Mme Antoinette Guhl. Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de défendre Fabien Gay et je m’appuierai sur deux raisons principales pour justifier notre choix en faveur du statut d’API.

Tout d’abord, il s’agit de garantir la continuité du service.

Ensuite, ce statut permettrait de ne pas démanteler les activités actuelles de l’IRSN, en les éparpillant dans d’autres structures. Fabien Gay a évoqué les activités commerciales, en particulier la dosimétrie, mais il est également important de maintenir les activités de formation, ce que permettrait le statut d’API.

À la différence du statut d’autorité administrative indépendante, le statut d’autorité publique indépendante permet à la fois une personnalité morale, une autonomie budgétaire, une souplesse de gestion et le maintien des activités de l’IRSN au sein de la nouvelle structure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Concernant l’amendement n° 91 rectifié, je comprends sa logique, mais je reste partagé.

Je note qu’aucune autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante ne fait figurer la notion d’indépendance dans son nom. Ajouter cette notion dans le nom de la future ASNR ne laisse-t-il pas imaginer que les autres AAI ou API ne seraient pas indépendantes ?

Pour autant, je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, dont le premier cosignataire est Patrick Chaize ; je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Les amendements nos 87 et 90 posent une autre question : faut-il donner à la future ASNR le statut d’autorité publique indépendante plutôt que celui d’autorité administrative indépendante ?

J’ai pris le temps, dans mes travaux préparatoires, de peser les avantages et les inconvénients associés à ces différents statuts et j’ai fini par opter pour celui d’AAI pour deux raisons principales.

L’ASN est aujourd’hui une AAI. Si nous choisissions le statut d’API, les fonctionnaires ne seraient plus en position normale d’activité ; ils devraient être détachés au sein de la nouvelle autorité. Cela risquerait de réduire l’attractivité de l’ASNR pour ces personnels, qui se posent déjà des questions quant à la place occupée par des agents de droit public dans une nouvelle entité majoritairement composée de salariés de droit privé.

Il me semble également préférable de ne pas alourdir plus que nécessaire la phase de transition – d’ici au 1er janvier 2025. C’est immanquablement ce que nous ferions en optant pour le statut d’API, compte tenu, je le rappelle, du fait que l’ASN a aujourd’hui le statut d’autorité administrative indépendante.

C’est pour ces raisons que la commission est défavorable aux amendements nos 87 et 90.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 91 rectifié de M. Chaize pour la même raison que celle avancée par le rapporteur : si le mot indépendant devait être présent dans l’intitulé de toutes les AAI ou API, nombreuses sont celles qui devraient être renommées !

En outre, ce n’est pas parce qu’on met « indépendant » dans son titre qu’une structure l’est réellement ! Cela pourrait même laisser penser qu’aujourd’hui l’ASN ne l’est pas…

S’agissant des amendements nos 87 et 90, trois raisons justifient mon avis défavorable.

Tout d’abord – et c’est la raison la plus importante –, lorsqu’il s’est agi, en 2006, de déterminer le statut de l’ASN, les différentes possibilités avaient déjà été comparées et les rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat, Henri Revol et Bruno Sido, avaient considéré qu’il fallait mieux choisir le statut d’AAI plutôt que celui d’API. Or rien dans les arguments mentionnés dans leur rapport n’est réellement différent aujourd’hui.

Il y a ensuite les raisons avancées par le rapporteur sur lesquelles je ne reviens pas.

Enfin, j’ajoute qu’une API a une personnalité morale. De ce fait, sa responsabilité peut être mise en cause pour les conséquences financières des décisions qu’elle prend. Avec un tel statut, la future ASNR devrait donc s’assurer, ce qui représenterait un coût budgétaire extrêmement important en termes de prime à verser. Nous n’aurions alors pas davantage d’indépendance qu’avec le statut d’AAI, mais un coût budgétaire nettement plus élevé à la charge de notre dispositif de sûreté nucléaire.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. M. le ministre nous a invités à nous replonger dans l’histoire des travaux sénatoriaux, nous renvoyant à ceux de 2006 et au choix opéré à l’époque en faveur du statut d’autorité administrative indépendante plutôt que de celui d’autorité publique indépendante.

