M. le président. Nous allons maintenant examiner l'amendement déposé par le Gouvernement.

Article 4 bis

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 12

L'alinéa 12 est ainsi modifié :

1° le mot « 1° » est remplacé par le mot « 2° » ;

2° après la première occurrence du mot « délits », la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : « mentionnés aux articles 421-2-1 et 421-2-6 du code pénal ainsi que des délits commis en bande organisée pour lesquels la peine encourue est égale à dix ans d'emprisonnement. ».

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission n'ayant pas eu l'occasion de se réunir, c'est à titre personnel que j'émettrai un avis favorable, comme j'ai coutume de le faire pour tous les amendements de coordination.

M. le président. Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par un amendement du Gouvernement, l'ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Ian Brossat, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous n'en faisions pas mystère lors de l'examen du texte voilà quelques semaines : cette proposition de loi n'est rien d'autre qu'un texte d'affichage.

Ses auteurs prétendaient « restaurer l'autorité », mais elle ne répond à aucun des enjeux concrets auxquels est confrontée la justice des mineurs. Elle affiche une fermeté de façade, sans apporter le moindre moyen pour agir efficacement en ce domaine. Surtout, elle a été élaborée sans la moindre concertation avec celles et ceux qui, sur le terrain, font vivre cette justice au quotidien.

Ainsi, ce texte va à rebours de ce que préconisent les professionnels éducateurs, les magistrats et les travailleurs sociaux, qui connaissent mieux que quiconque les réalités de la jeunesse en difficulté.

Or que disent-ils unanimement ? Que la délinquance des mineurs ne peut être traitée exclusivement au travers du prisme de la sanction. Que les parcours de ces jeunes sont presque toujours marqués par les violences subies, la précarité, la rupture familiale, l'échec scolaire, les troubles psychiques.

Ce que ces professionnels constatent chaque jour, c'est que la réponse éducative est la seule voie qui permette de prévenir durablement la récidive, d'interrompre les trajectoires d'exclusion, de retisser un lien avec la société. Seulement, pour cela, il faut des équipes formées, des délais adaptés et des moyens à la hauteur des besoins.

En choisissant de ne pas les écouter, les soutiens de ce texte ont enfermé celui-ci dans une logique d'affichage, en créant l'illusion d'une réponse qui serait efficace, parce qu'elle est sévère.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous faites le choix d'affaiblir les trois piliers qui fondent depuis 1945 notre justice des enfants. Ces principes ne sont pas des vestiges d'un autre temps : ils sont consacrés constitutionnellement et garantis par la Convention internationale des droits de l'enfant. Pourtant, ils sont méthodiquement contournés.

Prenons tout d'abord l'article 5. Celui-ci fait des dérogations aux atténuations de peine la norme. Il est question non plus de dérogations, mais d'un renversement de principe : le jeune devient majeur aux yeux du juge lorsqu'il s'agit de le punir. Faut-il rappeler que l'on interdit à ces mêmes jeunes de voter ? Ainsi, on leur refuse des droits au nom de leur immaturité, mais on leur inflige des peines de majeurs au nom de leur dangerosité. Où est la cohérence ?

Le même constat s'impose face à la comparution immédiate des mineurs. Juger un adolescent dans l'urgence, parfois le jour même, est une aberration. Cette procédure ne permet ni de comprendre les causes profondes du passage à l'acte ni d'établir une réponse adaptée. Pis, aucune garantie spécifique n'a été ajoutée pour encadrer cette procédure : pas d'accompagnement renforcé, pas de délai de réflexion obligatoire, pas de protection supplémentaire.

Je veux également souligner l'injustice profonde de certaines dispositions concernant les parents. Comment prouver que l'acte du mineur découle d'une défaillance éducative parentale, et non d'autres facteurs tels que l'influence extérieure d'un tiers ou le contexte social ? Le texte suppose ici une relation mécanique entre la faute éducative et la délinquance.

À cela s'ajoute la prérogative laissée aux assureurs de se retourner contre les parents jusqu'à 7 500 euros en cas de dommages, même lorsque l'enfant ne vit plus sous leur toit. Est-ce ainsi que nous voulons soutenir les familles ? En leur adressant une facture ?

