M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Permettez-moi de reprendre la parole quelques instants, car nous sommes ici au cœur de nos discussions. J’ai parlé d’un travail d’orfèvre : examen de 300 dossiers par an au lieu de 30, capacité d’aller expliquer comment l’interaction se joue, distinction des processus, etc. Mais vous préjugez le travail entre les équipes de l’ASN et de l’IRSN. Vous ne vous contentez pas de renvoyer au règlement intérieur, vous voulez aussi que le règlement intérieur précise les modalités de distinction entre les agents.

C’est peut-être ce qui nous sera demandé in fine par les experts eux-mêmes, mais, eu égard à la reconnaissance que nous leur devons, cet alinéa 9 encadre trop étroitement la capacité des équipes de ces deux institutions à déterminer le meilleur processus. Vous avez prévu de nombreux garde-fous pour que les choses se passent bien, mais là le degré de précision va trop loin. Cela pourrait même être contre-productif.

Je plaide donc pour que le législateur ait l’humilité de faire confiance au dialogue social, d’autant que la commission a réalisé un travail remarquable en prévoyant et en votant de nombreuses garanties – je pense notamment aux recommandations de l’Opecst. Il ne s’agit nullement pour moi de remettre en cause l’équilibre que vous avez voté, mais je vous demande de laisser une chance aux agents de décider eux-mêmes des modalités de mise en œuvre du processus.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. Il s’agit de donner un signal aux groupes de travail. Nous maintenons donc notre avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 55, présenté par MM. Fagnen, Devinaz et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

1° Après le mot :

distinction

insérer les mots :

et assure l’indépendance

2° Remplacer les mots :

la personne responsable de l’expertise

par les mots :

les personnes responsables de l’expertise et de sa validation

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. La distinction entre l’expertise et la prise de décision est essentielle. Comme M. le ministre, je salue le travail d’orfèvre réalisé par la commission. Il s’agit, au travers de cet amendement, d’aller un peu plus loin encore et de passer à l’horlogerie suisse (Sourires.) en sacralisant et en gravant dans le marbre législatif l’indépendance des personnes chargées de l’expertise au sein de la future autorité de sûreté.

Nous ne pouvons pas renvoyer à l’élaboration du futur règlement intérieur la question de l’indépendance, pas plus qu’à des organigrammes dont nous ne savons encore rien aujourd’hui. Nous nous devons de garantir l’intégrité du système en évitant toute subordination hiérarchique éventuelle entre les personnes chargées de l’expertise et celles dont la responsabilité sera la prise de décision.

M. le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 8

1° Après le mot :

distinction

insérer les mots :

et assure l’indépendance

2° Remplacer les mots :

la personne responsable

par les mots :

les personnes responsables

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Il s’agit d’un amendement de repli quasi identique à celui qui vient d’être défendu par mon collègue Sébastien Fagnen.

Il vise à garantir de manière claire la séparation de l’expertise et de la décision au sein de la future autorité en insistant sur l’indépendance des personnes.

Encore une fois, la séparation de l’expertise et de la décision est un des fondements de l’intégrité du système de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

On le voit aujourd’hui, l’indépendance de l’expertise est malmenée dans notre pays. Nous avons eu l’occasion de nous exprimer sur l’attitude du Gouvernement à l’encontre de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Anses) sur la question des néonicotinoïdes, alors que cette agence ne faisait qu’appliquer le droit européen et national.

Ici encore, le projet de loi crée les conditions d’une perte d’indépendance dangereuse de l’expertise technique par rapport à la prise de décision.

La commission a proposé de rééquilibrer le texte en étendant le champ de la séparation entre expertise et décision, et en prévoyant une distinction des « responsabilités » plutôt que des « processus ».

Mais il faut également garantir l’indépendance des personnes responsables de l’expertise, c’est ce que nous proposons de faire au travers de cet amendement.

