Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi visant à rééquilibrer la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment au profit des produits du bois.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 3 (nouveau) (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à rééquilibrer la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment au profit des produits du bois
 

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Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, M. Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains, a demandé le remplacement du débat sur le thème « Quel cap énergétique pour la France ? », inscrit à l’ordre du jour du mardi 27 mai, par un débat, sous forme de discussion générale, sur le thème : « Quelles réponses apporter à la crise du logement ? ».

Y a-t-il des oppositions ?

Il en est ainsi décidé.

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population
Article 1er

Lien de confiance entre la police et la population

Rejet d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population, présentée par Mme Corinne Narassiguin, M. Jérôme Durain et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 54, résultat de travaux n° 588, rapport n° 587).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Narassiguin, auteure de la proposition de loi. (M. Jérôme Durain applaudit.)

Mme Corinne Narassiguin, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureuse de présenter aujourd’hui au Sénat cette proposition de loi dont l’objet est certes ambitieux, mais réaliste et nécessaire : rétablir le lien de confiance entre la police et la population.

J’ai participé à la mission d’information transpartisane relative aux émeutes qui ont suivi la mort de Nahel Merzouk. Si j’ai partagé globalement les constats dressés, j’ai éprouvé un profond désaccord sur l’analyse des causes de ces émeutes et, surtout, les recommandations. En effet, la multiplication des petites frustrations ou petits incidents, comme des contrôles d’identité réguliers, fait partie du quotidien de certains jeunes. Elle mine la confiance dans la police et alimente un fort sentiment d’injustice et de relégation.

Rappelons-nous : en novembre 2005, Bouna Traoré et Zyed Benna rentrent d’un match de foot et décèdent tragiquement dans un transformateur électrique après avoir pris la fuite par peur d’un contrôle d’identité. En 2015, dix-huit jeunes déclarent avoir subi, durant deux ans, des contrôles quotidiens et humiliants dans le XIIe arrondissement de Paris, toujours par les mêmes policiers. En 2017, trois jeunes qui rentrent d’un voyage scolaire à Bruxelles sont les seuls du train à être contrôlés à la gare du Nord.

Chaque jour, dans de nombreux quartiers de notre République, des mineurs de 8, 10 ou 12 ans sont contrôlés sans raison apparente. J’insiste sur ce « sans raison apparente », car le seul motif récurrent est bel et bien leur couleur de peau. À l’heure actuelle, en France, les jeunes hommes entre 18 et 25 ans perçus comme noirs ou arabes connaissent une probabilité vingt fois plus élevée que le reste de la population de subir un contrôle.

Alors que, chaque année, 32 millions de contrôles d’identité de piétons sont réalisés, qui parmi vous, mes chers collègues, en a déjà vécu un sur la voie publique ? Probablement aucun d’entre vous ou très peu, alors que, statistiquement, un sur deux aurait dû être contrôlé.

Ces chiffres et ces constats clairs et précis, établis par la Défenseure des droits comme par la Cour des comptes, permettent d’en arriver à une conclusion sans appel : actuellement, dans notre République, des personnes se font contrôler par les forces de l’ordre sur le fondement de leur couleur de peau. Comme élus de cette République, nous ne pouvons pas accepter cette situation ; nous ne pouvons pas accepter que des citoyens se sentent exclus et mis au ban de notre société car « ils n’ont pas l’air français ».

Le contrôle d’identité est bien le symbole et le point de cristallisation, parfois même l’élément déclencheur, d’une relation abîmée entre une partie de la population et les forces de l’ordre. Depuis 2005, rien n’a changé dans cette relation. Pire encore, elle s’est même dégradée, car les politiques n’ont rien fait. Je prends bien évidemment ma part de responsabilité. Au pouvoir de 2012 à 2017, les socialistes ont promis la mise en place du récépissé et ne l’ont pas fait. C’était une erreur.

Je considère aussi que de nombreuses choses ont évolué ces dernières années : il est indéniable que la loi doit être modifiée. Deux éléments nouveaux sont en particulier à souligner.

