de simplifier les démarches.

Il fallait le faire, tout d’abord, au moment de l’ouverture des droits, avec l’idée de procéder à la liquidation de la prestation sans attendre l’avis du service de contrôle médical de la caisse d’assurance maladie. Ce contrôle a priori est parfois retardé du fait de la charge de travail importante des services. Nous passerons à un contrôle a posteriori, qui facilitera l’accès rapide à la prestation.

En matière de renouvellement exceptionnel des droits, une simplification est également prévue, avec la suppression de l’avis explicite aujourd’hui requis de la part du service de contrôle médical.

Ces mesures s’inscrivent pleinement dans la logique gouvernementale en faveur de l’accès rapide et effectif au droit. Ces questions sont au cœur du dialogue que je mène avec l’ensemble des acteurs, en particulier avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Cette dernière se montre de plus en plus souple : à preuve, elle modernise ses pratiques et les adapte aux attentes et aux besoins de nos concitoyens. Je salue à ce titre l’action des 35 000 agents des caisses d’allocations familiales (CAF), présents au quotidien aux côtés des bénéficiaires qu’ils accompagnent. La prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la Cnaf, qui sera signée dans les prochains jours, va d’ailleurs dans le sens d’un accès encore plus effectif aux droits.

Les autres dispositions de cette proposition de loi visent à répondre à un ensemble de problématiques liées aux bouleversements que représente, pour les familles concernées, la survenue chez leur enfant d’un accident, d’une maladie ou d’un handicap.

Pour ce qui concerne les problématiques d’ordre professionnel, en renforçant la protection contre le licenciement, ou encore en facilitant le recours au télétravail, ce texte traite de ce que j’aime à qualifier de « responsabilité familiale des entreprises ».

Nous connaissons depuis longtemps la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Face aux enjeux de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, et alors que notre rapport collectif au travail est en train de changer, cette composante familiale devient incontournable. Elle commence par une organisation qui tient compte de la dimension parentale du salarié, et donc de l’intérêt des enfants.

Nombre d’entreprises l’ont déjà compris et je souhaite que cette tendance s’accélère. Elles y sont invitées par les articles de ce texte portant allongement de la durée du congé de deuil pour décès d’un enfant et du congé pour l’annonce de la survenue d’un handicap ou d’une affection de longue durée chez un enfant.

Le Gouvernement soutient ces mesures. Il a d’ailleurs déposé un amendement visant à les étendre aux agents de la fonction publique. Dans les faits, elles offriront davantage de temps aux parents concernés par ces situations, pour certaines très difficiles, pour d’autres dramatiques.

Il faut du temps pour faire son deuil ou prendre la mesure de la situation nouvelle et des bouleversements induits. À cet égard, le présent texte contient de nombreuses avancées pour les familles : nous nous retrouverons tous, sans difficulté, pour les soutenir.

Il nous faudra, bien sûr, continuer à rechercher des améliorations. Je suis convaincu que ce travail passe notamment par des initiatives locales, des retours d’expérience et des expérimentations.

À ce titre, le Gouvernement soutient pleinement l’article 5 de la proposition de loi : l’expérimentation qu’il prévoit permettra aux CAF de rester souples et de proposer aux bénéficiaires qu’elles accompagnent des aménagements que nous ne connaissons pas aujourd’hui, mais qui auront peut-être vocation, demain, à être généralisés.

En tout cas, la question se posera toujours en relation avec les parents, dont nous devons entendre les besoins et les attentes, et avec les professionnels qui les accompagnent, lesquels doivent continuer à nous dire ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC et au banc des commissions. – Mme Colette Mélot et M. Éric Gold applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré un cadre législatif dynamique, marqué par l’adoption de trois textes depuis 2020, les familles d’enfants atteints d’un handicap ou d’une maladie grave se heurtent encore à des obstacles de natures diverses, tant dans leur situation professionnelle que dans les démarches administratives et médicales à accomplir.

Ces obstacles sont d’autant plus malvenus que les familles concernées sont souvent – il n’est nul besoin de le dire – bouleversées par la situation.

En l’absence d’un projet de loi plus englobant pour améliorer les conditions d’existence des familles, il nous revient donc, de nouveau, de légiférer sur cette question pour répondre à la demande de celles qui connaissent des situations difficiles, et que l’ensemble des associations que j’ai auditionnées m’ont résumée en un mot : répit.