Étant donné qu’elles appartiendront à une même entité, il est important que ces personnes chargées de l’expertise et celles qui sont chargées de la décision soient indépendantes les unes des autres, afin que des liens de hiérarchie ne puissent pas venir influencer l’expertise dans le sens de la décision.

Le positionnement de personnes différentes chargées de l’expertise et de la décision au sein d’une même unité, prévu par le texte, n’apporte pas à notre sens une garantie suffisante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Il ne me semble pas opportun de recourir à la notion d’indépendance entre expertise et décision, comme le souhaitent les auteurs des amendements nos 55 et 23. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. La commission a réalisé un travail d’orfèvre. Le Gouvernement est favorable à l’article 2 tel qu’il est rédigé, à l’exception de l’alinéa 9. Je serai donc défavorable à tous les amendements tendant à modifier le texte de la commission, qui constitue un bon point d’équilibre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Devinaz, Fagnen et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 9, au début

Remplacer le mot :

Le

par les mots :

Afin de garantir l’indépendance des travaux d’évaluation des risques et leur formalisation sous forme de position scientifique et technique à l’égard du processus d’élaboration des avis et décisions prises par son collège ou par délégation par ses services, le

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement tend lui aussi à renforcer l’indépendance de l’expertise au sein de la future autorité.

Il convient, en particulier, de distinguer l’expertise de l’élaboration et de la prise des décisions par le collège ou, par délégation, par les services.

Cet amendement vise donc à élargir l’effectivité de ce principe d’indépendance de l’évaluation des risques à l’ensemble des décisions prises, en incluant celles, largement majoritaires, qui sont prises par délégation.

Certes, notre rapporteur Pascal Martin a renforcé la séparation entre l’expertise et la décision en précisant que « la personne responsable de l’expertise devra être distincte de la personne ou des personnes responsables de l’élaboration de la décision et de la prise de décision ».

Mais, cet amendement vise à maintenir l’exigence de présentation des résultats d’expertise sous une forme définie qui contribue à protéger le « dire d’expert ».

Cette forme est appelée « position scientifique et technique » pour la distinguer des avis de l’AISNR.

M. le président. L’amendement n° 66, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

afin de garantir l’indépendance des travaux d’évaluation des risques et leur formalisation sous forme de position scientifique et technique à l’égard du processus d’élaboration des avis et décisions prises par son collège ou par délégation par ses services

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Par cet amendement, il s’agit de revenir sur séparation des personnes chargées de l’expertise et les personnes chargées de l’élaboration et de la prise des décisions.

La rédaction actuelle ne dit rien concernant l’intérêt d’une telle distinction, en se contentant d’en évoquer le principe tout en renvoyant au règlement intérieur ses modalités d’application.

Comme l’a rappelé l’intersyndicale de l’IRSN, nous vous proposons d’expliciter les objectifs visés par cette nouvelle organisation, qui doit garantir l’indépendance et l’autonomie de la phase d’expertise, cette indépendance ne devant se fonder que sur des faits scientifiques et devant rester hermétique aux calculs coûts-avantages, à la faisabilité industrielle ou aux intérêts économiques et commerciaux.

Si ces données doivent être prises en compte au cours du processus de décision, cela ne doit intervenir que dans la phase de préparation de la décision, qui met alors en balance les intérêts économiques et commerciaux avec l’impératif de sûreté, lequel doit toujours primer.

C’est une garantie essentielle pour l’intégrité de notre système de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées il y a quelques instants, il ne me semble pas opportun de recourir à la notion d’indépendance entre expertise et décision.

Par ailleurs, concernant la formalisation des travaux d’expertise, il est souhaitable de ne pas trop rigidifier le cadre applicable à la future ASNR et de laisser l’autorité décider elle-même de la forme que prendront ces résultats d’expertise.

J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, nous sommes là au cœur du projet. L’une des grandes questions posées aux salariés, mais également à ceux qui suivent nos travaux avec attention, est celle de la réelle indépendance entre l’expertise et la prise de décision.

