M. Philippe Folliot. Merci !
M. Pierre Jean Rochette. Le chantier de l'autoroute A69 est un projet structurant. Il répond à un objectif de développement équilibré et de désenclavement du sud du Tarn et produira des effets bénéfiques sur le long terme.
Le phénomène de métropolisation est connu : les métropoles telles que Toulouse exercent une forte attraction. Les territoires dits périphériques ont donc besoin de leur être raccordés.
Comme l'a souligné le rapporteur, le sud du Tarn est lésé par le manque de fiabilité et de rapidité des infrastructures de transports desservant actuellement Toulouse. Il faut une heure dix pour rejoindre la capitale régionale en voiture depuis Castres via la RN 126. Certains prétendent réaliser ce trajet beaucoup plus vite ; je les invite à respecter les limitations de vitesse – et je sais de quoi je parle ! (Sourires.)
Ce temps de trajet place la population de Castres à l'écart des grands équipements toulousains. Il en résulte un décrochage démographique du bassin de Castres-Mazamet, qui ne s'observe pas dans les autres pôles de cette région, notamment Albi, Montauban et Gaillac, lesquels disposent de solutions de mobilité fiables et régulières depuis et vers la métropole. (M. Philippe Folliot surenchérit.)
Naturellement, les entreprises et les établissements publics de Castres-Mazamet pâtissent également de cet enclavement, qui engendre d'importantes difficultés de recrutement. Chacun sait que les problèmes de mobilité sont un frein à l'emploi.
Comme l'a rappelé un précédent orateur, le projet d'A69 répond également à des impératifs de sécurité : entre 2021 et 2024, dix-huit accidents ont causé la mort de six personnes sur la RN 126. Je rappelle que 60 % des accidents de la route ont lieu sur le réseau hors agglomération. Seuls 8 % des accidents interviennent sur les autoroutes, qui sont plus sécurisées et plus sécurisantes.
Mes chers collègues, les conséquences d'un arrêt définitif du chantier de l'A69 seraient dramatiques à la fois pour le territoire de Castres-Mazamet et pour les pouvoirs publics. L'indemnisation d'Atosca s'élèverait à 500 millions d'euros. J'espère que nous n'aboutirons pas à cette extrémité, mais le coût total d'un tel arrêt pourrait ainsi atteindre le milliard d'euros. Dans le contexte actuel, je vois mal comment nous pourrions justifier auprès de nos concitoyens que nous nous apprêtons à dilapider une telle somme pour mettre fin à un projet qui est déjà réalisé à plus de 80 %… (M. Thomas Dossus s'exclame.)
Au-delà de ses répercussions sur nos deniers publics, un arrêt de ce projet aurait des conséquences socioéconomiques très préjudiciables. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Écoutez-moi, mes chers collègues, il y a des choses intéressantes !
M. Ronan Dantec. Enfin ! (Sourires.)
M. Pierre Jean Rochette. Le territoire de Castres-Mazamet se prépare à accueillir cette infrastructure depuis des années. Je rappelle que ce projet répond à une demande des élus locaux et que ce n'est pas une décision parisienne… Les acteurs du territoire, publics comme privés, ont lourdement investi en conséquence.
Pour les acteurs économiques qui misaient sur l'amélioration de la connexion avec Toulouse, l'arrêt du chantier constituerait une véritable perte de chances, a fortiori à seulement quelques mois de son achèvement. Cela fragiliserait l'attractivité économique du territoire ; surtout, cela remettrait en cause le maintien du tissu économique existant. En effet, il est malheureusement prévisible que de nombreuses entreprises quitteraient Castres-Mazamet au profit de territoires voisins mieux desservis.
Quatrièmement, la reconnaissance par la loi de la raison impérative d'intérêt public majeur à laquelle répond un projet n'est pas inédite : le législateur a déjà adopté ce type de disposition en 2023 dans le cadre de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables et dans celui de la loi relative à l'industrie verte.
