M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Dhersin, rapporteur. Monsieur Dossus, vous n’avez manifestement pas lu le rapport, car toutes les réponses à votre question s’y trouvent.

Monsieur Dantec, vous êtes président depuis 2019 du mouvement politique Ensemble sur nos territoires, dont l’un des principaux objectifs est de « s’appuyer sur les dynamiques territoriales et les élus locaux, socle de notre démocratie ». Les élus du Tarn apprécieront… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Ronan Dantec. Quel rapport ?

M. Franck Dhersin, rapporteur. En février 2015, le journal Libération vous a consacré un portrait dans lequel vous déclariez que « le monde entier ne pense pas comme Paris ou Nantes », et qu’il fallait « savoir écouter ce que disent les autres » territoires. « Moi, je suis plutôt dans la position du médiateur », affirmiez-vous également.

M. Ronan Dantec. C’est ce que je fais !

M. Franck Dhersin, rapporteur. Dommage que vous ne jouiez pas ce rôle aujourd’hui !

Le 18 décembre 2024, devant le Conseil économique, social et environnemental (Cese), vous déploriez le fait que l’« on ne [faisait] pas confiance aux territoires sur leur capacité à mettre en cohérence l’ensemble de leurs politiques publiques ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Aïe aïe aïe !

M. Franck Dhersin, rapporteur. Vous concluiez de la sorte : « On sent la volonté de fliquer les territoires. » (Oh ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Je regrette que vous n’agissiez pas en conséquence.

Monsieur Fernique, onze morts et cent vingt blessés, ce n’est pas rien ! Par ailleurs, je rappelle que quatorze juges ont validé ce projet d’A69. Un seul a dit non !

Monsieur Gillé, on sent le PS pour le moins gêné aux entournures. Est-ce le rôle du Parlement de légiférer ? Bien évidemment ! Le temps de la contestation contre les projets est permanent. En ce qui nous concerne, notre main n’a pas tremblé ; en revanche, la langue du PS semble quelque peu liée… (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Mes chers collègues, gardons les pieds sur terre et posons-nous les bonnes questions.

J’ai la chance d’être le sénateur d’un territoire bien desservi, par des lignes à grande vitesse et par une autoroute.

Moi qui bénéficie d’infrastructures qui fonctionnent correctement, de quel droit me permettrais-je de dire à des élus de territoires mal desservis que je ne suis pas d’accord avec eux ? De quel droit me permettrais-je de leur dire qu’ils n’ont qu’à se débrouiller ? De quel droit me permettrais-je de leur dire, en égoïste que je suis, que je n’ai aucun problème pour me déplacer et qu’ils auront beau pleurer, cela ne changera rien ? De quel droit me permettrais-je de leur dire que si leur économie va mal et que leurs habitants quittent les territoires, eh bien, ma foi, ce n’est pas très grave ? (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. C’est l’inverse !

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je vous prie de me laisser parler ! Je n’ai interrompu personne !

Au-delà de la question juridique que nous essayons de traiter, la commission que je préside s’intitule « commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ». Si nous voulons mettre fin à la méfiance de nos concitoyens à notre encontre, nous devons être capables d’aménager nos territoires tout en respectant l’environnement.

Je ne peux pas concevoir que l’on nous demande d’ajouter des délais aux délais. J’entends beaucoup d’entre vous déplorer le fait que certains maires de leur circonscription ont mis deux mandats pour réaliser un simple projet. Je ne dis pas que nous devons aller aussi vite que la Chine, mais entre la vitesse de la Chine et la lenteur dont nous faisons preuve, il y a de la marge !

Aujourd’hui, nous mettons tout en œuvre pour que rien n’avance. Nous avons certes adopté un projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, mais j’ai le sentiment que nous nous sommes trompés de pédale et que nous sommes en train d’appuyer sur la pédale de frein ! Tout est caution à ce que l’on ne fasse rien et que l’on n’avance plus dans ce pays. Et cela, je le regrette franchement ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 280 :

Nombre de votants 276
Nombre de suffrages exprimés 276
Pour l’adoption 32
Contre 244

Le Sénat n’a pas adopté.

M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !

M. le président. Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre castres et toulouse

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse
Intitulé de la proposition de loi (début)

Article unique

Sont validés l’arrêté interdépartemental des préfets de la Haute-Garonne et du Tarn du 1er mars 2023 portant autorisation au titre de l’article L. 181-1 et suivants du code de l’environnement concernant la liaison autoroutière de Verfeil à Castres – A69 et l’arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 mars 2023 portant autorisation environnementale au titre de l’article L. 181-1 du code de l’environnement de mise à 2x2 voies de l’A680 entre Castelmaurou et Verfeil en tant qu’ils reconnaissent une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, au projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Dantec, Fernique, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Au vu de la faiblesse des arguments qui ont été opposés à notre motion sur le fond, cet amendement de suppression de l’article unique me semble d’autant plus justifié.

Contrairement à ce qu’a affirmé le rapporteur, aucune analyse n’étaie le fait que les critères établis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel seraient remplis.

Par ailleurs, vous êtes nombreux à avoir argué du motif économique. Le rapporteur ayant omis de le faire, je vous signale que ce motif n’est pas considéré comme un motif impérieux par le Conseil constitutionnel…

Notre collègue Rochette a beau dire que le projet de tramway de Strasbourg a été annulé pour un vice de forme, c’est la première fois qu’une proposition de loi de validation se positionne sur le fond et non sur un vice de procédure. Nous sommes totalement en dehors des clous !

Le débat a démontré la faiblesse insigne de l’argumentaire juridique justifiant cette proposition de loi. De ce point de vue, le Sénat a fait son œuvre en éclairant le débat public et en soulignant le peu d’arguments juridiques qui nous étaient opposés.

En outre, le tribunal administratif ne s’est pas prononcé sur des questions environnementales. Il a considéré que ce projet n’était pas viable, car il aurait mieux valu améliorer la route actuelle qu’en construire une nouvelle, et surtout pas par le biais d’une concession !

Ce projet est le résultat de la faillite des discussions entre l’État et les élus locaux. Ces derniers n’ayant pas réussi à convaincre l’État de financer intégralement les travaux, ils ont choisi de passer par une concession privée. Au bout du compte, il faudra payer 16 euros le trajet entre Castres et Toulouse, ce qui veut dire que nombre d’habitants continueront d’emprunter la nationale sur laquelle ils circulent aujourd’hui ! Cette autoroute ne changera donc rien au caractère accidentogène du trajet.

Voilà les arguments avancés par le tribunal administratif pour remettre en cause le motif d’intérêt public majeur ! Il ne s’agissait pas de protéger des chauves-souris ou des plantes rares ; vous vous trompez !

Vous avez voulu masquer la faillite du dialogue entre l’État et les élus du territoire. Or, étant, comme l’a indiqué le rapporteur, le président d’un mouvement nommé Ensemble sur nos territoires, j’y suis particulièrement sensible ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Dhersin, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Tabarot, ministre. J’émets un avis de sagesse défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Dhersin, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au début

Insérer les mots :

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Dhersin, rapporteur. En vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le législateur ne peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé qu’à la condition que cette modification ou cette validation respecte les décisions de justice ayant force de chose jugée.

En l’espèce, cette condition est implicitement remplie : les deux autorisations environnementales dont fait l’objet le projet de l’A69 ont été annulées en première instance et un appel est en cours. Par précaution, il convient néanmoins de mentionner expressément la réserve tenant au respect des décisions de justice passées en force de chose jugée.

Mes chers collègues, j’ai à cœur de respecter le Conseil constitutionnel : respectons-le tous. En particulier, gardons-nous de nous exprimer à sa place avant qu’il n’ait pris sa décision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Tabarot, ministre. Sagesse favorable ! (Sourires.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. M. le rapporteur nous propose à présent d’écrire dans la loi ce qui s’impose à nous tous, comme s’il avait besoin de se rassurer lui-même : ce réflexe, tout de même assez étrange, est à mon avis de l’ordre du psychanalytique. (Sourires sur les travées du groupe GEST. – Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Franck Dhersin, rapporteur. Pas plus dans mon cas que dans le vôtre !

M. Ronan Dantec. Il faudra en parler à un professionnel. (Nouveaux sourires.)

Toutefois, ce qui me semble le plus intéressant – et c’est aussi de l’ordre du psychanalytique –, ce sont les silences de M. le rapporteur. J’observe notamment que, depuis le commencement de ce débat, il n’a pas dit un mot de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Avec cet amendement, il se contente de rappeler que, la procédure judiciaire étant en cours, l’affaire n’est pas définitivement jugée, et que l’on peut donc intervenir. Je répète qu’une telle précision est absolument superfétatoire, puisqu’elle ne fait que rappeler la loi ; et, quoi qu’il en soit, ce n’est pas le sens de la convention européenne des droits de l’homme.