Or vous ne nous dites pas réellement pourquoi vous souhaitez la fusion. (M. le ministre secoue la tête.) Mais non, monsieur le ministre, vous avez seulement avancé deux arguments ! Vous nous dites que tout fonctionne bien. Dans ce cas, pourquoi fusionner l’ASN et l’IRSN ? C’est bien qu’il y a autre chose ! Une des problématiques, pour le dire rapidement, est que l’expertise soit sous la coupe de la décision. Voilà le problème !

Par ailleurs, se pose également la question de la transparence et de l’accès du grand public aux avis.

Il faut donc que vous nous apportiez d’autres réponses. Nous ne voulons pas d’une loi bavarde, mais il ne saurait être question de renvoyer un point aussi essentiel, au cœur du projet de loi, à la future autorité, d’autant que, faute de préfigurateur – contrairement à l’amendement qui avait été déposé par notre rapporteur – les personnes aujourd’hui en place ne seront pas tenues de respecter les engagements qu’elles prennent, car elles ne seront pas là demain !

Il importe donc d’inscrire au cœur de la loi l’engagement fort qu’il existera bien une séparation entre l’expertise et la décision.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je souhaite compléter les propos de notre collègue Gay. On parle d’indépendance, mais par rapport à qui et à quoi ? S’il s’agit d’indépendance par rapport au Gouvernement, rappelons que le système dual loué dans un certain nombre d’interventions met l’IRSN sous la tutelle de cinq ministères : cinq ! De ce point de vue, comment peut-on dire que l’IRSN délivre ses expertises en totale indépendance ? Pour autant, cela ne nous empêche pas d’avoir totalement confiance dans les expertises délivrées par cette instance.

En revanche, l’ASN est une autorité indépendante. À ce titre, elle ne prend pas ses informations ni ses consignes auprès du Gouvernement. La future AISNR sera coulée sur le même moule.

Précisez donc ce que vous entendez par indépendance, faute de quoi votre raisonnement pourrait souffrir d’incohérence eu égard aux multiples tutelles sous lesquelles se trouve déjà placé aujourd’hui l’IRSN.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Sans être un spécialiste du sujet, il me semble que la réponse à la question posée par notre collègue Stéphane Piednoir est l’indépendance scientifique. Voilà le cœur du réacteur, voilà le cœur du sujet !

Comment dans ce texte législatif pouvons-nous garantir au travers d’un certain nombre de propositions l’indépendance scientifique ? Tel est notre problème…

Nous pouvons toujours discuter ensuite des modalités, mais voilà notre objectif. La question de fond est : comment éviter, grâce à l’instauration de règles, que des pressions ne soient exercées au sein de la future organisation sur les scientifiques et les techniciens actuellement à l’IRSN ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 26, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il prévoit l’intégration dans le processus d’évaluation des risques, conduit par les services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, des phases de dialogue technique avec les exploitants.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement de repli vise à renforcer et à garantir un dialogue technique essentiel entre l’autorité de sûreté et l’exploitant. La responsabilité de l’exploitant – et sa participation à la sûreté nucléaire – est l’un des principes fondamentaux de sûreté énoncés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Il constitue la pierre angulaire de la sûreté nucléaire, plaçant la charge de cette responsabilité sur ceux qui entreprennent ou exercent des activités nucléaires à risques.

L’Opecst l’a d’ailleurs souligné dans son rapport de juillet 2023. Il y relève en effet que la réussite de la fusion entre l’ASN et l’IRSN dépend étroitement du maintien d’un dialogue technique actif entre les ingénieurs et les experts, évitant ainsi une expertise purement juridique déconnectée de la réalité concrète des installations nucléaires. Je fais référence au débat que nous venons d’avoir…

L’IRSN dans son fonctionnement intégrait ces échanges de qualité entre exploitant et expertise. Celle-ci était notamment liée aux partenariats de recherche avec les industriels du secteur nucléaire, qui facilitent le dialogue technique d’expertise et assurent un niveau de connaissances similaire entre industriels et IRSN.