Premièrement, la justice reconnaît l’existence de contrôles discriminatoires. La Cour de cassation, le Conseil d’État, la Cour européenne des droits de l’homme : toutes ces institutions judiciaires ont reconnu cette pratique. L’État français a été condamné pour faute lourde à ce titre.

L’ONU et le Conseil de l’Europe, pas plus tard qu’en février 2025, ont appelé la France à mettre en place un dispositif permettant la traçabilité des contrôles d’identité.

Deuxièmement, ce sont maintenant les forces de l’ordre elles-mêmes qui reconnaissent qu’il y a un problème avec les contrôles d’identité et la législation en vigueur.

Selon une étude du Défenseur des droits publiée le 27 février 2024, 39,2 % des policiers et gendarmes interrogés jugent les contrôles d’identité « peu voire pas efficaces » pour garantir la sécurité d’un territoire. Ce chiffre élevé est le signe d’une perte de sens de cette mission, voire du côté contre-productif de cet acte pour de nombreux agents de la force publique.

Le chiffre avancé par la Cour des comptes – 47 millions de contrôles d’identité réalisés chaque année – montre le caractère extrêmement chronophage de ces actes qui constituent souvent une perte de temps pour les forces de l’ordre.

Marie-France Monéger-Guyomarc’h, ancienne directrice de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) de 2012 à 2018, a déclaré il y a quelques mois dans la Revue française dadministration publique : « Je suis persuadée qu’il faut modifier la loi sur le contrôle d’identité. Finalement, on met les policiers en danger en leur demandant d’appliquer une loi qui est d’une complexité telle que rares sont ceux – moi la première aujourd’hui – qui sont capables d’expliciter les quatre cas du contrôle d’identité. Il faut repenser le contrôle d’identité qui n’est plus accepté socialement et développer d’autres modes d’intervention. Tenir un territoire par les seuls contrôles d’identité n’a aucun sens et met les policiers en danger. La question est très difficile, il faut avoir le courage politique de la poser. »

Le rapport du comité d’évaluation de la déontologie de la police nationale (CEDPN) a mis en lumière des pratiques de contrôle d’identité souvent abusives et discriminatoires, particulièrement dans certains quartiers. Il a formulé comme recommandations l’annonce systématique des motifs de contrôle et l’utilisation des caméras-piétons.

Les choses changent, la société évolue, mes chers collègues, il n’y a que sur une partie des travées de cet hémicycle que certains ne veulent pas voir cette réalité.

Mme Audrey Linkenheld. Ils ne sont d’ailleurs pas là !

Mme Corinne Narassiguin. Je tiens à rappeler ici mon attachement au travail exemplaire de nos policiers et gendarmes, très souvent mis à mal par un manque criant de reconnaissance et de moyens, comme par une hostilité croissante de la part d’une partie de la population.

Le travail de patrouille des agents est rendu de plus en plus difficile ; il conduit à des violences et à des agressions envers les forces de l’ordre qui ne sont pas acceptables.

C’est une réforme bien plus profonde de l’action des forces de l’ordre qu’il faudrait mener. Il semble essentiel de revenir à une forme de police de proximité qui travaillerait à la prévention en dialoguant régulièrement avec les habitants, plutôt qu’à la répression sur le mode constant de l’urgence.

La formation des forces de l’ordre devrait également être revue. Mais tout cela ne peut se faire par une proposition de loi dans le cadre d’une niche parlementaire.

Aussi, j’ai décidé de me concentrer sur ce problème criant des contrôles d’identité avec un objectif : plus aucun contrôle d’identité ne doit avoir lieu sans raison. Que proposons-nous donc au travers de cette proposition de loi ?

L’article 1er vise à inscrire dans la loi de façon explicite l’exigence de critères excluant toute discrimination pour procéder à un contrôle d’identité. Le rapporteur avance que le droit existant suffit. Or cette interdiction apparaît uniquement dans la partie réglementaire du livre Ier du code de la sécurité intérieure. Elle a donc moins de valeur qu’une disposition législative. Je souhaite également ajouter dans la loi que ce contrôle doit être motivé et susceptible de recours.