Mais il faut prolonger la réflexion, monsieur le ministre ! Presque dix ans après ce choix, notre ancien collègue Jacques Mézard a publié, au nom d’une commission d’enquête du Sénat, un rapport sur les autorités administratives indépendantes et il a ensuite déposé une proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes qui a été adoptée par le Sénat en première lecture en janvier 2016 – à l’unanimité me semble-t-il – et qui est devenue loi. Chacun se rappellera qui siégeait sur ces travées à cette époque…

Cette loi prévoit que les API disposent de la personnalité morale et nous étions alors tous convaincus, chacun selon sa sensibilité politique, que ce statut devait se développer, parce qu’il apportait plus de transparence et d’efficacité.

Si j’étais insolente, monsieur le ministre, je pourrais donc dire que vous balayez un peu vite les travaux de l’un de nos anciens collègues devenu entre-temps ministre d’un gouvernement soutenu par votre majorité et que vous oubliez le vote que vous avez très certainement émis lorsque vous siégiez ici.

Sur le fond, ces amendements ont toute leur pertinence au moment où nous parlons de sûreté nucléaire – un enjeu essentiel pour l’avenir de notre pays. C’est pourquoi nous devons les adopter.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. J’entends les différents arguments qui ont été avancés, notamment le coût et la nécessité de transférer les fonctionnaires de l’ASN – ils y sont majoritaires aujourd’hui – vers la future entité.

Mais, monsieur le ministre, vous savez très bien que les fonctionnaires de l’ASN sont extrêmement inquiets. Vont-ils pouvoir conserver leur statut, alors qu’ils seront minoritaires par rapport aux agents de droit privé ? Il vous appartient de répondre à leurs inquiétudes et de dire si vous souhaitez ou non garder des fonctionnaires dans la future ASNR. Les choses ne sont pas claires aujourd’hui.

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu, monsieur le ministre, sur la question du sort des activités de dosimétrie. Les agents concernés sont les grands sacrifiés de cette réforme et ils sont en train de partir. En vous y prenant de la sorte, vous allez avoir un problème de recrutement lorsque vous voudrez transférer ces activités : il n’y aura plus personne ! Vous n’avez pas répondu sur cette question et il faudra bien que vous le fassiez avant la fin de l’examen de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, je voudrais essayer de vous convaincre.

Dans votre réponse, vous ne faites allusion qu’à l’ASN. Or, dans ce projet de réorganisation, il n’est pas seulement question de sûreté : avec l’IRSN, on ajoute la radioprotection et des aspects scientifiques et technologiques. Le champ est donc bien plus vaste.

En outre, nous sommes dans une phase d’évolutions très importantes : relance du nucléaire, prolongation de la durée de vie des centrales, apparition de start-up qui font émerger des problématiques nouvelles, etc. Par exemple, nous devrons procéder à des installations dans des territoires qui ne sont pas habitués au nucléaire et les acteurs locaux devront apprendre à faire fonctionner les commissions locales d’information.

C’est pourquoi il est essentiel de bien préciser dans son titre que la nouvelle autorité est indépendante.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 87 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 90.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après le mot :

expertise

insérer les mots :

fondée sur l’état de l’art des connaissances scientifiques et techniques, indépendante de tout intérêt politique, économique ou commercial particulier

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Toujours dans un souci de protection de l’intérêt général et de renforcement de la confiance – un élément essentiel à la relance du nucléaire –, il nous paraît opportun, pour ne pas dire indispensable, que l’expertise de la future autorité ne soit pas limitée par des critères de faisabilité industrielle ou liés à un bilan coûts-avantages qui mettraient sur un même plan intérêt économique et protection de la santé publique et environnementale.

Cette précision nous semble d’autant plus importante que nous avions déposé un amendement qui prévoyait que la nouvelle autorité soit dotée d’un conseil scientifique chargé de l’évaluation de la qualité des travaux de recherche et d’un comité pluraliste d’orientation des recherches dont les avis auraient été rendus publics. La nouvelle autorité aurait alors eu pour objectif de répondre aux enjeux de démocratie environnementale et sanitaire en matière d’évaluation des risques.

Malheureusement, notre amendement a été déclaré irrecevable. Pourtant, ces organes d’évaluation et d’orientation existent aujourd’hui au sein de l’IRSN.

Cette dissolution-réorganisation ne doit pas ressembler à une procédure bâillon contre l’indépendance de l’IRSN ni nier la spécificité du système dual.

Le reproche formulé à l’encontre de l’IRSN sur l’absence de prise en compte de la faisabilité industrielle que prend en compte l’ASN dans ses décisions ne doit pas être l’argument qui sous-tend toute cette réforme. Il s’agit bien au contraire d’une force, comme l’ont si justement mis en avant de nombreux salariés de l’IRSN : selon eux, c’est justement ce qui permet à l’expert, qui ainsi ne subit pas le poids de la décision à prendre ensuite, de travailler en toute liberté sur la base d’éléments techniques et scientifiques.

