Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

situation agricole et reculs sur l’environnement

M. Guillaume Gontard ; M. Gabriel Attal, Premier ministre ; M. Guillaume Gontard.

financement des centres hospitaliers universitaires

M. Khalifé Khalifé ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ; M. Khalifé Khalifé.

application des lois égalim

Mme Patricia Schillinger ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

industrie de la défense

M. Pierre Jean Rochette ; M. Sébastien Lecornu, ministre des armées ; M. Pierre Jean Rochette.

question des sans-abri

M. Ahmed Laouedj ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

situation du logement

M. Adel Ziane ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Adel Ziane.

crise du logement

M. Pascal Savoldelli ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Pascal Savoldelli.

coopérations dans l’audiovisuel public

M. Laurent Lafon ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

avenir de l’audiovisuel public

M. Jean-Raymond Hugonet ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture ; M. Jean-Raymond Hugonet.

protection de l’enfance

Mme Marion Canalès ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ; Mme Marion Canalès.

difficultés de la filière du nickel en nouvelle-calédonie

M. Georges Naturel ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Georges Naturel.

consommateurs floués sur la qualité de l’eau minérale

Mme Élisabeth Doineau ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; Mme Élisabeth Doineau.

application de la loi sur la maltraitance animale

Mme Anne Chain-Larché ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Anne Chain-Larché.

contamination de l’eau minérale

M. Hervé Gillé ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Hervé Gillé.

situation à mayotte

Mme Micheline Jacques ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; Mme Micheline Jacques.

couloir aérien entre la chine et taïwan

Mme Brigitte Devésa ; M. Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; Mme Brigitte Devésa.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

3. Candidature à une éventuelle commission mixte paritaire

4. Interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Solanges Nadille

M. Jean-Luc Fichet

Mme Chantal Deseyne

Mme Marie-Claude Lermytte

Mme Élisabeth Doineau

Mme Anne Souyris

Mme Silvana Silvani

Mme Maryse Carrère

Mme Alexandra Borchio Fontimp

Mme Catherine Vautrin, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 3 de la commission. – Adoption.

Article 2 (suppression maintenue)

Vote sur l’ensemble

M. Stéphane Piednoir

M. Jean-Luc Fichet

Adoption de l’article 1er constituant l’ensemble de la proposition de loi, dans le texte de la commission, modifié.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur

Suspension et reprise de la séance

5. Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; modification de la loi organique n° 2010-837. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission

Rappel au règlement

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Discussion générale commune

M. Christophe Béchu, ministre

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Stéphane Piednoir, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Question préalable

Motion n° 1 de M. Ronan Dantec. – M. Ronan Dantec ; M. Pascal Martin, rapporteur ; M. Christophe Béchu, ministre ; M. Franck Montaugé ; M. Philippe Grosvalet ; M. Fabien Gay. – Rejet.

Demande de renvoi à la commission

Motion n° 2 rectifiée de M. Gilbert-Luc Devinaz. – M. Sébastien Fagnen ; M. Pascal Martin, rapporteur ; M. Christophe Béchu, ministre ; M. Ronan Dantec. – Rejet.

Discussion générale commune (suite)

M. Gilbert-Luc Devinaz

M. Jean-Claude Anglars

M. Christopher Szczurek

M. Pierre Jean Rochette

Mme Denise Saint-Pé

M. Daniel Salmon

M. Fabien Gay

M. Raphaël Daubet

Mme Nadège Havet

M. Franck Montaugé

M. Guillaume Chevrollier

M. Patrick Chauvet

M. François Bonhomme

Clôture de la discussion générale commune.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

Organisation des travaux

projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire

Article 1er

M. Marc Laménie

Amendement n° 21 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 91 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption.

Amendement n° 87 de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.

Amendement n° 90 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.

Amendement n° 79 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 18 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.

Amendement n° 7 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 80 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendements identiques nos 6 de Mme Antoinette Guhl et 72 de M. Fabien Gay. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 65 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.

Article 2

Amendement n° 22 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 34 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 55 de M. Sébastien Fagnen. – Rejet.

Amendement n° 23 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 42 rectifié de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.

Amendement n° 66 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 26 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 8 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 33 rectifié du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 41 de M. Sébastien Fagnen. – Rejet.

Amendement n° 40 rectifié de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.

Amendement n° 25 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 24 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 56 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.

Amendement n° 67 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendements identiques nos 27 de Mme Antoinette Guhl et 57 de M. Sébastien Fagnen. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 44 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.

Amendement n° 43 de M. Sébastien Fagnen. – Rejet.

Amendement n° 20 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2 bis (nouveau)

Amendement n° 9 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2 ter (nouveau) – Adoption.

Article 3

Amendement n° 81 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 10 rectifié de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 45 de M. Sébastien Fagnen. – Rejet.

Amendement n° 28 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 4

M. Marc Laménie

Amendement n° 11 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 35 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 29 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 71 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 4

Amendement n° 4 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 5 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 3 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 5

Amendement n° 39 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 6

M. Fabien Gay

Amendements identiques nos 17 de M. Christopher Szczurek et 92 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption de l’amendement n° 92 rectifié, l’amendement n° 17 n’étant pas soutenu.

Amendement n° 59 de M. Sébastien Fagnen. – Retrait.

Amendement n° 88 de M. Fabien Gay. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 7

Amendements identiques nos 13 de M. Daniel Salmon, 47 de M. Sébastien Fagnen et 83 de M. Fabien Gay. – Rejet des trois amendements.

Amendements identiques nos 14 de Mme Antoinette Guhl et 85 de M. Fabien Gay. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Articles 8, 9 et 10 – Adoption.

Article 11

Amendement n° 64 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Adoption.

Amendement n° 36 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 12

Amendement n° 30 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 32 du Gouvernement. – Retrait.

Amendement n° 94 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 13

Amendement n° 52 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.

Amendement n° 95 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 14

Amendement n° 96 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 15

Amendement n° 31 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 16

Amendement n° 73 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 37 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 17

Amendement n° 74 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 17 bis (nouveau)

Amendement n° 75 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 17 ter (nouveau)

Amendement n° 77 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 18

Amendement n° 78 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 38 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Renvoi de la suite de la discussion.

projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution

Article 1er

Amendement n° 3 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 4 du Gouvernement. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 2 – Adoption.

Article 3 (nouveau)

Amendement n° 2 du Gouvernement. – Retrait.

Amendement n° 1 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

M. Christophe Béchu, ministre

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Ordre du jour

Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

situation agricole et reculs sur l’environnement

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, lors de votre déclaration de politique générale, vous avez décidé de hurler avec les loups en évoquant une « écologie de la brutalité », nouvelle stratégie de diversion estampillée McKinsey.

Vous faites ainsi vôtre le propos de ceux qui, à droite et à l’extrême droite, n’ont jamais eu la moindre ambition écologique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. C’est le président Pompidou qui a créé le premier ministère de l’environnement !

M. Guillaume Gontard. Votre unique objectif, qui n’a rien de populaire, est de préserver coûte que coûte la capacité des plus aisés à polluer et à émettre trois fois plus de CO2 que les plus modestes.

Pourtant, le président en campagne avait déclaré : « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas. » Monsieur le Premier ministre, quand le quinquennat démarrera-t-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, les débats au sein de cet hémicycle comme dans le pays sont toujours légitimes, même si nos visions, nos propositions sont parfois opposées ou différentes. C’est le propre de la démocratie que de pouvoir les confronter.

Cependant, il est certaines choses que je ne comprends pas totalement,…

M. Akli Mellouli. Ça c’est sûr !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … voire pas du tout.

Pourquoi vous est-il impossible de mettre en avant les progrès que nous obtenons en matière de défense de la planète et de l’environnement ? Avant 2017, les émissions de CO2 diminuaient à un rythme moyen annuel de 1 % ; au cours du premier quinquennat, nous en étions à 2 % ; et sur les neuf premiers mois de l’année dernière, nous enregistrons 5 % de baisse. Je ne comprends pas que vous, groupe écologiste, ne puissiez pas vous en réjouir !

Ce succès n’est pas celui du seul Gouvernement ou de la seule majorité : c’est celui des industriels, qui ont changé leurs modes de production ; celui des agriculteurs, qui ont fait des efforts en matière de conversion ; celui de toute une société qui se mobilise pour défendre la planète.

Je ne comprends pas davantage pourquoi les élus écologistes, que j’ai vus et entendus ces dernières semaines sur les barrages, aux côtés des agriculteurs, déclarer qu’ils épousaient les revendications de leur mouvement et qu’ils les soutenaient, critiquent aujourd’hui méthodiquement chacune des solutions et des perspectives que nous avons trouvées voilà quelques jours en lien avec nos agricultrices et nos agriculteurs.

M. Yannick Jadot. Quelles solutions ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je ne le comprends pas. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Vous critiquez la position qui est la mienne et celle de mon gouvernement, telle qu’exposée dans ma déclaration de politique générale. Je vous confirme, monsieur le président Gontard, que l’écologie, pour nous, ne peut être un facteur d’opposition entre les ruraux et les urbains, entre la droite et la gauche.

M. Guillaume Gontard. Pour nous non plus !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. J’appartiens à un gouvernement de dépassement politique. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Je le dis très sincèrement ! La planète est trop importante pour devenir l’otage de positionnements politiciens tels que celui que vous venez d’adopter.

Moi, je reconnais le travail réalisé par le passé, y compris par des majorités de droite, par M. Jean-Louis Borloo, par Mme Nathalie Kosciusko-Morizet,…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … par des ministres de l’écologie qui se sont engagés, quelles que soient les majorités, pour permettre à notre pays d’avancer.

Je vous confirme que nous ne nous livrerons pas à une opposition entre ruraux et urbains,…

M. Yannick Jadot. Nous non plus !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … entre les Français qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, ou tout simplement pour vivre, et les Français qui peuvent s’en passer, entre les agriculteurs et la planète.

Je n’accepterai jamais les discours…

M. Akli Mellouli. Et les actes ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … qui visent en permanence à culpabiliser, à punir, à sanctionner, à brutaliser.

L’écologie à laquelle je crois – et vous devez aussi le respecter – est une écologie qui investit, qui accompagne, qui soutient, parce que nous irons plus loin pour la planète et pour notre pays en suivant cette ligne-là plutôt qu’en dressant les uns contre les autres, comme vous le faites. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE et UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, le clivage, c’est vous ! Ce que je vous reproche, c’est la brutalité de votre immobilisme ! (Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Jean-René, 50 ans, est décédé dans les Côtes-d’Armor après avoir respiré le sulfure d’hydrogène émis par les algues vertes lors d’un jogging : brutal !

Théo, 16 ans, a subi cinquante-quatre interventions sous anesthésie générale pour reconstruire ses systèmes digestif et respiratoire. Une bataille de chaque instant pour respirer, manger et parler. Le glyphosate en est le responsable avéré : brutal ! (Marques dagacement sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Marie, apicultrice bio dans le Trièves, voit ses abeilles disparaître année après année, avec un taux de mortalité de 35 %. Les pesticides sont la première cause de cette hécatombe : brutal !

Marius, agriculteur dans l’Anjou, ne peut plus consommer l’eau de son robinet, polluée par des solvants : brutal !

Noémie, en Guadeloupe, veut un enfant. Elle sait cependant que le chlordécone, trente ans après son interdiction, affectera le cerveau de son bébé : brutal !

Lucas, 6 mois, issu d’une famille modeste habitant au bord du périphérique, (Les marques dagacement redoublent sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) a été hospitalisé en urgence pour une bronchiolite sévère due à la pollution : brutal !

Cette brutalité, ces punitions aveugles, cette décroissance du vivant, cette injustice érigée en dogme entre ceux qui peuvent tout et ceux qui subissent, c’est votre bilan. Voilà la brutalité ! Et la brutalité, c’est votre renoncement ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

financement des centres hospitaliers universitaires

M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Khalifé Khalifé. Monsieur le Premier ministre, vous avez consacré une bonne partie de votre discours de politique générale à la santé.

Permettez-moi cependant d’appeler votre attention sur la dégradation des finances des trente-deux centres hospitaliers régionaux universitaires (CHRU), et plus largement des établissements publics de santé.

Cette situation brutale vient mettre en péril l’embellie constatée aujourd’hui sur le plan de l’attractivité et de la fidélisation des personnels soignants.

Ces difficultés sont liées à plusieurs facteurs externes, bien identifiés, sur lesquels les établissements n’ont pas de prise. Le déficit est évalué à 1,2 milliard d’euros à la fin de l’année 2023 ; il a triplé en un an.

Les conséquences se font ressentir dans les territoires, notamment avec un allongement des délais de paiement des fournisseurs locaux et une fragilisation profonde des opérations d’investissement.

Des mesures d’urgence, monsieur le Premier ministre, permettront sûrement de rectifier cette tendance négative. De plus, la mise en place d’une stratégie de financement à long terme, pour continuer à investir, innover et soigner est nécessaire. Nos hôpitaux ont été un bouclier sanitaire pendant la crise récente. Ils resteront le socle de notre système de soins.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous activer tous les leviers nécessaires pour aider nos établissements de soins à évoluer avec sérénité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir bien voulu rappeler toute l’importance que le gouvernement de M. Gabriel Attal attache à la santé, particulièrement à l’hôpital.

La semaine dernière, dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre a rappelé combien l’hôpital était notre joyau. Hier, je recevais le président de la Fédération hospitalière de France (FHF) et sa directrice générale : ensemble, nous avons fait un tour d’horizon de tous les sujets relatifs à l’hôpital. Comme vous, j’ai pris connaissance du courrier adressé par les élus, puisque ce sont les maires qui président les conseils de surveillance des établissements.

Je partage en grande partie vos propos, en particulier sur le rôle de l’hôpital dans notre pays, l’implication des personnels et le retour d’attractivité. À ce dernier égard, l’année 2023 a été très significative. La meilleure preuve en est l’augmentation du nombre de recrutements, notamment d’infirmières.

Toutefois, nous sommes effectivement confrontés à un problème financier. Le Gouvernement avait déjà apporté des réponses au travers du Ségur de la santé, qui a consacré la revalorisation des personnels, et dans le cadre du volet investissement, avec le lancement de travaux de modernisation.

Pour autant, une question demeure : même si nous ne disposons pas encore de la clôture définitive de l’exercice 2023, nous savons qu’il faut soutenir les hôpitaux. C’est la raison pour laquelle M. le Premier ministre nous a accompagnés, nous et nos équipes : dans les jours qui viennent, nous serons en mesure d’apporter des réponses en matière de sous-exécution comme en matière financière. Ces réponses permettront, d’une part, d’assumer les charges, y compris vis-à-vis des fournisseurs locaux ; d’autre part, de mettre en œuvre l’investissement pour plus de modernisation, c’est-à-dire de meilleures conditions de travail et plus d’accessibilité aux soins dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour la réplique.

M. Khalifé Khalifé. Je vous remercie, madame la ministre, pour cette réponse qui me convient parfaitement. Vous appliquez ici une règle que j’aime beaucoup : les amours, c’est bien ; les preuves d’amour, c’est mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

application des lois égalim

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, nous partageons tous ici une conviction : l’agriculture est constitutive de notre identité. Nous sommes fiers de nos agriculteurs, de leur engagement passionné, et nous ne pouvons qu’être à l’écoute de leurs revendications légitimes.

Dans mon département du Haut-Rhin, j’ai rencontré, comme chacun d’entre nous, de nombreux agriculteurs qui m’ont fait part de leurs difficultés, et surtout de leur sentiment de ne pas être entendus. Freins administratifs, concurrence déloyale et surtout faiblesse de leurs revenus… Tel est le ras-le-bol qu’ils ont exprimé. En trente ans, ce revenu a chuté de 40 % en France, bien loin de refléter les efforts, la passion et le travail qu’ils fournissent au quotidien.

Avec les lois Égalim 1 et 2, que le Gouvernement a courageusement portées, nous avons répondu à une partie des inquiétudes de nos agriculteurs en inversant la construction du prix. Cependant, l’application de ces textes n’est pas satisfaisante.

Monsieur le ministre, mon groupe a accueilli avec satisfaction l’annonce du doublement des contrôles que votre administration va mener. Toutefois, les sanctions envers ceux qui ne respectent pas les règles ne changeront pas à elles seules la situation de nos agriculteurs.

Nous devons veiller à l’application pérenne des lois Égalim. Nous le devons à nos agriculteurs, pour améliorer leur quotidien et faire en sorte que leur travail soit justement reconnu.

Monsieur le ministre, comment renforcer l’application des lois Égalim, afin que les négociations commerciales soient équilibrées et que chacun puisse vivre dignement de son travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice,…

Une voix à droite. Il est là !

M. Jean-François Husson. « Je suis né en 1989 ! » (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre. … je partage totalement ce que vous venez de dire sur le revenu des producteurs : c’est, bien évidemment, le combat essentiel. Je l’ai mené comme ministre de l’agriculture pendant trois ans ; je le mène aujourd’hui comme ministre de l’économie et des finances, avec M. le Premier ministre et avec le ministre de l’agriculture, M. Marc Fesneau.

Il n’y a pas d’agriculture sans paysans et il n’y a pas de paysans sans revenus décents. Ce revenu décent doit être garanti par le strict respect des lois Égalim.

Nous avons annoncé, à l’issue des négociations commerciales, le 31 janvier, un doublement des contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur 1 000 contrats, qui concernent 75 des plus gros industriels et les 5 distributeurs.

Sur ces 1 000 contrats, 124 ne respectent pas, pour des raisons de calendrier notamment, les dispositions de la loi Égalim. J’ai donc adressé des injonctions à l’ensemble des distributeurs et des industriels qui ne respectent pas les règles : ils ont quinze jours pour fournir des explications ou se conformer à la loi, faute de quoi chacun encourra une sanction de 5 millions d’euros par infraction.

Croyez-moi, nous n’aurons pas la main qui tremble : les sanctions tomberont sur tous les distributeurs et sur tous les industriels qui n’auraient pas respecté strictement et rigoureusement les dispositions de la loi Égalim.

Ces dispositions s’appliquent à toutes les négociations, qu’elles aient eu lieu en France ou par l’intermédiaire des centrales d’achat européennes. Un produit vendu en France doit respecter toutes les dispositions de la loi Égalim, même s’il a été négocié par l’intermédiaire de ces fameuses centrales d’achat européennes. J’y veillerai aussi, raison pour laquelle j’ai également doublé les contrôles sur ces centrales et sur les négociations qui s’y tiennent.

Enfin, nous veillons particulièrement à protéger le consommateur de toute tromperie, qui est aussi un vol du producteur. Un poulet produit à l’étranger, mais arborant un étiquetage avec un drapeau tricolore représente bien une tromperie du consommateur et un vol du producteur, lequel s’échine à travailler, à cultiver, à produire en France, sur le territoire français, selon les normes et les réglementations françaises.

Encore une fois, nous avons multiplié les contrôles. Les industriels qui s’amusent à mettre des drapeaux tricolores sur des produits qui viennent de l’étranger s’exposent à une sanction qui pourra aller jusqu’à 15 % de leur chiffre d’affaires. Là aussi, les sanctions tomberont et personne ne passera entre les mailles du filet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

industrie de la défense

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le Président, monsieur le ministre des armées, mes chers collègues, « Vous devez comprendre que si l’Europe est attaquée, nous ne viendrons jamais pour vous aider et vous soutenir » : ces propos surprenants sont ceux que le président américain Donald Trump a tenus en 2020 à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

En rappelant ces paroles, M. Thierry Breton ne pouvait inciter davantage les Européens à bâtir la défense européenne. L’une des conditions sine qua non à la réalisation de cette ambition est d’avoir une France forte et capable sur le plan militaire.

L’on dit que Poutine a ressuscité l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) en envahissant l’Ukraine. Il est vrai que deux pays scandinaves ont manifesté leur souhait de rejoindre l’organisation et qu’un effort budgétaire massif s’opère partout en Europe après des décennies de désengagement.

Toutefois, dans quelques mois, si Donald Trump gagne une nouvelle fois les élections, que vaudra encore l’Alliance atlantique ?

Au-delà des nouvelles adhésions, nous devons absolument nous pencher sur nos capacités. La question des munitions est un enjeu crucial de la guerre de haute intensité.

Chaque jour, les Ukrainiens tirent entre 5 000 et 8 000 obus, quand les Russes en tirent exactement le double. Les États européens se sont engagés à soutenir l’effort de guerre ukrainien et à livrer à Kiev 1 million d’obus, c’est-à-dire, au mieux, six mois de munitions.

Nous ne tiendrons pas cet engagement. Nous espérons tout juste pouvoir atteindre la moitié et livrer un peu plus de 500 000 obus avant la fin du mois de mars. Pourquoi ? Non parce que nous n’en produisons pas assez, mais parce que nous continuons collectivement d’en exporter au bénéfice de pays qui en ont bien moins besoin que l’Ukraine.

Monsieur le ministre, il est grand temps d’intensifier le soutien de notre pays à l’Ukraine et de nous réarmer. Où en est l’économie de guerre annoncée par le président Macron ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Rochette, nous aurons l’occasion de revenir sur l’Otan dans le cadre des travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, puisque le président Perrin, à la suite du président Cambon, a décidé de revenir sur la question de la place de la France au sein de l’Organisation.

Il faut prendre une réalité en compte : nous devons travailler avec nos différents partenaires européens, y compris avec la Grande-Bretagne, en raison de son modèle d’armée et de son apport à la dissuasion nucléaire pour tout l’ensemble continental. Il nous faudra aussi continuer de nous réarmer – c’est le sens de la loi de programmation militaire que vous avez votée.

Sur la question de l’aide à l’Ukraine et de notre économie de guerre, nous sommes passés d’une logique de cession des stocks de nos armées à une logique de production, pour continuer de soutenir l’armée ukrainienne dans la guerre qu’elle mène à la suite de l’agression russe.

Cette remontée en puissance est indispensable, y compris pour nous-mêmes, au regard des différents conflits que nous pouvons connaître.

Cette perte de muscles industriels s’expliquait non seulement par le contexte stratégique lié à la fin de la guerre froide, mais aussi, malheureusement, par la diminution des crédits budgétaires alloués aux forces armées pendant plus de quinze ans, qui a conduit à une baisse de commandes et donc à une réorganisation dans le mauvais sens de notre industrie. Bien que les crédits augmentent depuis 2017, monter en puissance prend du temps.

Pour répondre précisément à votre question, l’économie de guerre – en tout cas la reprise de la production par nos industries – est en cours. Elle profite très directement à l’Ukraine.

Un certain nombre de résultats sont d’ores et déjà visibles : l’entreprise Thales, par exemple, produit un radar en six mois contre vingt-quatre mois auparavant ; MBDA produit les missiles Mistral, pour la défense sol-air, en quinze mois et non plus vingt-quatre ; les résultats autour du canon Caesar Nexter sont à saluer, avec un délai de production divisé par deux, soit quinze mois au lieu de quinze.

Je souhaite vivement remercier les équipes de ces entreprises : ces améliorations sont non seulement le fruit de dispositions organisationnelles, mais aussi d’une augmentation du temps de travail et des rotations en trois-huit pour des salariés, des ouvriers et des ingénieurs pleinement engagés pour relever ce défi. Concernant les munitions, les résultats sont également au rendez-vous, notamment pour les obus de 155 millimètres.

Il s’agit maintenant d’avancer sur les équipements qui ont pris du retard, notamment les missiles complexes, dont les missiles Aster 15 et Aster 30, qui sont indispensables à l’Ukraine pour protéger son ciel. J’aurai l’occasion d’y revenir devant vous prochainement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour la réplique.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Nous comptons sur vous pour maintenir cet effort et continuer de soutenir l’Ukraine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

question des sans-abri

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. En 2017, le chef de l’État s’était engagé à ce que plus personne ne dorme dans la rue. Six ans plus tard, les derniers chiffres de la Fondation Abbé Pierre sont alarmants : ils font état de 330 000 sans-abri, dont une proportion croissante de femmes et d’enfants.

Il est primordial de comprendre les parcours de vie qui conduisent ces personnes à se retrouver sans domicile fixe. Les raisons peuvent être multiples : perte d’un emploi, difficultés financières, problèmes de santé mentale, ruptures familiales ou encore situations de violence domestique.

Ces personnes vulnérables se retrouvent exposées à l’insécurité de la rue et à des conditions de vie très précaires.

Les centres d’hébergement sont surpeuplés, les services sociaux sont débordés et les programmes d’aide sont insuffisants. Environ une personne sur deux qui contacte le 115 ne se voit proposer aucune solution d’hébergement. Ayant moi-même pris l’initiative d’appeler le 115, en quête d’une solution pour une personne en grande difficulté, je n’ai malheureusement obtenu aucune proposition concrète.

Cette situation souligne les lacunes de notre système actuel. Il est du devoir de l’État de trouver des solutions et de mobiliser les ressources nécessaires pour résoudre cette crise sociale grandissante.

Nous devons augmenter de manière significative le nombre d’hébergements d’urgence et envisager de réquisitionner les logements vacants, afin de fournir une solution d’urgence et temporaire pour les sans-abri et prévenir les situations d’extrême vulnérabilité.

Il est primordial de coordonner les actions des différents acteurs impliqués – services sociaux, associations caritatives et collectivités locales –, qui se retrouvent souvent seuls sur le terrain.

M. le Premier ministre, lors de son discours de politique générale, n’a fait aucune mention de cette problématique majeure : voilà qui soulève des interrogations.

J’aimerais donc obtenir des informations concernant les mesures spécifiques que le Gouvernement compte prendre pour remédier à cette situation. Quels sont les projets en cours ou à venir visant à augmenter le nombre de places dans les hébergements d’urgence ? Que comptez-vous faire pour renforcer les programmes d’aide aux sans-abri et améliorer l’accès aux services sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Amel Gacquerre et M. Stéphane Demilly applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, votre question fait écho au vingt-huitième rapport sur l’état du mal-logement présenté par la Fondation Abbé Pierre, la semaine dernière, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de l’appel lancé en 1954.

Nous connaissons les chiffres présentés dans ce rapport : il y a 330 000 personnes non pas sans abri, mais mal-logées ou sans domicile.

L’État a mis en place des moyens sans précédent : 3 milliards d’euros, avec deux types de dispositifs, soit 203 000 places d’urgence – un record – et 114 000 places dans le cadre du dispositif national d’accueil. Si l’on additionne ces deux chiffres pour les rapprocher des 330 000 personnes évoquées, l’écart représente une dizaine de milliers de places.

Si M. le Premier ministre n’en a pas parlé, c’est parce que le 8 janvier dernier, M. Patrice Vergriete avait annoncé le déblocage, au nom du Gouvernement, d’une nouvelle enveloppe de 120 millions d’euros, représentant l’équivalent d’une dizaine de milliers de places.

Monsieur le sénateur, je n’ai pas entendu dans votre question la volonté d’obtenir des réponses arithmétiques. Ce que vous avez évoqué, ce sont bien des situations humaines. Il y va du désarroi des travailleurs sociaux, pour lesquels ne pas trouver de solution n’est pas satisfaisant, et de ces femmes, de ces hommes, de ces histoires d’errance et de ces difficultés, avec, au-delà des statistiques, une attente qui n’est pas seulement celle d’avoir un toit pour une nuit, mais celle de trouver des solutions pérennes.

Avec le plan Logement d’abord, 550 000 logements ont pu être construits ces dernières années. Plus de la moitié ont été attribués à des personnes qui étaient sans domicile. Nous devons certes continuer d’agir avec le tissu d’acteurs, mais aussi regarder en face le fait que, pour accueillir mieux, nous devons sans doute accueillir moins.

C’est la suite à la fois de décisions qui ont été prises, de textes qui ont été votés et de ce que nous aurons à mettre en œuvre dans les prochaines semaines et les prochains mois. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

situation du logement

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Adel Ziane. Depuis 2017, les crises se multiplient dans notre pays : « gilets jaunes », retraites, émeutes urbaines, monde agricole… Toutefois, une crise a atteint un point de non-retour : celle du logement, et en particulier du logement social.

Soixante-dix ans après l’appel de l’abbé Pierre que vous évoquiez à l’instant, votre responsabilité est immense et vos réponses ne sont pas à la hauteur.

Pas à la hauteur, au moment où le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre a présenté des chiffres dramatiques : 12 millions de personnes fragilisées par la crise du logement, 4 millions de personnes mal ou non logées, 1 million de personnes dans un habitat indigne et plus de 300 000 personnes sans domicile en France.

Pas à la hauteur, au moment où nous n’avons toujours pas de ministre du logement – peut-être prochainement ?

Pas à la hauteur, enfin, quand M. le Premier ministre, dans son discours de politique générale, aura à peine consacré trois minutes à ce sujet extrêmement important, pour nous proposer finalement – suscitant une consternation partagée par l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les maires des plus grandes villes de France, qui vous ont adressé une lettre ouverte, les associations de locataires et de solidarité ou les spécialistes de l’immobilier – de modifier le calcul de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) pour y intégrer les logements locatifs intermédiaires (LLI), tour de passe-passe statistique qui cassera le thermomètre de la mixité sociale et dont l’incidence sera quasiment nulle, voire négative, sur la production de logements sociaux dans notre pays.

Ma question est simple : comptez-vous abandonner cette proposition et enfin mettre en œuvre une politique volontariste et ambitieuse en matière de logement ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, votre question n’est pas tout à fait à la hauteur du moment. (Protestations et marques dironie sur les travées du groupe SER.) Elle ne l’est pas, car, à vous entendre…

M. Rachid Temal. Et la démocratie ?

M. Christophe Béchu, ministre. La démocratie, c’est le respect !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne sommes pas à l’Assemblée, ici !

M. Christophe Béchu, ministre. À vous entendre, une crise frapperait notre pays, nous serions sur un îlot de déstabilisation et de difficultés, quand dans tous les pays, aujourd’hui, la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation des coûts de construction et des matériaux ont entraîné une baisse de la production.

M. Rachid Temal. Et la loi SRU !

M. Christophe Béchu, ministre. En Allemagne, où vos amis sont en responsabilité, la baisse des mises en chantier est comparable à celle de la France. Idem en Chine ou aux États-Unis ! Partout !

M. Christophe Béchu, ministre. Alors dire que nous aurions un problème français, sincèrement, c’est passer à côté d’une forme de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

De plus, vous pointez du doigt le Gouvernement dont la réponse ne serait pas à la hauteur ! Monsieur le sénateur, les mesures que nous avons prises, si elles n’ont pas enrayé la crise, ont permis de la juguler dans un domaine où le recul est moins important qu’ailleurs, précisément le logement social. La baisse de la construction dans le logement social est deux fois moins importante, et c’est le secteur du très social qui a le moins reculé. (Mme Dominique Estrosi Sassone sexclame.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Formidable ! Tout va bien !

M. Christophe Béchu, ministre. Avec le plafonnement du taux du livret A à 3 % et avec les programmes de rachat décidés par CDC Habitat – pour le compte du Gouvernement – et par Action Logement, nous avons limité cette baisse.

Ensuite, à vous entendre, il y aurait une forme de ségrégation sociale conduisant à considérer que tout ce qui n’entre pas dans le périmètre SRU n’est pas digne d’intérêt.

Plusieurs sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Mais non !

M. Rachid Temal. Démagogie !

M. Christophe Béchu, ministre. Or la moitié des logements locatifs intermédiaires (LLI) attribués l’année dernière ont bénéficié à des personnes sous les plafonds de ressources applicables aux logements locatifs sociaux (LLS).

En région parisienne, sur 4 500 attributions, le revenu mensuel moyen pour un couple avec deux enfants était de 3 600 euros : à un tel niveau, on ne se situe pas dans les classes supérieures et on a le droit de se voir proposer une solution de logement. (Mme Audrey Linkenheld sexclame.)

M. Christophe Béchu, ministre. Nous avons la volonté de construire des parcours résidentiels, de trouver comment soutenir au mieux les maires bâtisseurs et de reconstituer un continuum d’offres. Telle est la solution à laquelle nous devons aboutir, en nous y attelant tous ensemble, au-delà des anathèmes, au-delà des chiffres. Il importe de prendre la mesure du problème, qui est plus large : pour le résoudre, il faut l’État, il faut les collectivités locales et il faut les banques ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. Didier Marie. L’État est absent !

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour la réplique.

M. Adel Ziane. Pas de gêne, pas de réponse alambiquée, mais surtout pas de déni, monsieur le ministre ! Voilà un point extrêmement important, puisque, depuis le début du précédent quinquennat, donc depuis 2017, nous assistons à la baisse des aides aux locataires, aux bailleurs sociaux, à l’accession à la propriété. La production de logements sociaux est en chute libre : elle a été divisée par deux entre 2023 et 2024. Il n’y a ni soutien financier de l’État, ni objectifs de construction.

M. Rachid Temal. C’est vrai !

M. Adel Ziane. Les réponses existent : relance de la production de logements sociaux, accession à la propriété. Ces réponses, urgentes, vous ont été soumises par tous les acteurs du secteur que vous avez convoqués lors du Conseil national de la refondation Logement.

Monsieur le ministre, il faut enfin prendre à bras-le-corps la question du logement, cœur de la cohésion sociale de notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

crise du logement

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, avec respect et avec sincérité, je vais vous exprimer un coup de colère. (Murmures sur de nombreuses travées.)

Un coup de colère, parce que je suis élu d’un département dans lequel le seuil des 100 000 demandeurs de logement a été dépassé.

Un coup de colère, parce que 12 millions de personnes fragilisées par la crise du logement, ce sont 12 millions de sinistrés.

Oui, il s’agit d’une bombe sociale à retardement !

La vérité, c’est que, dès 2017, vos politiques n’ont été qu’un « J’accuse… ! » du logement social, pour libérer de toute contrainte le marché privé : baisse des APL dès l’élection du président Macron ; ponction de 1,3 milliard d’euros dans les caisses des bailleurs sociaux ; loi Élan pour obliger à vendre des logements sociaux à la découpe et faire disparaître les petits bailleurs ; loi Kasbarian-Bergé pour faciliter les expulsions ; et vous voilà désormais décidés à démanteler la loi SRU.

Monsieur le ministre, le bilan est dramatique : il n’y a plus de politique publique du logement en France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. Pascal Savoldelli. De nombreux emplois sont menacés chez les acteurs du secteur et la majorité des habitants de notre pays sont livrés à eux-mêmes face à la spéculation.

Monsieur le ministre, ma question est simple : 56 % d’augmentation des loyers dans le parc privé, stop ou encore ? Quelque 2 000 enfants à la rue, stop ou encore ? À quand l’état d’urgence du logement ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Savoldelli, avec respect, avec dignité, je vais répondre à votre cri de colère, dont je mesure totalement la sincérité. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. La question était donc à la hauteur ?

M. Christophe Béchu, ministre. Mais cette même sincérité doit conduire à regarder les choses en face.

Pour le logement, nous n’avons pas une solution, nous avons des solutions. Notre pays compte 3,5 millions de logements vacants, pas forcément dans les zones tendues.

Il est des endroits où l’on continue de construire, indépendamment de toute couleur politique. Il en est d’autres où les habitants font à ce point pression pour ne pas avoir de voisins que cela a conduit à une diminution du nombre des permis de construire et, par anticipation, à une partie des difficultés que nous connaissons aujourd’hui.

Celui qui vous parle en cet instant compte 36,94 % de logements sociaux dans sa ville d’Angers. Le rythme de construction observé au cours des dernières années y a été supérieur à celui de Nantes et de Rennes. (Mme Sylvie Robert sexclame.) C’est bien la preuve que tout ne dépend pas que des circonstances nationales.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre. Oui, monsieur le sénateur, il faut une forme d’union sacrée, autour des élus, pour simplifier les normes responsables, pour partie, du renchérissement des coûts, pour réfléchir aux moyens de rendre du pouvoir d’achat immobilier aux classes moyennes, dans la mesure où l’entassement des demandes de logement est lié à la difficulté d’accès à la propriété.

C’est à la fois le sens du choc d’offre que le Premier ministre a pu annoncer et des travaux que nous lançons au sein du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, avec Bruno Le Maire, pour expertiser, en particulier, le crédit in fine et le crédit hypothécaire, dispositifs qui, dans des pays voisins, ont permis de soulager les contraintes et de favoriser la relance.

Le logement social est un sujet qu’il nous faut regarder en face.

Au congrès de l’Union sociale pour l’habitat (USH) ont été annoncées des mesures de soutien à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Ici même, dans cet hémicycle, a été voté le dispositif « Seconde vie », relatif à ces logements qui ne sont pas mis sur le marché, car des travaux de rénovation énergétique y sont nécessaires.

Oui à l’union sacrée, oui à la mobilisation de crédits sans précédent – c’est le cas pour l’hébergement d’urgence –, oui à la relance avec l’ensemble des acteurs. Au mois de décembre dernier, les mises en chantier ont augmenté de 22 %, les dépôts de permis de construire, de 7 %.

La stabilisation des taux du livret A et de l’inflation nous laisse penser que nous sommes précisément dans la situation où nous pouvons, avec un choc d’offre, inverser la tendance.

Nous croyons au logement pour tous, qui est plus qu’une nécessité. Nous voulons une France de propriétaires, où ceux qui le peuvent doivent avoir l’espoir de le devenir. Nous souhaitons des logements sociaux en nombre suffisant partout sur le territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Faute de ministre du logement, c’est à vous que je m’adresse, monsieur le Premier ministre.

Oui, nous avons à déclarer l’état d’urgence nationale du logement, autour de cinq axes : moratoire sur les expulsions, encadrement des prix du foncier, plan pour les primo-accédants, relève du niveau de production et réquisition nationale des logements vides.

Pour cela, encore faudrait-il avoir une ou un ministre du logement. Monsieur le Premier ministre, l’abbé Pierre disait : « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple. » Vous êtes le chef du Gouvernement : alors maintenant, vraiment, gouvernez ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

coopérations dans l’audiovisuel public

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Laurent Lafon. Madame la ministre de la culture, vous avez déclaré la semaine dernière que, pour « préserver » l’audiovisuel public, il faut « rassembler les forces » en un « pôle puissant ».

Vos propos rappellent les travaux de l’un de vos prédécesseurs, Franck Riester, qui avait présenté en conseil des ministres un projet de loi autorisant la création d’une holding pour chapeauter l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public.

Malheureusement, la crise de la covid-19 a arrêté à l’Assemblée nationale les débats sur ce texte et vos deux prédécesseures, Roselyne Bachelot et Rima Abdul-Malak, n’ont pas souhaité reprendre le projet, faisant preuve d’une certaine crainte et se montrant quelque peu timorées sur ce sujet des coopérations dans le secteur de l’audiovisuel public.

Le Sénat, qui préconise la mise en place d’une telle holding depuis 2015, a voté en juin dernier une proposition de loi, que j’avais déposée et dont Jean-Raymond Hugonet était le rapporteur, pour – enfin – autoriser la création de cette entité.

C’est pour nous le plus sûr moyen de renforcer l’audiovisuel public dans un secteur doublement concurrencé, par les acteurs du Net et par les plateformes américaines. Il est nécessaire, en effet, de rendre pérennes et définitives ces coopérations, au travers d’une gouvernance commune et d’actions concrètes non seulement dans les fonctions supports, mais aussi dans l’investissement en faveur des nouvelles technologies, en particulier l’intelligence artificielle.

Madame la ministre, pour renforcer ces coopérations, il y a trois possibilités.

La première, ce sont les contrats d’objectifs et de moyens, tels que l’État les met en œuvre depuis plusieurs années et dont nous savons maintenant qu’ils sont inefficaces.

La deuxième, c’est la holding dont je viens de parler.

La troisième, c’est la fusion entre chacune des entités du secteur de l’audiovisuel public.

Madame la ministre, ma question est simple, elle est double : quel est le scénario que vous privilégiez pour créer ce pôle puissant que vous appelez de vos vœux et quel est votre calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le président Lafon, la réponse est dans votre question. (Murmures.)

M. Pascal Savoldelli. C’est vrai !

Mme Rachida Dati, ministre. Je souscris à tous vos arguments.

Je l’ai dit récemment, c’est vrai, tout comme je le disais d’ailleurs bien avant ma nomination comme ministre de la culture, nous avons besoin d’un audiovisuel public puissant. Telle est la réalité.

Sur ce sujet, je sais, pour avoir eu quelques échanges avec vous, que nous partageons plusieurs convictions. En témoigne, comme vous l’avez rappelé, l’adoption par le Sénat en juin dernier de votre proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. Je m’appuierai évidemment sur ce texte, comme sur les nombreux autres travaux réalisés par le Sénat en la matière et que j’ai pu consulter. Je citerai notamment le rapport d’information de vos collègues Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, publié en 2022,…

M. Jean-François Husson. Excellent rapport !

Mme Rachida Dati, ministre. Excellent, en effet ! (Exclamations amusées.)

… ainsi que le rapport des anciens sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, publié en 2015 et tout aussi excellent.

Mme Rachida Dati, ministre. Le contexte actuel n’est pas sans risque et vous avez rappelé les enjeux, avec un environnement extrêmement perturbé par tous les bouleversements technologiques, par l’uniformisation des contenus, par les grandes plateformes internationales, par la désinformation à l’œuvre sur les réseaux, par l’irruption de l’intelligence artificielle.

Face à tous ces enjeux cruciaux, que vous aviez intégrés à vos travaux, il faut pouvoir, sans se dérober, apporter des réponses.

Pour ma part, je plaide pour un audiovisuel public qui rassemble toutes les forces. Telle est la teneur de votre proposition de loi. Parce que je sais qu’il y a des attentes très fortes, j’avancerai sur ce sujet en concertation avec vous.

Je le redis ici, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’appuierai, sans exclusive, sur le texte du président Lafon, sur votre expertise, sur celle de vos collègues députés.

J’agirai de même sur les autres grands sujets, que nous aborderons de manière à la fois très précise et totalement assumée. Sur le financement du service public de l’audiovisuel, en particulier, mes convictions sont connues puisque je les avais présentées bien avant ma nomination.

Mme Rachida Dati, ministre. Je rencontrerai à cet égard très bientôt les dirigeants des sociétés concernées, et nous nous reverrons évidemment pour lancer ces travaux ensemble.

Je le redis une nouvelle fois, nous ne nous déroberons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

avenir de l’audiovisuel public

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.

Voilà quelques jours, madame la ministre, vous avez indiqué votre souhait d’incarner une culture populaire et ouverte sur tous les Français. Vous avez même ajouté, je cite de mémoire : « Ma vie s’est construite avec l’audiovisuel public. »

Dès lors, pourquoi ne pas commencer votre action par l’audiovisuel, qui attend une réforme depuis si longtemps ?

En effet, la loi de 1986, relative à l’ensemble de l’audiovisuel, est à bout de souffle.

L’absence de pluralisme et de réforme du service public menace le consensus national sur la nécessité de lui accorder plus de financements.

La réglementation de la production enrichit des fonds d’investissement américains, qui ont mis la main sur de nombreux producteurs français ; et j’en passe…

La débureaucratisation promise par M. le Premier ministre a-t-elle vocation à s’arrêter aux portes de l’audiovisuel français ? (M. le Premier ministre fait un signe de dénégation.)

La maîtrise de la dépense publique est-elle condamnée à ne pas concerner l’audiovisuel public, dernier adepte du « quoi qu’il en coûte » ?

Le principe de libre entreprise est-il obligatoirement destiné à ne pas s’appliquer à nos chaînes privées, entravées par des réglementations surabondantes qu’ignorent les plateformes américaines ?

En un mot, madame la ministre, les propositions que formule le Sénat de manière constante depuis 2015 sont-elles vouées à être toujours saluées, mais rarement appliquées, par des locataires de la rue de Valois d’autant plus applaudis lors de leur départ que leur bilan aura été minuscule ? (Mme la ministre de la culture sourit.)

La proposition de loi de mon collègue et ami le président Laurent Lafon, dont je fus le rapporteur, adoptée par le Sénat voilà quelques mois, constitue une base solide pour avancer.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser vos intentions et, surtout, votre calendrier dans ce domaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. Demandez à Bolloré !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Hugonet, je suis tentée de vous dire que je vais, pour vous répondre, reprendre les propos que je viens de tenir au président Lafon. (Murmures.)

M. Jean-François Husson. Mais en mieux !

Mme Rachida Dati, ministre. Je vais aller au plus simple : je reprendrai la proposition de loi votée par le Sénat.

Mme Rachida Dati, ministre. Dès que possible ! (Sourires.)

Vous avez raison, on applaudit parfois les bilans maigres et non les bilans réellement positifs – j’en sais quelque chose. (Murmures amusés. – M. Olivier Paccaud ironise.)

Évidemment, je vous consulterai. Évidemment, je travaillerai avec vous. Évidemment,… (Murmures prolongés.) Oui, j’en sais quelque chose, et c’est malheureusement la réalité ! Simplement, le sujet est trop sérieux et les enjeux trop lourds pour les différer encore une fois. Il faut effectivement un audiovisuel public très puissant. Sans réforme, rien ne sera possible.

Je n’ai pas non plus une bonne opinion des contrats d’objectifs et de moyens et je reconnais qu’ils n’ont pas si bien fonctionné que cela. Pour ce qui est du calendrier, je précise que nous allons démarrer ensemble, en nous efforçant de consulter l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public.

Ces derniers ont, me semble-t-il, également avancé de leur côté sur cette volonté de réforme, sur le financement, mais aussi sur la gouvernance, notamment sur les coopérations renforcées. Je dirai même qu’ils ont avancé sur cette idée de gouvernance unique et, notamment, de fusion des réseaux de proximité, qui a un peu commencé à être mise en œuvre, sans complètement aboutir. Nous allons donc la poursuivre. La gouvernance et le financement sont des enjeux cruciaux, que nous mettrons en œuvre ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Nous avons entendu, madame la ministre, votre volonté d’ouvrir le débat quant à l’avenir de l’audiovisuel. Il y a urgence, car nous devons notamment nous pencher dès la fin de l’année sur l’avenir de son financement.

Autant le dire clairement, les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui pour accorder un blanc-seing sous la forme d’une modification de la loi organique. Seule une réforme d’envergure garantissant le pluralisme et modifiant la gouvernance pourrait justifier une telle évolution.

Vous-même avez souligné l’excellence des travaux menés ici, au Sénat, dans ce domaine : nous sommes à votre disposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

protection de l’enfance

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marion Canalès. « La France n’est pas assez riche de ses enfants pour en négliger un seul. » Telle était, monsieur le Premier ministre, la première phrase du texte signé par le général de Gaulle à la Libération.

Entre 2017 et 2019, il n’y a pas eu de ministre chargé de la protection de l’enfance et voilà des semaines que nous attendons la composition définitive du Gouvernement.

Il a fallu une succession de drames pour que le Président de la République se rende compte, en 2019, que la protection de l’enfance exigeait un pilotage politique.

De la même façon, vous avez attendu, monsieur le Premier ministre, qu’un autre drame humain se déroule dans mon département, le Puy-de-Dôme, avec le suicide d’une enfant placée âgée d’à peine 15 ans, pour prendre enfin les décrets d’application d’une loi votée voilà deux ans. Ce fut fait hier soir, à la hâte : l’encre n’est pas encore sèche et leurs contours nous sont toujours inconnus.

Face à l’inertie de votre gouvernement, les inquiétudes et colères, légitimes, se multiplient ; vous devez les entendre.

Aurons-nous, demain, un ministre de l’enfance et de la protection de l’enfance, un ministre doté des moyens financiers pour engager, enfin, ce plan Marshall de la protection de l’enfance qui est plus qu’urgent, avec tous les acteurs concernés, et pour « désinvisibiliser » ces 350 000 enfants placés et les professionnels qui les accompagnent sans relâche ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Je vous remercie, madame la sénatrice Canalès, d’avoir rappelé la mémoire de cette jeune fille, en ce jour qui marque précisément le deuxième anniversaire de la loi, dite Taquet, relative à la protection des enfants.

Il restait à prendre, c’est vrai, un certain nombre de décrets d’application. Le Premier ministre, entré en fonction voilà trois semaines, a signé celui que vous évoquiez. (Marques dironie sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Parce qu’avant ce n’était pas la même majorité ? Il y a eu une alternance ?

M. Hussein Bourgi. Il a fallu deux ans !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Ce décret, nous le savons, est très important puisqu’il permet d’interdire concrètement le placement d’enfants dans des établissements commerciaux. Il convient de le souligner, tant ces enfants, confiés à l’aide sociale à l’enfance, mesdames, messieurs les sénateurs, sont ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés.

Je me permets de le rappeler, l’esprit de la loi Taquet était précisément de favoriser la parole de ces enfants, de leur permettre d’être écoutés. Beaucoup en ont parlé, cette majorité l’a fait. Elle apporte aujourd’hui des réponses, même si celles-ci sont toujours trop longues à venir quand il est question d’enfants.

Je voudrais en outre souligner le travail que nous menons avec les départements. Ce sont eux qui, au quotidien, sont aux côtés des professionnels, des enfants. Les départements ne manquent pas de nous interpeller parce que nous devons regarder la situation avec lucidité. Après le covid-19, les violences intrafamiliales ont augmenté. (M. Yannick Jadot acquiesce.) Elles appellent des réponses. C’est le sens de notre engagement. C’est aussi le sens du projet de loi de finances pour 2024, qui a permis de prévoir un accompagnement financier en la matière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, regardons les progrès accomplis, mesurons le chemin qui reste à parcourir et mobilisons-nous ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)

Mme Laurence Rossignol. Qu’avez-vous à dire sur la nomination du ministre ? C’était la question !

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.

Mme Marion Canalès. Il vous reste vingt-quatre heures pour décider si, oui ou non, il y aura un ministère de l’enfance et de la protection de l’enfance. (Mme Laurence Rossignol renchérit.)

La protection de l’enfance devait être l’enjeu du quinquennat : depuis, rien.

Rien lors de votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre.

Rien pour les 350 000 enfants placés, dont 10 000 bébés, certains atteints du syndrome de l’hospitalisme.

Rien pour la santé mentale de ces enfants, qui perdraient vingt ans d’espérance de vie et font trente-sept fois plus de dépressions et de tentatives de suicide.

Rien sur la reconnaissance de l’utilité sociale des professions de la protection de l’enfance.

Rien pour les départements en première ligne et qui font face à un resserrement de leurs finances.

Le propre de la puissance est de protéger, écrivait pourtant Blaise Pascal. Votre gouvernement semble toujours plus prompt à réprimer qu’à protéger. J’en veux pour preuve que les décrets d’application relatifs au code de la justice pénale des mineurs ont, eux, été pris en trois mois, quand il a fallu attendre deux ans pour ceux qui concernent la protection de l’enfance.

Mme Marion Canalès. Combien faudra-t-il encore de drames avant de tenir la promesse de faire de la protection de l’enfance une priorité et d’y consacrer un vrai ministère ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes GEST et Les Républicains. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

difficultés de la filière du nickel en nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Georges Naturel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie traverse actuellement une crise d’une rare gravité.

Les trois usines métallurgiques de Koniambo Nickel SAS (KNS), de la Société Le Nickel (SLN) et du Sud connaissent depuis plusieurs mois des difficultés majeures et sont au bord du dépôt de bilan.

Plusieurs milliers d’emplois directs et indirects sont en cause et de très nombreuses familles calédoniennes vivent dans l’angoisse de lendemains particulièrement difficiles.

La fermeture de l’usine de KNS, aujourd’hui la plus menacée avec environ 1 300 emplois directs, équivaudrait, proportionnellement, à la fermeture dans l’Hexagone d’un site industriel de plus de 300 000 emplois.

Lors de votre visite sur place, à la fin du mois de novembre dernier, vous avez proposé aux industriels et aux collectivités calédoniennes, sous réserve que trois conditions soient remplies, un « pacte Nickel » pour sauver chacune des usines, en fixant à la fin du mois de janvier 2024 la date limite de signature.

Cette échéance est aujourd’hui dépassée et aucun pacte n’a encore été signé, alors que la situation ne cesse de s’aggraver.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer précisément quel est, à ce jour, l’état des négociations de ce pacte Nickel ?

Pour chacune des usines, avez-vous obtenu de la part des actionnaires – Eramet pour la SLN, Glencore pour KNS et Trafigura pour l’usine du Sud – les engagements que vous demandez ?

Avez-vous obtenu l’accord de tous les élus calédoniens pour que la ressource minière soit mieux valorisée ?

Quand allez-vous annoncer, pour chacune des usines, le montant et la date du déblocage des prêts relais de l’État ?

Enfin, quand allez-vous annoncer les modalités et le calendrier du soutien de l’État pour moderniser la production d’électricité et réduire son coût ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Naturel, je partage totalement votre diagnostic sur l’état de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie, confrontée à la fois à une concurrence nouvelle de la part de l’Indonésie, de la Corée du Sud, de la Chine, qui produisent à des coûts bien inférieurs, et à un effondrement du cours du nickel. Ces deux phénomènes mettent les trois usines, celle du Sud, celle de Nouméa et celle du Nord, en grande difficulté.

Je me suis rendu sur place avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, voilà quelques semaines, pour faire le point avec l’ensemble des acteurs, les élus et les industriels.

J’ai dit à quel point je croyais dans l’avenir économique de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie.

Toutefois, pour que nous puissions ouvrir des perspectives, il nous faut remplir trois conditions, que je rappelle.

Première condition : il importe de conclure effectivement ce pacte Nickel avec l’ensemble des élus locaux, pour mieux exploiter la ressource minière, pour donner de la visibilité sur cette exploitation et pour permettre l’exploitation des minerais qui ne sont pas utilisés, parce que cela permet à ces entreprises qui en ont bien besoin de faire de la trésorerie. Sur ce pacte Nickel, la négociation progresse. J’ai bon espoir que nous puissions parvenir à une signature définitive sous quelques semaines.

Deuxième condition : il convient que l’État s’engage sur la rénovation des réseaux électriques. Le Président de la République a pris de tels engagements et je suis chargé de les mettre en œuvre. Nous mobiliserons les investissements nécessaires pour moderniser le réseau énergétique calédonien.

Troisième condition, essentielle : il ne peut pas y avoir d’usines sans industriels pour les faire fonctionner. Pour la seule usine du Nord, KNS, j’ai proposé 100 millions d’euros au travers d’un prêt de l’État, 45 millions d’euros d’aide immédiate, 65 millions d’euros de soutien sous une autre forme financière, soit près de 200 millions d’euros de soutien pour une seule usine. L’État a donc fait tout ce qu’il devait faire, à savoir le maximum financièrement, pour l’usine KNS du Nord. Il revient maintenant aux actionnaires, c’est-à-dire la province Nord et Glencore, de prendre leurs responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour la réplique.

M. Georges Naturel. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous attendons avec impatience le résultat de ces négociations, compte tenu des soucis particuliers qui préoccupent aujourd’hui les Calédoniens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

consommateurs floués sur la qualité de l’eau minérale

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme Élisabeth Doineau. En ce début d’année, deux actualités viennent éclabousser – j’emploie ce terme à dessein – le monde des eaux minérales en France.

La première est d’ordre sanitaire. Selon une étude américaine, il y aurait cent fois plus de nanoparticules dans l’eau minérale par rapport aux estimations antérieures. Ces nanoparticules circulent dans le sang et vont jusqu’à atteindre les organes partout dans notre corps, y compris notre cerveau.

La deuxième est d’ordre économique et politique. C’est la raison pour laquelle je m’adresse à vous, monsieur le ministre Bruno Le Maire.

La semaine dernière, deux médias ont annoncé que des grands groupes producteurs d’eaux minérales utilisaient en fait des traitements qui n’étaient pas autorisés auparavant pour les eaux de source.

Or c’est vous qui avez autorisé, au travers d’arrêtés préfectoraux, ces mêmes traitements, permettant, en quelque sorte, à l’eau d’être consommable. Dès lors, ces eaux peuvent-elles encore être considérées comme des eaux de source, puisque c’est sous une telle dénomination qu’elles sont vendues ?

À votre demande, l’inspection générale des affaires sociales a diligenté une étude. Nous n’avons pas eu connaissance, à ce jour, de l’ensemble de ses conclusions : que nous apprennent-elles ?

L’eau minérale en question a été vendue cent fois plus cher que l’eau du robinet, alors qu’il ne s’agissait ni plus ni moins que d’eau du robinet, puisqu’elle subissait les mêmes traitements.