Les parents en difficulté sont loin d'être tous démissionnaires. Ils sont, pour beaucoup, bien souvent au bord de l'épuisement. Ils cumulent des emplois précaires, travaillent en horaires décalés et élèvent seuls leurs enfants. Ce ne sont pas des parents absents : ce sont des parents invisibles, oubliés par les politiques publiques.

En effet, pendant ce temps, l'État abandonne ses responsabilités. Faut-il rappeler que le budget de la jeunesse et de la vie associative a été réduit de plus de 50 millions d'euros ? Que la protection judiciaire de la jeunesse est en sous-effectif chronique ?

Or, plutôt que de renforcer les moyens, vous préférez sanctionner. Plutôt que d'accompagner, vous préférez accuser. Tout cela repose sur une croyance aussi répandue que fausse selon laquelle la sévérité des peines suffirait à les rendre efficaces. Or c'est non pas la lourdeur d'une peine qui remet un jeune sur le bon chemin, mais l'accompagnement pour prévenir la récidive.

Mes chers collègues, ce texte est un contresens. Au lieu de restaurer l'autorité, il va détruire les fondements de l'autorité légitime : la cohérence, la justice et la protection. Parce que la justice, pour être forte, doit d'abord être juste, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade des discussions, le seul point de consensus sur lequel nous pouvons nous rejoindre est le suivant : la situation de la jeunesse de ce pays est très préoccupante.

Comme le rapporte Santé publique France, entre 2017 et 2022, la santé mentale des quelque 15 millions de mineurs dans notre pays s'est fortement dégradée.

Ainsi, 8 % des enfants scolarisés en maternelle – vous avez bien entendu, mes chers collègues, 8 % ! – connaissent aujourd'hui un problème de santé mentale. Cette proportion augmente avec l'âge. En 2022, parmi les jeunes de 17 ans, quelque 9,5 % ressentaient des symptômes anxiodépressifs sévères, contre 4,5 % en 2017. Et 18 % ont eu des pensées suicidaires, contre 11 % en 2017. Voilà les chiffres bruts de l'état de la jeunesse dans ce pays.

L'enfance n'est, hélas, pas préservée de la violence de la vie en société. Sur 15 millions de jeunes, beaucoup y sont exposés, non seulement dans la cellule familiale, mais aussi à l'école, au club de sport, dans la rue. Je ne reviendrai pas ici sur la vague de libération de la parole des anciens élèves d'écoles privées sous contrat à laquelle nous faisons aujourd'hui face. Les jeunes sont également victimes des réseaux : narcotrafic, prostitution, traite des êtres humains.

Les jeunes savent aussi se rendre responsables de violences, mais, selon les chiffres du ministère de l'intérieur, depuis 2016, le nombre de mineurs poursuivis par la justice a baissé de 25 %.

En revanche, à rebours de cette tendance générale, le nombre de faits graves est, lui, en nette augmentation. Entre 2017 et 2023, le nombre de mineurs poursuivis pour assassinat, meurtre, coups mortels ou violence aggravée est passé de 1 207 à 2 095. C'est un réel sujet de préoccupation.

Au moment où je vous parle, il est pourtant difficile de savoir si ce texte vise à lutter contre la délinquance des jeunes au sens large ou s'il s'agit de combattre sérieusement le contexte endémique de violence dans lequel certains enfants grandissent et qu'ils vont ensuite reproduire.

Si la délinquance juvénile tend à diminuer, dès lors, elle ne peut être un sujet prioritaire au regard des problématiques plus grandes que je viens de décrire. Et s'il s'agit ici de combattre la montée de la violence chez les jeunes, alors ces propositions sont inadaptées.

Tout au long de nos travaux, notre collègue Guy Benarroche n'a eu de cesse de pointer les paradoxes et les limites d'un texte écrit par un ancien premier ministre en perte d'autorité. Et je regrette de voir la majorité sénatoriale s'engouffrer dans la brèche.

Les auditions et les débats en commission ont montré les incohérences des dispositifs, faute d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État. L'article 4 sur la comparution immédiate et l'article 5 sur l'excuse de minorité en sont les exemples les plus frappants.