L’article 2 vise à modifier les alinéas 7 et 8 de l’article 78-2 du code de procédure pénale. Pour les réquisitions écrites du procureur de la République, il vise à instaurer l’exigence d’une demande motivée du représentant de l’État dans le département, du préfet de police de Paris ou du procureur. Aujourd’hui, ces réquisitions sont en réalité très souvent rédigées par la police elle-même, puis validées par le procureur.

Autre élément très problématique dans notre droit : les contrôles dits « administratifs » qui permettent de contrôler une personne « quel que soit son comportement […] pour prévenir une atteinte à l’ordre public ».

Tous les spécialistes du sujet le disent : ces contrôles administratifs laissent une trop grande place à l’arbitraire. Aussi, je propose de les autoriser uniquement pour assurer la sécurité d’un événement, d’une manifestation ou d’un rassemblement exposé à un risque d’atteinte grave à l’ordre public.

L’élément central de la proposition de loi est l’instauration d’un dispositif d’enregistrement et de traçabilité des contrôles d’identité. Concrètement, il s’agit d’un récépissé mentionnant le fondement juridique et les motifs justifiant le contrôle d’identité, les suites qui peuvent y être données, l’identité de la personne contrôlée, la date, l’heure et le lieu du contrôle, le matricule, le grade et le service de l’agent ayant procédé au contrôle.

Enfin, la proposition de loi précise que les contrôles d’identité doivent être enregistrés systématiquement par les caméras mobiles.

Il est nécessaire de permettre à une personne qui considère avoir eu sans raison plusieurs contrôles d’identité dans la même semaine, et parfois plusieurs fois par jour, de déposer un recours et d’engager une procédure judiciaire. Pour cela, il lui faut des preuves : cela passe par la traçabilité via un récépissé en cas de contrôle, mais aussi par l’enregistrement vidéo.

Aujourd’hui, les personnes contrôlées n’ont aucune preuve de leur contrôle afin d’effectuer un recours : 94 % des contrôles n’ont aucune suite judiciaire. Monsieur le rapporteur, il semble évident que c’est le manque de preuves qui explique le faible nombre de signalements.

Face à ces faits de discrimination reconnus et documentés, face à nos propositions constructives qui découlent de nombreuses heures d’auditions, la droite du Sénat nous dit : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Le rapporteur ose affirmer que les discriminations relèvent avant tout d’un ressenti.

Certains sont même allés jusqu’à nous accuser d’être anti-police ! C’est un comble quand on sait que la proposition de loi vise aussi à sécuriser les policiers dans la pratique de leur métier. Pourquoi un policier qui fait bien son travail devrait-il s’inquiéter de donner un récépissé, lui qui délivre quotidiennement des amendes, ou de devoir enclencher sa caméra-piéton ?

Mes chers collègues, ce sujet méritait bien plus qu’un débat caricatural et dogmatique. Toutes ces personnes, tous ces jeunes, que je croise chaque jour dans mon département de la Seine-Saint-Denis méritent bien plus que les réponses hors sol que nous avons commencé à entendre en commission.

C’est à ces jeunes que je pense en cet instant. Je ne veux plus que la première interaction qu’ils aient dans leur vie avec la police soit un contrôle d’identité. Je ne veux pas qu’ils aient cette vision de la République. Je ne veux pas que des jeunes grandissent et se construisent dans la peur de ces contrôles !

C’est pour ces jeunes, ces enfants et ces futurs parents que je vous propose aujourd’hui de réformer la pratique des contrôles d’identité afin de lutter partout sur nos territoires contre les discriminations qui sont une brèche dans le contrat social au fondement de notre République.

L’ordre républicain ne vaut que s’il repose sur la liberté, l’égalité et la fraternité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Corinne Narassiguin et le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise, selon son intitulé, à « rétablir le lien de confiance entre la police et la population ». Pour ce faire, les quatre articles qui la composent tendent à opérer un renforcement de l’encadrement des contrôles d’identité.

Je précise immédiatement que la commission des lois n’a pas adopté ce texte, qui nous a semblé comporter d’importer écueils juridiques, techniques, politiques, voire philosophiques.