Je suis étonné que ni M. le rapporteur ni M. Rochette n’ait mentionné ce point, qui a toute son importance : la convention européenne des droits de l’homme interdit toute ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice. Le législateur ne peut donc pas s’immiscer dans le processus délibératif lui-même. Or cette proposition de loi constitue bien une intervention politique cherchant à influer sur le cours de la justice, y compris en remettant en cause l’intégrité du juge, précédemment qualifié d’« hors sol », sa décision étant quant à elle déclarée « ubuesque ». De tels procédés contreviennent totalement à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

Sans faire durer éternellement les débats, peut-être pourrait-on rectifier le présent amendement afin de citer également la convention européenne des droits de l’homme. Dès lors, ces dispositions seraient bel et bien consolidées ; mais ce n’est évidemment pas le cas…

Nous devons donc nous préparer à une longue période de contentieux supplémentaires grâce à l’intervention volontariste du Sénat !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Dhersin, rapporteur. Monsieur Dantec, si je n’ai pas cité la convention européenne des droits de l’homme, c’est parce qu’elle renvoie à des motifs impérieux d’intérêt général, exactement comme la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cette précision vaut pour la première comme pour la seconde ! Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter une telle mention.

M. Ronan Dantec. Je vous parle d’ingérence !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article unique, modifié.

(Larticle unique est adopté.)

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Dantec, Fernique, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi visant à empiéter sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Chers collègues de la majorité sénatoriale, il s’agit là d’un amendement de cohérence, que je présente somme toute pour vous aider. (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

Le Sénat est clairement en train de faire de la politique politicienne, d’adopter une posture (Protestations sur les travées du groupe UC.), en passant des messages qui n’ont strictement rien à voir avec le fond même de la décision rendue par le tribunal administratif.

Les élus locaux ne sont pas parvenus à obtenir de l’État un investissement direct en faveur de l’amélioration de la liaison existante. Il a donc fallu passer par une concession, ce qui coûte très cher à tout le monde.

Selon vous, mieux vaut camoufler cet échec en le mettant sur le compte des écolos… Mais il faut appeler un chat un chat : nous sommes face à un texte de posture.

Loin de moi l’idée de faire un procès d’intention ou même d’exercer une quelconque pression, même légère, sur qui que ce soit : pour ma part, je respecte l’indépendance de la justice. Je propose simplement un titre permettant de « potentialiser » au mieux l’effort politique que traduit cette proposition de loi.

Pour une raison qui m’échappe, Franck Dhersin est allé chercher certaines de mes déclarations anciennes ; mais, finalement, j’en suis assez fier. Le mouvement Ensemble sur nos territoires reçoit rarement une telle publicité dans notre hémicycle ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.) Plusieurs de nos collègues présents en séance ce matin en sont d’ailleurs membres, et je tiens à les saluer. Il s’agit d’un mouvement à la fois écologiste et social particulièrement attaché aux territoires.

Je pourrais vous parler de bien des routes, en particulier de nombreuses voies express, qui n’ont jamais fait l’objet du moindre contentieux. Je pense notamment aux axes financés par le plan routier breton (PRB) : nous étions tous d’accord pour en reconnaître la nécessité.

Si le projet dont nous parlons mobilise tant de personnes contre lui, c’est tout simplement parce qu’il est aberrant. Resteront sur la route nationale tous ceux qui n’ont pas les moyens de payer 16 euros une autoroute privée qui, au passage, sera en partie financée par l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Dhersin, rapporteur. Quand les écologistes soutiennent d’importants projets nantais d’infrastructures, leurs associations fétiches se gardent évidemment de les attaquer…

Je me sens tout à fait cohérent avec moi-même en émettant un avis défavorable sur cet amendement. (M. Daniel Gueret rit.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Tabarot, ministre. Défavorable sans sagesse ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. Mon cher collègue Dantec, on pourrait vous répondre sur le ton de l’humour ; mais, pour ma part, je parlerai avec une extrême gravité.

On ne peut opposer, dans cet hémicycle, des sénateurs vertueux, respectueux de l’État de droit, et des sénateurs cherchant en fait à s’en affranchir.

Les propos que vous avez tenus au sujet de ce territoire constituent, pour nous, une forme d’insulte…

M. Ronan Dantec. Pourquoi ?

M. Philippe Folliot. Ils sont une insulte envers les auteurs de cette proposition de loi ; une insulte envers le président du conseil départemental du Tarn, Christophe Ramond ; une insulte envers le président de la communauté d’agglomération de Castres-Mazamet, Pascal Bugis ; une insulte envers le président de la communauté de communes Sor et Agout, Sylvain Fernandez ; une insulte envers le président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc ; une insulte envers la présidente de la région, Carole Delga ; une insulte envers nos collègues députés, qu’il s’agisse de Jean Terlier, présent dans nos tribunes, ou de Philippe Bonnecarrère.