Dans sa décision du 5 mars 2025, le Conseil constitutionnel a admis la possibilité de reconnaître la raison impérative d'intérêt public majeur indépendamment de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, dans la mesure où la réduction de l'incertitude juridique pesant sur certains projets constitue « un objectif d'intérêt général » et où cette reconnaissance ne concerne que des projets précisément identifiés et revêtant une importance particulière.
En l'espèce, ces critères semblent bien respectés : il s'agit d'une mesure ciblée, qui vise à préserver un projet d'importance nationale, que ce soit par sa nature, par ses dimensions ou par les enjeux qu'il revêt pour l'aménagement du territoire.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je vous invite à rejeter massivement cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, ce qui nous permettra de poursuivre l'examen de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Franck Dhersin, rapporteur. Mes chers collègues écologistes, en défendant cette motion, vous souhaitez mettre fin à l'examen de cette proposition de loi. (Marques d'approbation sur les travées du groupe GEST.) Jusqu'ici, je suis sûr d'avoir tout bien compris.
Comme l'a très justement rappelé notre collègue Pierre Jean Rochette , ce texte ne constitue pas un détournement de la pratique des lois de validation et, contrairement à ce que vous indiquez, il ne vise pas à faire pression sur le dénouement judiciaire de l'appel et de la demande de sursis à exécution qui sont en cours.
Vous nous accusez de nous prendre pour le juge administratif ; tâchez de ne pas vous prendre pour le juge constitutionnel ! Les lois de validation ne sont pas une entorse à l'État de droit. Cette pratique est à la fois reconnue par le Conseil constitutionnel et rigoureusement encadrée par sa jurisprudence, et ce depuis 1980 !
Le juge constitutionnel a défini cinq conditions, sur lesquelles je ne reviendrai pas, pour apprécier la conformité d'une loi de validation à la Constitution.
M. Ronan Dantec. Justement, revenez-y, car il y a un sujet !
M. Franck Dhersin, rapporteur. Or il me semble, comme l'expose le rapport de la commission, que ces cinq conditions sont bien respectées en l'espèce.
M. Philippe Folliot. C'est vrai !
M. Franck Dhersin, rapporteur. Il nous appartient, en tant que législateurs, de répondre à un double impératif. D'une part, nous nous devons d'améliorer, grâce à l'A69, la desserte du bassin de Castres-Mazamet depuis Toulouse dans un objectif d'équité territoriale. « Équité territoriale » : ces mots ont-ils un sens pour vous ? D'autre part, il nous faut éviter le préjudice pour l'intérêt général d'une mise à l'arrêt définitive de ce chantier de grande ampleur, qui était très proche d'être achevé et pour lequel des moyens considérables ont déjà été engagés.
La commission émet donc un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Tabarot, ministre. En plus de donner mon avis sur cette motion, je répondrai à quelques points soulevés lors de la discussion générale.
Tout d'abord, je tiens à souligner la compétence de mes anciens collègues auteurs de ce texte, Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau, qui connaissent très bien le droit et qui sont compétents sur ces questions.
M. Thomas Dossus. Et nous non ?
M. Philippe Tabarot, ministre. De même, les députés Jean Terlier et Philippe Bonnecarrère, qui défendront le texte à l'Assemblée nationale, sont des juristes reconnus. Je tiens à rappeler que ce dernier était reconnu comme une figure importante de la commission des lois du Sénat et l'un des meilleurs juristes de cette assemblée jusqu'à récemment. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. Philippe Tabarot, ministre. Ensuite, si nous devions attendre la fin de tous les recours pour engager un chantier, la situation deviendrait impossible : les gens en déposeraient en permanence et l'autorisation environnementale deviendrait caduque avant que le Conseil d'État n'ait pris l'ultime décision au bout de plusieurs années. En l'occurrence, les habitants du sud du Tarn attendent l'autoroute depuis trente ans !
Monsieur Dantec, je ne veux pas croire que nos débats soient de nature à influencer les magistrats de la cour administrative d'appel de Toulouse.