Monsieur le ministre, comment avez-vous pu accepter une telle tromperie du consommateur, pour reprendre les termes que vous avez précédemment employés ? La tromperie du consommateur ne peut pas être à géométrie variable : or, en l’espèce, on a fait payer à tous les consommateurs l’eau du robinet au prix d’une eau en bouteille. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Yannick Jadot. Vive les normes !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Vous avez parfaitement raison, madame la sénatrice, il n’est pas question qu’il y ait la moindre tromperie du consommateur ni le moindre manquement à la réglementation.

Lorsque les informations nous ont été relayées, les agences régionales de santé ont saisi le procureur de la République pour risque de manquement à la réglementation et tromperie du consommateur.

Une eau minérale doit respecter un certain nombre de procédures et de règles ; vous les avez rappelées. Il est indispensable que le consommateur ne soit pas floué et que ces règles soient respectées.

Les agences régionales de santé, puisque plusieurs territoires ont été concernés, ont saisi, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République. Une enquête judiciaire a été ouverte et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes apporte son soutien à cette enquête pour examiner si, oui ou non – je n’ai évidemment pas la réponse –, les industriels ont respecté les réglementations européennes.

Attendons la fin de l’enquête de justice. C’est elle qui déterminera si les industriels concernés ont, oui ou non, respecté les réglementations en vigueur. Il va de soi que, si la réglementation n’a pas été respectée, les sanctions nécessaires s’appliqueront. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour la réplique.

Mme Élisabeth Doineau. Finalement, l’eau de source n’est pas généreuse par nature, elle est coûteuse par forfaiture ! (Marques dappréciation sur de nombreuses travées. – Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

application de la loi sur la maltraitance animale

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Chain-Larché. Sous le feu des médias, la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes a été promulguée le 30 novembre 2021. Elle a été réécrite à 85 % au Sénat, devenu coutumier du fait.

Cette loi affecte, entre autres, les animaleries, les cirques, les parcs zoologiques, les parcs aquatiques. Les professionnels concernés sont talentueux, passionnés, soucieux du bien-être des animaux qu’ils hébergent, soignent et étudient.

Depuis 2021, les textes réglementaires concernant les parcs aquatiques accueillant les mammifères marins ne sont toujours pas signés.

Promenés de secrétaire d’État en secrétaire d’État à la faveur des remaniements ministériels, ces parcs n’ont pas de ligne claire sur le cadre applicable à leurs activités et n’ont, de ce fait, aucune assurance que celles-ci soient pérennes.

Ce n’est pas l’esprit de la loi qui a été votée.

Le couperet tombera le 1er décembre 2026, autant dire demain. D’ici là, les professionnels devront avoir investi pour être en conformité avec la loi.

Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, ce que vous imposez à ces professionnels est inacceptable. Pouvez-vous nous dire quand, enfin, les arrêtés concernant les conditions d’hébergement, les contours des programmes scientifiques et les démonstrations au public des résultats des recherches seront signés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Chain-Larché, vous êtes très mobilisée sur cette question. Vous avez d’ailleurs grandement participé aux travaux de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.

Un certain nombre de décrets ont été publiés. Je pense notamment à la question de la vente en ligne, pour laquelle un décret a été pris le 1er juillet 2023. Je pense aussi au décret sur le certificat d’engagement et de connaissance, demandé aux personnes détentrices ou faisant l’acquisition d’un animal de compagnie. Je pense enfin au décret sur la formation des détenteurs d’animaux, en particulier des personnes chargées de refuges ou qui recueillent des animaux de compagnie. Nous avons également déployé des moyens importants sur la question des refuges – plus de 30 millions d’euros.

Votre question principale relève davantage du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui a dû quitter cet hémicycle. Vous demandez en effet au Gouvernement des lignes claires sur le cadre applicable aux parcs animaliers, notamment en termes de délais. Nous souhaitons être en mesure d’apporter des éléments de clarification réglementaire à ces professionnels dans quelques semaines – au plus tard dans un ou deux mois – afin qu’ils puissent se préparer à se mettre en conformité avec l’esprit et la lettre de cette loi.

Mme Laurence Rossignol. Le Gouvernement va plus vite pour les animaux que pour les enfants !

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.

Mme Anne Chain-Larché. En effet, monsieur le ministre, ma question s’adressait à M. Béchu, ministre de la transition écologique. Cela fait des années que l’on balade des professionnels. En vérité, monsieur le ministre, il serait bon que votre administration cesse de prêter le flanc aux associations animalistes, qui répandent une idéologie woke et s’attachent à déconstruire ce qui façonne la France. (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Yannick Jadot. Sérieusement ?

Mme Anne Chain-Larché. Le Sénat est aux côtés de ces professionnels, qui sont notre patrimoine. Ils font la fierté de la France. La Haute Assemblée veillera à ce que la France reste la France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Joshua Hochart et Stéphane Ravier applaudissent également.)

contamination de l’eau minérale

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hervé Gillé. Rétention d’informations auprès de la Commission européenne, dissimulation, fraude au consommateur, non-respect de la loi, vaste tromperie : voilà les faits qui sont reprochés au Gouvernement à la suite des révélations de Radio France et du journal Le Monde à la fin du mois de janvier.

Cette enquête nous informe qu’un rendez-vous s’est tenu en 2021 entre Nestlé Waters et le cabinet de Mme Pannier-Runacher, alors ministre déléguée chargée de l’industrie.

À la suite de cette réunion, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) a été remis au Gouvernement en 2022. Ce rapport, accablant, n’a jamais été rendu public.

Le Gouvernement a donc eu connaissance des pratiques frauduleuses de certains grands groupes industriels ayant recours à des traitements non conformes pour commercialiser leurs eaux minérales et de source, sans en avoir informé – a priori – ni la justice ni les consommateurs.

Sur une initiative de mon collègue Alexandre Ouizille, nous avons alerté Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités dès le 31 janvier afin de lever les doutes sur ce dossier. Nous sommes toujours en attente d’une réponse de sa part. Nous sommes d’ailleurs impatients de connaître enfin son éclairage.

Confirme-t-elle les accusations contenues dans le rapport d’enquête ? Pourquoi n’a-t-elle pas rendu public le rapport de l’Igas ? Va-t-elle désormais le faire ? Le Gouvernement a-t-il informé la Commission européenne de cette situation, comme il en avait l’obligation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur, je vous répondrai à la place de Mme Catherine Vautrin.

Comme je l’ai souligné à l’instant, une enquête judiciaire est en cours. Les agences régionales de santé (ARS) ont saisi, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République. Cette enquête doit déterminer si les industriels de l’agroalimentaire – je partage totalement votre avis sur la gravité des faits qui leur sont reprochés – ont respecté ou non les réglementations relatives aux eaux minérales. Il s’agit donc de savoir si ces eaux peuvent toujours être qualifiées de « minérales » et si les procédés employés répondent bien au cahier des charges fixé pour les eaux minérales. C’est un enjeu majeur en matière de tromperie du consommateur, comme l’a rappelé Mme Doineau.

L’enquête judiciaire est ouverte. La justice a été saisie par les ARS au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes va apporter son expertise pour déterminer la conformité ou non de ce qui a été décidé par les industriels, et la justice rendra sa décision dans les semaines ou dans les mois qui viennent.

Laissons la justice mener son enquête jusqu’au bout : elle est la seule à même, désormais, à pouvoir apporter des réponses à vos questions.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, il convient, dans cette affaire, d’observer la chronologie des faits. Le Gouvernement était informé depuis bien longtemps déjà de cette situation. Les ARS, quant à elles, se sont mobilisées beaucoup plus tardivement, et peut-être s’apercevra-t-on, à l’analyse, qu’elles ne l’ont pas nécessairement fait sur votre injonction.

Ces faits sont particulièrement dommageables pour notre démocratie, à la fois en termes de connivence avec des intérêts privés, mais surtout en termes de confiance entre les citoyens et leurs gouvernants. Vous créez, en quelque sorte, les conditions d’une société de défiance et de suspicion. Pis, ce type de comportement peut alimenter les théories du complot.

Si vous souhaitez clarifier la situation, vous ne pourrez que soutenir la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet. Nous jugerons donc sur les actes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

situation à mayotte

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Micheline Jacques. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Monsieur le ministre, notre groupe est profondément préoccupé par la situation de chaos dans laquelle vit Mayotte et sur laquelle, du reste, nos collègues mahorais vous alertent régulièrement.

La crise de l’eau récemment très médiatisée s’est en réalité ajoutée à l’insécurité, à la pauvreté, à l’insalubrité, à l’immigration galopante, à une crise économique et sociale profonde, aux difficultés liées aux infrastructures sous-dimensionnées.

La population, excédée, paralyse une nouvelle fois Mayotte pour protester contre l’insécurité. Cette situation insurrectionnelle n’est pas plus acceptable à Mayotte qu’ailleurs dans notre République. Rétablir durablement la sécurité et l’autorité de l’État doit être la première des priorités.

L’immigration incontrôlée est à l’origine de la pression démographique : il naît l’équivalent d’une classe par jour à la maternité. Il faut certes durcir les règles d’immigration et d’acquisition de la nationalité en vigueur à Mayotte et tarir ainsi la principale difficulté de l’archipel à la source, mais on ne peut plus se contenter de mesures d’urgence, qui permettent seulement d’apaiser les tensions pour un temps.

On voit bien que Mayotte a besoin d’une vision pour adapter efficacement et structurellement l’action de l’État et des collectivités locales à sa réalité. Sans moyens, le droit ne peut s’appliquer efficacement.

Un projet de loi pour un développement accéléré de Mayotte avait été annoncé en 2021. Nous sommes en 2024 et le désespoir s’empare de la population. Eu égard au caractère multidimensionnel de la crise, monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de nous annoncer un plan ou une loi de programmation pour Mayotte ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Folliot, Thani Mohamed Soilihi et Saïd Omar Oili applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement raison, Mayotte connaît des difficultés très importantes liées à l’immigration, à l’insécurité, aux problèmes économiques et sociaux, mais aussi aux transports et aux infrastructures. L’égalité des droits avec le reste du territoire n’est pas garantie.

Je rappelle que c’est le Président Chirac qui a décidé de faire de Mayotte un département. Il nous appartient désormais de tenir cet engagement, dans des conditions évidemment très difficiles. Vous connaissez mon engagement profond pour Mayotte. Je souhaite aider l’archipel à mieux vivre.

Cela passe, tout d’abord, par la lutte contre l’immigration irrégulière. C’est ce que nous avons fait en lançant l’opération Wuambushu et en construisant un deuxième centre de rétention administrative pour Mayotte.

C’est ce que nous avons fait aussi avec la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, qui met désormais à la disposition des autorités des moyens extrêmement importants pour lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte.

Toutefois, celle-ci ne vient pas simplement des Comores ou de Madagascar ; elle vient aussi de l’Afrique des Grands Lacs en raison de l’islamisme galopant dans ces territoires. La présence d’un camp d’immigrés à Cavani a fait exploser une colère qui était déjà très sourde. J’ai pris des mesures sans précédent d’évacuation d’un terrain appartenant au conseil départemental et, pour la première fois, de rapatriement dans l’Hexagone de personnes reconnues comme réfugiées par le droit d’asile français.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé dans son discours de politique générale qu’un projet de loi sur Mayotte sera présenté très prochainement en conseil des ministres. Il s’agira de prévoir un changement radical sur les questions économiques, sociales, de transport et d’infrastructures pour faire de Mayotte un département comme les autres, ce qui posera évidemment des questions de cotisations et de prestations, qui doivent être les mêmes que sur l’ensemble du territoire national.

Enfin, un changement constitutionnel s’impose. Nous ne réglerons pas les questions migratoires de l’archipel sans une modification radicale du droit du sol et du droit du sang à Mayotte. Le Président de la République en accepté l’augure ; je vous propose d’y travailler ensemble avec le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour la réplique.

Mme Micheline Jacques. Mayotte, comme l’ensemble des outre-mer, a besoin d’un projet ambitieux, car la situation est aussi le résultat d’une gestion par à-coups et à trop court terme. Je suis persuadée que l’on paie plus cher à long terme – et à tout point de vue – ce que l’on repousse d’année en année.

À Mayotte, le Gouvernement doit donc s’attaquer aux causes profondes, au premier rang desquelles l’immigration. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Thani Mohamed Soilihi et Saïd Omar Oili applaudissent également.)

couloir aérien entre la chine et taïwan

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour le groupe Union Centriste.

Mme Brigitte Devésa. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Tout le monde se souvient du vol MH17, abattu en Ukraine en 2014 par un missile sol-air, tiré par les forces prorusses du Donbass. Aucun des 283 passagers n’a survécu.

Depuis le 1er février 2024, Pékin met en danger la sécurité aérienne dans le détroit de Taïwan. Un vol Air France passe par ce couloir aérien.

L’administration de l’aviation civile chinoise a décidé, unilatéralement, d’une modification de ses itinéraires de vol dans le couloir aérien M503, qui viennent désormais frôler la frontière aérienne officieuse entre Taïwan et la Chine.

L’objectif de Pékin est clair : harceler les défenses aériennes de Taïwan et se servir du passage d’avions civils pour camoufler des manœuvres militaires.

Taïwan condamne cette décision et pointe les conséquences néfastes en termes de sécurité des passagers internationaux, dont nos ressortissants, en provenance et à destination de Shanghai.

La révocation de l’accord aérien conclu en 2015 entre les deux rives du détroit de Taïwan constitue un coup de force et porte atteinte au statu quo. Malgré une résolution du Sénat votée en mai 2021 et les différents appels de nombreux pays, dont la France, la Chine empêche la démocratie taïwanaise de siéger à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

J’associe mon collègue Olivier Cadic à ma question : que fera la France pour amener la Chine à revenir à l’accord aérien conclu avec Taïwan en 2015 et sécuriser ainsi nos ressortissants ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Stéphane Séjourné, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, permettez-moi d’abord un commentaire sur l’actualité que vous venez de décrire. Nous sommes évidemment très préoccupés par les tensions croissantes dans le détroit de Taïwan. Notre position est très claire : nous sommes opposés à toute modification unilatérale du statut, ainsi qu’à tout usage de la force et de la coercition. C’est une attitude constante de la France. (MM. Olivier Cadic et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)

C’est un message que la France porte d’ailleurs à un haut niveau auprès des autorités chinoises, en les encourageant à privilégier le dialogue et à éviter toute escalade.

M. Yannick Jadot. Avec la Chine, ça ne marche pas comme ça !

M. Stéphane Séjourné, ministre. La France est attachée à la paix et à la sécurité de la région. Cette position se traduit par le passage régulier de notre marine nationale dans les eaux internationales du détroit. Nous marquons ainsi notre attachement à la liberté de navigation et de survol, conformément au droit international que nous revendiquons dans cette zone.

En ce qui concerne l’Organisation de l’aviation civile internationale, nous examinons de près avec nos partenaires les développements liés à Taïwan. Nous veillons à ce que son absence de l’OACI ne compromette pas la sécurité aérienne. Plus largement, madame la sénatrice, conformément à une autre position constante de la France, nous soutenons, dans le respect de la politique d’une seule Chine, au cas par cas, la participation de Taïwan aux travaux d’autres organisations internationales, si les statuts le permettent et à condition que ce soit d’intérêt collectif. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour la réplique.

Mme Brigitte Devésa. Nul n’est dupe ici : la Chine, irritée par le résultat de la présidentielle à Taïwan, cherche désormais à instrumentaliser l’aviation civile pour des considérations politiques et militaires.

La France doit appeler à l’ouverture de négociations pour sauvegarder le statu quo dans le détroit de Taïwan, fondé sur la paix, la sécurité dans le respect mutuel et l’application des règles de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 14 février 2024, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Candidature à une éventuelle commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (proposition n° 161, texte de la commission n° 305, rapport n° 304).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, la France paie chaque année un lourd tribut au tabagisme.

C’est la première cause de mortalité évitable avec 75 000 décès par an, soit 200 morts par jour. Selon l’Institut Curie, si tous les moins de 20 ans arrêtaient de fumer demain, la mortalité par cancer diminuerait de 40 % dans les cinquante ans.

La lutte contre le tabagisme, fermement ancrée dans les priorités du ministère de la santé, est faite d’une succession de politiques de santé publique volontaristes.

La loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme, dite loi Veil, comme la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Évin, ont permis de modifier en profondeur la représentation du tabac dans notre société.

Nous portons depuis plusieurs années une attention particulière à l’entrée des jeunes dans le tabagisme. Nous allons dans le bon sens : chez les jeunes de 17 ans, la prévalence du tabagisme quotidien a baissé significativement entre 2017 et 2022 de 25,1 % à 15,6 %.

Cependant, les jeunes générations demeurent la cible prioritaire de l’industrie du tabac. L’addiction nicotinique est d’autant plus forte qu’elle est initiée précocement. En France, l’âge moyen de la première cigarette se situe aujourd’hui aux alentours de 14 ans.

Il est particulièrement important d’agir résolument face aux nouvelles tendances, dont font partie les produits de vapotage. Ils posent des risques importants d’entrée dans la dépendance à la nicotine.

Je veux donc saluer ce texte, qui vise à l’interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. Le marketing de ces produits est conçu pour attirer les jeunes, avec ses couleurs, ses parfums et ses prix bas.

Nous voyons des dispositifs arriver sur le marché dont le contenu équivaut à dix-huit paquets de cigarettes. C’est un danger sanitaire pour les plus jeunes. Chez les 13-16 ans, on estime qu’un jeune sur dix a déjà essayé la « puff ».

La puff n’est pas un dispositif de sevrage. Son taux de nicotine pouvant aller jusqu’à 20 milligrammes par millilitre ouvre la voie à une forte dépendance. Elle apprend aussi le geste de fumer. Tous ces éléments facilitent l’effet passerelle vers le tabagisme.

Nous allons mettre en place une veille sur tous les nouveaux produits du tabac et du vapotage. Je pense aux sachets de nicotine, arrivés récemment.

Ce combat nécessite de l’engagement et de la ténacité, nous en avons !

Je veux aussi souligner que la puff constitue un fléau environnemental. C’est un dispositif non rechargeable, non recyclable et dont le mode de production est très consommateur de pétrole et d’eau.

Un territoire de la République en a déjà interdit l’importation : la Nouvelle-Calédonie. Nos voisins belges, allemands ou irlandais sont en train de mettre en place des interdictions similaires à celle que nous examinons aujourd’hui. C’est une politique de prévention indispensable face aux enjeux que j’évoquais.

Le 22 juin 1976, dans cet hémicycle, Simone Veil défendait le projet de loi de lutte contre le tabagisme, en évoquant l’importance de combler notre « retard sensible en ce qui concerne la prévention et, tout particulièrement, l’information et l’éducation sanitaires ».

Elle ajoutait que « limiter la politique de santé à la seule médecine de soins – si essentiel que soit son rôle – en s’abstenant de remédier, lorsque c’est possible, aux causes mêmes des maladies, serait à la fois illogique et injustifié aussi bien sur le plan humain que du point de vue économique ». Tout était dit, mesdames, messieurs les sénateurs.

Ce combat pour la prévention, nous le poursuivons aujourd’hui.

En matière de prévention du tabac, nous avons tout un arsenal de mesures, détaillé dans le plan national de novembre 2023.

Pour protéger les jeunes du tabagisme, nous avons pris des mesures fortes afin de rendre le tabac moins accessible, moins attractif et moins abordable.

Pour accompagner les fumeurs, en particulier les plus vulnérables, nous renforçons les mesures de repérage, d’information et d’accès aux traitements de substitution.

Pour protéger notre environnement, nous instaurons de nouveaux espaces extérieurs à usage collectif sans tabac.

Pour transformer les métiers du tabac et lutter contre les trafics, nous soutenons les buralistes face aux évolutions de leur métier et nous renforçons notre lutte contre le marché parallèle.

Enfin, pour améliorer la connaissance sur les dangers liés au tabac et les interventions pertinentes, nous renforçons activement le domaine de la recherche.

Le Président de la République l’avait annoncé lors de la journée mondiale contre le cancer de 2021 : nous visons une génération sans tabac dans les années 2030.

Soyez assurés que je mettrai toute mon énergie et toute celle de mon ministère au service de cet objectif. C’est un défi de santé publique, mais plus largement un défi sociétal. Nous devons être à la hauteur : en adoptant cette proposition de loi, vous le serez.

Je tiens à saluer le formidable travail législatif transpartisan, avec une proposition de loi signée par huit groupes politiques différents, et le travail remarquable du rapporteur Khalifé Khalifé, que je remercie. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Médevielle applaudit également.)

M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout a été dit ou presque.

La proposition de loi qu’il nous revient d’examiner a été votée à l’Assemblée nationale à l’unanimité le 4 décembre dernier. Composée d’un article unique, elle n’en est pas moins porteuse d’enjeux sensibles et mérite toute notre attention.

La France est le troisième marché mondial de la cigarette électronique : il représente un chiffre d’affaires de près d’un milliard d’euros et compte plus de 3 millions de vapoteurs. Les cigarettes électroniques jetables, ou puffs, représentent un nouveau segment de ce vaste marché. Elles connaissent en France un succès grandissant depuis 2021. Le développement de ces produits concentre aujourd’hui notre attention. Il était temps, car le sujet, qui avait été évoqué en 2021, avait été classé sans suite.

Sous une apparence inoffensive, les puffs dissimulent pourtant un produit loin d’être anodin et des stratégies commerciales très offensives. Avec ces dispositifs, les industriels cherchent non pas à convertir des fumeurs traditionnels à un autre produit, mais bien à capter de nouveaux consommateurs de nicotine. Nous ne devons donc pas nous laisser berner par le discours fallacieux de la réduction des risques qu’ils ont élaboré : 80 % des puffs vendues en France contiennent de la nicotine.

Dans la tranche des 13-16 ans, 15 % déclarent avoir déjà utilisé une puff et 47 % d’entre eux disent avoir commencé leur initiation à la nicotine avec ce produit. La nicotine est une drogue dure et une drogue triste. Dure, parce qu’elle induit une dépendance très forte et une dégradation de la santé mentale de ses usagers. Triste, parce qu’elle n’a pas d’effet euphorisant, bien au contraire.

Les jeunes, dont le développement cérébral n’est pas encore à maturité, sont particulièrement vulnérables à ces effets. Contenue sous forme de sels dans les puffs, l’inhalation de la nicotine se trouve facilitée, ce qui peut conduire à en absorber des quantités plus importantes qu’avec le tabac.

De plus, les aldéhydes, ces substances néo-chauffées issues de la combustion partielle du liquide, sont probablement toxiques et cancérigènes, mais nous manquons de recul à ce jour pour consolider les données scientifiques existantes.

Les puffs s’achètent partout. Peu onéreuses, elles sont un produit accessible aux adolescents. Les modèles les plus récents, qui se retrouvent aussi sur le marché français, ne respectent pas tous les normes en vigueur, qu’il s’agisse du format du réservoir, limité à 2 millilitres, ou du taux maximal de nicotine, fixé à 20 milligrammes par millilitre.

Nos législations nationales sont mises à l’épreuve, car elles peinent à suivre les évolutions du marché. C’est pourquoi il nous incombe d’être vigilants pour proposer un texte suffisamment agile et englobant.

Vous l’aurez noté, l’interdiction porte à la fois sur la fabrication, la vente et la distribution ou l’offre à titre gratuit. Si la question d’une éventuelle interdiction d’importation des puffs a été soulevée, il est rapidement apparu que cela exposerait le texte à un risque de non-conformité au droit de l’Union européenne, en portant une atteinte supplémentaire à la libre circulation des marchandises.

D’ailleurs, dès lors que la fabrication et la vente ou la cession de ces produits sont interdites, l’intérêt de les importer ne pourrait recouvrir que des hypothèses très limitées, voire théoriques. Je rappelle que les puffs sont aujourd’hui fabriquées en Chine et qu’il n’existe pas de filière de production en France.

On peut regretter que l’interdiction de vente aux mineurs des produits du tabac et du vapotage ne soit que très imparfaitement respectée. Pourtant, cette proposition de loi n’est pas un aveu d’échec et constitue une réelle avancée.

En effet, l’interdiction générale des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique sera plus aisée à contrôler qu’une interdiction circonscrite aux seuls mineurs ; l’amende de 100 000 euros qui sanctionne le non-respect de l’interdiction est véritablement dissuasive.

Il n’en demeure pas moins indispensable d’accompagner la mise en œuvre du texte de moyens de contrôle appropriés, pour garantir son effectivité. Ces moyens apparaissent notoirement insuffisants aujourd’hui. La vente sur les réseaux sociaux et l’ubérisation du commerce ont rendu tout produit aisément accessible.

En tant que membre de la commission d’enquête sur le narcotrafic, je suis particulièrement sensibilisé à ces questions et soucieux de réfléchir aux moyens les plus efficaces pour empêcher les contournements de la loi.

À ce titre, je crois que nous pourrions envisager une mesure de contrôle de la majorité lors de l’achat en ligne des produits du tabac ou du vapotage, même si le sujet est complexe, j’en ai conscience.

L’impact environnemental de ces dispositifs n’est pas le moindre enjeu de cette proposition de loi. Il faut savoir que 5 millions de puffs sont jetées chaque semaine au Royaume-Uni, contre 1,3 million voilà un an. Le volume a donc été multiplié par quatre en une année. Cette accumulation de nouveaux déchets, qui ne répond à aucun besoin essentiel, doit nous interpeller. Ces cigarettes électroniques jetables sont composées d’une batterie de lithium non amovible. Nous épuisons donc consciemment des ressources naturelles sensibles pour créer des produits nocifs, à la durée de vie excessivement courte. L’indécence de ce modèle doit nous amener à nous questionner.

Pis : ces déchets, qui s’amoncellent, sont en pratique presque impossibles à recycler, principalement du fait de l’inamovibilité de leur batterie. Quant au lithium, il est à la source de départs d’incendies réguliers dans les centres de tri et de traitement des déchets et expose les biens et les personnes à des risques importants. Ce risque se trouve donc démultiplié avec les puffs.

Pour finir, j’évoquerai l’enjeu que représente cette proposition de loi au regard de l’Union européenne. Cette interdiction des dispositifs de vapotage à usage unique ne pourra entrer en vigueur que si la Commission européenne l’approuve. En effet, en application du principe de libre circulation des marchandises, un État membre de l’Union n’est fondé à interdire un produit conforme à la réglementation européenne qu’en raison de motifs spécifiques à la situation du pays et à la condition de poursuivre un objectif de protection de la santé publique.

Alors que la Commission européenne rendra son verdict pour la Belgique au mois de mars, la position de la France est scrutée par les institutions européennes. D’autres pays envisagent une interdiction similaire en Europe. Il est donc essentiel que la France affirme une volonté politique forte en faveur de l’interdiction des puffs. Au moment où des travaux sont engagés pour actualiser la directive européenne sur les produits du tabac, sa voix doit porter pour être entendue.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, l’article unique de cette proposition de loi est lourd d’enjeux. Les auditions menées et l’instruction du texte ont renforcé ma conviction et ma détermination à vous convaincre de l’intérêt d’adopter cette proposition de loi.

Pour finir, à ceux qui invoqueraient un risque de report des usagers de la cigarette électronique jetable vers le tabac, je souhaite répondre qu’il est de notre responsabilité – vous l’avez rappelé, madame la ministre – de poursuivre et d’accentuer nos efforts en faveur de la lutte contre toutes les formes de tabagisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après des années de politique de santé publique volontariste, la consommation de tabac est enfin en baisse chez les jeunes : depuis 2017, la prévalence tabagique est passée, chez ces derniers, de 25 % à 16 %.

Si nous pouvons nous satisfaire de cette amélioration, nous devons rester vigilants et agiles. L’industrie du tabac ne cesse, en effet, de multiplier les innovations pour attirer les plus jeunes de nos concitoyens dans les filets du tabagisme.

L’objet du débat qui s’ouvre en est un exemple frappant. Les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, dits puffs, se sont imposés dans notre société à une vitesse grand V, en particulier chez nos jeunes : 15 % des adolescents de 13 à 16 ans auraient déjà utilisé une puff, et 47 % de ces jeunes usagers déclarent avoir commencé leur initiation à la nicotine avec ce produit.

Par ailleurs, en novembre dernier, les cigarettes électroniques jetables représentaient près de 30 % des références notifiées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, contre moins de 4 % à la fin de l’année 2021. Il nous faut le dire haut et fort : oui, la puff est en train de devenir un fléau pour nos jeunes ! Elle explique l’importance de la proposition de loi que nous examinons.

En interdisant la fabrication, la vente, la distribution et l’offre gratuite des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique en France, nous répondrons à une double préoccupation, à la fois sanitaire et environnementale.

Premièrement, sur le plan sanitaire, l’utilisation des dispositifs à cartouche chargée a un effet contraire à l’objectif de la politique de lutte contre le tabagisme.

Diverses études démontrent le caractère fortement addictif de la nicotine et l’associent à des troubles anxiodépressifs et à une dégradation de la santé mentale chez ses usagers.

Sa présence sous forme de sels dans les puffs facilite l’inhalation de nicotine, ce qui tend à augmenter les quantités absorbées par les utilisateurs, lesquelles peuvent atteindre jusqu’à 20 milligrammes par millilitre. Cela ouvre la voie à une forte dépendance et crée une accoutumance au geste de fumer, ce qui facilite l’effet passerelle vers le tabagisme.

La puff constitue aussi un modèle commercial décomplexé et agressif, qui cherche à recruter de nouveaux consommateurs chez les adolescents.

Elle est très accessible, étant à la fois facile à utiliser et peu onéreuse, avec un prix variant entre 8 euros et 12 euros pour 600 à 2 000 bouffées. Colorées et ludiques, les puffs ont des saveurs sucrées et fruitées, qui ciblent clairement les jeunes. Les réseaux sociaux, notamment TikTok et Instagram, en font une promotion active, malgré l’interdiction de toute publicité en faveur des produits du vapotage.

Deuxièmement, la puff est à contre-courant des enjeux de transition écologique.

La composition des puffs, fabriquées avec des plastiques et métaux lourds, en fait des déchets particulièrement polluants.

Bien qu’ils soient le plus souvent jetés avec les ordures ménagères, ils constituent des équipements électriques et électroniques, qui relèvent d’une filière spécifique de tri et de traitement des déchets. Difficiles à collecter, ils se révèlent également presque impossibles à recycler, en raison de l’inamovibilité de leur batterie, alors même que la réglementation européenne obligera les entreprises, à partir de 2027, à s’assurer que les produits disposent de batteries facilement amovibles.

Par ailleurs, le traitement du lithium dans les centres de tri et de recyclage comporte des risques d’incendie importants, qui menacent la sécurité des travailleurs : en moyenne, un centre de tri est détruit chaque année en France !

Nous devons aussi constater que la législation en vigueur est plutôt un échec. Je rappelle que la publicité sur les produits du vapotage, qu’ils soient jetables ou rechargeables, est interdite, et qu’elle est assortie d’une interdiction de vente aux mineurs et d’une interdiction de vapoter dans certains espaces, dont les établissements scolaires.

Pourtant, les enquêtes démontrent que l’interdiction de vente aux mineurs est régulièrement enfreinte. Plus d’un quart des adolescents mineurs estiment qu’il est facile d’acheter et de se procurer des puffs.

Cette difficulté manifeste à opérer des contrôles et à réaliser des constats de flagrance pour sanctionner le non-respect de la loi pose, in fine, la question des moyens et du caractère dissuasif des sanctions. Il est donc essentiel de se doter d’un cadre législatif englobant et agile face à l’émergence de nouveaux usages, dont la puff fait partie.

Tel sera le cas si nous adoptons cette proposition de loi, notamment grâce aux avancées obtenues en commission sur la définition du dispositif électronique jetable à usage unique ou encore sur la sanction du non-respect de l’interdiction de fabriquer des puffs.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RDPI se positionne clairement en faveur de ce texte.

Néanmoins, la seule interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique ne résoudra pas tous les problèmes liés au tabagisme en France.

Le précédent ministre de la santé et de la prévention, Aurélien Rousseau, avait annoncé un double objectif dans le cadre du programme national de lutte contre le tabac (PNLT) : faire apparaître une génération sans tabac d’ici à 2032 et accompagner les fumeurs dans l’arrêt du tabac.

Ce sujet de société nous concernant tous, il est essentiel de mener un travail collectif, pour avancer au-delà de nos clivages.

Nous devons aussi mieux anticiper l’avènement de nouveaux produits, comme le tabac à chauffer, le tabac à mâcher ou les sachets de nicotine.

Renforçons notre action à destination des fumeurs pour les aider à arrêter le tabac et mieux les accompagner, car, ne l’oublions pas, ce sont encore 200 Français qui meurent chaque jour à cause du tabac.

Les mots de Claude Évin sont plus que jamais d’actualité : la lutte contre le tabagisme « a toujours eu dans nos institutions une valeur symbolique. Sans doute parce qu’il s’agit de légiférer sur des comportements, des activités et des habitudes de vie qui conduisent à la mort ou à la souffrance physique et psychologique. »

À cet égard, si la présente proposition de loi est indispensable, elle ne constitue qu’une étape de la lutte contre le tabagisme. Dès lors, continuons de prendre ce sujet à bras-le-corps, tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

Cette proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale, en première lecture, le 4 décembre dernier. Elle résulte d’une initiative de Mme Francesca Pasquini, députée écologiste des Hauts-de-Seine.

Ce texte est transpartisan, puisqu’il a recueilli, à l’Assemblée nationale, la signature de députés venant de huit groupes politiques. À notre Haute Assemblée, maintenant, de se prononcer !

Je veux, pour commencer, saluer la qualité du travail du rapporteur de notre commission des affaires sociales, M. Khalifé.

La proposition de loi entend interdire les cigarettes électroniques jetables ou à usage unique, les puffs, puff signifiant « bouffée » en anglais. Ces cigarettes ne contiennent pas de tabac, mais peuvent renfermer de la nicotine, substance au double effet psychotrope et addictif.

Bien évidemment, cette proposition de loi ne s’attaque pas aux produits de vapotage rechargeables qui servent à sortir de la consommation de tabac ni aux nouvelles formes de délivrance nicotinique.

Il est urgent d’interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, car ce sont les adolescents qui sont visés par de tels produits, alors même que leur vente est interdite aux mineurs. Format minimaliste, facilement dissimulable aux parents, multitude de goûts disponibles : le gabarit des puffs et leur design ludique plaisent beaucoup, avec un très fort risque d’addiction.

Les puffs, apparues en 2021, sont moins chères qu’un paquet de cigarettes : elles offrent 300 à 600 bouffées pour quelques euros.

Les industriels du tabac mettent en quelque sorte les bouffées doubles (Sourires.), afin d’attirer les jeunes et, ainsi, de compenser la diminution de la consommation de tabac chez les jeunes générations.

Selon Alliance contre le tabac, 28 % des adolescents utilisant la puff ont commencé leur initiation à la nicotine à travers ce produit, et 17 % d’entre eux se sont ensuite tournés vers une autre forme de produit de la nicotine ou du tabac.

Il est urgent d’agir, car 15 % des jeunes âgés de 13 à 16 ans ont déjà utilisé une puff.

Or, comme le souligne M. Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l’association Santé respiratoire France, les puffs sont « une porte d’entrée dans l’addiction à la nicotine dans un premier temps, et dans l’addiction au tabac dans un second temps. La gestuelle est également responsable d’une dépendance comportementale. »

Il est d’autant plus urgent d’agir que les industriels du tabac rivalisent d’inventivité pour tenter de préserver leurs profits mortifères. J’insiste sur le terrible chiffre de 200 morts par jour en France à cause du tabac !

La dernière invention en date est la 9K, une nouvelle puff ultrapuissante qui contient 9 000 bouffées, ce qui équivaut à 18 paquets de cigarettes à 2 % de nicotine ; le packaging est là encore attrayant pour les jeunes, avec des vapoteuses colorées et parfois clignotantes.

La démarche des industriels du tabac est extrêmement perverse, comme le souligne l’Académie nationale de médecine : les puffs sont des pièges particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents.

L’objectif est clair : il s’agit de rendre nos jeunes addicts aux produits du tabac, alors même que les irritants présents dans les puffs peuvent aggraver les maladies préexistantes dont ils souffriraient, comme l’asthme ou l’hyperréactivité bronchique.

Cette démarche des industriels du tabac n’est pas sans rappeler celle de certains fabricants d’alcool, qui visent les jeunes avec les prémix, boissons contenant de l’alcool masqué par un mélange de jus de fruits très sucré. Quel cynisme, là aussi, pour tenter d’augmenter encore et toujours les profits !

Les buralistes n’ont pas le droit de vendre des puffs 9K, encore moins à des mineurs. Je tiens, d’ailleurs, à souligner la position très responsable des buralistes, qui sont favorables à l’interdiction des puffs. Ces professionnels jouent un rôle primordial dans le maintien du lien social, en particulier dans nos bourgs et nos villages.

Si la vente des puffs est interdite aux mineurs, comment ceux-ci font-ils pour s’en procurer ? Ils passent malheureusement par la voie des réseaux sociaux, où les influenceurs qui font la promotion de tels produits auprès de la jeunesse – moyennant rémunération, bien sûr ! –, jouent un rôle très néfaste, alors même que la publicité pour les puffs est strictement interdite.

Je souligne, à cet égard, l’importance de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, texte dont les députés socialistes sont à l’origine et qui a interdit la promotion de tels dispositifs sur les réseaux sociaux.

Si les puffs ont un coût moral, affectif et humain, elles ont aussi un coût potentiel pour notre sécurité sociale, puisqu’elles peuvent être à l’origine de maladies, dont des cancers. Rappelons que le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France : il a été responsable de la mort de 75 000 personnes en 2015.

Les puffs ont également un coût environnemental très fort : le plastique et le lithium qui les composent sont très consommateurs de pétrole et d’eau, extraits à l’autre bout du monde, bien souvent en Chine.

Les puffs sont donc ultratoxiques pour l’environnement. Jetables, elles sont en plastique et contiennent une batterie au lithium non recyclable.

Les cigarettes électroniques à usage unique sont facilement inflammables et constituent des déchets complexes, mal collectés, mal recyclés, présents dans les sols, les nappes phréatiques et les océans. C’est un véritable contresens écologique.

L’usage et la durée de vie de ces produits vont à l’encontre des actions et des mesures pour lutter contre le gaspillage, la surconsommation et le réchauffement climatique.

En conséquence, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat est tout à fait favorable à cette proposition de loi. Nous voterons pour interdire la fabrication, la vente, la distribution et l’offre à titre gratuit des dispositifs électroniques à usage unique, en y incluant les dispositifs rechargeables susceptibles d’être réutilisés jusqu’à épuisement du liquide prérempli dans le réservoir au moment de l’achat.

J’espère que ce texte sera adopté à une très forte majorité, voire à l’unanimité de notre hémicycle, pour envoyer un signal fort aux industriels du tabac.

L’interdiction des puffs est soutenue par une multitude d’acteurs : citoyens, scientifiques, associations, entreprises de vapotage et buralistes. Il faut faire cesser ces scandales sanitaires et environnementaux que sont les puffs.

Une fois la proposition de loi définitivement adoptée par le Parlement, il appartiendra au Gouvernement, madame la ministre, de notifier à la Commission européenne la mesure d’interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

Cette notification est nécessaire, puisque les biens et les services circulent librement dans le marché commun. Une interdiction est possible au niveau européen, sous réserve qu’elle réponde à des motifs relatifs à la situation spécifique de l’État concerné et à condition d’être justifiée par la nécessité de protéger la santé publique.

Nous comptons donc sur la mobilisation sans faille du Gouvernement sur ce dossier très sensible, qui nous mobilise tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Chantal Deseyne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il me sera difficile d’être originale après ce qu’ont déjà dit mes collègues à cette tribune, tant ce texte est consensuel.

La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner vise à interdire les dispositifs électroniques de vapotage jetables ou à usage unique, dits puffs.

L’interdiction visée par ce texte s’appliquera à la fabrication, la vente, la distribution et l’offre à titre gratuit de ces dispositifs.

En premier lieu, je tiens à souligner que les puffs sont une aberration environnementale, du fait de la nature même du dispositif : ces cigarettes électroniques jetables sont composées principalement de matières plastiques et d’une batterie non amovible, le plus souvent au lithium.

Les puffs usagées sont donc, par nature, des « déchets d’équipements électriques et électroniques » (DEEE), qui nécessitent un recyclage spécifique.

Or une part importante de ces dispositifs de vapotage jetables ou à usage unique échappe à la filière de retraitement, alors que ces déchets représentent un danger pour l’environnement. Qui plus est, du fait de la petite taille de ces équipements et de leur batterie incorporée, il est impossible de procéder à leur dépollution, sauf à y consacrer des moyens très importants.

Quant au lithium, il est à l’origine de départs d’incendies réguliers dans les centres de tri et de traitement des déchets, mettant ainsi en péril la santé des travailleurs.

Ensuite, il est évident que ces dispositifs constituent des risques majeurs en matière de santé publique, notamment pour la santé des jeunes.

Les puffs sont plébiscitées chez les adolescents. L’usage quotidien de la cigarette électronique a triplé entre 2017 et 2022 chez les jeunes de 17 ans, pour s’établir à 6,2 %.

En 2022, l’Alliance contre le tabac indiquait que 13 % des adolescents âgés de 13 à 16 ans avaient déjà utilisé une puff et que, pour 28 % d’entre eux, cela correspondait à leur première consommation de nicotine.

L’apparition des cigarettes électroniques jetables fait également évoluer les représentations associées à la cigarette et au tabac chez les jeunes. Vantées pour leur simplicité d’utilisation par les professionnels du secteur, les puffs sont rapidement devenues populaires auprès des enfants et des adolescents, grâce à leurs prix compétitifs, leurs emballages attractifs et leurs saveurs sucrées et fruitées.

Le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur les nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine identifie une corrélation entre l’utilisation de cigarettes électroniques et l’entrée dans le tabagisme, en raison du phénomène de dépendance au geste de vapotage, qui peut représenter un nouveau mode d’entrée dans l’addiction tabagique, mais aussi du fait de l’usage de puffs contenant de la nicotine. Ainsi, 47 % des jeunes se sont initiés à la nicotine par la puff, soit près d’un sur deux.

Enfin, l’interdiction de la vente aux mineurs est très peu respectée. Selon l’Académie nationale de médecine, ces dispositifs constituent « un piège particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents ».

Or le tabagisme est le premier facteur de risque évitable de cancer. Chaque année, 68 000 nouveaux cas de cancer, entraînant 40 000 décès, lui sont attribués.

Pour ce qui concerne la toxicité des puffs, la plupart des experts s’accordent pour affirmer que les émissions produites par les cigarettes électroniques sont moins nocives que la fumée du tabac.

Toutefois, cette moindre nocivité n’est pas synonyme d’absence de toute dangerosité, car le mode d’exposition complexifie l’évaluation des risques. En effet, de nombreux arômes sont considérés comme sûrs lorsqu’ils sont ingérés par voie orale, mais leur innocuité n’est pas nécessairement établie après chauffage et inhalation.

L’interdiction des puffs est donc un impératif de santé publique. Toutefois, en application du principe de libre circulation des marchandises, cette interdiction ne pourra entrer en vigueur que si la Commission européenne l’approuve.

La position de la France est scrutée par les institutions européennes, mais aussi par des pays qui envisagent la même interdiction – je pense notamment à l’Allemagne et à l’Irlande.

À cet égard, je tiens à saluer le travail du rapporteur, qui a consolidé le texte en précisant la définition de ce qu’est un dispositif de vapotage jetable ou à usage unique, afin de circonscrire l’interdiction qui sera examinée par la Commission européenne.

En conclusion, le groupe Les Républicains estime que l’interdiction portée par cette proposition de loi constitue un impératif à la fois en matière de santé publique, au premier chef s’agissant des adolescents, et sur le plan de la protection de l’environnement en France et au niveau européen.

Nous soutiendrons donc cette interdiction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, colorés, aromatisés à la fraise, à la pastèque ou encore à la mangue, on pourrait très facilement les confondre avec un paquet de bonbons : les emballages des cigarettes électroniques à usage unique, dites puffs, ne laissent aucun doute sur leur cible marketing : les jeunes.

Cependant, un chiffre doit nous réjouir : la diminution de la consommation de tabac chez ces derniers. En effet, en 2022, moins d’un jeune sur deux déclarait avoir déjà fumé, contre près de 60 % en 2017. Aujourd’hui, 16 % des jeunes de 17 ans fument tous les jours, soit deux fois moins qu’il y a dix ans.

Quelles que soient les origines de la diminution de la consommation – efficacité des campagnes de prévention, augmentation du prix du paquet, loi Évin, pandémie de covid-19… –, nous ne pouvons que nous féliciter de cette baisse.

La nocivité du tabagisme est un fait indiscutable : celui-ci est la première cause évitable de mortalité prématurée. En France, quelque 45 000 personnes décèdent chaque année d’un cancer lié au tabac.

Cette baisse de la consommation a parallèlement ouvert la porte à la cigarette électronique, qui s’est développée à grande vitesse : le vapotage a triplé en cinq ans.

Chez les jeunes, depuis 2021, c’est précisément le recours à la cigarette électronique à usage unique qui rencontre un vrai succès. Le packaging est, paraît-il, séduisant…

Surtout, la vente à l’unité permet un prix bien inférieur à celui d’un paquet de cigarettes, qui, aujourd’hui, coûte environ 11 euros et offre l’équivalent de 300 bouffées. La puff est, quant à elle, accessible à partir de 7 euros pour 800 bouffées, soit plus de deux fois et demie de bouffées supplémentaires, pour un prix inférieur d’environ 36 %.

Selon les professionnels, et contrairement à ce que l’on croit, la cigarette électronique, censée ne dégager ni goudron ni monoxyde de carbone, est loin d’être inoffensive. Elle peut contenir de la nicotine et d’autres substances toxiques, tel l’acide benzoïque, dont on ne connaît pas encore les effets sur le long terme. Et le vapoteur d’une puff avec nicotine en absorbe autant que le fumeur de cigarettes classiques…

La cigarette électronique est donc considérée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un produit nocif et addictif.

Cependant, la littérature scientifique n’est pas unanime sur le niveau de toxicité de la cigarette électronique. Hélas, aucune étude scientifique ne permet, à ce jour, d’affirmer qu’elle est moins dangereuse que la cigarette classique.

Je souhaite en profiter pour remercier notre rapporteur. Monsieur Khalifé, vous nous avez aussi alertés sur le fait que les puffs ne s’adressaient pas seulement à des fumeurs voulant réduire leur consommation. Leur publicité offensive et parfois ambiguë cherche clairement à capter un jeune public, par une politique de marketing habile, et, ainsi, à créer une nouvelle catégorie de fumeurs.

Si la cigarette électronique a des effets néfastes sur la santé, sa version jetable est, quant à elle, pour reprendre l’expression de l’auteur de la proposition de loi, une « véritable aberration ».

Par ailleurs, les puffs nuisent gravement à l’environnement.

On sait déjà que la durée de vie d’un mégot est de douze ans. Alors que 23,5 milliards de mégots sont jetés dans l’espace public chaque année en France, il en résulte un coût, pour les collectivités locales, de 100 millions d’euros par an.

Les puffs, quant à elles, contiennent du plastique, mais aussi des métaux lourds, comme le lithium, le chrome, le nickel, le mercure, le cobalt, le fer, l’aluminium, le cuivre, le zinc ou encore le plomb – rien que cela ! D’après les spécialistes, il est quasiment impossible de les recycler, en raison de techniques de fabrication dont je vous épargne les détails.

Interdire un produit qui nuit autant à la santé de nos enfants qu’à celle de l’environnement est une évidence. Nous espérons que l’avis de la Commission européenne, nécessaire pour que ce texte puisse être appliqué, en tiendra compte.

Le groupe Les Indépendants votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pardonnez-moi si je répète ce que viennent de dire mes collègues qui se sont succédé à cette tribune.

Le 28 novembre dernier, Aurélien Rousseau, alors ministre de la santé et de la prévention, présentait devant des élus et des journalistes les principaux axes du nouveau programme national de lutte contre le tabac pour la période 2023-2027.

Il y était précisé que les résultats du précédent PNLT étaient concluants, puisque 2 millions de fumeurs quotidiens en 2018 ont cessé leur consommation en 2022. Ces chiffres, très encourageants, nous incitent à poursuivre dans cette voie.

Le nouveau programme présente 5 engagements forts et 26 mesures incitatives, avec pour ambition de s’inscrire dans la continuité du précédent et, surtout, de susciter une génération sans tabac. Je tiens à saluer ces engagements du ministère, et je ne doute pas, madame la ministre, que vous suivrez parfaitement ce programme.

Le 4 décembre 2023, dans la foulée de la présentation du PNLT, a été votée à l’Assemblée nationale en première lecture une proposition de loi d’un seul article visant à interdire la fabrication, la vente, la distribution et l’offre à titre gratuit des cigarettes dites puffs.

Que sont ces cigarettes ? Les puffs – littéralement, « bouffées », en anglais – sont des cigarettes électroniques à usage unique. Commercialement présentées comme « ludiques », elles capitalisent sur un emballage coloré et sur un large panel de goûts fruités. Leur prix, qui ne s’élève guère à plus de 7 euros l’unité, complète cet arsenal attractif.

Ces choix marketing ont pour cibles leurs principaux consommateurs : les jeunes.

Quelques chiffres nous permettent d’en mesurer l’ampleur : 73 % des mineurs en ont déjà entendu parler ; malgré l’interdiction pénale de la vente de ces produits aux moins de 18 ans, quelque 57 % d’entre eux les ont déjà testés ; 13 % des jeunes âgés de 13 à 16 ans avouent en avoir déjà consommé, selon l’Opecst.

Je veux, à cet instant, remercier notre ancienne collègue, Catherine Procaccia, qui, depuis très longtemps, nous alerte sur ce danger et qui, au nom de l’Office, a produit avec le député Gérard Leseul une étude sur les aspects scientifiques relatifs aux alternatives au tabac.

À ce stade, je souhaite simplement rappeler que le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France, qu’il cause 75 000 décès par an, que le tabac coûte à l’État plus de 1,6 milliard d’euros et qu’il représente un coût social annuel estimé à environ 160 milliards d’euros. Il y a donc urgence, mes chers collègues, à interdire ces puffs, qui peuvent constituer une porte d’entrée idéale.

Une seule puff renferme 500 bouffées, soit l’équivalent d’un paquet de cigarettes entier. Il peut également contenir jusqu’à 2 % de nicotine, dont les effets sont dévastateurs pour la santé : c’est une substance à la fois addictive et nocive, avec des conséquences sur le développement cérébral, comme le prouvent certaines études.

L’utilisation de ces cigarettes contrevient également aux ambitions du programme national de lutte contre le tabac, dont le premier axe concerne la protection des jeunes à l’égard du tabagisme.

En effet, pour presque 1 jeune de 17 ans sur 2, les puffs constituent la première porte d’entrée dans le tabagisme. Les interdire nous offrirait donc de nouvelles marges de manœuvre pour répondre à l’objectif du PNLT d’abaisser la part de fumeurs quotidiens âgés de 17 ans à moins de 13 % en 2026 et à moins de 10 % en 2028.

Leur interdiction s’avère également indispensable d’un point de vue écologique. L’Alliance contre le tabac souligne son impact environnemental majeur. Selon cette association, les puffs sont d’ores et déjà présentes sur nos plages ou à la dérive sur les océans.

Rappelons que les puffs se caractérisent par deux matériaux principaux : du plastique et du lithium.

Or la production de plastique est l’un des processus de fabrication les plus énergivores de la planète, et son rejet dans les milieux naturels constitue l’une des catastrophes écologiques les plus désastreuses pour nos sols, pour nos eaux et pour la biosphère en général. Lutte contre le réchauffement climatique et consommation de puffs sont donc antinomiques.

Quant au lithium qui entre dans la composition des puffs, il représente un danger à long terme. S’il est rejeté dans la nature, il peut en effet s’embraser et accentuer les catastrophes forestières dont nous sommes malheureusement les spectateurs chaque été.

Un dernier chiffre accablant nous invite à agir vite et fort : selon une enquête britannique, deux cigarettes puffs sont jetées chaque seconde. Les conséquences sanitaires, sociales, économiques et écologiques de cette consommation, que mes collègues et moi-même nous sommes efforcés de présenter, sont donc dramatiques.

Je terminerai mon propos en évoquant les enjeux juridiques au niveau européen.

En effet, si ce texte était adopté par le Parlement, la Commission européenne devrait rendre son avis dans un délai de six mois. Je vous rappelle notre déconvenue sur la loi, portée et défendue par notre ancienne collègue Valérie Létard, tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote. Alors qu’elle avait été promulguée le 1er juin 2021, elle est toujours bloquée, ce qui est tout de même dramatique !

La difficulté réside dans le risque de non-conformité du texte au droit européen, avec une atteinte supplémentaire portée à la libre circulation des marchandises. Une exception est possible lorsque l’intention de l’État membre est justifiée par des motifs spécifiques à la situation du pays, à condition qu’il y ait un objectif de protection de la santé publique.

Au niveau européen, l’Allemagne, la Belgique et l’Irlande travaillent sur des législations similaires. Ce tir groupé peut mettre la pression au niveau européen pour faire évoluer la directive sur les produits du tabac et les produits connexes.

Mes chers collègues, en votant cette proposition de loi, nous agissons pour la protection de nos enfants, mais aussi de notre environnement. Le groupe Union Centriste votera donc en faveur de cette initiative parlementaire, et il remercie une nouvelle fois son rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce petit objet coloré de moins de 10 centimètres et coûtant moins de 7 euros, que vous avez tous vu, est une véritable bombe à retardement pour la santé de nos jeunes, mais également pour l’environnement. Tous les orateurs l’ont dit, mais il est important de le répéter. Il devrait d’ailleurs déjà être interdit.

Nous débattons aujourd’hui de la proposition de loi visant à interdire la puff, qui représente pour les plus jeunes une véritable porte d’entrée vers le tabagisme. Je souhaite, tout d’abord, remercier ma collègue députée écologiste, Francesca Pasquini, d’avoir porté avec détermination ce texte nécessaire. Je salue également M. Khalifé pour son engagement en faveur de l’interdiction des cigarettes électroniques à usage unique.

Imaginés pour les jeunes, aromatisés avec une multitude de goûts, sucrés et fruités, plus aguicheurs les uns que les autres et affichant un prix très abordable, ces dispositifs électroniques sont un véritable danger en termes de santé publique, à court et moyen termes.

Pour l’industrie du tabac, les puffs représentent une nouvelle occasion d’élargir leur offre, tout en faisant entrer les utilisateurs dans l’univers de la nicotine. Même si les effets à long terme des cigarettes électroniques sur la santé ne sont pas encore totalement connus, il a été établi que les substances toxiques qu’elles généraient pouvaient provoquer des cancers et augmenter les risques de pathologies cardiaques et pulmonaires.

Ces cigarettes électroniques, pensées à l’origine pour permettre la diminution, voire l’arrêt, de la consommation de tabac, deviennent à l’inverse – à tout le moins pour ce qui concerne les puffs – un véritable instrument d’augmentation des risques, ainsi que, j’y insiste, une porte d’entrée vers l’addiction à la nicotine. En effet, la moitié des jeunes qui vapotent quotidiennement deviennent des fumeurs de tabac.

Même les puffs qui ne contiennent pas de nicotine posent un problème de santé publique, en asservissant les jeunes au geste du vapotage.

C’est la protection de notre jeunesse, et de toute une génération, qui est en jeu. Après deux ans d’existence de ces dispositifs en France, plus de 13 % des adolescents ont déjà utilisé une cigarette puff. Pis, 47 % d’entre eux ont commencé de cette façon leur initiation à la nicotine. Alors que depuis plusieurs années la vente de tabac baisse globalement, le vapotage, lui, augmente. L’usage quotidien des adolescents a même triplé en quelques années seulement.

L’objectif d’une génération sans tabac d’ici à 2032, qui était à portée de main, s’éloigne donc à grands pas. La prévalence du tabagisme quotidien chez les jeunes de 17 ans avait pourtant baissé significativement entre 2017 et 2022 – vous l’avez souligné, madame la ministre –, bien au-delà des objectifs, et même au-delà des espérances. Piège sournois ciblant la jeunesse, les puffs risquent, à rebours, de renverser cette tendance.

Et que dire des pratiques de prédation des industriels, qui ciblent délibérément les jeunes venant d’entrer au collège, via un marketing pensé spécifiquement pour eux, avec des couleurs et des goûts alléchants qui donnent envie d’essayer et de renouveler l’expérience ?

