M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (MM. Marc Laménie et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)

Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà parvenus à la fin de l'examen de cette proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants. À l'issue d'un parcours législatif ardu, marqué par de nombreux clivages politiques et juridiques, nous nous donnons un texte qui répond à la hausse de la violence que l'on observe chez nos jeunes.

Trois années ont passé depuis la réforme de la justice pénale des mineurs ; malgré un bilan plutôt positif du nouveau code, il semble utile d'adopter d'autres dispositions.

Tout le monde a bien entendu en tête les drames de ces derniers mois, où l'on relève à la fois des faits plus graves et des auteurs plus jeunes. Au-delà même de la question particulière du narcotrafic et des petites mains parfois utilisées pour commettre des assassinats, certains jeunes n'hésitent plus à utiliser un couteau pour un simple différend.

Comment ne pas penser à Élias, 14 ans, décédé à Paris après une agression à l'arme blanche commise par deux mineurs, connus de la justice, auxquels il avait refusé de donner son téléphone portable ?

Comment ne pas penser aussi à ce malheureux pompier entre la vie et la mort après avoir été percuté par un jeune de 19 ans, lui aussi connu des services de police, lors d'un rodéo urbain, à Évian-les-Bains, samedi dernier ?

Comment espérer un avenir durable pour notre société si même ceux qui œuvrent directement pour elle sont sujets à ces violences ?

Nous assistons à une véritable banalisation de l'ultraviolence chez nos jeunes. Quant à leurs parents, ce texte vise évidemment à les responsabiliser. Il nous semble en effet important de rappeler que, si les mineurs bénéficient de ce que l'on appelle « l'excuse de minorité » et si l'on considère qu'ils ne sont pas responsables, d'autres, eux, le sont : leurs parents.

Dès lors, quand ces parents n'accompagnent pas leurs enfants au tribunal, quand ils ne se présentent pas à la justice, ils envoient un message de désengagement vis-à-vis de leur enfant ; à l'évidence, une telle défiance ne peut qu'inspirer le mineur délinquant. Il nous a donc paru important de faire figurer ces deux volets dans le texte, de nous intéresser à la fois aux mineurs et aux parents.

Pour en revenir aux mesures concernant les mineurs, oui, indéniablement, on a fait le choix, dans ce texte, de plus de sévérité. Pour autant, n'oublions pas que la comparution immédiate comme la dérogation à l'atténuation des peines sont strictement encadrées. Elles concerneront des faits graves, commis par des mineurs récidivistes. La délinquance des mineurs a évolué ; notre droit doit aussi le faire !

N'oublions pas non plus que les réseaux mafieux connaissent parfaitement les limites de notre code pénal ; s'ils exploitent des mineurs, c'est parce qu'ils savent que, après une arrestation, ceux-ci sortiront rapidement.

En fin de compte, ce texte a le mérite d'envoyer un signal clair : celui que notre société ne renonce pas face à la montée d'une violence qui n'a plus rien d'ordinaire, que la justice ne peut rester muette ou impuissante face aux cas les plus graves, même lorsque les auteurs sont jeunes, et que la responsabilité parentale ne peut plus être éludée.

Nous avons le devoir de répondre aux inquiétudes légitimes des citoyens, sans céder à la démagogie, mais sans faiblesse non plus.

Le groupe Union Centriste votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. le président. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l'amendement du Gouvernement, l'ensemble de la proposition de loi visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 289 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 223
Contre 112

Le Sénat a adopté définitivement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 10 septies (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
 

4

 
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte
Discussion générale (fin)

Programmation pour la refondation de Mayotte et département-région de mayotte

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (projet n° 544, texte de la commission n° 613 rectifié, rapport n° 612) et du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte (projet n° 545, texte de la commission n° 614, rapport n° 612).

La procédure accélérée a été engagée sur ces textes.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a un peu plus de trois mois, je présentais, à cette même tribune, le projet de loi d'urgence pour Mayotte. Je terminais mon discours avec une promesse et une seule : ne pas laisser tomber Mayotte.

Trois mois ont passé. Bien des choses ont changé. Les caméras de télévision, pour la plupart, ont quitté l'archipel. D'autres crises, mais aussi tout simplement le quotidien, ont peut-être progressivement détourné de l'archipel le regard de l'opinion publique. Mais une exigence reste, à mes yeux, intangible : la mobilisation de l'État.

