M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à examiner un texte de programmation qui ne vise à rien de moins qu’à refonder Mayotte.

Le mot n’est pas trop fort, car ce territoire connaît une crise totale : une crise migratoire, cela a été rappelé, mais aussi une crise sociale, sécuritaire et institutionnelle, qui menace chaque jour davantage son avenir républicain.

Mayotte est submergée. Elle est submergée par une immigration incontrôlée d’une ampleur inédite, qui pèse lourdement sur les services publics, son système scolaire, son hôpital, son tissu social. Elle est submergée par la violence, l’économie informelle et l’habitat insalubre. S’y est ajoutée la catastrophe naturelle provoquée par le cyclone Chido, qui a révélé l’extrême vulnérabilité de l’archipel.

Ce projet de loi a le mérite d’apporter une réponse globale à cette situation dramatique ; il faut le saluer. Il touche à la fois à la sécurité, au droit des étrangers, au logement, à l’offre de soins, à l’éducation, aux infrastructures et au fonctionnement même de la collectivité territoriale.

Nous le disons avec clarté, il faut aller vite et fort. Surtout, il faut aller jusqu’au bout, car ce qui se joue ici n’est pas seulement le destin de Mayotte. C’est aussi l’autorité de la République. En effet, une république qui ne protège pas ses enfants, notamment les plus éloignés, qui ne maîtrise pas ses frontières et qui laisse prospérer l’inégalité est une république qui abdique.

Force est de le constater, la situation sécuritaire à Mayotte est explosive. Rarement un département français n’a connu, en temps de paix, une telle intensité de violences urbaines. Caillassages, affrontements entre bandes, attaques contre les forces de l’ordre, pillages : le climat est parfois presque insurrectionnel.

Nos policiers et gendarmes sont au front. La population mahoraise réclame leur protection, car elle semble livrée à elle-même. Elle demande surtout des actes. C’est pourquoi nous saluons la création d’un régime spécifique, encadré et efficace, de visites domiciliaires pour la recherche d’armes.

De même, le pouvoir donné au préfet d’ordonner la remise d’armes en cas de menace grave à l’ordre public est une mesure forte, attendue et nécessaire.

La sécurité ne peut être assurée sans une politique ferme, lucide et cohérente de lutte contre l’immigration clandestine. Le projet de loi comporte à ce sujet des avancées notables : conditionnement de la délivrance des titres de séjour à une entrée régulière, durcissement contre la reconnaissance frauduleuse de paternité, encadrement des aides au retour, retrait des titres de séjour pour les parents défaillants ou encore obligation de vérification du séjour pour les transferts de fonds. Ce sont autant de dispositifs que notre groupe appelle de ses vœux depuis un certain nombre d’années.

Cependant, nous devons aller plus loin. Mayotte ne peut pas devenir le réceptacle d’une pression migratoire inédite sans que la République en tire toutes les conséquences. Nous devons impérativement renforcer nos moyens de contrôle aux frontières, accélérer les reconduites et rétablir un lien clair entre la présence régulière et le droit au séjour.

La République ne peut pas être naïve. À Mayotte comme ailleurs, le respect du droit suppose d’abord et avant tout la fermeté.

Par ailleurs, nous approuvons l’accent mis sur la résorption de l’habitat informel et la sécurisation des quartiers, l’instauration de zones de rétention adaptées pour les familles, les nouveaux pouvoirs donnés aux forces de l’ordre pour les bidonvilles et les dérogations aux règles d’expropriation pour accélérer la reconstruction. Voilà des réponses concrètes, ciblées et efficaces.

Il faut adjoindre à ces mesures de sécurité indispensables une véritable ambition de développement, qui passe par la convergence sociale, promise d’ici à 2031, la relance de l’activité économique, grâce à la zone franche, l’amélioration de l’accès aux soins et la revalorisation des métiers de la fonction publique pour fidéliser les talents.

Il est également essentiel de mener une réforme institutionnelle claire et cohérente, qui permette à Mayotte d’assumer pleinement son statut de département-région.