Ce phénomène de mode est accentué par les réseaux sociaux, puisque des influenceurs sont payés pour vanter les nouveaux goûts disponibles ou se mettre en scène avec ces produits. La dernière puff mise en vente, toujours plus puissante et affichant un coloris inédit, est alors exhibée pour se vanter devant les camarades de classe, dans la cour de récréation ou devant le collège. Vapoter la dernière puff, c’est évidemment stylé !

Nous le savons, l’adolescence est une période durant laquelle on essaie de trouver sa place. L’industrie du tabac l’a très bien compris, en fabriquant une nouvelle génération de fumeurs, c’est-à-dire en s’attaquant à des enfants.

Ces puffs sont aussi une aberration écologique. Au Royaume-Uni, 5 millions de ces dispositifs sont jetés chaque semaine. La quantité gaspillée de ces cigarettes équipées d’une batterie au lithium et produites le plus souvent en Chine pourrait d’ores et déjà alimenter, outre-Manche, près de 5 000 véhicules électriques par an.

En outre, elles ne font que très peu l’objet d’un recyclage, lequel est d’ailleurs pratiquement impossible à mettre en œuvre. La gestion de ces déchets entraîne donc des risques environnementaux et sanitaires, notamment la pollution – sinon éternelle, tout au moins à très long terme – des sols et de l’eau par des substances toxiques, ainsi que des risques d’incendie liés à leur retraitement.

La problématique des puffs nous appelle à faire preuve de responsabilité collective, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale.

Je sais que le Sénat votera en faveur de cette interdiction, car il est très attentif, tout comme Mme la ministre, à la protection sanitaire des jeunes. J’espère qu’une loi pourra s’appliquer très rapidement à cet effet. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je joins ma voix au consensus qui semble se dessiner.

Le 4 décembre 2023, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité cette proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, également appelés puffs.

Les industriels du tabac n’ont pas attendu le vote du Sénat pour lancer la « maxipuff », encore plus volumineuse et dangereuse que les puffs classiques, puisqu’elle contient 9 000 bouffées possibles avant épuisement de la réserve, soit l’équivalent de 18 paquets de cigarettes.

Reconnaissons-le, l’industrie du tabac se trompe rarement en matière de marketing, en l’occurrence à grand renfort de communication sur les réseaux sociaux. Ces vapoteuses aux couleurs vives portant des leds multicolores qui s’allument à mesure qu’on les utilise, et aux goûts toujours plus extravagants, les jeunes se les arrachent dès le collège. Il est bien loin le temps des cigarettes en chocolat ! (Sourires.)

Notre collègue députée Francesca Pasquini ne s’est pas trompée non plus en déposant cette proposition de loi visant à interdire ces cigarettes électroniques jetables ou à usage unique, qui peuvent comporter de la nicotine. Dans une tribune publiée le 30 avril 2023 dans Le Monde, une vingtaine de spécialistes apportaient leur soutien à cette initiative parlementaire et qualifiaient les cigarettes électroniques jetables de « fléau environnemental et sanitaire qu’il faut interdire d’urgence ».

Cela a été rappelé, les cigarettes électroniques jetables sont une aberration environnementale, puisque le mode de production du plastique et du lithium qui les composent est très consommateur d’eau et de pétrole, lequel est extrait à l’autre bout du monde dans des conditions déplorables. Par ailleurs, ces cigarettes jetables sont une porte d’entrée vers la consommation de nicotine.

Face à la baisse de la consommation de tabac dans notre pays, l’industrie du tabac utilise un marketing agressif pour convertir les générations à venir, au mépris de la santé publique.

L’interdiction de vente aux mineurs des puffs est contournée, puisque 47 % des jeunes ont déjà essayé un de ces dispositifs. Pourtant, selon l’Académie nationale de médecine, la puff « constitue un piège particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents », via lequel « il serait possible de ralentir, voire d’inverser [la] tendance vertueuse […] d’une quasi-disparition du tabagisme en France ».

Cependant, le consensus autour de l’interdiction des puffs nécessite désormais une validation de la Commission européenne. Après le rejet par celle-ci d’un projet d’interdiction des puffs en Belgique, le Gouvernement devra soutenir le présent texte et peser dans les négociations sur l’actualisation de la directive sur les produits du tabac. La sacro-sainte liberté de circulation des marchandises ne doit pas primer la santé de nos jeunes.

En conclusion, cette proposition de loi répond à une exigence de protection de la santé des mineurs face à la publicité agressive faite par les industriels en faveur d’un produit extrêmement polluant.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera en faveur de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que ce texte transpartisan arrive devant la Haute Assemblée.

Cette proposition de loi a fait l’objet d’un consensus des acteurs politiques et reçu le soutien d’acteurs économiques, notamment la Confédération des buralistes. Les commerçants de la filière nous ont également fait part de leur soutien à l’interdiction de ce produit, qui ne représente qu’une part négligeable de leurs ventes.

Après une première lecture à l’Assemblée nationale, qui a voté le texte à l’unanimité, et le travail de la commission, je sais que nous trouverons à notre tour un accord.

J’espère que la France parviendra à justifier devant la Commission européenne cette interdiction, notamment son caractère proportionné, que démontre la restriction de la mesure aux seules cigarettes électroniques jetables ou à usage unique.

Cela a été dit, cette proposition de loi vise un double objectif, de santé publique et écologique.

D’une part, la cigarette électronique non rechargeable est le vecteur d’un marketing agressif, avec des emballages et des saveurs qui ont pour objectif de séduire une clientèle jeune.

Ne nous y trompons pas : la puff n’est pas l’outil de sevrage tabagique privilégié par les fumeurs ou les anciens fumeurs. Au contraire, elle constitue une entrée vers la dépendance à la nicotine. Le nombre de consommateurs de cigarettes électroniques âgés de 17 ans a triplé en cinq ans, et la facilité d’achat et d’utilisation de ces cigarettes n’est pas dépourvue de lien avec cette recrudescence. La puff est tellement ancrée dans les usages de ces jeunes qu’un tiers d’entre eux pensent, à tort, que la vente de ce produit est autorisée aux mineurs.

D’autre part, cette proposition de loi répond à une évidence écologique : ces produits, lorsqu’ils sont usagés, sont très peu déposés dans des points de collecte en vue de leur recyclage ; et leurs composants étant difficilement dissociables, il est difficile de les réutiliser.

La lutte contre le tabagisme est un défi pour un pays comme le nôtre, qui demeure très fumeur. Notre politique doit être claire : le vapotage peut s’envisager comme moyen de sevrage de la cigarette, mais jamais comme une porte d’entrée vers l’addiction à la nicotine.

Cette proposition de loi est un premier pas pour faire du vapotage uniquement le substitut nicotinique qu’il doit être. Mais il reste du chemin à parcourir en vue de garantir la santé des utilisateurs, notamment au travers d’une meilleure réglementation encadrant les liquides vaporisés utilisés dans les cigarettes électroniques, comme l’ont prévu certains pays européens.

Lors d’un contrôle d’ampleur de 30 000 liquides, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait conclu qu’un quart d’entre eux étaient hors des normes.

Les liquides sans nicotine font l’objet d’une réglementation insuffisante, alors même que leur utilisation dans le cadre d’un sevrage tabagique est douteuse. Les règles en matière de promotion et d’emballage sont encore trop souvent contournées. Quant aux contrôles et aux amendes de la DGCCRF, ils sont parfois insuffisants. La filière française, qui emploie aujourd’hui entre 13 000 et 20 000 personnes, semble volontaire pour s’engager dans de tels chantiers.

Nous devons également garder à l’esprit que les cigarettes électroniques ne sont apparues que récemment sur le marché, et, malgré l’ampleur du phénomène, la recherche médicale n’a produit que tardivement des études sérieuses. Nous manquons encore de certaines données scientifiques, ce qui doit nous appeler à une certaine vigilance lors de nos arbitrages. Nous avons également la responsabilité de prévoir des moyens préventifs et éducatifs, parallèlement à cette interdiction.

Les industries sont toujours à la pointe du progrès en matière de produits addictifs. Il nous faudra, à l’avenir, rester vigilants à l’égard de tous les autres produits nocifs et dangereux pour la santé qui sont déjà sur le marché. Malheureusement, nous aurons toujours un temps de retard par rapport à l’imagination et à l’innovation en la matière !

Cette proposition de loi n’épuisera pas le sujet de la lutte contre le tabagisme, mais elle constitue indéniablement une perspective positive pour la santé publique et pour le développement durable.

Pour ces raisons, le groupe RDSE sera unanimement favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Marie-Claude Lermytte et M. Bernard Buis applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, barbe à papa, marshmallow, bubble gum, cola, mangue, glace aux cookies ou fraise Tagada… Il s’agit là non pas d’une liste de sucreries pour le goûter d’anniversaire d’un enfant, mais des saveurs enfantines de ces fameuses vapoteuses jetables, à la nicotine ou aux arômes fruités, adorées des adolescents ; de nouveaux accessoires, stars des cours de récréation, aussi dangereux pour la santé que pour l’environnement.

Emballage aux couleurs vives, lumière clignotante incluse, prix modique, produit facile à trouver : tout est y est ! Le piège, sournois, se referme sur nos enfants à un âge où ils sont en construction, manquent de confiance en eux et ont besoin d’être reconnus par le groupe. Facile à glisser dans la trousse, la puff se distingue à peine des stylos, échappant ainsi à la vigilance des parents.

Malgré la perspective de l’interdiction qui, je l’espère, sera rapidement prononcée, les industriels rivalisent d’imagination, créant des stratagèmes pour continuer à attirer les plus jeunes. Dernière invention en date, la puff 9 000, qui contient 9 000 bouffées possibles, soit l’équivalent de 18 paquets de cigarettes. Une véritable porte d’entrée vers le tabagisme pédiatrique, comme nous l’ont confirmé les spécialistes de la santé et de l’addictologie.

Malgré l’interdiction de la publicité pour ces produits, cette nouvelle mode – une bombe à retardement sanitaire et écologique ! – est alimentée par les réseaux sociaux, ce qui ne manque pas d’inquiéter les parents et les enseignants. C’est dommage, car le tabagisme des élèves n’avait jamais été aussi faible…

Il faut bien se l’avouer, les puffs sont clairement addictives : 47 % des 13-16 ans ont avoué avoir commencé leur initiation à la nicotine avec ce dispositif, ce qui représente une hausse de 19 points en un an. Par la gestuelle qu’elle implique, la puff utilisée par nos adolescents est finalement la transition entre le biberon et la cigarette.

Si l’on en croit les chiffres publiés par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), plus d’un jeune sur dix a révélé avoir consommé cette cigarette à usage unique. Cela signifie, mes chers collègues, que plus de 10 % de nos enfants ou de nos petits-enfants l’ont utilisée.

Autre fait préoccupant, il n’y a sur les sites en ligne de vente de puffs aucune mesure de contrôle de l’âge ; il suffit de cliquer sur un bouton pour affirmer que l’utilisateur est majeur. Cela me rappelle vaguement les soi-disant « filtres » de certains sites interdits aux mineurs…

Voilà quasiment un an, jour pour jour, j’alertai le Gouvernement sur les conséquences néfastes des puffs sur la santé de nos adolescents. N’attendons plus aussi longtemps pour légiférer lorsqu’il s’agit de la santé de nos enfants !

L’autre problème majeur que pose la puff est d’ordre environnemental.

Notre jeunesse s’illustre par sa volonté de lutter contre le changement climatique. Pour autant, et paradoxalement, elle participe inconsciemment, ou par manque d’informations, à la pérennisation d’un mode de comportement contraire au bien-être de notre planète. Fabriquées en plastique et dotées d’une batterie en lithium, ces cigarettes sont conçues pour être jetées après un usage unique. Elles constituent ainsi des déchets supplémentaires à traiter, dont notre biodiversité se passerait bien, et toxiques, qui s’ajoutent aux 4 500 milliards de mégots jetés.

Mes chers collègues, cette proposition de loi est une pierre supplémentaire ajoutée au mur de sensibilisation et d’encadrement des substances nocives pour la santé des mineurs – une information dont nous avons un besoin impérieux. Mais, soyons lucides, elle ne suffira pas à enrayer le fléau du tabagisme. Lorsqu’une drogue disparaît, une autre la remplace presque immédiatement.

D’autres substances, qui commencent d’ailleurs à pénétrer notre marché, doivent dès à présent faire l’objet de toute notre attention. Je veux parler, par exemple, des sachets de nicotine, déjà interdits dans de nombreux pays de l’Union européenne, mais qui échappent pourtant à tout encadrement de la part du législateur français. Parce qu’il vaut mieux prévenir que guérir, n’attendons pas qu’une substance nocive devienne une habitude de consommation pour agir et pour protéger notre jeunesse.

Les sénateurs Les Républicains continueront de faire barrage aux dangers qui menacent la santé de nos jeunes et la préservation de notre environnement.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur – je veux saluer votre implication et l’intérêt que vous avez porté à ces questions depuis votre arrivée au Sénat –, mes chers collègues, cette proposition de loi reçoit notre approbation au-delà des clivages politiques, parce que nous avons tous à cœur de servir l’intérêt général.

C’est pourquoi je plaide en faveur du bon sens : je souhaite que ce texte soit voté et entre en vigueur très rapidement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI. – Mme Marie-Claude Lermytte et M. Jacques Fernique applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Tout d’abord, je veux vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de cette belle unanimité. Je n’aurai pas la prétention de résumer l’ensemble de vos propos, mais je partage le constat que vous dressez d’un triple fléau sanitaire, social et environnemental.

Ensuite, vous avez évoqué à plusieurs reprises le travail qui a été porté par mon prédécesseur, Aurélien Rousseau, et par le ministre du budget, Thomas Cazenave, ainsi que le nouveau Programme national de lutte contre le tabac 2023-2027, qui comporte de nombreuses mesures très intéressantes.

À cet égard, je tiens à insister sur un point : l’évaluation. En effet, si nous voulons réellement voir émerger une génération sans tabac en 2032, ce n’est pas en 2027 qu’il nous faudra nous réveiller. Je ne doute pas que la représentation nationale aura à cœur de nous rappeler nos engagements, et nous devrons être très vigilants.

Enfin, la notification à la Commission européenne n’aura lieu qu’une fois le texte stabilisé, au titre de la directive 2015/1535 relative à la transparence du marché unique, puisqu’il s’agit d’interdire la commercialisation d’un produit, et de la directive sur les produits du tabac, dans la mesure où il s’agit d’interdire un produit encadré autorisé par la directive.

L’adoption définitive n’interviendra donc pas avant six mois, dans le meilleur des cas, mais vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique
Article 2

Article 1er

I. – La troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° Après l’article L. 3513-5, il est inséré un article L. 3513-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3513-5-1. – Sont interdites la fabrication, la vente, la distribution ou l’offre à titre gratuit des dispositifs électroniques de vapotage jetables ou à usage unique mentionnés au 1° de l’article L. 3513-1, à l’exception des cartouches.

« Un dispositif électronique de vapotage jetable ou à usage unique est un produit du vapotage qui présente au moins l’une des deux caractéristiques suivantes :

« 1° Il est pré-rempli avec un liquide et ne peut être rempli à nouveau ;

« 2° Il dispose d’une batterie non rechargeable. » ;

2° L’article L. 3513-7 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, au début, les mots : « Les dispositifs électroniques de vapotage jetables, » sont supprimés et, après le mot : « recharge », sont insérés les mots : « des dispositifs électroniques de vapotage » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « de dispositifs électroniques de vapotage jetables, » sont supprimés et la première occurrence du mot : « les » est remplacée par le mot : « de » ;

3° À l’article L. 3513-15, les mots : « des dispositifs électroniques de vapotage jetables et » sont supprimés ;

4° Le chapitre III du titre Ier du livre V est complété par une section 3 intitulée : « Dispositions diverses » et comprenant l’article L. 3513-19 ;

5° Au premier alinéa des articles L. 3515-1 et L. 3515-2, les mots : « , L. 3513-5 et L. 3513-6 » sont remplacés par les mots : « et L. 3513-5 à L. 3513-6 » ;

6° Le I de l’article L. 3515-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « punie » est remplacé par le mot : « puni » ;

a bis) (nouveau) Au premier alinéa du 12°, les mots : « des dispositifs électroniques de vapotage jetables, » sont supprimés et, après le mot : « recharge », sont insérés les mots : « des dispositifs électroniques de vapotage » ;

b) Au 15°, après la première occurrence du mot : « de », il est inséré le mot : « fabriquer, » et, après le mot : « vapotage », la fin est ainsi rédigée : « en méconnaissance de l’article L. 3513-5-1 ; »

7° L’article L. 3822-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 3513-5-1, L. 3513-7, L. 3513-15, L. 3515-1 et L. 3515-3 sont applicables dans le territoire des îles Wallis et Futuna, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. »

II. – Le I entre en vigueur au plus tard six mois après la publication de la présente loi, à une date fixée par décret.

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Après le mot :

fabrication,

insérer les mots :

la détention en vue de la vente, de la distribution ou de l’offre à titre gratuit, la mise en vente,

II. – Après l’alinéa 12

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 3515-2 du code de la santé publique, est inséré un article L. 3515-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3515-2-1. – Les agents mentionnés à l’article L. 511-3 du code de la consommation sont habilités à rechercher et à constater les infractions à l’article L. 3513-5-1.

« À cet effet, ils disposent des pouvoirs prévus au I de l’article L. 511-22 du code de la consommation. »

III. – Alinéa 16

Après le mot :

fabriquer

insérer les mots :

, détenir en vue de la vente, de la distribution ou de l’offre à titre gratuit, mettre en vente

La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Cet amendement a un double objet.

En premier lieu, il vise à renforcer le dispositif d’interdiction prévu par cette proposition de loi, en l’étendant à la détention en vue de la vente, de la distribution ou de l’offre à titre gratuit, ainsi qu’à la mise en vente des produits concernés.

Dans sa rédaction actuelle, en effet, le projet d’article L. 3513-5-1 du code de la santé publique sanctionne leur mise à disposition à titre gratuit ou onéreux. Cette sanction implique soit un constat de flagrance de la transaction du vendeur vers l’acheteur, soit la verbalisation au vu des registres de vente.

L’extension que nous vous proposons permettra de sanctionner plus largement la détention de ces produits dans les réserves des magasins ou leur exposition dans les rayons, ce qui, à la fois, favorisera les constats par les agents de contrôle et permettra de viser de plus grands volumes destinés à la vente en infraction à la loi.

En second lieu, l’amendement tend à permettre aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de constater la nouvelle infraction. Son dispositif satisfait ainsi, du moins en partie, l’amendement déposé par Mme Souyris, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

L’adoption de cet amendement permettrait donc de rendre l’interdiction des puffs plus opérationnelle et efficace.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. Je suis ravi que le Gouvernement reprenne à son compte les dispositions de l’amendement déposé par Mme Souyris, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Lors de son audition, la DGCCRF nous disait en effet ne pas être compétente à ce sujet.

La commission émet donc un avis tout à fait favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Je tiens à montrer ce petit objet « tendance » à propos duquel nous débattons et qui ressemble à une inoffensive sucette, comme on en trouve dans les fêtes foraines. (Mme Anne Souyris brandit une cigarette électronique à usage unique.) Grâce au travail de la chambre haute et de la chambre basse, il va sans doute être interdit. Nous sommes donc utiles !

Assurer le respect de ce texte visant à interdire les puffs suppose de disposer, en nombre suffisant, d’enquêteurs habilités à rechercher et à constater les infractions et disposant des qualifications et de l’expérience nécessaires. Je vous rappelle que ce dispositif interdit aux mineurs est pourtant en majorité vendu à ces derniers… Cet amendement est donc important, en ce qu’il vise à renforcer le contrôle et l’effectivité de l’interdiction.

Quant à l’élargissement de l’interdiction de la vente à la détention, il permettra d’éviter le contournement de la loi par les industriels. À cet égard, madame la ministre, il faudra que le décret d’application mentionne la location, afin que notre texte soit parfaitement respecté.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Khalifé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I – Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

jetables ou à usage unique

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, qui présentent au moins l’une des deux caractéristiques suivantes :

II. – Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 5

1° Remplacer les mots :

Il est

par le mot

Être

2° Remplacer le mot :

peut

par le mot :

pouvoir

IV. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

Il dispose

par le mot :

Disposer

La parole est à M. le rapporteur.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. Cet amendement vise à améliorer la rédaction retenue par la commission, afin de définir de manière précise les dispositifs visés par l’interdiction.

Il s’agit, pour définir les puffs, de supprimer les mots « jetables ou à usage unique » inscrits dans le texte voté par l’Assemblée nationale et de ne conserver que les deux critères adoptés par notre commission : d’une part, le dispositif est prérempli avec un liquide et ne peut être empli à nouveau ; d’autre part, il dispose d’une batterie non rechargeable.

Il s’agit d’anticiper l’imagination des fabricants, qui ont déjà commencé à commercialiser dans certains pays des kits jetables et qui pourraient ainsi contourner le présent texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. Cet amendement a en effet pour objet de clarifier l’article, en retenant, pour la définition des puffs, les deux critères adoptés en commission, en lieu et place de la notion moins précise de « dispositifs jetables ou à usage unique ». J’en remercie M. le rapporteur.

L’avis du Gouvernement est donc favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

(Suppression maintenue)

Vote sur l’ensemble

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 1er, modifié.

L’article 2 étant supprimé, le vote sur l’article 1er vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

La parole à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je voudrais prolonger les nombreuses interventions qui ont fait référence aux travaux de l’Opecst.

Je sais que M. le rapporteur a lu attentivement la note de septembre 2023, corédigée par la sénatrice honoraire Catherine Procaccia, qui avait fait de ce sujet un cheval de bataille depuis de longues années, et par le député Gérard Leseul, sur saisine de la commission des affaires sociales. Ce travail, dont le spectre excède les puffs, a mis en évidence les ravages de ces nouvelles pratiques, tant pour la santé publique que pour l’environnement. Présentés comme des substituts à la nicotine permettant de réussir un sevrage tabagique, ces produits sont en fait d’une perversité sans nom.

Catherine Procaccia a également attiré l’attention sur les arômes, dont nous n’avons pas beaucoup parlé dans le débat. Lorsque ceux-ci sont interdits, une étude américaine montre que le vapotage diminue mécaniquement et qu’il y a un léger report sur le tabagisme classique. C’est un effet indésirable.

Nous pourrions envisager des mesures plus draconiennes, notamment contre les sachets de nicotine, apparus depuis 2022, et qui proposent en quelque sorte la nicotine à portée de main, ainsi que les produits présentés comme des aides au sevrage avec un marketing agressif, qui facilitent les premiers pas des jeunes et des adolescents vers un tabagisme actif.

Pour finir, je souhaite vraiment insister sur les travaux de Catherine Procaccia, qui avait d’ailleurs fait voter par le Sénat un amendement au PLFSS 2023 visant à taxer les puffs, lequel n’avait pas été repris à l’Assemblée nationale par le Gouvernement dans le cadre du 49.3. Madame la ministre, peut-être pourrions-nous reprendre cette proposition à l’avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Je tiens à saluer cette belle unanimité sur un sujet de santé publique très important, qui concerne l’ensemble de nos adolescents. Nous serons bien évidemment tout à fait attentifs à ce qui va se passer à la Commission européenne, qui a, je vous le rappelle, retoqué la Belgique sur un texte similaire. Nous espérons que ce ne sera pas le cas pour notre proposition de loi.

J’ai évoqué tout à l’heure la question de l’alcool et des premix. Je pense qu’il serait salutaire d’ouvrir le chantier de la prévention de la consommation d’alcool chez les adolescents. En effet, ce phénomène obéit aux mêmes schémas que le tabagisme.

Dans le cas de l’alcool, on nous explique que les premix, censés être moins alcoolisés, sont un moyen de détourner les adolescents de l’alcoolisme, alors que les premix aujourd’hui sur le marché ont des taux d’alcool supérieurs à celui de la bière.

Dans le cas du tabac, les produits sont présentés comme contenant peu de nicotine, puis, progressivement, les quantités augmentent.

Ainsi, on forme de futurs adultes qui seront addicts au tabac ou à l’alcool, ce qui créera des ravages pour la santé publique, avec des coûts induits considérables. Au moment, où nous devons faire quelques économies, il n’est pas inutile d’y réfléchir.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article 1er constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. Je souhaite remercier l’ensemble de mes collègues de ce vote unanime.

Je n’ai pas besoin d’en dire beaucoup plus, si ce n’est pour ajouter que nous avons montré une fois encore que nous pouvions nous entendre sur un sujet de santé publique. Celui-ci est particulièrement grave, ce n’est pas le cardiologue que je suis qui vous dira le contraire. Je m’adresse surtout aux jeunes qui suivent nos travaux depuis les tribunes : j’ai passé la moitié de ma vie, ou même plus, à tenter de déboucher des artères de fumeurs ; si vous ne voyez pas ce que sont des plaques d’athérome, essayez de visualiser une couche de boue dans une artère de deux millimètres de diamètre… C’est énorme !

Madame la ministre, je vous remercie de votre écoute et de l’accueil de vos services. Je salue également mes collègues rapporteurs de l’Assemblée nationale, ainsi que l’ensemble des personnes qui ont été auditionnées, que ce soit à titre personnel ou pour le compte d’associations et d’autres organisations.

Je sais que la Haute Autorité de santé va vous présenter en septembre prochain un rapport sur le tabagisme en général, madame la ministre. Sachez que la commission des affaires sociales du Sénat – je le dis au nom du président Mouiller et de Jean Sol, présent ce soir au banc des commissions – est prête à travailler avec vous, pour faire reculer autant que possible les décès dus au tabac en France, qui restent aujourd’hui au nombre de 70 000 par an. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique
 

5

 
 
 

Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; modification de la loi organique n° 2010-837

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (projet n° 229, texte de la commission n° 301, rapport n° 300, avis n° 296) et du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (projet n° 230, texte de la commission n° 302, rapport n° 300, avis n° 296).

La procédure accélérée a été engagée sur ces textes.

Il a été décidé que ces textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Rappel au règlement

 
 
 

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission, pour un rappel au règlement.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 42 de notre règlement, qui concerne l’organisation des débats.

Dans le cadre des travaux préparatoires à l’examen de ces projets de loi ordinaire et organique, le Gouvernement a refusé d’être auditionné par les commissions saisies au fond et pour avis. Nous le regrettons très vivement.

Depuis un peu plus de quatre semaines, il n’y a pas de ministre chargé de l’énergie en fonction. Nous aurions pu penser que M. Bruno Le Maire était ce ministre, puisque nous avons vu dans la presse qu’il était allé hier visiter une centrale nucléaire en se présentant comme ministre chargé de l’énergie. Seulement, c’est vous, monsieur Béchu, qui êtes cet après-midi au banc du Gouvernement…

Cette situation est inadmissible, car le sujet dont nous allons débattre aujourd’hui, à savoir la sûreté nucléaire, est très sérieux. Songez que ce projet de réforme concerne quelque 2 000 agents publics et privés. Or nous constatons que le Gouvernement est aux abonnés absents ! Ainsi, les contributions sollicitées par les rapporteurs ont été remises tardivement et, je le répète, aucun ministre n’a voulu être auditionné.

Y a-t-il encore une chaîne de décision depuis quatre semaines dans le nucléaire ? Qui sont les ministres et les directions responsables de ce texte ?

Cette situation n’a pas permis aux rapporteurs, ni aux commissaires, d’aller au fond du dossier et d’apprécier les tenants et les aboutissants des projets de loi.

Aussi, nous aurions pu déposer et voter une question préalable pour obtenir le report de la discussion. Mais comme nous sommes responsables (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) et que nous voulons avancer, avec cette réforme, dans le sens d’une relance de l’énergie nucléaire en France, après des années de tergiversations, nous examinerons ces textes. Cependant, j’y insiste, nous déplorons la manière dont ont commencé nos travaux.

Pour conclure, je rappellerai que le Premier ministre a déclaré qu’il voulait travailler en partenariat avec le Parlement. Pour cela, il faut commencer par respecter ce dernier, monsieur le ministre !

Vous allez avoir besoin du Sénat. Je vous conseille donc de mettre vos actes en accord avec les paroles du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Excellent !

Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la présidente Estrosi Sassone, votre rappel au règlement ne me surprend pas. J’aurais même été surpris que vous n’en fissiez point pour exprimer un doute sur la qualité de votre interlocuteur.

Le terme « énergie » ne figure effectivement dans l’intitulé d’aucun des ministres nommés lors de la première vague du remaniement. Cependant, les décrets d’attribution sont venus préciser qui s’occupe de quoi et me donnent toute légitimité pour être devant vous aujourd’hui. C’est d’ailleurs un plaisir, même s’il n’est peut-être pas réciproque…

En effet, l’énergie relève, pour la partie production, de Bercy, et pour la partie sobriété énergétique, efficacité énergétique et sûreté nucléaire, du ministère de la transition écologique.

M. Stéphane Piednoir. Il faut suivre !

M. Christophe Béchu, ministre. Néanmoins, il y a une subtilité : chaque ministère est associé aux décisions qui relèvent de l’autre.

Madame la sénatrice, vous ne pouvez pas avoir de doute sur ce qu’est ma conception du respect du Parlement et du Sénat. Je n’ai d’ailleurs pas pris vos propos pour moi. Je sais par ailleurs que votre expérience vous permet de juger vos interlocuteurs gouvernementaux non pas sur des intitulés, mais sur des actes.

Je déplore comme vous que les circonstances n’aient pas rendu ces auditions possibles, les décrets d’attribution n’ayant pas été publiés au moment où vous avez commencé vos travaux.

À défaut d’apaiser votre courroux, car je ne crois pas que cela soit possible, je vais au moins m’efforcer, durant les heures que j’aurai le plaisir de passer avec vous, de vous prouver le respect profond que j’ai pour vous et pour votre institution.

D’ailleurs, je n’oublie pas que ces textes sont aussi le résultat des travaux de l’Opecst et qu’ils font suite à un vote que vous avez émis, à l’occasion d’une discussion précédente, pour qu’il y ait un texte spécifique sur ce sujet.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Heureusement !

M. Christophe Béchu, ministre. Nous avons aujourd’hui l’occasion d’aller au fond des choses.

Pour conclure, je salue votre esprit de responsabilité, qui vous a conduit à rejeter l’hypothèse d’une question préalable, ce qui aurait décalé l’examen de la réforme. Cela témoigne de votre volonté de contribuer à la relance du nucléaire et à une politique de l’énergie ambitieuse pour notre pays.

Discussion générale commune

 
 
 

Mme la présidente. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a un an, nous discutions dans cette assemblée le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.

Aujourd’hui, nous sommes appelés à débattre d’un texte tout aussi crucial pour notre politique de transition énergétique : le projet de loi sur la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

La relance de notre filière nucléaire s’inscrit dans une longue histoire, du lancement du premier programme nucléaire par le général de Gaulle jusqu’au discours du Président de la République à Belfort, en 2022, en passant par le plan Messmer. Ce programme doit notamment son succès historique à la garantie d’une exploitation sûre, ainsi qu’à la mise en place progressive d’un cadre efficace de contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Ce cadre repose tout d’abord sur la responsabilité des exploitants nucléaires. À cet égard, l’arrêt de réacteurs nucléaires, décidé par EDF seule, pour faire face aux problèmes de corrosion sous contrainte, au pire de la crise énergétique que nous traversions l’an dernier, témoigne du sérieux des milliers de femmes et d’hommes qui exploitent ces cathédrales technologiques.

Il repose surtout sur l’existence d’une organisation permettant un contrôle indépendant et reposant sur les meilleures compétences possible.

Suivant les recommandations du rapport du député Jean-Yves Le Déaut, en 1998, le processus d’amélioration et de réorganisation des services de l’État s’est enclenché voilà plus de vingt ans.

Un établissement public sous tutelle gouvernementale résultant de la fusion de plusieurs agences et services de l’État, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), a ainsi été créé en 2002, avec déjà, à l’époque, des difficultés inhérentes à toute réforme organisationnelle.

Puis, en 2006, la loi Transparence et sécurité nucléaire a permis le passage d’une direction d’administration centrale à une autorité administrative indépendante – indépendante non seulement des exploitants, mais également du Gouvernement. Ce fut la création de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Plus de dix-sept ans après, la conclusion collective que nous pouvons en tirer est que cette organisation a été au rendez-vous au cours de la dernière décennie.

M. Fabien Gay. Et donc ?

M. Christophe Béchu, ministre. Cependant, le contexte a radicalement changé.

M. Fabien Gay. Ah bon ?

M. Christophe Béchu, ministre. Après vingt ans de reflux, nous sommes en train de relancer activement notre filière nucléaire,…

M. Daniel Salmon. Et c’est dur !

M. Christophe Béchu, ministre. … afin de baisser nos émissions de gaz à effet de serre, de tenir nos engagements de sortie des énergies fossiles, de participer à la réindustrialisation de notre pays et, plus largement, de défendre notre souveraineté énergétique.

Je ne vais pas entrer dans l’énumération de tous les projets associés à cette relance, qui vont accroître significativement et durablement le volume et la complexité des dossiers de sûreté et de radioprotection. Mais permettez-moi d’en citer les quatre principaux axes.

Il y a tout d’abord la poursuite de l’exploitation de nos 56 réacteurs nucléaires existants, aussi longtemps que la sûreté le permettra.

Il y a ensuite la relance de la construction de nouveaux réacteurs EPR2, d’ores et déjà décidée à Penly, Gravelines et au Bugey.

Il y a encore la relance de grands programmes de recherche et développement : développement de nouveaux réacteurs innovants et modulaires et réactivation d’un programme d’investissements dans les infrastructures du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.

Il y a enfin la consolidation de l’amont et de l’aval du cycle du combustible.

Pour mener ces chantiers, le Gouvernement s’attache à mettre tous les maillons du nucléaire civil à leur meilleur niveau : réforme des administrations publiques, nationalisation d’EDF, mise en œuvre d’un plan Marshall des compétences, sécurisation et accélération des procédures administratives.

Le Gouvernement a aussi engagé une réflexion visant à faire évoluer l’organisation de la sûreté nucléaire pour qu’elle continue de répondre au mieux à la mission d’assurer un contrôle indépendant et efficace du nucléaire civil en France, en s’inspirant, comme en 2006, des meilleurs modèles internationaux.

J’y insiste, ce projet de loi ne modifie pas d’une virgule le cadre de sûreté et de radioprotection français applicable aux exploitants. Concrètement, il s’agit de réduire les complexités d’interface inhérentes à l’existence de deux entités, et cela pour trois raisons.

Tout d’abord, l’ASN et l’IRSN ont des priorités distinctes, ce qui limite l’efficacité du pilotage de leurs moyens et nécessite des dizaines de documents-cadres négociés pour organiser leurs relations au quotidien.

Ensuite, ces deux structures ont des processus et des outils internes distincts, ce qui limite le partage d’informations et l’efficacité des instructions et de la gestion de crise.

Enfin, dans le contexte de relance du nucléaire, l’ASN et l’IRSN pourraient se disputer des compétences rares similaires, limitant les synergies qu’une mise en commun offrirait dans un contexte de tension sur ces mêmes compétences.

Cette réflexion s’était déjà imposée lors de l’examen du dernier texte sur le nucléaire au Parlement. Je veux le dire d’emblée, cette méthode, qui avait vu à l’époque intervenir la proposition de réforme au milieu de la navette parlementaire, n’était pas adaptée à l’enjeu, et nous en avons tiré les conséquences avec humilité.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre. Ce projet de loi reprend toutes les recommandations du rapport transpartisan de l’Opecst du 11 juillet 2023, commandé, je le rappelle, par la présidente Sophie Primas. J’en profite pour rappeler le travail méticuleux effectué à cette occasion par le sénateur Stéphane Piednoir et par le député Jean-Luc Fugit.

Le texte que nous examinons aujourd’hui a fait l’objet d’un mois et demi de consultations auprès de neuf instances différentes, de dizaines de réunions de travail avec le corps social de l’ASN et de l’IRSN, d’un examen minutieux par le Conseil d’État pour en conforter la solidité juridique et élaborer une étude d’impact de deux cents pages.

En complément, je veux saluer le travail rigoureux et approfondi mené par les deux rapporteurs du texte, Pascal Martin, pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et Patrick Chaize, pour la commission des affaires économiques, avant et pendant l’examen du texte en commission. Je tiens à les en remercier, et j’inclus dans ces remerciements les présidents de ces deux commissions, Jean-François Longeot et Dominique Estrosi Sassone.

Notre proposition de réforme repose sur la mise en place d’une autorité administrative indépendante, qui ne sera ni l’ASN ni l’IRSN, mais une nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Elle réunira, à compter du 1er janvier 2025, les compétences et missions des actuels ASN et IRSN. C’est un calendrier ambitieux, réaliste et nécessaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous exposer les principes d’organisation de cette future autorité, prévus dans ce projet de loi.

Premièrement, l’indépendance de l’entité chargée du contrôle de la sûreté nucléaire civile et de la radioprotection à l’égard du Gouvernement et des exploitants sera garantie, grâce à son statut d’autorité administrative indépendante, le plus protecteur en droit français.

Deuxièmement, les quatre piliers qui font la force de notre système de sûreté seront préservés et renforcés : des compétences d’État de très haut niveau ; un collège de cinq commissaires, pour prendre les décisions et avis les plus importants, tout en rendant compte au Parlement, et des services dont la direction relèvera d’un directeur général ; des groupes permanents d’experts, qui éclairent de manière indépendante les décisions de l’ASNR et permettent de confronter les points de vue ; un processus de consultation du public pour les enjeux importants avant la décision. Bref, tout restera comme il est aujourd’hui !

J’y insiste, aucune autre autorité administrative indépendante, y compris l’actuelle ASN, n’est autant encadrée par la loi que ne le sera la future ASNR.

Je comprends le souhait de donner plus de visibilité sur la future organisation, et les rapporteurs ont, sur ce point, apporté certains gages tangibles d’organisation compatibles avec cet objectif. Je les en remercie.

À l’inverse, certaines des évolutions proposées, si elles étaient maintenues en l’état, pourraient déboucher sur des complexités, voire sur une forme de paralysie, ce qui m’amènera à défendre des amendements du Gouvernement visant à apporter plus de sécurité juridique au dispositif.

D’une manière générale, je considère qu’il est important de ne pas brider outre mesure le travail de préfiguration qui est mené par les directions générales de l’ASN et de l’IRSN depuis la fin du mois de septembre dernier, d’autant qu’un accord de concertation a été signé entre les deux entités et leurs organisations syndicales le 14 décembre. Laissons à ces deux structures des marges de discussion.

Troisièmement, nous maintenons un haut niveau de transparence grâce aux informations mises à disposition du public. Cela sera garanti par la future autorité, et même renforcé par rapport à ce qui existe aujourd’hui, sur la base de propositions des rapporteurs cohérentes avec l’existence d’une entité unique.

De même, les commissions ont proposé le renforcement des fonctions de déontologie, en prévoyant une commission dédiée. J’y suis favorable. Je vous proposerai néanmoins un amendement, afin d’inscrire son fonctionnement dans le cadre plus large de la déontologie des autorités administratives indépendantes.

Quatrièmement, et enfin, nous souhaitons renforcer les compétences de la future autorité et son attractivité, en maintenant une capacité de recherche dynamique et reconnue au niveau mondial, avec des partenariats diversifiés en France et à l’international, y compris avec des industriels. C’est essentiel. Aussi, les activités de recherche actuellement conduites par l’IRSN se poursuivront au sein de la future autorité.

Le projet de loi apporte des réponses claires, concrètes et inédites aux enjeux de tension sur les compétences qui ont été constatés dans la filière depuis plusieurs années : augmentation des rémunérations, parcours de carrières plus larges, ou encore meilleure allocation des compétences rares de l’État.

Il contribue également à la relance nucléaire, en permettant aux maîtres d’ouvrage de projets nucléaires, en particulier EDF, de passer leurs marchés selon des modalités plus adaptées à leurs contraintes industrielles et de renforcer la protection des intérêts essentiels de la Nation, afin de tenir compte de l’évolution du contexte international.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte témoigne de la détermination du Gouvernement de se donner pleinement les moyens de réussir la relance de la filière nucléaire en toute sûreté, une relance dont l’opportunité pour le climat n’est plus à démontrer. Elle est même désormais plébiscitée par une large majorité de Français. Ce texte bénéficiera de votre vigilance et de votre volonté d’accompagner notre action, qui doit se faire en respectant les meilleurs standards.

Je souhaite que notre travail puisse faire encore progresser un texte qui nous permettra de maintenir dans la durée l’excellence de la sûreté nucléaire et de la radioprotection française, auxquelles le Gouvernement, comme tous les Français, est pleinement attaché. (M. Pierre Jean Rochette applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, afin de répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et du projet de loi organique associé.

J’ai organisé durant les premières semaines de janvier une vingtaine d’auditions. J’ai souhaité travailler en bonne intelligence avec la commission des affaires économiques, saisie pour avis, mais aussi, pour quatre articles, au fond. Certaines de ces auditions ont été menées conjointement avec Patrick Chaize, dans un très bon climat.

Il y a près d’un an, dans le cadre de l’examen du projet de loi Accélération du nucléaire à l’Assemblée nationale, le Gouvernement avait proposé la fusion entre l’Autorité de sûreté nucléaire, autorité administrative indépendante chargée de prendre les décisions individuelles et réglementaires, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, établissement public exerçant des missions d’expertise et de recherche dans le domaine de la sûreté, de la sécurité des installations et de la radioprotection.

Nous avions été très nombreux, au Sénat, à déplorer la méthode employée : cette proposition n’avait fait l’objet d’aucune concertation ni d’aucune évaluation et n’avait pas été soumise à la première assemblée saisie, c’est-à-dire le Sénat. La proposition du Gouvernement avait finalement été rejetée par les députés.

Malmené, le Parlement a réagi par une saisine de l’Opecst. Celle-ci a débouché en juillet dernier sur la présentation d’un rapport de qualité réalisé par Stéphane Piednoir et Jean-Luc Fugit. Ce travail a alimenté le projet de fusion proposé par le Gouvernement et a largement inspiré les amendements adoptés par la commission.

Pour l’examen de ces textes, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est fixé une priorité essentielle : maintenir notre sûreté nucléaire au niveau d’exigence le plus élevé possible, tout en l’adaptant aux enjeux de la décennie actuelle et de celles qui suivront.

J’ai ainsi effectué une instruction à charge et à décharge, en m’appuyant notamment sur le rapport de l’Opecst et sur une étude de législation comparée demandée aux services du Sénat. Cette instruction m’a conduit à identifier cinq avantages de la refonte proposée de la gouvernance de la sûreté nucléaire.

Le premier est une efficacité accrue.

J’ai pu constater, au fil de mes auditions, que l’excellence du système français de sûreté nucléaire est reconnue par l’ensemble des parties prenantes, à l’échelle nationale comme internationale. Toutefois, notre système de sûreté nucléaire doit aujourd’hui s’adapter à l’évolution du flux de demandes : vous le savez, la relance du nucléaire est un chantier d’une ampleur inédite, un programme hors norme.

La nouvelle organisation permettra de mettre fin aux frictions qui ont pu se produire dans les échanges entre l’ASN et l’IRSN, ainsi qu’aux différences de priorisation, qui donnent lieu aujourd’hui à des délais supplémentaires dans la prise de décision.

Le deuxième avantage est une meilleure adaptation aux enjeux contemporains de la sûreté nucléaire.

Le premier enjeu contemporain est celui des petits réacteurs modulaires, ou SMR, développés notamment par des start-up. J’ai pu entendre, dans le cadre de mes auditions, les start-up françaises, qui sont engagées dans une véritable course technologique contre les autres puissances nucléaires. Elles m’ont exprimé une forte demande de simplification et d’accompagnement renforcé par les pouvoirs publics, à laquelle la fusion contribuera à répondre.

Le dérèglement climatique constitue le second enjeu contemporain de la sûreté nucléaire. Le grand défi du siècle sera l’adaptation du parc existant, comme de nouveaux réacteurs, à cette réalité. Regrouper l’ensemble des savoir-faire nécessaires contribuera à armer notre pays face à cet immense défi.

Le troisième avantage de la refonte proposée est une amélioration de la gestion de crise.

Pour assurer leurs missions en cas de crise, l’IRSN et l’ASN disposent chacun d’un centre de crise, d’une organisation spécifique et de moyens propres. En la matière, la fusion permettra aux services de l’État de disposer d’un interlocuteur unique et fluidifiera les échanges entre les différentes équipes.

Le quatrième avantage est une clarification de la communication.

Combien de nos concitoyens sont aujourd’hui capables de distinguer les missions de l’ASN de celles de l’IRSN ? Émanant de deux institutions différentes, la communication sur ces sujets a pu donner lieu, par le passé, à des cafouillages préjudiciables. La réforme permettra à la nouvelle autorité de parler d’une voix commune et, partant, facilitera l’identification par le public de l’autorité décisionnaire.

Enfin, le cinquième avantage de cette réforme est un renforcement de l’attractivité.

Vous n’ignorez pas, mes chers collègues, qu’il manquera dans les dix ans à venir 100 000 emplois dans la filière nucléaire. Entre la possibilité d’être recruté sous différents statuts, ainsi que d’en changer, et le renforcement des occasions de mobilité professionnelles, les paramètres retenus par le Gouvernement constitueront des outils pour rendre la future Autorité plus attractive.

Une part de la nécessaire réaction face au déficit d’attractivité des instances de sûreté réside néanmoins également dans l’augmentation des rémunérations et des moyens humains, un sujet qu’il faut inscrire dans la durée et que le Gouvernement n’a pas, à ce jour, voulu prendre suffisamment au sérieux, en dépit de nombreuses alertes parlementaires.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire permettra de renforcer le système de sûreté nucléaire français dans un contexte hors norme.

Le texte qui nous a été soumis par le Gouvernement présentait cependant des risques, qui ont conduit la commission à l’ajuster.

Le premier risque auquel nous avons souhaité remédier concerne la nécessaire distinction entre expertise et décision. Ce sujet est crucial, car cette distinction est au cœur de la qualité et de la crédibilité du système de sûreté nucléaire.

Elle l’est, d’une part, parce qu’une différenciation insuffisante risque de placer l’expertise sous l’influence de la décision ; les conclusions de l’expertise seraient orientées dans le sens de la décision ou, inversement, la décision, censée tenir compte de l’expertise, mais également d’enjeux comme l’approvisionnement en électricité du pays, pourrait ne pas être assez autonome vis-à-vis des avis scientifiques présentés à l’instance qui doit la prendre.

Elle l’est, d’autre part, parce que, pour démontrer la sûreté, il faut se confronter au doute : ce qui rassure le public sur l’état de la sûreté nucléaire, ce n’est pas l’affirmation de certitudes : c’est la transparence sur les débats internes au système.

Or, en la matière, la rédaction initiale du projet de loi constituait un recul, sur la méthode, en renvoyant le sujet au règlement intérieur de la future Autorité, et surtout sur le fond, en prévoyant une distinction entre processus d’expertise et de décision uniquement dans le cas d’une prise de décision par le collège, ce qui concernerait 30 dossiers par an, contre 300 aujourd’hui. Un redémarrage de centrale nucléaire n’aurait ainsi plus fait l’objet d’une expertise distincte du reste de l’instruction !

La commission a préféré adopter une position d’équilibre, qui préserve la fluidité permise par la fusion des deux entités, tout en garantissant la confrontation des doutes indispensable à la sûreté.

Le premier avantage du texte adopté en commission est qu’il étend le champ de la distinction à l’ensemble des dossiers à enjeux, au-delà des 30 sujets annuels nécessitant une décision du collège.

Son deuxième avantage est que nous proposons une distinction des responsabilités plutôt que des « processus », notion particulièrement floue retenue dans le texte initial. On s’assurera ainsi que le signataire de l’expertise n’est pas le même que le signataire de la décision. Mais la distinction des responsabilités, donc des signataires, ne suffit pas. Notre objectif est de consacrer une distinction entre expertise et décision qui ne soit pas que de papier ; il nous a semblé que ce principe devait se traduire concrètement dans l’organisation des instructions.

C’est pourquoi nous avons souhaité préciser que le règlement intérieur de l’Autorité fixera les modalités organisationnelles de distinction et d’interaction des personnels chargés de l’expertise et de la décision. Cette précision garantira, sur un dossier donné, que les personnes chargées de l’expertise, d’une part, et de la décision, d’autre part, seront bien identifiées.

Notre idée n’est pas ici de recréer, au sein de l’ASNR, un pôle expertise distinct d’un pôle décision : cela reviendrait à rejouer au sein de l’ASNR le face-à-face entre ASN et IRSN, auquel cas on perdrait tous les bénéfices de la réforme.

Le texte de la commission renforce également l’expertise tierce, en donnant une assise juridique forte aux groupes permanents d’experts, les GPE, comme le proposait le rapport de l’Opecst. Ces groupes, constitués de spécialistes, contribuent au processus d’expertise, en lui apportant un regard critique et des compétences spécialisées.

Le deuxième risque auquel donnait lieu le texte initial était celui d’un recul en matière de transparence. La crédibilité de notre système de sûreté nucléaire repose pourtant sur cette exigence, qui apparaît indispensable pour assurer l’acceptabilité par la population de la relance de l’atome dans notre pays.

En renvoyant au règlement intérieur de la nouvelle ASNR les modalités de publication des résultats de ses activités d’expertise, la rédaction initiale comportait des risques de recul en la matière, puisqu’il n’était pas certain que l’exigence de publication serait conservée, et encore moins qu’elle serait renforcée.

C’est pourquoi la commission a adopté un amendement tendant à intégrer au texte, comme le proposait le rapport de l’Opecst, le principe de publication des résultats d’expertise, pour maintenir un niveau de transparence équivalent à celui qui est atteint dans le système actuel.

Le troisième risque que nous avons identifié concerne le maintien des activités de recherche. Plus précisément, la version initiale du projet de loi comportait des risques pour la conduite des activités de recherche de la future ASNR, activités qui sont le socle de l’expertise en matière de sûreté et de radioprotection.

Les acquis de l’IRSN, sa notoriété et sa visibilité dans le monde de la recherche devront être préservés, comme l’a souligné le rapport de l’Opecst. En particulier, l’ASNR devra poursuivre la collaboration engagée par l’IRSN avec les industriels du secteur nucléaire, collaboration indispensable à la recherche en sûreté nucléaire.

Enfin, le quatrième risque du texte initial était relatif à l’association du Parlement et de la société civile. De nombreux sujets majeurs seront renvoyés au règlement intérieur de la future autorité. Ce choix est justifié par la nécessité d’assurer une plus grande souplesse dans le fonctionnement de l’Autorité. Une reddition des comptes sera cependant nécessaire.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. C’est pourquoi la commission a adopté, sur la proposition notamment du rapporteur pour avis Patrick Chaize, des amendements tendant à davantage associer à ce règlement intérieur l’Opecst, le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), l’Association nationale des comités et commissions locales d’informations (Anccli) et les commissions permanentes compétentes des deux assemblées.

En définitive, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est un texte rééquilibré, qui adapte la sûreté nucléaire aux enjeux de notre décennie, tout en maintenant la sûreté nucléaire au niveau d’exigence, mais aussi de transparence, le plus élevé possible. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les projets de loi ordinaire et organique que nous examinons aujourd’hui procèdent à trois réformes techniques, destinées à accompagner la relance de la filière française du nucléaire, actée par la loi du 22 juin 2023, dite loi Nouveau nucléaire.

La commission des affaires économiques a été chargée de l’examen au fond des articles 12 et 16 à 18 du projet de loi ordinaire, c’est-à-dire de ceux qui portent sur la simplification des règles de la commande publique, ainsi que sur le repositionnement du haut-commissaire à l’énergie atomique (HCEA). Elle s’est saisie pour avis des autres articles des deux projets de loi, relatifs à la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Lors de l’examen de la loi Nouveau nucléaire, le Gouvernement avait déposé à l’Assemblée nationale deux amendements tendant à fusionner l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. En commission mixte paritaire, notre rapporteur Daniel Gremillet, que je salue, avait expurgé le texte de toute référence à cette fusion. De plus, la présidente de notre commission avait saisi de la question l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

En rejetant ces amendements présentés par le Gouvernement à la hâte – vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le ministre –, après le vote massif du Sénat sur ce texte, notre commission s’était opposée à une réforme mal anticipée et mal évaluée. En saisissant l’Opecst, elle avait remis les parlementaires au cœur des enjeux.

Le nouveau projet de réforme est plus abouti ; nous pouvons néanmoins regretter que nous n’ayons pu auditionner le ministre chargé de ce dossier.

Il est plus abouti, disais-je, car il est le fruit du rapport de l’Opecst, d’une dizaine de consultations et d’un an de concertation. Il arrive à un moment crucial de la relance du nucléaire, le Gouvernement devant proposer de nouvelles régulations et programmations énergétiques, dans le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, ainsi que dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie.

Notre commission soutient aujourd’hui, dans son principe, le nouveau projet de réforme, plus abouti que le précédent. Parce qu’il vise à fluidifier les procédures d’instruction, à sûreté inchangée, il est indispensable à la relance du nucléaire. À l’heure où les dossiers vont se multiplier, renforcer l’efficacité du système n’a rien de superflu.

Certes, les modalités du projet posent des défis en matière de continuité des procédures, de valorisation des compétences et de maintien des standards. Pour autant, à terme, le projet est de nature à renforcer la confiance du public, car l’ASNR sera une autorité administrative indépendante, j’y insiste.

Dans le cadre de mes travaux préparatoires, j’ai entendu une quarantaine de personnalités, au cours d’une vingtaine d’auditions.

Au total, j’ai proposé à notre commission 37 amendements, selon quatre axes : consolider la gouvernance de la filière du nucléaire, simplifier les règles de la commande publique, faire suite aux travaux de la loi Nouveau nucléaire et conforter l’organisation de l’ASNR. Déjà, 25 de ces amendements ont été adoptés en commission ; j’aurai l’occasion de revenir sur les autres, qui vous seront soumis tout à l’heure.

Le premier axe de mes travaux a pour objet de consolider la gouvernance de la filière nucléaire, en renforçant les attributions et le fonctionnement du HCEA et en prévoyant que le Parlement puisse le saisir pour avis et se prononcer sur sa désignation. J’entends ainsi, soixante-dix-neuf ans après sa création par le général de Gaulle, faire du HCEA la vigie de la relance du nucléaire.

Le deuxième axe vise à simplifier les règles de la commande publique pour les projets nucléaires, en confortant les dérogations prévues en matière d’allotissement, de durée des accords-cadres et de règles de publicité et de concurrence, et en ajoutant un critère de crédibilité et une possibilité d’avenant. Ces souplesses sont nécessaires pour prévenir tout risque d’interface, de rupture et, in fine, de surcoût. Je rappelle que, selon EDF, un retard d’un mois sur un réacteur peut entraîner un surcoût de 100 millions d’euros.

Le troisième axe consiste à s’inscrire dans la suite de la loi Nouveau nucléaire, en proposant d’appliquer les recommandations du rapport de l’Opecst et de réintroduire des dispositions instaurant une règle de parité, dans le collège de l’autorité, et une règle de publicité, dans sa commission des sanctions. C’est un gage de cohérence.

Le quatrième axe de mon travail vise enfin à conforter l’organisation de l’ASNR, notamment en matière de garantie d’indépendance et de déontologie, de séparation entre les processus d’expertise et de contrôle, de publication des rapports et des décisions, ou d’association de l’Opecst et des commissions permanentes. Je souhaite aussi consacrer l’indépendance de l’Autorité et sanctuariser ses activités régaliennes.

Je veux, à ce stade de notre débat, remercier le rapporteur Pascal Martin de nos échanges constructifs.

Mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, je vous invite à adopter ces projets de loi organique et ordinaire, sous réserve bien sûr de l’adoption de mes amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir, président de lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Opecst est né du constat, alors unanime, que la France s’était engagée dans le nucléaire sans qu’à aucun moment le Parlement se soit prononcé sur les choix scientifiques lourds et de long terme que cela impliquait.

Depuis sa création il y a quarante ans, l’Opecst, que j’ai l’honneur de présider, s’intéresse de près au sujet majeur de la sûreté nucléaire dans notre pays. Il y a consacré plus d’une vingtaine de rapports, notamment celui qu’avait rédigé le sénateur Jean-Marie Rausch, ancien président de l’Office, qui nous a quittés il y a quelques jours et dont je salue ici la mémoire.