Cette mobilisation répond, je n'en doute pas, à votre attente. Sous l'autorité du Premier ministre, nous travaillons chaque jour avec le préfet et l'ensemble des services de l'État, avec la mission dédiée à Mayotte, rattachée à mon cabinet et dirigée par le général Facon, mais aussi avec les élus et les acteurs économiques et sociaux du territoire, sur la reconstruction et la refondation de Mayotte.

Je me suis rendu sur place à quatre reprises en quatre mois – la dernière fois aux côtés du Président de la République. Nous avons pu constater que la première phase de gestion de la crise, celle des urgences vitales, était désormais stabilisée : nous avons rétabli les capacités en eau, en électricité et en télécommunications.

Je veux vous donner quelques faits concernant l'eau : le taux de remplissage des deux retenues collinaires s'est amélioré à la fin de la saison des pluies ; 2 millions de bouteilles ont été livrées ; 2 millions de litres d'eau seront acheminés par voie maritime au mois de mai ; enfin, notre capacité de production habituelle a été récupérée, à hauteur de 38 000 mètres cubes par jour.

Tout cela a permis de parer au plus urgent et d'éviter des drames, mais il est évidemment hors de question de se satisfaire d'avoir seulement retrouvé notre capacité antérieure au cyclone Chido, sans avoir résorbé l'écart persistant entre l'offre et la demande.

C'est pourquoi nous commençons à voir plus loin en la matière. Plus de 900 fuites d'eau ont été réparées par le génie militaire. La première pierre de la future station d'épuration de Mamoudzou Sud a été posée le 7 mai, et l'arrêté d'autorisation des travaux pour la partie terrestre du chantier de construction de l'usine de dessalement d'Ironi Bé a été signé par le préfet il y a deux semaines à peine. Nous lancerons bientôt un appel à projets pour des solutions innovantes, comme l'eau atmosphérique. Nous restons donc, vous le voyez, extrêmement vigilants sur ce sujet très particulier, fragile et complexe.

Par ailleurs, l'objectif de résorption complète des dépôts de déchets post-Chido d'ici au mois d'août 2025 sera tenu. Grâce au second casier de l'installation de stockage de déchets non dangereux, inauguré au début du mois d'avril, nous évacuons plus de 800 tonnes de déchets par jour.

En matière de santé, autre sujet délicat, plus de 1 000 professionnels ont été projetés sur place. L'hôpital a retrouvé plus de 80 % de son activité et connaîtra d'importants travaux jusqu'en 2026. Sept dispensaires sur huit sont ouverts ; celui de Sada, très endommagé par le cyclone, est encore en travaux. Tous les centres médicaux de référence ont également rouvert. L'essentiel est qu'il y ait des médecins, des infirmiers et des aide-soignants qui puissent y effectuer des permanences.

Les rentrées scolaires de mars et de mai ont eu lieu, ce qui n'était pas évident. Mais, tout comme pour l'eau, nous sommes simplement revenus aux conditions de scolarisation qui existaient avant Chido. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation : les rotations scolaires restent inacceptables en République. Le rapport annexé au projet de loi fixe donc l'objectif d'en finir à l'horizon 2031.

Cinq mois après Chido, ces exemples nous permettent d'affirmer que l'impression générale renvoyée par le territoire est celle d'une stabilisation, voire, sur certains plans, d'une amélioration de la situation.

C'est d'ailleurs visible physiquement pour ceux qui se sont rendus récemment sur l'archipel. La végétation se régénère rapidement, ce qui pose d'ailleurs d'autres défis ; les axes routiers ont été rétablis ; une voie du Caribus a été inaugurée ; les commerces rouvrent progressivement ; la chaîne portuaire et logistique fonctionne ; enfin, un navire de croisière a même récemment fait escale à Mayotte, soulageant un peu le secteur touristique.

Néanmoins, tout n'est pas réglé, loin de là, et ce même dans les domaines que je viens d'évoquer. La situation, j'y insiste, reste fragile. Les enjeux de l'eau, de la gestion des déchets, de l'école et des déplacements entre Petite-Terre et Grande-Terre demeurent criants. Six escadrons de gendarmerie mobile, 760 gendarmes et 770 policiers permettent de faire face aux défis quotidiens de la sécurité et de la violence.