Le groupe Les Républicains restera vigilant sur un point : il faut que cette programmation ne reste pas qu’une suite d’intentions. Nous voulons des moyens, des résultats et un calendrier rigoureux de mise en œuvre ; nous voulons que les Mahorais, qui sont des citoyens français à part entière, voient enfin la République tenir parole.

Mayotte est aujourd’hui en première ligne de tous les défis qui menacent notre cohésion sociale : immigration incontrôlée, insécurité, inégalité territoriale. C’est une ligne de front, mais c’est aussi un espoir, celui que la République, quand elle s’en donne les moyens, peut encore redresser, reconstruire, refonder.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, tout en restant exigeant, vigilant et déterminé dans le cadre des discussions qui vont suivre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte s’inscrit dans la continuité des engagements pris après le passage du cyclone Chido. Il en constitue le prolongement indispensable et marque un véritable point de départ, non plus pour répondre à l’urgence, mais pour engager durablement la reconstruction de Mayotte.

Certaines réponses attendues sont désormais actées – je m’en félicite –, mais d’autres doivent impérativement suivre, car un texte de programmation, par définition, engage l’avenir. Il nécessite également une vision de terrain, accompagnée d’un calendrier lisible.

Je salue ici le travail des rapporteurs, qui ont renforcé le texte avec des garde-fous et des dispositifs de suivi et de contrôle. Ils garantissent que les engagements de l’État ne restent pas lettre morte et qu’ils ne soient pas dilués lors de leur réalisation dans le temps.

C’est une exigence de bon sens, mais aussi de respect pour un territoire qui réclame un changement structurel. Quand on parle de programmation, on parle d’engagement et, surtout, de constance.

Dans le même esprit, je suis convaincue qu’un échéancier pourrait utilement s’appliquer au chantier de la convergence sociale, pour en garantir la progressivité, la lisibilité et la crédibilité. En effet, les attentes sont grandes, en particulier au sein du monde économique, frappé de plein fouet par le cyclone Chido et souffrant de difficultés ancrées dans le temps.

La création d’une zone franche globale représente une avancée que je soutiens, mais elle devra s’accompagner de dispositifs complémentaires, pour ne pas créer un écueil entre convergence sociale et attractivité économique.

Cette zone franche exonère les entreprises de l’impôt sur les bénéfices. Soit, mais compte tenu de la conjoncture, combien de chefs d’entreprise mahorais peuvent raisonnablement espérer des gains ? Nous devrions plutôt nous poser cette question : comment permettre aux entreprises d’embaucher, tout en renforçant l’attractivité ?

Dans cette perspective, j’ai déposé des amendements visant à permettre aux employeurs mahorais de bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Nous pourrons ainsi soutenir les entreprises, tout en accompagnant la hausse des coûts liés à la convergence sociale.

D’autres mesures plus sensibles sont tout aussi essentielles, comme l’abrogation du titre de séjour territorialisé, spécifique à Mayotte. Ce dispositif enferme les étrangers en situation régulière dans l’île, contrevient au principe d’égalité devant la loi et transforme Mayotte en enclave migratoire. Ce n’est plus viable.

Aujourd’hui, dans l’attente de la reconstruction, ce sont les Mahorais eux-mêmes qui quittent Mayotte, vers La Réunion ou l’Hexagone, pendant qu’une population assignée à résidence y reste, sans perspectives, dans un territoire déjà saturé. C’est un système perdant-perdant. Je vous invite, chers collègues, à écouter ce que demandent les Mahorais, à entendre leur fatigue et l’injustice ressentie.

Tenez compte de leurs inquiétudes concernant l’article 19, qui autoriserait des expropriations immédiates selon une procédure d’urgence. Bien qu’il soit issu du droit commun, ce dispositif est inapplicable à Mayotte, faute de cadastre et d’identification foncière préalable. Il suscite des craintes légitimes chez les Mahorais, qui n’y voient pas les signes d’une reconstruction apaisée.

Après avoir souligné ces points de vigilance, je souhaiterais évoquer le volet institutionnel et son versant organique.

L’objectif d’un nouveau découpage électoral pour la collectivité de Mayotte vise à garantir une meilleure représentativité. Cette réforme, une fois aboutie, contribuera à une expression plus juste des voix de tous les Mahorais vers une organisation territoriale plus efficace.