Madame la présidente de la commission, vous qui êtes également rapporteur pour le Sénat de la CMP, vous reconnaissez vous-même les grandes imprécisions du texte que nous nous apprêtons de voter. Aussi, pourquoi nous entraîner dans cette voie ?

Pour notre part, nous défendons au contraire avec constance le renforcement des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et des psychologues scolaires, pour protéger les enfants de climats de violences et en prévenir la répétition. Notre tâche est immense pour leur permettre de développer leur résilience et garantir à l'avenir les conditions de la paix civile.

L'autorité ne se décrète pas. Elle ne s'impose pas par la loi. Elle se conquiert par la cohérence et la constance dans la communication des règles de vie en société. C'est une éthique qui doit résider en chaque adulte et qui ne peut être totalement déléguée à l'école ou à la justice.

Selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), toutes les trois minutes, un enfant est victime de viol, d'agression sexuelle ou d'inceste. Chaque jour, 340 000 jeunes placés à l'ASE et plus d'un million de jeunes en fragilité mentale attendent des réponses concrètes. Michel Barnier avait fait de la santé mentale la grande cause nationale de son gouvernement, et nous étions tous prêts à le suivre dans ce combat.

Mme Monique de Marco. Au lieu de cela, chers collègues de la majorité, vous persistez dans la posture et balayez arguments de fait et de droit au nom du pacte de gouvernement qui vous lie au Président de la République. Vous nous proposez un texte en grande partie inconstitutionnel, inapplicable et inefficace, qui alimente le fantasme d'une délinquance juvénile en explosion, alors que les chiffres prouvent qu'elle est en baisse.

Dans le même temps, vous échouez à répondre à la problématique de l'augmentation de la violence, qui, bien qu'elle soit préoccupante, concerne, je le rappelle, environ 2 000 affaires par an. Avant de se rendre auteurs de violences, les jeunes en sont d'abord les victimes.

Notre groupe votera résolument contre ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce texte dans les deux assemblées a été particulièrement chaotique. Les nombreuses modifications, les hésitations et les réécritures successives révèlent une chose simple : ce texte ne repose sur aucun besoin juridique et il n'est pas abouti. Il s'agit ici non pas de légiférer de manière cohérente, sage et utile, mais plutôt de réaliser un coup médiatique.

Tous les professionnels de l'enfance et du monde judiciaire – magistrats, avocats, éducateurs, associations – s'opposent à ce texte. Ils nous ont tous alertés, à plusieurs reprises. Nous ne pouvons les ignorer, alors qu'ils sont les plus lucides sur le sujet. Pour eux, cette proposition de loi est populiste, simpliste, inutile et dangereuse.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C'est le signe que l'on va dans le bon sens, alors ! (Sourires sur les travées des groupes RDPI, INDEP et Les Républicains.)

Mme Corinne Narassiguin. Ce texte marque une rupture profonde avec les principes fondamentaux de notre justice des mineurs et l'ordonnance de 1945. Il va à l'encontre des engagements internationaux de la France, notamment ceux de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Certaines dispositions sont même inconstitutionnelles, car contraires au principe de proportionnalité et aux principes qui fondent la justice des mineurs. Je rappelle ici les trois piliers essentiels de cette justice : la primauté de l'éducatif sur le répressif, l'atténuation de la responsabilité liée à l'âge, et l'individualisation des réponses apportées aux jeunes. Ce texte va à l'encontre de ces fondements, qui honorent pourtant notre État de droit.

Avec ce texte, vous nous proposez de traiter des enfants comme des adultes et de faire primer le répressif sur l'éducatif. Tout cela est contraire à l'essence même de la justice des mineurs.

Au-delà des principes, il faut aussi interroger l'efficacité des mesures proposées. Rien, absolument rien, ne prouve qu'elles fonctionneront. Aucune étude d'impact n'a été menée. Alors que les dernières réformes du code de justice pénale des mineurs sont encore récentes, vous voulez déjà en modifier l'équilibre, sans recul ni évaluation.

Enfin, et c'est peut-être le plus important, on ne peut pas parler de politique pour la jeunesse sans poser la question des moyens. Où sont les structures adaptées ? Où sont les éducateurs, les centres de jour, les alternatives à l'incarcération ? La prison, nous le savons, n'est pas la panacée. L'accompagnement et la réinsertion, en revanche, ont fait preuve de leur efficacité.