En allégeant leurs démarches et en sécurisant leurs conditions d’existence, cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour du Sénat par le Gouvernement près de quatre mois après son adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale, vise à permettre aux parents concernés d’être davantage présents physiquement, mais aussi mentalement, auprès de leur enfant.

L’amélioration du CPP et de l’AJPP est au cœur de ce texte. Ces dispositifs permettent au parent d’un enfant dont l’état de santé justifie sa présence d’interrompre son activité professionnelle pendant 310 jours fractionnables, sur une période maximale de trois ans, et renouvelables une fois. En compensation de la perte de revenus qui en découle, les parents bénéficient d’une allocation forfaitaire.

Avant de vous présenter ces dispositions plus en détail, je tiens à remercier l’auteur de cette proposition de loi et rapporteur de l’Assemblée nationale, le député Paul Christophe, dont je salue la présence en tribune aujourd’hui. Je remercie également notre collègue Brigitte Micouleau de son appui et son soutien lors de l’instruction de ce texte au Sénat. Elle est, comme vous le savez, très engagée auprès des familles et des associations.

L’article 1er vise à offrir une protection contre le licenciement aux salariés en congé de présence parentale. Les salariés dont l’enfant souffre d’une maladie ou d’un handicap graves ont un besoin accru de stabilité dans tous les pans de leur vie, au premier chef dans leur vie professionnelle. Pourtant, comme l’ont révélé les auditions, des discriminations et des intimidations qui, fussent-elles rares, n’en sont pas moins inacceptables, restent à déplorer, justifiant ainsi l’intervention du législateur.

En offrant une protection ex ante aux salariés en congé de présence parentale, l’article 1er rend impossible le licenciement d’un salarié en congé de présence parentale du fait même de son statut, hors cas de faute grave et de force majeure, sur le modèle de la protection contre le licenciement des femmes en congé de maternité.

Pour atteindre pleinement son objectif, cette protection devait toutefois s’appliquer à tous les parents en CPP, quels que soient leurs choix professionnels. En ce sens, la commission a adopté cet article modifié par un amendement tendant à préciser que la protection contre le licenciement était applicable à toute la durée du congé de présence parentale, y compris lors des éventuelles périodes de reprise du contrat de travail entre deux périodes de congés.

L’article 1er bis, inséré en séance à l’Assemblée nationale, allonge la durée minimale de deux congés pour événements familiaux. Il couvre deux sujets bien distincts.

D’une part, cet article étend de deux à cinq jours ouvrables la durée du congé pour annonce de la survenue d’un handicap ou d’une pathologie grave chez l’enfant. Cette mesure, plébiscitée par les associations, laissera davantage de temps aux familles pour assimiler la nouvelle et accomplir les démarches prenantes et chronophages auxquelles elles sont confrontées après l’annonce. La commission l’a donc adoptée sans modification.

D’autre part, l’article 1er bis augmente la durée du congé pour le salarié dont un enfant décède. Le texte transmis par l’Assemblée nationale se bornait à porter de cinq à douze jours ouvrables le congé dans le cas général, sans toutefois modifier le congé spécifique pour la perte d’un enfant de moins de 25 ans, qui restait fixé à sept jours ouvrés.

La commission a adopté un amendement tendant à corriger cette incohérence en préservant la position du Sénat, qui, en 2020, a entendu conférer deux jours de congé supplémentaires en pareil cas. Elle a donc fixé à quatorze jours ouvrables le congé minimal pour un salarié confronté à la perte d’un enfant ou d’une personne à charge de moins de 25 ans, ou à la perte d’un enfant lui-même parent.

En concertation avec le Gouvernement, qui en assure la recevabilité financière au titre de l’article 40 de la Constitution, je vous proposerai, au nom de la commission, un amendement visant à répercuter les modifications adoptées pour les salariés sur les agents publics, afin de garantir l’égalité des droits en la matière.

Certes, il ne revient pas à la loi de fixer le congé pour le décès d’un enfant chez les militaires. Mais j’appelle le Gouvernement à leur rendre applicables les modifications mises en œuvre par ce texte s’il devait, comme je l’espère vivement, arriver au terme de son cheminement parlementaire.

L’article 2 simplifie et assouplit le recours au télétravail pour les salariés aidants. Les accords collectifs régissant le télétravail devront désormais évoquer distinctement les modalités d’accès au travail à distance pour ces salariés. En parallèle, l’employeur refusant d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié aidant devra motiver sa décision.