La mise en place de la mission dirigée par le général Facon, puis la promulgation de la loi d'urgence pour Mayotte, le 24 février dernier, ont ensuite permis de déployer les premiers outils et les premières actions concrètes de la deuxième phase de réponse à la crise, c'est-à-dire la reconstruction.

Je veux être précis en la matière : il le faut pour répondre à un certain nombre de questions tout à fait légitimes, mais aussi à la désinformation qui sévit parfois.

Ainsi, un bataillon de reconstruction, composé de 326 militaires, est mobilisé au quotidien pour réparer et rebâtir les bâtiments publics. Il participe activement, depuis le passage du cyclone, au déblaiement des routes et des cours d'eau, à la sécurisation des bâtiments et au soutien logistique. Il a notamment œuvré pour les écoles et les équipements sportifs, comme le plateau sportif de M'Tsapéré, à Mamoudzou.

Des chantiers de reconstruction sont engagés. Ils mobilisent, comme cela a été prévu dans la loi d'urgence, des entreprises mahoraises. Ainsi, la Société immobilière de Mayotte (SIM) a entrepris la rénovation des logements sociaux endommagés par Chido, par exemple ceux de Passamainty.

Enfin, le soutien financier est au rendez-vous. Dans le contexte difficile que nous connaissons, l'État agit concrètement.

Soyons précis : 500 millions d'euros de dépenses d'urgence ont été engagés en décembre et janvier dernier ; un fonds d'amorçage de 100 millions d'euros a été ouvert pour les collectivités territoriales – les premiers dossiers viennent d'être signés ; 15 millions d'euros du fonds de secours outre-mer aident la filière agricole – j'ai concrétisé ce financement, avec le chef de l'État, il y a quelques semaines ; enfin, 22,8 millions d'euros d'aides vont aux entreprises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense aussi à toutes les mesures que vous avez votées dans le cadre de la loi d'urgence, notamment à l'activité partielle : 1 311 demandes d'indemnisation ont été validées, pour 996 138 heures, à hauteur de 9,1 millions d'euros.

Je pense enfin aux prêts à taux zéro – beaucoup étaient sceptiques – désormais offerts dans l'ensemble des établissements bancaires habilités pour aider les particuliers à reconstruire leur toit.

Raffaele Fitto, vice-président de la Commission européenne, qui a visité le territoire il y a quelques semaines, m'a par ailleurs confirmé que la France recevrait bientôt une avance de 23,7 millions d'euros au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne.

L'argent est mobilisé, des dossiers sont déposés. Maintenant, il faut véritablement entrer dans un processus concret.

Je tiens d'ailleurs à annoncer que le soutien aux entreprises mahoraises affectées par le cyclone Chido se poursuit : l'aide exceptionnelle visant à compenser la perte de chiffre d'affaires, qui avait été versée pour décembre et janvier derniers, sera prolongée pour les mois de février et mars.

Avec la présentation de ces deux projets de loi, ordinaire et organique, nous entamons aujourd'hui la troisième phase de réponse à Chido, celle de la refondation. En effet, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à cette tribune, si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé des difficultés structurelles qui existaient déjà.

Je l'ai dit dès le départ et j'y insiste de nouveau : il est hors de question de se contenter d'un travail de reconstruction qui nous ferait revenir, au mieux, à la situation très insatisfaisante de l'avant-Chido.

Le Gouvernement tient donc sa parole, en présentant rapidement un projet de loi plus structurel pour redéfinir l'avenir de l'archipel.

Attendu depuis de trop nombreuses années, ce projet de loi de refondation de Mayotte, auquel mes prédécesseurs avaient déjà travaillé, a été élaboré en totale concertation avec les élus locaux et la société civile, ce qui a permis de modifier et d'enrichir le texte. Cela ne signifie évidemment pas qu'il n'y resterait plus d'éléments de débats ou de divergence.

Un exemple de cette concertation est l'article 19, qui facilite la prise de possession anticipée des terrains pour accélérer la réalisation des infrastructures essentielles : son champ a été largement restreint à la demande des élus mahorais.