Tel est l’objectif vers lequel doit tendre Mayotte. Cette dernière demande non pas un traitement d’exception, mais un traitement équitable. C’est un engagement auquel je suis profondément attachée. Il fait écho à la mission gouvernementale qui m’a été confiée aux côtés du général Facon, avec qui je mène un travail collaboratif et constructif.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte peut représenter un tournant, à condition qu’il continue de s’enrichir au fil des débats que nous aurons ensemble.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI soutiendra ce texte, tout en restant attentif aux engagements pris et, surtout, à leur mise en œuvre rapide et efficace sur le terrain. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains. – M. Saïd Omar Oili applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’acte III de la refondation de Mayotte est arrivé. Le Gouvernement présente un texte pour tenter de relever l’archipel de Mayotte, son économie et sa société, après des années de difficultés et le passage de deux cyclones.

Rappelons tout d’abord quelques chiffres. Mayotte est le département le plus pauvre de France, avec un PIB trois fois inférieur à la moyenne nationale. Aujourd’hui, 77 % de ses habitants vivent sous seuil de pauvreté et le taux de chômage s’y élève à 37 %. Sa population est jeune : la moitié a moins de 20 ans.

En plus de ces statistiques, Mayotte fait face à plusieurs problèmes d’ampleur. Premièrement, depuis 2023, l’archipel affronte une pénurie d’eau importante, qui a entraîné des restrictions et des coupures inacceptables pour un pays comme le nôtre.

De plus, Mayotte est, nous le savons tous, une destination de choix pour beaucoup d’immigrés comoriens, mais aussi pour de nombreuses personnes en provenance d’Afrique de l’Est et de la région des Grands Lacs.

Indépendamment de leurs motivations, ces immigrés, en grand nombre à Mayotte, sont avant tout des êtres humains qui cherchent une vie meilleure pour eux et leurs enfants. Pour autant, on ne peut nier que cette immigration a un impact fort sur la société mahoraise, en particulier pour l’accès aux services publics.

Mayotte est déjà un département à part, qui connaît de nombreuses exceptions en matière d’immigration. Ainsi, les titres de séjour délivrés ne sont valables qu’à Mayotte : ils ne permettent pas de rejoindre le territoire hexagonal ou un autre territoire ultramarin.

Le projet de loi que nous allons examiner tout au long de la semaine propose de durcir davantage le droit des étrangers.

Tout d’abord, l’article 2 renforce les conditions de délivrance des titres de séjour. Il instaure une condition d’entrée régulière sur le territoire pour les titres liés à l’immigration familiale et prolonge la durée de résidence habituelle ininterrompue pour l’obtention de certaines cartes de séjour. Ces dispositions vont forcément diminuer considérablement les titres de séjour délivrés.

Que ces résidents irréguliers repartent volontairement ou non dans leur pays d’origine, le plus souvent les Comores, une question demeure. Certes, moins d’immigrés obtiendront des titres de séjour, mais qu’est-ce qui va les empêcher de revenir ou d’entrer de nouveau sur le territoire mahorais ?

Certains Comoriens, expulsés parfois à de multiples reprises, se risquent encore et toujours à traverser le bras de mer qui sépare Anjouan de Mayotte, souvent dans des conditions dangereuses et en la compagnie d’enfants. J’aimerais que notre assemblée s’interroge sur les causes qui poussent ces gens à risquer leur vie plusieurs fois pour rejoindre la France.

Comme l’a affirmé le ministre lui-même devant la commission des lois, la semaine dernière, la question du dialogue et du développement des Comores doit désormais être mise sur la table. Je rappelle que, cette année, la France a amputé de 45 % son budget consacré à l’aide publique au développement (APD), un levier pourtant indispensable pour des pays comme les Comores ou Madagascar.

En outre, à Mayotte, 75 % de la population de plus de 15 ans n’a pas de diplôme qualifiant. Pourtant, le présent texte ne traite que trop peu du développement.

J’en viens à l’article 7, qui s’apprête à confirmer la possibilité de placer en rétention des étrangers accompagnés d’enfants mineurs à Mayotte.

