Présidence de M. Didier Mandelli

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

M. Bernard Buis.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

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Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ruel.

M. Jean-Marc Ruel. Lors du scrutin public n° 281, portant sur l'ensemble de la proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, Mme Sophie Briante Guillemont souhaitait voter contre.

De même, lors du scrutin public n° 282, portant sur l'article 1er de la proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population, Mme Véronique Guillotin souhaitait voter contre.

M. le président. Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin.

 
Dossier législatif : projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna
Article 1er

Personnels enseignants du premier degré dans les îles Wallis et Futuna

Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna (projet n° 546, texte de la commission n° 618, rapport n° 617).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance que nous examinons aujourd'hui permettra, si vous l'adoptez, le transfert des personnels de l'enseignement du premier degré wallisiens de la mission catholique vers l'État. Voilà à présent deux ans que l'État s'est engagé à procéder à cette évolution.

Depuis 1969, l'État concède sa compétence en matière d'enseignement dans le premier degré dans l'archipel à la mission catholique locale. Il a ainsi figé durant cinquante-six ans une situation, désormais obsolète, qui traduisait un équilibre entre l'autorité de l'État, les chefferies coutumières et l'Église catholique. Ce régime, je le pense, nécessite d'être réformé, et ce pour deux raisons.

D'une part, ce régime rend difficile le pilotage de la politique éducative dans l'archipel. Un engagement fort de l'éducation nationale est pourtant indispensable, le niveau des élèves à l'entrée en sixième étant très nettement inférieur à celui de l'ensemble des élèves nationaux. Cela, aucun parent ne saurait l'accepter.

D'autre part, ce régime distend le lien entre les enseignants et le vice-rectorat, alors même que le statut des îles de Wallis et Futuna, voté en 1961, confère à l'État des responsabilités plus étendues que ce que le droit commun prévoit.

Il est donc temps que l'État recouvre la plénitude de ses compétences en matière d'éducation, pour qu'il puisse accompagner l'ensemble des jeunes de l'archipel vers la réussite et qu'il assure aux enseignants de nouvelles perspectives de carrière.

En 2023, à l'issue d'une grève de deux mois et demi, l'État s'est engagé à mettre un terme à la convention de concession et à assumer pleinement la responsabilité du service public de l'enseignement du premier degré à Wallis-et-Futuna.

Cet engagement suppose donc un dispositif législatif afin d'intégrer dans le corps des professeurs des écoles, sans concours préalable, les 116 enseignants du premier degré employés aujourd'hui par la direction de l'enseignement catholique de Wallis et de Futuna. Ces derniers pourront par ailleurs choisir de conserver leur affiliation au régime de retraite de la caisse des prestations sociales des îles Wallis et Futuna.

Je l'ai indiqué, les enseignants intégrés bénéficieront de nouvelles perspectives de carrière et d'une meilleure reconnaissance de leurs fonctions. Ils pourront désormais exercer leur métier en ayant les mêmes droits et obligations que leurs collègues du second degré. Ils bénéficieront pour cela d'un reclassement, qui prendra en compte leur expérience.

Dans ce cadre, madame la rapporteure, vous avez déposé un amendement, adopté en commission, tendant à prévoir l'intégration de ces enseignants dans le corps des professeurs des écoles, sans condition de diplôme.

Cette disposition concerne en réalité certains enseignants, parmi les plus expérimentés de l'archipel, qui, sous l'empire d'un droit ancien, ont débuté leur carrière sans le baccalauréat. Vous avez été soucieuse que ces enseignants soient respectés à égale dignité de leurs collègues et je vous en remercie.

Ce transfert vers l'enseignement public permettra notamment de compléter la rémunération des enseignants. Ils bénéficieront ainsi d'un nouveau coefficient de majoration et du versement de la prime d'attractivité, d'équipements informatiques et d'une indemnité de résidence.

Au-delà des enseignants, l'ensemble des personnels administratifs et techniques de la direction de l'enseignement catholique intégreront aussi les effectifs du vice-rectorat, sous le statut de contractuels de droit public. Un décret, pris conjointement avec le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, permettra de trouver une réponse adaptée pour ces personnels, comme pour ceux du second degré.