Le projet de loi n’est pas rassurant sur la pérennité de cette qualité d’échange. Les exploitants ne seront-ils pas réticents à mener des recherches en partenariat avec l’autorité qui les contrôle ?

L’intersyndicale de l’IRSN craint ainsi un délitement progressif de la capacité de recherche de la future ASNR, qui dégradera la qualité de son expertise.

Cet amendement vise à alerter sur ce sujet et à prévoir explicitement, dans la loi, des phases de dialogue technique avec l’exploitant pour remédier à cette question. Il s’agit ici d’instaurer et de garantir ce dialogue technique crucial entre l’autorité de sûreté et l’exploitant dans le cadre de la gestion de la sûreté nucléaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Le dialogue avec la société civile est crucial pour assurer l’acceptabilité de la sûreté nucléaire.

Vous évoquez à raison les expériences menées par l’IRSN, mais aussi par l’ASN, pour mieux associer le public, notamment dans le cadre du projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo). Il est déjà possible à cadre constant d’intégrer des phases de dialogue avec la société civile pendant la procédure d’instruction : il n’est donc pas nécessaire de prévoir l’inscription au règlement intérieur de cette possibilité. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous abordons là un autre point important, celui du dialogue technique. Les avis de l’IRSN ne découlent pas ex nihilo des recherches : ils sont le fruit d’un dialogue technique permanent avec l’exploitant et l’ASN. C’est ce dialogue tripartite qui fait la force de ces avis. D’ailleurs, personne ne les attaque jamais lorsqu’ils sont rendus publics.

Hier, lors de nos auditions, les représentants d’EDF ont affirmé que c’était de leur propre chef qu’ils avaient pris à bras-le-corps le problème de la corrosion sous contrainte. Lorsque les avis sont partagés, on ne prend pas de risques !

Le dialogue technique est donc indispensable pour que les avis tiennent la route et ne souffrent ensuite d’aucune contestation.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il prévoit la possibilité d’intégrer dans le processus d’évaluation des risques, conduit par les services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, des phases de dialogue technique avec la société civile.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Vous connaissez l’attachement des écologistes à la démocratie environnementale, à la transparence et à la participation de la société civile à notre sûreté nucléaire. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Ça faisait longtemps !

M. Guy Benarroche. Bis repetita placent… Rappelons-le ici, l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004, intégrée au bloc de constitutionnalité en 2005, prévoit que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

À ce titre, nous avons été satisfaits de voir que le rapport de la commission de l’aménagement et du développement durable qualifiait la société civile de quatrième pilier de la sûreté nucléaire.

Cependant, cette reconnaissance et les avancées votées en commission n’enlèvent pas les reculs actés par ce texte à cet égard.

Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi que le règlement intérieur consacre également la possibilité pour les services chargés des processus d’expertise d’enrichir leurs travaux de dialogues avec la société civile – c’est le fameux « dialogue technique » que vient d’évoquer Daniel Salmon.

Il s’agit de recueillir les préoccupations et les questionnements des acteurs de la société civile, d’éclairer cette dernière sur la façon dont les travaux d’expertise peuvent répondre à ses interrogations, mais aussi de confronter les approches avec des experts non institutionnels.

Cette pratique n’est pas nouvelle : la quatrième révision périodique des réacteurs de 900 mégawatts a donné lieu à des phases de « dialogue technique » dès l’enclenchement du processus d’expertise.

C’est actuellement le cas pour l’examen de la demande d’autorisation de création de Cigéo et de la quatrième révision périodique des réacteurs de 1 300 mégawatts.

Il convient donc de pérenniser et d’approfondir l’existant, à l’heure d’un accroissement des risques lié à la relance nucléaire souhaitée par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Même avis que sur l’amendement n° 26. La rédaction est légèrement différente, mais l’objectif visé est le même. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur Benarroche, vous ne le savez peut-être pas, mais le texte de la commission vous satisfait. Ce que vous proposez ici n’ajouterait rien : avis défavorable. Si vous saviez comme je suis satisfait que vous soyez satisfait ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je suis satisfait de savoir le ministre satisfait de ma satisfaction ! (Sourires.)