Après une dizaine de condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration avait posé un principe clair : ces mineurs ne peuvent faire l’objet d’une décision de placement en rétention.

Certes, l’article 7 prévoit un enfermement qui aura lieu non pas au sein des centres de rétention administrative (CRA), mais dans des unités familiales. Il s’agit de bâtiments séparés qui feront l’objet d’une surveillance moindre. Le placement ne pourra excéder quarante-huit heures, mais un tel dispositif est-il bien compatible avec l’intérêt supérieur de l’enfant ? Permettez-nous d’en douter.

L’article 8 pose également question. Il permet de retirer le titre de séjour de parents du fait d’une potentielle menace pour l’ordre public constituée par le comportement de leur enfant. Cette réponse – une sanction visant à responsabiliser les parents – ne devrait-elle pas plutôt être préventive, éducative et sociale ? Ajoutons d’ailleurs que la notion de menace pour l’ordre public reste particulièrement floue.

En dehors du droit des étrangers, certaines mesures nous paraissent évidemment nécessaires, comme la modernisation des institutions mahoraises et la transformation de la collectivité en un département-région.

De même, notre groupe est favorable au rapprochement avec le droit commun des règles relatives au Smic et à certaines allocations sociales et familiales.

Toutefois, nous regrettons l’horizon qui a été retenu pour la convergence sociale, à savoir 2031. Plus largement, je ne puis m’empêcher de constater que ce projet de loi présente certaines contradictions.

D’un côté, son objectif évident, que l’on ne peut que partager et qui est, de fait, très attendu par les Mahorais, est de rapprocher Mayotte de la République par des mesures concrètes d’harmonisation. Les investissements de 3,2 milliards d’euros a minima répondent à une nécessité, et nous espérons que la feuille de route sera respectée.

De l’autre, ce texte approfondit, en matière de droit des étrangers, les exceptions et les dérogations élaborées pour ce territoire, alors que notre République est, malgré la possibilité d’adaptations législatives, indivisible avant tout, contribuant ainsi à marquer la différence entre l’Hexagone et Mayotte.

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen souhaite voter pour ce projet de loi ; le vote final sera néanmoins conditionné à l’évolution du texte et à nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui.

Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, après la Polynésie française la semaine dernière et Wallis et Futuna en début d’après-midi, nous voilà à Mayotte. Monsieur le ministre d’État, courage ! (Sourires.)

Je remercie les quelques collègues qui siègent aujourd’hui, alors qu’il est question de nos collectivités d’outre-mer.

Mes chers collègues, nous entamons l’examen du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, mais il aura fallu attendre pour cela le cyclone Chido, qui a ravagé l’archipel le 14 décembre 2024 et, dans une moindre mesure, la tempête tropicale Dikeledi, qui a frappé l’île un mois plus tard, le 12 janvier 2025, marquant tout autant les esprits et les corps. Les Mahorais ont été profondément affectés dans leur vie quotidienne. L’économie de l’île, déjà fragile, a été considérablement affaiblie.

Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui présente une programmation pour la refondation de Mayotte, soit l’une des composantes du plan Mayotte debout présenté par le Gouvernement en décembre 2024, après le passage du cyclone.

Le texte comporte trente-quatre articles assortis d’un rapport annexé présentant les engagements ambitieux de l’État pour la période 2025-2031, dont un programme d’investissement prioritaire à hauteur de 3,2 milliards d’euros. Il contient des propositions ambitieuses et attendues.

Son premier volet concerne l’immigration irrégulière et les reconnaissances frauduleuses de paternité. Les propositions que vous formulez, monsieur le ministre d’État, sont attendues localement par nos compatriotes, et je salue le travail complémentaire effectué par nos deux collègues rapporteurs, Agnès Canayer et Olivier Bitz.

Mayotte subit en effet une pression démographique très forte : l’Insee estime que sa population atteindrait 321 000 personnes au 1er janvier 2024, mais ce chiffre est très en deçà de la réalité, d’après les nombreux élus auditionnés. Une moitié environ de la population mahoraise serait étrangère et un quart en situation irrégulière. Il convient donc d’agir pour endiguer cette explosion de la population, qui crée une forte pression sur les services publics et débouche sur un chômage massif.