M. Guy Benarroche. On tente de les influencer !
M. Ronan Dantec. Bien sûr…
M. Philippe Tabarot, ministre. Je précise qu'hier le rapporteur public du Conseil d'État a demandé de rejeter l'une des autres nombreuses requêtes des opposants au projet d'A69 qui concerne notamment la durée de la concession.
Monsieur Gillé, il est assez extraordinaire de vous entendre m'accuser de ne pas me positionner sur le sujet, alors que votre groupe ne prendra pas part au vote ! (Rires sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Daniel Gueret. Bravo !
M. Philippe Tabarot, ministre. Du reste, nous ne parvenons toujours pas à comprendre votre position sur le fond du projet.
M. François Bonhomme. On est perdus ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot, ministre. De Faure à Delga et de Delga à Faure, il ne faudrait pas que d'autres considérations viennent troubler votre positionnement sur le sujet…
Je suis en revanche d'accord avec vous sur un point : le législateur n'a pas été suffisamment clair sur la définition de la raison impérative d'intérêt public majeur. Le Gouvernement tâchera de clarifier les choses lors de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de simplification de la vie économique.
Si la décision du 27 février dernier n'est pas ubuesque, la situation qu'elle a créée l'est bel et bien. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis de sagesse défavorable sur cette motion.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Varaillas. Mon collègue Jean-Pierre Corbisez ayant indiqué que je voterai pour cette proposition de loi, il me semble important d'apporter quelques explications.
La juridiction administrative a déjà annulé à plusieurs reprises une décision administrative nécessaire à la réalisation de travaux d'infrastructure. Toutefois, ces décisions sont généralement intervenues alors que le projet en était au stade de la déclaration d'utilité publique, et rarement au moment où les travaux sont sur le point de s'achever, comme c'est le cas de l'A69.
Ce dossier me remémore bien sûr l'annulation par la cour d'appel de Bordeaux de l'arrêté de la préfète de la Dordogne autorisant la réalisation des travaux d'aménagement du contournement du village de Beynac-et-Cazenac, sur le territoire des communes de Castelnaud-la-Chapelle, Vésac et Saint-Vincent-de-Cosse, arrêté qui avait pourtant fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique.
La cour avait alors enjoint au département de la Dordogne de procéder à la démolition des travaux déjà réalisés et de remettre les lieux en état. Les coûts de ces opérations ont été respectivement évalués à 40 millions d'euros et à plus de 20 millions d'euros. (MM. François Bonhomme, Philippe Folliot et Laurent Somon renchérissent.)
Comme vous, mes chers collègues, je suis très attachée à la séparation des pouvoirs. Ce fut mon métier toute ma vie. Mais je pense que nous avons le devoir de faire évoluer la loi, car, derrière ces situations quelque peu inédites, il y a l'argent des contribuables. Or, dans un contexte plus que contraint, nous sommes comptables des derniers publics.
M. Philippe Folliot. Très juste !
Mme Marie-Claude Varaillas. Alors que des chantiers en cours ont dû être arrêtés, il devient évident que la raison impérative d'intérêt public majeur doit intervenir plus tôt dans la vie des projets et, en tout état de cause, avant le lancement des travaux. De plus, les critères d'application de cette notion issue du droit européen n'ont pas été suffisamment précisés pour encadrer la décision du juge.
Enfin, je ne doute absolument pas de la nécessité de réduire l'artificialisation des sols pour préserver, notamment, l'agriculture – et je m'y emploie. Toutefois, nos départements ruraux sont amenés à résoudre des problèmes de sécurité routière, ce qui implique des déviations. C'est ce qui s'est passé pour Beynac-et-Cazenac, qui fut, en son temps, classé « plus beau village de France »…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Claude Varaillas. Par ailleurs, ils doivent se projeter en matière de développement économique, sauf à ce que nous considérions qu'ils soient condamnés à n'être rien de plus que le poumon des métropoles.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Marie-Claude Varaillas. Ces territoires ruraux, qui sont en première ligne pour engager la transition écologique, entendent légitimement rester innovants et attractifs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret, pour explication de vote.