Tirant les conséquences de l’accident de Tchernobyl, ce rapport avait comme principale recommandation la création d’une « agence nationale de la sécurité et de l’information nucléaires », indépendante des pouvoirs publics et des exploitants d’installations nucléaires, autrement dit la future ASN.

Il était clair alors, pour l’Office, que les structures de contrôle internes au Commissariat à l’énergie atomique et au ministère de l’industrie n’étaient plus susceptibles d’assurer un contrôle véritablement indépendant de notre sûreté nucléaire. L’analyse des systèmes étrangers, loin d’être tous identiques, avait également convaincu nos prédécesseurs.

Il a néanmoins fallu attendre dix-neuf longues années avant que cette nouvelle organisation ne se mette en place, ce qui ne s’est pas fait sans remous ni polémiques.

La nouvelle étape proposée aujourd’hui par le Gouvernement me conduit à faire trois séries d’observations.

Premièrement, sur la forme, je me félicite que cette réforme soit entreprise au travers d’un projet de loi spécifique, après la maladroite tentative de l’an dernier par amendement gouvernemental de dernière minute. La sûreté de nos installations nucléaires est un impératif absolu, sur lequel le Parlement doit pouvoir prendre le temps de débattre.

Dès le printemps dernier, l’Opecst a organisé une audition publique réunissant toutes les parties prenantes pour faire un point sur les enjeux et les éventuelles conséquences de la réforme. Puis, sur saisine de la commission des affaires économiques du Sénat, alors présidée par Sophie Primas, avec mon collègue député Jean-Luc Fugit, nous avons mené de nombreuses auditions pour évaluer en profondeur les impacts d’une réorganisation de l’ASN et de l’IRSN.

Notre rapport, adopté par l’Office en juillet dernier, contenait 17 recommandations, qui ont inspiré, au moins en partie, le travail des deux commissions du Sénat sur le projet de loi.

Ma deuxième série d’observations porte sur le contexte de la réforme.

Nous ne pouvons plus raisonner aujourd’hui comme nous le faisions au début des années 2000, période de grand calme dans le domaine nucléaire. La relance du nucléaire, avec la construction de nouveaux réacteurs, l’arrivée de petits réacteurs innovants, l’adaptation au changement climatique, la prise en compte de la menace cyber, sans oublier le suivi du parc actuel et du démantèlement d’installations anciennes, nécessitent que l’organisation du contrôle de la sûreté soit renforcée et robuste.

Il est important de s’en préoccuper sans perdre de temps et d’anticiper la charge des années à venir. Cette nouvelle donne, inédite par son ampleur, doit être prise en compte. Elle représentera un immense défi pour la nouvelle ASNR.

Ma troisième série d’observations concerne le contenu et les modalités de la réforme.

La sûreté nucléaire est d’abord et avant tout, faut-il le rappeler, de la responsabilité des exploitants. Ainsi, c’est bien EDF qui a détecté le problème de corrosion sous contrainte dans un certain nombre de ses réacteurs, avant d’engager un dialogue technique avec l’IRSN et l’ASN. La sûreté nucléaire est une « fabrication quotidienne », faite de discussions entre l’exploitant, les experts et l’autorité de sûreté.

De même, l’expertise est multiple : elle existe chez l’exploitant, au sein de l’IRSN, bien sûr, à l’ASN, mais aussi au sein des groupes permanents d’experts, qui ont un rôle clé pour certains sujets particulièrement sensibles.

Dans la continuité du système actuel, la nouvelle ASNR devra veiller à bien respecter ces principes et à maintenir la distinction entre expertise et décision : la première doit rester indépendante de la seconde, sans non plus la conditionner de manière automatique.

L’Office tient à ce qu’un haut niveau d’information se maintienne, voire se renforce, grâce à l’utilisation de tous les canaux de diffusion possibles. Car, si l’acceptabilité du nucléaire passe par un niveau de sûreté élevé, elle dépend aussi d’une très grande transparence.

L’Office a pleine confiance dans les acteurs actuels de la sûreté nucléaire et dans leur capacité à réussir la réforme aujourd’hui proposée.

Monsieur le ministre, cette responsabilité vous incombe également, tout comme la relance du nucléaire dans notre pays, jusqu’à une future modification de la répartition des responsabilités au sein du Gouvernement en tout cas…

L’Opecst, qui se met toujours au service des commissions, est très heureux d’avoir été associé à ce débat si important. Il exercera un contrôle attentif sur les différents aspects de la mise en place de la nouvelle Autorité. En particulier, il veillera à ce que le Gouvernement assure bien le renforcement de ses moyens humains et financiers pour le contrôle, l’expertise et la recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et RDSE.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

 
 
 

Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Dantec et Salmon, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 301, 2023-2024).

La parole est à M. Ronan Dantec, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en un peu plus de douze ans de présence au Sénat, c’est la première fois que je défends à cette tribune une motion tendant à opposer la question préalable.

Je n’en suis pas coutumier, tant je considère – je sais que nous sommes nombreux dans cet hémicycle à partager cette conviction – que notre mission est de légiférer, de discuter et d’améliorer les textes de loi, et non pas de refuser le débat.

Une question préalable n’est justifiable que si elle répond à plusieurs difficultés.

La première, bien sûr, est l’importance du sujet. Sommes-nous ici face à un enjeu majeur pour la sécurité nationale ? La réponse est bien évidemment oui ! Quand on est, encore aujourd’hui, le deuxième pays le plus équipé du monde en centrales nucléaires, qui plus est des centrales vieillissantes ou, pour la dernière, en rodage de très longue durée, sûreté et sécurité nucléaires sont non pas de petits sujets, mais des questions essentielles pour l’avenir du pays.

La seconde difficulté tient évidemment au temps et aux moyens réservés au débat parlementaire. Avons-nous eu ce temps ? La réponse est à l’évidence non ! J’ai même le sentiment qu’il y a consensus sur ce point.

Nous sommes heureux de vous retrouver au banc du Gouvernement, monsieur le ministre, mais nous n’avons même pas eu l’occasion de vous auditionner en commission. Certes, nous avons bien compris les contraintes liées au remaniement, mais il convenait dans ce cas de repousser l’examen de ce projet de loi. Le temps politique, légitime, de la constitution d’un casting gouvernemental ne pouvait en aucune manière passer avant la sécurité collective des Français.

La question préalable est plus que justifiée ; je vous invite donc à l’adopter, mes chers collègues. Notre accord avec Mme Estrosi Sassone semblait presque total, mais je ne comprends pas, madame la présidente de la commission des affaires économiques, l’emploi que vous faites du mot de « responsabilité » : est-ce vraiment responsable d’accélérer après avoir fait le constat qu’il n’y avait pas eu débat ? Il y a là une contradiction sur laquelle il nous faudra revenir.

Si encore, en lisant l’exposé des motifs du projet de loi ou grâce à l’audition conjointe des représentants de l’ASN et de l’IRSN, nous avions pu comprendre la totalité des raisons de ce bouleversement en profondeur du système de la sûreté et de la sécurité nucléaires, dont nous étions, jusqu’à peu, si fiers, y compris sur les bancs de la majorité sénatoriale !

Nombre de questions restent donc sans réponse. Certes, un mot magique s’est imposé : « fluidité ». C’est fou à quel point, dès qu’il s’agit du nucléaire, il faut des mots magiques ! Abracadabra, et d’un coup de baguette magique l’État fait disparaître l’IRSN ! Par parenthèse, je ne sais pas si c’est avec la même formule, mais il a aussi fait disparaître entre-temps la fée qui tenait la baguette !

On nous répète : « fluidité ». Le système est donc quelque peu grippé, ce qui est bien gênant au moment où l’État appuie sur l’accélérateur – je n’ose pas dire sur le champignon, car, en matière de nucléaire, ce serait assez malencontreux… (Sourires sur les travées du groupe GEST.) –, et, soudain, l’embrayage de la sûreté saute et bloque les vitesses. Vite, de l’huile et du carburant !

L’audition du président de l’ASN aura au moins été édifiante sur un point : trop de sollicitations, trop d’avis à rendre et de centrales à rafistoler. Cela n’ira qu’en s’aggravant, cher Christophe Béchu, avec 4 degrés d’augmentation des températures, des EPR toujours en rodage, des démantèlements de réacteurs, sans oublier le stockage des déchets et la multiplication des projets de petits réacteurs modulaires, aux technologies aussi complexes que différentes suivant les producteurs. Avec tout cela, l’ASN n’a plus les moyens de jouer son rôle.

Si vous voulez un exemple de la pression à l’œuvre, le rapport de 2023 de l’Opecst est clair à ce sujet : « Le projet Nuward – un SMR – n’étant pas aussi avancé que les principaux projets étrangers concurrents, les équipes de l’ASN et de l’IRSN seront probablement soumises à une très forte pression pour assurer l’instruction des dossiers dans des délais aussi courts que possible. » Tout est dit !

On l’aura donc compris, l’ASN a besoin de monde pour assurer ses propres missions et lorgne par conséquent le personnel de l’IRSN, bien plus étoffé.

Au passage, sans que cela ait vraiment été démontré par l’exemple, on rêve que certains processus aillent beaucoup plus rapidement, une structure centralisée et pyramidale agissant plus vite que deux structures devant se coordonner. Certes, mais si on est un esprit un peu simple, on en conclut aussi que cela implique que les ressources humaines soient davantage consacrées à alimenter directement les décisions de l’ASNR ; dès lors, ce sera moins de recherche autonome, capable de s’intéresser à des questions que personne ne lui a posées. Voilà l’un des risques majeurs de ce projet de fusion.

Ayant quelques minutes, je me permets de vous lire des extraits de la tribune publiée dans Le Monde par Philippe Lorino, ingénieur des mines et membre du groupe permanent d’experts pour les réacteurs nucléaires auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire :

« Les analyses réalisées par le sociologue spécialisé en analyse de risque Charles Perrow sur l’accident nucléaire de Three Mile Island, aux États-Unis, le 28 mars 1979, et sur d’autres accidents dans les secteurs aéronautique, pétrochimique et maritime concluent au fait que la multiplicité et la variété des points de vue permettent d’assurer un “scepticisme organisé”, le contraire d’une confiance aveugle, et améliorent significativement le niveau de sûreté en évitant le monolithisme de l’organisation. »

M. Daniel Salmon. Excellent !

M. Ronan Dantec. « Il est probable, continuait M. Lorino, qu’une fusion de l’IRSN avec l’ASN contribue à une plus grande homogénéité de points de vue. […] La fusion fera perdre en diversité et donc en triangulation dans l’analyse de risque. »

Cette question de la triangulation est centrale. Les États-Unis, souvent cités, ont certes une structure unique, mais aussi des laboratoires de recherche indépendants dans les grandes universités, qui jouent ce rôle de recul, voire de poil à gratter.

J’ai donc une question simple à vous poser, monsieur le ministre : prévoyez-vous d’accorder des budgets spécifiques à des universités françaises, pour qu’elles puissent, en toute autonomie, se poser des questions relatives à la sûreté et à la sécurité nucléaires ? Voilà une question intéressante, parmi d’autres, dont nous n’avons pu débattre.

Nous partageons avec le rapporteur Pascal Martin, dont je salue le travail réalisé dans l’urgence, une certaine culture du risque. Je fus longtemps vice-président de Nantes Métropole chargé du risque. Nous connaissons ces exercices où l’on imagine l’inimaginable avec des chercheurs en sciences sociales ou de simples citoyens ; ces moments sont essentiels, car ils suscitent des questions que l’on ne s’était pas posées. Nous pouvons craindre la fin, ou à tout le moins l’affaiblissement, de ces regards extérieurs et de cette triangulation qui est le socle de la sécurité et de la sûreté.

Il convient a minima de fermement séparer au sein de la nouvelle structure l’expertise technique du circuit de la décision. Pascal Martin a rappelé cette exigence.

Ce point nous semblait à peu près acté, et les dispositions des amendements des rapporteurs, que nous avons soutenus, allaient en ce sens. Toutefois, certains des amendements de suppression du Gouvernement sont sur ce point extrêmement inquiétants, confirmant notre inquiétude sur la vraie raison de cette fusion : accélérer, toujours accélérer, quitte à réduire la sécurité.

Or nous n’avons pas eu le temps de vraiment en discuter, avec le Gouvernement et entre nous ; cela justifie, encore une fois, cette question préalable.

J’espère aussi que le débat dans cet hémicycle sera l’occasion, pour la droite sénatoriale, de s’engager fermement à ne jamais accepter les conclusions de la future commission mixte paritaire si celles-ci ne garantissent pas une stricte séparation entre expertise et processus de décision, mais aussi à réduire le rôle laissé à un règlement intérieur, qui relève, lui aussi, quelque peu de la pensée magique, et que nul ne pourra lire avant son adoption.

Bien d’autres sujets auraient nécessité des approfondissements. Que deviendra, par exemple, l’action de formation des acteurs des commissions locales d’information (CLI) menée par l’IRSN ? Cette formation évitait que les CLI ne se perdent dans de fausses questions et permettait d’objectiver le débat, donc de renforcer la confiance. Il aurait aussi été opportun d’entendre l’Association nationale des comités et commissions locales (Anccli) et de recueillir son avis.

Je note d’ailleurs que certains acteurs très mal intentionnés – antinucléaires, pour le dire clairement – nous affirment attendre avec une certaine gourmandise cette fusion, car ils estiment qu’au lieu d’accélérer le retour du nucléaire, elle constituera l’un des éléments des futurs blocages.

Je n’ai pas le temps, même en dix minutes, d’énumérer tous les avis selon lesquels cette réforme est précipitée, y compris émanant d’acteurs qui ne sont franchement pas des hippies, si vous me permettez de reprendre ce mot entendu ce matin en commission – je trouve qu’il a un aspect seventies qui s’accorde assez bien à notre époque. (Sourires.)

Que l’Opecst souligne que « la transition vers une nouvelle organisation pourrait être source de difficultés » et que la plupart des organismes consultés – Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE), Anccli, ou encore Conseil national de la transition écologique (CNTE) – aient émis de fortes réserves aurait dû suffire pour que nous ne nous précipitions pas.

Toutefois, les chevaliers du nucléaire n’ont jamais douté de leur autorité : ils ont toujours considéré que nul ne pouvait se dresser sur leur route, qu’ils étaient le progrès et que les manants n’avaient pas leur mot à dire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Voilà qui n’est pas du tout exagéré…

M. Ronan Dantec. Comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi, gloire aux années Messmer ! Mais ce n’était pas l’époque la plus démocratique que nous ayons connue et, pour ce qui concerne le nucléaire en particulier, c’était un temps où l’on ne demandait jamais son avis au Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K. – M. Gilbert-Luc Devinaz applaudit également.)

Mme la présidente. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Je répondrai à certains des arguments développés par Ronan Dantec.

Je ne vois pas en quoi le passage d’un système dual à un système unique remettrait gravement en cause notre système de sûreté nucléaire et de radioprotection, comme cela a été avancé. De nombreux pays dans le monde – les États-Unis ou le Canada, par exemple – disposent d’un système unique : est-ce à dire que le niveau de protection de la population et de l’environnement y est plus faible qu’en France ?

Certes, des risques sont associés à cette réforme – je ne le nie pas, je l’ai d’ailleurs toujours dit –, mais je pense que nous y avons apporté des réponses fortes par les amendements adoptés en commission, notamment en matière de distinction entre l’expertise et la décision.

Monsieur Dantec, vous affirmez que l’étude d’impact du projet de loi et son exposé des motifs ne permettent pas d’apprécier les réels progrès qu’apporterait la réforme. Je partage en partie votre analyse : le Gouvernement a selon moi manqué de pédagogie sur ce texte. Pour autant, je puis vous assurer que, des avantages, il y en a : je vous les ai d’ailleurs longuement présentés en commission ; je le ferai de nouveau en séance publique lors de la discussion des articles.

La relance de la filière et la prolongation de la durée de vie du parc actuel conduisent déjà à accroître la charge de travail des instances de sûreté. Il serait donc tentant de renoncer à la réforme, pour ne pas déstabiliser le système. Toutefois, la pression continuera de s’amplifier dans les années à venir, et il sera alors trop tard pour bénéficier des avantages attendus de la réforme. Comme le précisent les auteurs du rapport de l’Opecst, au regard du calendrier de travail, une fenêtre d’opportunité s’offre au législateur, mais elle pourrait rapidement se refermer : s’il faut agir, il faut le faire dès à présent.

Mon cher collègue, vous affirmez que ce qui manque aujourd’hui, ce sont les vocations, les ressources humaines et les moyens alloués à l’expertise comme au contrôle. Je vous rejoins sur ce point. Reste que l’augmentation des rémunérations et des moyens humains ne relève pas d’une loi ordinaire. Par ailleurs, je considère que la nouvelle organisation permettra justement d’éviter la dispersion des compétences techniques et scientifiques rares, ce que des mesures budgétaires et salariales ne pourront pas faire seules.

Je regrette également que nous n’ayons pu entendre un ministre sur ce texte.

M. Fabien Gay. Ah oui !

M. Pascal Martin, rapporteur. Nous avons toutefois passé trois heures en séance plénière en commission avec le président de l’ASN et le directeur général de l’IRSN, ce qui nous a permis à tous de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la réforme proposée. J’en veux pour preuve les échanges qui ont eu lieu et les amendements déposés sur le texte de la commission.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je dois dire à Ronan Dantec que je ne crois pas un seul instant que, même si une audition de ministre avait pu avoir lieu, sa position sur ce texte aurait changé. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Mme Céline Brulin. Vous doutez de votre pouvoir de conviction ? (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Christophe Béchu, ministre. Je dois dire à Ronan Dantec que, même si nous avions eu six mois de plus pour discuter du sujet, sa position n’aurait pas changé. Je lui reconnais l’honnêteté intellectuelle d’utiliser tous les moyens pour faire en sorte de stopper la relance du nucléaire, à laquelle il ne croit pas.

La seule raison objective qui conduit à s’opposer à ce texte, c’est de considérer qu’il ne faut pas relancer le nucléaire, mais que nous devons en rester au statu quo. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Le groupe SER partage l’argument central à l’origine de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Ce projet de création d’une autorité de sûreté nucléaire de radioprotection est insuffisamment fondé en raison. Les objectifs, le plan de charge, les principes éthiques et déontologiques de fonctionnement des processus scientifiques et techniques, comme les perspectives de gestion des personnels et des carrières, ne permettent pas d’apporter au législateur les garanties nécessaires.

Tous les organismes et parties prenantes amenés à s’exprimer sur la genèse de ce projet ont émis doutes et réserves. C’est le cas du CNTE et de l’Anccli pour les territoires les plus directement concernés. Il en est de même pour les personnels des deux établissements, dont je salue les représentants présents dans les tribunes.

Sans ministre chargé de ce dossier pourtant hautement stratégique, le Sénat n’a pas pu interroger le Gouvernement, beaucoup l’ont souligné. De manière assez incroyable, le travail législatif de fond des rapporteurs a été réalisé sans interlocuteur ministériel ni connaissance du futur plan de charge de l’établissement envisagé, puisque nous restons toujours dans l’attente d’un projet de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie.

La politique nucléaire française devra aussi très vite intégrer la problématique de la sûreté et de la radioprotection dans le cadre d’un mix énergétique intégrant probablement les technologies nucléaires à venir – ce n’est pas rien.

En définitive, et c’est le point majeur, la confiance de la population française dans la sûreté nucléaire nécessite un débat approfondi avec le grand public et l’ensemble des parties prenantes. À cet égard, il n’y aura pas de confiance sans transparence.

Pour toutes ces raisons de fond, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.

M. Philippe Grosvalet. J’interviens à titre personnel, très personnel même, et non au nom du groupe RDSE.

Si je suis en tout point d’accord avec le ministre, je suis contre le plan de relance nucléaire. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup, pour reprendre une formule devenue célèbre. Par conséquent, je voterai cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous avez un problème.

Lors de son audition devant la commission, le président de l’ASN a insisté sur le fait qu’il ne fallait pas être contre les réformes, car celles-ci avaient parfois du bon. Je le rejoins sur ce point.

Pour autant, il faut nous expliquer ce qui justifie cette réforme. Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué, et les rapporteurs et le président de l’Opecst après vous, à quel point l’ASN et l’IRSN avaient de formidables équipes. Dans ces conditions, pourquoi tout modifier ?

Quand on engage une réforme, c’est bien parce qu’il y a problème et qu’il faut gagner en efficacité. Or vous avez longuement insisté sur le fait qu’il n’y avait pas de problème. C’est donc bien que la vérité est ailleurs ; le débat sera l’occasion d’y revenir.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous savez que les communistes sont pour le nucléaire et les énergies renouvelables, sous réserve d’un double préalable, à savoir un haut statut pour les salariés du secteur, qui les protège et qui nous protège, et une transparence totale pour les populations.

Monsieur le ministre, j’espère que vous n’avez pas en réserve aujourd’hui que l’argument selon lequel ceux qui s’opposent à la fusion entre l’ASN et l’IRSN sont contre la relance du nucléaire. Nos collègues écologistes ont leurs arguments ; pour notre part, nous en développerons d’autres, et vous ne pourrez pas à chaque fois nous renvoyer dans nos vingt-deux mètres. (Sourires.) Il va vous falloir trouver d’autres réponses.

Nous voterons donc cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Sébastien Fagnen applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion nest pas adoptée.)

Mme la présidente. Nous passons la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.

Demande de renvoi à la commission

 
 
 

Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Devinaz, Fagnen et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Michau, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d’une motion n° 2 rectifiée.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 229, 2023-2024).

La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour la motion.

M. Sébastien Fagnen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à mon collègue Ronan Dantec, alors que mon mandat de sénateur a commencé il y a moins de six mois, me voilà à défendre ma première motion tendant à renvoyer un texte en commission : c’est dire à quel point le contexte législatif dans lequel nous sommes appelés à examiner ce texte est singulier !

Si le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose de renvoyer le débat en commission, c’est pour une raison simple, qui transcende les positions entre les tenants de la filière nucléaire et ses opposants.

Monsieur le ministre, gardons-nous, durant l’examen de ce texte, d’avoir des positions binaires sur la filière nucléaire. En effet, ce projet de loi souffre non seulement d’une méthode hâtive, mais aussi d’un objectif hasardeux.

Un an après la tentative de cavalier législatif du Gouvernement, alors que nous devons entamer aujourd’hui nos débats dans l’hémicycle, aucun diagnostic, aucun état des lieux étayé des forces et des faiblesses du système dual actuel ne nous a été fourni, et cela malgré le travail de qualité mené par les deux rapporteurs et les membres de l’Opecst.

Qui plus est, alors qu’un dialogue avait été amorcé avec l’ancienne ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher et son équipe, celui-ci a été soudainement interrompu par le remaniement ministériel, qui a été pour l’énergie synonyme de dissolution du ministère de plein exercice dont la filière bénéficiait jusqu’alors.

Au-delà des questionnements sur le bien-fondé d’inscrire l’énergie dans le portefeuille du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au regard des spécificités de la filière dans un contexte inédit de relance du nucléaire, il n’y a pas eu de calendrier de travail pourtant nécessaire en amont de la séance publique d’aujourd’hui.

Le point d’orgue de cette méthodologie hâtive étant l’absence d’audition ministérielle devant les commissions de l’aménagement du territoire et du développement durable et des affaires économiques, il n’y a pas de doute possible quant aux effets néfastes qu’entraîne cette situation sur la qualité de l’examen parlementaire et sur le respect des prérogatives de notre assemblée. Mme Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques, l’a rappelé avec force en ouverture de l’examen de ce texte et nous la remercions.

Plus largement, notre pays reste en attente d’une loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui devra fixer les grands objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et permettra de bâtir la stratégie française pour l’énergie et le climat. Cette loi de programmation, sans cesse reportée, aurait dû être adoptée avant le 1er juillet 2023.

Le Gouvernement esquive une fois de plus le grand débat autour de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui devrait pourtant être un préalable de la politique énergétique de la France.

N’oublions pas que la Charte de l’environnement inscrite dans le préambule de la Constitution prévoit que les Français ont à connaître et doivent pouvoir discuter des politiques énergétiques et climatiques qui conditionneront la durabilité et la viabilité du monde de demain.

Pour en revenir à l’objet même du texte, il n’est pas question de remettre en cause la volonté légitime de réexaminer les forces et les faiblesses de notre modèle historique de gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Il s’agit toutefois de ne pas se laisser dicter notre conduite par la précipitation, car celle-ci pourrait être dommageable à bien des égards à un moment où les enjeux de la filière demandent plus que jamais de la stabilité, de la confiance et de la transparence.

La précipitation pourrait être dommageable, tout d’abord, au regard du manque d’acceptabilité de la part des acteurs de la filière eux-mêmes. Les employés de l’ASN et de l’IRSN déplorent le manque de ressources et considèrent à raison que la fusion n’apportera pas de réponse à ce problème.

L’IRSN a subi une vague de démissions inédite à la suite de l’annonce du projet de fusion, et les difficultés de recrutement pèsent désormais lourdement sur l’établissement. Le risque à terme a trait à la perte des compétences pourtant indispensables à la relance de la filière. Il faut saluer l’engagement quotidien de ces femmes et de ces hommes au service de l’excellence de la filière électronucléaire française.

Elle pourrait être dommageable ensuite au regard des externalités négatives de l’optimisation d’interface entre l’ASN et l’IRSN, au détriment d’autres interfaces tout aussi essentielles. La fusion annonce par ailleurs la fin de la complémentarité entre la modélisation et la mesure, pourtant essentielle dans le cadre de l’expertise en situation d’urgence et post-accidentelle.

Elle pourrait être dommageable, enfin, puisque l’ASNR ne garantirait pas la séparation entre l’expertise et la décision, fondement de l’intégrité du système de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection depuis 1973, date de la création du service central de sûreté des installations nucléaires. Cette distinction est pourtant primordiale pour conforter les décisions et accroître la confiance du public.

Il ne faut pas croire que les acteurs qui se battent corps et âme pour le retrait du projet de loi ne souhaitent pas l’optimisation de la gouvernante de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Bien au contraire, ils sont force de propositions, et celles-ci pourraient d’ores et déjà se réaliser sans prendre le risque d’une telle réforme.

La fluidité a déjà été largement améliorée ces dernières années. En témoigne le fait qu’EDF, l’IRSN et l’ASN ont d’ores et déjà défini des stratégies communes d’expertise anticipée pour l’EPR2 et les SMR, afin de sécuriser les projets, avec un cahier des charges très détaillé sur les sujets à expertiser, le cadencement et le calendrier. Autant dire que les deux institutions cherchent sans cesse à optimiser leurs interactions et que le système dual ne semble pas les entraver le moins du monde.

Ce que ne veulent pas les acteurs qui s’opposent à ce projet, c’est céder à l’injonction de l’accélération, et cela pour une raison bien raisonnable : le risque de la déstabilisation d’un édifice, dont l’efficacité n’est plus à prouver au moment, où nous en avons le plus besoin.

Il est en effet étonnant d’espérer des résultats rapides dans le cadre d’une relance de grande ampleur, au travers d’une stratégie impliquant une période significative de perturbations et de difficultés assurées dans les phases ultérieures propres aux processus de fusion.

N’oublions pas que, en 2014 déjà, la Cour des comptes concluait sans ambiguïté que « la fusion des deux organismes constituerait une réponse inappropriée, par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu’elle soulèverait ».

Il est utile de garder à l’esprit à chaque instant de nos échanges la quantité d’avis défavorables au projet de loi qui émanent d’institutions scientifiques et techniques, d’organismes administratifs, de juridictions financières, et j’en passe, avis qui méritent d’être entendus à l’occasion de ce débat parlementaire.

Je tâcherai de n’en citer que quelques-uns, mais je vous invite sincèrement à les écouter avec intérêt avant le scrutin public solennel de mardi prochain, mes chers collègues, si vous décidez de ne pas renvoyer le débat en commission dès à présent.

Dans ce même rapport de 2014, la Cour des comptes souligne que « l’organisation duale décideur-expert (ASN et DSND-IRSN) offre de nombreuses garanties en dissociant les composantes qui participent aux décisions prises » et nous alerte sur « les difficultés de toute nature que générerait la fusion de l’ASN et de l’IRSN ».

L’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli), qui fédère les expériences et les attentes des trente-cinq comités et commissions locales d’information, craint une précipitation quand les enjeux demandent de la stabilité et de la confiance. Elle s’inquiète tout particulièrement du manque de garanties de transparence du nouveau système de gouvernance, alors même que la participation du public est indispensable à la confiance des populations.

Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire déplore « la méthode par laquelle cette réforme de la sûreté nucléaire avait été introduite lors de l’élaboration de la loi du 22 juin 2023 » et s’inquiète que le projet de loi ne confirme pas les objectifs de garanties de la transparence et de l’accès aux informations tout au long du processus de prise de décision.

La Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE) regrette quant à elle que la définition des conditions nécessaires à l’indépendance entre expertise et décision soit confiée au seul règlement intérieur, ne garantissant pas « un statut juridique solide ».

Monsieur le ministre, ce que nous souhaitons, c’est assurer un dialogue plus apaisé, construit et efficace. C’est nous assurer que la marche à suivre est celle qui nous mènera bel et bien vers une relance acceptée et ambitieuse de la filière nucléaire.

Pour cela, il nous semble que la seule voie envisageable est celle d’une décision nourrie par l’apport d’un temps de réflexion préalable impliquant l’ensemble des acteurs concernés par la relance du nucléaire, de la population des territoires modelés par l’industrie nucléaire jusqu’aux équipes des établissements dédiés à la sécurité et à la sûreté nucléaire, en passant par les comités et commissions locales d’information.

Ainsi, mes chers collègues, au regard de la multitude des avis négatifs formulés à l’égard de ce projet de loi, de ses conséquences non maîtrisées et des lacunes manifestes dans les différents scénarios expertisés, singulièrement sur le renforcement du système dual, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vous demande d’approuver son renvoi en commission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Je ne reviens pas sur les nombreux points, sur lesquels j’ai déjà répondu, qui sont communs avec la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable. Je me contenterai de répondre à l’un des arguments avancés en faveur de la motion tendant au renvoi à la commission.

Monsieur le sénateur, vous évoquez le report de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui devra fixer les grands objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de la SNBC.

Je regrette également l’absence de discussion parlementaire sur le sujet, notamment en raison de la suppression des articles programmatiques du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique. Il est en effet indispensable qu’ait lieu dans cet hémicycle un débat sur la stratégie française pour l’énergie et le climat. Toutefois, quel rapport avec le texte que nous étudions aujourd’hui ? La stratégie énergétique et la gouvernance de la sûreté nucléaire sont deux sujets distincts !

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Avant d’émettre un avis sur la motion présentée par Sébastien Fagnen ou de répondre à l’intervention de Fabien Gay, je tiens à apporter la précision suivante.

Dans mon empressement à répondre à Ronan Dantec, j’ai fait référence au fait qu’il était, lui, fondamentalement hostile à la relance du projet nucléaire et qu’il utilisait par conséquent cette motion tendant à opposer la question préalable aux seules fins de mobiliser tous les arguments à sa disposition. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Caricature !

M. Christophe Béchu, ministre. Il ne s’agissait pas pour moi de dire qu’être hostile à ce texte signifiait par principe être hostile au processus de relance du nucléaire.

Monsieur Fagnen, votre argumentation s’articule autour de deux points. D’une part, vous indiquez qu’il n’y aurait pas eu assez de temps ; d’autre part, vous posez un certain nombre de questions précises.

L’argument du temps, qui était valable au début du processus législatif, a été gommé par la confiance que nous avons tous accordée aux travaux de l’Opecst, grâce à l’intervention de Sophie Primas, alors présidente de la commission des affaires économiques, comme par l’énergie que nous avons consacrée à parvenir à un texte transpartisan et examiné par tous.

Pour ma part, je considère que l’Opecst non seulement a pris son temps, mais a été capable de porter un regard objectif sur les enjeux. Ce travail a pris la forme d’un rapport de plus de cent pages, s’appuyant sur les nombreuses auditions qui ont été menées.

J’en viens aux questions proprement dites qui ont été soulevées à l’occasion de la présentation de cette motion. Le débat en séance publique sert précisément à apporter des réponses ! Le débat en commission a eu lieu ; les points qui le méritaient ont été soulevés. C’est non pas en renvoyant le texte en commission, mais bien en l’examinant dans l’hémicycle, que vous pourrez obtenir les assurances que vous attendez.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, nous avons l’habitude d’avoir des échanges plus structurés : vous semblez vous engager là dans une voie extrêmement dangereuse…

Si, au prétexte que l’on est plutôt antinucléaire, les arguments que l’on pourrait avancer sur la sécurité sont d’emblée disqualifiés, c’est très problématique pour le débat public en France.

Je repense tout à coup à ma jeunesse et j’ai l’impression de revenir à Plogoff, où les débats se passaient exactement ainsi, ce qui ne faisait que radicaliser les oppositions, au point que le nucléaire a battu en retraite dans toute la Bretagne, de la Loire-Atlantique au Finistère.

Il faut donc absolument ne pas mélanger les débats. La discussion d’aujourd’hui porte non pas sur le nucléaire, mais sur le risque. Je suis intervenu notamment en tant qu’ancien vice-président d’une grande métropole qui a connu un nuage toxique et de graves problèmes.

Monsieur le ministre, je vous le redis : on ne peut pas avoir un débat aussi caricatural, et je pense que certaines interrogations viendront ce soir de pronucléaires qui, pour autant, ne sont pas du tout d’accord avec cette évolution.

Je le redis d’autant plus volontiers que vos interventions ne nous rassurent pas, monsieur le ministre : si l’on perd la triangulation et l’indépendance de l’expertise, qui permettent de soulever des questions sans lien avec les décisions qu’il faut de plus en plus souvent prendre dans l’urgence – vous avez d’ailleurs confirmé qu’il y avait urgence –, on fragilise très profondément la sécurité et la sûreté nucléaire. Il s’agit donc d’un enjeu majeur, que l’on soit pro ou antinucléaire.

Par ailleurs, j’évolue. Avant, j’étais antinucléaire pour des raisons environnementales ; aujourd’hui, je le suis plutôt pour des raisons économiques : 30 euros le kilowattheure pour le photovoltaïque, contre 100 euros pour le nucléaire, cela ne sera plus tenable dans dix ou quinze ans.

Enfin, je ne pourrai pas participer à la suite de nos travaux ce soir. J’en suis vraiment désolé,…

M. Stéphane Piednoir. Et nous donc !

M. Ronan Dantec. … mais j’ai pris des engagements auprès de la présidence belge du Conseil de l’Union européenne. En effet, demain s’ouvre le sommet Climate Chance Europe 2024 Wallonie, dont le thème principal est « Adaptation au changement climatique, solutions basées sur la nature et résilience ». Je vous prie de m’en excuser.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 2 rectifiée, tendant au renvoi à la commission.

(La motion nest pas adoptée.)

Discussion générale commune (suite)

 
 
 

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour réussir notre transition énergétique et nous passer des énergies fossiles, il nous faut de l’électricité, beaucoup d’électricité. Même pour obtenir de l’hydrogène vert ou des biocarburants, il faut de l’électricité.

Si nous attendons toujours l’examen de la loi structurante de programmation énergétique, l’accélération de la production nucléaire est, en revanche, lancée. En effet, nous aurons besoin du nucléaire pour faire face aux défis qui nous attendent dans un contexte géopolitique et climatique de plus en plus incertain.

L’énergie nucléaire représente un défi organisationnel et humain autant que technique, procédural et financier.

Notre système repose sur quatre piliers assurant un équilibre solide, qui s’est construit tout au long de notre histoire nucléaire.

Voilà vingt-cinq ans, la France a mis en place un système dual singulier, qu’a rappelé Stéphane Piednoir. En effet, à la suite des accidents nucléaires, notamment à Tchernobyl, le système fut réinterrogé. Il a été décidé de valoriser la démonstration permanente de la sûreté nucléaire s’appuyant sur le débat scientifique contradictoire autour du risque et rendu indépendant du pouvoir politique. L’objectif, atteint au regard des enquêtes d’opinion, était de créer un choc de confiance auprès de nos concitoyens.

Cette évolution continue du système français, qui repose sur la « démonstration de sûreté et de sécurité », s’articule depuis le modèle historique du CEA, aujourd’hui Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, autour d’une différenciation culturelle entre les quatre piliers que sont l’opérateur, avec son approche industrielle, l’IRSN, avec son approche scientifique des risques, l’ASN, avec son approche réglementaire fondée sur le concept de conformité, et, enfin, la confiance de la société civile.

Pour autant, aujourd’hui, avec le développement d’internet, nous sommes dans une société de réseaux sociaux et de désinformation permanente où tous les moyens de semer le doute et d’anéantir la confiance sont en place.

Je le rappelle, la confiance passe par la meilleure transparence possible. Si l’expertise ne doit pas dicter la décision, cette dernière ne doit pas étouffer la transparence de l’expertise. Or cette réforme instille le doute et affaiblit la confiance. Avec cette fusion, le Gouvernement scie le quatrième pied de la chaise sur laquelle est assise l’acceptabilité du nucléaire au moment de sa montée en puissance.

La création de l’IRSN et le statut d’autorité administrative indépendante pour l’ASN reposaient sur trois exigences : la transparence, la nécessité d’éclairer les décisions publiques en matière de risques nucléaires et radiologiques et l’indépendance de la décision publique.

Une quatrième exigence essentielle propre à l’environnement nucléaire français consiste en un équilibre entre la sûreté « réglée », c’est-à-dire la capacité à respecter les règles et à démontrer la conformité à celles-ci, propre à l’ASN, et la sûreté « gérée », c’est-à-dire la capacité à assurer la sûreté dans toutes les circonstances, même imprévues ou imprévisibles, propre à l’IRSN. Cet équilibre ne peut pas être prescrit, mais résulte des choix organisationnels.

Ce double débat peut donner une impression de complexité du système. Il est pourtant indispensable au maintien d’une bonne capacité de détection des signaux faibles, pour ne pas s’en tenir à la simple affirmation d’une conformité potentiellement nuisible.

Dans ces conditions, pourquoi réformer aujourd’hui ce système sur le fondement d’une analyse incomplète ? Pour quel objectif, dans un contexte de plus en plus instable ?

L’étude d’impact n’apporte aucune réponse, ni sur les éventuels dysfonctionnements actuels ni sur les améliorations apportées par la nouvelle organisation.

Nous relançons le nucléaire, prolongeons des réacteurs, acceptons l’arrivée de réacteurs modulaires dans un contexte de changement climatique et d’instabilité géopolitique. Dans le même temps, nous déstabilisons tout notre système de sûreté et sécurité pour aller plus vite. Mais aller plus vite vers quoi ? L’accident ?

L’organisation proposée par ce texte entraînera des contre-performances qui ne pourront être appréciées que dans la durée. Elles concerneront, tout d’abord, la viabilité de notre capacité de recherche, ensuite, la proportionnalité des mesures de sûreté, puis les liens de sûreté et sécurité entre nucléaire civil et de défense, et, enfin, la transparence et la confiance.

L’IRSN, soutenu et encouragé par le débat public, a permis le partage des connaissances avec la société civile.

Le projet de loi met également en péril à court terme notre organisation. Il fragilise les équipes dans un contexte clé de relance du nucléaire. La fusion conduira à un choc culturel. Il déconnecte la sûreté nucléaire de la sécurité nucléaire, alors que les deux sont intimement liés. Il réduit la transparence au bon vouloir de la nouvelle structure, qui opérera ses propres choix de publication. Il renvoie l’essentiel à un futur règlement intérieur, qui ne dit rien de l’équilibre organisationnel.

Le calendrier esquissé de construction de la nouvelle génération de réacteurs nucléaires laisse largement le temps de réformer notre système de contrôle et de sûreté nucléaire avec toutes les précautions souhaitables.

Oui, il y a urgence à prendre le temps de bien faire. Plus vite, moins cher et plus efficace ne signifie pas piétiner les intérêts scientifiques au bénéfice d’intérêts économiques et financiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne puis commencer mon propos sans dire un mot de la genèse de ce texte.

Le 3 février 2023, à l’issue du Conseil de politique nucléaire, a été annoncée la volonté de fusionner l’IRSN avec l’ASN.

Cette réforme devait être introduite par le biais d’amendements du Gouvernement au projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, sans concertation, sans évaluation préalable et sans avis du Conseil d’État.

Elle devait aussi être adoptée sans examen par le Sénat, puisque les deux amendements présentés par le Gouvernement l’ont été devant l’Assemblée nationale, alors que le Sénat s’était, pour sa part, déjà prononcé. Fort heureusement, ces amendements ont été rejetés par l’Assemblée nationale et n’ont pas été réintroduits en commission mixte paritaire. Résultat, la loi promulguée au mois de juin dernier ne comporte aucune disposition relative à cette fusion.

Quelle urgence justifiait une réforme aussi mal engagée ? La semaine dernière, dans son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a réaffirmé le rôle primordial du Sénat et rappelé qu’il n’y a pas de République sans bicamérisme. Pouvons-nous en conclure que ce type de pratique ne se reproduira plus ? Quoi qu’il en soit, le refus du Parlement a donné le temps de la réflexion – il en faut.

Deux projets de loi, l’un organique et le second ordinaire, proposant trois réformes techniques, ont finalement été déposés. Ils ont fait l’objet d’une étude d’impact, d’un avis du Conseil d’État et même, depuis plusieurs semaines, d’un examen par le Sénat.

Il ne s’agit plus seulement de fusionner l’ASN et l’IRSN, mais de simplifier les règles de la commande publique applicables aux projets de production, de recherche ou de stockage nucléaires, ainsi que de repositionner le HCEA.

Le refus du Parlement a laissé le temps à l’Opecst d’analyser cette réorganisation. Je tiens ici à saluer la réactivité de la commission des affaires économiques du Sénat, qui a saisi l’Office dès le mois d’avril 2023.

Il ne faut pas s’y tromper, l’enjeu de ce texte est bien la sûreté nucléaire. Comme l’a très justement rappelé Michaël Mangeon, historien du nucléaire, devant l’Opecst, « l’histoire nous montre que le système et son fonctionnement sont une cause profonde d’accident nucléaire. […] En conséquence, toute décision de réforme du système a un impact, direct ou indirect, sur la sûreté nucléaire et doit être analysée en profondeur. »

La réforme proposée consiste notamment à fusionner l’IRSN, établissement public industriel et commercial (Épic) chargé d’effectuer les recherches sur les risques liés à la radioactivité, qui compte plus de 1 700 agents, et l’ASN, gendarme du nucléaire, autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire via des contrôles, des recommandations et des avis, qui compte environ 500 agents.

À compter du 1er janvier 2025, la nouvelle ASNR, qui sera une autorité administrative indépendante, reprendra l’ensemble des missions de l’ASN et de l’IRSN.

Cette fusion suscite des inquiétudes légitimes sur le risque de désorganisation, de perte des compétences, d’augmentation des coûts, de confusion des missions, de dégradation de l’évaluation des risques ou encore de perte de transparence vis-à-vis du public.

Si le système actuel a donné satisfaction, cette réforme est justifiée par les perspectives de développement du nucléaire, inégalées depuis le plan Messmer, et par la nécessité de faire face aux enjeux majeurs de souveraineté énergétique. Son objectif est de fluidifier les processus à un niveau inchangé de sûreté nucléaire.

L’Opecst a confirmé l’opportunité d’une telle fusion et formulé diverses recommandations ; la plupart ont été reprises par nos rapporteurs, Pascal Martin et Patrick Chaize, dont je salue le travail. C’est donc une réforme consolidée qui nous est soumise.

Si elle est correctement mise en œuvre, les avantages de cette fusion seront multiples : efficacité accrue, meilleure adaptation aux enjeux contemporains de la sûreté nucléaire, amélioration de la gestion de crise, ou encore renforcement de l’attractivité.

Plusieurs points mériteront une vigilance particulière, et nous aurons l’occasion de les évoquer. Sans augmentation significative des effectifs affectés aux activités de sûreté nucléaire civile et de radioprotection, tant en matière de contrôle et d’expertise que de recherche, cette fusion sera un échec pour la sûreté de notre pays.

Ces réserves ainsi exprimées, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement et le déploiement de nouvelles structures électronucléaires constituent une ardente obligation pour assurer à la France son indépendance, sa souveraineté et une croissance respectueuse de l’environnement.

Le texte qui nous est présenté, sous son aspect fortement technique, témoigne d’une volonté renouvelée d’investir dans nos centrales nucléaires. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette victoire idéologique.

Pendant des décennies, nous avons défendu, seuls ou presque, le maintien de notre puissance nucléaire, au milieu des thuriféraires de la décroissance et des pourfendeurs européens du nucléaire, soutiens, en fait, du charbon.

La réunion des deux autorités que sont l’ASN et l’IRSN a provoqué, nous le savons, des inquiétudes, tant à l’Assemblée nationale qu’auprès des professionnels de la gouvernance du nucléaire. Nous nous félicitons que le Gouvernement ait entendu l’avis des chambres en proposant un texte pour organiser la création de l’ASNR.

Le travail de qualité du Sénat a permis de rendre ce texte plus lisible, d’améliorer la publicité des rapports et des communications qui seront données par la nouvelle agence et de garantir la qualité de l’expertise donnée et la célérité des autorisations transmises. Néanmoins, nous exprimons notre inquiétude devant une bureaucratisation tendancielle de notre industrie nucléaire.

Ce texte devra, en pratique, atteindre l’objectif d’amélioration de la rapidité des délivrances d’autorisation de construction ou de renouvellement des centrales. Si la sécurité doit être une priorité, bien évidemment, prudence ne doit pas rimer avec impotence. Notre parc électronucléaire a été construit sans l’existence de ce dualisme d’instances, qui a, ces dernières années, contribué à affaiblir la confiance des Français envers leurs centrales nucléaires et à ralentir le processus de croissance industrielle et de création de nouvelles centrales.

Depuis l’accident nucléaire de Fukushima, les activistes antinucléaires ont répandu une désinformation irresponsable sur cette source d’énergie pourtant propre, souveraine et bon marché. Ce travail lancinant a porté ses fruits empoisonnés, particulièrement auprès de notre jeunesse et au sein des gouvernements qui se sont succédé depuis lors. Résultat, notre filière nucléaire a été considérablement affaiblie et fragilisée, ce qui a mis en péril la stabilité de notre production électrique et participé à alourdir sans cesse les factures des ménages et des entreprises.

Depuis sept ans, le Gouvernement a multiplié les atermoiements autour de la filière nucléaire, annonçant, dans un premier temps, sa volonté d’abaisser à 50 % la part de cette dernière dans le mix énergétique, avant de revenir sur ses décisions et d’entreprendre, bien des années trop tard, un plan d’accélération et de renouvellement de notre parc, encore largement insuffisant.

Pour autant, sans surprise, nous soutiendrons ce texte et voterons tous les amendements visant à l’améliorer, tout en conservant son principe premier d’une autorité unique, placée sous le regard des chambres et des Français, pour garantir la sûreté de notre parc électronucléaire et le développement plus rapide de nouvelles centrales, qui est absolument nécessaire à une énergie nationale souveraine, permettant une croissance durable, respectueuse de l’environnement et symbolique du génie français. (M. Joshua Hochart applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette. (M. Jean-François Longeot applaudit.)

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, nous sommes tous heureux de vous accueillir ce soir. Mes chers collègues, questionner le fonctionnement et la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est une nécessité. Ce sujet se pense bien évidemment à long terme, tout comme la souveraineté énergétique, sur laquelle nous attendons avec impatience un projet de loi.

Je me permets d’insister sur ce point, car les enjeux d’indépendance énergétique pour la France et l’Union européenne sont colossaux. De plus, aux États-Unis la menace Trump – un remake qui serait bien âpre – est sérieuse. La montée des populistes aux prochaines élections européennes est annoncée dans tous les sondages d’opinion. L’essentielle souveraineté européenne pourrait donc, bien malgré elle, se retrouver prise en étau entre l’extrême droite américaine et certaines forces de l’extrême droite européenne.

Quels que soient les résultats de ces élections, et comme l’ont prouvé les deux dernières années, notre souveraineté passe par notre indépendance énergétique. Je tiens donc à saluer la volonté de relance de la filière nucléaire manifestée par le Gouvernement depuis le discours de Belfort. Depuis toujours, je défends cette énergie, dont la France peut être fière d’être l’un des leaders mondiaux. Je soutiens l’action du Gouvernement sur la place du nucléaire en Europe et j’observe que de moins en moins de pays remettent en cause son rôle déterminant. Il est donc temps de transformer l’essai !

Si la sûreté nucléaire et la radioprotection se pensent à long terme, elles doivent aussi être abordées avec flexibilité et en prévoyant une possibilité d’amélioration constante. J’ai noté les critiques sur le calendrier d’examen de ce projet de loi, et je les entends. Il faut néanmoins rappeler que ce travail remonte à plusieurs mois déjà.

Maintenant que la relance est amorcée, il est temps d’agir. De manière générale, elle pose de nouveaux défis. Beaucoup ont déjà été énoncés, mais il n’est pas inutile de les citer encore. Je parle bien sûr du nouveau nucléaire, des SMR, de notre parc vieillissant, de l’indispensable adaptation au dérèglement climatique ou encore de la sécurité du marché de l’électricité, qui est un enjeu économique et géopolitique : nous évoquions encore récemment dans cet hémicycle sa réforme, que nous souhaitons quasiment tous.

Les enjeux sont immenses ; les réponses doivent l’être tout autant. Je salue donc le travail qui a été fourni au sein des deux commissions saisies.

En revanche, je partage les craintes, majeures, évoquées par les divers acteurs, notamment les deux rapporteurs, en particulier s’agissant de la distinction entre expertise et décision. La création d’une commission d’éthique et de déontologie ainsi que le recours possible à des groupes permanents d’experts devraient renforcer l’architecture de l’ASNR, et ainsi rassurer.

Je crois en l’importance d’un dialogue constant entre la nouvelle ASNR et la filière nucléaire, où la recherche et l’innovation sont importantes. Il faudra néanmoins être attentifs aux conflits d’intérêts, et je pense que les dispositions de l’article 2, notamment, participent à notre vigilance.

La transparence sera également cruciale. L’information doit pouvoir circuler auprès du public et des acteurs concernés. Cela contribue à l’acceptation, indispensable, par les citoyens. Le rôle qu’aura l’Opecst, complété par les commissions compétentes du Parlement, est tout aussi essentiel en la matière.

Les missions et attributions de l’ASNR seront déterminantes, tout comme son règlement intérieur. Après les discussions en commissions, au vu des amendements déposés et des premières interventions, je n’ai aucun doute : ce sujet fera partie des plus discutés. Il sera la clé de la réussite de l’ASNR, et je forme le vœu que le contenu du règlement prenne en compte les enjeux que nous avons pu soulever.

Dernier point, et non des moindres : plusieurs collègues ont évoqué les salariés et leurs compétences. Les conditions du transfert des salariés, leur rémunération et les conditions d’accès à l’emploi ont un impact déterminant sur l’attractivité de ces métiers d’excellence. Nous relançons le nucléaire et avons la chance de pouvoir compter sur un vivier de personnes compétentes. Il faut leur permettre de rester en France pour servir notre pays, et de continuer à faire évoluer leurs compétences : les voir partir au service de puissances étrangères serait un échec majeur de cette réforme.

Je terminerai en rappelant que nous avons besoin d’accorder les moyens nécessaires au secteur nucléaire.

Ce projet de loi est une facette non négligeable de la reconstruction de l’indépendance énergétique amorcée en France et en Europe. C’est pourquoi, malgré les points de vigilance que nous avons évoqués et que nous gardons à l’œil, parce que ce texte apporte des solutions, le groupe Les Indépendants – République et Territoires le votera. (M. le rapporteur et M. Jean-François Longeot applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.

Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque le Gouvernement a tenté, en 2023, de fusionner l’ASN avec l’IRSN, nombre d’entre nous ont émis des doutes sur ce projet et demandé son retrait. En effet, cette réforme posait de nombreuses questions, qui ne pouvaient trouver de réponses satisfaisantes dans les délais qui nous étaient impartis.

Heureusement, le Gouvernement nous a écoutés, ce qui a permis aux parlementaires de mieux examiner la pertinence de cette réforme, sa faisabilité, ses limites et le calendrier à suivre si l’on choisissait de la mener à terme.

À ce titre, le rapport de Stéphane Piednoir et Jean-Luc Fugit à l’Opecst est venu utilement rappeler que la relance du nucléaire passe par la maîtrise de multiples enjeux : construction de nouveaux réacteurs EPR de seconde génération, évolutions technologiques, prolongation de la vie des réacteurs existants, gestion des déchets nucléaires, adaptation des infrastructures au changement climatique et aux risques cyber, démantèlement des centrales en fin de vie… Autant de défis auxquels peuvent s’ajouter des imprévus, tels que les problèmes de corrosion sous contrainte rencontrés récemment dans notre parc.

Avec le recul, ce contexte semble plaider efficacement en faveur d’une seule entité, issue d’un rapprochement entre IRSN et ASN.

Nous voilà donc prêts à débattre de cette fusion, un an après son annonce initiale, ayant pris à cœur le conseil de l’Opecst sur la nécessité de tenir un calendrier resserré de mise en œuvre de la réforme. De son côté, le Gouvernement a profité de ce délai pour affiner sa copie, désormais étayée par une étude d’impact bienvenue.

Le texte établit l’ASNR en interlocuteur unique et indépendant, chargé du contrôle et de l’instruction des dossiers de sûreté et de radioprotection, ouvert sur la société, doté de moyens internes forts tout en ayant la faculté de les compléter auprès de partenaires externes et pouvant s’appuyer à la fois sur une recherche de renommée internationale et sur des groupes permanents d’experts, propices à la confrontation des points de vue.

Par ailleurs, dans un contexte de tensions sur les recrutements dans la filière nucléaire, tensions liées à la relance de cette dernière, cette évolution doit permettre de regrouper les compétences rares tout en améliorant l’attractivité de ses métiers, au travers d’une diversité des statuts possibles, des parcours de carrière, y compris sur le plan géographique, et par des mesures d’ordre salarial permettant d’engager un nécessaire rééquilibrage par rapport au secteur privé.

J’en viens aux avancées apportées lors de l’examen de ce texte en commission, grâce à l’excellent travail mené par mes collègues rapporteurs, Pascal Martin et Patrick Chaize, dont je salue l’engagement.

Je me réjouis de la consécration législative des groupes permanents d’experts, qui garantira une évaluation impartiale, ainsi qu’une prise de décision fondée sur les meilleures pratiques et les connaissances les plus récentes. En outre, j’approuve l’inscription dans la loi du principe de publication des résultats d’expertise de l’ASNR, qui vaudra également pour les avis des groupes permanents d’experts, comme c’est le cas dans la pratique actuelle.

La crédibilité du système de sûreté nucléaire repose sur cette exigence de transparence, absolument indispensable pour assurer l’acceptabilité de la relance de l’atome dans notre pays.

Ces mesures essentielles viennent parachever un projet de loi ambitieux et exigeant. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons souligné lors de la discussion des deux motions de procédure, le texte dont nous nous apprêtons à discuter soulève pour nous de graves inquiétudes. Nous nous opposons, vous le savez, au fondement même de cette réforme.

Le démantèlement de l’IRSN, qui a su démontrer historiquement sa rigueur et son indépendance, est en effet incompréhensible, sauf à imaginer que l’on souhaite ainsi affaiblir un contre-pouvoir, capable d’apporter de l’objectivité dans le débat sur l’énergie nucléaire.

En effet, au risque de vous surprendre, la répétition en boucle des termes « fluidification » et « simplification » pour justifier le démantèlement de l’IRSN n’a pas suffi à nous convaincre de son bien-fondé. Ces mots sonnent creux, alors qu’il est reconnu, y compris à l’étranger, que notre organisation de sûreté nucléaire, reposant sur un système dual, fonctionne, même si elle pourrait, bien sûr, être améliorée.

En outre, si très peu d’arguments en faveur de la fusion nous ont été présentés, la liste des risques générés par cette réforme est, quant à elle, très étayée. L’avis que la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE) a rendu à la suite de la saisine que nous avions effectuée en février dernier est très clair : « Le moyen le plus sûr d’assurer la séparation de la gestion d’avec la recherche et l’expertise […] consiste à maintenir ces missions au sein de personnes morales différentes. »

La tenue d’un dialogue tripartite entre EDF, l’ASN et l’IRSN permet une triangulation dans l’analyse de risque, ainsi qu’une diversité dans les points de vue, garante d’une anticipation et d’une meilleure analyse des enjeux liés aux décisions en matière de sûreté. Affaiblir ce système semble dangereux, alors que les catastrophes technologiques ont souvent, dans l’histoire, été liées à des problèmes organisationnels – cela a été clairement démontré par les chercheurs étudiant les accidents, que ce soit dans le domaine spatial, chimique, aéronautique ou nucléaire.