Les commissions saisies au fond ont adopté ce texte, en lui apportant quelques améliorations bienvenues. Je remercie sincèrement les rapporteurs et les sénateurs de leur confiance et de leur travail de qualité.

Ce projet de loi comprend désormais trente-six articles répartis en six titres, que je veux présenter rapidement.

Le titre Ier comporte un article 1er approuvant un rapport, tout à fait essentiel, annexé au projet de loi. Ce rapport présente, pour l'ensemble des politiques publiques, les priorités de l'État afin de garantir la reconstruction et la refondation du territoire. Cela permet de faire participer les parlementaires à la stratégie du Gouvernement pour Mayotte et aux engagements qui ne nécessitent pas directement de mesure législative ou concernent les infrastructures à réaliser prioritairement.

Ce rapport donne à voir les objectifs que nous fixons, mais il comporte également des éléments de programmation financière, qui s'établissent dans l'état actuel du texte à 3,2 milliards d'euros sur sept ans. Comme je l'ai indiqué en commission, le Gouvernement défendra un amendement visant à affiner et à compléter cette programmation, en la hissant à quasiment 4 milliards d'euros.

Des choix sont faits et assumés concernant les grandes infrastructures comme le port et l'aéroport. Sur ce dernier dossier, lors de son déplacement officiel du 21 avril dernier, le Président de la République a écarté l'option de Petite-Terre et indiqué que la piste longue devra être réalisée en Grande-Terre ; c'est d'ailleurs l'hypothèse technique privilégiée par la direction générale de l'aviation civile.

Ceux qui suivent le dossier connaissent les éléments du débat depuis des années. On demandait à l'État de clarifier sa position ; c'est chose faite, même si le débat demeure tout à fait légitime. Précisons qu'un plan d'attractivité sera nécessaire pour valoriser les nombreux atouts de Petite-Terre. Le Gouvernement vous proposera d'adopter trois amendements, afin de tirer les conséquences de ce choix – un choix assumé, je le redis – et d'avancer rapidement sur ce projet très attendu par les Mahorais.

Le titre II comporte neuf articles visant à renforcer la lutte contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal, les deux fléaux – c'est le terme que j'ai choisi – sous lesquels Mayotte ploie depuis de trop nombreuses années. Je rappelle que nous avons avancé sur ce sujet sans même attendre ce projet de loi, avec la récente restriction du droit du sol à Mayotte, votée par les parlementaires et approuvée par le Conseil constitutionnel.

Les rapporteurs Agnès Canayer et Olivier Bitz ont proposé, dans un nouvel article 2 bis, que le Gouvernement remette au Parlement « un rapport évaluant les dispositions dérogatoires en matière d'immigration et de nationalité applicables à Mayotte », trois ans après l'entrée en vigueur de la loi. Il s'agit d'une très bonne idée : on pourra ainsi évaluer l'efficacité de ces mesures et, éventuellement, remettre à plat la politique migratoire dérogatoire applicable sur l'archipel, en fonction des résultats que nous aurons obtenus dans tous ces domaines dans les prochaines années.

L'article 10 permet, quant à lui, de mieux lutter contre les bidonvilles. Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a amélioré la constitutionnalité du dispositif sans lui faire perdre sa dimension ferme et opérationnelle. Je l'en remercie.

Le resserrement de notre arsenal juridique, qui sera très utile, ne doit pas néanmoins laisser croire que nous n'agirions pas déjà en la matière. Par exemple, au début d'avril, 73 constructions illégales localisées à Dzoumogné ont été détruites, afin de mettre fin à des conditions de vie indignes et de libérer des parcelles destinées à la construction d'une nouvelle école communale. Plusieurs projets similaires sont mis en œuvre.

Notre combat contre l'immigration irrégulière et l'habitat illégal dépend aussi de la montée en puissance des effectifs et des moyens engagés par nos forces de sécurité intérieure, ainsi que d'un rapport plus ferme aux Comores. Le rapport annexé mentionne nos actions sur ces deux volets, car j'ai souhaité que les parlementaires soient associés à ces stratégies. Les ministres de l'intérieur et des armées sont évidemment très impliqués dans ce dossier.