Néanmoins, monsieur le ministre, le fait de prévoir une garantie de dialogue technique dans les règlements intérieurs permettrait d’assurer la pérennité des dispositifs d’ouverture à la société et de renforcer la robustesse de l’expertise sur laquelle s’appuiera la décision.

Nous n’approuvons pas les trop nombreux renvois du projet de loi aux futurs règlements intérieurs, qui excluent de fait les parlementaires et la société civile de leur définition. Nous demandons des garanties sur le maintien du dialogue avec la société civile. Voilà ce qui serait de nature à nous donner réellement satisfaction…

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Le sujet ne doit pas être négligé. On peut en sourire : tout le monde est satisfait, je le suis aussi. Mais je m’interroge : les comités locaux d’information (CLI) ne permettent-ils pas justement ce dialogue technique avec l’autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ? C’est ainsi, du moins, que j’avais compris leur fonctionnement et leurs attributions. Il peut s’agir, en lien avec le public intéressé, d’un moyen pour instaurer le dialogue, diffuser l’information et susciter la confiance. Je suis peut-être à côté du sujet, mais il me semble qu’une partie de la réponse se trouve dans ce dispositif dont nous devrions nous saisir, car il s’agit d’une demande tout à fait audible et recevable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Après les mots :

conseiller le collège

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

dans les conditions prévues aux articles 13 et 14 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Cet amendement vise à préciser le rôle de la commission d’éthique et de déontologie que vous souhaitez créer. La création d’une telle instance pourrait être intéressante, mais il faudrait ajouter, dans ce cas, que la commission fonctionne « dans les conditions prévues aux articles 13 et 14 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ».

Il ne faudrait pas, en effet, se retrouver avec une liste énumérative n’intégrant pas, en particulier, la gestion des conflits d’intérêts, laquelle fait théoriquement partie du substrat absolu de ce que l’on doit attendre d’une commission de déontologie. Ne prenons pas le risque d’un oubli et renvoyons la création de cette commission de déontologie à la loi portant statut général des autorités administratives indépendantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. L’article 2, dans sa version actuelle, précise que la commission d’éthique et de déontologie conseille le collège pour la rédaction du règlement intérieur, suit son application et garantit le respect des règles relatives à la publication des avis, à la distinction entre expertise et décision et à la prévention des conflits d’intérêts.

La rédaction n’empêche bien sûr pas que le règlement intérieur de l’ASNR prévoie des compétences supplémentaires pour ladite commission.

Cette commission constitue un élément supplémentaire de garantie que les principes fixés par le législateur soient bien appliqués.

La rédaction proposée par le Gouvernement est trop imprécise : elle ne fixe aucune compétence précise à la commission d’éthique et de déontologie. Elle constitue à cet égard un recul par rapport à la version adoptée en commission. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 41, présenté par MM. Fagnen, Devinaz et Montaugé, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Tissot, Stanzione, Redon-Sarrazy, Pla, Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La commission est également chargée de veiller à la publication des résultats des expertises et à la distinction entre, d’une part, l’expertise et, d’autre part, l’élaboration de la décision et la prise de décision.

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. Comme tout à l’heure, là où le Gouvernement propose un recul, nous proposerons une avancée.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a prévu la création d’une commission d’éthique et de déontologie. Je salue cette volonté commune que nous partageons avec M. le rapporteur Pascal Martin.

L’exposé des motifs de l’amendement du rapporteur, adopté en commission, précisait que cette commission d’éthique serait « aussi chargée de veiller à la publication des résultats des expertises et à la distinction entre, d’une part, l’expertise et, d’autre part, l’élaboration de la décision et la prise de décision ». Je vous invite donc à intégrer cette recommandation dans le texte de loi afin de garantir cette nécessaire transparence que nous appelons tous de nos vœux.