Ce texte, en l'état, n'apporte ainsi aucune réponse durable. Pis, il constitue un danger pour notre système judiciaire et pénal. Au sein du groupe socialiste, nous ne comprenons pas quelle est la plus-value de cette proposition de loi. Son seul résultat évident est de fragiliser une nouvelle fois notre État de droit.

Nous en concluons qu'il s'agit d'un gadget de M. Attal pour compléter sa panoplie de gendarme, après son « tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l'autorité, on t'apprend à la respecter ». Nous, nous lui répondons : vous cassez la justice des mineurs ; vous salissez les principes républicains ; vous défiez la Constitution.

Avoir une vision politique, ce n'est pas déclamer des slogans. Le droit, ce n'est pas un coup de com'. La justice des mineurs, ce n'est pas un instrument de triangulation. La vie des enfants, ce n'est pas un jeu.

Nous voterons contre ce texte dangereux et nous saisirons le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des lois et rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, fait divers après fait divers se dessine sous nos yeux une véritable tendance sociétale en ce qui concerne la délinquance juvénile. Les auteurs d'infractions sont de plus en plus jeunes et l'intensité de la violence ne cesse d'augmenter.

Les jeunes sont aussi très souvent victimes de ces violences insupportables. Combien d'entre eux ont payé de leur vie les agressions qu'ils ont subies ? La mort est parfois donnée pour un motif futile, une relation amoureuse qui n'est pas acceptée par la famille – je pense très souvent au jeune Shemseddine de Viry-Châtillon –, ou un regard qui ne s'est pas détourné.

En outre, il y a les conflits entre quartiers, qui débouchent sur des guerres de cités. Mon département, l'Essonne, détient le triste record du nombre de rixes entre bandes rivales, conséquences des fortes rivalités interquartiers. Sekou, à Brunoy, a récemment été poignardé aux abords de son lycée : un meurtre insupportable !

L'État se doit de réagir fermement pour mettre un terme au cycle de la violence. La proposition de loi sur le narcotrafic a constitué une étape importante. La très forte augmentation de consommation de drogues dans notre pays entraîne le développement de réseaux criminels. Avec un million d'usagers de la cocaïne, aucun de nos territoires n'est épargné. Ce sont souvent les jeunes qui font office de mules. Nous savons bien, par ailleurs, que le trafic de drogue alimente de nombreuses autres formes de criminalité.

Avec l'adoption du texte sur le narcotrafic, nous avons envoyé un message de fermeté. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de renforcer encore la sécurité de nos concitoyens et de préparer l'avenir de notre jeunesse.

De la même manière que pour les adultes, la lutte contre la récidive constitue un enjeu majeur de la politique pénale des mineurs.

Dans le contexte que nous connaissons, rétablir la sanction, c'est protéger la société, mais aussi permettre aux délinquants de prendre conscience de la gravité de leurs actes et leur donner la chance de changer de trajectoire. Nous en avons débattu la semaine dernière au sujet des rodéos urbains, qui se multiplient.

La commission mixte paritaire est parvenue à un accord, ce dont nous nous réjouissons. Ce texte comporte des avancées majeures que nous soutenons avec détermination. Beaucoup sont issues de nos travaux.

Ainsi, les règles d'atténuation de peine ne s'appliqueront plus aux mineurs de moins de 16 ans commettant des crimes ou des délits graves en état de récidive légale. La réitération et la gravité des faits justifient cette sévérité.

Pour éviter d'en arriver à de telles extrémités, il est essentiel de replacer l'autorité parentale au cœur du dispositif. La responsabilité des familles est d'être le premier rempart contre la délinquance de nos jeunes.

Nous soutenons donc l'ajout de la circonstance aggravante au délit qui sanctionne un parent qui manque à ses obligations envers son enfant lui-même délinquant. Un retour de l'autorité nécessite que chacun prenne sa part et assume son rôle.

Dans le même sens, notre groupe a soutenu les dispositions du texte visant à mieux indemniser les victimes et à appeler les parents à leurs responsabilités. En effet, lorsque les mineurs ne sont pas placés, c'est aux parents qu'il revient d'assumer les conséquences financières des dommages qu'ils causent. Leur assureur s'en chargera probablement dans la plupart des cas, mais nous sommes aussi favorables à ce que les assureurs puissent demander un remboursement aux parents qui seraient condamnés.