Le titre III a également une dimension sécuritaire, puisqu'il renforce le contrôle des armes, aux articles 11 et 12, et améliore la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre en facilitant la traversée des bidonvilles, à l'article 13.

Le titre IV, qui me paraît essentiel au regard de l'attente suscitée par les promesses républicaines liées à la départementalisation, comprend toute une série de mesures d'ordre économique et social, ou encore favorisant l'aménagement durable du territoire.

L'article 15, chère Christine Bonfanti-Dossat, est à cet égard particulièrement déterminant, puisqu'il habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour accélérer la convergence sociale et la rendre effective au plus tard – j'insiste sur ces mots – en 2031, avec une trajectoire progressive et soutenable.

Cette mesure, légitimement attendue par les Mahorais depuis des années, permettra enfin d'avancer vers l'égalité réelle. Elle pourrait être mise en œuvre plus vite, bien évidemment, mais c'est sans démagogie et avec méthode qu'il faut tenir cet engagement.

J'ai donné mission au préfet Bieuville et au général Facon de mener les concertations indispensables pour avancer. Le rapport annexé vous offre de premières indications, et un rapport sera très prochainement remis au Parlement sur ce sujet, en application de l'article 36 de la loi d'urgence pour Mayotte.

L'article 19 du présent projet de loi, dont le champ a été restreint à la suite de la concertation avec les élus mahorais, facilitera la prise de possession anticipée de terrains pour accélérer la construction des infrastructures essentielles. Cet article est à la fois incontournable et protecteur du droit de propriété.

L'article 22, chers Stéphane Fouassin et Georges Patient, crée une zone franche globale à Mayotte, suivant l'engagement du Premier ministre.

D'autres mesures sont consacrées à l'accompagnement de la jeunesse de Mayotte – c'est une grande priorité –, ou encore au renforcement de l'attractivité du territoire pour les fonctionnaires ; nous les évoquerons au cours des jours de débat qui s'ouvrent.

Le titre V, enfin, conforte le statut de collectivité unique de Mayotte, qui prendra le nom de Département-Région de Mayotte, et révise le mode de scrutin de sorte que l'élection des conseillers à l'assemblée de Mayotte se fasse à la représentation proportionnelle, dans le cadre d'une circonscription électorale unique, composée désormais, selon le souhait de vos rapporteurs, de treize sections.

Le projet de loi organique procède, quant à lui, à une série de coordinations, afin d'accompagner la modification des dispositions institutionnelles et électorales figurant dans le projet de loi ordinaire.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation de ces projets de loi dans le temps imparti, après quelques mois seulement, constitue, je le crois, une étape déterminante pour engager la refondation de Mayotte. Avec ces textes, que vous ne manquerez pas d'améliorer, je n'en doute pas une seule seconde, on constate une action quotidienne, une clarification des engagements financiers, une volonté et une stratégie.

Ainsi, ensemble, nous pourrons reconstruire l'île sur des bases plus saines et plus claires, pour changer son visage, mais aussi – c'est ce qu'on nous demande surtout – pour améliorer la vie des Mahorais. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, lors des auditions menées avec mon collègue Olivier Bitz, corapporteur de la commission des lois, j'ai été alertée par les élus de Mayotte sur le sentiment d'abandon que peuvent éprouver les Mahorais.

Ce sentiment trouve son origine dans l'incapacité de l'État, depuis des années, à susciter une amélioration durable de la situation de l'archipel, qu'il s'agisse de la démographie, de l'immigration, de l'insécurité ou des infrastructures. Les habitants peuvent légitimement considérer que, quatorze ans après la départementalisation, le compte n'y est pas.

Si l'urgence est à la reconstruction, il ne s'agit pas de revenir purement et simplement à la situation antérieure. Telle est la volonté sous-tendant les deux textes que nous abordons aujourd'hui.

Comme l'indique le terme quelque peu grandiloquent de refondation, qui figure dans son intitulé, le projet de loi vise un objectif ambitieux : répondre durablement aux défis du territoire par l'adoption de mesures structurantes. L'approche globale souhaitée par le Gouvernement se traduit toutefois par un catalogue de mesures, à la portée et à l'intérêt très divers.

Ainsi, l'article 1er du projet de loi tend à approuver le rapport annexé, lequel présente les orientations de la programmation pour la refondation de Mayotte sur la période 2025-2031.