Rien ne doit laisser penser que le seul objectif du Gouvernement est d’affaiblir la sûreté pour accélérer la mise en œuvre des chantiers annoncés par le Président de la République, alors même qu’il faudrait l’améliorer encore. Cette fusion ne doit pas être conduite avec le seul objectif de simplifier la vie de la filière nucléaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Je partage les objectifs des auteurs de cet amendement. L’expertise doit en effet être fondée sur l’état de l’art des connaissances scientifiques et techniques. C’est l’exercice combiné de l’expertise et de la recherche, plus qu’une proclamation, qui garantit cette excellence de l’expertise. L’expertise doit également être indépendante de tout intérêt.

L’indépendance est garantie par la commission d’éthique et de déontologie qui prohibe les conflits d’intérêts et par le statut particulier d’AAI qui est protecteur.

Il semble redondant d’inscrire les précisions proposées dans l’article relatif aux missions de l’ASNR. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Cet amendement est doublement satisfait : d’une part, grâce au statut d’AAI sur lequel le Gouvernement et la commission sont d’accord ; d’autre part, en raison de l’adoption par le Sénat de l’amendement n° 91 rectifié qui visait à insérer le mot « indépendant » dans le nom de la future autorité.

Adopter cet amendement serait redondant.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. Burgoa et Sol, Mme Belrhiti, MM. Sautarel, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, M. Milon, Mme Garnier, MM. Klinger, Mouiller et Bonhomme, Mme Gosselin, M. Courtial, Mme Richer, M. Rapin, Mme Lassarade, MM. Bouchet et D. Laurent, Mme Jacquemet, MM. C. Vial, Hingray et Brisson, Mmes Herzog et Aeschlimann, MM. H. Leroy et Menonville, Mme Di Folco, MM. Bazin, Favreau et Mizzon, Mmes de Cidrac et Gruny, M. Mandelli, Mme Joseph, M. Pellevat, Mme Schalck, MM. Pointereau, Savin, Belin et Laménie, Mmes Pluchet et Berthet, MM. Sido, Michallet, Somon, Bruyen, Gremillet et Meignen et Mme Primas, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle veille, dans ses domaines de compétence et, à exigences de sûreté nucléaire et de radioprotection inchangées, à tenir compte, sur un plan procédural, des projets de production ou de recherche nucléaires innovants, tels que les petits réacteurs modulaires ou les réacteurs de quatrième génération.

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Cet article 1er vise à fixer les missions de la future ASNR. Je propose par cet amendement de tenir compte de l’une des préconisations de l’Opecst, dont le rapport a été – je m’en félicite – abondamment cité lors de cette séance.

Le rapport de l’Opecst proposait ainsi de « créer les conditions d’un dialogue approfondi avec les nouveaux opérateurs du nucléaire, en adaptant si nécessaire les procédures et en lien avec les autorités de sûreté étrangères, sans pour autant renoncer au plus haut niveau de sûreté qui devra s’appliquer à leurs installations ».

Cette préconisation visait à prendre en compte l’ampleur des missions – un véritable mur ! – qui vont être à la charge de la future autorité, dont une partie est plus ou moins nouvelle, par exemple les réacteurs innovants de quatrième génération et les petits réacteurs modulaires.

Cet amendement vise à préciser que, dans ses domaines de compétences, l’ASNR aura à tenir compte, sur le plan procédural, des projets de production dans ces deux domaines – réacteurs innovants et petits réacteurs modulaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement avait été déposé en commission, mais il n’avait pas été adopté. Je partage l’intention de ses auteurs, de même que la recommandation de l’Opecst sur laquelle ils s’appuient.

J’avais toutefois noté que la rédaction me semblait quelque peu imprécise et donc source d’insécurité juridique, puisqu’on a du mal à comprendre ce que signifie « tenir compte, sur un plan procédural, des projets de production ou de recherche nucléaires innovants ».

Mettre en œuvre la recommandation de l’Opecst, c’est-à-dire adapter les échanges entre le régulateur et les start-up du nucléaire et faire preuve d’agilité, nécessitera bien plus qu’un amendement législatif. Il s’agit avant tout d’adapter la culture de la future autorité à la nouvelle réalité de la filière.