Tout d’abord, l’intitulé même de la proposition de loi nous est apparu problématique. La commission ne partage pas le postulat selon lequel le lien de confiance entre les forces de l’ordre et la population aurait besoin d’être rétabli en France.

Dans leur très grande majorité, nos concitoyens soutiennent l’action de nos policiers et gendarmes, au service de leur sécurité. Les données sont connues, mais il est toujours bon de les rappeler.

D’abord, les études d’opinion indiquent que près de trois quarts de la population a confiance dans les forces de l’ordre ou éprouvent de la sympathie pour elles. Respectivement 79 % et 85 % de nos compatriotes ont également une « bonne opinion » des policiers et des gendarmes ! Peu de professions peuvent se targuer d’un tel niveau de popularité…

Par ailleurs, l’enjeu complexe du lien de confiance entre les forces de l’ordre et la population ne saurait se réduire à la seule question des contrôles d’identité ; cela serait même quelque peu hasardeux et véhiculerait des représentations biaisées.

Sur le fond, ensuite, la commission ne partage pas les présupposés qui fondent la proposition de loi. Celle-ci semble remettre en cause l’efficacité même des contrôles d’identité.

M. François Bonhomme, rapporteur. Au contraire, notre commission entend rappeler qu’il s’agit d’un outil indispensable aux forces de l’ordre pour le bon exercice de leurs missions lourdes et difficiles.

À la demande de la Défenseure des droits, toujours prompte à s’emparer de ces questions,…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et pour cause : c’est sa mission !

M. François Bonhomme, rapporteur. … la Cour des comptes, saisie par ses soins, avait indiqué dans un rapport que le dispositif des contrôles d’identité occupe une « place centrale dans les actions de la police et de la gendarmerie nationales relevant de la sécurité publique ».

J’ajoute qu’interroger l’efficacité des contrôles d’identité considérés isolément n’a pas grand sens et suscite quelques biais, car l’efficacité de l’opération doit être appréciée dans son ensemble. Pour juger du contrôle d’identité, il faut l’apprécier selon le contexte. Il existe des situations très différentes qui peuvent amener à y avoir recours, selon le cadre dans lequel il s’inscrit, par exemple, en matière d’interpellation de délinquants ou encore de saisie de stupéfiants.

Par ailleurs, je trouve particulièrement problématique de jeter une suspicion de principe, par nature, sur le dispositif des contrôles d’identité, comme le font les auteurs de cette proposition de loi, en instaurant et même en suscitant – mais peut-être est-ce pour mieux la dénoncer ? – une forme de présomption de discrimination à l’égard des contrôles d’identité dans leur ensemble.

C’est pourtant le raisonnement qui sous-tend la proposition de loi, ses auteurs semblant considérer que les contrôles d’identité, s’appuyant sur des études ou des avis plus ou moins partiaux ou militants, seraient par nature discriminatoires – donc contraires à la loi – et « généralisés » ou « systémiques ».

Or les données à notre disposition sont sans appel. Ces chiffres doivent être resitués par rapport aux quelque 47 millions de contrôles d’identité recensés par la Cour des comptes en 2021, car le nombre de signalements transmis aux inspections générales ou à la Défenseure des droits est tout à fait infime.

En 2024, ce nombre s’élève à vingt-neuf pour l’inspection générale de la police nationale et à quatre-vingts pour l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Huit seulement alléguaient une discrimination, les autres portant sur les conditions de l’interpellation – par exemple « on m’a mal parlé » ou « on m’a mal reçu ».

Quant à la Défenseure des droits, pourtant très chatouilleuse au travers de son réseau de plus de 600 délégués territoriaux, son rapport annuel d’activité ne mentionne qu’un seul cas. Il ne s’agit évidemment pas de nier le phénomène du non-recours, qui peut être réel en la matière, comme partout ailleurs. Il n’en demeure pas moins que, en gardant un ordre de grandeur de 47 millions de contrôles d’identité par an, les signalements concernent précisément 0,00007 % des contrôles… Un tel pourcentage ne saurait caractériser – c’est une litote – un phénomène de discriminations généralisées !