Mes chers collègues, j’en suis consciente, cet article ne touchera pas tous les parents aidants. Ceux dont le métier n’est pas télétravaillable ne pourront pas bénéficier de cette avancée, tout comme ceux dont l’état de santé de l’enfant est incompatible avec l’exercice du télétravail, qui implique – rappelons-le – les mêmes sujétions qu’une activité professionnelle sur site. Toutefois, cet article procède d’une logique vertueuse. Il repose sur la confiance dans le dialogue social pour fixer les dispositions adaptées, afin d’offrir davantage de flexibilité aux salariés aidants. C’est pourquoi la commission l’a adopté sans modification.

Les articles suivants concernent les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale.

Comme je l’ai indiqué, cette allocation peut désormais être renouvelée, en vertu de la loi du 15 novembre 2021. Il convient, pour ce faire, qu’un nouveau certificat médical atteste le caractère indispensable de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue.

Néanmoins, le renouvellement de l’AJPP est soumis à l’accord explicite du service du contrôle médical de l’assurance maladie, par dérogation au principe appliqué à une première demande, selon lequel le silence gardé pendant deux mois vaut acceptation. De cette inversion de logique résultent des délais trop longs d’instruction des demandes, plaçant les familles dans des situations délicates.

L’article 3 supprime ce caractère explicite. En outre, il permet aux CAF d’accorder une avance sur prestation afin d’éviter toute rupture de ressources pour les parents éligibles à l’AJPP. La commission vous invite à adopter cet article en l’état pour simplifier le recours à la prestation.

Cette même intention se traduit à l’article 5, qui permet aux CAF de mettre en œuvre des innovations, à titre expérimental, dans le service de l’AJPP afin de prémunir ses allocataires de difficultés financières.

L’article 4 apporte lui aussi un ajustement à une réforme récemment votée. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 a revalorisé le montant de l’AJPP, ainsi que celui de l’allocation journalière du proche aidant (AJPA), calculé selon les mêmes modalités. Ces deux allocations sont désormais indexées sur le Smic et portées à 1 373 euros par mois pour vingt-deux jours d’allocation. La LFSS a toutefois prévu, avec une date d’entrée en vigueur différée au 1er janvier 2024, un mécanisme d’écrêtement pour éviter les effets d’aubaine.

Le montant de ces deux allocations versées aux non-salariés des professions agricoles et à leurs conjoints collaborateurs ne peut excéder les revenus journaliers tirés de leur activité professionnelle.

Cette modulation s’applique aussi aux bénéficiaires d’une allocation chômage. Or le soupçon d’un effet d’aubaine lors de la revalorisation de l’allocation n’est étayé en rien. De plus, la mise en œuvre de ce dispositif, particulièrement complexe, aurait mobilisé des moyens disproportionnés pour la branche famille. Pour ces raisons, la commission est favorable à cet article, qui supprime le mécanisme d’écrêtement.

En vertu de l’article 4 bis, un bailleur ne peut plus refuser le renouvellement du bail à un locataire bénéficiaire de l’AJPP aux ressources modestes, à moins qu’une solution de relogement, correspondant à ses besoins et à proximité géographique, ne lui soit proposée. Les associations entendues en audition ont mentionné des difficultés dans l’accès au logement des bénéficiaires de l’AJPP. Selon elles, la priorité est de garantir la situation de ceux qui disposent déjà d’un logement.

Cette limitation du droit de propriété des bailleurs, analogue à la protection dont bénéficient les personnes âgées de plus de 65 ans aux faibles revenus, ne doit pas être surestimée. D’une part, le nombre de bénéficiaires de l’AJPP est très limité : on en compte 11 000 pour toute la France et tous ne sont pas locataires. D’autre part, la durée de cette protection est en réalité assez réduite : la prestation est, en moyenne, versée pour huit mois seulement et ne peut en aucun cas dépasser six ans. Pour ces raisons, la commission a adopté cet article.

Mes chers collègues, le présent texte contient des avancées très attendues pour les familles confrontées à la maladie ou au handicap graves d’un enfant. Il offrira un parcours simplifié aux allocataires de l’AJPP, protégera davantage les parents concernés de certains risques socioprofessionnels et permettra une meilleure adaptation du monde du travail aux caractéristiques de ces salariés.

La commission vous invite donc à accorder une vaste majorité au texte issu de ses travaux. C’est peu dire que les familles attendent avec une grande impatience le vote de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Mme Colette Mélot applaudit également.)