Pour autant, je m’en remets à l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. On ne peut pas, dans le même temps, considérer que nous connaissons une inflation normative et insérer des dispositions qui n’ajoutent rien…

Qui plus est, ajouter la précision demandée requerra demain, si nous sommes face à une innovation majeure, de changer la loi pour demander à l’ASNR de s’en occuper.

À partir du moment où l’on se dote d’une autorité disposant d’une capacité de recherche et sans limitation dans le temps, il n’est pas pertinent de fixer dans la loi l’état actuel des connaissances scientifiques – cela pourrait apporter une forme de confusion.

Le but même de l’ASNR est de participer à des actions de recherche. D’ailleurs, l’une des qualités du rapport de l’Opecst est d’insister sur le fait qu’il ne faut pas la « déshabiller » en lui retirant cette mission. Dans ces conditions, il serait paradoxal de dire à l’ASNR dans quels domaines elle doit orienter ses recherches. Si nous le faisions, cela pourrait aussi vouloir dire qu’elle ne peut pas mener de recherches dans d’autres secteurs, sauf à modifier la loi.

C’est pour éviter d’avoir une loi bavarde et au nom de la cohérence que je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 18 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président ; je me laisse convaincre par le ministre…

Je comprends l’argument du rapporteur sur l’imprécision de la rédaction, mais il me semble important de prendre en compte les deux domaines que j’ai évoqués – les réacteurs innovants et les petits réacteurs modulaires – et j’espère que la suite de la navette parlementaire permettra de le faire.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 7, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 11

1° Remplacer le mot :

participe

par le mot :

assure

2° Remplacer les mots :

à l’information du public et à

par les mots :

la formation et l’information du public et des acteurs concernés ainsi que

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement de repli vise à inscrire dans les missions de la future ASNR des garanties sur la démocratie environnementale, (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) la transparence et le droit à l’information.

Il est important d’intégrer ces éléments dans la loi afin que ce texte ne soit pas synonyme de grave recul par rapport au système existant.

La capacité de l’IRSN à mener un dialogue avec la société civile est reconnue, appréciée et indispensable. En effet, l’IRSN a développé une action importante pour l’information du public sur les risques nucléaires et radiologiques.

De plus, il mène une action spécifique de formation auprès des acteurs représentés au sein des commissions locales d’information (CLI). Cette formation permet des échanges plus pertinents dans ces instances et d’améliorer les compétences de leurs membres. Elle permet un approfondissement du dialogue technique et environnemental qui améliore l’expertise et donc le niveau de sûreté.

Veut-on encore élever le niveau de débat dans ce pays ou veut-on revenir à l’omerta bien propre au nucléaire ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

En outre, à travers l’IRSN Academy, l’IRSN dispense des formations contribuant à une meilleure prévention et protection contre les dangers des rayonnements ionisants. Radiologues, médecins, industriels, ingénieurs en sûreté nucléaire ou en environnement sont concernés par ces formations, parce que l’IRSN ne s’occupe pas que des centrales nucléaires.

Le projet de loi ne définit aucune obligation pour l’ASNR de poursuivre ce dialogue approfondi avec la société civile. Il ne reprend aucun élément de la charte d’ouverture à la société que l’IRSN a signée avec sept autres organismes : l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Santé publique France et l’université Gustave Eiffel. Sans doute là aussi, des contre-pouvoirs qui gênent…

Or, comme le dit le rapport de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, l’organisation de la sûreté nucléaire en France peut être qualifiée de quadripartite : elle s’appuie sur l’ASN, l’IRSN, l’exploitant et la société civile. Il s’agit, comme on le disait tout à l’heure, de ne pas couper ce pied de la société civile !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. L’information du public constituera une mission majeure pour la future ASNR. Cela apparaît clairement dans le texte.

Néanmoins, je ne crois pas qu’on puisse ajouter la « formation » du public comme le proposent les auteurs de cet amendement. En effet, la formation désigne la transmission des connaissances dans un cadre professionnel ou scolaire ; on parle alors de formation continue ou initiale. Je ne crois pas que cette terminologie puisse s’appliquer au module de sensibilisation destiné au public.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je crois que la commission a trouvé une formulation équilibrée : l’ASNR participe, dans ses domaines de compétence, à l’information du public.

Si l’on retenait la rédaction proposée dans cet amendement, on pourrait considérer que l’ASNR serait seule responsable de la totalité des programmes de formation concernant le nucléaire, ce qui serait évidemment excessif.