M. Daniel Gueret. La présente proposition de loi vise à reconnaître clairement la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) du projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, après l'annulation par le tribunal administratif de Toulouse des autorisations environnementales délivrées.
Cette annulation, fondée sur l'absence de RIIPM, a brutalement interrompu un chantier dont 60 % des travaux étaient déjà réalisés, pour un investissement de près de 300 millions d'euros.
Pourtant, compte tenu de la nécessité d'améliorer l'accessibilité et la sécurité routière de ce bassin, mais aussi de renforcer l'attractivité économique du sud du Tarn, ce projet a fait l'objet d'un soutien massif et constant des collectivités locales, des acteurs économiques et de la population.
Ce texte vise non pas à contourner le droit, mais à remédier à une insécurité juridique qui met en péril un projet d'intérêt général dont le Conseil d'État a déclaré l'utilité publique et la loi d'orientation des mobilités (LOM) a reconnu le caractère prioritaire. Il s'agit de garantir la cohérence de l'action publique et de respecter la volonté démocratique qui s'est exprimée localement par le biais de nombreux votes et marques de soutiens.
Enfin, refuser d'examiner ce texte, ce serait ignorer des enjeux de désenclavement, de développement territorial et de sécurité routière qui concernent directement des milliers d'habitants et d'entreprises de la région Occitanie.
M. Philippe Folliot. Très bien !
M. Daniel Gueret. Il n'est nullement question de nier les enjeux environnementaux, mais il importe de trouver un équilibre entre la protection de la biodiversité et la nécessité de répondre à l'intérêt général dans un cadre légal et transparent.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. Nous appelons à un débat parlementaire serein et responsable sur le fond de ce texte essentiel pour l'avenir des territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Tout d'abord, je tiens à m'adresser aux sénateurs du territoire concerné par le chantier de l'A69 : si vous ne voulez pas de l'avis des parlementaires issus des grandes métropoles, ne présentez pas de proposition de loi devant le Parlement ! Nous sommes des élus nationaux, et il est normal que nous défendions notre position sur les textes qui nous sont soumis.
Monsieur le rapporteur, vous n'avez pas détaillé les cinq critères qui justifient une loi de validation, et pour cause : vous ne le pouvez pas, car ce texte ne les remplit pas !
Mes chers collègues, vous n'avez eu de cesse de nous appeler à faire preuve de crédibilité. Mais comment être crédibles en tant que parlementaires en piétinant aussi radicalement la séparation des pouvoirs ? Comment être crédibles en lançant de si coûteux travaux sans attendre que les recours soient purgés ? Le fait accompli n'est pas une politique crédible !
Par ailleurs, les conséquences financières que vous répétez vouloir éviter sont le fait des promoteurs qui ont lancé ce chantier à marche forcée.
Enfin, nous vous entendons régulièrement regretter l'affaissement de l'autorité et sa remise en cause permanente dans notre société. Pourtant, en tenant, en tant que législateurs, des propos extrêmement durs envers les juges, vous affaiblissez gravement la parole politique, l'État de droit et la République.
Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour explication de vote.
M. Serge Mérillou. Ce texte dépasse le seul projet d'infrastructure autoroutière qui nous intéresse aujourd'hui. Il cristallise un difficile équilibre entre deux exigences fondamentales de notre République : d'un côté, la justice environnementale ; de l'autre, le respect de la parole des élus locaux, la continuité de l'action publique et la reconnaissance des territoires ruraux comme parties prenantes du destin national. Ces deux impératifs ont pour dénominateur commun le respect de l'état de droit.
La notion de raison impérative d'intérêt public majeur, issue de la directive européenne dite Habitats, nous invite à assurer cet équilibre. Il ne s'agit pas d'opposer les défenseurs de l'environnement aux élus de terrain comme s'ils représentaient deux France inconciliables. Il s'agit de trouver le point d'équilibre, celui où la République tient parole et tient ensemble.