Ce rapport annexé énumère de nombreux engagements de l'État à l'égard de Mayotte, qui ne trouvent pas tous une traduction directe dans le projet de loi. En outre, il doit s'articuler, dans des conditions assez obscures, avec une stratégie quinquennale 2026-2031 pour Mayotte.

La commission des lois regrette l'imprécision de ce rapport sur plusieurs points, à commencer par l'absence de distinction entre les mesures véritablement nouvelles et celles qui résultent d'engagements antérieurs. Or il s'agit là d'un véritable enjeu de lisibilité et de crédibilité.

Ensuite, nous déplorons l'absence de calendrier précis de mise en œuvre de ces actions. Celles-ci, à l'exception des investissements prioritaires, ne font l'objet d'aucune concrétisation budgétaire précise. C'est pourquoi la commission a adopté un amendement tendant à ce qu'une programmation annuelle soit présentée au Parlement avant la fin de l'année 2025.

Enfin, le rapport annexé, dans sa version initiale, ne comportait aucun élément portant sur les modalités d'évaluation et de suivi de la programmation. La commission a donc souhaité y inscrire la nécessité d'une évaluation régulière, avec, désormais, la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation à mi-parcours et la création d'un comité de suivi auprès du Premier ministre.

Cette préoccupation d'assurer la continuité et la cohérence de l'action de l'État a aussi conduit la commission à renforcer les prérogatives du préfet de Mayotte. En effet, l'importance des défis auxquels est confronté l'archipel, la taille relativement réduite de son territoire et l'imbrication systématique des missions des services de l'État rendent nécessaire une coordination renforcée.

C'est pourquoi l'article 1er bis, introduit par la commission, place sous l'autorité du préfet de Mayotte, pour la durée du plan de refondation, l'ensemble des services de l'État et de ses établissements publics qui y interviennent.

Le renforcement de l'État territorial à Mayotte doit s'accompagner de celui des collectivités territoriales et de leurs moyens d'action. Cela suppose, en particulier, la rénovation du fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte, réclamée de longue date par les élus mahorais.

Nous avons ainsi approuvé l'évolution prévue par les deux textes en discussion, laquelle consiste en une modernisation du schéma et du fonctionnement institutionnels de Mayotte visant à affirmer son statut de collectivité unique d'outre-mer, à l'instar des collectivités de Guyane et de Martinique.

Il serait ainsi institué un Département-Région de Mayotte et une véritable assemblée de Mayotte, qui élirait en son sein un président. Je me réjouis que, conformément à notre demande, le Gouvernement ait déposé un amendement visant à inscrire directement cette réforme dans le projet de loi.

En outre, l'article 31 tend à réformer le régime électoral applicable aux futurs conseillers à l'assemblée de Mayotte. Dans sa rédaction initiale, il vise ainsi à porter à 52 le nombre des membres de ladite assemblée. Ils seraient élus au scrutin de liste proportionnel avec prime majoritaire, sur la base d'une circonscription unique divisée en cinq sections correspondant au périmètre des EPCI du territoire.

Toutefois, consciente qu'il s'agit d'un sujet de débat parmi les élus mahorais, la commission a préféré retenir treize sections, plutôt que cinq, en reprenant le périmètre des actuels cantons.

Ce modèle permet, nous semble-t-il, de conjuguer au mieux les objectifs de représentation du territoire et de stabilité de l'assemblée, indispensables pour conduire les véritables projets communs essentiels pour l'avenir de l'archipel, notamment sa refondation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Bitz, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, soyons clairs : il n'y aura pas de refondation possible de Mayotte sans une maîtrise des flux migratoires.

L'immigration constitue aujourd'hui un facteur majeur de déstabilisation de l'archipel. Rappelons que Mayotte comptait, d'après l'Insee, 320 000 habitants en 2024, lesquels sont pour moitié de nationalité étrangère. Sans action sur les flux migratoires, cette population devrait atteindre 760 000 habitants en 2050.

Les conséquences de cette immigration sont connues : insécurité, saturation des infrastructures, difficulté d'accès aux services publics essentiels que sont la santé et l'éducation, ou encore prolifération des bidonvilles.