Les experts en management des organisations disent, de même, que les fusions sont bien souvent synonymes de confusion. Faire converger les pratiques, les fonctionnements et les cultures de deux organismes suscite de l’instabilité et prend du temps. Et le succès, monsieur le ministre, n’est pas garanti.

Tous ces éléments donnent l’impression que ce texte est destiné à faciliter la relance à marche forcée du nucléaire, en affaiblissant les contre-pouvoirs, quitte à ce que cela se fasse au détriment du niveau de sûreté.

La mise en œuvre de cette réforme ne vient pas nous rassurer à cet égard, bien au contraire.

Son calendrier, tout d’abord, est extrêmement rapide et semble à même d’entraîner de fortes désorganisations. Une entrée en vigueur au 1er janvier 2025 semble irréaliste, alors que l’on parle de relocaliser les quelque 1 700 collaborateurs de l’IRSN et de faire travailler ensemble des cultures différentes.

Cette désorganisation arrive à un moment où l’activité de l’ASN et de l’IRSN augmente, sans garantie de renforcement des moyens humains, avec à la clé des conditions de travail fortement dégradées. L’intersyndicale de l’IRSN est d’ailleurs inquiète des conséquences de cette fusion pour les salariés ; elle alerte sur le niveau de sûreté qui pourrait en résulter. Car c’est l’attractivité de ces métiers, donc notre capacité à gérer le risque nucléaire, qui est en jeu.

Autre point de forte inquiétude, la mise en place, au sein de la future Autorité, de la séparation entre expertise et décision, pilier fondamental de notre sûreté nucléaire, est insuffisante. Le texte n’apporte pas de garantie sur l’indépendance des experts, alors que l’IRSN était reconnu pour fournir des données de façon robuste et objective.

Autres principes clés malmenés par ce texte, la transparence et le dialogue avec la société civile y sont en net recul par rapport au système existant. L’IRSN avait réussi à nouer un dialogue avec la société civile, et il est reconnu comme participant efficacement à la démocratie technique et environnementale. Rien n’indique que la future entité jouera ce rôle, a fortiori quand la publicité de ses travaux n’est pas suffisamment garantie.

Loin de la fluidité promise, cette réforme semble bancale et inaboutie, comme en témoigne le renvoi de nombreux points à un futur règlement intérieur, dont l’élaboration n’est que peu encadrée.

Sur ces points, la commission de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a tenté, je le reconnais, d’améliorer la copie du Gouvernement, qui n’apportait aucune garantie. Mais ses modifications sont aujourd’hui remises en cause par le Gouvernement.

Nous sommes donc plus qu’inquiets, monsieur le ministre, face à cette volonté désormais très claire d’acter des retours en arrière sur la transparence et l’indépendance de l’expertise. Rappelons-le, nous parlons ici de la sécurité de nos concitoyens et de notre environnement, non pas seulement pour aujourd’hui, mais pour des siècles !

Nous nous opposons à la relance nucléaire. Nous avons à maintes reprises souligné l’impasse financière et les risques liés à cette technologie. Mais, que l’on soit pour ou contre l’énergie atomique, la maîtrise du risque d’accident nucléaire reste une priorité et doit conditionner tous nos choix.

Nous nous opposons donc plus que jamais à ce texte. Et si nous proposons des amendements pour tenter de limiter les risques qu’il comporte, nous vous appelons, mes chers collègues, à ne pas voter ce projet de loi : je le dis avec force, il est dangereux et inabouti. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour les communistes, la relance et le développement de la filière nucléaire française doivent marcher sur deux pieds.

En premier lieu, il faut un statut de haut niveau pour les salariés, y compris les sous-traitants, qui reconnaisse leurs qualifications, avec un haut niveau de rémunération : un statut qui les protège et qui, donc, nous protège.

En second lieu, il faut une transparence totale en termes de sûreté, pour permettre l’adhésion totale des citoyens et citoyennes, ainsi que des élus locaux.

Or au moment où l’on s’apprête à relancer le nucléaire français, le Gouvernement décide dans le même temps de réformer le contrôle de sa sûreté. Très bien, mais dans quel but, et pourquoi ? Jusqu’alors, cette mission d’intérêt général reposait sur un système dual, composé de l’ASN, gendarme du nucléaire, et de son expert technique, l’IRSN. Ce système éprouvé n’a cessé d’évoluer pour garantir la conciliation entre une diversité de points de vue, ce qui a permis d’éviter le monolithisme décisionnel, vecteur de risques.

Si des pistes d’amélioration sont toujours envisageables, le Gouvernement a fait le choix d’une restructuration dont le bien-fondé a été très largement contesté par les personnels de l’IRSN et de l’ASN, mais aussi par de nombreux chercheurs et scientifiques.

Aussi, monsieur le ministre, pourquoi défaire ce qui fonctionne ? Aucun des arguments que vous avez présentés ne tient la route. La vérité est donc ailleurs.

Le Gouvernement, comme parfois l’exploitant, a toujours considéré que l’IRSN était un frein dans le développement du nucléaire et que, pour relancer ce secteur, il fallait y aller vite et fort – en réalité, en finir avec l’IRSN.

Le résultat, c’est la désorganisation que nous constatons actuellement, principalement liée au fait que vous n’avez pas nommé de préfigurateur à la fusion et qu’il s’ensuit une grande incertitude, justifiée, chez les salariés de l’ASN comme de l’IRSN.

Pour l’IRSN, près de la moitié de l’équipe de sécurité a démissionné. Il ne reste que trois personnes affectées au traitement des déchets radioactifs, et deux à la supervision des 56 réacteurs. Voilà les résultats de vos choix politiques : les salariés s’en vont déjà !

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous répondre à quelques questions simples ? Quels concours de recrutement seront prévus ? À quel niveau de rémunération ? Combien de postes seront ouverts ? Il faut que vous nous répondiez clairement sur vos ambitions pour assurer l’attractivité de cette nouvelle entité de sûreté nucléaire, d’autant que tous nos amendements ayant pour objet les salariés et la question sociale ont été déclarés irrecevables, ce qui est inacceptable.

En fait, votre réforme est aussi – c’est de plus en plus une habitude – sous-tendue par la rationalité économique. Cependant, les treize groupes de travail mis en place ont montré que, dans un certain nombre de domaines, cette fusion coûtera plus cher. Par exemple, la coordination entre les différents outils informatiques – 400 d’un côté, 40 de l’autre – mettra, au minimum, plusieurs mois à se réaliser. En tout cas, elle ne sera pas achevée le 1er janvier 2025.

Autre exemple, alors que la sûreté nucléaire militaire, jusqu’alors dévolue à l’IRSN au même titre que le nucléaire civil, risque d’être transférée au ministère des armées, des divergences d’avis de sûreté sont à craindre, en plus d’un recul sur la transparence.

Pour les réacteurs SMR – une technologie transposée du domaine militaire au civil –, l’impossibilité de mobilités internes résultant de cette restructuration fera perdre des connaissances précieuses. Cela doit nous alerter, d’autant que ces nouveaux réacteurs seraient confiés à des acteurs privés, qui ne raisonnent qu’en termes de profit, et non d’intérêt général.

Plus généralement, le présent projet de loi ne garantit pas le même degré d’indépendance et de sérénité de l’expertise. Or celle-ci doit se fonder uniquement sur des faits scientifiques et rester hermétique à la faisabilité industrielle ou aux intérêts économiques et commerciaux.

Actuellement, la production nucléaire est une activité hautement capitalistique. Les enjeux économiques liés aux décisions de démarrage ou d’arrêt des centrales sont donc prégnants. Si l’objectif de minimiser la durée d’exploitation, pour des raisons économiques, est compréhensible, nous considérons que l’impératif de sûreté doit toujours primer.

Plus encore, ce projet ne garantit pas la pérennité des exigences actuelles en termes de transparence et de démocratie environnementale, alors que ce sont là des valeurs fondamentales, ainsi qu’un maillon essentiel de la confiance des citoyens et des citoyennes envers le secteur nucléaire. Si la publication des avis de l’IRSN reposait auparavant sur un fondement légal, le texte, tel qu’il nous est présenté, relègue cette possibilité, de manière vague, au domaine du règlement intérieur.

Ainsi, contrairement à la communication gouvernementale, qui assure que ce projet de restructuration vise à renforcer et fluidifier le contrôle de la sûreté nucléaire, nombre des effets potentiels du texte semblent nous éloigner des objectifs annoncés. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Raphaël Daubet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Raphaël Daubet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois avouer que j’ai eu bien du mal, comme d’ailleurs beaucoup de mes collègues, à me forger une conviction solide quant à la pertinence du projet de loi qui nous est soumis.

Ce n’est pas faute d’avoir cherché des arguments objectifs, au-delà des clivages idéologiques. Toutefois, après analyse du texte, force est de reconnaître que beaucoup de questions demeurent, et que nul n’est capable de prédire les conséquences qu’auraient son adoption ou son rejet.

Ce que nous savons avec certitude, c’est que notre système dual de sûreté nucléaire bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance nationale et internationale. Les Français ont confiance en lui. Il s’agit d’un système qui agit en toute indépendance et en toute impartialité, au service de l’intérêt général.

Néanmoins, la relance historique de notre filière nucléaire exige que nous repensions et adaptions l’organisation de notre sûreté nucléaire. Il est possible que ce texte apporte une réponse concrète à cette obligation – un certain nombre de membres du groupe RDSE le pensent. Quoi qu’il en soit, les débats qu’il suscite sont essentiels : faire la démonstration de la sûreté d’un système, c’est d’abord le confronter au doute !

Or le premier doute qui nous taraude concerne les gains d’efficience qui seraient apportés par la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. On comprend l’ambition, l’intention, la volonté de construire une autorité plus forte, plus réactive. Mais ceux qui, parmi nous, ont été élus locaux et qui ont vécu des fusions de collectivités savent bien que le gigantisme n’est pas toujours synonyme d’efficacité, loin de là. Nul doute aussi que, derrière la fusion, se cachent des enjeux de gouvernance, qui mériteraient aussi d’être posés sur la table.

Dans cette même logique de clarification, vous me permettrez de louer les travaux effectués par nos rapporteurs en commission. Ils ont cherché à préserver une distinction des responsabilités entre l’expertise et la décision, à renforcer l’expertise indépendante en consacrant l’existence des groupes permanents d’experts (GPE), à garantir un niveau de transparence élevé, à prévenir les conflits d’intérêts, notamment pour préserver les capacités de recherche, ainsi qu’à mieux associer le Parlement et la société civile.

Ces apports de la commission ne risquent-ils pas, toutefois, de créer tout simplement un nouveau système bicéphale, une hydre à deux têtes ?

Nous recherchons l’équilibre parfait entre l’amélioration de l’efficience des procédures, d’une part, et le maintien de notre sûreté nucléaire au niveau d’exigence et de transparence le plus élevé possible, d’autre part ; mais cette fusion risque d’entraîner une désorganisation du fonctionnement de deux organismes qui ont appris, au fil des années, à travailler en bonne intelligence.

Le calendrier de ce projet de loi nous interpelle aussi. La fusion de différentes structures peut déboucher sur un travail d’intégration administrative qui est susceptible de durer des années. Avons-nous des années à sacrifier à une telle réorganisation, alors que l’on parle de la mise en route des premiers réacteurs de type EPR2 à l’horizon de 2035 ?

Mes chers collègues, notre sentiment est le suivant : en créant cette nouvelle autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, on sait ce que l’on perd, mais il est difficile de savoir ce que l’on gagne. Attention à ne pas ébranler un système qui, par sa dualité et sa fiabilité, a tissé un véritable lien de confiance avec les Français : celui-ci est la pierre angulaire de l’acceptabilité sociale du nucléaire et la condition sine qua non de la relance de la filière.

Comme cela a été dit par de nombreux collègues avant moi, il existe pourtant d’autres solutions alternatives à la refonte de la gouvernance de notre sûreté nucléaire. Je pense à une augmentation substantielle des ressources de l’IRSN et de l’ASN, pour garantir leur soutenabilité sur le long terme, à la poursuite de l’effort d’augmentation des moyens humains de ces deux entités et à la révision de leurs politiques de ressources humaines, afin de renforcer l’attractivité de leurs métiers.

Le nucléaire a un rôle clé à jouer dans la politique énergétique française du XXIe siècle, pour renforcer la souveraineté de la France et pour répondre à l’exigence de disposer d’une énergie décarbonée, pilotable et disponible !

Notre contrôle de la sûreté nucléaire a permis de faire accepter cette énergie auprès de nos concitoyens. Je ne sais pas s’il faut prendre le risque de sacrifier cette confiance pour plus d’efficience.

Le groupe RDSE, vous le savez, est toujours du côté du progrès et de la simplification administrative. Mais, en ce qui concerne la sûreté nucléaire, il appelle à la vigilance, et chacun de ses membres votera en son âme et conscience, à l’issue de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire de la France le premier des grands pays industriels à sortir de la dépendance aux énergies fossiles, tel est l’objectif fixé.

Cela passera par la relance, historique, de notre filière nucléaire. (M. Daniel Salmon sexclame.) Ce texte est donc primordial.

Les deux tiers de notre consommation d’énergie finale émanent encore aujourd’hui des énergies fossiles. Nous devons accélérer la décarbonation de notre pays et développer la production massive d’énergie décarbonée, qu’elle soit nucléaire ou renouvelable.

Nous partageons tous ici une ambition commune : remettre notre pays sur la bonne trajectoire énergétique. Si l’on attend avec impatience le projet de loi sur la souveraineté énergétique, l’objectif de la stratégie française pour l’énergie et le climat, ainsi que des deux lois d’accélération votées l’année dernière, relatives à la production d’énergies renouvelables et à la construction de nouvelles installations nucléaires, est identique : produire plus d’électricité décarbonée pour faire face aux besoins futurs.

En effet, une France souveraine face aux instabilités géopolitiques est une France qui maîtrise sa production d’énergie.

Comme l’a rappelé le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) l’été dernier, nous devrons produire entre 580 et 640 térawattheures supplémentaires d’ici à 2035, pour couvrir l’ensemble des besoins en électricité.

Cette stratégie exige donc que nous accélérions fortement le rythme sur les énergies renouvelables et sur le nucléaire, de façon continue et de façon structurelle.

Je salue en ce sens la création d’une délégation de programme interministérielle au nouveau nucléaire, le déploiement de crédits d’investissement massifs dans le cadre des plans France Relance et France 2030, la tenue de conseils de politique nucléaire, ainsi que les victoires acquises par le volontarisme d’Agnès Pannier-Runacher, telles que la nouvelle définition de la taxonomie verte et la création de l’Alliance du nucléaire, qui permettent de placer cette énergie au cœur des politiques européennes.

Comme l’a souligné le Gouvernement ces derniers mois, la relance du nucléaire passera par la prolongation du parc existant, le développement de nouveaux réacteurs nucléaires français – les EPR2 et les SMR –, et par de nouvelles solutions de stockage des déchets.

Alors que nous n’avons développé qu’un seul EPR depuis dix-neuf ans, cette relance du nucléaire demandera une montée en charge et en capacité inédite pour la filière depuis le plan Messmer. C’est un changement de paradigme complet, dont la réussite et l’acceptation par nos concitoyens requièrent un niveau de sûreté optimal et inchangé.

Il s’agit aussi d’un enjeu industriel majeur, puisque 100 000 emplois sont à créer en dix ans.

C’est pourquoi réformer la gouvernance de notre sûreté nucléaire aujourd’hui ne nous semble pas dénué de sens.

Ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement du débat que nous avons eu, au début de l’année dernière, lors de l’examen du texte relatif à l’accélération du nucléaire.

Le groupe RDPI se félicite qu’une réflexion de long terme ait pu avoir lieu, marquée notamment par le rapport de l’Opecst, ou la conduite de nombreuses consultations publiques avant la présentation du projet de loi en conseil des ministres.

Afin d’assurer une pleine maîtrise industrielle et le maintien des standards de qualité et de sûreté au plus haut niveau imaginable, dans le contexte hors norme que nous connaissons et qui a été rappelé, le Gouvernement a fixé quatre objectifs qui constituent autant de principes qui devront guider l’examen de ce texte : l’amélioration de l’efficience des procédures ; l’indépendance de l’autorité vis-à-vis des exploitants nucléaires et du Gouvernement ; l’exigence d’une transparence renforcée vis-à-vis du public ; et l’amélioration de l’attractivité des métiers, pour que la nouvelle autorité bénéficie de compétences et d’une expertise d’excellence. Et il n’est pas inutile ici de rappeler la responsabilité première de l’exploitant.

Nous avons adopté 57 amendements lors de l’examen du projet de loi en commission. Je tiens d’ailleurs à remercier les rapporteurs au fond et pour avis de leur travail.

Une grande partie des modifications que nous avons adoptées visent à apporter des précisions pour répondre aux inquiétudes exprimées, concernant, notamment, la séparation entre les activités d’expertise et de décision au sein de la future autorité, ou la publication des avis d’expertise.

En outre, alors que le calendrier est particulièrement contraint et que l’activité de l’autorité sera intense, trois points nécessiteront une attention particulière : le respect de l’engagement d’un rattrapage des salaires des salariés et des contractuels publics ; l’accompagnement des changements majeurs dans les procédures de travail des 500 fonctionnaires et contractuels de droit public de l’ASN et des quelque 1 600 salariés de droit privé de l’IRSN, dans une configuration inédite pour une autorité administrative indépendante ; et, enfin, la mise en œuvre claire des dispositions sociales qui figurent dans le projet de loi.

Notre commission a également créé, au sein de la future autorité, une commission d’éthique et de déontologie composée de personnes extérieures qualifiées, sur le modèle de celle qui existe actuellement pour l’IRSN. Elle sera chargée de conseiller le collège pour la rédaction du règlement intérieur, d’en suivre l’application et de prévenir les conflits d’intérêts.

Nous avons aussi adopté un amendement, déposé par nos deux rapporteurs, qui vise à pérenniser, conformément à une recommandation de l’Opecst, l’existence de groupes permanents d’experts nommés en raison de leurs compétences – les modalités de nomination seront précisées dans le règlement intérieur de l’autorité.

Le groupe RDPI, vous l’avez compris, salue la plupart des évolutions intervenues en commission et se prononcera en faveur de ce texte. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré le travail des rapporteurs, que je salue, ce projet d’intégration de l’IRSN dans l’ASN ne nous paraît pas suffisamment fondé en raison.

Son étude d’impact, faible, ne définit pas clairement les objectifs.

S’agit-il d’aller plus vite ? De faire des économies ? D’améliorer les processus d’expertise et de décision ? On ne sait pas.

S’agit-il de mieux communiquer avec le public ? On ne le sait pas davantage et les territoires expriment leur inquiétude par la voix de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli).

L’Opecst, dans son rapport, au demeurant de bonne facture, informatif et pédagogique, auquel il est fait souvent référence – comme s’il valait étude d’impact ! –, ne dit rien non plus sur ces points. La fusion est prise comme un postulat.

Qui plus est, le futur plan de charge annoncé s’inscrit dans un cadre programmatique non défini à ce jour.

Toujours pas non plus de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ! Le titre Ier du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique devait en traiter. Il a été supprimé par le Gouvernement. À tel point que le Conseil supérieur de l’énergie (CSE), unanime, s’en est ému officiellement lors de sa séance du 25 janvier dernier.

En résumé, on fait tout à l’envers depuis le début, et on persévère à chaque occasion ! On travaille au coup par coup, sans perspective d’ensemble. Ne croyez-vous pas que le titre II de ce projet de loi aurait dû figurer, il y a des mois, dans la loi de relance du nucléaire ?

Plus grave, la perspective du développement de petits réacteurs SMR, stratégique pour la décarbonation de l’industrie, ne devrait-elle pas faire l’objet de discussions dès maintenant, notamment quant à son volet sur la sûreté et la radioprotection ?

Le plus incongru reste sans doute l’absence d’un ministre avec lequel nous aurions pu échanger. Quelle considération pour le travail du Parlement, et accessoirement pour l’examen du texte qui nous est soumis aujourd’hui !

Sur le fond, ce projet de fusion entre l’ASN et l’IRSN fragilise ou remet en question certains principes auxquels nous sommes attachés, notamment celui, fondamental, de l’indépendance du scientifique, qui nécessite qu’une séparation soit garantie entre l’expertise et la décision.

L’enjeu majeur, c’est de gagner la confiance de toutes les parties prenantes, dont le grand public. Or il n’y aura pas de confiance publique sans transparence totale.

De surcroît, la question des moyens financiers nécessaires à l’augmentation de charge est renvoyée à un rapport.

Quelles sont les perspectives d’exercice et d’évolution pour les métiers, hautement qualifiés, concernés ? Les personnels sont inquiets.

Nous n’avons pas de réponses à toutes ces questions majeures. Nous n’avons pas non plus de proposition d’optimisation de l’organisation existante ni d’évaluation de cette dernière au regard des objectifs visés, lesquels sont, il faut le reconnaître, peu ou pas formulés.

Pour toutes ces raisons de fond, nous nous opposerons à ce projet de loi.

M. Christophe Béchu, ministre. Très bien…

M. Franck Montaugé. Cependant, en responsabilité et dans la continuité des échanges que nous avons eus avec l’Anccli et les syndicats des deux établissements, nous proposerons des amendements pour renforcer la sûreté et la radioprotection en France. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les projets de loi que nous examinons actent la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire au sein d’une autorité unique de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Ces textes visent à renforcer l’attractivité des métiers, à accroître la transparence du nouvel organisme vis-à-vis du public et à garantir l’efficience de la sûreté nucléaire.

Bien que techniques, ces dispositions sont utiles et bienvenues pour accompagner la relance du programme nucléaire civil français que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années au Sénat.

Elles s’inscrivent dans le prolongement de la loi sur l’accélération du nucléaire, que nous avons votée en juin dernier et qui doit permettre de revenir sur les erreurs fatales commises par le passé, notamment l’abandon du projet de surgénérateur Superphénix par la gauche plurielle, en 1997, ou la fermeture de la centrale de Fessenheim plus récemment.

M. Christophe Béchu, ministre. Il a raison !

M. Guillaume Chevrollier. Lors de l’examen en commission, les rapporteurs, que je salue, ont proposé un certain nombre d’ajustements, afin de fluidifier davantage encore les différentes procédures, notamment les règles de la commande publique concernant les projets de recherche, de production et de stockage nucléaires.

Ces apports sénatoriaux, qui s’inspirent des recommandations de l’Opecst, permettront de consolider la nouvelle organisation de l’autorité de sûreté.

Si nous sommes nombreux à souscrire pleinement à cette réforme, je souhaite néanmoins insister sur un triple enjeu qui me paraît essentiel : la formation, la compétence et l’attractivité des métiers de la filière nucléaire.

Cette réforme conforte les moyens humains de l’autorité de sûreté nucléaire, en la laissant plus libre de redistribuer ses ressources humaines entre les nouveaux projets nucléaires et le nucléaire historique. En cela, elle permettra sans aucun doute d’accroître son efficacité, et c’est une très bonne chose.

Nous devons toutefois garder à l’esprit que les contrôles exercés par les équipes seront plus nombreux, ce qui aura pour effet d’accroître la charge de travail : la question d’une éventuelle dégradation du niveau de contrôle est ainsi posée. Il faudra donc rester vigilant à ce sujet.

Par ailleurs, le projet de loi vise à maintenir le vivier de recrutement et l’attractivité des métiers de la filière nucléaire. Il me paraît essentiel d’investir fortement pour susciter les vocations, car cette dernière a trop longtemps été décriée auprès de nos jeunes, au moyen d’arguments fallacieux.

Comme je le disais, nous voterons cette réforme, car la majorité sénatoriale défend depuis plusieurs années, avec force, la relance du nucléaire civil. En 2021, nous avions déjà adopté deux résolutions sur ce sujet et sur l’intégration de l’énergie nucléaire à la taxonomie verte européenne. Notre mission d’information transpartisane sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone a également abondé en ce sens.

Il s’agit à présent de tenir nos objectifs !

L’adoption de ces deux textes, amendés par la commission, permettra de renforcer la gouvernance de la sûreté nucléaire : celle-ci gagnera en cohérence, en efficacité et en lisibilité, afin de susciter la confiance de tous.

C’est une étape nécessaire si nous voulons préserver notre indépendance énergétique, nous inscrire dans la lignée des plans Messmer, tout en agissant pour le climat, et ce dans l’intérêt bien sûr de nos concitoyens, de notre industrie, que nous devons décarboner, de nos entreprises et de nos collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chauvet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Patrick Chauvet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 30 janvier dernier, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a rappelé le caractère crucial du nucléaire pour l’avenir énergétique de notre pays et son indépendance.

Si nous voulons être à la hauteur de nos ambitions, nous devons agir à tous les étages de la fusée de l’atome, de l’industrialisation jusqu’à la supervision des activités, en passant par la formation, la recherche et l’innovation. Notre effort sera total ou ne sera pas.

À ce titre, ces projets de loi constituent une étape qu’il nous faut saluer. Ils nous doteront d’une autorité moderne, aux moyens financiers, juridiques et humains adaptés aux enjeux contemporains.

Ainsi, le groupe Union Centriste soutient ce projet de fusion de l’ASN et de l’IRSN, qui permettra de former la future ASNR. Frappée du coin du bon sens, cette réforme est la bienvenue. Je souhaite d’ailleurs saluer le travail réalisé par nos rapporteurs, Pascal Martin et Patrick Chaize, qui ont permis de corriger certaines malfaçons et d’enrichir ce texte.

Nos lignes rouges ont été respectées.

Tout d’abord, les salariés des deux entités bénéficieront des garanties liées à leurs différents statuts de droit public ou de droit privé. La diversité des parcours sera une force de l’institution.

Deuxième point majeur, les garanties apportées en matière d’indépendance de l’expertise nous semblent être, pour partie, satisfaisantes, notamment après les ajustements apportés par nos commissions.

Nous devons pouvoir nous appuyer sur une autorité efficace pour lancer les chantiers cruciaux du nucléaire, mais également sur une autorité de sûreté, capable de mettre l’expertise et la rigueur scientifique au cœur de son réacteur décisionnel.

Malgré cela, des défis attendent la future autorité à commencer par la question de son attractivité : de l’ordre de 20 % à 40 %, telle est la différence de revenus entre les membres de la future ASNR et les salariés des entreprises privées. Cette réforme ne nous exonère pas de notre responsabilité face à ce problème qui perdure. Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour améliorer l’attractivité de ces métiers ?

Ce sujet ne constitue pas le seul point de vigilance de notre groupe. En effet, si le texte va dans la bonne direction, la distinction entre les missions doit être inscrite dans notre droit et doit être respectée dans les faits. Nous devons pouvoir être les garants de cette indépendance grâce à un contrôle rigoureux. Il y va de la crédibilité des rapports de l’ASNR.

Parallèlement, nous appelons de nos vœux un meilleur encadrement des relations de l’autorité avec les autres acteurs de l’écosystème nucléaire, à l’image d’EDF. Les impératifs économiques ne doivent pas prendre le pas sur la sûreté de nos installations.

Enfin, le transfert de l’expertise nucléaire de défense au ministère des armées a tout de la fausse bonne idée. L’ASNR doit garder cette compétence dans son giron et s’appuyer si nécessaire sur l’expertise des services de l’État en matière de défense.

Vous le voyez, monsieur le ministre, nous saluons la copie, mais la rédaction reste perfectible. La grammaire du nucléaire mérite des ajustements qui ne sont pas de l’ordre de l’anecdote. Le groupe UC y veillera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans le cadre d’une politique de « réhabilitation » de l’énergie électronucléaire en France, malgré l’arrêt de Superphénix par le gouvernement Jospin en 1998, malgré la pression de nos voisins allemands au sein de l’Union européenne pour favoriser les seules énergies renouvelables (EnR), malgré aussi les campagnes de diabolisation des écologistes (Protestations sur les travées du groupe GEST.), malgré enfin l’abandon du démonstrateur Astrid ou encore la fermeture de Fessenheim. La filière nucléaire française doit renaître de ses cendres.

Après de multiples tergiversations et atermoiements, et – il faut le dire – un revirement assez acrobatique, le Président de la République a enfin donné une direction, lors de son discours de Belfort en janvier 2022, faisant enfin du nucléaire la pierre angulaire de notre politique souveraine énergétique.

Mme Sophie Primas. Il était temps !

M. François Bonhomme. Le Parlement a, depuis, adopté la loi du 22 juin 2023. Nous examinerons bientôt le futur projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, dont la déclinaison se fera au travers de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie et de la stratégie nationale bas-carbone. Le nucléaire y aura enfin toute sa place !

Mais que de temps et de compétences perdus durant ces trente dernières années ! Et à quel prix ? Celui de la fragilisation de notre filière nucléaire d’excellence ou encore de l’importation d’électricité carbonée.

Dans le cadre de la nouvelle donne, le Gouvernement prévoit donc une réorganisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire par le biais de la fusion de l’ASN et de l’IRSN.

Le Gouvernement a bien essayé de passer en catimini, en déposant deux amendements à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi sur l’accélération des procédures de construction de nouvelles installations nucléaires.

Cette tentative a logiquement échoué, tant le Gouvernement avait bâclé son projet en ne menant pas en profondeur les consultations nécessaires pour permettre aux parlementaires d’avoir d’un avis éclairé.

Fort opportunément, le Parlement a alors saisi l’Opecst pour qu’il réalise un vrai travail de fond sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN.

Nos collègues Fugit et Piednoir ont formulé des propositions visant à créer une grande autorité indépendante de la sûreté et de la radioprotection, dont les moyens financiers et humains seraient renforcés.

Le Gouvernement a, pour sa part, mené une série de consultations auprès de différentes institutions. Ces débats n’ont donc pas été inutiles pour parvenir à l’élaboration d’un projet plus mature sur le fond.

Ce texte vise à clarifier l’organisation actuelle. Il s’inspire des préconisations de l’Opecst, qui recommandait de regrouper « des moyens humains et financiers actuellement alloués à la sûreté nucléaire et à la radioprotection » afin de « mettre fin à une certaine ambivalence en la matière et de faire face aux nouveaux défis qui s’annoncent ». Il s’agit aussi notamment de renforcer les capacités d’expertise de la nouvelle entité.

La future ASNR remplacera donc l’ASN et elle se verra attribuer les prérogatives de l’IRSN, qui est actuellement chargé d’effectuer des recherches sur les risques liés à la radioactivité.

Récemment, le président de l’ASN a apporté son soutien à cette fusion clarificatrice. Il a souligné que le dispositif actuel n’a pas été conçu pour faire face à un contrôle de sûreté dans le « contexte hors norme » lié à la relance de la filière nucléaire française, qui est marqué notamment par la poursuite de l’exploitation des réacteurs existants, la réalisation de nouveaux réacteurs, le stockage géologique ou sur site du combustible, et la création d’installations de fabrication et de retraitement du combustible.

Le texte vise ainsi à créer une organisation resserrée : institution d’un interlocuteur unique, unification du pilotage des priorités, regroupement des compétences, fluidité des processus d’instruction.

D’un point de vue juridique, le projet de loi prévoit que la future entité conservera le statut d’autorité administrative indépendante. C’est essentiel. Il est cependant regrettable que la mention « indépendante » ne figure pas dans sa dénomination.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. François Bonhomme. Notre collègue et rapporteur Patrick Chaize a ainsi déposé un amendement en ce sens, conformément d’ailleurs aux recommandations de l’Opecst.

La question centrale que nous devons nous poser à propos de ce texte est la suivante : la nouvelle organisation permettra-t-elle, comme l’affirme le Gouvernement, de concilier efficacement le niveau de sûreté avec la montée en charge de l’entretien ou de la construction des centrales nucléaires de production d’électricité (CNPE) existantes ou futures ?

Le niveau de sûreté dépendra bien évidemment de l’efficience des procédures de contrôle.

Comme le souligne le président de l’ASN, la réalisation de six EPR2 ainsi que le développement des réacteurs SMR (Small Modular Reactors) ou AMR (Advanced Modular Reactors) pourraient mettre en tension la chaîne d’approvisionnement de la filière nucléaire. Dans ce contexte, une multiplication de contrefaçons, d’irrégularités ou de fraudes est alors à redouter.

Il a rappelé aussi que le contrôle, à tous les niveaux de la chaîne, doit rester un point majeur de vigilance pour toute la filière.

L’ASN possède aussi ses propres compétences techniques et d’expertise.

En revanche, il est vrai que le projet de loi prévoit, comme cela est expliqué dans l’étude d’impact, que la nature des avis techniques publiés et les modalités de publication seront définies par le règlement intérieur, « en fonction de la nature des dossiers et des décisions traitées par l’ASNR »…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. François Bonhomme. À ce sujet, l’Anccli demandait que « le contenu du règlement intérieur de l’ASNR réponde aux principes de transparence tels qu’ils sont précisés dans la Charte de l’environnement ». (Marques dimpatience sur les travées du groupe GEST. – Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. François Bonhomme. Je partage ce point de vue. La transparence publique de l’expertise est la garante de la sûreté nucléaire… (Marques dimpatience et début de chahut sur les travées des groupes GEST et Les Républicains.)

Mme la présidente. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, mon cher collègue !

La discussion générale commune est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)

 
 
 

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

Je vous rappelle que la discussion générale commune est close.

Organisation des travaux

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pourrions achever l’examen de ces deux textes ce soir, à la condition de terminer à une heure raisonnable – vers une heure du matin, si cela est possible.

En accord avec les commissions et le Gouvernement, je vous invite ainsi à faire preuve, autant que possible, de la plus grande concision dans vos interventions. Je ne manquerai d’ailleurs pas de vous le rappeler le cas échéant au cours de la discussion. (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Très bien !

M. Fabien Gay. On peut partir maintenant ! (Sourires.)

M. le président. Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, du projet de loi ordinaire.

projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire

TITRE Ier

L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE RADIOPROTECTION

Chapitre Ier

Missions et fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Section 1

Dispositions modifiant le code de l’environnement

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
Après l’article 1er

Article 1er

Le livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 591-1 est complété par les mots : « , et, plus généralement, de protéger la santé publique ainsi que l’environnement » ;

2° À l’intitulé du chapitre II du titre IX, les mots : « et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire » sont remplacés par les mots : « et de radioprotection » ;

3° L’intitulé de la section 1 du même chapitre II est ainsi rédigé : « Missions de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » ;

4° Le second alinéa de l’article L. 592-1 est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Elle est investie d’une mission générale d’expertise, de recherche et de formation dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

« En relation avec des organismes publics ou privés, français ou étrangers, elle contribue, par ses travaux d’analyse, de mesurage et de dosage ainsi que par ses activités d’expertise, de recherche et de formation, au maintien d’un haut niveau de compétences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et concourt à l’amélioration constante des connaissances, scientifiques et techniques, dans ces domaines.

« Elle assure une veille permanente en matière de radioprotection sur le territoire national.

« Elle contribue à la surveillance radiologique de l’environnement et des personnes exposées aux rayonnements ionisants, au recueil et à l’analyse de données dosimétriques concernant la population générale, les travailleurs et les patients, y compris en cas d’accident nucléaire.

« Elle contribue aux travaux et à l’information du Parlement, dont l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et les différentes commissions parlementaires compétentes, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

« Elle participe, dans ses domaines de compétence, à l’information du public et à la mise en œuvre de la transparence. » ;

5° L’intitulé de la section 2 dudit chapitre II est ainsi rédigé : « Collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ».

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à saluer sincèrement l’important travail de fond réalisé sur ces textes par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques – je pense en particulier à leurs présidents et à leurs rapporteurs –, mais aussi par l’Opecst.

Je prendrai aussi la parole sur l’article 4 et je vais tenter, monsieur le président, de réaliser une synthèse de mes interventions.

Je veux quand même rappeler que cet article vise à créer une nouvelle autorité : l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

En France, nous avons cent vingt-quatre installations nucléaires de base. Les exploitants en sont les premiers responsables en termes de sûreté, mais l’ASN et l’IRSN jouent aussi un rôle en la matière.

La création d’une nouvelle structure vise à renforcer l’attractivité du secteur de la sûreté nucléaire. La commission des affaires économiques a souhaité conforter la sécurité juridique de cet article et lever toute ambiguïté sur le champ de la mission d’information du public et de transparence de l’ASNR.

Je fais confiance aux membres des deux commissions, qui ont fait un travail approfondi et qui ont aussi su préserver la diversité des statuts des personnels des entités concernées. C’est pourquoi je soutiendrai cet article.

M. le président. L’amendement n° 21, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, nous engageons avec ce texte la sécurité de notre parc nucléaire pour quelques siècles. Par conséquent, je pense que nous devons prendre le temps qu’il faut !

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er du projet de loi ; il s’inscrit évidemment dans la lignée de la motion tendant à opposer la question préalable que nous avons déposée. Nous voulons ainsi réaffirmer notre opposition à ce texte.

L’article 1er organise le démantèlement de l’IRSN aux dépens de l’indépendance et de la crédibilité des expertises. Notre système dual a pourtant fait ses preuves et cette indépendance de l’expertise, loin de la pression de l’autorité de contrôle ou des exploitants, est aujourd’hui un atout indéniable.

Alors que nous avons déjà dressé, lors de la discussion générale, la longue liste de tous les risques posés par cette réforme, nous attendons toujours, après plus d’une heure de débat, de comprendre ses avantages – nous ne les avons toujours pas entendus, monsieur le ministre !

Nous voulons citer ici l’ensemble des organisations ayant émis des interrogations, des doutes ou leur opposition à ce projet.

Ainsi, dans son avis de mars 2023, la CNDASPE relève que renoncer au système dual expose à ce que les fonctions de gestion confiées à l’entité pèsent sur l’expertise et la recherche au risque d’en affecter la qualité.

La Cour des comptes, le Conseil d’État, l’Opecst comme nos propres débats en commission ont montré la complexité de cette réforme.

La plupart des organismes consultés sur le projet de loi – HCTISN, Anccli, CNTE, organisation syndicale des salariés de l’ASN… – ont émis de fortes réserves sur ce projet de loi.

L’intersyndicale de l’IRSN a, quant à elle, affiché très clairement son refus de ce projet de loi. D’ailleurs, elle a appelé à manifester de nouveau demain. Le Sénat aura peut-être déjà terminé son examen, mais je pense qu’elle maintiendra de toute façon son appel.

La société civile, notamment via le collège des associations membres du HCTSIN, s’oppose fermement à ce projet, dénonçant un recul de la démocratie environnementale.

Enfin, lors des auditions, on nous a indiqué que 80 % des fusions d’organisations se soldaient par un échec.

On sait que l’IRSN est farouchement opposé à ce projet, ce qui constitue évidemment un très mauvais signal pour cette fusion-démantèlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement vise à annuler le projet de réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire. Cette réforme est certes perfectible, mais elle est souhaitable.

Pour les raisons que j’ai développées pendant la discussion générale et en réponse à la question préalable, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je ne peux pas croire que M. Salmon considère que la discussion générale a commencé quand le Gouvernement a fini de parler ! J’ai précisément utilisé les dix minutes dont je disposais alors pour vous expliquer les raisons pour lesquelles il était souhaitable de faire cette fusion et pour vous présenter l’ensemble des garanties qui étaient apportées.

Ne pas vous avoir convaincu n’est qu’une demi-surprise, mais cela ne me semble pas devoir justifier un tel amendement de suppression.

L’avis est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Chaize et Gremillet, Mme Belrhiti, MM. Reichardt, Sautarel, Daubresse, Piednoir, Burgoa, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, MM. Milon et Klinger, Mme Dumont, M. Bonhomme, Mmes Gosselin, Richer et Lassarade, MM. Bouchet, D. Laurent, Somon et Brisson, Mmes Primas, Puissat et Di Folco, MM. J.B. Blanc et Favreau, Mmes Gruny et Estrosi Sassone, MM. Pellevat, Savin, Belin, Mouiller et Laménie, Mme Berthet et MM. Michallet, Bruyen et Meignen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Après le mot :

Autorité

insérer le mot :

indépendante

II. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article L. 592-1, après les mots : « L’Autorité de sûreté nucléaire » sont insérés les mots : « , dénommée “Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection” , ;»

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise à renforcer la notion d’indépendance dans le nom même de la nouvelle autorité.

Je vous rappelle que, en 2023, lors de l’examen du projet de loi d’accélération du nucléaire, le Sénat avait identifié un certain nombre de secteurs – le cyber, le dérèglement climatique, etc. – où cette autorité aurait à remplir des missions nouvelles.

Notre amendement vise à dénommer cette autorité : Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il nous semble que ce changement est important tant pour le collège et les personnels que pour les pouvoirs publics et les citoyens.

Le rapport de l’Opecst du 11 juillet 2023 rappelait aussi l’importance de cette notion d’indépendance.

Cet amendement a tout simplement pour but de changer la dénomination de la nouvelle autorité pour renforcer la notion d’indépendance. En effet, le Sénat ne veut absolument pas transiger sur la question de la sécurité nucléaire.

M. le président. L’amendement n° 87, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article L. 592-1, les mots : « L’Autorité de sûreté nucléaire est une autorité administrative » sont remplacés par les mots : « L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est une autorité publique » ;

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Cet amendement, qui a été rédigé avec l’intersyndicale de l’IRSN – je veux d’ailleurs saluer ses représentants qui sont en tribune et écoutent nos débats –, concerne le statut de la nouvelle autorité : faut-il une autorité administrative indépendante (AAI) ou une autorité publique indépendante (API) ?

Nous penchons plutôt pour une autorité publique indépendante et quatre arguments plaident en ce sens.

D’abord, une API est une institution dotée de la personnalité morale qui veille à protéger les droits des citoyens sans être soumise à l’autorité de l’État, ce qui lui permet d’exercer ses missions de manière impartiale et libre de tout conflit d’intérêts.

Ensuite, le statut d’API permet une indépendance financière – or c’est le nerf de la guerre.

Enfin, divers autres éléments plaident en ce sens, par exemple : la reprise des brevets et des engagements contractuels, la possibilité de disposer de flux financiers ou encore le maintien, dans des conditions optimales, des collaborations de recherche tant en France qu’à l’international.

Il y a un dernier point, monsieur le ministre, qui nous est cher, vous le savez : le devenir des salariés qui exercent dans l’activité de dosimétrie. Si nous adoptons votre projet de fusion, ils ne pourront pas intégrer la future ASNR, parce que le statut d’AAI ne permet pas de développer des activités commerciales. Or le statut d’API le permettrait.

Pour toutes ces raisons et dans le cas où le projet de fusion serait adopté, nous préférons que la future autorité soit une autorité publique indépendante.

M. le président. L’amendement n° 90, présenté par Mme Guhl, MM. Dantec, Salmon, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article L. 592-1, le mot : « administrative » est remplacée par le mot : « publique » ;

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de défendre Fabien Gay et je m’appuierai sur deux raisons principales pour justifier notre choix en faveur du statut d’API.

Tout d’abord, il s’agit de garantir la continuité du service.

Ensuite, ce statut permettrait de ne pas démanteler les activités actuelles de l’IRSN, en les éparpillant dans d’autres structures. Fabien Gay a évoqué les activités commerciales, en particulier la dosimétrie, mais il est également important de maintenir les activités de formation, ce que permettrait le statut d’API.

À la différence du statut d’autorité administrative indépendante, le statut d’autorité publique indépendante permet à la fois une personnalité morale, une autonomie budgétaire, une souplesse de gestion et le maintien des activités de l’IRSN au sein de la nouvelle structure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Concernant l’amendement n° 91 rectifié, je comprends sa logique, mais je reste partagé.

Je note qu’aucune autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante ne fait figurer la notion d’indépendance dans son nom. Ajouter cette notion dans le nom de la future ASNR ne laisse-t-il pas imaginer que les autres AAI ou API ne seraient pas indépendantes ?

Pour autant, je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, dont le premier cosignataire est Patrick Chaize ; je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Les amendements nos 87 et 90 posent une autre question : faut-il donner à la future ASNR le statut d’autorité publique indépendante plutôt que celui d’autorité administrative indépendante ?

J’ai pris le temps, dans mes travaux préparatoires, de peser les avantages et les inconvénients associés à ces différents statuts et j’ai fini par opter pour celui d’AAI pour deux raisons principales.

L’ASN est aujourd’hui une AAI. Si nous choisissions le statut d’API, les fonctionnaires ne seraient plus en position normale d’activité ; ils devraient être détachés au sein de la nouvelle autorité. Cela risquerait de réduire l’attractivité de l’ASNR pour ces personnels, qui se posent déjà des questions quant à la place occupée par des agents de droit public dans une nouvelle entité majoritairement composée de salariés de droit privé.

Il me semble également préférable de ne pas alourdir plus que nécessaire la phase de transition – d’ici au 1er janvier 2025. C’est immanquablement ce que nous ferions en optant pour le statut d’API, compte tenu, je le rappelle, du fait que l’ASN a aujourd’hui le statut d’autorité administrative indépendante.

C’est pour ces raisons que la commission est défavorable aux amendements nos 87 et 90.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 91 rectifié de M. Chaize pour la même raison que celle avancée par le rapporteur : si le mot indépendant devait être présent dans l’intitulé de toutes les AAI ou API, nombreuses sont celles qui devraient être renommées !

En outre, ce n’est pas parce qu’on met « indépendant » dans son titre qu’une structure l’est réellement ! Cela pourrait même laisser penser qu’aujourd’hui l’ASN ne l’est pas…

S’agissant des amendements nos 87 et 90, trois raisons justifient mon avis défavorable.

Tout d’abord – et c’est la raison la plus importante –, lorsqu’il s’est agi, en 2006, de déterminer le statut de l’ASN, les différentes possibilités avaient déjà été comparées et les rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat, Henri Revol et Bruno Sido, avaient considéré qu’il fallait mieux choisir le statut d’AAI plutôt que celui d’API. Or rien dans les arguments mentionnés dans leur rapport n’est réellement différent aujourd’hui.

Il y a ensuite les raisons avancées par le rapporteur sur lesquelles je ne reviens pas.

Enfin, j’ajoute qu’une API a une personnalité morale. De ce fait, sa responsabilité peut être mise en cause pour les conséquences financières des décisions qu’elle prend. Avec un tel statut, la future ASNR devrait donc s’assurer, ce qui représenterait un coût budgétaire extrêmement important en termes de prime à verser. Nous n’aurions alors pas davantage d’indépendance qu’avec le statut d’AAI, mais un coût budgétaire nettement plus élevé à la charge de notre dispositif de sûreté nucléaire.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. M. le ministre nous a invités à nous replonger dans l’histoire des travaux sénatoriaux, nous renvoyant à ceux de 2006 et au choix opéré à l’époque en faveur du statut d’autorité administrative indépendante plutôt que de celui d’autorité publique indépendante.

Mais il faut prolonger la réflexion, monsieur le ministre ! Presque dix ans après ce choix, notre ancien collègue Jacques Mézard a publié, au nom d’une commission d’enquête du Sénat, un rapport sur les autorités administratives indépendantes et il a ensuite déposé une proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes qui a été adoptée par le Sénat en première lecture en janvier 2016 – à l’unanimité me semble-t-il – et qui est devenue loi. Chacun se rappellera qui siégeait sur ces travées à cette époque…

Cette loi prévoit que les API disposent de la personnalité morale et nous étions alors tous convaincus, chacun selon sa sensibilité politique, que ce statut devait se développer, parce qu’il apportait plus de transparence et d’efficacité.

Si j’étais insolente, monsieur le ministre, je pourrais donc dire que vous balayez un peu vite les travaux de l’un de nos anciens collègues devenu entre-temps ministre d’un gouvernement soutenu par votre majorité et que vous oubliez le vote que vous avez très certainement émis lorsque vous siégiez ici.

Sur le fond, ces amendements ont toute leur pertinence au moment où nous parlons de sûreté nucléaire – un enjeu essentiel pour l’avenir de notre pays. C’est pourquoi nous devons les adopter.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. J’entends les différents arguments qui ont été avancés, notamment le coût et la nécessité de transférer les fonctionnaires de l’ASN – ils y sont majoritaires aujourd’hui – vers la future entité.

Mais, monsieur le ministre, vous savez très bien que les fonctionnaires de l’ASN sont extrêmement inquiets. Vont-ils pouvoir conserver leur statut, alors qu’ils seront minoritaires par rapport aux agents de droit privé ? Il vous appartient de répondre à leurs inquiétudes et de dire si vous souhaitez ou non garder des fonctionnaires dans la future ASNR. Les choses ne sont pas claires aujourd’hui.

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu, monsieur le ministre, sur la question du sort des activités de dosimétrie. Les agents concernés sont les grands sacrifiés de cette réforme et ils sont en train de partir. En vous y prenant de la sorte, vous allez avoir un problème de recrutement lorsque vous voudrez transférer ces activités : il n’y aura plus personne ! Vous n’avez pas répondu sur cette question et il faudra bien que vous le fassiez avant la fin de l’examen de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, je voudrais essayer de vous convaincre.

Dans votre réponse, vous ne faites allusion qu’à l’ASN. Or, dans ce projet de réorganisation, il n’est pas seulement question de sûreté : avec l’IRSN, on ajoute la radioprotection et des aspects scientifiques et technologiques. Le champ est donc bien plus vaste.

En outre, nous sommes dans une phase d’évolutions très importantes : relance du nucléaire, prolongation de la durée de vie des centrales, apparition de start-up qui font émerger des problématiques nouvelles, etc. Par exemple, nous devrons procéder à des installations dans des territoires qui ne sont pas habitués au nucléaire et les acteurs locaux devront apprendre à faire fonctionner les commissions locales d’information.

C’est pourquoi il est essentiel de bien préciser dans son titre que la nouvelle autorité est indépendante.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 87 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 90.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après le mot :

expertise

insérer les mots :

fondée sur l’état de l’art des connaissances scientifiques et techniques, indépendante de tout intérêt politique, économique ou commercial particulier

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Toujours dans un souci de protection de l’intérêt général et de renforcement de la confiance – un élément essentiel à la relance du nucléaire –, il nous paraît opportun, pour ne pas dire indispensable, que l’expertise de la future autorité ne soit pas limitée par des critères de faisabilité industrielle ou liés à un bilan coûts-avantages qui mettraient sur un même plan intérêt économique et protection de la santé publique et environnementale.

Cette précision nous semble d’autant plus importante que nous avions déposé un amendement qui prévoyait que la nouvelle autorité soit dotée d’un conseil scientifique chargé de l’évaluation de la qualité des travaux de recherche et d’un comité pluraliste d’orientation des recherches dont les avis auraient été rendus publics. La nouvelle autorité aurait alors eu pour objectif de répondre aux enjeux de démocratie environnementale et sanitaire en matière d’évaluation des risques.

Malheureusement, notre amendement a été déclaré irrecevable. Pourtant, ces organes d’évaluation et d’orientation existent aujourd’hui au sein de l’IRSN.

Cette dissolution-réorganisation ne doit pas ressembler à une procédure bâillon contre l’indépendance de l’IRSN ni nier la spécificité du système dual.

Le reproche formulé à l’encontre de l’IRSN sur l’absence de prise en compte de la faisabilité industrielle que prend en compte l’ASN dans ses décisions ne doit pas être l’argument qui sous-tend toute cette réforme. Il s’agit bien au contraire d’une force, comme l’ont si justement mis en avant de nombreux salariés de l’IRSN : selon eux, c’est justement ce qui permet à l’expert, qui ainsi ne subit pas le poids de la décision à prendre ensuite, de travailler en toute liberté sur la base d’éléments techniques et scientifiques.

Rien ne doit laisser penser que le seul objectif du Gouvernement est d’affaiblir la sûreté pour accélérer la mise en œuvre des chantiers annoncés par le Président de la République, alors même qu’il faudrait l’améliorer encore. Cette fusion ne doit pas être conduite avec le seul objectif de simplifier la vie de la filière nucléaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Je partage les objectifs des auteurs de cet amendement. L’expertise doit en effet être fondée sur l’état de l’art des connaissances scientifiques et techniques. C’est l’exercice combiné de l’expertise et de la recherche, plus qu’une proclamation, qui garantit cette excellence de l’expertise. L’expertise doit également être indépendante de tout intérêt.

L’indépendance est garantie par la commission d’éthique et de déontologie qui prohibe les conflits d’intérêts et par le statut particulier d’AAI qui est protecteur.

Il semble redondant d’inscrire les précisions proposées dans l’article relatif aux missions de l’ASNR. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Cet amendement est doublement satisfait : d’une part, grâce au statut d’AAI sur lequel le Gouvernement et la commission sont d’accord ; d’autre part, en raison de l’adoption par le Sénat de l’amendement n° 91 rectifié qui visait à insérer le mot « indépendant » dans le nom de la future autorité.

Adopter cet amendement serait redondant.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. Burgoa et Sol, Mme Belrhiti, MM. Sautarel, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, M. Milon, Mme Garnier, MM. Klinger, Mouiller et Bonhomme, Mme Gosselin, M. Courtial, Mme Richer, M. Rapin, Mme Lassarade, MM. Bouchet et D. Laurent, Mme Jacquemet, MM. C. Vial, Hingray et Brisson, Mmes Herzog et Aeschlimann, MM. H. Leroy et Menonville, Mme Di Folco, MM. Bazin, Favreau et Mizzon, Mmes de Cidrac et Gruny, M. Mandelli, Mme Joseph, M. Pellevat, Mme Schalck, MM. Pointereau, Savin, Belin et Laménie, Mmes Pluchet et Berthet, MM. Sido, Michallet, Somon, Bruyen, Gremillet et Meignen et Mme Primas, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle veille, dans ses domaines de compétence et, à exigences de sûreté nucléaire et de radioprotection inchangées, à tenir compte, sur un plan procédural, des projets de production ou de recherche nucléaires innovants, tels que les petits réacteurs modulaires ou les réacteurs de quatrième génération.

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Cet article 1er vise à fixer les missions de la future ASNR. Je propose par cet amendement de tenir compte de l’une des préconisations de l’Opecst, dont le rapport a été – je m’en félicite – abondamment cité lors de cette séance.

Le rapport de l’Opecst proposait ainsi de « créer les conditions d’un dialogue approfondi avec les nouveaux opérateurs du nucléaire, en adaptant si nécessaire les procédures et en lien avec les autorités de sûreté étrangères, sans pour autant renoncer au plus haut niveau de sûreté qui devra s’appliquer à leurs installations ».

Cette préconisation visait à prendre en compte l’ampleur des missions – un véritable mur ! – qui vont être à la charge de la future autorité, dont une partie est plus ou moins nouvelle, par exemple les réacteurs innovants de quatrième génération et les petits réacteurs modulaires.

Cet amendement vise à préciser que, dans ses domaines de compétences, l’ASNR aura à tenir compte, sur le plan procédural, des projets de production dans ces deux domaines – réacteurs innovants et petits réacteurs modulaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement avait été déposé en commission, mais il n’avait pas été adopté. Je partage l’intention de ses auteurs, de même que la recommandation de l’Opecst sur laquelle ils s’appuient.

J’avais toutefois noté que la rédaction me semblait quelque peu imprécise et donc source d’insécurité juridique, puisqu’on a du mal à comprendre ce que signifie « tenir compte, sur un plan procédural, des projets de production ou de recherche nucléaires innovants ».

Mettre en œuvre la recommandation de l’Opecst, c’est-à-dire adapter les échanges entre le régulateur et les start-up du nucléaire et faire preuve d’agilité, nécessitera bien plus qu’un amendement législatif. Il s’agit avant tout d’adapter la culture de la future autorité à la nouvelle réalité de la filière.

Pour autant, je m’en remets à l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. On ne peut pas, dans le même temps, considérer que nous connaissons une inflation normative et insérer des dispositions qui n’ajoutent rien…

Qui plus est, ajouter la précision demandée requerra demain, si nous sommes face à une innovation majeure, de changer la loi pour demander à l’ASNR de s’en occuper.

À partir du moment où l’on se dote d’une autorité disposant d’une capacité de recherche et sans limitation dans le temps, il n’est pas pertinent de fixer dans la loi l’état actuel des connaissances scientifiques – cela pourrait apporter une forme de confusion.