À l’évidence, vous nous méprisez ! Vous méprisez les habitants de ce territoire…

M. Jean-Pierre Corbisez. Ces polémiques ne servent à rien !

M. Philippe Folliot. Vous méprisez celles et ceux qui, là-bas, se battent depuis des décennies pour leur désenclavement.

Un tel mépris nous insupporte : vous devriez faire preuve de plus de modestie dans vos jugements.

Je le répète, on ne peut pas laisser entendre que, face aux sénateurs vertueux que vous seriez,…

M. Jean-Pierre Corbisez. Il est temps de voter !

M. Philippe Folliot. … siégeraient sur nos travées je ne sais quels sous-sénateurs,… (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. C’est vous qui le dites !

M. Philippe Folliot. … opposés à l’État de droit. Cette caricature n’est pas acceptable !

Pour notre part, nous nous battons pour ce territoire. Nous nous battons pour l’intérêt général. Nous nous battons pour que ce pays ne soit pas mis sous cloche. Nous nous battons pour le développement économique et social. Nous nous battons pour les 1 000 personnes qui ont perdu leur emploi à la suite de cette décision, et pour lesquelles vous n’avez eu ni un mot ni une pensée ! (Nouvelles protestations.)

M. Guillaume Gontard. C’est n’importe quoi !

M. Philippe Folliot. Vos propos et vos sous-entendus sont proprement inacceptables ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Franck Dhersin, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Monsieur Folliot, on ne peut en effet pas opposer « sénateurs vertueux » et « sous-sénateurs ». Ce texte fait tout simplement l’objet d’un débat politique : nous nous y opposons par conviction, sans mépriser personne, mais en avançant des arguments de droit.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, quand j’ai été élu sénateur, il y a cinq ans, l’humanité traversait une grave crise climatique. Nous allions dans le mur. On émettait trop de gaz à effet de serre, on dévorait beaucoup trop de terres agricoles et d’espaces naturels en les bétonnant. Mais nous avions pris des engagements mondiaux et mis en œuvre un certain nombre de stratégies, parmi lesquelles la stratégie nationale bas-carbone. Nous cherchions, à l’époque, à éviter la moindre tonne de CO2 supplémentaire.

Aujourd’hui, j’apprends avec joie que tous ces efforts sont derrière nous ! Visiblement, on peut tout recommencer comme avant, construire de nouvelles autoroutes, bitumer à tout-va des espaces naturels et agricoles.

En outre, depuis le début de mon mandat, on ne cessait de nous mettre en garde : le budget de la France allait dans le mur, notre dette battait sans cesse de nouveaux records et il fallait chercher des économies partout. Or le recours formé a révélé une information majeure, et c’est aussi l’une de ses vertus : les pouvoirs publics – je suis heureux de l’entendre ! – vont prendre en charge un tiers du péage de cette autoroute. Il faudra prévenir le rapporteur général de la commission des finances qu’il n’a plus à se faire de souci : visiblement, les caisses sont de nouveau pleines, puisqu’on peut se permettre pareille dépense…

Enfin – cela m’inquiète un peu plus –, je constate, alors que mon mandat approche de son terme, que la séparation des pouvoirs n’est plus qu’une illusion. De fait, il suffit de connaître quelques parlementaires pour tenter de contourner une décision de justice.

Prenez garde, mes chers collègues : les réalités physiques de cette véritable catastrophe qu’est le changement climatique sont en train de nous rattraper, et les générations futures vous jugeront.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Chers collègues de la majorité sénatoriale, j’ai comme l’impression que vous perdez votre sang-froid…

Pour revenir au fond du débat, je citerai un autre des éléments sur lesquels le tribunal administratif a fondé sa décision, à savoir les hypothèses de fréquentation de cette autoroute, que l’Autorité de régulation des transports (ART) elle-même a pu qualifier d’optimistes – n’est-ce pas, monsieur le ministre ?

Je vous renvoie au compte rendu de la commission d’enquête parlementaire sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69 en date du 2 mai 2024 : ces hypothèses paraissent très en deçà des seuils justifiant la construction d’une autoroute à deux fois deux voies.