Je mesure les interrogations que suscitait la situation de ces personnels, mais ceux-ci ne représentent pas une seule et même profession. Nous parlons d'agents administratifs ou techniques, de surveillants ou d'assistants maternels, qui ne pouvaient pas être traités d'un bloc, au risque d'aller à l'encontre du principe d'égalité et de créer à Wallis et à Futuna des corps de fonctionnaires qui n'existent pas ailleurs. Dès 2026, le vice-rectorat organisera, en fonction des catégories d'emplois, des recrutements afin de permettre à ces agents d'intégrer un corps de la fonction publique.

Ainsi, le 1er août prochain au plus tard, l'enseignement public reprendra sa juste place à Wallis-et-Futuna et s'emploiera à améliorer la qualité des enseignements et les résultats des élèves.

Notre discussion de ce jour consacrera la traduction d'un engagement en faveur de l'égalité entre tous les territoires de la République.

Je veux ici adresser, par le biais de ces nouvelles dispositions législatives et en mon nom, mes plus sincères vœux de réussite à l'ensemble des élèves de Wallis et de Futuna. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marc Ruel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant de débattre de ce texte, je tiens à vous faire part d'un regret : une fois encore, et c'est trop souvent le cas concernant les territoires ultramarins, le Gouvernement a fait le choix de légiférer par ordonnance. Il demande au Parlement de se dessaisir de sa compétence, au motif que le sujet que nous abordons serait technique.

Pourtant, ici, c'est d'enseignement qu'il est question. Le débat devrait donc avoir lieu dans l'hémicycle. Malheureusement, il sera tronqué en raison du recours à l'ordonnance et du périmètre qui nous est imposé.

Je remercie tout d'abord M. le président de la commission de la culture de son soutien, ainsi que tous mes collègues de la commission de l'attention qu'ils ont portée à ce texte, afin qu'il réponde aux fortes aspirations exprimées localement. Je salue également le travail du secrétariat de la commission de la culture, qui m'a accompagnée dans les travaux que nous avons eu à mener dans des délais très contraints. Enfin, je remercie Mikaele Kulimoetoke de m'avoir transmis les informations essentielles à la bonne compréhension de son territoire.

M. Max Brisson. Très bien !

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure. Ce projet de loi porte sur un territoire de la République qui est situé à plus de 16 000 kilomètres de l'Hexagone et dont l'organisation scolaire est spécifique : l'État y a concédé en 1969 l'organisation de l'enseignement primaire à la mission catholique. Il en résulte une situation unique en France : à Wallis et à Futuna, l'école primaire est exclusivement privée et catholique.

Cette concession est régie par une convention, régulièrement renouvelée. Elle précise que les enseignants sont des agents de droit privé. Leurs modalités de rémunération tout comme leur progression salariale sont fixées par ce même cadre.

Cette situation a entraîné une succession de grèves depuis 1990. Les maîtres d'école de Wallis et de Futuna revendiquent les mêmes droits que leurs homologues enseignants, qui, eux, sont fonctionnaires. La grève de 2023 a été particulièrement éprouvante : elle a duré plus de deux mois et demi. C'est l'une des grèves les plus longues que ce territoire ait connues, tous secteurs confondus.

Ce projet de loi part d'un constat : le système actuel est à bout de souffle. Une évolution est évidemment nécessaire. Ce texte habilite donc le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions pour permettre l'intégration des personnels enseignants dans les corps de la fonction publique. Il permet également à ces derniers d'opter pour leur maintien dans le régime de retraite de Wallis-et-Futuna.

Les auditions que j'ai menées ont montré l'existence d'un consensus fort de l'ensemble des acteurs en faveur de ce retour de l'école de la République dans le giron de l'État. D'abord, les enseignants souhaitent bénéficier des mêmes droits que leurs collègues enseignants fonctionnaires et, ainsi, voir leur statut sécurisé. Ensuite, le vice-rectorat y voit le moyen de renforcer le pilotage pédagogique, lequel est aujourd'hui inexistant. Par ailleurs, les parents d'élèves espèrent que ce transfert permettra l'amélioration du système scolaire. Enfin, la direction de l'enseignement catholique constate la dégradation des relations avec les enseignants, ce qui rend toute discussion quasi impossible.

La commission de la culture soutient à l'unanimité l'intégration des enseignants de Wallis et de Futuna dans la fonction publique.

De manière tout aussi unanime, elle souhaite que cette intégration concerne l'ensemble des personnels. Lors des auditions, il est apparu que le ministère s'interrogeait sur les modalités d'intégration dans la fonction publique de certains personnels n'étant pas titulaires du baccalauréat. Dix d'entre eux sont concernés, ce qui, comme vous l'avez souligné, madame la ministre, ne les empêche ni d'occuper la fonction d'enseignant ni d'assurer pleinement leurs missions depuis de nombreuses années.

C'est pourquoi la commission a souhaité préciser le champ de l'habilitation : l'intégration dans la fonction publique concerne l'ensemble des personnels enseignants actuellement en poste à Wallis et à Futuna, quel que soit leur niveau de diplôme.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Evelyne Corbière Naminzo, rapporteure. Madame la ministre, je sais que vous avez été sensible à nos observations sur ce sujet et que l'amendement adopté en commission visant à intégrer ces personnels trouvera toute sa place dans la future ordonnance.

Ainsi, les carrières individuelles de tous les enseignants de Wallis et de Futuna qui sont en poste actuellement seront marquées par cette date historique du retour de l'école de la République dans le giron de l'État. Cette ambition commune, honorable, nous réunit.

Le calendrier de l'examen de ce projet de loi est extrêmement contraint. En effet, l'actuelle convention de concession arrive à son terme le 5 juin prochain, soit dans moins de vingt jours. C'est pourquoi le texte que la commission de la culture propose aujourd'hui a fait l'objet d'un travail en amont avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, notre objectif commun étant de permettre à nos collègues députés de voter conforme le texte issu de nos travaux.

Si le Parlement délègue son pouvoir législatif au Gouvernement dans le cadre d'une loi habilitation, il conserve toutefois son pouvoir de contrôle. À cet égard, nous serons particulièrement vigilants sur certains points.

L'objectif majeur de cette réforme, mis en avant par tous les acteurs locaux, est de faire en sorte que l'école de demain soit meilleure que celle d'aujourd'hui.

D'une part, les résultats des élèves de Wallis-et-Futuna en mathématiques et en français sont inférieurs à la moyenne nationale. D'autre part, la mission commune d'inspection de l'administration et de l'éducation, qui s'est rendue dans ce territoire à l'automne 2023, a constaté l'absence de tout pilotage pédagogique. Un effort majeur de formation continue du personnel enseignant est donc nécessaire.

En outre, le reclassement entraînera un écrasement de la grille pour les enseignants de la classe normale. Quinze d'entre eux, ayant une ancienneté supérieure à dix ans, seront reclassés dans les deux premiers échelons de la nouvelle grille, sans perte de salaire toutefois. Ils devront donc faire l'objet d'un suivi de carrière particulièrement attentif.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, il me semble indispensable que soit créée une circonscription de l'éducation nationale à Wallis-et-Futuna.

Lorsque j'ai interrogé vos services sur ce point, il m'a été indiqué que les arbitrages politiques étaient encore en cours. Je tiens à le souligner : la création de cette circonscription serait neutre budgétairement, car elle pourrait s'appuyer sur les équipes d'inspection déjà présentes. En réalité, cette ossature administrative participerait à la normalisation de l'organisation du système éducatif à Wallis-et-Futuna, système que nous soutenons tous.

Je conclus mon intervention en évoquant le sort des personnels non enseignants.

Une précision législative est importante : contrairement à ce qui se fait dans l'Hexagone, l'État est compétent à Wallis-et-Futuna pour la construction, l'aménagement et l'entretien du bâti scolaire. La fin de la concession entraîne donc le basculement de 49 agents administratifs, techniques ou surveillants des écoles à l'État.

La mission commune d'inspection que j'ai évoquée tout à l'heure a d'ailleurs posé la question de l'avenir de ces personnes. Le Gouvernement a fait le choix de limiter le périmètre de ce projet de loi aux seuls personnels éducatifs. On peut le regretter. Sans doute le ministère estime-t-il que le droit existant se suffit à lui-même. Je ne partage pas cette conviction.

Le statut qui serait alors appliqué à ces personnels, prévu par l'arrêté n° 76 du 23 septembre 1976 portant statut des agents permanents de l'administration du territoire de Wallis et Futuna, dit arrêté 76, est en voie d'extinction. Les agents du vice-rectorat seraient les seuls à être encore soumis à cet arrêté. Cela représente 121 personnes : les 49 agents non enseignants du premier degré, ainsi que les 72 agents du second degré dont le vice-rectorat a aujourd'hui la charge.

Concrètement, les droits en matière de congés et d'autorisations d'absence accordés aux agents régis par l'arrêté 76 sont inférieurs à ceux des contractuels de l'État. De plus, depuis le mois de janvier 2023, la majoration de traitement appliquée aux agents de l'arrêté 76 est de 1,5, contre 2,05 pour les contractuels de l'État. Cela implique au quotidien de traiter différemment des agents exerçant des missions semblables selon qu'ils soient fonctionnaires ou soumis à l'arrêté 76. Le maintien de cette situation est susceptible d'engendrer de nouveaux conflits sociaux à très brève échéance.

Aussi, madame la ministre, il me semble nécessaire de permettre rapidement à ces personnels, qui relèvent de votre ministère, d'être soumis au droit commun du code de la fonction publique, sous réserve de quelques adaptations compte tenu des spécificités locales.

Mes chers collègues, au-delà du transfert des enseignants à l'État, ce texte entraînera des bouleversements historiques à Wallis-et-Futuna. Ces changements devront s'opérer dans le respect des personnes et en concertation avec les institutions locales afin de tenir compte d'un héritage historique parfois lourd, mais avant tout unique.

Ce projet de loi constitue la première marche d'une évolution de l'école, que la commission de la culture suivra avec attention ces prochains mois. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ia ora na.

Permettez-moi en préambule de rappeler qu'aux termes de l'article 72-3 de la Constitution Wallis-et-Futuna est une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution, mais son organisation institutionnelle très particulière relève des années 1960. Aucune comparaison n'est donc possible avec ma collectivité d'outre-mer dotée d'une très large autonomie.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Lana Tetuanui. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de transférer à l'État les personnels de l'enseignement du premier degré exerçant dans les îles de Wallis et Futuna.

Cette décision de transférer le personnel enseignant de Wallis-et-Futuna à l'État fait suite à un mouvement social important qui a duré deux mois et demi au printemps 2023.

Cela a déjà été dit, l'État exerce depuis 1969 la compétence de l'enseignement dans le territoire et concède son exercice dans le premier degré à la mission catholique dans le cadre d'une convention renouvelable tous les cinq ans.

L'État assure le recrutement des élèves maîtres du premier degré, employés par la direction de l'enseignement catholique, par voie d'un concours organisé par le vice-rectorat. Chaque maître du premier degré signe avec l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna un contrat d'agrément avant d'être mis à disposition de la direction de l'enseignement catholique. La promotion de ces personnels est prononcée par l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna sur proposition du vice-recteur, après avis du directeur de l'enseignement catholique et de la commission consultative mixte territoriale.

Lors du mouvement social de 2023, les enseignants du premier degré, ainsi que le personnel non enseignant – il est important de bien mentionner cette dernière catégorie –, ont demandé avec insistance leur intégration à l'État. Cette demande des personnels est plus que légitime.

Les grèves récurrentes de ce personnel depuis les années 1990 ont fortement dégradé les relations avec la direction de l'enseignement catholique. Aujourd'hui, l'ensemble des acteurs locaux sont parvenus à un consensus pour mettre un terme à ce système de concession et intégrer les enseignants dans le corps national des professeurs des écoles.

Il convient en effet de mettre fin à cette organisation, source de nombreuses contestations, y compris juridiques. En effet, l'obligation constitutionnelle de l'État d'organiser un enseignement public gratuit et laïque dans les premier et second degrés n'est pas respectée à Wallis-et-Futuna.

L'intégration dans la fonction publique d'État des enseignants du premier degré permettra de mettre fin à une situation perçue par les enseignants comme un héritage colonial. Cette intégration vient sécuriser leur statut juridique et leur permet de bénéficier des mêmes droits que l'ensemble des enseignants. Elle est aussi un signal que l'État leur envoie. Enfin, madame la ministre, le fait que les personnels enseignants de Wallis-et-Futuna tiennent à être des fonctionnaires d'État est également un beau symbole, je tiens à le souligner à cette tribune.

J'espère que le changement de statut du personnel enseignant du premier degré permettra de mettre fin aux mouvements sociaux récurrents dans ce territoire d'outre-mer, lesquels ont des conséquences sur la qualité de l'enseignement, donc sur les jeunes wallisiens. Les résultats aux évaluations nationales sont actuellement nettement inférieurs à la moyenne nationale.

Cependant, madame la ministre, les personnels non enseignants, dont l'effectif reste raisonnable dans ce territoire, sont oubliés aujourd'hui. Ils mériteraient pourtant, au même titre que les enseignants, d'être intégrés dans la fonction publique, pour le bon fonctionnement de l'enseignement primaire.

Je vous rassure toutefois, le groupe Union Centriste votera bien évidemment ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Saïd Omar Oili et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Robert Wienie Xowie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi met en œuvre la réforme sur laquelle l'État s'est engagé dans l'accord de fin de conflit du 20 juillet 2023.

Cette réforme a pour double objectif d'instaurer une égalité de traitement entre les enseignants du premier degré de Wallis-et-Futuna et leurs homologues d'outre-mer, ainsi que de mettre en œuvre des conditions plus favorables à la réussite des élèves.

Ainsi, ce projet de loi permet l'intégration dans des corps de la fonction publique d'État des personnels enseignants du premier degré employés par la direction de l'enseignement catholique de Wallis-et-Futuna.

Ensuite, ce texte détermine les conditions dans lesquelles ces enseignants peuvent opter pour le maintien de leur affiliation à la caisse des prestations sociales des îles Wallis et Futuna pour leur régime de retraite.

Enfin, il donne pleine compétence à l'État s'agissant du fonctionnement de l'enseignement du premier degré à Wallis-et-Futuna. En effet, si l'État exerçait cette compétence depuis 1969, il avait tout de même délégué son exercice dans le premier degré à la mission catholique dans le cadre d'une convention renouvelable tous les cinq ans.

Il me paraît d'ailleurs essentiel de souligner que le pays de Wallis et Futuna conserve une forme particulière de laïcité à l'océanienne, qui respecte profondément les réalités culturelles locales.

Si l'imposition historique du catholicisme peut être vue comme une colonisation religieuse, il faut aussi reconnaître que le système éducatif a souvent intégré cette religion pour répondre aux réalités locales, créant parfois des tensions entre les valeurs républicaines et les croyances traditionnelles.

Ainsi, nous pensons que le système scolaire doit être adapté aux spécificités locales, le catholicisme étant omniprésent à Wallis et à Futuna. En effet, loin d'imposer une rupture avec les pratiques en vigueur dans ce territoire, ce modèle vise à intégrer les valeurs qui lui sont propres dans l'éducation, garantissant ainsi une harmonie entre l'enseignement républicain et les croyances locales. L'école doit rester un espace de transmission et de développement de l'esprit critique.

J'en viens aux conditions sociales des enseignants. Nous nous félicitons que l'intégration statutaire proposée permette une revalorisation substantielle de la rémunération des enseignants. En effet, la mission d'inspection générale de l'administration a estimé que le reclassement dans le corps des professeurs des écoles permettrait un gain mensuel compris entre 988 euros et 1 773 euros. Nous sommes d'ailleurs favorables à une intégration sur la base du salaire et non de l'indice, comme le préconisent les inspecteurs de l'éducation nationale.

J'en profite également pour vous interroger, madame la ministre, sur le transfert du personnel non enseignant de la direction de l'enseignement catholique, rémunéré au titre du forfait d'État. Nous devons prendre en considération l'intégralité des doléances exprimées localement. Mon collègue sénateur de Wallis-et-Futuna l'a fait en déposant en commission un amendement, déclaré irrecevable, tendant à prévoir le transfert de ce personnel, dont je soutiens l'objet.

Enfin, en ce qui concerne la méthode, nous déplorons fortement que, une fois de plus, dès lors qu'il s'agit d'éducation ou des outre-mer, on demande au Parlement de se dessaisir. Le Parlement devrait pourtant pouvoir mettre en place le cadre qu'il entend en ces matières. Non seulement une telle approche traduit un manque de considération pour des domaines pourtant essentiels à la cohésion nationale, mais elle alimente également le sentiment d'injustice et de marginalisation dans les territoires concernés. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie notre rapporteure de son travail. Je salue également notre collègue élu de Wallis-et-Futuna, Mikaele Kulimoetoke, qui, à l'occasion d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement du mois de mars 2025, a souligné la particularité du statut des enseignants du premier degré dans son territoire. Lors des auditions et des travaux de la commission, il nous a éclairés sur l'héritage historique et sur la situation de l'école exclusivement privée et catholique à Wallis et à Futuna.

Contrairement au reste du territoire français, à Wallis et à Futuna, les enseignants du premier degré ne sont pas des fonctionnaires de l'État : ils dépendent depuis 1969 de la mission catholique. La compétence enseignement dans le premier degré a été déléguée par le biais d'une convention renouvelable tous les cinq ans.

Bien sûr, cela pose d'abord la question de l'application de la laïcité. Surtout, ce mode de gestion par concession a engendré des particularismes en termes de statut et de conditions d'emploi des enseignants.

Ainsi, dans l'enseignement public, les enseignants, en tant que fonctionnaires, ont obtenu au fil des décennies des droits sociaux essentiels : primes, congés, conditions de retraite. Ces avancées, conquises par la mobilisation collective, ont permis d'améliorer leur quotidien dans une grande partie du territoire national.

Dans le même temps, la situation des enseignants du premier degré à Wallis-et-Futuna n'a pas suivi la même trajectoire. Aujourd'hui, la question de leur transfert à l'État s'impose comme la fin d'une injustice et d'une discrimination systémique, héritée de notre passé colonial.

Dans sa lettre ouverte au ministre de l'éducation nationale, le syndicat Force ouvrière Enseignement de Wallis-et-Futuna écrit : « Comment, en 2023, justifier le maintien d'un tel imbroglio pernicieux hérité des mentalités postcoloniales, en total décalage avec les principes républicains qu'est censé nous garantir notre statut de citoyen français ? »

L'intégration des personnels du premier degré à Wallis-et-Futuna répond à un besoin urgent et profond, exprimé par les maîtres et les maîtresses lors de la grève de mai 2023. Ce n'est pas seulement un droit, c'est une nécessité pour garantir un service public d'enseignement à la hauteur des attentes et des enjeux éducatifs.

Même si l'intention d'avancer sur le sujet est réelle, on ne peut que regretter la méthode, en l'occurrence le recours à une ordonnance. En procédant ainsi, le Gouvernement prive le Parlement de la possibilité de garantir dans le détail une égalité réelle pour les élèves et les enseignants de Wallis-et-Futuna.

Madame la ministre, mercredi, lors de son audition à l'Assemblée nationale, le Premier ministre François Bayrou a affirmé que la circulaire n'était pas le bon instrument, un ministre pouvant dire : « J'ai fait une circulaire. » Il a ajouté qu'il fallait « changer de méthode ». Dont acte.

Faute de mieux, nous serons donc vigilants lors de la ratification pour faire en sorte que le principe d'égalité soit respecté.

Au-delà de la situation propre à Wallis-et-Futuna, de tels travaux nous rappellent l'impensé colonial derrière notre politique d'éducation dans les autres territoires d'outre-mer, qui participe aujourd'hui à nourrir la colère contre l'État.

Je pense à la surreprésentation des personnels issus de l'Hexagone, qui bénéficient d'importantes primes d'éloignement. Quelle est notre politique pour encourager le recrutement local d'enseignants ?

Je pense aussi aux lacunes de l'offre d'éducation de l'enseignement supérieur. Dans certains territoires, le service militaire adapté proposé par l'armée constitue parfois la plus riche offre de formation. Le manque de possibilités de poursuivre des études supérieures continue de priver les générations futures d'un avenir.

Madame la ministre, nous attendons des actes de votre part.

Même si toutes les difficultés n'ont pas été réglées, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de ce projet de loi, qui constitue un premier pas pour améliorer la situation du personnel enseignant. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)