Le but même de l’ASNR est de participer à des actions de recherche. D’ailleurs, l’une des qualités du rapport de l’Opecst est d’insister sur le fait qu’il ne faut pas la « déshabiller » en lui retirant cette mission. Dans ces conditions, il serait paradoxal de dire à l’ASNR dans quels domaines elle doit orienter ses recherches. Si nous le faisions, cela pourrait aussi vouloir dire qu’elle ne peut pas mener de recherches dans d’autres secteurs, sauf à modifier la loi.

C’est pour éviter d’avoir une loi bavarde et au nom de la cohérence que je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 18 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président ; je me laisse convaincre par le ministre…

Je comprends l’argument du rapporteur sur l’imprécision de la rédaction, mais il me semble important de prendre en compte les deux domaines que j’ai évoqués – les réacteurs innovants et les petits réacteurs modulaires – et j’espère que la suite de la navette parlementaire permettra de le faire.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 7, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 11

1° Remplacer le mot :

participe

par le mot :

assure

2° Remplacer les mots :

à l’information du public et à

par les mots :

la formation et l’information du public et des acteurs concernés ainsi que

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement de repli vise à inscrire dans les missions de la future ASNR des garanties sur la démocratie environnementale, (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) la transparence et le droit à l’information.

Il est important d’intégrer ces éléments dans la loi afin que ce texte ne soit pas synonyme de grave recul par rapport au système existant.

La capacité de l’IRSN à mener un dialogue avec la société civile est reconnue, appréciée et indispensable. En effet, l’IRSN a développé une action importante pour l’information du public sur les risques nucléaires et radiologiques.

De plus, il mène une action spécifique de formation auprès des acteurs représentés au sein des commissions locales d’information (CLI). Cette formation permet des échanges plus pertinents dans ces instances et d’améliorer les compétences de leurs membres. Elle permet un approfondissement du dialogue technique et environnemental qui améliore l’expertise et donc le niveau de sûreté.

Veut-on encore élever le niveau de débat dans ce pays ou veut-on revenir à l’omerta bien propre au nucléaire ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

En outre, à travers l’IRSN Academy, l’IRSN dispense des formations contribuant à une meilleure prévention et protection contre les dangers des rayonnements ionisants. Radiologues, médecins, industriels, ingénieurs en sûreté nucléaire ou en environnement sont concernés par ces formations, parce que l’IRSN ne s’occupe pas que des centrales nucléaires.

Le projet de loi ne définit aucune obligation pour l’ASNR de poursuivre ce dialogue approfondi avec la société civile. Il ne reprend aucun élément de la charte d’ouverture à la société que l’IRSN a signée avec sept autres organismes : l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Santé publique France et l’université Gustave Eiffel. Sans doute là aussi, des contre-pouvoirs qui gênent…

Or, comme le dit le rapport de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, l’organisation de la sûreté nucléaire en France peut être qualifiée de quadripartite : elle s’appuie sur l’ASN, l’IRSN, l’exploitant et la société civile. Il s’agit, comme on le disait tout à l’heure, de ne pas couper ce pied de la société civile !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. L’information du public constituera une mission majeure pour la future ASNR. Cela apparaît clairement dans le texte.

Néanmoins, je ne crois pas qu’on puisse ajouter la « formation » du public comme le proposent les auteurs de cet amendement. En effet, la formation désigne la transmission des connaissances dans un cadre professionnel ou scolaire ; on parle alors de formation continue ou initiale. Je ne crois pas que cette terminologie puisse s’appliquer au module de sensibilisation destiné au public.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je crois que la commission a trouvé une formulation équilibrée : l’ASNR participe, dans ses domaines de compétence, à l’information du public.

Si l’on retenait la rédaction proposée dans cet amendement, on pourrait considérer que l’ASNR serait seule responsable de la totalité des programmes de formation concernant le nucléaire, ce qui serait évidemment excessif.

C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 80, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11

1° Après le mot :

œuvre

insérer les mots :

des exigences de

2° Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :

et de partage des connaissances dans le respect des droits à l’information du public, telles que le prévoit l’article 7 de la charte de l’environnement et la convention d’Aarhus du 25 juin 1998. À ce titre, elle assure une mission de dialogue renforcé avec la société civile en garantissant l’information et la participation des commissions locales d’information et de leur association nationale, des élus locaux ainsi que des associations regroupant des citoyens s’intéressant au risque radiologique et nucléaire, notamment dans le cadre du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire.

II. – Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le règlement intérieur définit les modalités de cette mission d’information et de dialogue renforcé avec le public en garantissant la pérennité des exigences issues de la charte de l’ouverture à la société de l’IRSN, en date du 10 avril 2009. » ;

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à inscrire dès l’article 1er de ce projet de loi, qui clarifie les missions et le fonctionnement de la future entité de contrôle de la sûreté nucléaire, les exigences à remplir en termes de droit à la transparence, d’information et de participation du public.

La publication des avis de l’IRSN relève aujourd’hui du domaine de la loi. Un simple renvoi au règlement constituerait un affaiblissement de leur protection, alors même que ces garanties ont aujourd’hui une valeur constitutionnelle : elles figurent à l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui renvoie notamment aux droits inscrits dans la convention d’Aarhus et à une directive européenne.

À ce titre, elle assure une mission de dialogue renforcée avec la société civile et garantit l’information et la participation des commissions locales d’information et de leur association nationale, dans lesquelles siègent des élus locaux, ainsi que des associations qui regroupent des citoyens qui s’intéressent aux risques radiologiques et nucléaires. Il nous semble nécessaire de conforter ce dialogue. Cet amendement vise donc à assurer la pérennité des actions menées par l’IRSN depuis sa création.

Ce qui relève de la loi est forcément plus protecteur et plus solide que ce qui relève du règlement intérieur, qui peut être bousculé beaucoup plus facilement. Plusieurs l’ont dit : depuis le début, tous les avis convergent vers la nécessité de sauvegarder des spécificités fortes et utiles de l’IRSN – excellence et indépendance, partage et anticipation. Inscrire un certain nombre de ces principes dans la loi plutôt que dans le règlement intérieur serait utile au regard des enjeux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Le présent amendement tend à préciser les missions de la future ASNR, mais il entre trop dans le détail. Il me semble un peu bavard, si vous me permettez l’expression.

L’obligation imposée à la future autorité de respecter la Charte de l’environnement et la convention d’Aarhus est superfétatoire : le cadre constitutionnel et conventionnel s’applique implicitement à l’ensemble des autorités administratives.

L’ASNR devra en effet garantir l’information et la participation du public. Plutôt que de lister les différents vecteurs d’information, il paraît souhaitable de laisser l’ASNR définir les modalités qu’elle jugera appropriées.

Enfin, l’élévation au niveau législatif de la Charte d’ouverture à la société de 2009 de l’IRSN n’est pas souhaitable : il s’agit d’un document interne à l’établissement. L’ASNR aura vocation à définir son propre cadre d’association du public.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Avis identique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par Mme Guhl, MM. Dantec, Salmon, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 72 est présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle est dotée de moyens financiers et humains suffisants pour garantir son indépendance et mener à bien sa mission. » ;

La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour présenter l’amendement n° 6.

Mme Antoinette Guhl. À chaque projet de loi de finances, l’ASN fait part de ses besoins financiers accrus. Du côté de l’IRSN, les ressources annuelles, actuellement évaluées à environ 270 millions d’euros, sont en déclin, tandis que la complexité et le nombre des dossiers d’expertise auxquels l’IRSN doit faire face sont en constante augmentation.

Nous sommes à la croisée des chemins, entre l’augmentation à venir exceptionnelle de nouvelles installations et le maintien en état d’installations vieillissantes.

Dans ce contexte, la garantie d’une allocation budgétaire appropriée pour la nouvelle entité est cruciale et cette fusion ne pourra donner lieu à des économies.

D’ailleurs, lors de son audition en janvier 2024 par les commissions du Sénat chargées de ce projet de loi, le président actuel de l’ASN disait : « L’organisation future ne pourra assumer ses missions avec efficacité sans un renforcement substantiel de ses moyens, de ses compétences et de son mode d’organisation. »

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement, qui vise à insérer une obligation de moyens au sein des missions de la future ASNR, car il est essentiel de garantir que cette autorité soit pourvue de moyens humains et financiers suffisants. C’est la seule façon de préserver l’indépendance de l’ASNR et de lui permettre d’accomplir pleinement sa mission cruciale pour la sécurité de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 72.

M. Fabien Gay. Ce projet de loi présente une difficulté majeure. Il passe à côté de l’essentiel : la question des moyens humains et financiers.

Nous sommes d’accord pour dire que la future autorité, si nous votons sa création, connaîtra un surcroît de travail par rapport aux vingt dernières années : le grand carénage, les EPR2, et tant d’autres choses…

Monsieur le ministre, vous avez pris comme référence le Canada. Le Canada, aujourd’hui, compte 19 réacteurs nucléaires et son autorité 670 salariés. L’ASN française contrôle 56 réacteurs nucléaires et compte 550 salariés. Si nous voulions être au même niveau que les Canadiens, il nous faudrait 1 974 salariés ! Le problème est bien là. La question des moyens financiers et humains se pose.

Vous connaissez notre opposition à la fusion – nous y reviendrons –, mais la question des moyens va être posée. Fusionner deux entités pauvres ne fait pas un champion !

Autre difficulté : au regard des incertitudes actuelles, concernant notamment l’IRSN, un certain nombre de chercheurs de droit privé s’en détournent et ne voudront pas travailler au sein dans la future autorité.

Il faut donc nous dire quels moyens humains et financiers significatifs vous allez donner à cette future entité, pour qu’elle puisse exercer ses missions dans les meilleures dispositions possible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Je partage l’objectif des auteurs de cet amendement, qui est de garantir que la future ASNR soit dotée des moyens nécessaires pour assurer ses missions, qu’ils soient financiers ou humains. Je l’ai rappelé à de multiples reprises : que cette réforme se fasse ou non, il faudra être au rendez-vous sur la question des moyens.

M. Fabien Gay. Tout à fait !

M. Pascal Martin, rapporteur. Je le martèle chaque année, en tant que rapporteur budgétaire pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques : la sûreté nucléaire doit disposer de moyens adéquats.

Le vecteur législatif ne me semble pas le bon : plutôt que d’exprimer un vœu pieux dans le code de l’environnement, nous devons continuer à veiller chaque année à ce que le projet de loi de finances (PLF) dote l’ASNR de moyens suffisants.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Mon avis est défavorable, mais je vais répondre à votre question sur les moyens, qui est très légitime. La question des moyens budgétaires, au-delà de la forme juridique, a un sens.

Ce projet de loi prévoit – le texte est explicite – 15,7 millions d’euros de progression des rémunérations pour les agents après la fusion. Je ne parle que des agents de droit privé – j’en viendrai plus tard aux agents de droit public. (Mme Sophie Primas sétonne.)

M. Fabien Gay. Oui, nous en parlerons tout à l’heure !

M. Christophe Béchu, ministre. Cela représente 10 000 euros par salarié !

M. Franck Montaugé. Ce n’est pas le sujet !

M. Christophe Béchu, ministre. Je peux comprendre que vous considériez que cela représente peu de choses, mais voilà la réalité : 15 millions d’euros pour les agents de l’IRSN et 700 000 euros pour les agents de droit privé de l’ASN. C’est dans le texte.

Ensuite se pose la question des fonctionnaires de l’ASN, question qui n’est pas traitée par la loi, mais par des décrets. Il va de soi que les discussions ont vocation à se poursuivre, compte tenu de ce que nous envisageons pour les agents de droit privé et pour des raisons d’équité et d’accompagnement des compétences des agents de l’ASN, au service de la sécurité nucléaire dans ce pays.

J’émets donc un avis défavorable sur vos amendements. Cependant, pour ce qui concerne les moyens, le Gouvernement prend ses responsabilités : ces sommes portent bien sur l’année 2024 !

M. Fabien Gay. C’est la carotte…

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, nous allons en effet être devant un mur, et je ne sais pas si nous arriverons à le franchir : un parc vieillissant, qui va demander des visites décennales, de nouveaux EPR, qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’EPR1, qui a été un fiasco – je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie –, et puis d’hypothétiques SMR, de l’inconnu que l’on va placer on ne sait trop où, dans des zones d’activité, impliquant des problèmes de sûreté et de sécurité énormes !

Pour le même parc, les États-Unis comptent 4 000 salariés au sein de l’autorité équivalente à l’ASN.

M. Christophe Béchu, ministre. Idem pour l’ASNR !

M. Daniel Salmon. Nous n’en sommes encore qu’à l’ASN, qui compte environ 2 200 salariés. Vous parlez d’augmentations de salaire – bien entendu, il faut le faire –, mais il faut aussi recruter de la compétence ! C’est bien là que le bât blesse.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. C’est un tout autre débat !

M. Daniel Salmon. Cette réorganisation n’est pas du tout étrangère à ce mur, qui, je pense, vous fait couler quelques gouttes de sueur. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. M. Salmon prend les États-Unis pour modèle, or c’est précisément le pays où il n’y a plus qu’une seule autorité nucléaire, issue d’une fusion des agences. Vous appelez de vos vœux des recrutements massifs pour accompagner la relance du nucléaire. C’est un pas dans la bonne direction.

M. Daniel Salmon. Je parle de sûreté !

M. Christophe Béchu, ministre. Nous assumons – cela est écrit tel quel dans le texte – des augmentations pour les salariés présents dans les structures, à hauteur de 15 millions d’euros pour l’IRSN et de 700 000 euros pour l’ASN ; la discussion va se poursuivre au sujet des fonctionnaires, pour lesquels les évolutions passeront par décret.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Si j’étais syndicaliste à l’IRSN ou à l’ASN, je vous dirais que ces 15,7 millions d’euros, c’est la carotte pour faire avaler la fusion. Mais, comme je ne suis pas syndicaliste,…

Mme Sophie Primas. Du moins à l’ANS ! (Sourires.)

M. Fabien Gay. … je ne vous le dis pas. Quoi qu’il en soit, la question n’est pas là, monsieur le ministre. Nous y reviendrons à l’article 11, car nous avons des propositions à vous faire.

Revaloriser les salariés de l’IRSN et de l’ASN… pas de problème, nous sommes pour ! Cependant, l’autorité aura de nouvelles missions, comme la construction des six plus huit, soit quatorze EPR, et le grand carénage.

Je suis d’accord avec M. le rapporteur : il y a déjà des problèmes d’effectifs ; qu’il y ait fusion ou non, le même problème se pose chaque année.

Je ne suis pas un grand spécialiste, mais j’écoute les agents de l’IRSN et de l’ASN. Tous disent qu’il faudra recruter entre 500 et 1 200 personnes au cours des prochaines années. Ce processus est long. Il faudra proposer des emplois attractifs, d’abord grâce aux salaires, puis en donnant envie de rester dans la structure, notamment aux chercheurs de droit privé ; beaucoup font des allers-retours – c’est une bonne chose, mais il faut aussi savoir garder nos compétences.

Allez-vous ouvrir des concours ? Combien d’argent allez-vous mettre sur la table ? Voilà les questions auxquelles il faut répondre, au lieu de nous parler de ces 15 millions d’euros destinés à faire avaler la fusion aux salariés déjà présents. Combien allez-vous recruter d’agents au cours des prochaines années, pour assurer les missions existantes comme les futures missions ? Là, vous ne répondez pas…

Vous allez faire cette fusion demain, alors que les salariés s’interrogent et que certains partent ! Qu’allez-vous faire pour rendre cette future autorité attractive ? Ces 15 millions d’euros de revalorisation n’y suffiront pas. Peut-être faudra-t-il en débattre lors de l’examen du prochain budget, pour allouer les moyens nécessaires à cette future entité.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je rejoins les propos de M. Gay. Ce débat est fondamental.

Quelle est votre projection budgétaire à court terme pour le futur établissement ? Le facteur multiplicateur pour les dossiers à traiter serait de dix. Est-ce le bon chiffre ? Ce qui est incontestable, c’est l’ampleur des chantiers rappelés par M. Gay.

Au-delà des apports financiers bienvenus pour une partie des personnels aujourd’hui en poste, quelle est la projection budgétaire de votre ministère pour le court terme ? Je parle bien de court terme, à l’échéance de cinq à dix ans.

M. Fabien Gay. Il n’y en a pas !

M. Franck Montaugé. Ces éléments seraient de nature à nous éclairer, et surtout à rassurer les personnels, voire rendre les postes attractifs pour de futurs candidats. La question ne me semble pas résolue.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’entends vos arguments : je suis prêt à discuter, même si je suis parfois en désaccord. S’il faut répondre pied par pied, je vais le faire. Vous regrettiez qu’il n’y ait pas de ministre capable de vous répondre, et vous m’obligez maintenant à entrer dans des points de détail qui dépassent le texte que nous examinons. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

M. Fabien Gay et Mme Sophie Primas. Ce ne sont pas des détails !

M. Christophe Béchu, ministre. Je veux commencer par revenir sur des comparaisons hâtives. Les États-Unis comptent 93 réacteurs nucléaires, et 2 900 personnes travaillent dans l’organisme équivalent de l’ASNR. La démonstration de M. Salmon conduirait plutôt à prouver que notre ratio d’emplois par rapport au nombre de réacteurs serait supérieur à celui des États-Unis. Or il utilise cet argument pour aboutir à une conclusion exactement contraire. Je ne vais tout de même pas devoir entrer dans le détail du salaire moyen des salariés canadiens ou américains !

Quelle est l’intention du Gouvernement ? Il dit, assume et reconnaît que, tout d’abord, nous devons rendre les carrières et les salaires plus attractifs. Même si vous n’êtes pas syndicaliste, je m’excuse de devoir dire que je connais peu de syndicalistes qui ne se satisfont pas d’augmentations de rémunération de 9 % sur une seule année. (M. Fabien Gay proteste.) En tout cas, si vous considérez que ce n’est pas suffisant, voilà qui repousse de manière considérable toute perspective d’accord social dans beaucoup de domaines !

Ensuite, à aucun moment le Gouvernement n’a nié la nécessité d’augmenter les effectifs de l’agence au regard de ses missions de sûreté.

Cependant, je refuse cette contradiction : d’une part, l’AAI voit ses effectifs déterminés par la loi de finances, recrutés au fur et à mesure de l’avancée des procédures administratives et corrélés au calendrier de déploiement de la loi d’accélération sur le nucléaire ; d’autre part, on nous reproche de ne pas disposer d’une projection budgétaire à la minute même où nous parlons, alors que certains pensent que six EPR sont suffisants, d’autres qu’il faut au contraire en ajouter huit, et que les SMR – je redis au président Piednoir qu’ils sont au cœur du dispositif et de la stratégie de relance du nucléaire dans le pays – doivent encore être modélisés.

Le fond de l’histoire, c’est que nous considérons que nous devons avoir ce dialogue avec l’Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection. (M. Franck Montaugé proteste.) Nous aurons ce débat, y compris avec les équipes.

M. Fabien Gay. C’est comme cela que vous allez les rassurer ?

M. Christophe Béchu, ministre. À aucun moment, les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, n’ont manqué à leur responsabilité, qui consiste à doter les agences des moyens nécessaires en matière de sûreté.

Quelles que soient les alternances, l’engagement que nous prenons devant vous est simple : c’est celui de la souveraineté énergétique de notre pays, de la baisse de nos émissions pour sortir des énergies fossiles et du maintien d’un niveau de sûreté qui conduira aux recrutements nécessaires.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 72.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
Article 2

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 65, présenté par MM. Devinaz, Fagnen et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l’article L. 593-19 du code de l’environnement, après le mot : « exploitant », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « au titre de l’article L. 593-10, de nouvelles prescriptions techniques proportionnées. »

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Nous proposons de préciser que les prescriptions techniques de la future autorité doivent être proportionnées.

L’ajout du mot « proportionnées » donnerait un fondement solide aux propositions de la future autorité et permettrait aux autorités nationales compétentes – le Gouvernement, le Parlement, la Cour des comptes – de mieux apprécier le bien-fondé desdites propositions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. L’amendement semble satisfait. La proportionnalité des actes administratifs est un principe général du droit public, il s’impose à l’ensemble des autorités administratives et donc aux décisions de l’ASN. L’absence de proportion d’une décision peut entraîner son annulation contentieuse. La mention explicite de cette exigence n’aurait donc aucun impact, que ce soit sur les décisions de l’autorité ou sur le régime contentieux de ces décisions.

Par ailleurs, le cadre juridique relatif à la prolongation du fonctionnement des installations existantes a déjà été réformé par la loi d’accélération du nucléaire, promulguée il y a moins d’un an. Pour assurer une certaine stabilité juridique, il convient de ne pas revenir sur ce cadre.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 1er
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Article 2 bis (nouveau)

Article 2

La section 3 du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement est ainsi modifiée :

1° A (nouveau) L’intitulé est ainsi rédigé : « Fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » ;

1° L’article L. 592-13 est ainsi rédigé :

« Art. L. 592-13. – Hormis celles expressément confiées à la commission des sanctions ou au président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, les attributions de cette autorité sont exercées par son collège.

« Le règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection prévoit les conditions dans lesquelles le collège peut donner délégation de pouvoirs à son président ou, en son absence, à un autre membre du collège, ou à un membre des services de l’autorité, ainsi que celles dans lesquelles le président peut déléguer sa signature à des personnels des services de l’autorité. Toutefois, ni les avis mentionnés à l’article L. 592-25, ni les décisions à caractère réglementaire ne peuvent faire l’objet d’une délégation. » ;

2° Après le même article L. 592-13, sont insérés des articles L. 592-13- 1 à L. 592-13- 3 ainsi rédigés :

« Art. L. 592-13-1. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection définit, dans son règlement intérieur, les dispositions nécessaires à la mise en œuvre des articles 12 à 14 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, y compris en ce qui concerne les activités d’expertise et de recherche, afin de prévenir les conflits d’intérêts.

« Lorsque l’instruction recourt à une expertise réalisée par ses services, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection opère une distinction entre, d’une part, la personne responsable de l’expertise et, d’autre part, la personne ou les personnes responsables de l’élaboration de la décision et de la prise de décision.

« Le règlement intérieur définit les modalités de distinction et d’interaction entre les personnels chargés des activités d’expertise et les personnels chargés des activités d’élaboration de la décision et de prise de décision.

« Art. L. 592-13- 2 (nouveau). – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection met en place une commission d’éthique et de déontologie chargée de conseiller le collège pour la rédaction du règlement intérieur, de suivre son application et, dans les conditions définies par le règlement intérieur, de garantir le respect des règles fixées aux articles L. 592-13- 1 et L. 592-14.

« Art. L. 592-13- 3 (nouveau). – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection s’appuie en tant que de besoin sur des groupes permanents d’experts, nommés à raison de leurs compétences. Le règlement intérieur définit les modalités de nomination de ces experts et les règles propres à assurer la diversité de l’expertise et à prévenir les conflits d’intérêts. » ;

3° L’article L. 592-14 est ainsi rédigé :

« Art. L. 592-14. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection publie les résultats des expertises réalisées dans le cadre de ses instructions, ainsi que les avis des groupes permanents d’experts prévus à l’article L. 592-13- 3. Le règlement intérieur définit les modalités de publication de ces résultats et des résultats de ses activités d’instruction.

« Les avis rendus dans le cadre prévu à l’article L. 592-29 sont rendus publics dans des conditions définies par l’autorité de saisine mentionnée au même article L. 592-29.

« Elle organise la publicité, sous réserve des secrets protégés par la loi, des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont elle prend l’initiative. » ;

4° (nouveau) L’article L. 592-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection prévoit les conditions dans lesquelles le président peut donner délégation de pouvoir à un membre des services de l’autorité en matière de passation de convention utile à l’accomplissement des missions de l’autorité. »

M. le président. L’amendement n° 22, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Toujours dans la lignée de notre opposition résolue à ce texte, nous proposons la suppression de l’article 2.

Maintenir et approfondir le système dual est pour nous la seule voie – point de vue assez partagé – pour améliorer notre système de sûreté nucléaire et de radioprotection. Cette piste n’a malheureusement fait l’objet d’aucune étude sérieuse. Cet article 2 ne vient en aucun cas nous rassurer sur le niveau d’exigence de qualité, d’expertise et de décision prévu pour la future ASNR.

Les partisans d’une fusion des deux organismes reconnaissent eux-mêmes que des garde-fous doivent être mis en place pour séparer les différentes étapes du processus d’expertise et de décision. C’est ce que nous a indiqué en audition le président de l’ASN, M. Bernard Doroszczuk.

À cet égard, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a tenté d’améliorer le texte, mais les ajustements opérés ne sont pas suffisants. Il serait nécessaire d’inscrire dans la loi l’obligation de publication des travaux d’évaluation des risques et des recommandations techniques, en amont des processus de décision ; idem pour l’exigence de publication des positions scientifiques et techniques de l’ASNR.

Je dis bien en amont de la décision ! Monsieur le ministre, sans la publication des avis, que se serait-il passé concernant la falsification des certificats pour la cuve et le couvercle de l’EPR2 ? Que se serait-il passé concernant les défauts de soudure ? S’agit-il d’une démarche d’accélération ou de simplification ? J’aimerais disposer d’éléments supplémentaires.

De plus, au-delà de la distinction entre le processus d’expertise et le processus de décision, il convient de garantir dans la loi l’indépendance des personnes responsables de l’expertise, ce qui n’est pas prévu dans le texte. L’obligation de publication visant les avis de l’IRSN est inscrite dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 ; j’espère qu’elle le restera…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet article 2 était, dans sa version initiale, perfectible. Cependant, nous avons, grâce au travail de la commission, apporté des garanties importantes sur la distinction entre l’expertise et la décision, la publication des résultats d’expertise, la consécration dans la loi des groupes permanents d’experts, la mise en place d’une commission d’éthique et de déontologie ou encore la prévention des conflits d’intérêts, grâce à la possibilité donnée au président de déléguer ses pouvoirs pour la signature de conventions de recherche.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Ma réponse à M. Salmon vaudra avis pour la totalité des amendements de suppression sur chaque article.

Une grande partie des arguments que vous évoquez ce soir ont fondé, en 2006, l’opposition des Verts à la création de l’ASN. Vous avez voté contre la création de cette agence, en considérant qu’elle n’apportait pas suffisamment de garanties, qu’il n’était pas souhaitable de créer une haute autorité et que la transparence était insuffisante. Je ne vais donc pas, ce soir, refaire le débat de 2006, article par article, avec Mme Dominique Voynet. Aujourd’hui vous êtes devenus des défenseurs de l’ASN : je veux croire que, dans vingt ans, vous serez des défenseurs de l’ASNR. (M. le rapporteur pour avis rit.)

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, nous nous sommes déjà expliqués sur ce point ; ce qui nous importe, c’est la sécurité et la sûreté de notre parc nucléaire…

M. Daniel Salmon. Je pense que cette préoccupation est partagée – je ne vous ferai pas cette injure-là, bien entendu.

Toutefois, à force de côtoyer les agents de l’IRSN et d’examiner le train des choses, nous avons constaté, au fil des ans, qu’ils faisaient preuve d’un vrai souci de transparence. Nous l’avons reconnu, de même que leur effort en matière de formation et de partage des connaissances. Voilà qui est fort intéressant.

Il serait dommage de se priver de cette transparence, y compris – à commencer par vous-mêmes – pour ceux qui souhaitent relancer le nucléaire – ce n’est pas notre cas –, car ils ont besoin d’un peu d’acceptabilité… Aujourd’hui, les planètes semblent assez alignées, mais nous en reparlerons dans quelque temps.

Mme Sophie Primas. Des menaces ? (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Je reconnais que la commission a réalisé un travail d’orfèvre pour arrêter la rédaction de cet article 2, à l’exception de l’alinéa 9.

Vous avez tenté de savoir comment obtenir le meilleur de l’expertise, de la « distinction » – j’insiste sur la différence avec le mot « séparation », nous parlons en effet de démarcation entre le conseil et la décision – sans isoler les uns des autres, car bénéficier d’expertises conjointes est bénéfique.

Cependant, cet alinéa 9, en quelques mots, préjuge des conclusions la discussion entre l’ASN et l’IRSN. Vous dites que la distinction doit concerner non les processus, mais les personnes. Pour notre part, nous souhaitons laisser l’ASN et l’IRSN libres de décider si la distinction doit concerner les processus ou les personnes, tout en respectant les principes contenus dans la totalité des autres alinéas.

Autrement dit, faisons confiance aux experts, en actant la quasi-totalité de votre rédaction, mais en acceptant que ceux qui connaissent le mieux le dispositif déterminent de façon plus fine ses modalités d’application. Il suffit de retirer l’alinéa 9, ce qui ne remet pas en cause la totalité du dispositif. Ainsi, nous laissons une chance au dialogue en cours entre les experts des deux structures, afin qu’ils déterminent les modalités d’application de cette distinction, que nous soutenons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Nous sommes au cœur de la réforme.

Il me semble important de rappeler la position d’équilibre de la commission sur le sujet essentiel de la distinction entre l’expertise et la décision.

Position d’équilibre, car nous souhaitons préserver la fluidité permise par la fusion des deux entités, tout en garantissant la confrontation des doutes, indispensable à la sûreté.

Premier avantage du texte adopté en commission : il étend le champ de la distinction à l’ensemble des dossiers à enjeux, et pas seulement aux trente sujets annuels nécessitant une décision du collège. Cet ajout me semble consensuel.

Deuxième avantage : nous proposons une distinction des responsabilités, monsieur le ministre, plutôt que des processus, notion particulièrement floue contenue dans le texte initial. Ainsi, nous assurerions que le signataire de l’expertise ne soit pas le même que le signataire de la décision. Sur ce point, les amendements déposés ne me semblent pas remettre en cause cet ajout important.

Toutefois, la distinction des responsabilités, et donc des signataires, ne suffit pas. Notre objectif est de consacrer une distinction entre l’expertise et la décision qui ne soit pas que « de papier ». Ce principe doit se traduire concrètement dans l’organisation des instructions.

C’est pourquoi nous avons souhaité préciser que le règlement intérieur fixera les modalités organisationnelles de distinction et d’interaction des personnels chargés de l’expertise et de la décision. Cette précision garantira, sur un dossier donné, que les personnels chargés de l’expertise, d’une part, et ceux qui sont chargés de la décision, d’autre part, soient bien identifiés.

Notre idée n’est pas de recréer, au sein de l’ASNR, un pôle d’expertise distinct d’un pôle de décision : cela reviendrait à rejouer au sein de l’ASNR le face-à-face entre l’ASN et l’IRSN. Nous perdrions alors tous les bénéfices de la réforme.

Je suis donc naturellement, monsieur le ministre, opposé à l’amendement n° 34 du Gouvernement, qui remet en cause la distinction, pour une instruction donnée, entre les personnes chargées de préparer l’expertise et les personnes chargées de préparer la décision.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Permettez-moi de reprendre la parole quelques instants, car nous sommes ici au cœur de nos discussions. J’ai parlé d’un travail d’orfèvre : examen de 300 dossiers par an au lieu de 30, capacité d’aller expliquer comment l’interaction se joue, distinction des processus, etc. Mais vous préjugez le travail entre les équipes de l’ASN et de l’IRSN. Vous ne vous contentez pas de renvoyer au règlement intérieur, vous voulez aussi que le règlement intérieur précise les modalités de distinction entre les agents.

C’est peut-être ce qui nous sera demandé in fine par les experts eux-mêmes, mais, eu égard à la reconnaissance que nous leur devons, cet alinéa 9 encadre trop étroitement la capacité des équipes de ces deux institutions à déterminer le meilleur processus. Vous avez prévu de nombreux garde-fous pour que les choses se passent bien, mais là le degré de précision va trop loin. Cela pourrait même être contre-productif.

Je plaide donc pour que le législateur ait l’humilité de faire confiance au dialogue social, d’autant que la commission a réalisé un travail remarquable en prévoyant et en votant de nombreuses garanties – je pense notamment aux recommandations de l’Opecst. Il ne s’agit nullement pour moi de remettre en cause l’équilibre que vous avez voté, mais je vous demande de laisser une chance aux agents de décider eux-mêmes des modalités de mise en œuvre du processus.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. Il s’agit de donner un signal aux groupes de travail. Nous maintenons donc notre avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 55, présenté par MM. Fagnen, Devinaz et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

1° Après le mot :

distinction

insérer les mots :

et assure l’indépendance

2° Remplacer les mots :

la personne responsable de l’expertise

par les mots :

les personnes responsables de l’expertise et de sa validation

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. La distinction entre l’expertise et la prise de décision est essentielle. Comme M. le ministre, je salue le travail d’orfèvre réalisé par la commission. Il s’agit, au travers de cet amendement, d’aller un peu plus loin encore et de passer à l’horlogerie suisse (Sourires.) en sacralisant et en gravant dans le marbre législatif l’indépendance des personnes chargées de l’expertise au sein de la future autorité de sûreté.

Nous ne pouvons pas renvoyer à l’élaboration du futur règlement intérieur la question de l’indépendance, pas plus qu’à des organigrammes dont nous ne savons encore rien aujourd’hui. Nous nous devons de garantir l’intégrité du système en évitant toute subordination hiérarchique éventuelle entre les personnes chargées de l’expertise et celles dont la responsabilité sera la prise de décision.

M. le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 8

1° Après le mot :

distinction

insérer les mots :

et assure l’indépendance

2° Remplacer les mots :

la personne responsable

par les mots :

les personnes responsables

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Il s’agit d’un amendement de repli quasi identique à celui qui vient d’être défendu par mon collègue Sébastien Fagnen.

Il vise à garantir de manière claire la séparation de l’expertise et de la décision au sein de la future autorité en insistant sur l’indépendance des personnes.

Encore une fois, la séparation de l’expertise et de la décision est un des fondements de l’intégrité du système de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

On le voit aujourd’hui, l’indépendance de l’expertise est malmenée dans notre pays. Nous avons eu l’occasion de nous exprimer sur l’attitude du Gouvernement à l’encontre de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Anses) sur la question des néonicotinoïdes, alors que cette agence ne faisait qu’appliquer le droit européen et national.

Ici encore, le projet de loi crée les conditions d’une perte d’indépendance dangereuse de l’expertise technique par rapport à la prise de décision.

La commission a proposé de rééquilibrer le texte en étendant le champ de la séparation entre expertise et décision, et en prévoyant une distinction des « responsabilités » plutôt que des « processus ».

Mais il faut également garantir l’indépendance des personnes responsables de l’expertise, c’est ce que nous proposons de faire au travers de cet amendement.

Étant donné qu’elles appartiendront à une même entité, il est important que ces personnes chargées de l’expertise et celles qui sont chargées de la décision soient indépendantes les unes des autres, afin que des liens de hiérarchie ne puissent pas venir influencer l’expertise dans le sens de la décision.

Le positionnement de personnes différentes chargées de l’expertise et de la décision au sein d’une même unité, prévu par le texte, n’apporte pas à notre sens une garantie suffisante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Il ne me semble pas opportun de recourir à la notion d’indépendance entre expertise et décision, comme le souhaitent les auteurs des amendements nos 55 et 23. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. La commission a réalisé un travail d’orfèvre. Le Gouvernement est favorable à l’article 2 tel qu’il est rédigé, à l’exception de l’alinéa 9. Je serai donc défavorable à tous les amendements tendant à modifier le texte de la commission, qui constitue un bon point d’équilibre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Devinaz, Fagnen et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 9, au début

Remplacer le mot :

Le

par les mots :

Afin de garantir l’indépendance des travaux d’évaluation des risques et leur formalisation sous forme de position scientifique et technique à l’égard du processus d’élaboration des avis et décisions prises par son collège ou par délégation par ses services, le

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement tend lui aussi à renforcer l’indépendance de l’expertise au sein de la future autorité.

Il convient, en particulier, de distinguer l’expertise de l’élaboration et de la prise des décisions par le collège ou, par délégation, par les services.

Cet amendement vise donc à élargir l’effectivité de ce principe d’indépendance de l’évaluation des risques à l’ensemble des décisions prises, en incluant celles, largement majoritaires, qui sont prises par délégation.

Certes, notre rapporteur Pascal Martin a renforcé la séparation entre l’expertise et la décision en précisant que « la personne responsable de l’expertise devra être distincte de la personne ou des personnes responsables de l’élaboration de la décision et de la prise de décision ».

Mais, cet amendement vise à maintenir l’exigence de présentation des résultats d’expertise sous une forme définie qui contribue à protéger le « dire d’expert ».

Cette forme est appelée « position scientifique et technique » pour la distinguer des avis de l’AISNR.

M. le président. L’amendement n° 66, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

afin de garantir l’indépendance des travaux d’évaluation des risques et leur formalisation sous forme de position scientifique et technique à l’égard du processus d’élaboration des avis et décisions prises par son collège ou par délégation par ses services

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Par cet amendement, il s’agit de revenir sur séparation des personnes chargées de l’expertise et les personnes chargées de l’élaboration et de la prise des décisions.

La rédaction actuelle ne dit rien concernant l’intérêt d’une telle distinction, en se contentant d’en évoquer le principe tout en renvoyant au règlement intérieur ses modalités d’application.

Comme l’a rappelé l’intersyndicale de l’IRSN, nous vous proposons d’expliciter les objectifs visés par cette nouvelle organisation, qui doit garantir l’indépendance et l’autonomie de la phase d’expertise, cette indépendance ne devant se fonder que sur des faits scientifiques et devant rester hermétique aux calculs coûts-avantages, à la faisabilité industrielle ou aux intérêts économiques et commerciaux.

Si ces données doivent être prises en compte au cours du processus de décision, cela ne doit intervenir que dans la phase de préparation de la décision, qui met alors en balance les intérêts économiques et commerciaux avec l’impératif de sûreté, lequel doit toujours primer.

C’est une garantie essentielle pour l’intégrité de notre système de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées il y a quelques instants, il ne me semble pas opportun de recourir à la notion d’indépendance entre expertise et décision.

Par ailleurs, concernant la formalisation des travaux d’expertise, il est souhaitable de ne pas trop rigidifier le cadre applicable à la future ASNR et de laisser l’autorité décider elle-même de la forme que prendront ces résultats d’expertise.

J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, nous sommes là au cœur du projet. L’une des grandes questions posées aux salariés, mais également à ceux qui suivent nos travaux avec attention, est celle de la réelle indépendance entre l’expertise et la prise de décision.

Or vous ne nous dites pas réellement pourquoi vous souhaitez la fusion. (M. le ministre secoue la tête.) Mais non, monsieur le ministre, vous avez seulement avancé deux arguments ! Vous nous dites que tout fonctionne bien. Dans ce cas, pourquoi fusionner l’ASN et l’IRSN ? C’est bien qu’il y a autre chose ! Une des problématiques, pour le dire rapidement, est que l’expertise soit sous la coupe de la décision. Voilà le problème !

Par ailleurs, se pose également la question de la transparence et de l’accès du grand public aux avis.

Il faut donc que vous nous apportiez d’autres réponses. Nous ne voulons pas d’une loi bavarde, mais il ne saurait être question de renvoyer un point aussi essentiel, au cœur du projet de loi, à la future autorité, d’autant que, faute de préfigurateur – contrairement à l’amendement qui avait été déposé par notre rapporteur – les personnes aujourd’hui en place ne seront pas tenues de respecter les engagements qu’elles prennent, car elles ne seront pas là demain !

Il importe donc d’inscrire au cœur de la loi l’engagement fort qu’il existera bien une séparation entre l’expertise et la décision.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je souhaite compléter les propos de notre collègue Gay. On parle d’indépendance, mais par rapport à qui et à quoi ? S’il s’agit d’indépendance par rapport au Gouvernement, rappelons que le système dual loué dans un certain nombre d’interventions met l’IRSN sous la tutelle de cinq ministères : cinq ! De ce point de vue, comment peut-on dire que l’IRSN délivre ses expertises en totale indépendance ? Pour autant, cela ne nous empêche pas d’avoir totalement confiance dans les expertises délivrées par cette instance.

En revanche, l’ASN est une autorité indépendante. À ce titre, elle ne prend pas ses informations ni ses consignes auprès du Gouvernement. La future AISNR sera coulée sur le même moule.

Précisez donc ce que vous entendez par indépendance, faute de quoi votre raisonnement pourrait souffrir d’incohérence eu égard aux multiples tutelles sous lesquelles se trouve déjà placé aujourd’hui l’IRSN.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Sans être un spécialiste du sujet, il me semble que la réponse à la question posée par notre collègue Stéphane Piednoir est l’indépendance scientifique. Voilà le cœur du réacteur, voilà le cœur du sujet !

Comment dans ce texte législatif pouvons-nous garantir au travers d’un certain nombre de propositions l’indépendance scientifique ? Tel est notre problème…

Nous pouvons toujours discuter ensuite des modalités, mais voilà notre objectif. La question de fond est : comment éviter, grâce à l’instauration de règles, que des pressions ne soient exercées au sein de la future organisation sur les scientifiques et les techniciens actuellement à l’IRSN ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 26, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il prévoit l’intégration dans le processus d’évaluation des risques, conduit par les services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, des phases de dialogue technique avec les exploitants.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement de repli vise à renforcer et à garantir un dialogue technique essentiel entre l’autorité de sûreté et l’exploitant. La responsabilité de l’exploitant – et sa participation à la sûreté nucléaire – est l’un des principes fondamentaux de sûreté énoncés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Il constitue la pierre angulaire de la sûreté nucléaire, plaçant la charge de cette responsabilité sur ceux qui entreprennent ou exercent des activités nucléaires à risques.

L’Opecst l’a d’ailleurs souligné dans son rapport de juillet 2023. Il y relève en effet que la réussite de la fusion entre l’ASN et l’IRSN dépend étroitement du maintien d’un dialogue technique actif entre les ingénieurs et les experts, évitant ainsi une expertise purement juridique déconnectée de la réalité concrète des installations nucléaires. Je fais référence au débat que nous venons d’avoir…

L’IRSN dans son fonctionnement intégrait ces échanges de qualité entre exploitant et expertise. Celle-ci était notamment liée aux partenariats de recherche avec les industriels du secteur nucléaire, qui facilitent le dialogue technique d’expertise et assurent un niveau de connaissances similaire entre industriels et IRSN.

Le projet de loi n’est pas rassurant sur la pérennité de cette qualité d’échange. Les exploitants ne seront-ils pas réticents à mener des recherches en partenariat avec l’autorité qui les contrôle ?

L’intersyndicale de l’IRSN craint ainsi un délitement progressif de la capacité de recherche de la future ASNR, qui dégradera la qualité de son expertise.

Cet amendement vise à alerter sur ce sujet et à prévoir explicitement, dans la loi, des phases de dialogue technique avec l’exploitant pour remédier à cette question. Il s’agit ici d’instaurer et de garantir ce dialogue technique crucial entre l’autorité de sûreté et l’exploitant dans le cadre de la gestion de la sûreté nucléaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Le dialogue avec la société civile est crucial pour assurer l’acceptabilité de la sûreté nucléaire.

Vous évoquez à raison les expériences menées par l’IRSN, mais aussi par l’ASN, pour mieux associer le public, notamment dans le cadre du projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo). Il est déjà possible à cadre constant d’intégrer des phases de dialogue avec la société civile pendant la procédure d’instruction : il n’est donc pas nécessaire de prévoir l’inscription au règlement intérieur de cette possibilité. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous abordons là un autre point important, celui du dialogue technique. Les avis de l’IRSN ne découlent pas ex nihilo des recherches : ils sont le fruit d’un dialogue technique permanent avec l’exploitant et l’ASN. C’est ce dialogue tripartite qui fait la force de ces avis. D’ailleurs, personne ne les attaque jamais lorsqu’ils sont rendus publics.

Hier, lors de nos auditions, les représentants d’EDF ont affirmé que c’était de leur propre chef qu’ils avaient pris à bras-le-corps le problème de la corrosion sous contrainte. Lorsque les avis sont partagés, on ne prend pas de risques !

Le dialogue technique est donc indispensable pour que les avis tiennent la route et ne souffrent ensuite d’aucune contestation.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il prévoit la possibilité d’intégrer dans le processus d’évaluation des risques, conduit par les services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, des phases de dialogue technique avec la société civile.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Vous connaissez l’attachement des écologistes à la démocratie environnementale, à la transparence et à la participation de la société civile à notre sûreté nucléaire. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Ça faisait longtemps !

M. Guy Benarroche. Bis repetita placent… Rappelons-le ici, l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004, intégrée au bloc de constitutionnalité en 2005, prévoit que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

À ce titre, nous avons été satisfaits de voir que le rapport de la commission de l’aménagement et du développement durable qualifiait la société civile de quatrième pilier de la sûreté nucléaire.

Cependant, cette reconnaissance et les avancées votées en commission n’enlèvent pas les reculs actés par ce texte à cet égard.

Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi que le règlement intérieur consacre également la possibilité pour les services chargés des processus d’expertise d’enrichir leurs travaux de dialogues avec la société civile – c’est le fameux « dialogue technique » que vient d’évoquer Daniel Salmon.

Il s’agit de recueillir les préoccupations et les questionnements des acteurs de la société civile, d’éclairer cette dernière sur la façon dont les travaux d’expertise peuvent répondre à ses interrogations, mais aussi de confronter les approches avec des experts non institutionnels.

Cette pratique n’est pas nouvelle : la quatrième révision périodique des réacteurs de 900 mégawatts a donné lieu à des phases de « dialogue technique » dès l’enclenchement du processus d’expertise.

C’est actuellement le cas pour l’examen de la demande d’autorisation de création de Cigéo et de la quatrième révision périodique des réacteurs de 1 300 mégawatts.

Il convient donc de pérenniser et d’approfondir l’existant, à l’heure d’un accroissement des risques lié à la relance nucléaire souhaitée par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Même avis que sur l’amendement n° 26. La rédaction est légèrement différente, mais l’objectif visé est le même. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur Benarroche, vous ne le savez peut-être pas, mais le texte de la commission vous satisfait. Ce que vous proposez ici n’ajouterait rien : avis défavorable. Si vous saviez comme je suis satisfait que vous soyez satisfait ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je suis satisfait de savoir le ministre satisfait de ma satisfaction ! (Sourires.)

Néanmoins, monsieur le ministre, le fait de prévoir une garantie de dialogue technique dans les règlements intérieurs permettrait d’assurer la pérennité des dispositifs d’ouverture à la société et de renforcer la robustesse de l’expertise sur laquelle s’appuiera la décision.

Nous n’approuvons pas les trop nombreux renvois du projet de loi aux futurs règlements intérieurs, qui excluent de fait les parlementaires et la société civile de leur définition. Nous demandons des garanties sur le maintien du dialogue avec la société civile. Voilà ce qui serait de nature à nous donner réellement satisfaction…

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Le sujet ne doit pas être négligé. On peut en sourire : tout le monde est satisfait, je le suis aussi. Mais je m’interroge : les comités locaux d’information (CLI) ne permettent-ils pas justement ce dialogue technique avec l’autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ? C’est ainsi, du moins, que j’avais compris leur fonctionnement et leurs attributions. Il peut s’agir, en lien avec le public intéressé, d’un moyen pour instaurer le dialogue, diffuser l’information et susciter la confiance. Je suis peut-être à côté du sujet, mais il me semble qu’une partie de la réponse se trouve dans ce dispositif dont nous devrions nous saisir, car il s’agit d’une demande tout à fait audible et recevable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Après les mots :

conseiller le collège

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

dans les conditions prévues aux articles 13 et 14 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Cet amendement vise à préciser le rôle de la commission d’éthique et de déontologie que vous souhaitez créer. La création d’une telle instance pourrait être intéressante, mais il faudrait ajouter, dans ce cas, que la commission fonctionne « dans les conditions prévues aux articles 13 et 14 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ».

Il ne faudrait pas, en effet, se retrouver avec une liste énumérative n’intégrant pas, en particulier, la gestion des conflits d’intérêts, laquelle fait théoriquement partie du substrat absolu de ce que l’on doit attendre d’une commission de déontologie. Ne prenons pas le risque d’un oubli et renvoyons la création de cette commission de déontologie à la loi portant statut général des autorités administratives indépendantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. L’article 2, dans sa version actuelle, précise que la commission d’éthique et de déontologie conseille le collège pour la rédaction du règlement intérieur, suit son application et garantit le respect des règles relatives à la publication des avis, à la distinction entre expertise et décision et à la prévention des conflits d’intérêts.

La rédaction n’empêche bien sûr pas que le règlement intérieur de l’ASNR prévoie des compétences supplémentaires pour ladite commission.

Cette commission constitue un élément supplémentaire de garantie que les principes fixés par le législateur soient bien appliqués.

La rédaction proposée par le Gouvernement est trop imprécise : elle ne fixe aucune compétence précise à la commission d’éthique et de déontologie. Elle constitue à cet égard un recul par rapport à la version adoptée en commission. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 41, présenté par MM. Fagnen, Devinaz et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La commission est également chargée de veiller à la publication des résultats des expertises et à la distinction entre, d’une part, l’expertise et, d’autre part, l’élaboration de la décision et la prise de décision.

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. Comme tout à l’heure, là où le Gouvernement propose un recul, nous proposerons une avancée.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a prévu la création d’une commission d’éthique et de déontologie. Je salue cette volonté commune que nous partageons avec M. le rapporteur Pascal Martin.

L’exposé des motifs de l’amendement du rapporteur, adopté en commission, précisait que cette commission d’éthique serait « aussi chargée de veiller à la publication des résultats des expertises et à la distinction entre, d’une part, l’expertise et, d’autre part, l’élaboration de la décision et la prise de décision ». Je vous invite donc à intégrer cette recommandation dans le texte de loi afin de garantir cette nécessaire transparence que nous appelons tous de nos vœux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement étant satisfait, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Devinaz, Fagnen et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compéter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Cette commission est composée de personnes extérieures qualifiées dont les modalités de désignation sont définies par décret. Les membres de cette commission ne sont pas rémunérés et aucun des frais liés au fonctionnement de cette commission ne peut être pris en charge par une personne publique.

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Dans le même esprit, il s’agit de renforcer la commission d’éthique et de déontologie voulue par la commission.

Compte tenu des enjeux forts de déontologie qui s’imposent à la nouvelle autorité, il est nécessaire que le contrôle de déontologie soit exercé par un organe collégial externe. C’est le cas aujourd’hui à l’IRSN. Cette disposition est compatible avec l’article 2 du décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. La définition des modalités de désignation des membres de la commission d’éthique et de déontologie par décret n’apparaît pas appropriée pour une autorité indépendante, c’est au règlement intérieur de définir ces modalités.

De même, il n’est pas souhaitable d’acter dans la loi que la commission ne pourrait être composée que de personnalités extérieures qualifiées, il convient de laisser le collège maître de la composition de cette commission.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement sera défavorable à l’ensemble des amendements restant en discussion sur cet article 2.

L’amendement défendu par le Gouvernement avait le mérite de se rattacher au cadre général des commissions de déontologie des AAI. Notre philosophie est d’éviter de créer une commission de déontologie qui diffère du régime général des AAI. Toutes vos propositions déséquilibrent le cadre global des commissions de déontologie des autorités administratives indépendantes. Si le Sénat souhaite faire une œuvre originale, qu’il aille au bout de sa démarche, mais qu’il ne s’appuie pas sur le Gouvernement pour détricoter le droit général des commissions de déontologie des AAI !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La commission d’éthique et de déontologie remet, chaque année, un rapport rendu public effectuant un bilan de son activité, présentant les avis qu’elle a rendus, et rendant compte de l’application du règlement intérieur et en particulier du respect de la distinction et de l’indépendance entre expertise et décision telle qu’établies à l’article L. 592-13-1.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 24.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 24, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle veille au respect des règles déontologiques, y compris celles de nature à prévenir, d’une part, les conflits d’intérêts entre les activités de recherche de l’autorité menées conjointement avec les exploitants et les activités de contrôle de l’exploitant, ainsi que, d’autre part, les conflits d’intérêts entre les activités commerciales de l’autorité avec les exploitants et les activités de contrôle.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, loin de nous l’idée de détricoter le droit général ! Simplement, nous aurions voulu en rester à un système dual.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a souhaité introduire des garde-fous, notamment en créant une commission d’éthique et de déontologie. C’est certes une avancée, mais nous proposons de la renforcer.

Ainsi, nous proposons, au travers du présent amendement, que cette instance remette chaque année un rapport, rendu public, rendant compte de son activité, notamment de l’application du principe de distinction entre expertise et décision.

La publicité des avis et des travaux existe pour l’actuelle commission d’éthique et de déontologie de l’IRSN. Nous n’inventons rien !

Il est pertinent de reprendre ce modèle, qui permettrait de conférer à ce nouvel organe un rôle d’information du public bénéfique pour l’application du principe de transparence, auquel nous sommes très attachés.

Nous pensons, mes chers collègues, que cet amendement peut emporter votre adhésion.

L’amendement n° 24 tend lui aussi à renforcer le rôle de la commission d’éthique et de déontologie. En effet, si nous estimons que sa création constitue effectivement un garde-fou, ses fonctions n’ont pas été suffisamment précisées, comme je l’ai dit précédemment.

Nous l’avons dit et répété, nous souhaitons inscrire des garanties dans la loi. Nous proposons donc d’écrire clairement dans le texte que cette commission travaille à prévenir les conflits d’intérêts dont vous nous avez parlé précédemment, monsieur le ministre.

De fait, des conflits d’intérêts peuvent surgir avec les exploitants – jusqu’à présent, il n’y en avait qu’un, mais, avec l’arrivée des SMR portés par des start-up, les conflits d’intérêts pourraient, demain, devenir beaucoup plus importants.

Nous souhaitons également que la commission veille à la prévention des conflits d’intérêts entre les activités commerciales et les activités de contrôle de l’autorité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. La loi organique du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes prévoit que la loi fixe les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement des AAI.

Il n’est donc pas nécessaire que la loi entre dans un niveau de détail tel qu’elle prévoie la publication du rapport annuel de la commission d’éthique et de déontologie ! Cette publication relève du règlement intérieur de la commission, non de la loi.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 25, de même que sur l’amendement n° 24, qui est satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable sur les deux.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 56, présenté par MM. Devinaz, Fagnen et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 11, deuxième phrase

1° Après le mot :

diversité

insérer les mots :

et l’indépendance

2° Après le mot :

expertise

insérer les mots :

vis-à-vis de la décision

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Comme les précédents, cet amendement procède de notre volonté de garantir l’indépendance de l’expertise au sein de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

L’alinéa 11 prévoit que cette autorité s’appuiera, en tant que de besoin, sur des groupes permanents d’experts (GPE), nommés à raison de leurs compétences. Pour être compétents, ces experts doivent connaître les thématiques des dossiers qu’ils examinent.

Afin d’éviter les conflits d’intérêts, les membres des groupes permanents doivent déclarer leurs intérêts pour chaque dossier examiné et se déporter si nécessaire.

Les personnels de l’ASN ne sont pas membres des groupes permanents existants, de manière à assurer l’indépendance entre l’expertise et la décision.

La préservation de cette indépendance des groupes permanents est un facteur de robustesse et de confiance dans le processus actuel. Il est donc proposé de mentionner explicitement cette exigence dans cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Par essence, les GPE ne sont pas composés de personnel de l’ASN : il s’agit d’une expertise externe.

Il n’apparaît donc pas nécessaire de préciser cette exigence d’extériorité, qui n’est pas mentionnée dans le règlement intérieur actuel de l’ASN et qui n’a jamais été remise en cause dans la pratique.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 67, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 13, première phrase

Après le mot :

publie

insérer les mots :

les avis d’expertise formalisant les résultats de ses évaluations des risques et des recommandations techniques qui en découlent en amont du processus d’élaboration d’avis et de décision et

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. La Charte de l’environnement reconnaît le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

À cet égard, l’IRSN, par ses avis rendus publics – préalablement aux décisions de l’ASN notamment –, contribue depuis une vingtaine d’années à un rééquilibrage démocratique de la politique en matière de nucléaire.

La remise en cause de la publication de l’expertise en amont de la décision est une entorse aux principes qui prédominent. Elle donne l’impression d’une victoire des exploitants, qui considèrent que la publication des avis de l’IRSN avant les décisions de l’ASN conduirait cette dernière à prendre des décisions plus dures – à savoir plus favorables à l’application du principe de précaution et à la sûreté nucléaire.