J’ajoute qu’en 2023 six associations avaient voulu exercer une action de groupe sur les contrôles d’identité jugés discriminatoires et avaient saisi le Conseil d’État. Celui-ci, dans sa décision, a explicitement écarté l’existence d’un caractère « généralisé » ou « systémique » des contrôles d’identité.

Vous le voyez, cette proposition de loi est tout à fait malvenue, pour ne pas dire contre-productive, car elle entretient artificiellement l’idée que certaines catégories de population feraient l’objet d’une discrimination de principe.

Ne confondons pas tout. Il peut certes arriver ponctuellement que certains contrôles aient un caractère discriminatoire. Les possibilités, le cas échéant, pour les signaler et les sanctionner existent, aussi bien sur le plan disciplinaire que sur le plan pénal.

En revanche, considérer les contrôles discriminatoires comme systémiques me semble totalement malvenu pour nos forces de l’ordre, eu égard à la lourdeur et la difficulté de leur tâche. Celles-ci sont formées, encadrées, soumises à des contrôles, à des signalements via des plateformes dédiées. Elles ne sont pas non plus à l’abri de poursuites des procureurs, qui peuvent recevoir des plaintes pour discrimination.

La police comme la gendarmerie se sont d’ores et déjà pleinement engagées dans la lutte contre toutes les dérives. Le sujet fait l’objet d’une attention particulière dans la formation initiale et continue des agents, avec le concours d’associations spécialisées, mais également des services de la Défenseure des droits.

Au-delà de cette divergence d’approche, la commission a constaté que la proposition de loi présentait d’importantes limites. Certaines dispositions sont purement déclaratoires, tandis que d’autres restreindraient de manière quasi rédhibitoire les possibilités pour les forces de l’ordre de procéder à des contrôles d’identité.

La recherche d’améliorations réside dans la modification non pas de la législation, mais plutôt des pratiques. À cet égard, la Cour des comptes a formulé plusieurs recommandations concrètes dont nous pouvons nous inspirer.

Cette présentation générale étant faite, j’en viens au détail des quatre articles, qui ont été rejetés par la commission.

L’article 1er tend à réaffirmer, à l’article 78-1 du code de procédure pénale, l’exigence de motivation des contrôles d’identité, leur caractère non discriminatoire, l’impératif du respect de la dignité des personnes contrôlées, ainsi que leur droit au recours. Ces exigences sont déjà garanties en l’état du droit, si bien que le dispositif est à la fois redondant et inutilement proclamatoire.

L’article 2 vise, en premier lieu, à conditionner la mise en œuvre des contrôles d’identité « judiciaires » sur réquisition du procureur de la République à une demande préalable du préfet. En second lieu, il tend à restreindre significativement le champ des contrôles d’identité « administratifs », en autorisant les forces de l’ordre à les mener aux seules fins d’assurer la sécurité de grands événements particulièrement exposés à des risques de sécurité.

Cet article pose des difficultés importantes d’ordre tant juridique qu’opérationnel : d’une part, il crée une confusion entre les cadres judiciaire et administratif ; d’autre part, il induit une restriction excessive de l’action des forces de l’ordre. Pour ces raisons, la commission ne l’a pas retenu.

Afin de renforcer la traçabilité des contrôles d’identité, l’article 3 tend à prévoir la remise systématique d’une attestation à la personne ayant fait l’objet d’un contrôle. Il s’agit là du fameux « récépissé », un temps soutenu par le gouvernement du président François Hollande. Celui-ci avait finalement abandonné cette idée, pour de bonnes raisons. Permettez-moi donc de faire miens les arguments avancés à l’époque par Bernard Cazeneuve pour s’opposer à ce récépissé, car ils sont encore valides aujourd’hui.

D’un point de vue opérationnel, la délivrance systématique d’un récépissé alourdirait fortement la procédure de contrôle, sans que la plus-value de ce document pour la personne contrôlée apparaisse de manière évidente.

La possession d’un tel récépissé n’exonérerait de fait en rien son détenteur de contrôles postérieurs, ne serait-ce que parce qu’il faudrait alors vérifier la concordance entre son identité et celle qui figure sur l’attestation.