Les mesures éducatives constituent le second rempart contre la délinquance des jeunes. Si nous ne voulons pas laisser prospérer un sentiment d'impunité, leur non-respect doit être sanctionné. C'est ce que prévoit désormais le texte.

La priorité donnée aux mesures éducatives, tout comme l'excuse de minorité, ne doit pas faire disparaître toute coercition. Nous l'avons dit, les délinquants, de plus en plus jeunes, commettent des actes de plus en plus graves. Il est nécessaire d'agir rapidement.

Nous nous félicitons donc de la nouvelle procédure de comparution immédiate, ouverte aux mineurs d'au moins 16 ans. Rapprocher le temps de la sanction de celui de la commission des faits, c'est accroître le caractère pédagogique du jugement.

Parce que ce texte équilibré permettra de mieux réprimer la délinquance des mineurs, le groupe Les Indépendants votera en faveur de son adoption.

Je conclurai en m'adressant à mes collègues siégeant à la gauche de cet hémicycle. Ce texte ne nous dispense pas de consolider notre protection judiciaire de la jeunesse. J'étais ce matin au lancement du Challenge Michelet, lequel réunit cette année, en Essonne, 300 jeunes qui vont se confronter lors d'épreuves sportives. C'est aussi une façon pour eux d'apprendre à respecter les lois de notre République.

Dans notre politique pénale visant les mineurs, nous devons marcher sur nos deux jambes. Nous en sommes parfaitement conscients, mais cette proposition de loi était essentielle pour avancer vers un peu plus de respect. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Michel Masset et Jean-Gérard Paumier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, on tue désormais à 14 ans ; on frappe un professeur à 13 ans ; on caillasse la police à 12 ans ; à 11 ans, on appartient déjà à un gang ; à 10 ans, on guette pour les dealers ; et à 9 ans, on insulte un policier.

Voilà la France de 2025. Une France qui a changé de visage. Une France qui n'est plus celle des Trente Glorieuses ou de l'école de la République, avec toute sa rigueur. Nous avons désormais devant nous un pays fracturé, ensauvagé et paralysé.

Il faut nommer ce que nous vivons aujourd'hui. Une grande partie de la délinquance, y compris les violences, est le fait de mineurs, qui, pour l'heure, ont un sentiment d'impunité. Pourquoi ? Notre politique pénale, cet ensemble de lois qui régissent et encadrent la justice des mineurs, n'est plus du tout adaptée. En réalité, nous enfermons les mineurs dans un long parcours de délinquance.

Pis, nous assistons progressivement à une forme de « mexicanisation » de nos territoires, à l'effacement progressif de l'autorité, à l'émergence d'une contre-société où la violence est la norme, où l'impunité est la règle et où l'âge des auteurs fait office non plus d'excuse, mais de stratégie.

Face à cela, le laxisme n'est plus une erreur : c'est une faute. Il ne suffit plus d'expliquer, d'excuser, de contextualiser. Il faut agir ! Le texte issu de la CMP est un acte politique qui marque un tournant. En tout cas, c'est une première réponse apportée à ce contexte d'hyperviolence juvénile. Aussi, nous le soutenons pleinement, avec clarté, avec force, avec exigence, car la République doit reprendre le terrain perdu.

Prenons l'exemple de la comparution immédiate pour les mineurs dès 16 ans, dans les cas les plus graves : voilà un marqueur de rupture. Finis les mois d'attente entre la reconnaissance de culpabilité et la sanction. La justice retrouve sa rapidité, sa lisibilité et son efficacité. En effet, les mineurs n'ont pas la même notion du temps que les adultes, et la réponse ne sert à rien si elle intervient au-delà d'un certain délai.

Il en va de même pour l'excuse de minorité pour un crime ou un délit grave commis en état de récidive : elle était auparavant la règle ; elle deviendra demain l'exception.

Enfin, le texte consacre la responsabilisation des parents : ceux qui parfois ferment les yeux, ceux qui laissent leurs enfants s'abîmer dans la violence seront comptables devant la loi. La solidarité financière devient la règle. La démission éducative ne sera plus gratuite.

Contrairement à ce que j'ai pu entendre, ce texte ne renie pas la justice des mineurs. Il en restaure l'autorité. Il en protège le sens. Il en sauve la crédibilité.

C'est vrai, comme l'a dit Mme la présidente de la commission des lois, nous aurions pu aller plus loin, notamment sur les courtes peines qui avaient été introduites par la Haute Assemblée. Sans doute faudra-t-il un jour remettre ce sujet, ainsi que d'autres, en débat. Néanmoins, cette proposition de loi ouvre enfin une brèche dans la doctrine du laxisme.

C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera avec force ce texte issu de la commission mixte paritaire, tout simplement parce que nous refusons de regarder notre jeunesse se déliter en silence, parce que nous croyons que l'ordre républicain peut encore être restauré, parce que nous savons que sans autorité, il n'y a ni liberté, ni justice, ni avenir pour notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, ce texte s'inscrit dans la continuité des actions menées par la majorité présidentielle sur l'autorité et le rétablissement de l'ordre.

Après un examen mouvementé en commission des lois et le rétablissement de l'esprit initial de ce texte en séance dans notre chambre, je suis ravie que la commission mixte paritaire soit parvenue à trouver un accord sur les articles restant en discussion.

Pour rappel, cette proposition de loi cible les mineurs récidivistes commettant des faits graves. Elle tend à concrétiser ce choc d'autorité réclamé dès avril 2024 par Gabriel Attal, alors Premier ministre.

L'objectif est pluriel : premièrement, enrayer la violence ; deuxièmement, aider et responsabiliser les parents ; troisièmement, mettre un terme à ce système d'impunité qui gangrène toutes les formes d'autorité. Cet ensemble vient compléter la réforme du code de justice pénale des mineurs, amorcée en 2021.

Avec mon groupe, je tiens à saluer le travail réalisé par la commission mixte paritaire et la volonté de conserver la portée du texte souhaitée par son auteur. Il présente un bon équilibre et témoigne de l'intérêt de la navette parlementaire.

Ainsi, ce dialogue entre les deux chambres a permis la réintroduction, à l'article 1er, de la circonstance aggravante au délit de soustraction d'un parent à ses obligations légales.

La CMP a conservé les apports principaux des deux chambres sur les articles 1er à 3 et supprimé les dispositions sur lesquelles le Sénat avait émis des réserves juridiques.

Le dispositif assurantiel introduit par le Sénat à l'article 3, qui permet de faire participer, sous certaines conditions, les parents de mineurs délinquants à l'indemnisation financière du dommage, a donc été conservé.

L'article 4, pour rappel, vise à créer une nouvelle procédure de comparution immédiate pour les mineurs âgés d'au moins 16 ans, sous certaines conditions, dès lors que les faits ont été commis en état de récidive légale.

Un compromis a pu être trouvé afin de conserver la procédure d'audience unique en comparution immédiate, avec cette fois un champ d'application limité aux mineurs âgés d'au moins 16 ans, et non plus de 15 ans. Les représentants légaux du mineur conserveront un rôle au sein de cette procédure.

La dérogation de principe à l'excuse de minorité pour les mineurs délinquants récidivistes et les précisions utiles à son encadrement ont été conservées au sein de l'article 5.

Sans décision du magistrat, les règles d'atténuation de peine ne s'appliqueront plus aux mineurs de moins de 16 ans qui commettent des crimes ou des délits graves en état de récidive légale. Nous regrettons toutefois qu'aucun accord n'ait été trouvé sur les règles de majorité allégée devant la cour d'assises des mineurs.

D'autres mesures phares sont à relever, telles que la mise en place d'un couvre-feu pour les mineurs délinquants ou encore la rétention du mineur n'ayant pas respecté sa mesure éducative.

Ce texte répond à un besoin d'évolution de notre justice pénale des mineurs face à une réalité observable : un mineur de 2025 n'est pas un mineur de 1945.