Au contraire, nous pensons que cette publication en amont de la décision est essentielle, comme nous le rappelle la commission de déontologie de l’IRSN : « Le fait de communiquer des informations sur les expertises réalisées en amont des décisions, ou encore d’associer le public à ses travaux, sont des éléments structurels de l’organisation actuelle de l’IRSN qui ont été explicitement voulus par le législateur. »

Le regroupement en une seule autorité des fonctions d’expertise et de décision ne saurait susciter la moindre suspicion sur l’indépendance des travaux d’évaluation des risques, voire de procès en asservissement de l’expertise à la décision.

Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 27 est présenté par Mme Guhl, MM. Dantec, Salmon, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 57 est présenté par MM. Fagnen, Devinaz et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 13, première phrase

Remplacer les mots :

les résultats des expertises

par les mots :

, en amont de la prise de décision, les positions scientifiques et techniques qui formalisent les résultats de ses activités d’expertise

La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour présenter l’amendement n° 27.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à inscrire dans la loi l’exigence de publication des positions scientifiques en amont des prises de décision. Il s’agit là, bien sûr, d’une garantie de transparence.

Nous savons que c’est grâce à cette transparence que se crée la confiance des citoyens. Il est donc important que les résultats d’expertise soient publiés avant les prises de décision.

Monsieur le ministre, vous avez choisi, dans ce projet de loi, de regrouper l’expert et le décideur au sein de la même structure. Pour notre part, nous voulons les distinguer dans la publication des avis, en permettant que l’avis scientifique soit publié en amont de toute prise de décision.

Cette publication préalable est indispensable. C’est une exigence de transparence, qui permettra aux citoyens d’avoir confiance dans la sûreté nucléaire.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour présenter l’amendement n° 57.

M. Sébastien Fagnen. À l’instar de nos collègues qui viennent de s’exprimer, nous considérons que, compte tenu de la nécessité de garantir la bonne information de nos concitoyens, il convient de graver dans le marbre législatif l’exigence de publication des positions scientifiques et techniques en amont de la prise de décision.

En effet, l’expertise et la prise de décision ne doivent souffrir d’aucune contestation de la part de nos concitoyens, qui pourraient voir dans la création de cette nouvelle entité un mélange des genres préjudiciable, quand bien même des garde-fous ont été introduits par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

La bonne information et surtout l’essentiel lien de confiance doivent être garantis par cette publication en amont.

Si nous divergeons sur le devenir des deux entités, nous avons tous salué l’efficacité du système actuel.

Nous nous opposons sur la façon dont nous pouvons l’améliorer, mais, parmi les principaux avantages du système dual, il y a cette obligation de publication en amont de la prise de décision, qu’il nous semble essentiel de préserver dans le texte dont nous débattons aujourd’hui.

Comme cela a été évoqué précédemment, il s’agit également de respecter l’obligation légale de publication des avis, telle que la prévoit la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015.

M. le président. L’amendement n° 44, présenté par MM. Devinaz, Fagnen et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

1° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle publie également les positions scientifiques et techniques qui formalisent les résultats de ses activités d’expertise dans l’ensemble de ses domaines de compétence.

2° Seconde phrase

Après le mot :

publication

insérer les mots :

de ces positions scientifiques et techniques,

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que les précédents.

Il s’agit d’inscrire dans la loi l’exigence de publication des positions scientifiques et techniques de la future AISNR.

L’amendement a ainsi pour objet de maintenir l’obligation légale de publication visant les avis de l’IRSN, inscrite dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015.

M. le président. L’amendement n° 43, présenté par MM. Fagnen, Devinaz et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ces résultats, et les résultats de ses activités d’instruction ainsi que les recommandations techniques qui en découlent, sont publiés en amont du processus d’élaboration d’avis et de décision.

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. Burgoa et Sol, Mme Belrhiti, MM. Sautarel, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, M. Milon, Mme Garnier, MM. Klinger, Mouiller et Bonhomme, Mme Gosselin, M. Courtial, Mme Richer, M. Rapin, Mme Lassarade, MM. Bouchet et D. Laurent, Mme Jacquemet, MM. C. Vial, Hingray et Brisson, Mmes Herzog et Aeschlimann, MM. H. Leroy et Menonville, Mme Di Folco, MM. Bazin, Favreau et Mizzon, Mmes de Cidrac et Gruny, M. Mandelli, Mme Joseph, M. Pellevat, Mme Schalck, MM. Savin, Belin et Laménie, Mmes Pluchet et Berthet, MM. Sido, Michallet, Somon, Bruyen, Gremillet et Meignen et Mme Primas, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les résultats publiés au titre des activités d’expertise peuvent comprendre des rapports et ceux publiés au titre des activités d’instruction des décisions.

« Les résultats des activités d’expertise se rapportant à des résultats d’activités d’instruction sont publiés de manière concomitante.

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Pour avoir travaillé sur le rapport de l’Opecst qui a été publié en juillet dernier, j’en ai une lecture quelque peu différente.

L’Opecst recommandait de « maintenir une publication distincte des rapports d’expertise sur lesquels s’appuient les décisions du collège de l’autorité indépendante issue de la réorganisation » et de « rendre concomitante la publication des décisions de la future autorité indépendante ».

Par conséquent, je vous propose un autre modèle, dans lequel les deux rapports seraient publiés – c’est très clairement une forme de transparence –, mais de manière concomitante, pour éviter les difficultés qui se posaient dans le système actuel, conformément aux recommandations de l’Opecst. Je pense que c’est important.

Comme M. le ministre l’a dit précédemment, l’expertise ne peut pas conditionner de manière absolue la décision – l’expertise annihile la prise de décision si elle emporte automatiquement la décision –, mais la décision ne peut pas non plus étouffer l’expertise.

J’y insiste, les deux rapports doivent être publiés de manière concomitante, pour éviter la pression absolue de l’expertise sur la prise de décision.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Je commencerai par l’amendement n° 20 rectifié bis, que le président de l’Opecst vient de nous présenter.

Dans son rapport, l’Office estime qu’il faudrait rendre la publication des résultats d’expertise concomitante de celle des résultats d’instruction.

Je souscris à cette proposition, visant à limiter les cafouillages de communication qui ont pu se produire.

M. Pascal Martin, rapporteur. Attendez, mon cher collègue, ce n’est pas fini… (Sourires.)

Hélas, cette question relève pleinement, à mes yeux, du règlement intérieur de la future autorité.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire au président de l’Opecst, l’inscription dans la loi d’une règle de concomitance serait très contraignante pour l’ASNR, notamment si une publication antérieure de l’expertise est souhaitée, lorsque l’autorité consulte le public ou encore lorsque l’instruction est très longue et nécessite la publication d’expertises intermédiaires.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 20 rectifié bis, non pour des questions de principe – comme je viens de le dire, le principe même de concomitance s’entend tout à fait –, mais plutôt pour des raisons juridiques : la systématicité limiterait la souplesse, qui, à mon avis, est indispensable à l’autorité.

Je suis logiquement défavorable aux amendements nos 67, 27, 57 et 43, qui visent à rétablir une publication de l’expertise en amont de la décision.

Pour autant, je ne renonce pas, loin de là, à la confrontation des doutes, qui est au cœur de la sûreté nucléaire ! En effet, nous avons très clairement distingué, à l’article 2, la responsabilité de l’expertise et celle de la décision. En outre, le respect de ces distinctions sera vérifié par la commission d’éthique et de déontologie, que notre commission a souhaité consacrer dans le texte.

Enfin, pour ce qui concerne l’amendement n° 44, il n’est pas souhaitable de déterminer la forme que prendront les résultats d’expertise, pour ne pas trop rigidifier le cadre normatif et pour laisser la future autorité décider de la forme la plus pertinente, en fonction des enjeux de chaque décision.

J’émets donc, sur cet amendement également, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est clairement défavorable aux amendements nos 67, 27, 57, 44 et 43.

Le meilleur, à nos yeux, est l’amendement n° 20 rectifié bis. J’y suis néanmoins défavorable, la concomitance étant source de rigidités. En effet, dans certains cas, y compris pour des procédures sur la durée, la simultanéité peut poser des difficultés.

Pas plus tard que cet après-midi, l’intersyndicale de l’IRSN a souligné auprès des membres de mon cabinet la difficulté à assumer la concomitance et la rigidité susceptible d’en découler.

Monsieur le sénateur, n’enfermez pas les experts dans des simultanéités ou dans des temporalités qui se heurteraient au réel, compte tenu de l’étendue des missions.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je vais récidiver ! (Sourires.)

Je pense réellement que les experts doivent donner leur avis en amont ! C’est une question de crédibilité. S’ils se prononcent concomitamment ou après, l’expertise sera modelée par la décision.

Si l’on veut une réelle transparence, celle à laquelle nous tenons, celle qui existait à l’IRSN, il faut que l’expertise intervienne clairement en amont. Sinon, je pense que se poseront de réelles difficultés d’acceptabilité par le public.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour explication de vote.

M. Sébastien Fagnen. Si nos trois groupes défendent d’une voix commune cette exigence de publication en amont des expertises, c’est aussi parce que le paysage du nucléaire français est appelé à changer, notamment du fait du développement des SMR – nous l’avons évoqué à diverses reprises.

Aujourd’hui, il existe une triangulation fondée sur l’IRSN, l’ASN et notre exploitant historique, EDF. D’autres acteurs vont entrer dans le jeu, notamment – très certainement – ceux qui seront chargés de l’exploitation des futurs SMR. Cela rend d’autant plus aiguë la nécessité de dissiper tout doute au sein de la population et de garantir que les décisions ne seront pas influencées par des nécessités de marché.

Pour que la confiance dans la filière nucléaire française soit la plus forte possible – elle ne sera jamais absolue –, l’expertise doit être publiée avant la décision.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je soutiens l’amendement de notre collègue Stéphane Piednoir, président de l’Opecst – j’en suis d’ailleurs cosignataire.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je ne pense pas que la concomitance soit source de rigidité.

Publier, à un instant T, l’expertise et la décision me paraît très cohérent. Cela va dans le sens de la lisibilité de l’action et contribue à l’appropriation par les populations des décisions de sécurité.

J’ai bien compris votre inquiétude, monsieur le ministre, concernant un décalage entre la publication du résultat de l’expertise et la décision de sécurité. Nous proposons donc que les deux se fassent de manière concomitante.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 et 57.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, si nous continuions d’examiner quinze amendements à l’heure, nous risquons de siéger jusqu’à trois heures du matin !

M. Christophe Béchu, ministre. Pas au-delà d’une heure du matin !

M. le président. Il dépend de chacun de vous que nous achevions l’examen du projet de loi ce soir, sachant en outre qu’il nous faut également examiner un autre texte, sur lequel quatre amendements ont été déposés.

J’invite tous nos collègues qui ne souhaitent pas revenir demain matin ni siéger jusqu’à une heure déraisonnable à faire un effort de concision important.

Article 2
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Article 2 ter (nouveau)

Article 2 bis (nouveau)

Le troisième alinéa de l’article L. 592-2 du code de l’environnement est ainsi rédigé :

« Pour le renouvellement des membres désignés par le président du Sénat et par le président de l’Assemblée nationale, le membre succédant à une femme est un homme et celui succédant à un homme est une femme. Le Président de la République désigne les membres de telle sorte que, parmi les membres du collège autres que le président, il y ait le même nombre de femmes que d’hommes. »

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Guhl, MM. Dantec, Salmon, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Au début

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

Le deuxième alinéa de l’article L. 592-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° À la première phrase, le mot : « Trois » est remplacé par le mot : « Deux » ;

2° À la seconde phrase, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois », le mot : « et » est supprimé et sont ajoutés les mots : « et par le président du Conseil économique, social et environnemental ».

II. – Alinéa 2

1° Première phrase

Supprimer la première occurrence du mot :

et

et après le mot :

nationale

insérer les mots :

et par le président du Conseil économique, social et environnemental

2° Deuxième phrase

Remplacer la première occurrence des mots :

les membres

par les mots :

le membre

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. L’objet de cet amendement est double : réviser le processus de désignation des membres du collège de l’ASN et garantir la parité de la gouvernance, comme cela a déjà été évoqué en commission.

Actuellement, le Président de la République nomme trois des cinq membres du collège de l’ASN, y compris le président, quand le quorum de trois membres est requis pour la prise de décision.

Afin d’améliorer les débats et la confiance dans cette nouvelle instance, l’amendement vise à augmenter le nombre de membres du collège désignés par le pouvoir législatif et la société civile, à l’instar de ce qui se fait au sein de la Haute Autorité de santé. Nous proposons en outre qu’un membre soit désigné par le président du Conseil économique, social et environnemental.

L’amendement tend également à instaurer une règle de parité au sein du collège de l’ASNR, à la suite des modifications apportées en commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. L’objectif des auteurs de cet amendement est d’éviter que les membres du collège désignés par le Président de la République, qui sont majoritaires, ne puissent décider seuls. C’est actuellement loin d’être le cas.

Le collège de l’ASN a jusqu’à présent pris l’ensemble de ses décisions à l’unanimité, malgré un mode de désignation pluriel. Cet esprit de consensus devrait perdurer dans le collège de la future ASNR.

Il ne paraît donc pas nécessaire de faire évoluer le mode de désignation, raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. La composition du collège de l’ASN n’a jamais été remise en cause depuis 2006 – certains élus verts avaient alors voté contre certaines nominations.

Il n’y a pas aujourd’hui de raison de modifier la composition de ce collège, qui a donné satisfaction jusqu’à ce que l’on propose sa substitution.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
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Article 3

Article 2 ter (nouveau)

L’article L. 592-31 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce rapport annuel comporte également un compte rendu de l’activité de la commission des sanctions mentionnée à l’article L. 592-41. » – (Adopté.)

Article 2 ter (nouveau)
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Article 4

Article 3

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 592-14, sont insérés des articles L. 592-14-1 à L. 592-14-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 592-14-1. – Dans le cadre de ses attributions, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est autorisée à exercer des activités nucléaires, à l’exclusion de celles soumises au régime des installations nucléaires de base défini à l’article L. 593-1.

« Art. L. 592-14-2. – I. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peut :

« 1° Dispenser des formations, délivrer des attestations, des habilitations, des qualifications ou des certifications professionnelles et exercer les missions dévolues aux organismes certificateurs mentionnés à l’article L. 6113-2 du code du travail ;

« 2° Délivrer des agréments, attestations, habilitations ou certificats justifiant la capacité de leurs titulaires à exercer des activités dans un domaine d’intervention spécialisé relevant de ses domaines de compétence ;

« 3° Exercer, dans ses domaines de compétence, des missions confiées à des organismes certifiés ou accrédités ou à des organismes notifiés chargés de mettre en œuvre des procédures d’évaluation de la conformité ou de réaliser les opérations de contrôle de conformité des équipements de travail et des équipements de protection individuelle ;

« 4° Assurer la gestion, dans le cadre de l’exercice de ses missions, de traitements de données d’intérêt public pouvant comprendre des données à caractère personnel et de santé.

« II. – Les interventions des services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection dans les activités énumérées au I peuvent donner lieu à des rémunérations pour services rendus. L’autorité définit dans son règlement intérieur les règles de déontologie qui leur sont applicables.

« Art. L. 592-14-3. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peut bénéficier, pour la réalisation de ses expertises, de l’appui technique des services de l’État et de ses établissements publics compétents. » ;

2° L’article L. 592-15 est ainsi rétabli :

« Art. L. 592-15. – Pour l’application du code de la recherche, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est assimilée aux établissements publics mentionnés à l’article L. 112-6 du même code, dans la mesure où les dispositions ainsi rendues applicables ne sont pas contraires à celles du présent chapitre.

« Les articles L. 412-3, L. 412-4 et L. 431-4 à L. 431-6 dudit code sont applicables à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. » ;

3° La section 4 du chapitre II du titre IX du livre V est ainsi modifiée :

a) (nouveau) L’intitulé est ainsi rédigé : « Attributions de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » ;

b) L’intitulé de la sous-section 1 est ainsi rédigé : « Attributions en matière de contrôle et d’expertise » ;

c) L’article L. 592-24 est remplacé par des articles L. 592-24 à L. 592-24-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 592-24. – Elle assure, en lien avec le ministère du travail, la gestion et l’exploitation des données des mesures de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants.

« Art. L. 592-24-1. – Les personnels de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, les collaborateurs occasionnels et les cocontractants de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection sont tenus, sous peine des sanctions prévues à l’article 226-13 du code pénal, de ne pas divulguer les informations nominatives liées aux données dosimétriques individuelles auxquelles ils ont accès.

« Art. L. 592-24-2. – Lorsque l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection exerce sa mission d’expertise d’une situation d’exposition potentielle ou avérée aux rayonnements ionisants, ses personnels accèdent, dans des conditions préservant la confidentialité des données à l’égard des tiers, aux informations détenues par les personnes physiques ou morales qui leur sont strictement nécessaires, sans que puisse leur être opposé le secret médical ou le secret des affaires.

« Ces personnels sont habilités, à cet effet, par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

« Art. L. 592-24-3. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection gère l’inventaire des sources de rayonnements ionisants et y assure l’accès aux agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du code du travail ainsi qu’aux inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l’article L. 1333-29 du code de la santé publique.

« Art. L. 592-24-4. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection apporte son appui technique au Gouvernement et aux autorités publiques dans ses domaines de compétence.

« Elle apporte son appui technique aux services de santé de prévention et de santé au travail et aux employeurs concernés. » ;

d) L’intitulé de la sous-section 2 est ainsi rédigé : « Attributions consultatives » ;

e) Après l’article L. 592-27, est insérée une sous-section 3 intitulée : « Attributions en matière de coopération internationale » et comprenant l’article L. 592-28 ;

f) Le même article L. 592-28 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle participe, notamment par ses activités de recherche, aux échanges internationaux dans ses domaines de compétence. » ;

g) Après l’article L. 592-28-1, est insérée une sous-section 4 ainsi rédigée :

« Sous-section 4

« Attributions en matière de recherche

« Art. L. 592-28-2. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection suit les travaux de recherche et de développement menés, aux plans national et international, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

« Elle formule toutes propositions ou recommandations sur les besoins de recherche pour la sûreté nucléaire et la radioprotection. Ces propositions et ces recommandations sont communiquées aux ministres et aux organismes publics exerçant les missions de recherche concernées, afin qu’elles soient prises en compte dans les orientations et la définition des programmes de recherche et de développement d’intérêt pour la sûreté nucléaire ou la radioprotection.

« Elle définit des programmes de recherches menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche, français ou étrangers, en vue de maintenir et de développer les connaissances et les compétences nécessaires à l’accomplissement de ses missions dans ses domaines de compétence. »

M. le président. L’amendement n° 81, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 18

1° Après le mot :

exposition

insérer les mots :

de l’ensemble

2° Compléter cet alinéa par les mots :

y compris les fournisseurs, prestataires ou sous-traitants des exploitants, même lorsqu’ils exercent hors des installations nucléaires de base

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Je tiens à évoquer les travailleurs soumis aux expositions, et particulièrement les salariés sous-traitants et les fournisseurs.

Les salariés sous-traitants supportent aujourd’hui plus de 80 % de la dose collective reçue chaque année dans le parc nucléaire. Il s’agit principalement des ouvriers et des techniciens des usines de fabrication du combustible et de retraitement des déchets nucléaires, de ceux qui sont affectés à la maintenance des centrales d’EDF ou encore de ceux qui sont chargés du démantèlement, du transport et de la gestion des déchets.

Les plus exposés, ceux qui ont le plus de mal à faire entendre leur voix et qui ont le moins de droits, ce sont les « nomades du nucléaire ». Alors qu’un agent d’EDF sera le plus possible protégé des doses radioactives, un travailleur extérieur – personnel pourtant qualifié et utile – verra simplement sa tâche organisée de façon que la dose qu’il reçoit ne dépasse pas la norme.

Avec la relance du nucléaire, que ce soit dans le cadre du grand carénage ou de la construction de réacteurs, nous allons avoir besoin de ces nomades du nucléaire, de ces hommes et de ces femmes qui vont de centrale à centrale. Ils doivent être extrêmement protégés.

C’est une question importante, sur laquelle nous pensons que la future ASNR devra travailler.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Il n’est pas nécessaire de préciser que la mesure de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants s’applique aux « fournisseurs, prestataires ou sous-traitants des exploitants », toutes ces catégories étant intégrées dans le terme plus général de « travailleurs ».

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement d’appel.

Le nucléaire fera partie de vos attributions.

Mme Sophie Primas. Peut-être ! (Sourires.)

M. Fabien Gay. J’espère à tout le moins que quelqu’un s’occupera des travailleurs et des travailleuses du nucléaire ! Sans eux, il n’y a pas de nucléaire.

Le sort des nomades du nucléaire est un véritable sujet. Ces hommes et ces femmes ont du mal à faire valoir leurs droits. Pourtant, ces grands oubliés sont extrêmement utiles ! Ils vont de centrale en centrale. Or, aujourd’hui, lorsqu’ils ont un problème de santé, leurs droits ne sont pas reconnus.

Nous ne relancerons pas le nucléaire sans offrir un statut aux nomades. Nous devons travailler sur cette question. Ces nomades sont plusieurs milliers. Ils n’ont d’autre choix que de loger, parfois durant plusieurs mois, dans des conditions extrêmement précaires, et ce pour de petits salaires ! Il va falloir s’occuper de ces hommes et de ces femmes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Alors que nous abordons de nombreux sujets techniques, l’amendement de M. Gay a au moins un mérite : celui de rappeler que des femmes et des hommes devront mettre en œuvre les textes que nous votons, les décisions que nous prenons. Nous en sommes tous conscients.

Nous sommes également tous conscients que l’un des principaux défis que nous devons absolument relever pour réussir la relance du nucléaire, baisser nos émissions et tenir nos engagements climatiques est de trouver les femmes et les hommes qui feront le job.

Le décret d’attribution est simple : la construction des centrales appartiendra à Bercy, quand le pilotage de la sûreté relèvera du ministère de la transition écologique, pour qu’il soit certain qu’il se fasse dans les règles de l’art.

Je vous le dis les yeux dans les yeux, monsieur le sénateur : nous ne ferons pas l’économie de la question des salariés et des nomades. Il faudra bien que nous donnions les garanties qui nous permettront de trouver les femmes et les hommes qui mèneront ce chantier à bien ! (M. Fabien Gay en prend acte.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 32

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« Elle se dote d’un comité pluraliste d’orientation des recherches, dont les avis sont rendus publics, afin que ces recherches répondent aux préoccupations sociétales en matière d’évaluation des risques. Les modalités de fonctionnement de cette instance sont définies dans le règlement intérieur.

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Cet amendement vise à doter la future instance d’un comité d’orientation des recherches pluraliste, dont les avis sont rendus publics.

Ce comité devrait, à notre sens, permettre de répondre aux préoccupations sociétales en matière d’évaluation des risques nucléaires.

Le dialogue et la transparence doivent être garantis à la fois pour l’expertise et pour les activités de recherche, afin de permettre l’avènement d’une plus grande démocratie environnementale et, in fine, une plus grande qualité de notre système de sûreté.

Cet amendement tend ainsi à pérenniser une instance qui existe aujourd’hui au sein de l’IRSN, le comité d’orientation des recherches en sûreté nucléaire, qui a démontré son utilité et dont le travail est largement reconnu.

L’absence de transparence sur l’orientation des recherches est l’un des reculs actés par ce projet de loi.

En commission, il nous a été dit qu’il ne fallait pas rigidifier les fonctionnements dans la loi, qu’il fallait au contraire faire confiance au règlement intérieur. Pour autant, nous estimons que nous devons prévoir dès à présent des garde-fous pour la future agence. C’est, à notre sens, notre devoir de parlementaires, et ce d’autant plus que le Gouvernement envisage de revenir sur les avancées adoptées en commission sur l’association du Parlement à l’élaboration de ce règlement intérieur.

M. le président. L’amendement n° 45, présenté par MM. Fagnen, Devinaz et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 32

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À cet effet, elle se dote d’un comité pluraliste d’orientation des recherches afin que celles-ci prennent en compte les préoccupations sociétales en matière d’évaluation des risques. Les modalités de fonctionnement de cette instance sont définies dans le règlement intérieur.

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. Cet amendement et celui que vient de présenter Jacques Fernique ont un objet similaire.

L’IRSN étant internationalement reconnu pour la qualité des recherches qu’il mène, nous souhaitons conserver ce qu’il y a de meilleur dans le système dual et en faire bénéficier la future entité, en préservant le rayonnement de la recherche en France et au-delà de nos frontières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Cher Jacques Fernique, je vais répéter l’argumentaire que j’ai déjà développé en commission. Il est souhaitable de ne pas trop rigidifier la future ASNR et de laisser les groupes de travail chargés de la préfiguration décider s’ils souhaitent, ou non, créer un comité d’orientation des recherches au sein de l’autorité.

L’ASNR pourra intégrer ces organismes à son règlement intérieur, si elle le souhaite.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 10 rectifié et 45.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 28, présenté par Mme Guhl, MM. Salmon, Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces propositions et recommandations sont rendues publiques.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à garantir la publicité des propositions et des recommandations sur les besoins de la recherche pour la sûreté nucléaire et la radioprotection.

Ces propositions et recommandations doivent être accessibles à tous, afin que les enjeux liés à la sûreté nucléaire et à la radioprotection soient mieux compris. En garantissant cette publicité, nous permettons que s’établisse aussi une plus grande transparence, et donc une plus grande confiance, dans le domaine de la recherche nucléaire. Nous donnons ainsi la possibilité à chacun de s’informer.

De plus, les chercheurs doivent pouvoir travailler dans de bonnes conditions, notamment en termes de liberté académique, d’intégrité scientifique, de transparence et de gestion des conflits d’intérêts, ainsi que de règles de signature des publications scientifiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. L’ASN dispose déjà d’une mission de proposition relative aux besoins de la recherche, qui ne fait pas l’objet de publication. Il convient de conserver cet état du droit, car cette absence de publicité est de nature à assurer une plus grande liberté à l’ASNR dans son rôle de conseil du Gouvernement en matière de politique de recherche.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Avis de sagesse. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
Après l’article 4

Article 4

La section 4 du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement est ainsi modifiée :

1° Après la sous-section 4, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est insérée une sous-section 5 intitulée : « Attributions en matière d’information et de transparence » et comprenant les articles L. 592-29 à L. 592-31 ;

2° Après l’article L. 592-29, il est inséré un article L. 592-29-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 592-29-1. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection présente à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en lien avec les différentes commissions permanentes compétentes, ainsi qu’au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, qui peut émettre un avis, les sujets sur lesquels une association du public est organisée ainsi que les modalités de sa mise en œuvre et leur en rend compte.

« Elle communique la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène dans ses domaines de compétence aux autorités concernées ainsi qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, aux différentes commissions permanentes compétentes, au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, au Haut Conseil de la santé publique et au Conseil d’orientation des conditions de travail, selon leurs domaines de compétence respectifs.

« Le projet de décision d’adoption du règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est présenté par la même autorité à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques qui peut formuler des observations. Il est transmis au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire et à la fédération nationale des commissions locales d’information auprès des installations nucléaires de base mentionnée à l’article L. 125-32 qui peuvent également formuler des observations.

« Le projet de décision de modification du même règlement intérieur est transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire et à la fédération nationale des commissions locales d’information auprès des installations nucléaires de base mentionnée au même article L. 125-32 qui peuvent formuler des observations.

« Les observations formulées par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur un projet de décision d’adoption ou de modification du règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection sont élaborées en lien avec les différentes commissions permanentes compétentes. »

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais changer un peu d’aiguillage : cette fois-ci, je ne parlerai pas des gares, chères à Philippe Tabarot, entre autres… (Sourires.)

Le présent article, très important, comporte des dispositions relatives à la transparence et à l’information – il modifie en cela des dispositions du code de l’environnement –, à l’association du public, au rôle de l’Opecst, de son président et de ses membres, lesquels contrôlent, depuis la création de l’Office en 1983, les activités de l’ASN et de l’IRSN.

Une bonne information du public implique d’associer la société civile à la sûreté nucléaire. À cet égard, les commissions locales d’information (CLI), au sein desquelles siègent certains de nos collègues, jouent un rôle considérable, tout comme l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli). Pour ma part, j’ai animé pendant une quinzaine d’années la CLI de Chooz, liée à la centrale nucléaire de cette commune, à proximité de la frontière entre la Belgique et la France.

Cet article concerne également les sujets abordés dans la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, le rôle et la composition des CLI, les différents collèges élus, l’ensemble des services de l’État concernés, en lien avec le monde économique, social et associatif, ainsi que le rôle du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN).

Sur les dispositions de cet article, je suivrai les avis qu’émettront nos rapporteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Vifs applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La commission nationale du débat public émet un avis annuel sur la participation des citoyens aux décisions dans le domaine nucléaire au regard de la charte de la participation du public.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à prévoir, encore une fois, une association plus étroite de la société civile et une plus grande transparence.

L’article 4 prévoit la consultation de l’Opecst et du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, afin de déterminer les domaines dans lesquels la future ASNR pourra associer le public à ses travaux.

Nous proposons, par cet amendement, que la Commission nationale du débat public (CNDP) émette chaque année un avis sur la participation des citoyens aux décisions dans le domaine nucléaire.

On nous dit que la CNDP est engorgée ; on peut en effet le constater dans certaines régions et au travers de certaines enquêtes. Mais nous demandons simplement qu’elle publie un rapport, ce qui représente une charge de travail limitée.

Par ailleurs, et surtout, ne pouvons-nous pas nous interroger légitimement sur les moyens affectés à la démocratie environnementale dans notre pays ? Chacun connaît le coût du nucléaire, la cherté de cette énergie, et sait que l’on va y consacrer des milliards d’euros, sans aucune garantie en contrepartie. Dans ces conditions, pourquoi ne pas donner quelques moyens supplémentaires à la Commission nationale, afin qu’elle puisse dire si l’énergie nucléaire que produira la France dans les prochaines années sera, à tout le moins, sûre.

Il est essentiel de s’assurer, au travers de la loi, du respect de la charte de la participation du public et des principes définissant un processus participatif vertueux, lequel a été consacré dès la fin du siècle dernier par la convention d’Aarhus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. La CNDP peut d’ores et déjà émettre tous avis et recommandations de nature à favoriser et à développer la participation du public. Elle s’est particulièrement attachée, durant ces dernières années, à garantir cette participation dans le domaine du nucléaire. Il n’est pas nécessaire d’ajouter une saisine obligatoire annuelle de cette commission, laquelle fait déjà face à un certain engorgement.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

1° Première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Dans les deux mois à compter de sa publication au Journal officiel, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection présente le règlement intérieur au cours d’une audition devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

2° Seconde phrase

Supprimer le mot :

également

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Vous avez considéré, au travers d’une formulation juridique qui nous semble audacieuse, que tant que le règlement intérieur ne serait pas transmis, l’ASNR ne pourrait pas émettre d’avis. Permettez-moi de vous dire qu’une telle disposition nous semble, en droit, bancale et pour le moins originale…

La rédaction d’un règlement intérieur ainsi que le vote qui doit intervenir ensuite sur ce texte peuvent prendre du temps, notamment parce qu’ils peuvent s’inscrire dans le cadre d’un dialogue social. Faire de la transmission du règlement la condition préalable au commencement des travaux de l’ASNR nous semble donc par trop exorbitant du droit commun.

Nous vous proposons, au travers de cet article, de conserver le principe selon lequel le règlement intérieur doit être présenté à l’Opecst. Mais la présentation de ce document à l’Office ne saurait être le sésame du déclenchement des activités de l’ASNR !

Nous préférons une rédaction qui maintienne l’obligation de présenter le règlement intérieur, sans toutefois en faire le premier acte de fonctionnement de l’autorité ; ainsi ce règlement intérieur pourra-t-il être affiné dans le cadre du dialogue social.

M. le président. L’amendement n° 29, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Après la formulation de ces observations, le projet de décision d’adoption du règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est également soumis durant trois mois à la consultation du public.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à approfondir la participation citoyenne et la transparence quant au règlement intérieur de la future autorité.

Nous nous sommes exprimés sur le renvoi de trop nombreuses dispositions au règlement intérieur de l’ASNR, sur laquelle le Parlement et la société civile auront très peu la main. La commission des affaires économiques et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable ont souhaité inscrire dans la loi des avancées à cet égard. Le texte prévoit donc désormais que le projet de règlement intérieur sera présenté pour observation au HCTISN, à l’Anccli et à l’Opecst, en lien avec les commissions permanentes.

À la différence du Gouvernement, qui souhaite détricoter complètement ces avancées, nous pensons que ces mesures ne vont pas assez loin.

L’amendement du Gouvernement vise en effet à ce que le règlement intérieur soit soumis pour avis à l’Opecst uniquement après sa publication au Journal officiel. Pour notre part, nous voulons au contraire associer nos concitoyens de façon plus approfondie à l’élaboration de ce texte, en le soumettant durant trois mois à la consultation du public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 29, le règlement intérieur comportera des dispositions techniques qui mettront en œuvre des principes législatifs. L’objectif du contrôle de ce règlement est d’assurer la bonne application de ces principes ; la consultation du public n’apparaît donc pas comme un moyen adapté.

Par ailleurs, le règlement intérieur devant être adopté assez rapidement, une période de consultation de trois mois paraît excessive.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

J’en viens à l’amendement n° 35 du Gouvernement.

Il est indispensable que le Parlement, le HCTISN et l’Anccli vérifient que la lettre du règlement intérieur est bien conforme à l’intention du législateur. Tel est l’objet de la présentation du projet de règlement, pour d’éventuelles observations, à l’Opecst, et de sa transmission pour information au HCTISN et à l’Anccli.

Présenter ou transmettre ce texte deux mois après son adoption, comme tend à le prévoir cet amendement, n’aurait pas d’intérêt : si le règlement intérieur n’était pas conforme aux principes décidés par le législateur, l’Opecst ne pourrait plus alors que le déplorer !

La commission émet donc, sur cet amendement également, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 29 ?

M. Christophe Béchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de mesurer, sur le plan juridique, les conséquences des dispositions que vous êtes sur le point de voter : au cas où l’ASNR n’aurait pas transmis son règlement intérieur à l’Opecst, elle ne pourrait pas émettre un avis dans une situation d’urgence. Nous parlons là d’un enjeu de sûreté. Au lieu de renforcer le dispositif, comme vous pensez le faire, vous le fragilisez juridiquement !

En maintenant le lien entre le règlement intérieur et l’Opecst, nous faisons un pas vers vous. Mais nous vous demandons de ne pas faire de la présentation du règlement un préalable. En effet, si tel était le cas, l’Opecst, au motif de conserver un droit de regard sur le règlement, prendrait un risque disproportionné en termes de sûreté.

Je sais qu’il n’est pas de coutume de se déjuger dans cet hémicycle, mais je vous prie d’entendre ce que vous demande, avec sagesse, le Gouvernement, qui vous propose un compromis en maintenant la présentation du règlement intérieur à l’Opecst.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 29.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. Je pourrais vous rejoindre, monsieur le ministre, s’il était inscrit dans le projet de loi que les observations de l’Opecst ont un caractère suspensif. Or tel n’est pas le cas. Seule est prévue une transmission pour d’éventuelles observations…

M. Christophe Béchu, ministre. C’est une base contentieuse : vous créez une insécurité juridique !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je rejoins le rapporteur : l’alinéa 6 du présent article prévoit bien que le projet d’adoption du règlement intérieur est présenté à l’Office, qui peut formuler des observations. De la même façon, il est transmis au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, qui peut également faire des observations, et ce dans un délai suffisamment contraint.

Je sais, moi aussi, qu’il n’est pas de coutume qu’un ministre se déjuge, mais je considère que la lecture que le Gouvernement fait de cet alinéa est très rigide ; je ne comprends pas cette interprétation. Je voterai donc contre l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 71, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 6, seconde phrase

1° Après le mot :

nucléaire

insérer les mots :

pour avis

2° Remplacer le mot :

peuvent

par le mot :

peut

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire est une instance de débat et de concertation qui peut se saisir de toute question relative à l’accessibilité de l’information en matière de sécurité nucléaire. En outre, il a la capacité de proposer toute mesure visant à garantir ou à améliorer la transparence en matière nucléaire. À ce titre, il comprend des représentants de l’ensemble des acteurs concernés : parlementaires, commissions locales d’information, associations, exploitants, organisations syndicales, personnalités qualifiées, représentants des services de l’État.

Le recours au règlement intérieur afin de préciser la nature et les modalités de publication des avis techniques en fonction de la nature des dossiers et des décisions prises par l’ASNR, la nature des documents rendus publics et le cadencement temporel de ces publications ont suscité de nombreuses critiques, en particulier de la part du Haut Comité dans son avis du 3 décembre dernier. C’est pourquoi celui-ci souhaite être associé aux travaux d’élaboration du règlement intérieur.

Tel est précisément l’objet de notre amendement, qui vise à ce que le HCTISN puisse non plus seulement formuler d’éventuelles observations, mais émettre un avis sur le règlement intérieur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit : je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à une heure afin que nous puissions achever l’examen de ce projet de loi et entamer celui du texte suivant.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Article 4
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Article 5

Après l’article 4

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. Burgoa et Sol, Mme Belrhiti, MM. Sautarel, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, M. Milon, Mme Garnier, MM. Klinger, Mouiller et Bonhomme, Mme Gosselin, M. Courtial, Mme Richer, M. Rapin, Mme Lassarade, MM. Bouchet et D. Laurent, Mme Jacquemet, MM. C. Vial, Hingray et Brisson, Mmes Herzog et Aeschlimann, MM. H. Leroy et Menonville, Mme Di Folco, MM. Bazin, Favreau et Mizzon, Mmes de Cidrac et Gruny, M. Mandelli, Mme Joseph, M. Pellevat, Mme Schalck, MM. Savin, Belin et Laménie, Mmes Pluchet et Berthet, MM. Sido, Michallet, Somon, Bruyen, Gremillet, Meignen et Pointereau et Mme Primas, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 542-3 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques peut demander à la commission de lui présenter une expertise sur un sujet relevant de son domaine de compétence. » ;

2° Au 1°, le mot : « Six » est remplacé par le mot : « Huit » ;

3° Après le neuvième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Haut Commissaire à l’énergie atomique est membre de droit de la commission. »

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Cet amendement vise à conforter la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2), sur trois points.

Il prévoit, premièrement, que la Commission pourra être consultée à tout moment et sur tout sujet par l’Opecst, en dehors du seul cadre de la remise de son rapport annuel ; deuxièmement, que la Commission comprendra deux membres supplémentaires ; troisièmement, que le Haut Commissaire à l’énergie atomique en sera membre de droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. Burgoa et Sol, Mme Belrhiti, MM. Sautarel, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, M. Milon, Mme Garnier, MM. Klinger, Mouiller et Bonhomme, Mme Gosselin, M. Courtial, Mme Richer, M. Rapin, Mme Lassarade, MM. Bouchet et D. Laurent, Mme Jacquemet, MM. C. Vial, Hingray et Brisson, Mmes Herzog et Aeschlimann, MM. H. Leroy et Menonville, Mme Di Folco, MM. Bazin, Favreau et Mizzon, Mmes de Cidrac et Gruny, M. Mandelli, Mme Joseph, M. Pellevat, Mme Schalck, MM. Savin, Belin et Laménie, Mmes Pluchet et Berthet, MM. Sido, Michallet, Somon, Bruyen, Gremillet et Meignen et Mme Primas, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 592-30 du code de l’environnement, le mot : « leur » est remplacé par le mot : « lui ».

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 3 rectifié bis.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. Burgoa et Sol, Mme Belrhiti, MM. Sautarel, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, M. Milon, Mme Garnier, MM. Klinger, Mouiller et Bonhomme, Mme Gosselin, M. Courtial, Mme Richer, M. Rapin, Mme Lassarade, MM. Bouchet et D. Laurent, Mme Jacquemet, MM. C. Vial, Hingray et Brisson, Mmes Herzog et Aeschlimann, MM. H. Leroy et Menonville, Mme Di Folco, MM. Bazin, Favreau et Mizzon, Mmes de Cidrac et Gruny, M. Mandelli, Mme Joseph, M. Pellevat, Mme Schalck, MM. Pointereau, Savin, Belin et Laménie, Mmes Pluchet, de La Provôté et Berthet, MM. Sido, Michallet, Somon, Bruyen, Gremillet et Meignen et Mme Primas, ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 592-31 du code de l’environnement est complété par les mots : « avant sa publication ».

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Stéphane Piednoir. L’amendement n° 5 rectifié bis est purement rédactionnel, et j’ai bon espoir qu’il recueille un double avis favorable.

L’amendement n° 3 rectifié bis vise à prévoir que l’ASNR présente son rapport annuel devant l’Opecst avant qu’il ne soit validé. Il s’agit donc là, encore une fois, d’une question de temporalité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je suis favorable à l’amendement rédactionnel n° 5 rectifié bis et je m’en remettrai à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 3 rectifié bis.

Mes précédents avis défavorables étaient fondés, non sur la présentation du rapport de l’ASNR devant l’Opecst, mais sur la perspective d’une censure de la rédaction, en l’état, par le Conseil constitutionnel ; dans ce cas, l’Office parlementaire disparaîtrait du texte. En effet, vous n’avez pas voulu saisir la main que nous vous avons tendue…

J’émets un avis de sagesse sur l’amendement n° 3 rectifié bis, car la multiplication de rapports alimente l’inflation normative et la production de textes bavards, qu’il vous arrive par ailleurs de dénoncer. J’utiliserai cet argument aussi longtemps que je serai le correspondant du Gouvernement afin d’attester, face au président Larcher, de notre volonté de réduire l’ampleur des textes.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Permettez-moi de m’inscrire en faux, monsieur le ministre. Il me semble qu’il y a une légère confusion : nous demandons non pas un rapport supplémentaire, mais la présentation du rapport devant l’Opecst. L’ASNR présente d’ores et déjà un rapport chaque année.

Ce que nous souhaitons, c’est que le rapport soit présenté devant l’Opecst, en amont, avant d’être validé et publié de manière officielle. Il ne s’agit donc pas d’un nouveau rapport !

M. Christophe Béchu, ministre. Il s’agit bien d’une obligation normative !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

Section 2

Dispositions transitoires

Après l’article 4
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Article 6

Article 5

I. – Les biens, droits et obligations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, autres que ceux qui sont mentionnés aux articles 7 et 8 de la présente loi, sont transférés à l’État et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives en respectant la répartition des attributions prévue par la présente loi. Ce transfert est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucune indemnité, ni d’aucun droit, taxe ou contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts ou honoraires. Un décret en Conseil d’État en précise les modalités, en prévoyant la possibilité de recourir à une convention de transfert.

II. – Les mandats des membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire ne sont pas interrompus du fait de l’entrée en vigueur de la présente loi. Les membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire ainsi maintenus exercent jusqu’au terme de leur mandat les fonctions de membre du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection telles qu’elles résultent de la présente loi.

M. le président. L’amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Première phrase

Remplacer le mot :

respectant

par les mots :

tenant compte de

2° Deuxième phrase

Supprimer les mots :

ou honoraires

3° Troisième phrase

Supprimer les mots :

, en prévoyant la possibilité de recourir à une convention de transfert

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Le présent amendement a pour objet de revenir à la rédaction initiale de l’article 5, pour des raisons d’ordre technique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Tel qu’il est actuellement rédigé, à la suite de l’adoption d’un amendement de M. le rapporteur pour avis, Patrick Chaize, l’article 5 prévoit que les transferts effectués de l’IRSN au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et à l’État doivent être équitables. Il convient pour cela de prévoir que les modalités de transfert « respectent » la répartition des attributions de chacun des organismes, au lieu de seulement la prendre en compte.

Par ailleurs, l’existence d’une convention permet d’assurer que le transfert prend bien en compte les demandes des différentes organisations concernées.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Chapitre II

Ressources humaines

Section 1

Dispositions modifiant le code de l’environnement

Article 5
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Article 7

Article 6

L’article L. 592-12 du code de l’environnement est remplacé par des articles L. 592-12 à L. 592-12-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 592-12. – Le personnel de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection comprend :

« 1° Des fonctionnaires ;

« 2° Des agents contractuels de droit public ;

« 3° Des salariés de droit privé.

« Les conditions d’emploi des salariés sont régies par le code du travail, sous réserve des dispositions de la présente section et des adaptations prévues par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 592-12-1. – I. – Un comité social d’administration, compétent pour l’ensemble du personnel de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, exerce les compétences des comités sociaux d’administration prévues à la section 1 du chapitre III du titre V du livre II du code général de la fonction publique ainsi que les compétences des comités sociaux et économiques prévues au chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d’État.

« Le comité social d’administration est composé du président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ou de son représentant, qui le préside, de représentants de l’administration et de représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.

« Les représentants du personnel siégeant au comité social d’administration sont élus par les collèges des agents publics et des salariés, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :

« 1° Pour le collège des agents publics, celles prévues aux articles L. 211-1 et L. 211-2 du code général de la fonction publique ;

« 2° Pour le collège des salariés, celles prévues à l’article L. 2314-5 du code du travail.

« La composition de la représentation du personnel au sein du comité social d’administration est fixée par décret en Conseil d’État de façon à permettre la représentation de chaque collège, en tenant compte des effectifs, d’une part, des agents publics et, d’autre part, des salariés.

« II. – Au sein du comité social d’administration :

« 1° La commission des agents publics exerce les attributions mentionnées aux 3°, 4° et 5° de l’article L. 253-1 du code général de la fonction publique lorsqu’elles concernent, de manière exclusive, les fonctionnaires et agents contractuels de droit public ;

« 2° La commission des salariés exerce les attributions mentionnées à l’article L. 2312-5 du code du travail, à l’exception de celles des troisième et avant-dernier alinéas du même article L. 2312-5, ainsi qu’aux articles L. 2315-49 et L. 2315-56 du même code, lorsqu’elles concernent, de manière exclusive, les personnels de droit privé. Ces attributions sont exercées par la commission des salariés au profit des personnes et dans les conditions mentionnées à l’article L. 2312-6 dudit code ;

« 3° La formation plénière examine les questions relatives aux attributions mentionnées au 1° et 2° du présent II qui intéressent la situation de l’ensemble des personnels et exerce les autres compétences mentionnées au I, à l’exception de celles qui sont mentionnées au III.

« La composition des commissions et de la formation plénière, les modalités de désignation des représentants du personnel qui y siègent, leur fonctionnement et les moyens qui leur sont attribués sont définis par décret en Conseil d’État.

« III. – Au sein du comité social d’administration, une formation spécialisée chargée des questions de santé, de sécurité et des conditions de travail exerce, pour l’ensemble des personnels, les attributions mentionnées à l’article L. 253-2 du code général de la fonction publique ainsi qu’aux articles L. 2312-59 et L. 2312-60 du code du travail et aux livres Ier à V de la quatrième partie du même code.

« Les représentants du personnel y sont désignés dans les conditions prévues à l’article L. 252-5 du code général de la fonction publique. Son fonctionnement et les moyens qui lui sont attribués sont fixés par décret en Conseil d’État.

« Des formations locales santé, sécurité et conditions de travail compétentes pour l’ensemble des personnels peuvent être instituées lorsque des risques professionnels particuliers le justifient. Les représentants du personnel y sont désignés par les organisations syndicales représentées au sein du comité social d’administration. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent alinéa.

« IV. – Le premier alinéa de l’article L. 2315-23 du code du travail est applicable au comité social d’administration. Il gère son budget de fonctionnement et le budget des activités sociales et culturelles de l’ensemble du personnel.

« Le fonctionnement et les moyens du comité, ainsi que les ressources destinées à financer les activités mentionnées au premier alinéa du présent IV sont fixés par décret en Conseil d’État.

« Le titre III du livre VII du code général de la fonction publique relatives à l’action sociale interministérielle ne s’applique pas aux agents publics de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

« Art. L. 592-12-2. – I. – Le chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est applicable aux salariés de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

« Les délégués syndicaux sont désignés, au niveau central, par les organisations syndicales représentatives du collège des salariés qui y constituent une section syndicale. Chaque syndicat qui constitue, conformément à l’article L. 2142-1 du même code, une section syndicale peut, s’il n’est pas représentatif, désigner un représentant de la section.

« Sont représentatives au sein du collège des salariés les organisations syndicales qui satisfont aux critères mentionnés à l’article L. 2121-1 dudit code, à l’exception de celui mentionné au 5° du même article L. 2121-1, et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections du comité mentionné à l’article L. 592-12-1 du présent code dans ce collège.

« La validité des accords collectifs prévus au livre II de la deuxième partie du code du travail est subordonnée à leur signature par, d’une part, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives selon les conditions définies à l’article L. 2232-12 du même code. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés au même article L. 2232-12, sont appréciés au sein du collège des salariés.

« Les salariés qui sont membres du comité ou des formations mentionnés à l’article L. 592-12-1 du présent code et les délégués syndicaux ou représentants des sections syndicales bénéficient de la protection prévue au livre IV de la deuxième partie du code du travail.

« II. – Pour les agents publics de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, les organisations représentatives habilitées à négocier sont celles qui disposent d’au moins un siège au sein du comité social d’administration, au titre du collège des agents publics.

« En application de l’article L. 223-1 du code général de la fonction publique, un accord conclu sur le fondement des articles L. 221-2 ou L. 222-2 du même code est valide, pour les agents publics, s’il est signé par une ou plusieurs des organisations habilitées à négocier pour le collège de ces personnels.

« III. – Dans les domaines mentionnés à l’article L. 222-3 du code général de la fonction publique, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peut inviter les représentants des salariés et des agents publics à participer à des négociations conjointes.

« Ces négociations donnent lieu, le cas échéant, à la conclusion d’accords distincts et applicables spécifiquement :

« 1° Aux salariés de droit privé selon les modalités prévues au I ;

« 2° Aux agents publics selon les modalités prévues au II.

« Art. L. 592-12-3. – Le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peut, dans le respect des dispositions légales applicables aux différentes catégories de personnels et en complément des dispositions réglementaires ainsi que des conventions, accords collectifs et engagements unilatéraux qui leur sont applicables, harmoniser entre ces catégories, les montants et conditions de versement des indemnités accessoires liées à des sujétions communes et les modalités de remboursements des frais de toute nature. »

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le coup, nous trouvons que la commission des finances y est allée « à la sulfateuse » sur un certain nombre d’amendements, notamment pour ce qui concerne la question sociale, ce qui n’est pas sans poser problème.

Nous avions ainsi déposé un amendement visant à porter à 1,65 % de la masse salariale les moyens destinés aux activités sociales et culturelles du comité social d’administration. Ce n’était pas totalement déraisonnable, un tel taux allant avec le statut. Malheureusement, cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Nous avions également présenté deux amendements portant sur la question du statut, monsieur le ministre.

D’un côté, les personnels de l’ASN, au nombre de 500, sont en majorité des fonctionnaires. De l’autre, les 1 500 salariés de l’IRSN sont plutôt des salariés de droit privé. Il y a des inquiétudes des deux côtés, notamment du côté de l’ASN, sur la préservation du statut de fonctionnaire au cours des prochaines années.

On sait en effet comment cela se passe en cas de fusion : au départ, on laisse cohabiter les deux statuts, puis on supprime celui de fonctionnaire. Si les personnels de l’IRSN préfèrent conserver le statut de droit privé, il conviendrait de rassurer ceux de l’ASN.

Mme Pannier-Runacher, lorsqu’elle a travaillé sur ce projet de loi en tant que ministre chargée de la question énergétique, avait réfléchi à l’idée d’un pourcentage, qui était certes complexe. Mais aujourd’hui, nous n’avons pas de réponse. Et comme tous les amendements sur ce sujet ont eux aussi été déclarés irrecevables au titre de l’article 40, nous ne pourrons pas en débattre. C’est bien dommage.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 17 est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.

L’amendement n° 92 rectifié est présenté par MM. Chaize et Gremillet, Mme Belrhiti, MM. Reichardt, Sautarel, Daubresse, Piednoir, Burgoa, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, MM. Milon et Klinger, Mme Dumont, M. Bonhomme, Mmes Gosselin, Richer et Lassarade, MM. Bouchet, D. Laurent, Somon et Brisson, Mmes Primas, Puissat et Di Folco, MM. J.B. Blanc et Favreau, Mmes Gruny et Estrosi Sassone, MM. Pellevat, Savin, Belin, Mouiller et Laménie, Mme Berthet et MM. Michallet, Bruyen et Meignen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le personnel de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection de nationalité étrangère ou apatride ne peut être recruté pour pourvoir des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l’exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique.

L’amendement n° 17 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 92 rectifié.

M. Daniel Gremillet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Selon une jurisprudence constitutionnelle constante, les personnels de nationalité étrangère ne peuvent exercer des fonctions inséparables de la souveraineté nationale. Il n’est pas nécessaire de le préciser au niveau législatif, comme l’a d’ailleurs indiqué le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi. Je ne vois toutefois aucun inconvénient majeur à le faire figurer dans la loi.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 92 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 59, présenté par MM. Fagnen, Devinaz et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

Chapitre II

insérer les mots :

et à la sous-section 10 de la section 3 du chapitre V

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. Cet amendement est né d’échanges avec l’intersyndicale de l’IRSN. Sur sa proposition, il vise à introduire l’expertise qui existe aujourd’hui au sein du comité social et économique (CSE) de l’Institut, en application du code du travail, au sein du comité social d’administration (CSA), en particulier en appui des consultations obligatoires.

Il s’agit donc de pérenniser au sein de la future entité des dispositions déjà existantes pour l’IRSN.

M. le président. L’amendement n° 88, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’exercice de ses attributions consultatives, le comité social d’administration peut recourir à un expert-comptable ou à un expert habilité dans les conditions prévues à la sous-section 10 de la section 3 du chapitre V du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d’État.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement est un rescapé : il ne fait pas partie des amendements portant sur la question sociale au sein de la nouvelle entité ayant été déclarés irrecevables.

Pour compléter ce qui a déjà été dit, j’ajouterai que, selon de nombreux acteurs, le projet de fusion de l’IRSN et de l’ASN pourrait être contre-productif en termes de ressources humaines, de compétences et de motivations. Ce serait dramatique, car, si nous voulons véritablement relancer le nucléaire, non seulement nous aurons besoin des compétences existantes, mais nous devrons les développer.

Le modèle de gouvernance doit prendre en considération la culture des organisations ; tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Ces amendements sont satisfaits : l’article 6 prévoit que le CSA exerce les compétences du CSE.

L’article L. 2315-91 du code du travail précise : « Le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi mentionnée au 3° de l’article L. 2312-17. »

Je souhaite donc que l’on conserve la rédaction actuelle, qui satisfait totalement vos demandes et j’émets, par conséquent, un avis défavorable sur ces amendements.

M. Sébastien Fagnen. Je retire l’amendement n° 59, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 59 est retiré.

Mme Céline Brulin. Je retire également l’amendement n° 88.

M. le président. L’amendement n° 88 est retiré.

Je mets aux voix l’article 6, modifié.

(Larticle 6 est adopté.)

Section 2

Dispositions transitoires

Article 6
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
Article 8

Article 7

I. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est substituée à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en qualité d’employeur des salariés de ce dernier, à l’exception des salariés qui sont mentionnés aux II et III. Les contrats de travail des intéressés lui sont transférés sans autre modification.

L’article L. 1224-3 du code du travail n’est pas applicable à ces transferts.

II. – Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, ou une de ses filiales désignée par décret, est substitué à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en qualité d’employeur des salariés de ce dernier qui exercent des missions relatives à la fourniture et à l’exploitation de dosimètres à lecture différée. Les contrats de travail des intéressés lui sont transférés sans autre modification.

III. – Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives est substitué à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en qualité d’employeur des salariés de ce dernier qui apportent un appui technique aux autorités de l’État dans les matières suivantes :

1° Sûreté nucléaire et radioprotection, pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense mentionnées à l’article L. 1333-15 du code de la défense, y compris en cas d’incident ou d’accident ;

2° Sécurité des installations et des transports des matières nucléaires ou des sources de rayonnements ionisants mentionnées à l’article L. 1333-1 du même code ;

3° Non-prolifération, contrôle et comptabilité centralisée des matières nucléaires ;

4° Interdiction des armes chimiques, pour l’application des dispositions du chapitre II du titre IV du livre III de la deuxième partie dudit code.

Les contrats de travail de ces salariés sont transférés au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives sans autre modification.

Les intéressés sont, d’office, mis à disposition du ministre de la défense pour y exercer leur mission pendant une durée de trois ans, renouvelable de plein droit à leur demande.