Hors abonnement, la liaison autoroutière Castres-Toulouse coûtera environ 16 euros. Ce prix élevé est de nature à relativiser les estimations issues de l’étude de trafic.

Monsieur Folliot, soyez bien certain que je n’insulte personne. En revanche, depuis deux heures, vous pratiquez en quelque sorte l’insulte à rebours en refusant le vrai débat de fond.

Vous n’avez pas réussi à convaincre l’État, alors que beaucoup d’élus locaux préféraient que l’on améliore la liaison actuelle, ce qui était la logique même.

Évidemment, cette autoroute n’est pas rentable. Elle sera même encore moins rentable que ce qui était prévu : nous sommes face à un très mauvais usage de l’argent public.

À cet égard, je reprends ma casquette de président d’Ensemble sur nos territoires. Ce débat est éminemment politique et, en la matière, vous faites une erreur politique. Ce qui importe, c’est que ces millions d’euros – nous parlons de sommes considérables ! – aillent aux services du bassin Castres-Mazamet.

Cette autoroute ne fera que renforcer les mouvements pendulaires vers Toulouse. Vous allez aggraver encore la dévitalisation du territoire ! (M. Philippe Folliot manifeste son désaccord.)

C’est moi qui défends le territoire de Castres-Mazamet,…

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Mais c’est merveilleux ! (Sourires sur les travées du groupe UC.)

M. Ronan Dantec. … c’est moi qui indique où est son avenir, pas vous ! Pour votre part, vous vous efforcez de faire entrer cet avenir dans des cadres anciens et dépassés ! Les villes moyennes, c’est nous qui les défendons, pas vous, avec de tels projets d’autoroutes ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jean-Pierre Corbisez. Maintenant, votons !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour explication de vote.

Mme Marie-Lise Housseau. Monsieur Dantec, nous aurions bien sûr été ravis d’obtenir des autoroutes gratuites, comme vous en avez en Bretagne,…

M. Daniel Gueret. Absolument !

Mme Marie-Lise Housseau. … mais c’était impossible ! Le plan routier breton date d’il y a plus de cinquante ans : à l’époque, la raison impérative d’intérêt public majeur n’existait pas. Sans doute le plan routier breton n’a-t-il pas fait non plus l’objet d’études environnementales.

Mme Marie-Lise Housseau. Nous devons faire avec les règles existantes. J’y insiste, nous avons tenté d’obtenir la gratuité de cette autoroute ; mais notre département n’est pas riche – il n’est, au titre de ses revenus, qu’en soixante-treizième position des départements français. Nous n’avions pas les moyens de rendre cet axe gratuit. Si nous avons opté pour la concession, c’est parce que nous n’avions pas d’autre choix.

Certes, 16 euros, c’est cher, mais c’est le tarif aller-retour. Pour accomplir le même parcours, le billet de train coûte 18 euros par personne, et une voiture peut transporter toute une famille.

J’y ajoute un autre argument. Il se trouve que mon mari avait une entreprise d’ébénisterie. Comme vous le savez sans doute, c’est un secteur où les accidents du travail sont fréquents. Des doigts, voire des mains, sont parfois coupés. Tous les menuisiers-ébénistes de la région le savent : en cas d’accident, ils doivent tout de suite mettre le doigt sectionné ou la main coupée dans une poche plastique, puis partir à Purpan, de l’autre côté de Toulouse. En pareil cas, gagner vingt minutes, c’est primordial !

Ne serait-ce que pour l’accessibilité des soins, nous avons besoin de cette autoroute.

Vous revenez avec insistance sur le prix du trajet : eh bien, on fait avec ce que l’on a. Je vous signale, de plus, que les abonnés bénéficieront de tarifs spécifiques, à l’instar des véhicules électriques. Enfin, le département, la région et les communautés de communes vont participer pour faire baisser le montant du péage.

Je vous en prie, laissez-nous vivre ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Dhersin, rapporteur. Monsieur Dantec, l’A69 voit passer 14 000 véhicules par jour. L’A28, entre Rouen et Alençon, en totalise 8 900 par jour. Sur l’A79, portion de la route Centre Europe Atlantique (RCEA), c’est 11 000 à 13 000 véhicules par jour ; sur l’A66, 12 300 véhicules par jour ; sur l’A837, 11 800 véhicules par jour ; sur l’A77, 10 900 véhicules par jour – je pourrais vous citer bien d’autres exemples encore !

En l’occurrence, les estimations dépassent de loin la fréquentation de bien des autoroutes déclarées d’utilité publique et exploitées aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Exclamations sur les travées du groupe GEST.)