Il permettra donc aux magistrats et à tout le personnel judiciaire de disposer de moyens utiles pour traiter la délinquance des mineurs de façon cohérente et adaptée. Par conséquent, nous voterons en faveur de ces conclusions, afin d'intégrer au plus vite ce texte au sein de notre arsenal juridique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des lois et rapporteur pour le Sénat de la CMP, mes chers collègues, la jeunesse est ce qu'une nation a de plus précieux. C'est en elle que nous plaçons nos espoirs de progrès pour les temps futurs. C'est elle qui doit recevoir, de la part des pouvoirs publics, une attention toute particulière.

Cette proposition de loi est née dans un contexte de forte tension sociale et d'inquiétude légitime face à des faits de violence impliquant des mineurs.

Il est indéniable que les formes de délinquance évoluent et que certains actes commis par des mineurs sont de plus en plus violents. En revanche, cette réalité ne saurait occulter un autre constat : la délinquance des mineurs est globalement en légère baisse.

Or les principes qui guident notre action républicaine nous obligent à ne pas considérer ces jeunes comme des criminels nés. Ce sont, avant tout, des enfants qui ont besoin de trouver de meilleures perspectives, hors de la délinquance.

Souvent, dans nos assemblées, c'est le choix de la répression qui prime. Si celui-ci ne doit pas être rejeté par principe, nous devons lire cette solution à l'aune des réalités sociales constatées, sans quoi nous tomberions dans un discours simpliste et, partant, inefficace.

Je souhaite dresser un parallèle avec les propos que j'ai tenus à cette tribune lors de l'examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic : la délinquance, celle des majeurs comme celle des mineurs, se nourrit des vulnérabilités sociales, économiques et familiales.

Ce combat implique tous les membres de la société et sollicite un large spectre de politiques publiques : la protection de l'enfance et l'éducation nationale, la lutte contre les violences intrafamiliales et contre la pauvreté, la politique de la ville, et d'autres encore. N'est-il pas urgent de renforcer ces actions, alors que, par exemple, le budget de la protection judiciaire de la jeunesse a été réduit de 25 millions d'euros en 2025 ?

Quand bien même la répression serait la seule réponse choisie, ne serait-il pas opportun de parfaire d'abord l'évaluation du code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur à l'automne 2021, ainsi que du profond remaniement qu'il a entraîné ? Cette réforme a permis une réduction de 40 % des délais de jugement entre 2019 et 2023. Il s'agit d'une avancée importante, qui produit des effets positifs.

Le texte adopté par la commission mixte paritaire est déceptif. D'importantes modifications avaient été apportées à la proposition de loi en commission des lois, sur la base du travail du rapporteur Francis Szpiner. Malheureusement, le texte nous renvoie aux affres d'une autre vision de la justice pénale.

L'instauration d'une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans et plus porte atteinte aux principes fondamentaux de la justice des mineurs. C'est une ligne à laquelle nous devons être extrêmement vigilants. Les professionnels du droit s'opposent d'ailleurs majoritairement à cette mesure, car elle vide de sa substance l'approche éducative de la justice des mineurs et éloigne le sens de la peine.

Notons également l'inversion de l'excuse de minorité pour les mineurs de 16 ans et plus. Le principe d'atténuation de la responsabilité pénale du fait de l'âge a pourtant valeur constitutionnelle.

Enfin, nous ne sommes pas totalement convaincus par les mesures qui accablent les parents. Comme le rappelait ma collègue Sophie Briante Guillemont, ces mesures risquent de compromettre « la force de la cellule familiale », qui permet justement à un mineur de sortir de la délinquance ou, surtout, de ne pas y entrer.

De nombreuses organisations nationales et internationales dénoncent cette réforme. Plusieurs barreaux ont déposé des motions de contestation, dans de nombreuses villes de France ; je me joins personnellement à la mobilisation des magistrats et des avocats en Lot-et-Garonne.

En conclusion, cette proposition de loi pourrait creuser un fossé, attiser une défiance et nourrir une colère. Plusieurs dispositions risquent en outre de ne pas passer l'épreuve du Conseil constitutionnel. À quoi bon légiférer sur un fondement aussi instable ? C'est un problème en soi. En effet, à force de mettre sous contrainte notre édifice de protection des droits, on fait croître le risque que celui-ci ne cède face à un gouvernement encore plus déterminé à le faire plier.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE votera majoritairement contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie et Mme Dominique Vérien applaudissent également.)