Ces mises à disposition sont régies par l’article L. 334-1 du code général de la fonction publique, sous réserve du septième alinéa du présent III.

À l’issue de sa mise à disposition, le salarié est affecté au sein du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives sur un poste correspondant à ses qualifications, sans perte de rémunération.

IV. – Les modalités des transferts et mises à disposition ainsi que de l’appui technique apporté aux autorités de l’État compétentes prévus par le présent article sont précisées par décret en Conseil d’État.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 13 est présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 47 est présenté par MM. Fagnen, Devinaz et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 83 est présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 13.

M. Jacques Fernique. Cet amendement vise à maintenir les experts en dosimétrie externe et ceux en dosimétrie interne dans une même unité et un même service.

L’article 7 a pour effet d’affecter les salariés qui analysent l’exposition externe aux rayonnements ionisants au CEA et ceux qui analysent l’exposition interne à la future ASNR. La séparation de ces salariés risque de dégrader la capacité de reconstitution de l’exposition globale en cas d’incident ou d’accident nucléaire, car celle-ci nécessite une coopération étroite entre ces personnels.

Lors du calcul de la dose reçue par un travailleur en cas d’incident ou par la population en cas d’accident, il convient en effet de combiner rapidement les résultats de dosimétrie interne et externe. Le maintien des experts en dosimétrie externe et de ceux en dosimétrie interne dans une même entité et un même service s’inscrit donc dans une logique de complémentarité technique, de réactivité en situation d’urgence. De plus, certains experts travaillent aujourd’hui dans les deux domaines. Il est donc incohérent de perdre cette complémentarité des compétences.

On nous oppose, sur ce sujet, le caractère commercial des activités liées aux dosimètres passifs. En effet, la fourniture de dosimètres constitue une activité ouverte à la concurrence, qui suppose un démarchage. En cas d’intégration de la dosimétrie passive au sein de l’ASNR, cette autorité administrative indépendante se retrouverait donc en situation de conflit d’intérêts, car elle devrait démarcher les exploitants également placés sous son contrôle.

Outre que cet argument montre tout l’intérêt du système dual, que nous souhaitons conserver, nous estimons que le Gouvernement devrait travailler à la mise en place de dispositions organisationnelles, structurelles et déontologiques permettant une bonne cohabitation. La dispersion de l’expertise et son affaiblissement constituent un véritable risque, souligné par l’intersyndicale de l’IRSN, avec laquelle nous avons travaillé cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour présenter l’amendement n° 47.

M. Sébastien Fagnen. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 83.

M. Fabien Gay. Il est défendu également.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Le maintien des activités de dosimétrie passive au sein de l’ASNR pourrait poser des difficultés au regard du droit de la concurrence. En effet, ces activités nécessitent un démarchage commercial actif de l’entité qui les assure auprès de clients qui seront soumis au contrôle de l’ASNR.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Il est identique à celui du rapporteur : défavorable.

Nous sommes là complètement à front renversé : alors qu’on nous dit depuis le début qu’il faut garder deux structures, on nous explique à présent qu’il faut conserver en interne une activité clairement concurrentielle, dans laquelle l’IRSN détient 50 % des parts de marché. Si ces trois amendements étaient votés, les personnes chargées de ces activités seraient placées en situation de conflit d’intérêts, au sens pénal du terme.

Notre objectif est de transférer ces agents au sein du CEA de manière à conserver cette activité dans le champ public, malgré son caractère concurrentiel. Il ne doit y avoir aucun bouleversement pour ceux qui l’assument. De grâce, ne les exposez pas à un risque pénal !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, vous conviendrez qu’il y a un problème. Vous nous vendez une réforme de nature à fluidifier les choses, mais, en réalité, elle est susceptible de les complexifier.

Alors que les activités de dosimétrie interne et externe sont aujourd’hui regroupées, nous nous apprêtons à les scinder et à en transférer une partie. En cas de problème, on ne sait pas comment cela va fonctionner. Vous faites tout à l’envers !

Par ailleurs, vous faites peu de cas des hommes et des femmes. Que ferez-vous s’ils ne veulent pas être transférés ? Vous le savez, ce transfert fait débat chez les personnels chargés de la dosimétrie. Vous allez avoir un problème et vous ne fluidifierez rien !

Vous aurez non seulement un problème technique et industriel, mais aussi un problème de recrutement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur Gay, sur les 2 300 agents, 30 sont concernés par la dosimétrie, qui est une activité non pas de contrôle de sûreté, mais de contrôle d’exposition individuelle.

Dans ce secteur, l’IRSN a des concurrents extérieurs. Dire que la sûreté serait remise en cause si l’activité visant à mesurer le degré d’exposition des agents était transférée au CEA me paraît capillotracté.

M. Fabien Gay. Je n’ai pas dit cela !

M. Christophe Béchu, ministre. J’y insiste, il faut éviter les conflits d’intérêts et, surtout, ne pas rejeter la fusion de 2 300 personnes en se fondant sur une activité concurrentielle exercée par 30 personnes, activité qui plus est périphérique à la mission de sûreté.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13, 47 et 83.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 14 est présenté par Mme Guhl, MM. Dantec, Salmon, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 85 est présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 4 à 13

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 14.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à atteindre un objectif simple : éviter que la réforme prévue par le projet de loi ne perturbe ou ne dégrade le système actuel de gouvernance de la sûreté nucléaire.

Nous voulons ainsi maintenir l’ensemble de l’expertise de la recherche sur la sûreté civile et la défense, la sécurité et la non-prolifération au sein de la future ASNR.

Votre projet de loi prévoit, sur l’expertise de sûreté défense, de transférer environ 31 ETP vers le service du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), rattaché au ministère français des armées, et 23 ETP vers la future ASNR.

Nous sommes en désaccord avec cette proposition. Au contraire, nous revendiquons de maintenir l’expertise et la recherche sur la sûreté civile et militaire, ainsi que sur la sécurité et la non-prolifération au sein de la future autorité, pour éviter la dispersion des compétences rares actuellement concentrées à l’IRSN.

C’est la condition pour sauvegarder non seulement l’efficacité de nos ressources et de nos compétences, mais également la cohérence de nos positions techniques pour la maîtrise des risques nucléaires.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 85.

M. Fabien Gay. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. L’expertise en matière de sécurité des installations civiles, de sûreté et de radioprotection pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense, de non-prolifération et de contrôle des matières dangereuses relève d’activités en lien avec des compétences régaliennes. Il me semble hasardeux de les placer au sein d’une autorité administrative indépendante.

Comme le soulignent les auteurs du rapport de l’Opecst de juillet 2023, la coordination entre sûreté et sécurité pour les installations civiles et les transports constitue un enjeu important, notamment pour le développement des SMR. Cependant, celle-ci peut se faire par le biais d’échanges renforcés et de conventions entre le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense et l’ASNR.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 14 et 85.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je comprends le débat, mais je me range aux arguments de l’Opecst et du rapporteur. Avis défavorable.

M. Fabien Gay. C’est un peu court !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 85.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

I. – Les effets des conventions et accords ainsi que des engagements unilatéraux applicables au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire au 31 décembre 2024 sont prolongés, pour les salariés de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, jusqu’à l’entrée en vigueur des conventions, accords ou engagements unilatéraux qui leur sont substitués ou, à défaut, jusqu’au 30 juin 2027.

À compter de la date d’entrée en vigueur du présent chapitre et jusqu’à la désignation des représentants du personnel de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, cette autorité et les délégués syndicaux de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire mentionnés à l’article 10 de la présente loi engagent, à la demande de l’une des parties intéressées, les négociations destinées soit à adapter les stipulations actuelles des conventions et accords mentionnés au premier alinéa du présent I, soit à élaborer de nouvelles stipulations. Ces négociations continuent avec les délégués syndicaux mentionnés au I de l’article L. 592-12-2 du code de l’environnement à compter de leur désignation.

À compter du 1er juillet 2027, en l’absence de conventions et d’accords se substituant à ceux qui sont mentionnés au premier alinéa du présent I, les salariés mentionnés au même premier alinéa bénéficient d’une garantie de rémunération selon les modalités fixées aux deuxième à sixième alinéas de l’article L. 2261-14 du code du travail.

II. – La section 6 du chapitre Ier du titre VI du livre II de la deuxième partie du code du travail est applicable aux salariés dont les contrats de travail sont transférés au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ou à l’une de ses filiales désignée par décret, en application des II et III de l’article 7 de la présente loi. – (Adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

Pendant une durée de six ans à compter de l’entrée en vigueur du présent chapitre, un accès aux corps de fonctionnaires de l’État dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État peut, par dérogation à l’article L. 325-1 du code général de la fonction publique, être organisé par la voie de recrutements réservés exceptionnels valorisant les acquis de l’expérience professionnelle.

L’accès aux corps de fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du présent article est réservé aux agents contractuels de droit public et aux salariés de droit privé de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection qui, à la date du 31 décembre de l’année précédant celle au titre de laquelle est ouvert le recrutement réservé exceptionnel, sont en fonctions ou bénéficient d’un des congés assimilables à du travail effectif au sens de l’article L. 3121-1 du code du travail, et qui justifient à cette date d’une durée d’ancienneté de quatre années en équivalent temps plein au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, de l’Autorité de sûreté nucléaire ou de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. – (Adopté.)

Article 9
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Article 11

Article 10

Jusqu’à la constitution du comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, qui intervient au plus tard le 31 mars 2026, le comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et le comité social et économique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire sont maintenus en fonction et exercent les missions relatives respectivement aux agents publics et aux salariés, sous la présidence du représentant de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Les membres de ces instances représentatives du personnel poursuivent leur mandat jusqu’à la désignation des représentants du personnel issus des élections permettant la constitution du comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Les comités, à leur demande ou à celle du président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, peuvent siéger en formation conjointe, dans le respect de leurs attributions respectives, pour connaître des sujets communs à l’ensemble du personnel. Dans ce cas, les conditions de vote s’apprécient au regard de l’ensemble des membres présents de la formation conjointe. L’avis de la formation conjointe se substitue aux avis de chacune des instances.

Le patrimoine du comité social et économique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est dévolu au comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection à la date de la désignation des membres de celui-ci.

Par dérogation à l’article L. 2143-10 du code du travail, les mandats des délégués syndicaux désignés au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire subsistent au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Leur mandat prend fin au plus tard à la date de la désignation des membres du comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. – (Adopté.)

Article 10
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Article 12

Article 11

I. – L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et l’Autorité de sûreté nucléaire consacrent respectivement 15 millions d’euros et 0,7 million d’euros à l’augmentation des salariés et des contractuels de droit public en 2024.

II. – Avant le 1er juillet 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport, élaboré avec le concours de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives en 2025, pour exercer leurs missions respectives prévues par la présente loi, dans le nouveau contexte nucléaire, ainsi que les mesures indispensables pour assurer l’attractivité des conditions d’emploi de leurs personnels respectifs par rapport au marché du travail dans le domaine du nucléaire. Ce rapport évalue la faisabilité et l’opportunité d’instituer un préfigurateur chargé de la mise en œuvre de la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

III. – L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection évalue les besoins prévisionnels humains et financiers qui lui sont nécessaires dans les cinq années suivant l’entrée en vigueur du présent titre pour exercer ses missions dans le nouveau contexte nucléaire, ainsi que les mesures indispensables pour assurer l’attractivité des conditions d’emploi de ses personnels par rapport au marché du travail dans le domaine du nucléaire, et présente ses propositions au Gouvernement et à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en lien avec les différentes commissions permanentes compétentes.

M. le président. L’amendement n° 64, présenté par MM. Devinaz, Fagnen et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

contexte nucléaire

par les mots :

contexte de relance nucléaire marqué par des aléas climatiques extrêmes et des événements incertains

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. La relance de la filière nucléaire s’effectue dans un contexte marqué par de multiples aléas climatiques qui nous plongent dans l’incertitude. Nous ne disposons pas forcément d’éléments nous permettant d’anticiper les évolutions du climat et de nous y préparer.

Que savons-nous des futures tempêtes ou phénomènes extrêmes qui pourront se produire dans quarante ou cinquante ans ? Quel effet le changement climatique aura-t-il sur la ressource en eau et la capacité de refroidissement des réacteurs d’ici soixante ans ? Autrement dit, comment préparons-nous les sites qui vont héberger de nouveaux réacteurs à des évolutions potentiellement radicales ?

La future autorité disposera-t-elle de suffisamment de moyens pour lancer de nouvelles études face à de nouveaux phénomènes imprévisibles et à de nouvelles agressions naturelles ?

Devant toutes ces interrogations, nous souhaitons que ces dimensions soient également prises en compte dans le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement avant le 1er juillet 2024 pour faire face à la relance du nucléaire dans un contexte marqué par l’incertitude.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Avis favorable. (Exclamations de satisfaction sur plusieurs travées.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour des raisons rédactionnelles. Nous considérons en effet qu’il est tautologique.

Néanmoins, je suis d’accord sur le fond. Je vous renvoie d’ailleurs à un excellent rapport d’information du Sénat sur le coût de l’adaptation des centrales nucléaires au changement climatique.

Ce rapport a chiffré, en particulier, le coût de la sécurisation des circuits d’eau. Je précise qu’il existe deux types de refroidissement des centrales, un en circuit ouvert, l’autre en circuit fermé, qui ont des conséquences à la fois sur les niveaux de prélèvement et de consommation. Il apparaît que le coût global de l’adaptation est très faible par rapport au coût global de la relance. Le coût de l’adaptation n’est donc pas l’argument dirimant que certains imaginent.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous demandons la suppression de la seconde phrase de l’alinéa 2 pour une raison simple.

La commission fixe l’objectif de disposer d’un préfigurateur au début de l’été. Or, compte tenu de la durée du processus législatif et du temps dont nous disposons, cette date nous semble trop contraignante. Il n’est pas certain que nous puissions atteindre cet objectif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. En effet, sur proposition du rapporteur pour avis, Patrick Chaize, notre commission a souhaité que le rapport qui devra être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 1er juillet 2024 évalue la faisabilité et l’opportunité d’instituer un préfigurateur chargé de la création de l’ASNR.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Vous étiez tellement pour le préfigurateur que vous ne l’avez pas prévu dans la loi… Nous allons voter contre votre amendement !

J’en profite cependant pour soulever un problème posé par cet article 11, à savoir le montant de l’enveloppe prévue par le Gouvernement pour l’augmentation des salaires. Ce montant ne permettra en réalité qu’un petit rattrapage, sachant que les salariés de l’IRSN sont aujourd’hui payés en moyenne 31 % de moins que les autres salariés du secteur de l’énergie. Les 15 millions d’euros prévus ne sont donc pas un cadeau du Gouvernement.

En outre, contrairement à ce que vous avez annoncé, monsieur le ministre, cette enveloppe représente beaucoup moins de 10 000 euros par salarié. Je vous indique, au cas où vous ne le sauriez pas, que le total des salaires versés chaque année à l’IRSN s’élève à 160 millions d’euros. Il s’agit donc d’une tentative de remise à niveau, mais, même avec ces 15 millions d’euros, vous n’y arriverez pas, monsieur le ministre.

Nous souhaitions doubler le montant de l’enveloppe, mais comme c’est impossible par voie d’amendement – ceux que nous avions préparés ont été déclarés irrecevables, le Parlement ne peut rien faire –, nous vous proposons de prendre des engagements, monsieur le ministre.

Par ailleurs, je n’ai pas entendu votre réponse précédemment, mais il me semble que ce dispositif ne règle que la question des salariés de droit privé. Quid des fonctionnaires de l’ASN ? Seront-ils sacrifiés sur l’autel de la fusion et privés d’augmentation ? Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Enfin, cette augmentation ne résoudra pas le problème du recrutement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur Gay, vous pourrez vérifier mes propos en consultant le compte rendu intégral des débats au Journal officiel.

M. Fabien Gay. Je ne vous ai pas entendu !

M. Christophe Béchu, ministre. Alors, pour la troisième fois, je précise que les 15 millions d’euros représentent une augmentation de 9 %. Je me réjouis de constater que nos chiffres tombent juste, même si vous auriez préféré une hausse de 18 %, ce qui ne me surprend pas totalement.

En ce qui concerne les fonctionnaires, un décret est nécessaire, fruit des négociations qui doivent avoir lieu entre les agents publics de l’ASN.

Tels sont très exactement les propos que j’ai tenus précédemment : pour les agents de droit privé, j’ai annoncé la couleur ; pour les agents publics, un décret sera pris au terme du processus de négociations.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.

(Larticle 11 est adopté.)

Chapitre III

Le haut-commissaire à l’énergie atomique

Article 11
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Article 13

Article 12

I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l’énergie est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6 : Dispositions spécifiques à lénergie nucléaire

« Art. L. 141-13. – I. – Un haut-commissaire à l’énergie atomique conseille le Gouvernement, dans le domaine de l’énergie nucléaire, en matière scientifique et technique.

« Il peut saisir le Comité de l’énergie atomique du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, mentionné à l’article L. 332-2 du code de la recherche, et toute autorité administrative compétente, de ses propositions concernant, dans le domaine des activités nucléaires civiles et militaires, l’orientation générale scientifique et technique qui lui paraît souhaitable.

« Il préside le conseil scientifique du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, mentionné à l’article L. 332-4 du même code.

« Par délégation, il peut être chargé de préparer les délibérations du conseil de politique nucléaire, dont la composition et le fonctionnement sont fixés par voie réglementaire, et en suivre la mise en œuvre.

« II. – Le haut-commissaire est placé auprès du Premier ministre.

« Il est nommé par décret pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, après avis des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans les conditions prévues par la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

« Il adresse à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration d’intérêts, dans les conditions prévues au III de l’article 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

« III. – Le haut-commissaire peut être saisi par l’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, mentionné à l’article L. 332-3 du code de la recherche, pour rendre des conseils scientifiques et techniques, au regard de sa compétence.

« Il peut être saisi par le Gouvernement, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat pour rendre un avis, au regard de sa compétence, sur un projet de loi, une proposition de loi, un projet de texte réglementaire, un projet d’acte de l’Union européenne ou une question relatifs aux activités nucléaires civiles.

« IV. – A. – Le haut-commissaire est saisi pour avis sur :

« 1° La loi prise en application de l’article L. 100-1 A du présent code ;

« 2° La programmation pluriannuelle de l’énergie, mentionnée à l’article L. 141-1.

« B. – Le haut-commissaire peut être saisi, par les autorités de saisine mentionnées au second alinéa du III du présent article, pour avis sur :

« 1° La stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée “stratégie bas-carbone”, et le plafond indicatif des émissions de gaz à effet de serre dénommé “empreinte carbone de la France”, mentionnés à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement, ainsi que le plafond national des émissions de gaz à effet de serre, dénommé “budget carbone”, mentionné à l’article L. 222-1 A du même code ;

« 2° Le plan national intégré en matière d’énergie et de climat et la stratégie à long terme, mentionnés respectivement aux articles 3 et 15 du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/ CE, 98/70/ CE, 2009/31/ CE, 2009/73/ CE, 2010/31/ UE, 2012/27/ UE et 2013/30/ UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/ CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil.

« V. – Le haut-commissaire publie chaque année un rapport rendant compte de l’état des activités nucléaires civiles, notamment de production et de recherche, sur les plans technique et scientifique. Ce rapport évalue le degré d’atteinte des objectifs fixés par le Gouvernement en matière d’énergie nucléaire dans les documents mentionnés aux 1° et 2° du A du IV.

« VI. – Le haut-commissaire remet les avis ou conseils mentionnés au III aux autorités de saisine prévues au même III, dans les conditions définies par ces dernières.

« Il adresse les avis mentionnés au A du IV et le rapport mentionné au V à la commission de l’Assemblée nationale et du Sénat compétente en matière d’énergie nucléaire, ainsi qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce rapport fait l’objet d’une présentation par le haut-commissaire.

« VII. – Un décret précise les modalités d’organisation et de fonctionnement du haut-commissaire. »

II. – A. – Après la trente-septième ligne du tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

Haut-commissaire à l’énergie atomique

Commission compétente en matière d’énergie

»

B. – Le A du présent II entre en vigueur à la date de publication de la présente loi. Il ne s’applique pas au mandat de haut-commissaire à l’énergie atomique en cours à cette date.

III. – L’article L. 332-4 du code de la recherche est ainsi rédigé :

« Art. L. 332-4. – Un conseil scientifique, dont la composition et le fonctionnement sont fixés par voie réglementaire, formule des recommandations sur les orientations et les activités scientifiques du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. »

M. le président. L’amendement n° 30, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Nous proposons par cet amendement de supprimer l’article 12.

Certes, la commission des affaires économiques a rétabli une base légale à l’existence du haut-commissaire à l’énergie atomique, initialement supprimée par le projet de loi, ce qui permet ainsi une meilleure association du Parlement à la définition de ses missions.

Cependant, nous restons opposés à la réforme du positionnement de cette autorité. Les attributions renforcées du haut-commissaire, placé comme conseiller du Gouvernement auprès du Premier ministre, signent une recentralisation de la gouvernance du nucléaire, aux dépens des instances consultatives.

Cela donne l’impression que l’on crée un poste de conseiller du prince sur le nucléaire, dans le même esprit que la fusion entre l’ASN et de l’IRSN. Cet article semble destiné à renforcer la mainmise du seul Gouvernement sur la relance nucléaire et à éviter tout débat contradictoire.

Serait-ce lié à la peur que l’approfondissement du dialogue avec la société civile en matière de politique nucléaire ne vienne démontrer toutes les faiblesses, voire les aberrations de cette relance, à l’heure où les énergies renouvelables font leurs preuves ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. L’amendement proposé par notre collègue Salmon est orthogonal à la position de la commission. Elle y est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 332-4 du code de la recherche est abrogé.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 32 est retiré.

L’amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Chaize et Gremillet, Mme Belrhiti, MM. Reichardt, Sautarel, Daubresse, Piednoir, Burgoa, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, MM. Milon et Klinger, Mme Dumont, M. Bonhomme, Mmes Gosselin, Richer et Lassarade, MM. Bouchet, D. Laurent, Somon et Brisson, Mmes Primas, Puissat et Di Folco, MM. J.B. Blanc et Favreau, Mmes Gruny et Estrosi Sassone, MM. Pellevat, Savin, Belin, Mouiller et Laménie, Mme Berthet et MM. Michallet, Bruyen et Meignen, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Rédiger ainsi cet alinéa :

B. – Le A du présent II ne s’applique pas au mandat de haut-commissaire à l’énergie atomique en cours à la date de publication de la présente loi.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. C’est un très bon amendement : avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 94 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.

(Larticle 12 est adopté.)

Chapitre IV

Dispositions de coordination et finales

Article 12
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Article 14

Article 13

I. – Le 1° de l’article L. 512-20 du code de la consommation est ainsi rédigé :

« 1° À l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection mentionnée à l’article L. 592-38 du code de l’environnement ; ».

II. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le 7° du I de l’article L. 125-37 est ainsi rédigé :

« 7° Des représentants de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et des autres services de l’État concernés. » ;

2° L’article L. 592-31-1 est abrogé ;

3° La sous-section 3 de la section 4 du chapitre II du titre IX du livre V devient la sous-section 6 ;

4° L’article L. 592-34 est abrogé ;

5° L’article L. 592-38 est ainsi modifié :

a) (nouveau) À la première phrase, le mot : « agents » est remplacé par le mot : « personnels » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « , à des agents de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire » sont supprimés ;

6° La section 7 du même chapitre II est ainsi rédigée :

« Section 7

« Dispositions dapplication

« Art. L. 592-45. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent chapitre, notamment les conditions dans lesquelles les services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection peuvent exercer les activités énumérées à l’article L. 592-14-2 et les procédures d’homologation des décisions prévues à l’article L. 592-20. » ;

7° (nouveau) À la première phrase de l’article L. 596-2, le mot : « agents » est remplacé par le mot : « personnels ».

III. – Le code de la recherche est ainsi modifié :

1° Le vingtième alinéa de l’article L. 114-3-1 est complété par les mots : « et, à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, ses activités de recherche » ;

2° Au premier alinéa des articles L. 365-1, L. 366-1 et L. 367-1, les mots : « L. 332-1 à L. 332-7 » sont remplacés par les mots : « L. 332-1 à L. 332-3, L. 332-5 à L. 332-7 » ;

3° (nouveau) Après le premier alinéa de l’article L. 365-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l’article L. 332-4 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire. » ;

4° (nouveau) Après le premier alinéa de l’article L. 366-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l’article L. 332-4 sont applicables en Polynésie française dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire. » ;

5° (nouveau) Après le premier alinéa de l’article L. 367-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l’article L. 332-4 sont applicables en Nouvelle-Calédonie dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire. »

IV. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° A (nouveau) À la première phrase de l’article L. 1333-29, la première occurrence du mot : « agents » est remplacée par le mot : « personnels » ;

1° À la fin du premier alinéa de l’article L. 1411-5-1, les mots : « ainsi qu’à l’article L. 592-45 du même code » sont supprimés ;

2° Aux premier et avant-dernier alinéas du I de l’article L. 1451-1, les mots : « , à l’article L. 592-45 du code de l’environnement » sont supprimés.

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par MM. Devinaz, Fagnen et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéas 16 et 27

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Afin de renforcer les effectifs consacrés aux inspections dans la nouvelle autorité, nous avons souhaité que l’ensemble des personnels puissent être nommés inspecteurs de la sûreté nucléaire ou inspecteurs de la radioprotection.

Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Nous pensons qu’une telle rédaction se retournerait contre les agents en limitant leur possibilité d’accéder à certaines responsabilités.

Le Gouvernement émet donc lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 95 rectifié, présenté par MM. Chaize et Gremillet, Mme Belrhiti, MM. Reichardt, Sautarel, Daubresse, Piednoir, Burgoa, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, MM. Milon et Klinger, Mme Dumont, M. Bonhomme, Mmes Gosselin, Richer et Lassarade, MM. Bouchet, D. Laurent, Somon et Brisson, Mmes Primas, Puissat et Di Folco, MM. J.B. Blanc et Favreau, Mmes Gruny et Estrosi Sassone, MM. Pellevat, Savin, Belin, Mouiller et Laménie, Mme Berthet et MM. Michallet, Bruyen et Meignen, est ainsi libellé :

Alinéas 21, 23 et 25, au début

Insérer les mots :

Par exception au premier alinéa du présent article,

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 13, modifié.

(Larticle 13 est adopté.)

Article 13
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Article 15

Article 14

I. – La référence à l’Autorité de sûreté nucléaire est remplacée par la référence à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection dans les dispositions figurant :

1° À l’article L. 1333-2 du code de la défense ;

2° Aux articles L. 125-10, L. 125-20, L. 125-24, L. 125-26, L. 125-27, L. 125-35, L. 221-7, L. 229-6, L. 229-7 (deux fois), L. 229-10, L. 501-1, L. 521-12, L. 542-3 (deux fois), L. 542-10-1 (cinq fois), L. 542-12, L. 542-13-2, L. 591-5, L. 591-6 à L. 591-8, L. 592-1, L. 592-2, L. 592-3, L. 592-8 à L. 592-11, L. 592-16 à L. 592-23, L. 592-25 à L. 592-31, L. 592-32, L. 592-33, L. 592-36, L. 592-38, L. 592-41 (trois fois), L. 592-44, L. 593-5 (deux fois), L. 593-8 à L. 593-13, L. 593-19 à L. 593-24, L. 593-26 à L. 593-33, L. 593-35 (deux fois) et L. 593-37, L. 595-1, L. 595-2 (deux fois), L. 596-1 à L. 596-4, L. 596-4-1, L. 596-7 à L. 596-10 et L. 596-12 à L. 596-14 du code de l’environnement ;

2° bis (nouveau) À l’intitulé de la section 6 du chapitre II du titre IX du livre V du même code ;

3° Aux articles L. 1333-8 à L. 1333-10, L. 1333-13 (trois fois), L. 1333-24, L. 1333-26, L. 1333-29 à L. 1333-31, L. 1523-6 et L. 1533-1 du code de la santé publique ;

4° À l’article L. 4526-1 du code du travail ;

5° À l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;

6° À l’article 11 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

II. – À l’article L. 221-6 du code de l’environnement, la référence à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est remplacée par la référence à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

III. – Le tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :

1° La première colonne de la dix-neuvième ligne est complétée par les mots : « et de radioprotection » ;

1° bis (nouveau) La deuxième colonne de la même dix-neuvième ligne est ainsi rédigée :

« Commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques » ;

1° ter (nouveau) La trente-huitième ligne est supprimée ;

2° La quarante-cinquième ligne est supprimée.

M. le président. L’amendement n° 96, présenté par M. P. Martin, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après la référence :

L. 593-13

insérer la référence :

L. 593-15

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 14, modifié.

(Larticle 14 est adopté.)

Article 14
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Article 16

Article 15

Le présent titre entre en vigueur le 1er janvier 2025, à l’exception des I et II de l’article 11, de l’article 12 et des 1° bis et 1° ter du III de l’article 14.

Par dérogation au premier alinéa du présent article, le troisième alinéa du IV de l’article L. 592-12-1 du code de l’environnement entre en vigueur à compter de la date à laquelle les agents publics bénéficient de plein droit du dispositif d’activités sociales et culturelles géré par le comité social d’administration de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, et au plus tard le 1er juillet 2027.

M. le président. L’amendement n° 31, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer l’année :

2025

par l’année :

2035

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à alerter sur le calendrier de la réforme, qui apparaît particulièrement resserré et inopportun. Les risques que présente cette réforme de la sûreté et de la sécurité nucléaires sont d’autant plus élevés que le moment choisi pour cette fusion et le rythme de sa mise en œuvre sont pour le moins inadaptés.

Le 1er janvier 2025, c’est demain, et l’Assemblée nationale n’a pas encore examiné le texte. Or la fusion entre deux organismes prend du temps. Ce rythme rapide imposera une surcharge de travail et des conditions d’exercice de leurs missions plus difficiles pour les salariés. En outre, il présente des risques de confusion et d’instabilité.

La fusion intervient à un moment où la charge de travail des personnels de l’IRSN augmente, notamment du fait de la relance du nucléaire, de l’approche de l’entrée en fonctionnement de l’EPR de Flamanville – enfin, peut-être… –, et des problèmes liés à la prolongation de la durée de vie des centrales.

Les syndicats de salariés de l’IRSN constatent ainsi une augmentation des démissions. Selon les témoignages, cette réforme tombe au plus mauvais moment, le risque étant en outre qu’elle entraîne une perte de compétences. Les fortes mobilisations des salariés et de l’intersyndicale de l’IRSN soulignent bien ce risque de perte d’attractivité et de compétences.

De plus, les recherches en management et en sociologie des organisations montrent que l’un des facteurs favorisant l’échec des projets de fusion est la sous-estimation du temps nécessaire pour opérer les changements d’organisation. Elles montrent aussi que ces problèmes d’organisation sont les facteurs principaux de catastrophes et d’accidents technologiques.

Un calendrier aussi serré présente donc un risque pour la robustesse de notre système et, partant, pour la sécurité de nos concitoyens.

Je ne reviens pas sur le fait que le Gouvernement a voulu faire passer cette réforme par voie d’amendements voilà un an, sans aucune préparation ni étude d’impact, ce qui est incroyable !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. La relance de la filière et la prolongation de la durée de vie du parc actuel conduisent déjà à accroître la charge de travail des instances de sûreté : il serait donc tentant de renoncer à la réforme pour ne pas déstabiliser le système.

Cependant, la pression continuera de s’amplifier dans les années à venir et il sera alors trop tard pour bénéficier des avantages attendus de la réforme. Comme il est dit dans le rapport de l’Opecst, au regard du calendrier de travail, une fenêtre d’opportunité s’ouvre pour le législateur, mais pourrait rapidement se refermer : il faut agir dès à présent, même si, bien sûr, tout ne sera pas totalement opérationnel au 1er janvier 2025.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 31.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Malheureusement, l’urgence climatique ne nous permet pas d’attendre dix ans, monsieur Salmon. Nous devons aller vite, parce que cette fusion, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, permet de sécuriser la relance du nucléaire et de passer d’un dispositif adapté à une période où nous avions cessé de construire des centrales à une phase de relance du nucléaire. Si nous voulons relancer la filière du nucléaire, la fusion est nécessaire.

Pourquoi voulons-nous la relancer ? Pour diminuer nos émissions et éviter de compter uniquement sur des énergies non pilotables pour sortir du fossile. Cette dernière option a abouti, de l’autre côté de la frontière, à des émissions par personne bien plus élevées que celles que nous connaissons, avec des conséquences sur la qualité de l’air qui ne sont pas supportables.

Nous ne pouvons pas dire, d’un côté, qu’il y a urgence, et, de l’autre, qu’il faut attendre.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, vous m’obligez à réagir.

En tant que ministre de la transition écologique, vous savez très bien qu’il ne faut pas attendre vingt ans pour agir.

M. Christophe Béchu, ministre. Voilà !

M. Daniel Salmon. C’est aujourd’hui qu’il faut agir, mais pas en relançant le nucléaire ! Il faut miser sur la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables, qui se développent très rapidement dans le monde entier : 415 gigawatts en solaire ont été installés en 2023, mais pratiquement rien en nucléaire !

Demain, vous allez encore mettre la France dans la panade parce que le nucléaire va nous coûter très cher. Aujourd’hui, l’argent du contribuable français finance le nucléaire d’Hinkley Point et de Olkiluoto.

Mme Sophie Primas. Voilà, c’est dit ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 15.

(Larticle 15 est adopté.)

TITRE II

ADAPTATION DES RÈGLES DE LA COMMANDE PUBLIQUE AUX PROJETS NUCLÉAIRES

Chapitre Ier

Sécurisation des procédures relatives à la commande publique pour les porteurs de projets nucléaires

Article 15
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Article 17

Article 16

Le titre VII du livre Ier de la deuxième partie du code de la commande publique est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III : RÈGLES APPLICABLES À CERTAINS MARCHÉS AYANT POUR OBJET UN PROJET NUCLÉAIRE

« Art. L. 2173-1. – Par dérogation à l’article L. 2113-10, les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider de ne pas allotir un marché de travaux, de fournitures ou de services, lorsqu’il est relatif :

« 1° À la réalisation, au sens du I de l’article 7 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations nucléaires existantes, d’un projet relevant du II ou du III du même article 7 ;

« 2° À la réalisation d’une installation mentionnée aux 1° à 4° de l’article L. 593-2 du code de l’environnement, à l’article L. 512-1 du même code ou à l’article L. 512-7 dudit code, lorsqu’elle est destinée à assurer des activités de recherche relatives aux utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire ou à la maîtrise de ses effets, ou lorsqu’elle est directement nécessaire à ces activités ;

« 3° À la réalisation d’une installation mentionnée aux 2°, 3° ou 5° de l’article L. 593-2 du même code ou à l’article L. 512-1 du même code, lorsqu’elle est destinée à assurer des activités de gestion de déchets radioactifs ou de combustibles usés issus d’installations nucléaires de base énumérées à l’article L. 593-2 du même code ;

« 4° À la réalisation de travaux souterrains relatifs à une installation mentionnée à l’article L. 542-4 du même code ou d’opérations de réhabilitation du site après arrêt définitif d’une telle installation ;

« 5° À la réalisation d’opérations de démantèlement d’une installation mentionnée à l’article L. 593-2 du même code, lorsque l’installation abrite ou a abrité des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation ou déclaration en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense, ou de démantèlement d’une installation mentionnée au 1° de l’article L. 1333-15 du même code ;

« 6° À la réalisation d’opérations de réhabilitation du site après arrêt définitif d’une installation mentionnée à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, lorsque l’installation abrite ou a abrité des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation ou déclaration en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense.

« Les marchés définis au premier alinéa du présent article comprennent ceux poursuivant plusieurs objets mentionnés à l’article L. 1111-5 du présent code.

« Au sens des 2° et 3° du présent article, la réalisation d’une installation regroupe notamment l’ensemble des constructions, des aménagements, des équipements, des installations et des travaux liés à sa création, à sa mise en service ou à son extension, ainsi que les installations ou les aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de la réalisation de celle-ci. »

M. le président. L’amendement n° 73, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 73, 74, 75, 77 et 78 qui portent respectivement sur les articles 16, 17, 17 bis, 17 ter et 18. (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Allez-y, mon cher collègue !

M. Fabien Gay. Nous sommes tous conscients que les articles restants du projet de loi ne sont que des cavaliers législatifs n’ayant rien à voir avec le projet de fusion entre l’ASN et l’IRSN. Ils prévoient en réalité des adaptations du code de la commande publique afin de tenir compte des spécificités des projets dans le domaine nucléaire.

Autrement dit, ces articles ont pour objet de permettre aux maîtres d’ouvrage de projets nucléaires, en particulier EDF, de passer leurs marchés selon des modalités plus adaptées à leurs contraintes industrielles.

Nous ne nous prononçons pas sur le fond, mais nous pensons que ces dispositions, à partir de l’article 16, devraient figurer dans le projet de loi sur la souveraineté énergétique, qui devrait être présenté dans les prochaines semaines. Elles n’ont rien à faire dans le présent projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. Comme Fabien Gay, j’émettrai un avis global sur tous les amendements de suppression des articles 16, 17, 17 bis, 17 ter et 18, lesquels tendent à prévoir des dérogations aux règles de la commande publique pour permettre la réalisation dans de bonnes conditions d’investissements dans le secteur nucléaire, et ce sans déstabiliser l’opérateur EDF, en particulier.

Ces amendements ayant pour objet de supprimer ces articles, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 73.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

« Les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider de ne pas allotir un marché de travaux, de fournitures ou de service lorsqu’il est nécessaire :

1° A la réalisation, au sens du I de l’article 7 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations nucléaires existantes, d’un projet relevant du II de l’article 7 de la même loi ;

2° A la réalisation d’une installation mentionnée à l’article L. 593-2 du code de l’environnement, à l’article L. 512-1 du même code ou à l’article L. 512-7 du même code, lorsqu’elle est destinée à assurer des activités de recherche relatives aux utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire ou à la maîtrise de ses effets ;

3° A la réalisation d’une installation mentionnée à l’article L. 593-2 du code de l’environnement ou à l’article L. 512-1 du même code, lorsqu’elle est destinée à assurer des activités de gestion de déchets radioactifs ou de combustibles usés issus d’installations nucléaires de base ;

4° A la réalisation de travaux souterrains relatifs à une installation mentionnée à l’article L. 542-4 du code de l’environnement ou d’opérations de réhabilitation du site après arrêt définitif d’une telle installation ;

5° A la réalisation d’opérations de démantèlement d’une installation mentionnée à l’article L. 593-2 du code de l’environnement, lorsque l’installation abrite ou a abrité des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation ou déclaration en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense, ou de démantèlement d’une installation mentionnée au 1° de l’article L. 1333-15 du code de la défense ;

6° A la réalisation d’opérations de réhabilitation du site après arrêt définitif d’une installation mentionnée à l’article L. 511-1 du même code, lorsque l’installation abrite ou a abrité des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation ou déclaration en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense.

Au sens des 2° et 3° du présent article, la réalisation d’une installation regroupe notamment l’ensemble des constructions, des aménagements, des équipements, des installations et des travaux liés à sa création, à sa mise en service ou à son extension, ainsi que les installations ou les aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de la réalisation de celle-ci.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d’adopter cet amendement afin de lutter contre l’inflation normative.

Vous avez codifié dans le code de la commande publique des dispositions qui relèvent du nucléaire. Nous souhaitons revenir à la rédaction initiale de l’article pour ne pas complexifier le code de la commande publique, complexification qu’il vous arrive de dénoncer par ailleurs.

Les deux amendements que nous avons déposés – le présent amendement et l’amendement n° 38 à l’article 18 – sont cohérents avec les demandes répétées du Sénat en matière de simplification normative. Ici, il s’agit non pas de simplifier, mais plutôt d’éviter de complexifier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. La commission est défavorable à cet amendement. On peut avoir de cet article la lecture que vous en faites, monsieur le ministre, mais notre rédaction contient des éléments réellement nécessaires à la bonne compréhension de ces chantiers.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 16.

(Larticle 16 est adopté.)

Article 16
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
Article 17 bis (nouveau)

Article 17

Le chapitre III du titre VII du livre Ier de la deuxième partie du code de la commande publique, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est complété par un article L. 2173-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2173-2. – Par dérogation à la durée maximale prévue au 1° de l’article L. 2125-1, les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs peuvent, sous réserve du respect de l’exigence de justification définie au même 1°, conclure des accords-cadres de travaux, de fournitures ou de services qui concernent un ou plusieurs projets mentionnés à l’article L. 2173-1 pour une durée qui peut aller jusqu’à celle du ou des projets concernés.

« La durée mentionnée au premier alinéa du présent article est fixée en tenant compte des aléas inhérents à la réalisation du ou des projets concernés.

« Les marchés définis au premier alinéa du présent article comprennent ceux poursuivant plusieurs objets mentionnés à l’article L. 1111-5 du présent code. »

M. le président. L’amendement n° 74, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Je rappelle que cet amendement a déjà été défendu et que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 17.

(Larticle 17 est adopté.)

Article 17
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
Article 17 ter (nouveau)

Article 17 bis (nouveau)

Le chapitre III du titre VII du livre Ier de la deuxième partie du code de la commande publique, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est complété par un article L. 2173-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 2173-3. – Pour leur application aux marchés publics relatifs à un projet mentionné au 1° de l’article L. 2173-1, les critères d’attribution des marchés publics, mentionnés à l’article L. 2152-7, peuvent comprendre la crédibilité des offres des soumissionnaires ou en tenir compte.

« La crédibilité peut notamment s’apprécier, de manière non-discriminatoire, en fonction de la faisabilité et de la maturité des solutions techniques ou de l’adéquation des délais, des moyens ou des méthodes. »

M. le président. L’amendement n° 75, présenté par M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Je rappelle que cet amendement a déjà été défendu et que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 17 bis.

(Larticle 17 bis est adopté.)

Article 17 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
Article 18 (début)

Article 17 ter (nouveau)

Le chapitre III du titre VII du livre Ier de la deuxième partie du code de la commande publique, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est complété par un article L. 2173-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2173-4. – Pour son application aux marchés publics relatifs à un projet mentionné au 1° de l’article L. 2173-1, le caractère nécessaire des travaux, fournitures ou services supplémentaires, mentionné au 2° l’article L. 2194-1, peut notamment s’apprécier en fonction de l’évolution de la conception du projet, sous réserve du respect de l’absence de changement de la nature globale du marché, mentionnée au dernier alinéa du même article L. 2194-1, et à la condition que le changement de titulaire soit impossible pour des raisons économiques ou techniques tenant notamment à des exigences d’interchangeabilité ou d’interopérabilité avec les équipements, services ou installations existants achetés dans le cadre du marché initial. »

M. le président. L’amendement n° 77, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Je rappelle que cet amendement a déjà été défendu et que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 17 ter.

(Larticle 17 ter est adopté.)

Chapitre II

Mesures destinées à renforcer la protection des intérêts fondamentaux de la Nation en matière nucléaire

Article 17 ter (nouveau)
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Article 18 (fin)

Article 18

Le titre Ier du livre V de la deuxième partie du code de la commande publique est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI : MARCHÉS PUBLICS LIÉS À CERTAINS PROJETS NUCLÉAIRES

« Art. L. 2516-1. – Les marchés publics relatifs à une ou plusieurs installations abritant ou ayant vocation à abriter des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense sont soumis aux règles définies au titre II du présent livre lorsqu’ils concernent :

« 1° La conception, la construction, le fonctionnement ou le démantèlement des bâtiments destinés à recevoir des matières nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde, y compris leurs fondations et structures ;

« 2° La conception, la qualification, la fabrication, la modification, la maintenance ou le retrait des structures, des équipements, des systèmes, des matériels, des composants ou des logiciels contribuant directement ou indirectement à la protection contre les actes de malveillance, mentionnée au premier alinéa de l’article L. 1333-3 du code de la défense, ou à la sûreté nucléaire, au sens du deuxième alinéa de l’article L. 591-1 du code de l’environnement.

« Art. L. 2516-2. – Les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs recourant aux règles prévues à l’article L. 2516-1 en informent l’État.

« Sous réserve des secrets protégés par la loi, le Gouvernement rend compte au Parlement de l’utilisation de ces règles dans un rapport annuel. »

M. le président. L’amendement n° 78, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Je rappelle que cet amendement a déjà été défendu et que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les marchés publics relatifs à une ou plusieurs installations abritant ou ayant vocation à abriter des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense sont soumis au régime prévu par le titre II du livre V de la deuxième partie du code de la commande publique lorsqu’ils concernent :

1° La conception, la qualification, la fabrication, la modification, la maintenance ou le retrait des structures, équipements, systèmes, matériels, composants ou logiciels contribuant directement ou indirectement à la protection contre les actes de malveillance ou à la sûreté nucléaire au sens de l’article L. 591-1 du code de l’environnement ;

2° La conception, la construction, le fonctionnement ou le démantèlement des bâtiments destinés à recevoir des matières nucléaires ou des matériels de sauvegarde ou à héberger des éléments mentionnés au 1°, y compris leurs fondations et structures.

Les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs recourant aux règles prévues à l’article L. 2516-1 en informent l’État.

Sous réserve des secrets protégés par la loi, le Gouvernement rend compte au Parlement de l’utilisation de ces règles dans un rapport annuel.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Par cet article, vous créez une catégorie de « structures » plus large que celle des seuls bâtiments et qui fera l’objet d’une application normative spécifique. Ce faisant, vous complexifiez les choses en ajoutant des normes à celles qui existent déjà.

Nous souhaitons revenir à du droit simple. Je demande de la cohérence !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. Même motif, même punition : avis défavorable !

Certes, cet article, tel que la commission l’a modifié, emportera peut-être des effets normatifs excessifs, mais il devrait malgré tout permettre de régler un certain nombre de problèmes. Je propose donc que nous y revenions au cours de la navette afin, le cas échéant, de le corriger à bon escient.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 18.

(Larticle 18 est adopté.)

Article 18 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
 

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi, dans le texte de la commission.

Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public solennel sur l’ensemble de ce projet de loi se dérouleront le mardi 13 février, à quatorze heures trente.

La suite de la discussion est renvoyée à cette séance.

Nous passons à l’examen des articles du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution

 
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution
Article 2

Article 1er

Le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :

1° La première colonne de la vingtième ligne est complétée par les mots : « et de radioprotection » ;

1° bis (nouveau) Après la trente-septième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

Haut-commissaire à l’énergie atomique

Haut-commissaire

» ;

1° ter (nouveau) La trente-huitième ligne est supprimée ;

2° La quarante-cinquième ligne est supprimée.

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. La nomination du directeur général de l’ASNR, autorité administrative indépendante, est soumise aux dispositions de l’article 13 de la Constitution ; en revanche, la désignation du haut-commissaire à l’énergie atomique, qui est un fonctionnaire rattaché au Premier ministre, ne peut pas, quant à elle, relever de ce même article 13 : ce serait anticonstitutionnel.

Nous vous demandons donc de retirer du texte organique la mention de ce haut-commissaire, qui revient à instaurer un contrôle du Parlement sur un fonctionnaire rattaché au Premier ministre ; il n’est pas à la tête d’une AAI et ne relève donc pas du mécanisme habituel de contrôle des nominations par les commissions parlementaires, exercé suivant la règle des « trois cinquièmes ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Sur l’initiative du rapporteur pour avis Patrick Chaize, l’article 12 du projet de loi ordinaire a été amendé en commission de manière à faire du haut-commissaire à l’énergie atomique non seulement la « vigie » du nucléaire, en consolidant son positionnement panoramique et ses attributions scientifiques et techniques, mais aussi le conseiller du Parlement, en conférant à ce dernier une compétence de saisine.

Le contrôle exercé par le Parlement sur la nomination du HCEA au titre de l’article 13 de la Constitution est donc justifié à nos yeux. La commission a donc émis un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le ministre. (M. le ministre le déplore.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la trente-neuvième ligne, les mots : « Haut Conseil du commissariat aux comptes » sont remplacés par les mots : « Haute autorité de l’audit » ;

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Je pourrais exposer des arguments de portée juridique, mais divergeant de la position de la commission. Nous ferons plutôt en sorte d’en débattre dans la suite de la navette parlementaire.

Je retire donc l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3 (nouveau) (début)

Article 2

Le 1° et le 2° de l’article 1er entrent en vigueur le 1er janvier 2025. – (Adopté.)

Article 2
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Article 3 (nouveau) (fin)

Article 3 (nouveau)

Le 1° bis de l’article 1er entre en vigueur à la date de publication de la présente loi organique. Il ne s’applique pas au mandat de haut-commissaire à l’énergie atomique en cours à cette date.

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.

L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Chaize et Gremillet, Mme Belrhiti, MM. Reichardt, Sautarel, Daubresse, Piednoir, Burgoa, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, MM. Milon et Klinger, Mme Dumont, M. Bonhomme, Mmes Gosselin, Richer et Lassarade, MM. Bouchet, D. Laurent, Somon et Brisson, Mmes Primas, Puissat et Di Folco, MM. J.B. Blanc et Favreau, Mmes Gruny et Estrosi Sassone, MM. Pellevat, Savin, Belin, Mouiller et Laménie, Mme Berthet et MM. Michallet, Bruyen et Meignen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 1° bis de l’article 1er ne s’applique pas au mandat de haut-commissaire à l’énergie atomique en cours à la date de publication de la présente loi.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Rédactionnel !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je tiens d’abord à remercier tous ceux d’entre nous qui ont participé ce soir à ce débat, que nous avons pu terminer à l’heure prévue grâce aux efforts de chacun.

Je veux aussi féliciter notre rapporteur, ainsi que M. le rapporteur pour avis, pour le travail qu’ils ont accompli, et les en remercier. La tâche n’était pas évidente, mais les dispositions qu’ils ont soumises à notre assemblée ont pu être adoptées. Je remercie également les membres de la commission des affaires économiques, ainsi que sa présidente, pour le travail réalisé et l’entente qui a régné entre nos deux commissions sur un sujet qui méritait que nous soyons précis et attentifs à ce que nous voulions.

Merci, monsieur le ministre, d’être présent avec nous ce soir, jusqu’à cette heure tardive !

Mes chers collègues, même si, sur certains sujets, nous n’avons pas été tous d’accord, l’important était d’avoir ce débat sur ces textes, qui le méritaient pleinement au vu de leurs enjeux. Merci encore d’y avoir participé.

Je veux enfin remercier les services de notre assemblée et de nos commissions pour leur travail autour de ces textes. Merci à toutes et tous ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Je m’associe pleinement aux remerciements exprimés par M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, commission qui avait été saisie au fond de la majeure partie de ces deux textes.

Nos deux rapporteurs ont dû travailler – je l’ai rappelé au début de notre débat – dans des conditions qui étaient loin d’être faciles, dans un contexte singulier. Pour autant, ils ont œuvré avec détermination et engagement, accompagnés par les services de nos commissions et en particulier leurs chefs de secrétariat, que je veux très sincèrement remercier.

Nous avions voulu un texte séparé sur ce sujet, qui tienne compte des recommandations de l’Opecst et de la concertation qui a pu être menée. Nos rapporteurs y sont parvenus, ils ont fait en sorte que les textes que nous adoptons soient les plus aboutis possible, de manière à sécuriser, comme vous l’avez pointé, monsieur le ministre, le plan de relance de l’énergie nucléaire, mais aussi à prévoir un certain nombre de garde-fous garantissant l’indépendance et la transparence de la nouvelle autorité, ainsi que la distinction entre expertise et prise de décision. Nos rapporteurs ont très largement rempli leur mission !

Merci aussi à vous, monsieur le ministre : même si vous n’avez pas été auditionné par nos commissions, je reconnais que vous avez aujourd’hui, tout au long de nos discussions, fait plus que le job ! Certes, vers la fin des débats, nous vous avons quelque peu froissé,…

M. Philippe Tabarot. Mais non ! (Sourires.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. … mais, comme vous l’avez souligné, ces textes vont poursuivre leur cheminement, à l’Assemblée nationale puis en commission mixte paritaire ; on verra ce qu’il en sortira au bout du compte ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur le président, madame, monsieur les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je me replonge quelques heures en arrière, quand Mme Estrosi Sassone s’est levée, à l’orée de notre débat, pour son rappel au règlement : le poing fermé, le regard accusateur, elle suggérait qu’il conviendrait d’adopter une motion de rejet, parce que le ministre n’avait pas été auditionné, se plaignant de n’avoir eu aucun interlocuteur gouvernemental pour discuter du fond du texte.

Il est des instants où chacun éprouve des regrets…

Pour ma part, je regrette profondément de ne pas avoir commencé plus tôt mon travail avec vous sur ces textes, par une audition. Croyez bien que, si le Gouvernement avait été constitué dans d’autres conditions, qui m’auraient permis de passer ce moment avec vous, je l’aurais fait avec joie ! Les raisons pour lesquelles je n’ai pu me rendre devant vous alors étaient liées à d’autres charges.

Mais peut-être une légère amertume hantera-t-elle aussi certains d’entre vous cette nuit : « Peut-être, vous direz-vous, le ministre avait-il raison sur quelques amendements, où nous avons fait le contraire de ce que nous professons en matière d’inflation normative… » (Sourires.)

Telle est bien l’utilité du bicamérisme : permettre à la Chambre basse de profiter des lumières de la Chambre haute, mais aussi, parfois, de corriger ce qui, dans un excès d’orfèvrerie, a pu être gâché de la manière certes moins noble que le Gouvernement vous a soumise, en vous demandant de respecter certaines règles intangibles de notre droit, comme celles qui limitent l’application de l’article 13 de la Constitution à telle ou telle catégorie d’emploi.

Mais tout cela se fera plus tard. À l’heure qu’il est, je me réjouis intensément d’avoir participé à ce moment de débat parlementaire. Je ne mesurais pas, en apprenant que la sûreté nucléaire ferait partie de mes attributions, que cela me donnerait si vite l’occasion de passer de si bons moments avec vous. Je me réjouis aussi en pensant à tout ce qui nous attend sur ces sujets, au vu de l’ampleur du plan de relance du nucléaire, à la relation privilégiée que je vais pouvoir entretenir avec l’Opecst et aux petits recalibrages que permettra la commission mixte paritaire.

Mais tout cela est peu de chose par rapport au respect que nous manifestons, ce soir, de manière unanime, envers les 2 300 personnes pour lesquelles nous faisons cette réforme, afin qu’elles puissent assumer leurs missions. Nous savons leurs inquiétudes. Votre réaction initiale à des dispositions mal présentées par le Gouvernement a permis de prendre du temps, de mieux poser les choses et de rendre justice à leur expertise. La façon dont vous avez travaillé pour les écouter, tenir compte de leurs remarques, le temps qui a été consacré à cette tâche et l’intuition qu’a eue la présidente Sophie Primas de saisir l’Opecst de ce projet, enfin le fait que le Gouvernement ait joué le jeu et se soit inscrit dans cette démarche, jusqu’à ce soir, tout cela témoigne de la poursuite de la belle histoire du nucléaire dans notre pays. Il fait depuis longtemps la fierté de la France, c’est grâce à lui que nos émissions de CO2 par personne comptent parmi les plus basses du monde. Aujourd’hui, nous nous donnons les moyens de réindustrialiser et d’électrifier notre économie, tout en garantissant la sécurité et la transparence de cette filière.

Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, merci pour cette œuvre globale et utile, et vivement demain ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi organique, dans le texte de la commission.

Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public solennel sur l’ensemble de ce projet de loi organique se dérouleront le mardi 13 février, à quatorze heures trente.

La suite de la discussion est renvoyée à cette séance.

Article 3 (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution
 

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 13 février 2024 :

À quatorze heures trente et le soir :

Explications de vote des groupes puis scrutins publics solennels sur le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (procédure accélérée ; texte de la commission n° 301, 2023-2024) et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 302, 2023-2024) ;

Débat sur l’avenir de notre modèle agricole ;

Proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, présentée par M. Philippe Tabarot et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 319, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 8 février 2024, à zéro heure cinquante-cinq.)

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mme Marie Mercier, M. Francis Szpiner, Mmes Dominique Vérien, Corinne Narassiguin, Claude Raynal et Thani Mohamed Soilihi ;

Suppléants : Mmes Jacqueline Eustache-Brinio, Elsa Schalck, M. Hervé Marseille, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Ian Brossat, Mmes Corinne Bourcier et Mélanie Vogel.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER