Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. David Margueritte, rapporteur. Ce dernier a élaboré les lois fondatrices du service public, déclinées dans chacun des trois pans de la fonction publique, dont la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Ces textes rappellent le principe de neutralité des services publics et l’obligation de réserve des agents.
C’est dans cette perspective que l’Ofii se voit confier la mission non pas d’assistance – n’entretenons pas la confusion –, mais bien d’information. C’est pour cette raison qu’aucun problème d’impartialité ne se pose.
Aux termes de ce dispositif, nous ne paierons plus deux fois.
M. Guy Benarroche. On ne paie pas deux fois !
M. David Margueritte, rapporteur. Le recours sera préparé par l’avocat, qui devra rédiger l’ensemble de la requête.
M. Guy Benarroche. Il faudra bien payer l’avocat !
M. David Margueritte, rapporteur. Or personne ne peut remettre en cause l’impartialité ni l’indépendance de celui-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Monsieur Brossat, vous avez une conception de l’État de droit à géométrie variable. L’État de droit, ce n’est pas le militantisme ; c’est l’impartialité, la garantie de la neutralité. Or les associations dont nous parlons, délégataires d’une mission de service public, par pur militantisme, par principe, s’opposent à la politique de retour, non décidée par l’État, mais inscrite dans les lois de la République, que veulent nos concitoyens.
Je répète que sont concernés des individus, en CRA, dont plus de 90 % présentent une menace de trouble à l’ordre public. La plupart du temps, ils ont séjourné en prison. (M. Guy Benarroche s’exclame.)
Le viol et l’assassinat de la jeune Philippine ont été rappelés. La question est là.
M. Thomas Dossus. Quel rapport avec la Cimade ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Je souhaite que, demain, nous trouvions un meilleur équilibre entre, d’une part, la nécessaire information de ceux qui sont dans les CRA et, de l’autre, l’impartialité, la neutralité de ceux qui les informent. Il s’agit non pas de restreindre des droits, mais, au contraire, de faire appliquer ces principes.
J’ajoute, au sujet des moyens de l’Ofii, que je n’ai vu personne contester son action. Je suis ces questions depuis des années : chacun reconnaît que l’Ofii agit de manière très professionnelle, avec des agents publics formés et attachés à leur mission.
L’adoption de cette proposition de loi engendrera des économies. La Cour des comptes a d’ailleurs relevé qu’en dix ans la rémunération des associations a doublé, sans aucune corrélation avec les effectifs ou les recours.
M. Guy Benarroche. C’est corrélé à la sévérité des gouvernements !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Le coût actuel de ces politiques avoisine les 9,3 millions d’euros. Nous dégagerons une économie substantielle de 6,5 millions d’euros, ce qui nous permettra d’allouer les moyens nécessaires à l’Ofii.
M. Guy Benarroche. Détaillez !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Pour conclure, monsieur Brossat, vous nous accusez d’avoir remis en cause les accords entre la France et l’Algérie. Franchement, vous plaisantez !
M. Roger Karoutchi. Provocation !
Mme Catherine Belrhiti. Eh oui !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. L’attentat terroriste de Mulhouse a été commis par un Algérien qui n’aurait jamais dû se trouver sur le sol français. À quatorze reprises, il a été présenté aux autorités algériennes, qui ne respectent pas l’avenant de 1994 à l’accord relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles. Et cela a abouti à un assassinat !
M. Ian Brossat. Quels progrès avez-vous obtenus ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Aujourd’hui, un écrivain franco-algérien, Boualem Sansal, âgé de 80 ans, atteint d’un cancer, croupit dans les geôles algériennes à l’issue d’un procès expéditif de vingt minutes. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Un mandat d’arrêt a été émis contre Kamel Daoud, détenteur du prix Goncourt 2024 !
M. Thomas Dossus. Quel est le rapport ?
M. Ian Brossat. Qu’avez-vous obtenu ?
M. Guy Benarroche. Manipulation !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Et vous pensez que c’est l’Algérie qui respecte le droit international, la convention de Chicago ? Remettons les choses dans leur contexte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mon obsession, c’est la sécurité de nos concitoyens, et j’entends que les Françaises et les Français soient protégés ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky ont déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur le texte de notre collègue Marie-Carole Ciuntu.
Ils font grief à cette proposition de loi d’aller à l’encontre du droit au recours effectif des personnes retenues. Selon eux, le fait que les associations ne soient plus systématiquement et organiquement chargées des tâches d’information juridique des personnes retenues serait contraire non seulement à la Constitution, mais également à la Convention européenne des droits de l’homme.
Nous sommes bien évidemment en total désaccord avec cette analyse.
Premièrement, le texte n’altère en rien le droit au recours des personnes retenues. Leurs droits et l’office du juge quant à la retenue demeurent identiques. La tâche d’information de l’Ofii, couplée à l’intervention facilitée des avocats commis d’office, assurera l’effectivité de l’exercice de ces droits, dont la garantie, au titre de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, n’est en rien remise en cause.
Deuxièmement, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la garantie du droit de recours effectif, selon les termes de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, impose que ce recours soit approprié et accessible, en pratique comme en droit.
En la matière, la proposition de loi définit clairement le rôle soigneusement encadré, mais important, que jouera l’Office dans l’information de base des étrangers retenus et renforce l’accès de ces derniers à un avocat afin de faire valoir pleinement leurs droits. Il n’y a donc pas lieu de penser que l’absence des associations empêchera l’effectivité du recours, à moins d’estimer que ni l’Ofii ni les avocats ne feront leur travail.
Dès lors, l’on ne saurait qu’écarter la critique formulée à ce titre par nos collègues du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, qui procède d’une lecture maximaliste, dépourvue de fondement, des textes constitutionnels et conventionnels.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas cette motion.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Il est heureux qu’arrive le moment de vérité sur les raisons du dépôt de cette proposition de loi, à commencer par une volonté de revanche. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le ministre de l’intérieur est concerné, puisque la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a été en partie censurée par le Conseil constitutionnel.
Mais au-delà de la revanche, il y a une visée. Sur ce point, l’auteure de la proposition de loi a été d’une grande cohérence et d’une grande clarté. Marie-Carole Ciuntu l’a annoncé : ce texte vise à anticiper une consultation populaire, pour ne pas dire un référendum, sur l’immigration. Le voilà, le sujet !
Le seul projet qui sous-tend tout cela, c’est de nous éloigner d’une république d’intégration pour nous diriger vers une république d’assimilation. Encore faut-il l’assumer et utiliser le terme.
Mais on ne fait pas de la politique avec des slogans, monsieur le ministre d’État. Tout d’abord, il est porté atteinte au principe d’impartialité, comme cela a été bien démontré par Ian Brossat. Personne ne dit de mal de l’Ofii, certes, mais nul ne peut nier qu’il s’agit d’un organisme d’État, rattaché au ministère de l’intérieur et qui participe à l’éloignement des étrangers. En lui confiant une mission d’accueil, on créerait une confusion des rôles entre mesures d’expulsion et d’information.
Par ailleurs, certains éléments manquent à vos explications. Ainsi, dans son rapport annuel d’activité 2023, la Défenseure des droits démontre l’existence d’atteintes au droit au recours des personnes retenues dans les CRA, au point que les huit grandes associations d’utilité publique sont devant le Conseil d’État. L’oublierait-on ?
Plusieurs sujets sont donc concernés, à commencer par l’atteinte au droit de recours effectif. En fin de compte, cette proposition de loi est purement politicienne. Franchement, nous n’allons rien régler.
Je pensais, monsieur le ministre d’État, que vous rappelleriez la durée moyenne des séjours dans les CRA, soit 28,5 jours en 2023. Peu importe, donc, un délai de 60, 90, 120 ou 240 jours, chaque journée coûte entre 670 euros et 680 euros…
Cette proposition de loi est anticonstitutionnelle, purement politicienne et s’inscrit dans une compétition avec l’extrême droite. Bravo ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 266 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 100 |
Contre | 243 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, d’une motion n° 3.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi tendant à confier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration certaines tâches d’accueil et d’information des personnes retenues (n° 594, 2024-2025).
La parole est à M. Guy Benarroche, pour la motion.
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté est aussi symptomatique qu’inexcusable.
Il relève de la dynamique que nous dénonçons depuis des mois : un pacte de gouvernement laissant les ministres utiliser régulièrement des propositions de loi, sans étude d’impact, pour imposer médiatiquement des thèmes aussi inutiles que dangereux. Telle est la raison d’être de ce texte, qui justifie l’exclusion des associations intervenant auprès des personnes retenues en arguant que ces missions devraient être confiées à l’Ofii, afin d’éviter que lesdites associations n’agissent de manière militante, en opposition à la politique du Gouvernement, ainsi que pour des raisons de rationalité budgétaire.
Les associations sont donc accusées d’être juge et partie, d’aller contre la bonne tenue des comptes de l’État et, surtout, de suivre, au travers de leur action dans les CRA, un agenda politique opposé à celui du Gouvernement.
Tous ces arguments fallacieux sont repris dans cette proposition de loi. L’un des passages les plus édifiants de l’exposé des motifs est la dénonciation de l’action légale et encadrée des associations comme entraînant une « massification des recours, de nature à entraver la politique mise en œuvre en matière de lutte contre l’immigration illégale ».
Mais de quoi parlez-vous, mes chers collègues ? Souhaitez-vous limiter le recours effectif au droit ? Ces actions légales et légitimes contreviendraient-elles, selon vous, à l’action du Gouvernement ?
L’on ne saurait reprocher aux associations ce mouvement volontaire systématique de massification des recours. Une personne qui souhaite contester une décision exerce son droit. Les associations remplissent alors pleinement les missions qui leur sont attribuées contractuellement. Refuser d’aider une personne à former un recours constituerait une obstruction à l’exercice de ses droits.
Je sais que la notion d’État de droit est mise à mal actuellement, mais pour tous les justiciables, étrangers comme nationaux, simple citoyen ou ancien Président de la République, les recours sont un outil du droit à la disposition de tous.
Comment accepter que seules votre volonté et votre appréciation, dénuées de tout fondement, puissent qualifier un recours d’abusif ? Avez-vous un seuil chiffré de recours pour définir la massification ?
Vous justifiez le changement de droit occasionné par ce texte par les difficultés liées au nombre de recours. Mais vous ne mentionnez ni le nombre de décisions attaquées et annulées, parce qu’injustifiées au regard du droit et de la situation du demandeur, ni la complexité grandissante du droit des étrangers, ni les moyens insuffisants des tribunaux.
N’observe-t-on pas plutôt, monsieur le ministre d’État, une massification des obligations de quitter le territoire français, prises de manière automatique sans examen individuel ? Est-ce cela, la politique du Gouvernement contre l’immigration illégale ?
En 2024, environ 44 % des personnes enfermées ont été libérées par un juge : 30 % par un juge judiciaire, 10 % par une cour d’appel et 4 % par un tribunal administratif. Ces statistiques démontrent l’utilité pour les personnes retenues de contester les mesures prises à leur encontre, souvent entachées d’illégalité et d’irrégularité. Par ailleurs, le nombre important de libérations ordonnées par les juridictions ne saurait être reproché aux associations, les décisions de justice n’étant pas de leur ressort.
Ce ne sont pas les recours qui sapent la politique du Gouvernement, ce sont ses propres décisions irrégulières ou insuffisantes. Quant à l’effectivité des décisions d’éloignement, il s’agit avant tout d’une question de diplomatie, comme notre groupe n’a cessé de le répéter.
Un autre point au cœur du discours du ministre, et inscrit au sein de l’exposé des motifs de la proposition de loi, est la neutralité du soutien apporté par les associations. Dès le mois d’octobre 2024, le ministre de l’intérieur déclarait : « Je considère que le conseil juridique et social aux personnes retenues dans les CRA relève de l’Ofii, et non des associations qui sont juge et partie. »
En janvier 2025, avec la même cohérence, il écrivait : « Qu’une association ait un agenda politique, veuille promouvoir une politique d’accueil massif de l’immigration, c’est son choix. Ce qui est choquant, c’est quand ces associations profitent des financements de l’État pour promouvoir d’autres politiques publiques que celles que l’État veut défendre. »
De fait, le soutien des associations correspond légalement à l’assistance à l’accès effectif au droit pour les personnes retenues. Il leur est contractuellement imposé dans le cadre du marché public que chacune de ces associations a remporté. Je ne saurais croire que le discours qui confond subventions des associations et financement à la suite d’un marché public soit volontaire et prémédité.
Votre discours est gênant et dogmatique. Il rappelle les attaques inexcusables dont ont été la cible certains avocats qui, eux aussi, sont accusés de militantisme dans l’exercice de leur mission. Il rappelle les méthodes exécrables du média d’extrême droite Frontières, lequel a publié en janvier 2025 une liste d’une soixantaine d’avocats, les accusant d’être complices des personnes en situation irrégulière cherchant à obtenir un titre de séjour.
L’ancien vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, le dit bien : « Le droit est une arme de la démocratie. Dans l’équilibre des pouvoirs propres à ce régime, la force du droit est de contenir la puissance du politique pour l’empêcher de devenir arbitraire. » Faire valoir les droits d’une personne ne devient un acte politique que face aux dérives systémiques abusives de l’État.
Parlons maintenant d’impartialité et de conflit d’intérêts. Par ce texte, vous actez de facto l’incapacité des associations à faire la différence entre, d’une part, leur plaidoyer et leur liberté d’expression et, d’autre part, leurs actions au sein des CRA. Selon vous, l’un empêcherait l’accomplissement de l’autre.
Une association, peu importent ses idées, est-elle forcément disqualifiée pour apporter ses compétences techniques dans l’exercice des missions qui lui sont confiées – par vous, qui plus est –, sans discontinuité depuis des années et selon les procédures très encadrées des marchés publics ?
Comment justifier alors le fait de confier des missions d’information et d’aide au recours effectif à l’Ofii ? Cet organisme dépend du ministère de l’intérieur, qui édicte la politique de lutte contre l’immigration illégale. Dans le même temps, il effectuerait ses missions au sein des CRA en toute objectivité, contrairement aux associations. Il s’agit là d’un conflit d’intérêts institutionnel, qui mettra obligatoirement l’Ofii et tous ses agents devant des injonctions contradictoires.
Cette proposition de loi, qu’elle le veuille ou non, introduit également une confusion entre information et accès effectif au droit. Ce sont pourtant deux notions différentes : l’analyse juridique de la situation des personnes retenues et les conseils individuels personnalisés ne sont pas la même chose que la mise à disposition de brochures.
L’article L. 744-9 du Ceseda dispose que « l’étranger maintenu en rétention bénéficie d’actions d’accueil, d’information et de soutien, pour permettre l’exercice effectif de ses droits et préparer son départ, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État ».
Par un arrêt du 3 juin 2009, le Conseil d’État a réaffirmé la nécessité de garantir l’accès effectif au droit, lequel ne se limite pas à une simple information : « Le décret prévoit que la convention passée entre le ministre chargé de l’immigration et la ou les personnes morales sélectionnées doit permettre l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers et précise que la mission confiée par la convention ne se limite pas à l’information des étrangers mais comprend également l’aide à l’exercice de leurs droits. »
L’accompagnement des associations et leur présence six jours sur sept dans les CRA sont précieux, au-delà des informations qu’elles apportent. Les délais sont parfois courts pour contester les décisions : quarante-huit heures pour les mesures d’éloignement, quatre jours pour les mesures d’enfermement.
Le fantasme d’une course au recours, voulu et souhaité par les associations, est vraiment indécent. Allez visiter les CRA, les zones d’attente et les lieux de rétention administratifs, avant de communiquer. Parlez au personnel de tous les lieux de rétention.
Les associations intervenant dans les CRA aident les étrangers à faire valoir leurs droits lorsqu’elles souhaitent porter plainte. Ils ont parfois besoin de solliciter le médecin de l’Ofii d’une demande de protection contre l’éloignement, en raison de leur état de santé. Ils peuvent également souhaiter saisir certaines autorités administratives indépendantes (AAI) ou, à titre exceptionnel, des juridictions : demande de mainlevée de la rétention administrative, saisine du juge des référés, recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, etc.
Les procédures des droits des étrangers sont de plus en plus complexes. Une expertise acquise, des formations adéquates et des compétences spécifiques permettent seules de garantir l’accès effectif au droit.
Du reste, notre groupe dénonce avec véhémence l’interprétation que fait la présente proposition de loi de la position de la Cour des comptes sur la présence des associations. Jamais il n’a été sous-entendu, chiffré ou démontré que leur intervention emportait un coût excessif pour le budget de l’immigration. Le texte prévoit de faire assurer par les avocats les missions relevant de l’assistance juridique que l’Ofii ne peut pas et ne sait pas accomplir. Comme d’habitude, rien n’est chiffré !
Les CRA sont donc amenés à se multiplier, si la vision des derniers gouvernements successifs perdure et si les financements jusque-là absents sont enfin alloués. Or ils ne peuvent être perçus comme un lieu de punition, sans droits.
Cette vision perturbée du rôle de la rétention administrative entretient une confusion avec l’incarcération punitive, ce qui nous gêne au plus haut point. Nous assistons depuis de trop nombreuses années à un détournement de la rétention, aujourd’hui utilisée comme élément de politique sécuritaire.
Les associations, telles que la Cimade, interviennent dans les CRA depuis les années 1980, initialement à la demande du ministère des affaires sociales. Leurs actions ne sont pas plus militantes que celles d’un médecin qui critiquerait une caisse d’assurance maladie, mais qui respecterait ses missions de soignant hospitalier.
Ce sont les libertés de conscience et d’expression, parfois si chères à vos yeux, qui sont mises en cause par cette proposition de loi. Elles sont pourtant au fondement même de notre démocratie. Une association qui respecte la loi, mais qui serait en désaccord avec le Gouvernement, ne pourrait pas exercer ses compétences, dites-vous. C’est grave, non ?
Ce texte illustre une nouvelle fois votre acharnement contre les étrangers, souvent précaires et perçus comme des dangers.
Notre groupe rejette ce texte, cette vision, cette atteinte au droit qui blesse notre démocratie. Nous dénonçons les fondements sur lesquels il est bâti : ils sont, au mieux, non renseignés ; au pire, mensongers.
Notre groupe condamne cette volonté de ne pas respecter l’équilibre de nos institutions et de présenter des propositions de loi sans étude d’impact, pour satisfaire les ambitions court-termistes de certains membres du Gouvernement et flatter de prétendus courants d’opinion. (Marques d’impatience et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Veuillez conclure !
M. Roger Karoutchi. Votre temps est largement écoulé !
M. Guy Benarroche. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. David Margueritte, rapporteur. Monsieur Benarroche, vous affirmez que 44 % des personnes enfermées en 2024 ont été libérées par un juge. Ce pourcentage correspond en réalité au nombre d’étrangers non éloignés qui sont sortis d’un centre de rétention. Le nombre de personnes enfermées qui ont été libérées est plutôt de 17 %.
Vous avez raison, le droit des étrangers est de plus en plus complexe. Il s’agit d’ailleurs d’une raison supplémentaire pour confier pleinement la mission d’assistance aux avocats. (M. le ministre d’État opine.)
Je ne reviendrai pas sur vos propos concernant l’existence d’un conflit d’intérêts. Je vous renvoie à la réponse que j’ai faite à M. Brossat voilà quelques instants sur la neutralité du service public – encore une fois, il s’agit de confier à l’Ofii des tâches d’information – et la massification des recours.
Je le répète, les recours devant le juge judiciaire ont augmenté de 30 % en deux ans. Cette évolution est tout à fait spectaculaire et s’accompagne d’une trajectoire similaire concernant les procédures d’éloignement et le contentieux porté devant le juge administratif. Je n’exposerai pas de nouveau l’argumentaire que j’ai développé précédemment.
Pour l’ensemble de ces raisons, et parce qu’elle souhaite que le débat se tienne, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour explication de vote.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Nous pouvons ne pas avoir le même avis, chers collègues. Toutefois, depuis le début de ce débat, vous avez peu d’arguments factuels à nous opposer. (Mme Corinne Narassiguin proteste.)
Monsieur Brossat, je vous invite à citer les propos que nous avons réellement tenus ; ils sont d’ailleurs faciles à vérifier. En ce qui me concerne, je n’ai jamais affirmé dans Paris Match les mots que vous me prêtez !
M. Ian Brossat. Je sais lire, comme vous !
Mme Marie-Carole Ciuntu. Il est totalement inutile d’inventer des propos pour essayer d’apporter de l’eau à votre moulin. Même les mots que vous avez cités ne me paraissent pas discréditer la suite de nos échanges.
J’ai écouté attentivement l’intervention de M. Benarroche. Il estime que le travail des associations est indispensable et qu’elles seules sont capables d’intervenir au sein des CRA. Ainsi, ni l’Ofii, ni les avocats, ni l’État ne seraient dignes de confiance.
Vous nous reprochez d’être les seuls, de ce côté de l’hémicycle, à faire de la politique, contrairement à vous. Pourtant, votre démarche est totalement politique et n’a rien de juridique !
M. Guy Benarroche. Rien de juridique dans ce texte non plus…
Mme Marie-Carole Ciuntu. Je ne sais que vous répondre, sinon que je suis du même avis que le rapporteur et le ministre. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 267 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 100 |
Contre | 243 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Discussion générale (suite)