C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 80, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11

1° Après le mot :

œuvre

insérer les mots :

des exigences de

2° Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :

et de partage des connaissances dans le respect des droits à l’information du public, telles que le prévoit l’article 7 de la charte de l’environnement et la convention d’Aarhus du 25 juin 1998. À ce titre, elle assure une mission de dialogue renforcé avec la société civile en garantissant l’information et la participation des commissions locales d’information et de leur association nationale, des élus locaux ainsi que des associations regroupant des citoyens s’intéressant au risque radiologique et nucléaire, notamment dans le cadre du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire.

II. – Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le règlement intérieur définit les modalités de cette mission d’information et de dialogue renforcé avec le public en garantissant la pérennité des exigences issues de la charte de l’ouverture à la société de l’IRSN, en date du 10 avril 2009. » ;

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à inscrire dès l’article 1er de ce projet de loi, qui clarifie les missions et le fonctionnement de la future entité de contrôle de la sûreté nucléaire, les exigences à remplir en termes de droit à la transparence, d’information et de participation du public.

La publication des avis de l’IRSN relève aujourd’hui du domaine de la loi. Un simple renvoi au règlement constituerait un affaiblissement de leur protection, alors même que ces garanties ont aujourd’hui une valeur constitutionnelle : elles figurent à l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui renvoie notamment aux droits inscrits dans la convention d’Aarhus et à une directive européenne.

À ce titre, elle assure une mission de dialogue renforcée avec la société civile et garantit l’information et la participation des commissions locales d’information et de leur association nationale, dans lesquelles siègent des élus locaux, ainsi que des associations qui regroupent des citoyens qui s’intéressent aux risques radiologiques et nucléaires. Il nous semble nécessaire de conforter ce dialogue. Cet amendement vise donc à assurer la pérennité des actions menées par l’IRSN depuis sa création.

Ce qui relève de la loi est forcément plus protecteur et plus solide que ce qui relève du règlement intérieur, qui peut être bousculé beaucoup plus facilement. Plusieurs l’ont dit : depuis le début, tous les avis convergent vers la nécessité de sauvegarder des spécificités fortes et utiles de l’IRSN – excellence et indépendance, partage et anticipation. Inscrire un certain nombre de ces principes dans la loi plutôt que dans le règlement intérieur serait utile au regard des enjeux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Le présent amendement tend à préciser les missions de la future ASNR, mais il entre trop dans le détail. Il me semble un peu bavard, si vous me permettez l’expression.

L’obligation imposée à la future autorité de respecter la Charte de l’environnement et la convention d’Aarhus est superfétatoire : le cadre constitutionnel et conventionnel s’applique implicitement à l’ensemble des autorités administratives.

L’ASNR devra en effet garantir l’information et la participation du public. Plutôt que de lister les différents vecteurs d’information, il paraît souhaitable de laisser l’ASNR définir les modalités qu’elle jugera appropriées.

Enfin, l’élévation au niveau législatif de la Charte d’ouverture à la société de 2009 de l’IRSN n’est pas souhaitable : il s’agit d’un document interne à l’établissement. L’ASNR aura vocation à définir son propre cadre d’association du public.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Avis identique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par Mme Guhl, MM. Dantec, Salmon, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 72 est présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle est dotée de moyens financiers et humains suffisants pour garantir son indépendance et mener à bien sa mission. » ;

La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour présenter l’amendement n° 6.

Mme Antoinette Guhl. À chaque projet de loi de finances, l’ASN fait part de ses besoins financiers accrus. Du côté de l’IRSN, les ressources annuelles, actuellement évaluées à environ 270 millions d’euros, sont en déclin, tandis que la complexité et le nombre des dossiers d’expertise auxquels l’IRSN doit faire face sont en constante augmentation.

Nous sommes à la croisée des chemins, entre l’augmentation à venir exceptionnelle de nouvelles installations et le maintien en état d’installations vieillissantes.

Dans ce contexte, la garantie d’une allocation budgétaire appropriée pour la nouvelle entité est cruciale et cette fusion ne pourra donner lieu à des économies.

D’ailleurs, lors de son audition en janvier 2024 par les commissions du Sénat chargées de ce projet de loi, le président actuel de l’ASN disait : « L’organisation future ne pourra assumer ses missions avec efficacité sans un renforcement substantiel de ses moyens, de ses compétences et de son mode d’organisation. »

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement, qui vise à insérer une obligation de moyens au sein des missions de la future ASNR, car il est essentiel de garantir que cette autorité soit pourvue de moyens humains et financiers suffisants. C’est la seule façon de préserver l’indépendance de l’ASNR et de lui permettre d’accomplir pleinement sa mission cruciale pour la sécurité de notre pays.