Dans bien des territoires – comme, Marie-Claude Varaillas l'a rappelé, à Beynac-et-Cazenac, en Dordogne –, l'incompréhension est forte. Il s'y propage la lourde impression que tout projet d'infrastructure d'ampleur et ses millions d'euros d'investissement sont voués à des contentieux intarissables, systématiquement défavorables et sans égard pour les habitants ni pour ceux qui les représentent. Ce sentiment d'abandon nourrit la défiance et creuse le lit des populismes.
M. Franck Dhersin, rapporteur. Absolument !
M. Serge Mérillou. Oui, ce texte peut en effet apparaître comme le dernier sursaut d'une République qui aménage ses territoires plutôt que de les figer. À nous de faire en sorte qu'il ne soit pas un simple baroud d'honneur et qu'il envoie un signal à ceux que nous n'avons pas le droit d'oublier ! À nous de modifier la loi – c'est notre mission ! – et de préciser et d'encadrer cette notion de raison impérative d'intérêt public majeur pour ne pas la laisser à la seule appréciation du juge.
M. Philippe Folliot. Très bien !
M. Serge Mérillou. « Une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu'elle est juste. » Vous l'aurez compris, cette phrase n'est pas de moi, elle est de Montesquieu.
Je voterai en faveur de la proposition de loi, mais je ne prendrai pas part au vote sur cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Franck Dhersin, rapporteur. Monsieur Dossus, vous n'avez manifestement pas lu le rapport, car toutes les réponses à votre question s'y trouvent.
Monsieur Dantec, vous êtes président depuis 2019 du mouvement politique Ensemble sur nos territoires, dont l'un des principaux objectifs est de « s'appuyer sur les dynamiques territoriales et les élus locaux, socle de notre démocratie ». Les élus du Tarn apprécieront… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Ronan Dantec. Quel rapport ?
M. Franck Dhersin, rapporteur. En février 2015, le journal Libération vous a consacré un portrait dans lequel vous déclariez que « le monde entier ne pense pas comme Paris ou Nantes », et qu'il fallait « savoir écouter ce que disent les autres » territoires. « Moi, je suis plutôt dans la position du médiateur », affirmiez-vous également.
M. Ronan Dantec. C'est ce que je fais !
M. Franck Dhersin, rapporteur. Dommage que vous ne jouiez pas ce rôle aujourd'hui !
Le 18 décembre 2024, devant le Conseil économique, social et environnemental (Cese), vous déploriez le fait que l'« on ne [faisait] pas confiance aux territoires sur leur capacité à mettre en cohérence l'ensemble de leurs politiques publiques ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Aïe aïe aïe !
M. Franck Dhersin, rapporteur. Vous concluiez de la sorte : « On sent la volonté de fliquer les territoires. » (Oh ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Je regrette que vous n'agissiez pas en conséquence.
Monsieur Fernique, onze morts et cent vingt blessés, ce n'est pas rien ! Par ailleurs, je rappelle que quatorze juges ont validé ce projet d'A69. Un seul a dit non !
Monsieur Gillé, on sent le PS pour le moins gêné aux entournures. Est-ce le rôle du Parlement de légiférer ? Bien évidemment ! Le temps de la contestation contre les projets est permanent. En ce qui nous concerne, notre main n'a pas tremblé ; en revanche, la langue du PS semble quelque peu liée… (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Mes chers collègues, gardons les pieds sur terre et posons-nous les bonnes questions.
J'ai la chance d'être le sénateur d'un territoire bien desservi, par des lignes à grande vitesse et par une autoroute.
Moi qui bénéficie d'infrastructures qui fonctionnent correctement, de quel droit me permettrais-je de dire à des élus de territoires mal desservis que je ne suis pas d'accord avec eux ? De quel droit me permettrais-je de leur dire qu'ils n'ont qu'à se débrouiller ? De quel droit me permettrais-je de leur dire, en égoïste que je suis, que je n'ai aucun problème pour me déplacer et qu'ils auront beau pleurer, cela ne changera rien ? De quel droit me permettrais-je de leur dire que si leur économie va mal et que leurs habitants quittent les territoires, eh bien, ma foi, ce n'est pas très grave ? (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. C'est l'inverse !
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je vous prie de me laisser parler ! Je n'ai interrompu personne !
Au-delà de la question juridique que nous essayons de traiter, la commission que je préside s'intitule « commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ». Si nous voulons mettre fin à la méfiance de nos concitoyens à notre encontre, nous devons être capables d'aménager nos territoires tout en respectant l'environnement.
Je ne peux pas concevoir que l'on nous demande d'ajouter des délais aux délais. J'entends beaucoup d'entre vous déplorer le fait que certains maires de leur circonscription ont mis deux mandats pour réaliser un simple projet. Je ne dis pas que nous devons aller aussi vite que la Chine, mais entre la vitesse de la Chine et la lenteur dont nous faisons preuve, il y a de la marge !
Aujourd'hui, nous mettons tout en œuvre pour que rien n'avance. Nous avons certes adopté un projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, mais j'ai le sentiment que nous nous sommes trompés de pédale et que nous sommes en train d'appuyer sur la pédale de frein ! Tout est caution à ce que l'on ne fasse rien et que l'on n'avance plus dans ce pays. Et cela, je le regrette franchement ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 280 :
Nombre de votants | 276 |
Nombre de suffrages exprimés | 276 |
Pour l'adoption | 32 |
Contre | 244 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !
M. le président. Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission
proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre castres et toulouse
Article unique
Sont validés l'arrêté interdépartemental des préfets de la Haute-Garonne et du Tarn du 1er mars 2023 portant autorisation au titre de l'article L. 181-1 et suivants du code de l'environnement concernant la liaison autoroutière de Verfeil à Castres – A69 et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 mars 2023 portant autorisation environnementale au titre de l'article L. 181-1 du code de l'environnement de mise à 2x2 voies de l'A680 entre Castelmaurou et Verfeil en tant qu'ils reconnaissent une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, au projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Dantec, Fernique, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Au vu de la faiblesse des arguments qui ont été opposés à notre motion sur le fond, cet amendement de suppression de l'article unique me semble d'autant plus justifié.
Contrairement à ce qu'a affirmé le rapporteur, aucune analyse n'étaye le fait que les critères établis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel seraient remplis.
Par ailleurs, vous êtes nombreux à avoir argué du motif économique. Le rapporteur ayant omis de le faire, je vous signale que ce motif n'est pas considéré comme un motif impérieux par le Conseil constitutionnel…
Notre collègue Rochette a beau dire que le projet de tramway de Strasbourg a été annulé pour un vice de forme, c'est la première fois qu'une proposition de loi de validation se positionne sur le fond et non sur un vice de procédure. Nous sommes totalement en dehors des clous !
Le débat a démontré la faiblesse insigne de l'argumentaire juridique justifiant cette proposition de loi. De ce point de vue, le Sénat a fait son œuvre en éclairant le débat public et en soulignant le peu d'arguments juridiques qui nous étaient opposés.
En outre, le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur des questions environnementales. Il a considéré que ce projet n'était pas viable, car il aurait mieux valu améliorer la route actuelle qu'en construire une nouvelle, et surtout pas par le biais d'une concession !
Ce projet est le résultat de la faillite des discussions entre l'État et les élus locaux. Ces derniers n'ayant pas réussi à convaincre l'État de financer intégralement les travaux, ils ont choisi de passer par une concession privée. Au bout du compte, il faudra payer 16 euros le trajet entre Castres et Toulouse, ce qui veut dire que nombre d'habitants continueront d'emprunter la nationale sur laquelle ils circulent aujourd'hui ! Cette autoroute ne changera donc rien au caractère accidentogène du trajet.
Voilà les arguments avancés par le tribunal administratif pour remettre en cause le motif d'intérêt public majeur ! Il ne s'agissait pas de protéger des chauves-souris ou des plantes rares ; vous vous trompez !
Vous avez voulu masquer la faillite du dialogue entre l'État et les élus du territoire. Or, étant, comme l'a indiqué le rapporteur, le président d'un mouvement nommé Ensemble sur nos territoires, j'y suis particulièrement sensible ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)