Ces chiffres ont déjà été avancés, mais je tiens à rappeler que les trois quarts des plus de 10 000 naissances recensées à Mayotte en 2022 étaient le fait de mères de nationalité étrangère. Si nous n’agissons pas sur les flux migratoires, la population de Mayotte atteindra 760 000 habitants en 2050 ; elle serait en revanche limitée à 530 000 habitants si l’immigration était arrêtée.

Je tiens ici à soutenir la proposition du Gouvernement et des rapporteurs sur le titre territorialisé, créé par le gouvernement d’Édouard Balladur et spécifique au territoire de Mayotte. Nous en avons déjà débattu en commission la semaine dernière. Je considère qu’il faut maintenir le dispositif en vigueur et ne pas le remettre en cause.

En matière de migration, un autre sujet s’impose : le poids prépondérant de l’immigration familiale. Aujourd’hui, les titres de séjour au titre des liens personnels familiaux ou destinés aux parents d’enfants français représentent plus de 80 % des titres délivrés en 2024. Ils sont très majoritairement destinés à des étrangers en situation irrégulière : 93 % pour les premiers et 84 % pour les seconds.

Les mesures de durcissement proposées par le Gouvernement permettront de réguler davantage leur délivrance en la subordonnant à une entrée régulière sur le territoire et en portant de trois à cinq ans la condition de résidence régulière et continue pour la délivrance de la carte de résident destinée aux parents d’enfants français. Ces mesures vont dans le bon sens, et nous les soutenons. L’attente est grande sur l’île, et la refondation de Mayotte passe également par leur mise en place.

Concernant l’article 3, la centralisation des actes de reconnaissance de paternité et de maternité à Mamoudzou permettra, à mon sens, de mieux détecter les reconnaissances frauduleuses, bien trop nombreuses. Le durcissement des peines en cas de fraude constitue aussi une avancée, même si les fraudeurs ne seront sans doute pas systématiquement solvables.

L’article 8 rend possible le retrait du titre de séjour d’un étranger lorsque le comportement de son enfant constitue une menace pour l’ordre public. Cela permettra une plus grande responsabilisation des autorités parentales.

L’autre difficulté majeure à laquelle est confrontée Mayotte est l’habitat informel. En la matière, les chiffres sont alarmants : trois quarts des logements étaient déclarés insalubres avant le passage du cyclone.

La population vit dans des conditions extrêmement précaires en termes de santé et de salubrité, mais aussi d’exposition aux risques naturels. Les constructions sont trop souvent dénuées de fondations et bâties sur des terrains non constructibles soumis à des risques naturels. Cet habitat informel avait été massivement détruit par le cyclone Chido, mais il a été reconstruit depuis lors dans sa quasi-totalité.

Nous ne devons pas réitérer les mêmes erreurs. Le déficit structurel du parc d’hébergement rend matériellement impossible pour le préfet de proposer un hébergement ou un relogement aux personnes à évacuer : le taux d’occupation atteint 130 %.

L’article 10 du projet de loi vise à faciliter les opérations de résorption de l’habitat informel à Mayotte en réduisant le délai d’exécution volontaire de l’ordre d’évacuation des bidonvilles d’un mois à quinze jours. Les efforts en faveur de la construction de logements, freinés par les poches d’habitat informel, doivent être intensifiés. Je rappelle que l’objectif de construire 24 000 logements en dix ans ne pourra être atteint sans lever les freins à la construction.

Tels étaient, mes chers collègues, les points saillants de ce projet de loi sur lesquels je souhaitais revenir lors de cette discussion générale.

Monsieur le ministre d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera bien sûr ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ces projets de loi visant à refonder Mayotte ont l’ambition de porter des mesures structurelles de long terme, à même de garantir le développement du territoire. De telles mesures se font attendre depuis trop longtemps dans un département qui souffre du sous-investissement de l’État dans tous les domaines.

À Mayotte, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, une proportion cinq fois plus élevée qu’en Hexagone.

Pourtant, ce texte traduit aussi très explicitement la première inquiétude du Gouvernement quand il s’agit de Mayotte, et il ne s’agit ni de la pauvreté ni de l’injustice sociale. Aveuglé par la question migratoire et emporté dans une croisade contre l’immigration, le Gouvernement s’attache, dans les titres Ier et II, à faire de Mayotte une terre où l’on piétine les droits de l’homme, une terre d’oppression pour les enfants selon leur origine ou leur parenté. Améliorer la vie des Mahorais demeure un objectif secondaire.

En réalité, il est illusoire de penser que retirer des droits aux uns augmenterait mécaniquement ceux des autres. Ces premiers articles sont particulièrement dangereux. J’ai notamment à l’esprit la création d’unités familiales qui permettront d’enfermer les enfants, ainsi que le retrait des titres de séjour des parents lorsque leur enfant constituerait une menace pour l’ordre public.

Nous déplorons que vous mettiez toujours plus l’accent sur le répressif, au détriment de l’éducatif, alors que le département de Mayotte souffre de carences systémiques dans les dispositifs de protection de l’enfance.

Aucune de vos mesures restreignant le droit du sol n’a endigué les flux migratoires ni amélioré la situation de l’île. Leur seul résultat est de maintenir les étrangers à Mayotte dans une situation d’insécurité juridique et de précarité administrative permanente, freinant leur intégration, pesant sur le développement de l’île et nourrissant la haine de l’autre.

Ce maintien artificiel dans l’irrégularité, couplé à la complexité administrative, freine considérablement l’accès aux soins, dans un département où le taux d’affiliation est très faible. Les ruptures de prise en charge sont fréquentes dans l’attente du renouvellement d’un titre de séjour, y compris pour des personnes parfaitement intégrées.

Cette situation contraint trop souvent les associations à pallier les manques de l’État et à prendre son relais pour aider les personnes exclues du système de santé. La forte prévalence des maladies infectieuses à Mayotte nécessite pourtant un accès aux soins universel pour éviter la propagation des épidémies, pour la santé publique et celle de toute la population.

Nous saluons néanmoins la création d’une région de Mayotte, revendication que mon groupe porte de longue date, ainsi que le zonage de l’intégralité du département en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) et les objectifs de convergence sociale. Cette démarche était plus qu’attendue dans un département où le Smic horaire brut est abaissé à 8,90 euros, contre 11,88 euros au niveau national, et où le revenu de solidarité active (RSA) demeure inférieur de 50 % à celui qui est en vigueur dans le reste de la France.

La convergence est bien un chemin vers l’égalité ; nous la souhaitons la plus rapide possible. L’objectif d’une égalité réelle en 2031, et pas un jour plus tard, est fixé, nous entendons que vous ne reculiez pas.

Je regrette cependant le manque d’ambition de ce texte pour nos jeunes. Il faut investir immédiatement et massivement dans l’éducation, dans un département où un habitant sur deux a moins de vingt ans. Nous partageons l’ambition de mettre fin à la rotation scolaire, mais le délai avancé de 2031 n’est pas en phase avec l’urgence de la situation.

L’insertion professionnelle des jeunes doit également constituer une priorité. L’insuffisance de la formation ne permet pas de répondre à toutes les ambitions sur ce territoire.

Enfin, la territorialisation des titres de séjour bloque les jeunes à Mayotte, où ils se trouvent piégés, sans solution pour étudier ou pour se former. Monsieur le ministre, si ce projet de loi a été élaboré en concertation avec les élus locaux, comme vous le dites, pourquoi ne pas répondre à leur demande largement partagée de mettre fin à ce dispositif ?

En définitive, la situation de Mayotte appelait une écoute encore plus attentive des acteurs de terrain et des mesures encore plus ambitieuses. Le rattrapage ne saurait se faire à moitié ; les moyens devront être au rendez-vous.

Nous sommes donc mitigés face à ce projet de loi dangereux pour les plus vulnérables et encore trop timide sur les progrès sociaux. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky s’abstiendra donc. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, après une première loi d’urgence adoptée en février dernier pour faire face aux conséquences du cyclone Chido, nous examinons aujourd’hui deux projets de loi, l’un comportant des mesures structurelles pour la refondation de Mayotte, l’autre relatif au département-région de Mayotte.

Nous ne pouvons que saluer votre objectif louable, monsieur le ministre d’État : corriger durablement les difficultés du territoire. En effet, cela fait bien longtemps que le département de Mayotte connaît une accumulation de crises, et le cyclone n’a fait qu’exacerber les manques et les difficultés.

Certes, le territoire est confronté à une très forte pression migratoire, mais c’est un système entier qu’il est urgent de revoir. L’appareil éducatif est dépassé, l’accès à l’eau potable n’est pas assuré, les logements manquent et sont particulièrement précaires, le taux de chômage est très élevé en raison d’un manque criant d’emplois.

Nous avons tous été choqués par les propos du Président de la République lors de son déplacement après le cyclone en décembre dernier : « Si ce n’était pas la France, vous seriez dix mille fois plus dans la merde. » Il a ainsi insulté les Mahorais, alors qu’on leur distribuait des boîtes de sardines pour leur permettre de survivre.

Oui, Mayotte c’est la France, mais, avant tout, ce sont des hommes, des femmes et des enfants qui font pleinement partie de notre République. Or, depuis de nombreuses années, celle-ci n’est pas à la hauteur à Mayotte.

Monsieur le ministre d’État, nous savons bien que vous ne pourrez pas régler des problèmes aussi profonds en un coup de baguette magique et en quelques mois, mais nous vous demandons de ne pas faire de la lutte contre l’immigration l’alpha et l’oméga d’une reconstruction qui mérite bien plus de hauteur et bien moins de caricatures.

À Mayotte, Comoriens et Mahorais se côtoient et vivent ensemble depuis toujours. Il est inutile et dangereux de chercher à les dresser les uns contre les autres.

Nous considérons que ce n’est pas agir pour la refondation de Mayotte que de durcir les conditions d’accès au séjour pour les parents d’enfants nés à Mayotte en les maintenant ainsi dans une situation d’irrégularité manifeste, donc de précarité, qui toucherait la famille tout entière.

Nous considérons également que ce n’est pas agir pour la refondation de Mayotte que d’autoriser l’enfermement des enfants dans des unités familiales qui ne sont en réalité que des centres de rétention administrative (CRA) déguisés, des lieux de privation de liberté. Alors que nous avons voté en 2023 la fin de la rétention des mineurs étrangers, vous entendez en réalité les prolonger. Nous condamnons fermement ce reniement du Gouvernement.

Nous ne voyons pas bien non plus en quoi expulser les habitants de leur logement, même informel, sans aucune obligation de relogement, aidera à la refondation de l’île.

À Mayotte, la moitié de la population a moins de 20 ans, et ce n’est pas en précarisant et en maltraitant la jeunesse de l’île que nous aiderons à la reconstruction.

Toutes les mesures qui visent à accompagner la jeunesse pour la mobilité et les activités périscolaires, à assurer une convergence des droits sociaux avec l’Hexagone ou encore à moderniser le fonctionnement institutionnel de Mayotte vont dans le bon sens, et le groupe socialiste les soutiendra.

En revanche, et nous le disons depuis de nombreuses années maintenant, une demande unanime émanant du territoire mahorais n’est pas prise en compte par ce texte, bien qu’elle soit nécessaire : la fin des visas territorialisés.

Ces titres de séjour d’exception accentuent la pression sur l’île de Mayotte, laquelle n’est plus capable de gérer à elle seule un tel défi migratoire. Cette situation entraîne la prolifération des bidonvilles, la saturation des services publics, de la santé, de l’éducation nationale, des réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement ou encore la dégradation accélérée de l’environnement et du lagon.

Il est totalement irrationnel de ne pas revenir sur ces visas. Les titres de séjour délivrés à Mayotte doivent permettre l’accès à l’ensemble du territoire national. Aussi, nous proposerons une nouvelle fois une telle évolution.

Le groupe SER sera à la hauteur du débat pour reconstruire durablement l’île de Mayotte, mais pas à n’importe quel prix, et surtout pas en cédant à des obsessions migratoires et en votant contre l’intérêt de sa jeunesse. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.