Par ailleurs, il peut arriver que la multiplication des contrôles en un temps et un lieu donnés puisse être jugée opportune. Elle peut tout à fait être dictée par les nécessités d’une enquête judiciaire ou la préservation de l’ordre public.

D’un point de vue technique, le récépissé supposerait ensuite nécessairement la création d’un fichier de masse. Ne serait-ce pas disproportionné au regard de l’objectif visé ? Compte tenu de ces éléments, il me semble plus pertinent de privilégier les pistes d’aménagements techniques existantes, notamment la modification de l’architecture du fichier des personnes recherchées. Il s’agirait d’introduire un « bouton » qui permettrait, lors de chaque consultation effectuée en mobilité, de préciser si celle-ci est opérée dans le cadre d’un contrôle d’identité ou non. Ce faisant, la traçabilité des contrôles serait systématisée. Là encore, M. le ministre pourra nous préciser les choses.

Enfin, l’article 4 vise à prévoir une activation systématique du dispositif des caméras-piétons. La jurisprudence constitutionnelle invite davantage à encadrer les hypothèses de captation qu’à les systématiser. Par ailleurs, un tel dispositif se heurterait à des contraintes matérielles liées aux capacités de stockage.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, la commission ne partage ni l’esprit de cette proposition de loi ni les mesures qu’elle prévoit. Nous vous invitons donc à la rejeter ou, le cas échéant, à adopter les amendements de suppression qui sont été déposés à bon escient par certains de nos collègues.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je dois reconnaître aux rédacteurs de cette proposition de loi ainsi qu’à ceux qui la soutiennent une certaine constance.

M. Michaël Weber. Mais est-ce bon signe ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Après les textes déposés par Éliane Assassi au Sénat en décembre 2016 et par Éric Coquerel à l’Assemblée nationale en décembre 2017, nous devons de nouveau examiner une proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d’identité dits « abusifs ».

L’objet de ce texte, si l’on s’en tient à son intitulé, est de rétablir la confiance entre la police et les Français. Je dois dire, avec beaucoup de sympathie, à l’auteure de cette proposition de loi que son texte est de nature à laisser entendre que les contrôles réalisés par nos services de police sont régulièrement, pour ne pas dire systématiquement, orientés, voire douteux : en clair, il s’agirait de contrôles « au faciès ».

Je ne peux que contester, en tant que ministre auprès du ministre de l’intérieur, mais aussi dans un cadre beaucoup plus large, un tel point de vue !

Au vu de la charge importante de nos services de police, il peut arriver que certains intervenants ne se comportent pas bien. Néanmoins, ils sont parfaitement identifiés, et font l’objet de poursuites ainsi que de sanctions.

Madame Narassiguin, on ne saurait prétendre aujourd’hui que nos compatriotes n’ont pas confiance dans les services de police. Votre analyse s’appuie directement sur les résultats d’une étude du Défenseur des droits de 2012, qui avait été confiée au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip).

Sans entrer dans le détail, ce rapport établissait que le type de mesures que vous préconisez poserait un problème quasiment constitutionnel puisqu’il faudrait – pour lutter contre un nombre si peu important de cas, comme l’a souligné M. le rapporteur – établir des fichiers tenant compte des origines ethniques ou raciales,…

M. François-Noël Buffet, ministre. … ce que la France s’interdit de faire !

Une étude de l’Ifop (Institut français d’opinion publique) de septembre 2024 a établi que 71 % de nos compatriotes avaient spontanément un sentiment positif sur la police, qu’ils éprouvaient de la sympathie, mais aussi de la confiance. Globalement, 79 % des Français affirmaient dans cette étude avoir une bonne opinion de la police et 85 % avaient une bonne opinion de la gendarmerie.

Je n’insisterai pas davantage sur les raisons pour lesquelles nos compatriotes sont satisfaits et ont confiance dans leur police. Je ne citerai pas non plus la liste des affaires qui n’ont fait que renforcer cette confiance. Il n’en demeure pas moins que nous devons aborder le fond de ce texte. Le Gouvernement y est-il favorable ? La réponse est non.