Au-delà des postures idéologiques, il nous faut partir des réalités. Or la réalité, c'est que l'immigration hypothèque toute perspective de développement de Mayotte. La réalité, c'est que la lutte contre l'immigration clandestine est une demande unanime des élus mahorais. Il s'agit d'une priorité absolue.

Le projet de loi comporte, à cet égard, plusieurs mesures qui vont dans le bon sens, même si aucune d'entre elles, prise isolément, ne suffirait à répondre à la question migratoire à Mayotte ; d'ailleurs, aucune loi, à elle seule, ne le permettrait. Ces dispositions devront être conjuguées à une volonté politique forte, à une action diplomatique ferme à l'égard des pays voisins et au renforcement des moyens de l'État, notamment en matière d'interception des embarcations en mer.

La commission des lois a ainsi approuvé l'article 2, qui restreint les conditions de délivrance des titres de séjour Parent d'enfant français et Liens personnels et familiaux, lesquels représentent plus de 80 % des titres délivrés en 2024 et sont très majoritairement attribués à des étrangers en situation irrégulière. La commission a adopté deux amendements visant à renforcer encore ce dispositif.

L'article 7 vise à permettre, au-delà du 1er janvier 2027, la rétention d'un étranger accompagné d'un mineur à Mayotte dans des unités familiales indépendantes et pour quarante-huit heures au plus. La commission a prévu que cette mesure pouvait être prolongée de vingt-quatre heures supplémentaires lorsque des circonstances extérieures font obstacle à l'éloignement.

Conformément à la demande des élus mahorais, la commission a également supprimé le caractère temporaire de l'article 8. Ce dernier permet le retrait du titre de séjour d'un étranger lorsque le comportement de son enfant constitue une menace pour l'ordre public.

Elle a enfin approuvé l'article 9, qui a pour objet de subordonner à la vérification préalable de la régularité du séjour du client les opérations de transmission de fonds à partir d'un versement d'espèces. La commission a, en outre, créé un délit spécifique, afin de prévenir et de réprimer tout contournement par le recours à des hommes de paille.

Le projet de loi comporte également plusieurs mesures visant à contrer le phénomène croissant des reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité à Mayotte.

La commission n'a en revanche pas estimé opportun de remettre en cause le visa territorialisé, dans la mesure où celui-ci est une revendication forte des élus et de la population mahoraise. Ainsi, les conditions de sa suppression ne sont pas, de notre point de vue, réunies aujourd'hui. Un tel retrait risquerait de se traduire par une augmentation des flux migratoires à destination de Mayotte, alors que l'immigration en provenance d'Afrique continentale est en forte hausse.

Il ne s'agit cependant pas d'un refus définitif : l'article 2 bis, introduit par la commission, prévoit en effet un bilan exhaustif des mesures dérogatoires en matière d'immigration et de nationalité à Mayotte, dont fait partie le visa territorialisé, dans trois ans.

La démarche proposée est claire : donnons-nous trois années pour appliquer pleinement les mesures prises dans le domaine migratoire pour tarir les flux, puis faisons le point, en toute transparence, sur la situation, afin d'examiner si elle permet, ou non, de mettre fin aux mesures dérogatoires. Mais n'envoyons pas aujourd'hui des messages contradictoires en laissant penser aux candidats au départ qu'une arrivée à Mayotte ouvre une perspective d'installation, à terme, à La Réunion ou en métropole.

Je souhaiterais, enfin, évoquer une autre disposition qui est sujette à controverse, parce qu'elle est mal comprise. Il s'agit de l'article 19, qui vise à accélérer les expropriations pour cause d'utilité publique en permettant la prise de possession anticipée de certains terrains.

L'objectif est non pas de déroger aux règles qui gouvernent l'expropriation, notamment dans la détermination des terrains concernés, mais seulement de permettre la réalisation des équipements dont Mayotte a besoin avant le versement définitif de l'indemnité. Sans cette mesure, il faudrait attendre la décision du juge de l'expropriation fixant l'indemnité pour mobiliser les terrains en cause.

Or il y a urgence à obtenir des résultats rapides : des infrastructures indispensables au développement doivent être rapidement mises en chantier.

Donner à l'État les moyens d'agir, et d'agir vite : tel est le sens de ce projet de loi et des amendements adoptés par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)